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‘Actes des séminaires publics d'archéologie "Matidres a faire” © Besangon : CRDA, 1993 LA CONSTRUCTION EN TERRE A L'EPOQUE ROMAINE Armand DESBAT* e Caton au Ile siécle av. J.C., a Isidore de Séville au Vile siéele ap. J.-C., en passant par Vitruve et Pline, nombreux sont les auteurs antiques qui signalent utilisation de la terre crue dans la construction et qui décrivent les différentes techniques de mises en ceuvre (1). Malgré cela, les préjugés dont fut vietime Varchi- tecture de terre depuis le XIXe siéele, ajoutés aux difficultés didentifica- tion dans les fouilles, firent que ce n’est qu’a une date récente que importance de ce mode de construe- tion a commencé a étre pergu et: que celui-ci a fait Pobjet d'études spécifiques (2). LES DONNEES DES TEXTES ANTIQUES Les textes qui nous sont parvenus attestent sans ambiguité Tusage de trois techniques traditionnelles de mise en wuvre de la terre crue, Tadobe, le pisé et le torchis avec clayonnage. Ladobe : cest la technique la plus abondamment citée et Vitruve lui consacre un chapitre entier (De Architectura II, 3). Ce dernier énumére plusieurs exemples d'édi fices publics ou privés batis en bri ques crues, mais il s’agit surtout dexemples empruntés au monde grec. Vitruve insiste sur la qualité de la terre et sur la nécessité de faire longuement sécher les briques avant Pusage. Cette recherche de qualité est illustrée par I'exemple, souvent repris, du controle effectué par un magistrat dUtique (Tunisie actuelle) vérifiant que les briques ont été fagonnées depuis cing ans. Cet exemple peut paraitre exagéré et il serait sans aucun doute erroné den inférer une régle générale pour la construction en briques. Plus intéressant pour notre propos est le fait que Vitruve vante les avantages de la construction en briques crues par rapport a celle de moellons. Le pisé : cette technique qui parait beaucoup moins répandue que la précédente n'est évoquée que par Pline (Histoire Naturelle XXXV, 48), Varron (Res. rust. 1, 14, 4) et Palladius (Traité d'agriculture X, 13) qui signalent son usage en Afrique du Nord, dans la Péninsule Ibérique et cn Italie du Sud (région de Tarente). * CNRS - Laboratoire de Céramologie de Lyon 1. Sur les textes antiques mentionnant la construction en tere, on peut se rapparter & Texoellent awtidle de LEQUEMENT (R), Lappar des textes antique’, dans Archilectes de terre et debs. ‘habitat privé des provinces ovidentales du monde romain, Actes di deusxiéme congrés ‘archéolgique de Gaule méridionale, Lyon 2-6 novembre 1983. Paris: 6. de la Maison des Sciences de [Homme, 1985. (Documents @Archéloge Prange, n° 2. Ce velume eostituant la synthe la Plusrécente sur cette question, iy sera frequerament fait référence dans suit de cet article. 2 Test bien évident que des exemples de anstructions antiques en tere on été rewonnus de longue date. Coles riont évé que tres rarement dacrits et riavaient jamais 66 tadiéesen tant que tei. Quand elles ont 6 mentionnées, cst le plus souvent avec Tidae quil sais de eanstructions mediocre, vir “barbares’ I faut saver qulaprés la destruction suse par les éfices dans le passé tun enfouissement de plusieurs sicles, seule unefouile minutieuse permet de metre en évdence Jes structares de tere et de reconnaite la technique employse. Dans les terains oles matiéres exganiques ont dispara (ce qu et le as le plus frequent), un mur dadobe, de pisé ou & pan de bois Jhourdé de tere, se présentera sous des aspacs tres proches. Peradotalement,Cest lorsque les murs ‘pan de bis ont 6 ineendis que leur structure appara e mieux. Séminaire 147 Matieres La construction en terre a \'époque romaine Le passage de Pline, surtout, est intéressant parce qu'il évoque la solidité du pisé en des termes que Yon eroirait tiré de Cointeraux (3) et cite en exemple les fortifications Hannibal qui se dressent encore en Espagne deux siécles aprés leur construction. Le torchis et clayonnage : si cette derniére technique est évoquée par plusieurs auteurs, c'est cependant Vitrave qui lui consacre la plus grande place pour en stigmatiser les inconvénients et déconseiller son emploi (De Architectura II, 8) & cause notamment des risques incendie qu’ils font courir. Les textes antiques sont riches d'exemples qui montrent que Yarchitecture de terre a été large- ment utilisée dans les constructions privées, dans les campagnes, mais aussi dans les villes et a Rome méme. C'est ainsi que Dion Cassius nous rapporte qu'une crue du Tibre en 54 av. J.-C. fit s'éerouler nombre de maisons construites en briques crues (Histoire Romaine XXXIX, 61). Malgré les précieux enseignements que l'on peut tirer des textes antiques, ceux-ci ne répondent pas & toutes les questions qui nous inté- ressent et leurs limites sont fla- grantes. En dehors de ceux d'Isidore de Séville (VIlle siécle) et de Palladius (IVe siacle), les témoi- gnages évoqués se rapportent a des auteurs anciens qui ont utilisé quel- quefois les mémes sources et il est tres difficile d’entrevoir par le biais des textes une évolution des techni- ques, ou de cerner précisément des différences géographiques. Le rapprochement entre V’inter- diction de construire en briques & Rome, rapportée par Vitruve (II, 8) et le texte de Suétone prétant a Auguste Vorgueil “de laisser” en marbre (Rome) qu'il avait regue en briques (..."marmoream se relinquere, quam laterissam accepisset” (Auguste 28), peut donner & penser que cette interdiction fut édictée par Auguste Iui-méme. Cela ne nous dit Pas pour autant si cette technique a véritablement disparu a Rome méme, a partir d’Auguste. Une exception est fournie par la technique du pisé, les mentions de Varron et surtout de Pline laissent supposer une technique étrangére & Vitalie et limitée géographiquement, puisquiils la situent tous les deux en Afrique du Nord et dans la Péninsule Thérique. La carence la plus nette concerne cependant les détails techniques de mises en ceuvre, et en dehors de quelques anecdotes, comme celle du magistrat d'Utique, précédemment citée, les textes antiques manquent de précisions. Ainsi on peut se demander si le passage de Vitrave sur P opus craticium ne s'applique qu’au clayonnage “rustique” ou s'il s‘applique également au pan de bois, plus élaboré, comme pourrait le faire penser sa description, qui parmi les inconvénients de cette technique, mentionne le fait que les enduits se fendent fréquemment au niveau des montants et travers par suite du retrait du bois. Il apparait en tout cas qu'aucun des textes connus ne présente de maniére distincte le torchis et clayonnage et le pan de bois dont le hourdis peut étre de nature variée : torchis et clayonnage, briques crues, briques cuites ou pierres. LES DONNEES ARCHEOLO- GIQUES Les données fournies par archéo- logie montrent de nombreux vestiges qui corroborent et illustrent les témoignages des auteurs anciens. Elles apportent également des pré- 8."Tls durent pendant des sidcles, inattaquables a la pluie, au vent, au feu et plus solides que les ‘modlons" (Pline, Histoire Naturelle, XXXV, 48). On comparera avec Gointeraux, Bzole d’ Architecture ‘rurale, 790. Séminaire 148 Matieres La construction en terre @ Vépoque romaine Fig. 1. Reconstruction d'une ruelle du village du Ve siécle av. J.-C. & Martigues Bouches-du-Rhéne). D’aprés J. Chausserie-Lapree, L. Domallain, N. Nin ~ Le quartier de Ile de Martigues. cisions, quelquefois absentes des sources écrites, mais mettent surtout en évidence des divergences. Elles constituent de ce fait la meilleure source pour connaitre limpact réel de ces techniques dans Varchitecture antique. Les techniques précédemment évo- ‘quées sont connues par de nombreux exemples dans Empire Romain mais avec des différences marquées dune région a Vautre de TEmpire et pour certaines d’entre elles une évolution dans le temps. La construction en adobe (4) c'est la technique la plus ancienne attestée et la plus largement répan- due géographiquement. On situe son apparition en Italie du Sud et en Sicile dés le Ville siécle av. J.-C. En Gaule méridionale et en Catalogne, elle apparait dans le courant du VIe sidcle, introduite par les établis- 4 Test bien clair que ce terme ne recouvre que les murs, prteurs ou non, entigrement eonstruits en ‘brique, et non la brique erue utilisée comme complément, hourdis dun pan de bois par exernple. Séminaire 149 Matieres

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