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Mélanogenèse
T. Passeron, R. Ballotti, J.-P. Ortonne
Les mélanines sont produites par des cellules spécialisées, les mélanocytes, qui dérivent de la crête
neurale. Dans la peau, les mélanocytes se localisent dans l’assise basale de l’épiderme et dans le bulbe
pilaire et la paroi folliculaire. La mélanogenèse se déroule au sein d’un organite intracytoplasmique de la
famille des lysosomes sécrétoires, appelé mélanosome. Deux familles de mélanines sont produites, les
eumélanines de couleur brune ou noire et les phaéomélanines de couleur jaune ou rouge-orangé, qui sont
moins photoprotectrices. Trois enzymes principales de la mélanogenèse ont été identifiées : la tyrosinase
et les tyrosinases related proteins 1 et 2. Un nombre important de gènes contrôlent l’embryogenèse des
mélanocytes, la biogenèse des mélanosomes, leur transport dans les mélanocytes et leur transfert aux
kératinocytes. De nombreux facteurs de régulation de la mélanogenèse (ultraviolets, hormones
mélanotropes, cytokines, etc.) ont été identifiés. Les mécanismes de signalisation cellulaire impliqués
dans la mélanogenèse sont progressivement disséqués. Ces connaissances récentes permettront de mieux
connaître les bases génétiques de la photoprotection mélanique de la peau. Elles ont permis d’identifier de
nombreuses cibles potentielles pour de futures stratégies thérapeutiques des hypermélanoses et des
hypomélanoses cutanées.
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Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 La couleur de la peau est le résultat d’un subtil mélange de
¶ Mélanines et leurs rôles 2 pigments. Ainsi, les dérivés de l’hémoglobine ou la présence
anormale de pigment d’origine endogène ou exogène modifient
¶ Mélanocytogenèse 3
la teinte du tissu cutané. L’épaississement de l’épiderme peut
¶ Mélanogenèse 3 également entraîner des variations de couleur. Cependant,
Tyrosinase 3 l’essentiel de la pigmentation de la peau, des poils et des yeux
« Tyrosinase-related protein 1 » 3 résulte des variations quantitatives et qualitatives du pigment
« Tyrosinase-related protein 2 » 4 mélanique. Cette mélanine est produite puis sécrétée par des
¶ Biogenèse des mélanosomes 4 cellules spécialisées appelées mélanocytes. Les mélanocytes sont
¶ Transport des mélanosomes 4 présents dans la peau et les follicules pileux mais se retrouvent
également dans certains organes sensoriels tels que la rétine ou
¶ Transfert kératinocytaire 5
l’oreille interne et dans le système nerveux central (leptoménin-
¶ Signalisation intracellulaire 5 ges). Dans la peau, ces cellules sont situées dans la couche
Événements moléculaires précoces 5 basale de l’épiderme ou dans la partie inférieure des follicules
Stimulation de l’activité de la tyrosinase et régulation pileux. Les mélanoblastes sont les précurseurs des cellules
de la transcription du gène de la tyrosinase 5 mélanocytaires. Ils migrent, durant la vie embryonnaire, des
¶ Principales différences ethniques 5 crêtes neurales jusqu’à leurs territoires distaux, puis se multi-
¶ Régulation de la mélanogenèse 6 plient et se différencient en mélanocytes. Ils acquièrent alors la
Rayons ultraviolets 6 capacité de synthétiser et de transporter la mélanine dans des
Facteurs de croissance 7 organelles spécifiques appelés mélanosomes. Finalement, ces
Action des fibroblastes 7 mélanosomes seront distribués aux kératinocytes adjacents afin
de jouer leur rôle physiologique (Fig. 1).
¶ Pathogénie des troubles pigmentaires 7
L’acquisition d’une pigmentation suffisante et homogène est
Troubles pigmentaires 7
donc un processus complexe, qui n’est possible que si la
Examen à la lampe de Wood 8
mélanocytogenèse (développement embryonnaire du système
Intérêt thérapeutique 8
pigmentaire) s’est déroulée correctement et que l’ensemble des
¶ Conclusion 8 éléments impliqués dans le processus de pigmentation (mélano-
genèse, biogenèse et transport des mélanosomes, et finalement
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50-020-C-10 ¶ Mélanogenèse
Tableau 1.
Hypomélanoses génétiques.
Type Modèle murin Gène (fonctions) Chromosome
d’hypomélanose
Anomalies Piébaldisme White spotting KIT (prolifération et survie des mélanoblastes) 4q12
de développement SW1 Splotch PAX3 (régule MITF) 2q35-q37.3
embryologique
SW2 Microphthalmia MITF (active la transcription de la tyrosinase, affecte la survie des 3p14.1-p12.3
des mélanocytes
mélanocytes via la régulation de Bcl2)
SW3 Splotch PAX3 (régule MITF) 2q35-q37.3
SW4 Piebald- lethal EDNRB (développement embryologique des mélanocytes et des 13q22
neurones des ganglions du tractus digestif)
EDN3 (idem)
Lethal spotting Dom SOX10 (régule la transcription de MITF et intervient dans la survie 20q13.2 q13.3
des cellules de la crête neuronale) 22q13
Anomalies AOC1 Albino TYR (encode la tyrosinase) 11q14-q21
dans la mélanogenèse AOC2 Pink-eye dilution P (module le transport intracellulaire de la tyrosinase) 15q11.2-q12
AOC3 Brown TYRP1 (encode une enzyme de la mélanogenèse, la DHICA) 9q23
AOC4 Underwhite MATP (module le transport intracellulaire de la tyrosinase et de 5p
TYRP1)
Anomalies SHP1 Pale-ear HPS1 (encode BLOC3 qui est impliqué dans la biogenèse des lyso- 10q23.1
dans la biogenèse somes sécrétoires)
des mélanosomes SHP2 Pearl AP3B1 (impliqué dans la sécrétion des protéines par les lysosomes) 5q14.1
SHP3 Cocoa HPS3 (pourrait être impliqué dans les stades précoces de biogenèse 3q24
et de maturation des mélanosomes)
SHP4 Light-ear HPS4 (encode BLOC3) 22q11.2-q12.2
SHP5 Ruby eye 2 HPS5 (encode BLOC2 qui est impliqué dans la biogenèse des lyso- 11p15-p13
somes sécrétoires)
SHP6 Ruby eye HPS6 (encode BLOC2) 10q24.32
SHP7 Sandy DTNBP1 (encode la dysbindine qui est un composant de BLOC1) 6p22.3
SCH Beige LYST (pourrait être une protéine adaptatrice) 1q42.1-q42.2
Défaut de transport SG1 Dilute MYO5A (moteur moléculaire faisant partie d’un complexe qui per- 15q21
des mélanocytes met le transport des mélanosomes sur les fibres d’actine et leur ac-
crochage à l’extrémité des dendrites)
SG2 Ashen RAB27A (GTPase faisant partie d’un complexe qui permet le trans- 4p13
port des mélanosomes sur les fibres d’actine et leur accrochage à
l’extrémité des dendrites)
SG3 Leaden MLPH (fait partie d’un complexe qui permet le transport des méla- 2q37
nosomes sur les fibres d’actine et leur accrochage à l’extrémité des
dendrites)
Délétion de l’exon F de la MYO5A 15q21
SW : syndrome de Waardenburg ; AOC : albinisme oculocutané ; AO : albinisme oculaire ; SHP : syndrome de Hermansky-Pudlak ; SCH : syndrome de Chediak-Higashi ; SG :
syndrome de Griscelli ; MITF : Microphthalmia-associated transcription factor ; EDNRB : récepteur de l’endothéline ; GTPase : guanosine triphosphatase ; DHICA :
5,6-dihydroxyindole-2 carboxylique.
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Mélanogenèse ¶ 50-020-C-10
■ Mélanogenèse
EUMÉLANINES PHAEOMÉLANINES
« Tyrosinase-related protein 1 »
■ Mélanocytogenèse
Codée par le locus brown, la TRP1 a été cartographiée sur le
Les mélanocytes sont des cellules issues de la crête neurale. chromosome 4 chez la souris et sur le chromosome 9 (9p23)
Durant l’embryogenèse, les cellules de cette crête neurale chez l’homme. C’est une protéine glycosylée de 75 kDa dont
devront être soumises à une cascade de stimulations pour la fonction principale est d’oxyder l’acide 5,6-dihydroxyindole-
finalement devenir des mélanocytes fonctionnels. Les acteurs de 2-carboxylique (DHICA) en acide indole-5,6- quinone-2-
cette stimulation et leur rôle exact sont encore imparfaitement carboxylique.
connus ; cependant, l’importance de certaines molécules est La mutation brown résulte de la substitution d’un résidu
aujourd’hui clairement identifiée. Microphthalmia-associated cystéine par une tyrosine dans le premier domaine riche en
transcription factor (MITF) est un facteur transcriptionnel qui cystéine. Cette mutation entraîne une réduction de 40 % de
active la transcription de certaines protéines mélanocytaires l’activité enzymatique de TRP1 et la formation de mélanines
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50-020-C-10 ¶ Mélanogenèse
marron plutôt que noires. Chez l’homme, ces mutations sont mélanosomes en microscopie électronique : « prémélanosomes »
responsables de l’AOC de type 3. Il est possible de restaurer le de stade I de forme sphérique et de stade II de forme ovalaire à
phénotype sauvage de mélanocytes en culture homozygotes matrice filamenteuse ; mélanosomes de stade III où des dépôts
pour la mutation brown par introduction rétrovirale de la matriciels opaques de mélanine denses aux électrons sont
séquence sauvage de TRP1. retrouvés (début de la synthèse) ; mélanosomes « matures » de
stade IV à matrice uniformément opaque.
« Tyrosinase-related protein 2 » Parmi les protéines qui sont impliquées dans la biogenèse des
mélanosomes, mais également des lysosomes et des granules
La TRP2 est codée par le locus slaty présent sur le chromo- denses des plaquettes, il faut citer la protéine LYST impliquée
some 14 chez la souris et sur le chromosome 13 chez l’homme dans la pathogénie du syndrome de Chediak-Higashi. Le
(13q31-q32). La TRP2, comme la tyrosinase et la TRP1, est syndrome d’Hermansky-Pudlak est également secondaire à des
d’abord produite sous la forme d’un précurseur de 55 kDa qui anomalies de la biogenèse des mélanosomes. Un complexe
est maturé par glycosylation pour donner une protéine d’envi- protéique hétérotétramérique appelé AP3 est impliqué dans le
ron 75 kDa. TRP2 possède la capacité d’isomériser la dopa- routage des protéines émanant de l’appareil de Golgi vers les
chrome en DHICA. En l’absence de TRP2, la dopachrome est vésicules de transport telles que les lysosomes et les mélanoso-
spontanément convertie en 5,6-dihydroxyindole (DHI). La mes. [13] Des complexes protéiques appelés biogenesis of lysosome-
séquence de TRP2 chez les souris slaty diffère de la protéine related organelles complex-1 (BLOC1), BLOC2 et BLOC3 sont
sauvage d’une simple base, entraînant la substitution d’une également impliqués dans la biogenèse des lysosomes sécrétoires
arginine par une glutamine dans un des sites putatifs de liaison par des mécanismes différents d’AP3. [14, 15] Des mutations dans
du cuivre de la protéine. Il en résulte une diminution de trois à certains des gènes qui encodent pour les protéines cytosoliques
quatre fois de l’activité de TRP2, conduisant à la formation de qui forment ces complexes sont aujourd’hui identifiées et
mélanines marron-gris plutôt que noires. À la différence du sont responsables des sept types décrits de syndrome
modèle murin, il n’a pas été mis en évidence chez l’homme de d’Hermansky-Pudlak.
phénotype clinique en rapport avec des mutations dans le gène
codant pour TRP2.
Les albinismes cutanés ont longtemps été considérés comme ■ Transport des mélanosomes
secondaires à une atteinte des fonctions catalytiques des
enzymes de la mélanogenèse ; il s’agit en fait de maladies Les mélanocytes possèdent des expansions cytoplasmiques
affectant le transport intracellulaire de la tyrosinase. Ainsi, des appelées « dendrites mélanocytaires », qui leur permettent de
mutations même mineures de TYR ou de TYRP1 induisent le rentrer en contact avec les kératinocytes des couches supraba-
même phénotype clinique que des mutations responsables des sales. Chaque mélanocyte est en relation avec environ 36 kéra-
pertes de fonction de la protéine. Toute protéine mutée est en tinocytes, formant ainsi une « unité épidermique de
fait reconnue comme anormale par le système de contrôle mélanisation ». En même temps que se déroule la synthèse des
qualitatif du réticulum endoplasmique et est ensuite dirigée vers mélanines, les mélanosomes sont transportés vers l’extrémité
le protéasome afin d’y être dégradée. [8, 9] Parallèlement, dans des dendrites mélanocytaires. Les mélanosomes sont transportés
les AOC 2 et 4, les mutations des gènes P et MATP empêchent le long des fibres d’actine et de tubuline (Fig. 4). Des protéines
le transfert de la tyrosinase (et de TYRP1 dans les AOC 4) du motrices sont associées aux microtubules et sont impliquées
réseau transgolgien vers les mélanosomes. [10-12] Seule une petite dans la migration des mélanosomes. Ainsi la kinésine permet le
proportion d’enzymes est correctement acheminée aux mélano- transport antérograde des mélanosomes tandis que la dynéine
somes et la quantité de mélanine ainsi produite est très faible. est impliquée dans le transport rétrograde. L’importance du
transport le long des fibres d’actine a récemment été mise en
évidence par la meilleure connaissance d’une autre hypoméla-
■ Biogenèse des mélanosomes nose génétique appelée le syndrome de Griscelli-Prunieras (SGP).
Le transport sur les fibres d’actine se fait grâce à un complexe
Les mélanosomes font partie de la famille des lysosomes moléculaire associant au minimum un moteur moléculaire, la
sécrétoires. Ils résultent de l’association de protéines de structure myosine Va (mutée dans les SG1), [16] une petite guanosine
membranaires et des différentes enzymes mélanogéniques triphosphatase (GTPase), Rab27a (mutée dans les SG2) [17] et la
(Fig. 3). Schématiquement, les protéines de structure sont mélanophiline (mutée dans les SG3) qui pourrait servir pour
synthétisées dans le réticulum endoplasmique et assemblées les l’encrage aux fibres d’actine aux extrémités des dendrites. [18]
premières pour former des « prémélanosomes ». Les enzymes, Plus récemment, il a été démontré qu’un phénotype de
contenues dans des vésicules en provenance du trans-Golgi,
viennent ensuite fusionner avec ces prémélanosomes et sont
activées, conduisant à la synthèse des mélanines. Plusieurs
stades de maturation peuvent être observés lors de l’étude des
Kératinocyte
Mélanocyte
Fibre d’actine
Myosine Va
Rab27a
Mélanosome Mélanophiline
Fibre
de tubuline
Dynéine Kinésine
Figure 4. Transport des mélanosomes. Le transport des mélanosomes
se fait conjointement sur les fibres d’actine par un complexe comprenant
Figure 3. Aspect ultrastructural d’un mélanocyte dans l’assise basale de au moins Rab27a, myosine Va et mélanophiline et sur le réseau de
l’épiderme. Noter la présence de nombreux mélanosomes dans le méla- microtubules avec la kinésine comme moteur antérograde et la dynéine
nocyte et dans les kératinocytes adjacents. comme moteur rétrograde.
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Mélanogenèse ¶ 50-020-C-10
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50-020-C-10 ¶ Mélanogenèse
tout le long de la membrane basale et persiste jusque dans le polypeptides générées par le clivage d’un précurseur de plus
stratum corneum. haut poids moléculaire, la pro-opiomélanocortine (POMC).
Si le nombre de mélanocytes est identique, ce sont le nombre L’hyperpigmentation cutanée associée aux maladies d’Addi-
et le type de mélanosomes qui vont varier en fonction du son et de Cushing semble être la conséquence d’une hypersé-
phototype. Dans les peaux blanches, les mélanosomes sont peu crétion d’ACTH. Dans la maladie d’Addison, l’absence de
nombreux et leur maturation souvent incomplète (stades I à III). rétrocontrôle négatif du cortisol sur l’hypophyse entraîne une
Ils sont par ailleurs rapidement dégradés. Dans les peaux noires, hyperproduction secondaire d’ACTH. Dans la maladie de
leur nombre augmente et surtout, ils sont majoritairement de Cushing, l’hypersécrétion d’ACTH est due à une hyperproliféra-
stade IV. La distribution des mélanosomes au sein des kératino- tion des cellules hypophysaires associée à un adénome hypo-
cytes joue également un rôle déterminant dans la couleur de la
physaire. Un cas d’hyperpigmentation cutanée due à une
peau. [22]
hypersécrétion d’aMSH a été également décrit. Ces données
Enfin, le type de mélanine est différent avec une proportion
montrent le rôle-clé de l’ aMSH et l’ACTH dans la régulation de
d’eumélanine beaucoup plus grande en peaux noires tandis que
la mélanogenèse.
les phototypes les plus clairs ont majoritairement des
phaeomélanines. Les effets de l’ aMSH et l’ACTH sont initiés par liaison de
De façon intéressante, il a récemment été montré que les l’hormone à un récepteur de type sept domaines transmembra-
dégâts sur l’ADN induits par les UV étaient plus corrélés à la naires localisés à la surface des mélanocytes. Le récepteur est
dose érythémateuse minimale (DEM) qu’au phototype ou à la couplé à une protéine G de type as qui active l’adénylate
race des personnes. Par ailleurs, les capacités de réparation de cyclase et augmente la concentration intracellulaire en AMPc.
l’ADN après exposition aux UV ne sont pas liées au phototype De nombreuses données obtenues in vitro ont illustré le rôle
et joueraient un rôle-clé dans la prédisposition aux cancers crucial de l’AMPc dans la régulation de la mélanogenèse. [26] De
cutanés photo-induits. [23] plus, des observations faites in vivo, notamment chez des
patients atteints du syndrome de McCune-Albright, confirment
l’importance de l’AMPc dans le contrôle de la pigmentation. Ces
■ Régulation de la mélanogenèse patients, qui montrent des taches d’hyperpigmentation, présen-
tent une mutation activatrice dans la protéine G as entraînant
une activation soutenue de l’adénylate cyclase et une augmen-
tation des taux intracellulaires en AMPc.
Rayons ultraviolets D’autres observations faites chez la souris montrent le rôle
In vivo, la mélanogenèse est régulée principalement par le important de l’ aMSH et de son récepteur dans la régulation de
rayonnement UVA et UVB de la lumière solaire. Les rayonne- la mélanogenèse. Des mutations au locus extension qui codent
ments UVA et UVB pénètrent jusqu’à la couche basale de pour le récepteur de l’ aMSH (MC1R) donnent des animaux au
l’épiderme ; ils peuvent donc agir sur les mélanocytes et les pelage jaune plutôt que marron. Ces mutations résultent en un
kératinocytes. Des arguments expérimentaux montrent que les récepteur non fonctionnel qui ne peut plus activer l’adénylate
UV, et plus particulièrement les UVB, peuvent agir directement cyclase sous l’action de son ligand. Par ailleurs, chez l’homme,
sur les mélanocytes pour stimuler la mélanogenèse. Par ailleurs, il semble que le phénotype roux soit associé à des mutations du
il est clair que l’exposition des kératinocytes aux UVB entraîne récepteur MC1R, certaines entraînant une diminution de
la production de nombreux agents qui régulent la croissance, la l’affinité pour l’ aMSH. [27]
différenciation et la mélanogenèse des mélanocytes épidermi- In vitro, l’addition d’aMSH et d’ACTH sur des mélanocytes en
ques. L’action coordonnée de ces différents facteurs ainsi que culture entraîne une stimulation importante de l’activité de la
l’effet direct des UV sur les mélanocytes aboutit aux effets tyrosinase et de la synthèse des eumélanines. Dans certains cas,
finaux des UV, à savoir la stimulation de la croissance des les peptides POMC ont également été décrits pour stimuler la
mélanocytes, de leur activité mélanogénique, aboutissant à une croissance des mélanocytes. Récemment, il a été montré que
augmentation de la pigmentation cutanée, c’est-à-dire au l’aMSH par l’intermédiaire de l’AMPc intervenait également
bronzage. dans la régulation du transport des mélanosomes. [28] L’AMPc
.1 induit une accumulation rapide des mélanosomes à l’extrémité
Effets directs des ultraviolets des dendrites. Ces mécanismes pourraient être impliqués dans
Les UVB induisent de nombreuses lésions dans l’ADN, parmi les phénomènes de réponse rapide aux UV (Fig. 6).
lesquelles la formation de dimères de pyrimidine est la plus
Monoxyde d’azote (NO)
fréquente. Des travaux récents ont montré que des agents
chimiques qui induisent des lésions de l’ADN sont capables de Le NO est un gaz diffusible dont la production est assurée par
stimuler la mélanogenèse. [24] De plus, l’addition de dimères de les NO-synthases à partir de l’arginine. Le NO est impliqué dans
thymine qui sont généralement excisés par des enzymes de de nombreux processus biologiques comme la réponse immuni-
réparation entraînait une augmentation de la synthèse de taire, l’inflammation et la vasodilatation. Dans l’épiderme, les
mélanines. Ces résultats suggèrent que l’excision des dimères de UV activent une NO-synthase de type neuronal et augmentent
la thymine est un événement essentiel dans la régulation de la la production de NO qui semble être impliqué dans l’apparition
mélanogenèse photo-induite. des érythèmes cutanés et également dans la transmission du
signal mélanogénique des UV. [29] Le NO, qui est produit par les
Effets indirects des ultraviolets kératinocytes et les mélanocytes, stimule la mélanogenèse des
Peptides pro-opiomélanocortiques mélanocytes en culture. D’autre part, la stimulation de la
mélanogenèse induite par les UV sur des monocultures mélano-
Chez les mammifères, deux hormones, l’aMSH et l’adrenocor-
cytaires ou sur des cocultures mélanocytes-kératinocytes, est
ticotropic hormone (ACTH), ont été largement impliquées dans la
régulation de la pigmentation. [25] En effet, dans les conditions bloquée par des inhibiteurs de NO-synthase. Les effets du NO
physiologiques, la mélanogenèse est principalement stimulée sont dus à l’activation d’une guanylate cyclase soluble mélano-
par les radiations UV du spectre solaire. Les UV qui pénètrent cytaire, entraînant une augmentation de la production d’acide
jusqu’à la couche basale de l’épiderme peuvent agir directement guanosine monophosphorique cyclique (GMPc) par les mélano-
sur les mélanocytes ou indirectement en stimulant la produc- cytes. En effet, la mélanogenèse est stimulée par un analogue du
tion d’agents mélanogéniques par les kératinocytes. Parmi les GMPc et les effets des UV et du NO sont bloqués par un
agents d’origine kératinocytaire dont la production est stimulée inhibiteur de la guanylate cyclase. Ces données montrent que
par les UV, l’aMSH et l’ACTH sont les plus puissants activateurs le NO sécrété à la fois par les mélanocytes et les kératinocytes
de la mélanogenèse. L’ aMSH et l’ACTH sont des hormones est impliqué dans une régulation autocrine et paracrine de la
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Mélanogenèse ¶ 50-020-C-10
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T. Passeron (t.passeron@free.fr).
Service de dermatologie, hôpital Archet 2, centre hospitalier universitaire de Nice, 151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière, 06202 Nice cedex 3, France.
Institut national de la santé et de la recherche médicale U587, faculté de médecine, avenue de Vallombrose, 06107 Nice cedex 2, France.
R. Ballotti.
Institut national de la santé et de la recherche médicale U587, faculté de médecine, avenue de Vallombrose, 06107 Nice cedex 2, France.
J.-P. Ortonne.
Service de dermatologie, hôpital Archet 2, centre hospitalier universitaire de Nice, 151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière, 06202 Nice cedex 3, France.
Institut national de la santé et de la recherche médicale U587, faculté de médecine, avenue de Vallombrose, 06107 Nice cedex 2, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Passeron T., Ballotti R., Ortonne J.-P. Mélanogenèse. EMC (Elsevier SAS, Paris), Cosmétologie et
Dermatologie esthétique, 50-020-C-10, 2005.
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