Professional Documents
Culture Documents
Schirmer Henri. La France et les voies de pénétration au Soudan. In: Annales de Géographie, t. 1, n°1, 1892. pp. 9-32;
doi : https://doi.org/10.3406/geo.1892.18046
https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1892_num_1_1_18046
II
\. 11 en existe nrto traduction (par Paul Ithicr, Paris, 18C>1, 4 vol. S"), mais cotte,
relation mutilée, dépouillée de tout ce que l'original a de précis ut do scii-ntifiquc, n'a.
mémo pas le mérite d'être correcte.
û. Sahara et Soudan, traduct., Paris, 18S6, 8".
3. Timbouctou, Iraduct., Paris, Wfi, 2 vol. 8».
LES VOIES DE PÉNÉTRATION AU SOUDAN. 13
« cette mine intérieure, dont les affleurements, visibles à l\e.il nu, nous
démontrent l'inépuisable richesse... ».
En général, on semblait croire que le Transsaharien «'tant assuré de
trouver partout la пк'мпс richesse, peu importait le pointou il aboutirait,
et, comme la région soudanaise la plus rapprochée de l'Algérie ('tait le
coude, du Niirer, on admettait volontiers que ce point serait Thnbouetoii.
Hâtons-nous de dire que des personnes compétentes signalaient dès
alors le Ilaoussa et le lîornou comme plus riches que la boucle du
Niiïor.
dependant le Tra nssaharien entrait dans la phase des études officielles.
M. Pouyanne, ingénieur en chef îles mines, fut chargé d'étudier le tracé
d'Oran au Touàt; la mission Choisy eut à comparer ceux de Lairhouat-
El-fîoléa etde Hiskra-( )imriila : la mission Flatters devait iragner
directement le Ilourirar et prendre ensuite le chemin qui lui paraîtrait le plus
facile pour iraiîner Je Soudan. Les résultats obtenus furent très différents.
M. Pouyanne. menacé' iI'iuk! razzia tie tribus marocaines, ne dépassa pas
Tioul, à la limite des Hauts-Plateaux. La mission (ihoisy avait rempli
son programme, et rapportait la conviction que les deux tracés étaient
faisables, mais que. la lízne Hiskra-Ouarzla était préférable à tous
égards. La mission blatters n'avait pas atteint sou but. Cherchant les
Tona rez qui faisaient le vide devant elle, elle avait dévié vers Iihat.
s'était laissée arrêter au lac. Meukhouzli jiar des népteiatious illusoires,
et avait dû revenir à Lazhouat, après que ses hôtes faméliques lui
eurent dévoré toutes se> ftrovisions '. Iille n'en rapportait pas moins (■!'<
résultats considérables : 1° la possibilité de traverser les dunes de. l'Erii
par le gassi de Mokhanza, vaste trouée de *iO à 1(K> kilomètres de larze,
qui s'étend sur 200 kilomètres au travers des urandes dunes 3 ; 2° un
avant-projet détaillé de chemin de fer, >ur (>H kilomètres au sud
d'Ouarirla, avec des pentes de 0mm,(î."> en moyenne, et une dépense prévue
de 100 000 francs par kilomètre 3 : ;}" la [possibilité de, i>rolon,i:er la liizne
« dans les mêmes conditions, sur á00 kilomètres, jusqu'à la plaine
d'Ainadirhor * ». Du coup, le tracé IHskra-Ouarirla avait une forte avance.
La continuation de la mission Flatters fut décidée. On sait quel désa>tre
la termina, le Ш février 1881, au moment où elle allait laisser l'Aliairirar
derrière elle et rejoindre h Afcion l'itinérain1 de Haith. Le massacre, effet
dt1^ incroyables illusions qu'on nourrissait sur les sentiments des Ifoirtrar 6,
1. Documents relatifs aux deux missions Flatters, miiiisfère >Ь'> Travunx publics,
Paris, 1884, Í".
-2. Documents relaù., ct.r., Avanl-projet de M. Déringer, p. 228-2'J.
;>. Ibid., \). í31-:í:í.
4-. Ibid., p. -2-2Я.
о. Le mallicun-iiv coloacl Finîtes retirait риц de jouis auparavant : « L«si-nti-
ment qui paraît i''vi<lr.iumi:nt ilominur chez les Hotr^ar, c'i'^t qu'il serait impolitique
de nous lai.-stT chercher h; ciuMiiin par le pays des Azdja .. и {Documents, etc.,
Journal de roule, p. '.V.)~.)
14 ANNALES DE GÉOGRAPHIE.
et de l'organisation défectueuse de cette mission, trop forte pour ne pas
inquiéter les Touareg, trop faible pour ne. pas exciter leurs convoitises ',
in" prouvait rien ям [к îint de vue du Transsaharien. Bien plus, 1rs derniers
renseignements parvenus en France continuaient à. montrer le terrain
favorable à la construction du chemin de fer2. Du reste, si If.s opinions
d i lieraient au sujet du chemin de 1er, il ne devait y en avoir qu'une sur
la nécessité de venirer la mission. Il fallait châtier les Touareg. — le
général de Gallifet nous avait montré comment on mène une colonne au
désert. — occuper l'oasis d'In Salah. ce foyer de haine confre la France,
et quelques autres points stratégiques, et du coup, le Transsaharieri se
trouvait singulièrement facilité. .Mais pour cela il fallait de l'esprit de
suite, et noii.i l'avons dit. c'est ce qui manque dans notre politique
coloniale. On ne voulut pas rechercher les responsabilités, on aima
mieux faire le silence sur cetti; affaire. Le public, la première indignation
passée, s'occupa d'autre chose; le Transsaharien fut enterré-, et avec lui,
pour un temps, le prestige, de la France au désert.
Le Sénégal lui succéda dans la faveur publique. Sur l'initiative du
général Faidherbe et de l'amiral Jfturéguiberry, on avait également
décide- l'étude d'un tracé de chemin de fer du Sénégal au Niger. Cette
ligne avait sa raison d'être à côté- même du Transsaharien, puisqu'elle,
devait desservir une tout autre partie du Soudan. On sait l'histoire de
la mis-ion Gallieni et la conquête qui s'en e-t suivie. Le drapeau français
flotte sur le Niger, de Siguiri à Segou. et le pays entre Sénégal et Niger
est couvert «le nos forts. .Malheureusement l'organisation économique,
n'a pas marché de. pair avec la conquête, dependant les levés de. la
mission Derrien avaient démontré. l'absence de grands obstacles naturels
et en 1881 on votait les constructions d'une première section, de Médiue
à Bafoulabé. ("était un peu risqué. Comme les bateaux ne remontent le
fleuve jusqu'à Médine que pendant trois mois de l'année, on avait bien
des diflieultés à, y transporter un matériel qui venait de Dakar. D'autre
part, à supposer le chemin de fer lini, c'était faire aboutir les
marchandises du Niger à une impasse. Tôt ou tard, il fallait ou bien prolonger
le chemin de fer jusqu'à Malou, où le Sénégal est navigable toute l'armée,
ou mieux encore ■< relier directement Médine. à Dakar3 ». On voulait
évidemment courir au plus pressé, gagner avant tout le Niger. Cela
pouvait se défendre, à condition de compléter ensuite la ligne au plus
vite. On n'alla même pas au Niger. Les changements de personnel, la
cherté des envois, dont quelques-uns, faits inintelligemment au moment
de baisse des eaux, n'atteignirent [tas Médine, le gaspillage du matériel,
deux épidémies de lièvre jaune brochant sur le tout : tout cela absorba
la majeure partie des crédits; ;m bout de deux ans, il n'y avait que
U) kilomètres de laits. Le Parlement, qui avait voté >ucressi veinent
jusqu'à 20 millions, se fâcha; le 17 décembre. 188H, de nouveaux crédit*
furent refusés par la Chambre et ne furent rétablis par le Sénat que sur
une lettre pressante du général FaidherJie. Aujourd'hui, le chemin de
fer est enfin terminé jusqu'à Uafoulabé, soit un tronçon de 1П1
kilomètres; on a ajourné la construction du reste, c'est-à-dire des ir>(>
kilomètres fini séparent Uafoulabé du Niger. Là encore, on n'a pas su aboutir.
Pondant ce temps, <e passait sur le Niger un événement d'une bien
autre importance. Les Anglais, après avoir négligé le Niger depuis
l'expédition de Haikie ( I8;i(ii, avaient геепштегн.'е à le fréquenter
après 1870. Plusieurs maisons anglaises s'y étaient installées et la
concurrence les menait à la ruine, lorsqu'en 1871) un homme habile, les
fondit en une seule. Maîtresse du marché, l'IInited African do fit tomber
en MX. mois le prix de l'ivoire au cinquième de ce qu'il était avant '.
Mais cet age d'or ne dura pas longtemps. En 1880, deux compagnies
françaises, la Société" française de l'Afrique, équatoriale, fondée par le
comte de Semelle, et la Compagnie du Sénégal, remontaient à leur lour
le Niger, et la concurrence recommença, acharnée. La lutte, dura quatre
ans. Les chances se balançaient. Les Anglais avaient porté leur capital
de 10 à -a millions; malgré cela, nous avions lia comptoirs contre, \\\,
nos vapeurs étaient mieux construits, et nos soieries plaisaient
davantage3, domino toujours, h: gouvernement anglais soutenait éne
logiquement ses nationaux; il eût fallu encourager les nôtres. Le
gouvernement, qui dormait des millions au Sénégal, n'eut pas une, centaine de
mille francs pour le Niger. Eu 188-i, les compagnies françaises, lassées
d'une lutte inégale, se laissèrent acheter leurs comptoirs, domrmî l'ont
dit deux connaisseurs de choses africaines, « ci; fut un grand malheur3 ».
La compagnie, anglaise, ne perdit pas de temps.. Pour prévenir à jamais
le retour d'un semblable, péril, elle м> fit décerner en 188(J une charte
royale, lui donnant le droit d'administrer le pays, et dès le 18 octobre 1887
le gouvernement anglais notiliait officiellement >ou protectorat • Mir les
territoires possédés par la Compagnie du Niger ».
Le gouvernement allemand ne fut pas alors mieux: inspiré (pie
nous. Lui aus-i a laissé, échouer une tentative, intéressante. En 188Í,
un jeune voyageur, Edouard Flegel, qui avait remonté la Hénoué
avec, l'expédition dir vapeur anglais le Henri Venn, et qui était
allé, à Sokoto chercher la permission de visiter l'Adamaoua, était
revenu, enthousiasmé du lîénollé et des pays qu'il traverse. 11 sut
.
les Allemands n'ont su garder pour eux le Niger-Hénoué.
La France s'était lassée du Transsaharien, lassée du Sénégal,
désintéresser? du Niger: elle revient aujourd'hui au Transsaharien. Cette
résurrection -est due en grande partie aux efforts de M. Rolland,
ingénieur des mines et ancien membre de la mission Choisy. Par ses
plaidoyers passionnés, brochures, conferences, lettres aux journaux,
articles de revues, M. Rolland a secoué l'opinion publique et suscité de
nouvelles controverses.
Mais, avant de les examiner, constatons ce qu'il y a de changé. Après
dix ans, le problème se présente bien-différent de ce qu'il ('tait alors.
L'Algérie n'a pas cessé de se développer vers le sud: le chemin de fer
d'Oran à Aïn-Sefra traverse les hauts plateaux, celui de Constantine
touche le désert à Riskra: deux compagnies françaises exploitent l'Oued
Rirh. D'autre part, nous sommes en Tunisie, et nous avons ainsi de
nouveaux points de départ pour une voie traiiásaharienne. Voilà pour le nord.
Au sud, un événement de la [dus haute importance- vient de modifier
la question : nous voulons parler de la convention du .""> août ÎS'JO. Elle
mérite une étude détaillée, car ce n'est rien moins qu'un premier essai
de partage du Soudan.
IIÍ
LA COXVENTIÚX AXGLO-FIUNÇA.ISE.
1. Deux ji'imtis savants, MM. Staudinger И. Hartert, qui s'étaient joints à l'cxpé-
dition, s'en sont acquittés. M. Staudinger a publié sur les pays haoussa une etudo
très intéressante, que nous aurons souvent encore l'occasion do citer.
.
IV
1. Siml redillich inverbindlich (Note du 16 juill. 1888, Livre Blanc, n<>G8,p. 26).
1. Л. Le ChiHelier, Revue Scient., i>7 oct. 1883.
LES VOIES DE PÉNÉTRATION AU SOUDAN. 27
La situation est très simple. L'ancien programme, la revendication
île tout le Soudan, est abandonné: nous perdons Ions les pays haoussa,
c'est-à-dire [tins de la moitié de ce Soudan central qu'on désignait
encore, l'an dernier, comme, but principal à nos efforts1: les pays qu'on
nous donne, au nord de la liirnu Barroua-Saï, ne valent pas la peine que
nous nous dérangions pour les coloniser. Les réirions encore disponibles,
boucle du Niirer d'une part, pays du Tchad de l'autre, en valent-elles
la peine davantage:'
L'une d'elles, celle de Tiniboiirtoii et du coude du Niirer, a joui
jusqu'ici en France d'une faveur singulière. Nombre de public.ist.es en
ont — sans examen — vanté la richesse5: c'est pour elle, également
que M. Duponchel réserve ses [dus lyriques louantes3. MM. Philebert et
Rolland eux-mêmes, qui pourtant ne fâchent pas leurs préférences, ont
cru devoir faire une concession à l'opinion courante, et, devenus
éclectiques, font valoir pour leur transsaharien l'avantage de pouvoir faire
la fourche, et obliquer ainsi à volonté vers le coude du Niirer et vers le
lac Tchad4. Il faut une bonne fois en Unir avec celte légende de la
richesse du coude du Niirer, qui hante les meilleurs esprits avec la
ténacité des vieilles erreurs. Reportons-nous aux textes, puisque, aussi
bien lout ce qu'on dit en dehors d'eux n'est que paroles en l'air.
Un seul voyaireur, — il est vrai qu'il en vaut dix pour l'exactitude,
— a. décrit cette partie septentrionale de la boucle du Niirer : c'est
lîarth3. Il l'a traversée en biais, de Saï à Timbouctou, puis Га
contournée au nord, en suivant la rive iraurhe, du lleuve. (Ju'a-t-il vu dans
l'intérieur '! D'abord- un pays de collines (à l'ouest de Saï), peu boisé,
peu cultivé, au sol de « <rrès roupe imprégné de fer », et qui, en somme,
ne semble pas très fertile". Puis, un sol plus riche, où la sécheresse
avait toutefois fait manquer complètement la moisson". Plus loin, c'est
la province de Libtako, fonné<\ à part quelques pallies marécageuses
et boisées, de plateaux uniformes au sol sec et dur : des troupeaux de
irazelles, « roup d'u'il tout à fait nouveau, dit. Hnrth, pour moi qui
venais de traverser les parties les plus peuplées du Soudan R ».
parcourent ces [daines où l'on élève des chevaux : il s'agit ou le voit d'une
1. « Le pays était ondulé, assez semblable d'aspect aux dunes du Knnein, dont
nous avions d'ailleurs atteint la latitude», etc., etc. (Reisen, IV, p. 329, ',V.\l, :-!i>0-"o.)
•2. La France en Afrique et le Transsaharien, p. 15.
3. In das Ilerz der Wíiste versetzte {Reisen, t. V, p. 173-9). Barth y revient tout
le temps ; voir p. loi (Xackte YViistenscenerie) ; p. 1715 : le désert s'étendant jusqu'au
fleuve même, p. 178, etc. « II suflisait de tourner le dos au fleuve, pour que le
paysage prît un aspect semblable aux parties Ips plus sèches du désert. » (District
de Bourroimi, tome V, p. l'JO.)
i. Ibid., p. 16L
S. Ministère de la marine, La France dans l'Afrique occidentale, p. 199.
tí. Nous ne vîmes devant nous qu'une longue solitude... (t. IV, p. 255), la
solitude peu sûre qui sépare Torobé de Yegha... (Ibid., p. 208), etc.
7. Ibid., IV, p. 341.
8. Torobé « complètement délabrée et presque déserte » (Ibid., p. ибо); Sebba
« dans l'état le plus pitoyable » (p. 281). Voir encore cette description de Doré,
capitale du Libtnko : « Nous nous attendions à trouver une ville pleine d'activité.
Combien nous fumes désenchantés, quand nous ne vîmes devant nous que les
signes les plus évidents de la misère et île la ruine! Tout trahissait le plus grand
abandon. » (Ibid., p. 290.) « La province entière semblait tombée dans un état
voisin de la misère. » [Ibid , p. 302.)
LES VOIES DE PÉNÉTRATIOX AU SOUDAN. 29
awc mélancolie : « La vie nationale :i rosi' tout. le lonir «lu Mirer, les
■
hordes dévastatrices des Berbères et «les Penh] sont Mirvenue>... 1 »
Sdilo, entre Tombnuctuu et Sinilcr, deux petits villauo, llhenxo et
lïauiba, toujours tremblants devant 1rs Touareg, tonnent encore « un
petit loyer ili1 vie dans ce pays lais>é à l'abandon, et, retombé d'un
certain degré de civilisation à une barbarie presque complète3 ».
Nous avons laissé la parole à Barth : nous voilà fixés sur la valeur
réelle de ce coude duXiirer, où M. Dupoiichel, avec une puissance d'ima-
trination <pii étonne, persi>te à voir « Taxe (l'intensité commerciale » «lu
Soudan 3. La richesse n'est pas là, sur la lisière du désert: elle e>t au sud,
à la hauteur du Snkoto et du Hornou, sous ces latitudes favorisées par
des pluies plus abondantes, dans les pays parcourus par le capitaine
Binder, (l'est Fordu Houré, c'est la noix de Kola mandiniiue, ce sont les
colonnades et les cuirs du .Massina et du Séirou, qui alimentent — avec
]e> c-i'laves — ]e couimerce de Timbouctoii *: mais ces produits
échappent déjà à l'attraction «le la ville du désert. Les routes tout autrement
courtes du Sénégal et «le la côte de (iuinée ]e> attirent. Déjà (laillié гсшаг-
«piait «jue l'or prena.it le cbeiniu de la côte 3 ; au temps «le Harth, Tim-
boudou ne recevait [)lus que l'or du Bouré : celui des Mandingues allait
au golfe île (ruinée G; d'après Lenz, la gomme et la cire du Niger jiren-
nent déjà jilutot la route de Saint-Louis que celle du désert \ La décadence
de Timbouctou est certaine. Toute amélioration «les routes <le la cole a
un contre-coup sur son commerce: lorsque, le urénéral Faidherbea pacifié,
le Sénégal, le nombre des convois du désert a immédiatement 8 diminué.
Ce mouvement est fatal, car il a sa cause dans la nature: il n'attend
qu'une voie de sortie facile pour si> précipiter. L'intérêt de la France est
de le détourner vers ses colonies à elle, vers le Sénégal et (îrand-I'assam.
On ne peut juiicr encore la voie «lu Sénéiral sur le tratic de ce
malheureux tronçon «le chemin de fer, laissé en l'air entre les Rayes et Hal'ou-
l.ibé. (Ju'ouy son.ffe. bien, le voyaire ducapitaine Hiniier n'est <pie d'hier, <'t
nous n'avons pas encore fini de. briser le cercle desbostililésmusulmuncs,
«pii lions ont si longtemps isolés de l'intérieur de la boucle du Niirer.
Li; jour où la voie sera vraiment libre entre la «-«Me et l'intérieur, les
produits (b'iaisseront la route arlilicidle du nord, et le coude du Niifer,
laissé' à lui-même, ap[>arailra ce qu'il est réellement, à demi dépeuplé
et d'une fertilité médiocre, capable tout au plus de servir d'appoint au
1. Ibid., V, p. 221. Ailleurs, à Поипошп, ее sont les IVulh ipii ont détruit les
villages
H.' et rumicnu la populatiun. (V, p. 193.)
Ibid., V, p. 159.
'A. L'Afrique centrale et le Transsaharien, Montpclliejr 1 8 8 S , p. 7-S.
l. Barth, Ileisen, IV, p. 4!U, V, p. á7. — Lenz, Tinihoncton, trad., il, p. iji-S6.
o. Journal d'un voyage à Tumbouctou et d Djeimé, t. II, p. 330.
C>. Reiscu, V, p. 21.
7. Timbouctou, II, p. 168.
H. Duveyrier, Les Touareg du Nurd, Va vis, 18o3, 8", p. otíl).
30 ANNALES DE (JEOííRAPIIlE.
commerce du Sénégal. Assurément, le moyen Niger lui-même peut avoir
sa renaissance, niais il faudra h1 tirer du l'anarchie, et attendre de
longues années. En attendant, ce serait folie que de construire un chemin
defer primantes* pie de á (100 kilomètres, pour atteindre Tinibouctou, la
ville déchue, ou Bourrouin, en plein désert.
Passons aux pays du Tchad, Ceux-là sont vraiment riches. Barth se
rencontre à ce sujet avec Rohlfs et Nachligal. La grande plaine alluviale
qui s/étend au sud du lac, Mir environ 100 lieues de la rire, et sur une
longueur inconnue, mérite d'être comparée à l'Egypte. Elle peut
produire les grains, le sucre, l'indigo, le riz « en quantités énormes ' », et
lecoton, « d'une façon presque illimitée2 ». Dès aujourd'hui, les céréales 3,
:
l'indigo, le sésame, l'arachide, la canne à sucre, le coton sont cultivés l:
les chevaux, les bieufs, les ânes, les moutons du Hornou offrent des
ressources de hétail inépuisahles °. tandis (pie les marais du Tchad et du
lîaiihirmi recèlent encore de grandes quantités d'ivoire °. Lorsqu'on
ajoute ([u'il y a au Hornou une population très dense, à. demi civilisée,
lahorieuse, et qui est en même temps « une (\(1^ plus tolérantes de
l'Afrique» »: lorsqu'un lit ce jugement de Nachtigal : « II n'y a peut-être
pas de pays dans l'Afrique centrale où l'activité de l'homme, répondant
à la richesse du sol, nous donne l'image de plus de bien-être s », on ne
peut douter qu'il y ait là une de ces plaines destinées à servir de grenier
au inonde, une source de richesse pour la nation à qui elle appartiendra.
Il ne lient qu'à nous de mettre la main sur elle: mais si l'on s'y
déride, il faut se hâter. On parle beaucoup de Transsaharien en ce
moment : M. Philebertet Rolland, M. Ed. Blanc, et d'autres, nous montrent
notre prestige perdu par le massacre de la mission Flatters, le cercle des
haines musulmanes se resserrant autour de l'Algérie, « l'urgence et la
nécessité d'agir par l'Algérie, si nous tenons à faire quelque, chose d'utile
et de durable au Soudan ». Rien de. [dus vrai : nous ne nous ferons
respecter de ces musulmans du Soudan qu'à condition de nous eu faire
craindre, et le chemin de fer est hien, connue ligne stratégique, « une
dépense nécessaire dans la balance générale de l'entreprise IJ ». Mais un
Transsahariru est une lenvre de longue haleine, qui demande au moins