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L’objectif de tout anesthésiste est de délivrer avec la plus grande précisons un agent
anesthésique dont il connaîtrait précisément les effets et la concentration au niveau cérébral.
La vitesse d’endormissement dépend de la vitesse d’obtention d’une concentration cérébrale
donnée en agents halogénés. Le passage de l’agent anesthésique vers le cerveau est le résultat
d’une succession de transferts entre plusieurs compartiments. Du vaporisateur au circuit, du
circuit d’anesthésie à l’alvéole pulmonaire, de l’alvéole vers le sang, du sang vers le cerveau.
La vaporisation des gaz et la pharmacocinétique des agents halogénés est certes connue, mais
la remise à l’honneur des techniques d’induction par inhalation chez l’adulte et la mise à
disposition de nouveau modes d’administration des agents halogénés rendent nécessaires de
revoir l’étape de vaporisation et de distribution des gaz pour mieux comprendre les difficultés
ou erreur techniques qui peuvent survenir en pratique clinique. De même si le mécanisme des
effets hypnotiques des agents par inhalation n’est toujours pas clairement élucidé, les progrès
des sciences fondamentales permettent d’envisager de nouvelles hypothèses et d’entrevoir un
effet protecteur cérébral des agents anesthésiques. Cet effet est cependant tempéré par les
effets de ces agents sur la circulation cérébrale, la pression intracrânienne ou l’électrogenèse
cérébrale dans certaines conditions.
1. De la cuve au circuit
Classiquement, les agents halogénés sont délivrés par un vaporisateur à calibration en
concentration placé en dérivation sur le débit de gaz frais et possédant une chambre de
vaporisation balayée par un débit de gaz frais (figure 1). La vaporisation des gaz est sous la
dépendance des lois physiques et des caractéristiques des gaz (pression de vapeur saturante et
température d’ébullition) (tableau 1). Plus la pression de vapeur saturante est élevée et plus le
liquide est volatil. La pression de vapeur saturante augmente avec la température (figure 2).
Le phénomène de vaporisation des gaz consommant de l’énergie, la température du gaz à
l’état liquide diminue au fur et à mesure de la vaporisation (chaleur de vaporisation : quantité
d’énergie thermique nécessaire pour transformer 1 g de liquide en vapeur à température
constante – cf. tableau 1) et la vaporisation diminue dans le vaporisateur de façon non
linéaire. La température du liquide augmentera de nouveau en fonction de sa chaleur
spécifique (table 1) et des échanges thermiques entre la cuve et le gaz à l’état liquide (quantité
d’énergie à délivrer pour augmenter de 1°C un g de ce liquide). La chaleur spécifique
conditionne la quantité de chaleur que doivent transmettre les parois du vaporisateur pour
empêcher son refroidissement pendant la vaporisation. La masse métallique élevée des
vaporisateurs leur permet d’avoir une conductivité thermique faible et d’être des réservoirs de
chaleur afin d’éviter les variations de température lors de leur utilisation.
Le point d’ébullition est la 2ème caractéristique des gaz conditionnant leur vaporisation. Le
point d’ébullition est la température pour laquelle la pression de vapeur saturante égale la
pression ambiante. Plus le point d’ébullition est bas et plus la vaporisation des gaz sera élevée
à température ambiante. Ainsi, le desflurane dont le point d’ébullition est proche de la
température ambiante doit être délivré par un vaporisateur spécial dont la température et la
pression sont contrôlées pour maintenir constante la quantité de liquide transformée en gaz.
Agents anesthésiques halogénés : De la cuve aux neurones
Ces deux phénomènes justifient donc de toujours utiliser un analyseur de gaz avec ces
vaporisateurs.
Des modifications récentes ont été effectuées sur les vaporisateurs à by-pass variable
actuellement utilisés pour éviter l’effet de pompage lié au reflux de gaz et la surpression dans
la chambre de vaporisation notamment en cas de ventilation contrôlée ou de l’utilisation du
by-pass d’O2 (réduction de la taille de la chambre de vaporisation, tube d’admission à la
chambre de vaporisation spiralé ou de grand diamètre, clapet/valve antiretour pour éviter),
l’erreur de remplissage (valve de détrompage, couleur spécifique du vaporisateur), la
mauvaise position et la mise en fonction simultanée de plusieurs vaporisateurs (rampe
sélectatec), le reflux de liquide dans la chambre de vaporisation en cas d’inclinaison du
vaporisateur (système de chicane interne ou système de verrouillage), mise en fonction
involontaire (bouton de débrayage). Les caractéristiques physiques du desflurane (pression de
vapeur saturante proche de 1 ATA et point d’ébullition proche de la température ambiante)
ont conduit les constructeurs à concevoir le vaporisateur TEC 6 pressurisé et thermostaté. Le
remplissage de la cuve se fait grâce à un système de remplissage muni d’un ressort et non
grâce à un système d’entonnoir pour éviter la vaporisation du desflurane dans l’atmosphère
lors du remplissage. Il n’existe pas de chambre de vaporisation à proprement parler car le
desflurane est directement vaporisé dans une chambre de chauffage et la concentration
délivrée dépend du rapport entre le débit de gaz frais traversant le réducteur de débit et le
débit de desflurane gazeux passant au travers de la résistance variable (figure 3).
De nouveaux vaporisateurs ont été mis à disposition de l’utilisateur depuis la fin des années
90 il s’agit du système à cassette de l’appareil ADU de Datex et le vaporisateur du respirateur
Kion de chez Siemens (figures 4 et 5).
Avec le système à cassette, la température dans la chambre de vaporisation est mesurée et
régulée entre 17 et 20°C permettant une stabilité du phénomène de vaporisation. Il existe une
valve d’entrée et de sortie de la chambre de vaporisation ainsi qu’une valve de surpression en
cas de trop plein ou de surpression dans la cassette. La quantité en vol% délivrée par le
vaporisateur est réglée par une valve proportionnelle qui fait varier électroniquement le débit
sortant de la chambre de vaporisation en direction d’une chambre de mélange. Les débits de
gaz frais shuntant ou passant par la chambre de vaporisation sont aussi mesurés par un capteur
électronique. Lors de la mise en place de la cassette un tag magnétique placé à l’arrière de
l’appareil permet la reconnaissance de l’agent halogéné et la clé de remplissage est spécifique
de chaque agent.
Le vaporisateur du desflurane du Kion de chez Siemens est basé sur le principe du
carburateur. L’agent halogéné est injecté par une buse sous forme liquide, à partir d’une
chambre de stockage pressurisée à 110 KPa. Le bouton de réglage de concentration module
mécaniquement le débit de gaz frais qui va se charger en desflurane. Le système n’est pas
chauffé comme dans le Tec 6. Avec ce système, l’analyse des gaz est un impératif quel que
soit le débit de gaz frais compte tenu du risque de surdosage en anesthésique comme c’était le
cas avec le vaporisateur du respirateur Elsa dont le dysfonctionnement de la valve
électromécanique avait conduit par le passé à un surdosage mortel.
Enfin l’injection sous forme liquide dans le circuit grâce à une seringue à piston constitue le
3ème mode de délivrance des agents halogénés. Ce mode d’administration directe permet de
s’affranchir des contraintes de débit de gaz frais observé avec les systèmes placés en parallèle
du débit de gaz frais et de réaliser une véritable anesthésie à objectif de concentration car la
concentration cible est directement obtenue au niveau de la branche expiratoire du circuit. Il
est utilisé par le physioflex et par le système Zeus bientôt commercialisé.
Agents anesthésiques halogénés : De la cuve aux neurones
Tableau II :
Préparation du circuit : Délai d’obtention d’une concentration de sortie égale à 95 % de
la concentration d’entrée et consommation de sévoflurane (ml de liquide)
Volume estimé du circuit et du respirateur = 4 L
Réglage du vaporisateur = 8 vol %
Un ml de sévoflurane liquide se vaporise en 183 ml de gaz
directe de l'agent sur les protéines (voire à l'intérieur) des canaux ioniques serait à l'origine de
la modification de fonctionnement du récepteur au GABA ou à l'acétylcholine.
corticale du flux sanguin et une réduction du débit dans certaines zones du cerveau comme le
thalamus et les amygdales cérébelleuses, le lobe pariétal à 1 CAM de sévoflurane puis frontal
à 2 CAM.
En cas de pathologie intracrânienne (tumeur cérébrale, hémorragie méningée, traumatisme
crânien), la perte de l’autorégulation dans les territoires lésés et dans la zone de pénombre, se
traduit par une vasodilatation en cas d’utilisation de tous les agents halogénés. En dessous de
1 CAM de sévoflurane, de desflurane et d’isoflurane en condition clinique (avec maintien de
la PAM, hyperventilation modérée), l’utilisation de ces agents semble sûre chez le patient de
neurochirurgie en l’absence d’hypertension intracrânienne manifeste.
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