Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-940-A-90

11-940-A-90

Explorations isotopiques
chez le petit enfant et l’enfant
C Hossein-Foucher
F Godart

Résumé. – Les examens scintigraphiques, très utilisés chez l’enfant dans les pathologies ostéoarticulaires,
néphro-urologiques et infectieuses, sont moins connues en cardiologie pédiatrique ; elles permettent
cependant d’apprécier le retentissement fonctionnel de nombreuses cardiopathies congénitales ou acquises.
La scintigraphie myocardique peut mettre en évidence, même chez le tout-petit, des phénomènes d’ischémie
et/ou de nécrose et suivre leur évolution sous traitement. La ventriculographie isotopique reste l’examen de
référence pour la mesure de la fraction d’éjection globale des ventricules et peut apporter des compléments
d’information dans les shunts gauche-droite et les troubles du rythme graves. La scintigraphie pulmonaire
permet la quantification séparée de la perfusion droite et gauche, importante dans les sténoses artérielles
pulmonaires. Enfin, d’autres explorations utilisant des traceurs variés constituent un apport indispensable au
bilan étiologique de nombreuses pathologies.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : cardiopathies congénitales, scintigraphie cardiaque, scintigraphie pulmonaire, pédiatrie.

Introduction Tableau I. – Dosimétrie (RCP) des examens scintigraphiques usuels

réalisés chez l’enfant âgé de 5 à 10 ans (équivalent de dose efficace en
Si les explorations isotopiques en pathologie cardiovasculaire ont millisievert par mégabecquerel [mSv/MBq]).
fait leurs preuves chez l’adulte [14, 43], en revanche, elles restent bien
souvent mal connues en pédiatrie. Or, la cardiologie nucléaire Équivalent de dose efficace
Type d’examen
(mSv/MBq)
fournit des renseignements fonctionnels essentiels, complémentaires
des données radiographiques et hémodynamiques. Elle se Scintigraphie myocardique au thallium 201 1,5 à 2,0
caractérise par son caractère peu traumatisant (une injection Scintigraphie myocardique au MIBI-99mTc 0,018 à 0,028
intraveineuse simple est bien souvent suffisante) et peu irradiant
Ventriculographie isotopique 0,013 à 0,02
(tableau I), ce qui est fondamental chez l’enfant. On peut
schématiquement classer les explorations isotopiques en trois grands Scintigraphie pulmonaire de perfusion 0,025 à 0,038
groupes selon que l’on s’intéresse : à la recherche d’une ischémie Scanner thoracique (adulte) 3 à 6 mSv
myocardique ; à la fonction contractile du ventricule gauche (et
droit) ; à d’autres paramètres tels que la perfusion pulmonaire, la Scanner cérébral (enfant) [26] 7,6 +/- 3,1 mSv
recherche de shunts, etc.
RCP : résumé des caractéristiques du produit.

Le thallium 201 est un analogue structural du potassium dont la

Description des explorations
isotopiques
On distingue schématiquement trois grands types d’explorations.
SCINTIGRAPHIE MYOCARDIQUE DE PERFUSION
Réalisée au thallium 201 (201Tl) ou au 99mtechnétium sestamibi
(méthoxy-isobutyl-isonitrile [MIBI]-Tc), sensibilisée par l’effort ou un
test pharmacologique, elle permet de mettre en évidence des zones
d’hypoperfusion à l’effort réversibles au repos (en cas d’ischémie)
et/ou des zones hypoperfusées à l’effort et au repos (en cas de
nécrose).
Claude Hossein-Foucher : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, service de médecine
nucléaire, hôpital Salengro.
François Godart : Praticien hospitalier, service des maladies cardiovasculaires infantiles et congénitales.
Centre hospitalier universitaire de Lille, 59037 Lille cedex, France.
fixation myocardique dépend de la perméabilité coronaire et de la
pénétration cellulaire active par la Na-K adénosine triphosphatase
(ATPase) membranaire. Au cours de l’infarctus, le défaut de fixation
apparaît très précocement, dès la sixième heure ; l’hypofixation est
définitive dans les zones de nécrose constituée, mais réversible dans
les zones simplement ischémiques, et la mise en évidence de cette
redistribution à la scintigraphie tardive complétée par une
réinjection de traceur est un argument en faveur de la viabilité de la
zone hypofixante. Le 99mTc sestamibi est un isonitrile qui autorise,
sans risque pour le patient, l’injection de fortes doses de traceur
(améliorant ainsi les images) ; il reste ensuite dans la cellule sans
phénomène de redistribution, permettant la réalisation des images 1
à 4 heures plus tard. Si les deux traceurs ont des performances
équivalentes en termes de valeurs diagnostique et pronostique, le
thallium permet une meilleure appréciation de la viabilité
myocardique ; en revanche, le MIBI-Tc doit être préféré chez l’enfant
en raison de sa bien meilleure dosimétrie (tableau I).
Le principe de l’épreuve est simple. On réalise, selon les conditions
habituelles, une épreuve d’effort et, au maximum de celui-ci, on

Toute référence à cet article doit porter la mention : Hossein-Foucher C et Godart F. Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Cardiologie, 11-940-A-90, 2002, 7 p.
11-940-A-90 Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant
1 Cardiopathie cyanogène complexe avec ventricule droit double-issue ayant bénéficié d’une réparation complète à la naissance chez une jeune fille de 14 ans. Douleurs thoraci-
ques atypiques, indépendantes de l’effort ; coronarographie montrant une thrombose de l’interventriculaire antérieure avec reprise par la coronaire droite et anévrisme apical. La
scintigraphie d’effort au thallium montre une nécrose antéroapicale, une ischémie antérieure modérée et une hypoperfusion latérale (image de gauche : temps précoce après épreuve
d’effort positive ; image de droite : repos, 3 heures plus tard).
injecte par voie intraveineuse une dose de traceur. Grâce à une
gammacaméra, on enregistre ensuite, sous diverses incidences, la
fixation de l’isotope au niveau du myocarde, au temps précoce (5
minutes après l’effort pour le thallium, 45 minutes à 1 heure pour le
MIBI) et 3 à 4 heures plus tard au repos (temps tardif). Chaque
acquisition dure environ 15 minutes. Elles peuvent être complétées
par une synchronisation à l’électrocardiogramme (ECG), fournissant
alors des renseignements supplémentaires sur la cinétique
ventriculaire et la fraction d’éjection du ventricule gauche : on parle
alors de gated SPECT, traduction de tomoscintigraphie d’émission
monophotonique synchronisée à l’ECG.
Trois situations peuvent alors être schématisées :
– fixation du traceur homogène et identique après l’effort et au
repos : il s’agit d’une scintigraphie normale ;
– existence d’un trou de fixation dans un territoire myocardique
apparaissant à l’effort et persistant au repos : il s’agit le plus souvent
d’une séquelle d’infarctus ;
– apparition à l’effort d’une zone d’hypofixation qui se normalise
au repos : cet aspect est caractéristique d’une ischémie myocardique
d’effort.
Dans la pratique, ces aspects peuvent coexister sur un même
examen : association d’une nécrose dans un territoire et d’une
ischémie périlésionnelle ou à distance (fig 1).
Chez le patient incapable de réaliser un effort, on peut remplacer
l’épreuve par une injection intraveineuse de dipyridamole ; injecté à
la dose habituelle de 0,5 mg/kg, le dipyridamole entraîne une
vasodilatation importante des artères coronaires, responsable chez
le sujet normal d’une augmentation du débit coronaire global par
inhibition du captage de l’adénosine ; en cas de sténose coronaire,
cette augmentation n’apparaît pas. Certains utilisent la dobutamine
selon un protocole comparable à celui utilisé pour l’échographie de
stress [54] . Les différents types d’épreuve ont la même valeur
diagnostique chez l’adulte [29] ; celle-ci apparaît de plus supérieure à
celle de l’épreuve d’effort seule (tableau II).
VENTRICULOGRAPHIE ISOTOPIQUE
L’angioscintigraphie des cavités cardiaques ou ventriculographie
isotopique constitue la méthode de référence pour quantifier la
fraction d’éjection du ventricule gauche ; en effet, contrairement aux
2
Cardiologie
Tableau II. – Valeur diagnostique comparée de l’épreuve d’effort
conventionnelle et de la scintigraphie d’effort (au dipyridamole) chez
l’adulte [29].
Sensibilité Spécificité
Épreuve d’effort 66 % 88 %
Scintigraphie 93 % 82 %
autres techniques d’évaluation de la fonction ventriculaire, la
méthode isotopique ne nécessite pas de modèle géométrique du
ventricule et repose sur l’existence d’un facteur de proportionnalité
entre l’activité contenue dans une cavité et son volume. Elle permet
également l’analyse de la cinétique pariétale segmentaire et l’étude
du ventricule droit.
L’examen consiste, après une injection intraveineuse de
pyrophosphate stanneux visant à « sensibiliser » les hématies du
patient, à injecter par voie veineuse un embole radioactif,
généralement du 99mTc ; on peut étudier alors le « premier passage »
de l’embole pendant les 30 premières secondes ; ensuite « à
l’équilibre », c’est-à-dire après mélange homogène du sang et du
produit radioactif, on peut mesurer plusieurs paramètres
physiologiques.
Les fractions d’éjection globales du ventricule gauche et du
ventricule droit peuvent être ainsi calculées ; les images de phase et
d’amplitude permettent la mise en évidence de zones akinétiques,
dyskinétiques et pour certains des foyers d’excitation anormaux [39].
L’examen ne possède pas de contre-indication, cependant sa valeur
est limitée en cas de troubles du rythme sévères.
La ventriculographie isotopique a occupé une place importante dans
le calcul des shunts gauche-droite, en particulier dans les
communications interauriculaires [ 4 ] , mais les méthodes
échographiques et le doppler ont considérablement diminué les
indications des méthodes isotopiques. Elles pourraient peut-être
garder un intérêt dans certaines cardiopathies complexes où la
quantification du shunt apparaît très difficile.
AUTRES EXPLORATIONS ISOTOPIQUES
Elles regroupent des examens divers permettant l’appréciation de
paramètres très variés.
Cardiologie Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant 11-940-A-90

¶ Scintigraphie pulmonaire
Tableau III. – Indications schématiques des examens isotopiques en
Elle permet d’étudier la répartition sanguine de microparticules fonction des grands cadres pathologiques.
marquées au technétium et de quantifier cette répartition, en
Pathologies Problématique(s) Examens isotopiques
particulier lors d’asymétrie de perfusion entre les deux poumons.
La scintigraphie de perfusion consiste en l’injection de Anomalies des artères Existe-t-il une ischémie Scintigraphie myocardique
coronaires d’effort et/ou une de perfusion au MIBI-Tc
microparticules (microsphères d’albumine humaine) marquées au nécrose ?
99m
Tc, de 30 µm de diamètre. L’injection est réalisée en décubitus
dorsal de façon à obtenir une répartition homogène sur toute la Cardiomyopathies et Existe-t-il une atteinte Scintifigraphie myocar-
cardiopathies complexes cardiaque ? dique au MIBI-Tc
hauteur pulmonaire. Classiquement, six incidences sont réalisées Une altération de la Ventriculographie
(faces antérieure et postérieure, obliques antérieures droite et fonction ? isotopique
gauche, obliques postérieures droite et gauche). La scintigraphie de
Shunts gauche-droite Diagnostic et retentisse- Échocardiographie
ventilation est réalisée selon les mêmes incidences après inhalation ment fonctionnel
de gaz radioactif (krypton 81m) ou de suspension de microparticules
Pathologies des artères Existe-t-il une asymétrie Scintigraphie pulmonaire
marquées au Tc. pulmonaires de perfusion, des signes de ventilation et perfusion
La scintigraphie de ventilation et de perfusion possède une haute d’EP ?
valeur prédictive négative (un examen normal permet d’éliminer le Hypertension artérielle Diagnostic étiologique ? Scintigraphie rénale et
diagnostic de pathologie pulmonaire). Inversement, des défauts de Retentissement rénal ? scintigraphie MIBG I 123
perfusion peuvent s’observer au cours de nombreuses affections et
MIBI-Tc : méthoxy-isobutyl-isonitrile marqué au 99mTc ; EP : embolie pulmonaire ; MIBG I 123 :
leur interprétation doit être confrontée aux troubles de ventilation méta-iodo-benzyl-guanidine.
associés et aux anomalies de la radiographie thoracique.
Ainsi, des anomalies de la répartition sanguine pulmonaire ont été
rapportées après correction chirurgicale de la transposition des gros Tableau IV. – Étiologies de l’ischémie myocardique en cardiologie
vaisseaux ; de même, des hétérogénéités du rapport pédiatrique.
ventilation/perfusion ont été décrites dans la tétralogie de Fallot. Congénitales
Enfin, la suspicion d’une embolie pulmonaire, même rare chez - Anomalies de naissance de la coronaire gauche à partir de l’artère pulmonaire
l’enfant, doit conduire à la réalisation d’une scintigraphie, - Séquelles d’une réimplantation coronaire avec sténose ou obstruction ostiale (après chi-
notamment dans les endocardites bactériennes du cœur droit. rurgie de transposition des gros vaisseaux et d’anomalie de naissance de la coronaire
gauche)
¶ Examens plus rarement prescrits en cardiologie - Fistules coronarocavitaires ou coronaropulmonaires avec « vol coronaire »
- Anomalies de naissance de la coronaire droite, des deux coronaires, d’une coronaire
unique à partir de l’artère pulmonaire
Scintigraphie rénale - Blessure chirurgicale d’une coronaire de trajet anormal au cours de la chirurgie des
Elle permet d’évaluer la fonction rénale séparée en cas cardiopathies congénitales
- Sténoses ou atrésies ostiales coronaires isolées ou associées à une sténose aortique
d’hypertension artérielle sur sténose artérielle rénale. supravalvulaire
On distingue schématiquement la scintigraphie rénale dynamique
au diéthyl-triamino-penta-acétate (DTPA)-Tc ou au mercaptoglycine Acquises sur terrain hétérodystrophique
(MAG)3-Tc marqués au 99mTc, qui, après injection intraveineuse, sont - Athérosclérose coronaire infantile : hyperlipoprotéinémie type IIa homozygote, progeria,
dyslipidémies rares (Fabry, Tangier)
rapidement excrétés par voie glomérulaire pour le premier, - Artériopathie calcifiante infantile, mucopolysaccharidose, thésaurismoses rares
glomérulotubulaire pour le second. L’étude de leur cinétique diverses
d’excrétion permet d’obtenir des renseignements sur : - Pseudoxanthome élastique, homocystinurie, dysplasies artérielles diffuses, ecta-
siantes ou non
– la vascularisation et la fonction rénales séparées d’une part ; - Mucoviscidose
– l’élimination du traceur d’autre part (cette dernière étant
Acquises
perturbée en cas de pathologie urologique obstructive).
- Maladie de Kawasaki
L’acide dimercaptosuccinique (DMSA)-Tc, quant à lui, se fixe au - Myocardiopathie postanoxique du nouveau-né
niveau de la corticale fonctionnelle rénale et en permet une étude - Infarctus myocardique aigu du nourrisson (déshydratation aiguës, hémoglobinoses,
morphologique fine, particulièrement importante dans les cyanoses graves, infarctus idiopathique)
- Artériopathies inflammatoires diverses (Takayasu, rubéole congénitale...)
pathologies infectieuses (pyélonéphrites). Enfin, l’étude de la
- Embolies coronaires (Osler, myxome, cathétérisme ombilical et exsanguino-
décroissance plasmatique de l’acide éthylène diamine tétracétique transfusion)
(EDTA)-Cr 51 donne une valeur fiable de la clairance glomérulaire
Les étiologies les plus fréquentes sont en italique.
globale.

Méta-iodo-benzylguanidine (MIBG)
La MIBG marquée à l’iode radioactif est un analogue de la
guanéthidine ayant une affinité particulière pour le tissu chromaffine
ce qui en fait le traceur spécifique des phéochromocytomes et des
neuroblastomes ; les spécificité et sensibilité de l’examen à la MIBG,
respectivement de 95 à 99 % et 90 %, sont excellentes dans le
diagnostic et le suivi thérapeutique de ces tumeurs [12].
Mais la scintigraphie à la MIBG possède d’autres indications en
cardiologie : il s’agit d’évaluer la fixation myocardique du traceur,
qui, proportionnelle au nombre de terminaisons sympathiques bêta-
adrénergiques, a une valeur pronostique essentielle dans les formes
graves de cardiomyopathies [1] ; l’examen a été proposé par
certains [41] pour poser l’indication de greffe.
Tomographie par émission de positons (TEP)
En revanche, la TEP ou PET pour les anglophones, si elle intervient
de plus en plus dans la stratégie diagnostique et thérapeutique de
certaines pathologies néoplasiques et en particulier des lymphomes,
n’a qu’une faible place en cardiologie pédiatrique ; cependant, elle
permet l’évaluation de la viabilité myocardique chez des enfants
suspects d’infarctus par exemple en postopératoire d’interventions
cardiaques [61], plus rarement en préopératoire de revascularisation
coronaire [5].
Grands cadres pathologiques
On peut distinguer cinq grands groupes de pathologies ayant des
points communs dans leur problématique et donc dans les
explorations isotopiques susceptibles d’intervenir dans leur prise en
charge (tableau III).
PATHOLOGIES DES ARTÈRES CORONAIRES ET AUTRES
ÉTIOLOGIES DE L’ISCHÉMIE MYOCARDIQUE (tableau IV)
¶ Transposition des gros vaisseaux
Elle est, depuis plus de 15 ans, corrigée par réparation anatomique
(switch), c’est-à-dire par rétablissement de la continuité entre le

3
11-940-A-90 Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant
ventricule gauche et l’aorte, et surtout le transfert des artères
coronaires sur le néoculot aortique pratiqué dans les 3 premières
semaines de vie [21]. La mortalité précoce est de 6 % [58]. Néanmoins,
lors du suivi, des lésions coronaires peuvent survenir dans 2 à 18 %
des cas [8, 21, 44] ; il s’agit de sténose ou d’occlusion en relation avec
des phénomènes de torsion, coudure et étirement secondaires à la
réimplantation, voire de réactions fibreuses sur les sutures ostiales.
La scintigraphie myocardique permet alors de dépister une
éventuelle ischémie en appréciant le retentissement d’une sténose
coronaire sur la perfusion en aval ; parfois, elle met en évidence des
anomalies de la microcirculation sans atteinte des gros troncs à la
coronarographie [22]. À l’inverse, devant une sténose authentifiée par
la coronarographie, une scintigraphie d’effort maximale et négative
est rassurante en termes de pronostic pour l’enfant [21]. De ce fait, la
scintigraphie myocardique de perfusion doit faire partie du bilan et
du suivi de ces enfants opérés, surtout s’il existe une
symptomatologie évocatrice d’angor ou s’il existe une sténose
significative à la coronarographie.
¶ Autres anomalies coronaires
Elles sont plus rares mais peuvent poser des problèmes comparables
(tableau IV) ; il s’agit des anomalies de naissance de la coronaire
gauche, des atrésies du tronc coronaire gauche, d’anomalie du trajet
des coronaires [38].
¶ Pathologies thrombogènes
On rapproche de ces anomalies les pathologies thrombogènes telles
que les hypercholestérolémies familiales où la scintigraphie
myocardique permet un diagnostic précoce de l’ischémie éventuelle
chez ces enfants le plus souvent asymptomatiques [24, 46] ; dans la
drépanocytose, l’atteinte coronaire est plus rare, mais la
scintigraphie permet de faire le bilan des lésions [30].
¶ Maladie de Kawasaki
C’est une vascularite touchant les artères de moyen calibre. Décrite
pour la première fois en 1967 sous sa forme cutanéomuqueuse
compliquant une fièvre chez l’enfant [34], son pronostic est surtout lié
à l’atteinte coronaire ; celle-ci se traduit par des dilatations artérielles
ou ectasies et par la possibilité de développement d’anévrismes [33].
Ces derniers conditionnent le pronostic et leur incidence est
diminuée par la prescription de gammaglobulines par voie veineuse
dans les premiers jours de la fièvre [49]. Ces anévrismes peuvent
évoluer vers la résolution complète (50 % des cas), la persistance
d’irrégularités pariétales, mais surtout le développement de
sténoses, voire d’obstructions coronaires avec risque d’infarctus [33].
Si le diagnostic des anévrismes repose sur l’échographie, en
revanche celui des sténoses vasculaires nécessite une
coronarographie, examen invasif, qui ne peut être répété chez
l’enfant. C’est la raison pour laquelle les méthodes non invasives
4
Cardiologie
2 Maladie de Kawasaki chez un petit garçon de 4 ans. Is-
chémie antéroseptale à l’électrocardiogramme et dilatation
anévrismale du tronc coronaire gauche à l’échographie. Pas
de gêne fonctionnelle cardiaque. La scintigraphie au thal-
lium sous dipyridamole montre un aspect d’infarctus apical
avec une ischémie périlésionnelle antérieure.
Tableau V. – Principales causes de dysfonctions du ventricule
systémique.
Cardiopathies valvulaires (sténose aortique, coarctation aortique sévère, rétrécisse-
ment congénital, insuffisances valvulaires congénitales)
Cardiomyopathies :
Séquelle de myocardites virales
Fibroélastose
Cardiomyopathie hypertrophique
Maladies de système (collagénoses)
Maladies métaboliques, neuromusculaires
Toxiques (anthracyclines), postradiothérapie
Idiopathiques (dilatées ?)
Shunts gauche-droite
Maladie de Kawasaki
Cardiopathies complexes :
Ventricule unique
Atrésie tricuspide
Ventricule droit double-issue
Ventricule droit systémique (transposition corrigée, transposition après intervention
de Mustard ou Senning)
En postopératoire de circulation extracorporelle
Après chirurgie de réparation de cardiopathie congénitale
sont préférées, surtout chez les patients asymptomatiques ; l’épreuve
d’effort classique, cependant, possède une sensibilité insuffisante
dans le diagnostic de l’ischémie [18, 31] et n’est pas adaptée, en
particulier chez les tout-petits. En revanche, la scintigraphie
myocardique au dipyridamole a prouvé son innocuité, sa sensibilité
et sa spécificité dans la mise en évidence de l’ischémie chez ces
enfants [45, 63] (fig 2) ; elle possède de plus une valeur pronostique
essentielle en permettant d’identifier les enfants à risque
d’événements cardiaques ultérieurs [45]. Certains [59] ont proposé de
remplacer le dipyridamole par l’adénosine avec des résultats
analogues chez l’enfant.
ALTÉRATIONS DE LA FONCTION
VENTRICULAIRE SYSTÉMIQUE
Les étiologies en sont très variées (tableau V).
¶ Cardiomyopathies
Elles sont souvent secondaires aux myocardites aiguës virales et les
examens isotopiques n’ont que peu d’indications dans les formes
graves de défaillance ventriculaire aiguë ; en revanche, dans les
myocardites asymptomatiques, chez des enfants présentant des
troubles de repolarisation lors d’un ECG de dépistage, la
scintigraphie myocardique au thallium a montré l’existence de
territoires hypoperfusés correspondant à la persistance d’anomalies
histologiques sur les biopsies endomyocardiques, alors même que
la coronarographie était normale [48].
La fibroélastose est une autre forme de cardiomyopathie avec une
relation possible de cause à effet de la première vers la seconde [64].
Cardiologie Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant
Des cardiomyopathies peuvent s’observer lors de maladies
métaboliques (déficit en carnitine, mucopolysaccharidose), de
maladie neuromusculaire [50], plus rarement lors des collagénoses [19].
Le problème est alors le dépistage précoce de la dysfonction
cardiaque afin de la traiter dans les meilleurs délais ; la
ventriculographie isotopique joue alors un rôle important, en
particulier chez les patients anéchogènes.
Chez les enfants traités par des drogues cardiotoxiques (en
particulier anthracyclines), le problème est de diagnostiquer au plus
tôt l’atteinte cardiaque éventuelle avant le développement de
l’insuffisance cardiaque congestive souvent irréversible ; si
l’échocardiographie reste l’examen de première intention [11, 40], la
ventriculographie isotopique a également prouvé sa sensibilité dans
cette indication [2].
Néanmoins, dans la plupart des cas de cardiomyopathies, leur cause
reste actuellement inconnue et elles sont dites « idiopathiques » avec
une prévalence de 2,6/100 000 dans une population d’enfants [35].
L’examen complémentaire est l’échocardiographie qui en permet
l’évaluation. La mesure de la fraction d’éjection isotopique est
cependant parfois pratiquée, à titre pronostique et le plus souvent
dans le cadre de protocoles, mais aussi en cas de fenêtre
échographique de mauvaise qualité.
¶ Cardiopathies complexes
Dans les cardiopathies complexes (ventricule unique, atrésie
tricuspide, ventricule droit à double-issue...), la scintigraphie
myocardique au MIBI-Tc permet, en un seul examen, l’étude de la
perfusion myocardique et de la fonction ventriculaire ; en effet, grâce
à une acquisition synchronisée à l’ECG, elle fournit des informations
sur la fonction globale du ventricule gauche ou droit prédominant,
sur la cinétique segmentaire et l’épaississement systolique pariétal [3,
28, 53]
. croissante de l’imagerie par résonance magnétique [6].
Le ventricule droit assure parfois une fonction systémique : c’est le
cas après correction chirurgicale auriculaire d’une transposition des
gros vaisseaux (intervention de Senning en 1959 et Mustard en
1964) ; il peut alors présenter une défaillance fonctionnelle au cours
du temps, dans 8 à 16 % des cas. C’est aussi le cas dans la
transposition corrigée des gros vaisseaux ou double discordance
atrioventriculaire et ventriculoartérielle [7, 62]. Lubiszewska [42] a mis
en évidence, chez plus de la moitié des patients, des anomalies de la
perfusion myocardique à la scintigraphie d’effort au MIBI-Tc ; ces
patients avaient en outre des chiffres plus bas de fraction d’éjection
ventriculaire droite, un âge plus élevé, une date opératoire plus
tardive et un délai plus long depuis l’intervention. Ces anomalies
de perfusion du ventricule droit semblent un marqueur précoce de
la dysfonction ventriculaire et permettraient le dépistage des
patients à risque nécessitant alors un traitement précoce avant la
défaillance cardiaque.
¶ Chirurgie cardiaque sous CEC
La chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle (CEC) peut
par elle-même induire des lésions myocardiques d’origine
ischémique et inflammatoire. Ainsi, Kao [32] a mis en évidence une
fixation myocardique de leucocytes marqués au 99mTc, attestant
l’existence de phénomènes inflammatoires myocardiques d’autant
plus importants que la durée de la CEC avait été plus longue chez
ces enfants. Hayes [23] a, quant à lui, retrouvé des anomalies de
perfusion à la scintigraphie myocardique au MIBI-Tc après
différentes chirurgies de cardiopathies congénitales et les a attribuées
à des microemboles gazeux ou plaquettaires compliquant une CEC.
¶ Dysfonction ventriculaire postopératoire
Divers degrés de dysfonction ventriculaire peuvent s’observer en
postopératoire de cardiopathies congénitales ou valvulaires, d’autant
plus que la ventriculotomie aura été large ; actuellement, ces
problèmes se rencontrent chez l’adulte, dont la cardiopathie a été
opérée dans l’enfance, alors que les conditions de cardioplégie ont
évolué, de même que les indications et les techniques
chirurgicales [55].
11-940-A-90
Tableau VI. – Principales causes des anomalies de la perfusion
pulmonaire.
Sténoses de l’artère pulmonaire ou de ses branches
Isolées
Tétralogie de Fallot ou atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire
Anastomoses cavopulmonaires partielles ou totales
Syndrome de Williams et Beuren, syndrome d’Alagille, rubéole congénitale
Embolie pulmonaire
Shunt droite-gauche
Fistules artérioveineuses pulmonaires
Complication des cardiopathies cyanogènes
Postopératoire de chirurgie d’exérèse pulmonaire
« SHUNTS » GAUCHE-DROITE
Ils regroupent les malformations cardiaques dont l’élément
physiopathologique fondamental est le passage anormal du sang de
la grande vers la petite circulation ; leur dénominateur commun est
l’élévation du débit pulmonaire et son corollaire, la réduction au
moins relative du débit systémique. Leur pronostic dépend
essentiellement du volume du shunt ainsi que du siège de la
communication. Les communications interauriculaires représentent
la cause la plus fréquente de ce type de shunts. Les méthodes
isotopiques ont occupé une place importante dans les années 1980,
permettant le calcul du rapport des débits pulmonaire et systémique
sur le principe de dilution d’un indicateur radioactif [65] ; dans le
même temps d’examen, la quantification du shunt gauche-droite, de
façon fiable et bien corrélée aux données du cathétérisme [10, 27],
pouvait être déterminée de même que la valeur des fractions
d’éjection des deux ventricules. Actuellement, ces techniques ont
disparu avec le développement des méthodes échodoppler et la
mesure possible des débits aortique et pulmonaire et la place
ANOMALIES DE LA PERFUSION PULMONAIRE
Elles peuvent se rencontrer dans trois situations schématiques
(tableau VI).
¶ Sténoses de l’artère pulmonaire et de ses branches
Elles sont rarement isolées, mais le plus souvent associées à d’autres
malformations comme dans la tétralogie de Fallot ou l’atrésie
pulmonaire avec communication interventriculaire. Elles font alors
partie de la maladie, sont favorisées par les anastomoses
systémicopulmonaires préalables [6] et les gestes de plasties
chirurgicales, d’autant plus qu’elles utilisent du matériel
prothétique. Par ailleurs, elles récidivent fréquemment, aussi bien
après chirurgie qu’après angioplastie percutanée.
En cas de sténose unilatérale, on note une hypoperfusion
homolatérale à la sténose et une hypertension dans le poumon
controlatéral [13]. Ces sténoses sont actuellement corrigées par la mise
en place d’endoprothèse ou de stent de façon percutanée [25, 51, 60].
La scintigraphie pulmonaire de perfusion permet une quantification
précise de la répartition sanguine relative avant le cathétérisme
interventionnel et, après mise en place du stent, la vérification de la
normalisation de la perfusion du côté opéré [52]. En raison de sa
simplicité et de son innocuité (une injection intraveineuse suffit),
l’examen peut être réitéré au cours de la surveillance ultérieure
(fig 3).
Des sténoses artérielles pulmonaires peuvent également s’observer
après des interventions cavopulmonaires partielles (mono-cavo-bi-
pulmonaire) ou totales (bi-cavo-bi-pulmonaire de type Puga) ; les
sténoses peuvent siéger au niveau des sutures anastomotiques, sont
parfois en relation avec la cardiopathie initiale et/ou des
anastomoses de Blalock-Taussig préalables. Là encore, la correction
des sténoses fait appel à la mise en place d’endoprothèses, et la
scintigraphie pulmonaire de perfusion permet une évaluation
quantitative précise avant et après l’intervention [51].
¶ Embolie pulmonaire
Bien que rare chez l’enfant, l’embolie pulmonaire peut se rencontrer
notamment lors d’endocardite sur sonde de pacemaker [56] ou sur
5
11-940-A-90 Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant
*
A *
cardiopathie cyanogène complexe. La scintigraphie pulmonaire
couplée de perfusion et de ventilation permet d’en porter le
diagnostic et d’en apprécier l’étendue.
¶ « Shunt » droite-gauche
Le shunt droite-gauche est parfois de découverte fortuite lors du
bilan étiologique d’une cyanose avec dyspnée suspecte d’embolie
pulmonaire ; il se manifeste par l’existence d’une activité anormale
rénale, voire cérébrale, à la scintigraphie pulmonaire de perfusion,
traduisant le passage anormal des microparticules marquées dans la
circulation systémique. Cette activité extrapulmonaire authentifie
l’existence d’un shunt droite-gauche et permet sa quantification. Plus
rarement, le shunt est recherché lors du bilan d’un accident
vasculaire cérébral inexpliqué compliquant une cardiopathie
cyanogène ; après mise en évidence scintigraphique du passage
anormal du traceur dans la grande circulation, l’échographie
confirme le plus souvent la présence d’un foramen ovale perméable.
Plus rarement, il peut s’agir de fistules artérioveineuses pulmonaires
compliquant une maladie de Rendu-Osler [57, 66] ou s’observant dans
des cardiopathies complexes avec isomérisme auriculaire.
AUTRES PATHOLOGIES POUVANT BÉNÉFICIER
D’EXAMENS SCINTIGRAPHIQUES
¶ Causes rénovasculaires de l’hypertension artérielle
Parmi les étiologies de l’hypertension artérielle de l’enfant, les
causes rénovasculaires et rénales nécessitent le bilan de la fonction
rénale [9] ; la scintigraphie rénale au DTPA-Tc ou au MAG3-Tc permet
d’évaluer la fonction rénale séparée, élément essentiel en cas de
pathologie unilatérale ; la scintigraphie au DMSA-Tc identifie des
lésions de pyélonéphrite chronique [37]. La fonction glomérulaire
globale peut être déterminée grâce au calcul de la clairance
plasmatique de l’EDTA-Cr51.
6
Cardiologie
3 Tétralogie de Fallot avec sténose de l’artère pulmonaire
gauche, ayant bénéficié d’une réparation complète chez une en-
fant de 8 ans ; persistance d’une sténose en postopératoire
ayant bénéficié d’une dilatation : la scintigraphie confirme la
nette asymétrie de perfusion au profit du poumon droit (A).
Mise en place d’une endoprothèse pulmonaire gauche et
contrôle : amélioration de la perfusion pulmonaire gauche qui
reste cependant asymétrique (B).
B
L’hypertension par excès de catécholamines, notamment lors du
phéochromocytome ou du neuroblastome, nécessite la réalisation
d’une scintigraphie à la MIBG afin de porter le diagnostic et de
préciser l’extension tumorale éventuelle. Récemment, le dosage
plasmatique d’un peptide, la chromogranine A, a prouvé sa valeur
dans le diagnostic et la surveillance postopératoire des
phéochromocytomes de l’adulte [16].
¶ Myocardites
Si la scintigraphie au citrate de gallium 67 manque de sensibilité
dans le diagnostic de myocardite, elle garde cependant une place
dans des contextes septicémiques, pour mettre en évidence un foyer
infectieux profond éventuel ; elle doit être alors couplée à la
scintigraphie osseuse aux diphosphonates marqués au Tc qui
présente une excellente sensibilité dans le diagnostic de l’atteinte
osseuse et ostéoarticulaire [17, 47].
La scintigraphie aux leucocytes marqués au Tc a également été
proposée, chez l’adulte, dans la recherche d’infection de pontage
vasculaire [15, 36].
Conclusion
Les examens isotopiques apportent des renseignements fonctionnels
précieux dans le diagnostic et l’évaluation thérapeutique de nombreuses
pathologies pédiatriques. Leur caractère non invasif et peu irradiant
permet de les répéter au cours de la surveillance des pathologies
chroniques.
La scintigraphie myocardique de stress apporte de plus des éléments
pronostiques essentiels permettant une prise en charge thérapeutique
adaptée.
Cardiologie Explorations isotopiques chez le petit enfant et l’enfant
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