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COMMUNICA TION

D'ENTREPRISE EN AFRIQUE:
QUELS ENJEUX?
(Ç)L'Harmattan, 2005
ISBN: 2-7475-7733-3
EAN : 9782747577335
Vincent TRAORÉ

COMMUNICATION
D'ENTREPRISE EN AFRIQUE:
QUELS ENJEUX?

L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Jtalia


5-7,rue de l'École- Kossuth L. u. 14-16 Via Degli Artisti, 15
Polytechnique 1053 Budapest 10124 Torino
75005 Paris HONGRIE ITALIE
FRANCE
PREFACE
La communication est aujourd'hui une composante essentielle de la
modernité. Elle est plus que jamais une condition du dialogue, de l'échange
et du partage. Elle rend les processus démocratiques dans toutes les sociétés
plus efficaces. Autant de valeurs que prône avec conviction la
Francophonie.

En Afrique, le sens commun réduit généralement la communication à


l'information comme si ces deux notions avaient la même signification, le
même poids, les mêmes effets. Dans son acception stricte, l'information
signifie les moyens dont sont dotés une société, un Etat, une organisation
pour collecter et diffuser des nouvelles et des connaissances. Dans un sens
plus large, l'information traduit l'initiative intelligible du public à
l'événement ou à des faits d'actualité, dans l'objectivité et la neutralité.
Dans l'absolu, sans ces deux préalables, l'infonnation se mue en
propagande. Ces caractéristiques font apparaître les limites de la frontière
entre l'information et la communication.

C'est à partir de cette frontière que Vincent TRAORE, l'auteur de cet


ouvrage a su développer un véritable «plaidoyer sur la méthode» sur le
thème de la communication d'entreprise.
La communication dont ce travail a cerné les ressorts et les contours en
Afrique est celle qui modifie les modes de penser et de vivre, celle qui se
trouve au cœur du lien social, du rapport au monde et à l'autre. Elle est aussi
celle qui confère légitimité au pouvoir des organisations, notamment des
entreprises et des institutions. L'exercice est ambitieux, mais l'analyse et la
réflexion qui résultent d'une solide expérience professionnelle se révèlent
d'une grande utilité et constituent une contribution positive pour tous les
acteurs concernés de l'Espace francophone. Une contribution stimulante,
parce qu'elle accorde la priorité au savoir faire et à l'action. Parce qu'elle se
démarque des modèles « importés », des paradigmes et des considérations
théoriques, parce qu'elle conceptualise et systématise des situations vécues
et éprouvées sur le terrain de la communication d'entreprise en Afrique.

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C'est, sans conteste ce qui lui confère une grande qualité didactique pour les
professionnels de la communication, les enseignants et étudiants des écoles
de communication, les chercheurs et tous ceux qui s'intéressent à l'univers
de la communication d'entreprise en Afrique. A l'heure où la
mondialisation, et le progrès des techniques qui la porte, multiplient les
défis pour les pays du Sud, cet ouvrage doit stimuler les jeunes générations
africaines pour qu'elles deviennent des acteurs à part entière de cette
impitoyable, mais incontournable mondialisation de la communication.

M. Abdou DIOUF
Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie

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INTRODUCTION

La rédaction de cet ouvrage obéit à deux motivations: droit et devoir. Droit,


parce que depuis des années que nous recevons en stage des étudiants et des
professionnels, ces derniers expriment une forte demande d'un ouvrage
traduisant le vécu d'un professionnel africain de la communication. Oui, un
ouvrage mettant en relief les réalités, la sensibilité et la sociologie de la
communication d'entreprise en Afrique.

Amusé, je le fus tout d'abord parce qu'en la matière, il existe de nombreux


ouvrages présentant des expériences de managers offrant des recettes toutes
faites émaillées d'anecdotes. Il existe aussi nombre d'ouvrages reconnus
pour leur démarche scientifique, leur panel de concepts-clés, leur arsenal de
"trucs et astuces" et de prescriptions utiles.

Troublé, je le fus ensuite car face à ce dilemne, je me demandais si ce qui


intéressait les stagiaires pouvait être d'un quelconque intérêt pour d'autres.
Alors que faire?

La réponse m'a été inspirée par le devoir. Le devoir de répondre


favorablement à la préoccupation des stagiaires. Le devoir, pour un Africain
exerçant dans un environnement africain, de témoigner pour les générations
à venir. Le devoir d'aller de l'avant et de donner plus de sens à son travail
de tous les jours comme pour faire écho à la pensée philosophique de
Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, qui disait: « Dans la
vie, rien ne vaut la peine de rien, mais toute ma vie, j'ai fait comme si tout
valait la peine de tout».

Sans prétention aucune, cet ouvrage tente d'échanger avec des étudiants en
communication et de guider des professionnels confrontés à des problèmes
de tous les jours dans leur métier. Il tente également d'ouvrir des pistes de
réflexion pour tous ceux qui s'intéressent à la pratique de la communication
en Afrique.

En effet, s'il est vrai que les concepts en matière de communication sont
généralement valables pour tous, parce qu'universels, il n'en demeure pas
moins que leur champ et leurs modalités d'application varient d'un
continent à l'autre, d'un pays à un autre, et même plus particulièrement d'un
contexte urbain à un contexte rural. Après tout, n'est-ce pas tout cela qui fait

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le charme de la communication. N'est-ce pas tout cela qui donne à la
communication son vrai sens, celui de cette science en perpétuelle mutation.
Voilà, le décor, les interrogations et les réflexions qui ont précédé la
réalisation de cet ouvrage articulé autour de quatre points.

- Dans la première partie, nous essayons de décrire l'environnement dans


lequel on évolue en Afrique, étant entendu que la connaissance du milieu
est un facteur important pour mener à bien des actions de
communication. Il y a une sociologie africaine, une psychologie
africaine, et il y a des réalités africaines. Celles-ci engendrent des
comportements culturels qui sont soit des freins, soit des facteurs
favorables pour une communication interne et externe.

- Dans les deuxième et troisième parties, sur la base de notre expérience,


nous présentons le vécu de la communication en tant qu'objet d'attentes
contradictoires et de perceptions diverses. A l'aide de quelques exemples
et anecdotes, nous proposons quelques pistes concernant l'attitude à avoir
vis-à-vis de son milieu et de sa profession. Nous ouvrons également une
fenêtre sur les pratiques universelles relevant des sciences et techniques
au service de la communication.

- Enfin, dans une quatrième partie, nous partageons l'expérience d'une


institution régionale de financement du développement, la Banque Ouest
Africaine de Développement (BOAD) à travers l'organisation d'une
campagne de communication économique et financière sur l'émission de
titres obligataires et de bons. L'expérience de la BOAD étant la première
du genre sur le plan sous-régional, il nous a semblé opportun de livrer
notre stratégie en la matière dont les résultats ont toujours été fort
heureusement probants.

Aussi, cet ouvrage s'adresse-t-il :


aux chercheurs en communication;
aux enseignants en communication;
aux professionnels de la communication;
aux étudiants des écoles supérieures de journalisme et de
communication;
aux managers;
aux décideurs politiques, économiques et fmanciers.
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REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à l'égard de mes parents et de ma


famille auxquels cet ouvrage est dédié.

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CHAPITRE I:

LES US ET COUTUMES AFRICAINS


Le premier chapitre que nous abordons traite des comportements que les
Africains ont acquis par l'éducation. Ce continent, à l'instar des autres, a sa
propre culture, sa civilisation, son histoire et ses coutumes qui inspirent
naturellement la manière d'agir de l'homme africain.

Ce chapitre vise à situer l'environnement dans lequel évoluent les


entreprises en Afrique. Il explique pourquoi les comportements constituent
dans certains cas des facteurs de blocage pour une bonne communication et
dans d'autres cas d'atouts contribuant à la performance du management de
l'entreprise. Ces facteurs rejoignent les résultats de l'analyse de plusieurs
entreprises opérant en Afrique dont notamment celle de la cellule de
communication de la société ivoirienne d'électricité.

Une chose est en tout cas sûre: aucune communication n'est possible dans
un environnement qu'on ne maîtrise pas. Une bonne connaissance des
réalités et de la sociologie du milieu s'impose parce qu'elle permet de bâtir
une bonne politique de communication sur les plans interne et externe.

Quand l'individu ne se reconnaît pas dans la politique dont il est la cible, on


ne peut pas obtenir son adhésion. Par contre, lorsque cette politique prend
en compte ses aspirations, ses besoins réels et ses exigences culturelles, non
seulement l'individu est l'objet de ce que le Pr Francis BALLE appelle une
"exposition sélective", mais il y a de fortes chances qu'il soit un acteur
engagé du succès de cette politique.

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I - LES FREINS AU DEVELOPPEMENT DE lA
COMMUNICATION ET DU MANAGEMENT DE
l'ENTREPRISE

Parmi les facteurs négatifs qui empêchent l'évolution rapide des méthodes
de communication et partant de gestion, on peut citer notamment:

Les rivalités régionalistes, tribalistes ou de castes;


La culture de la soumission ou le mythe du chef;
Le poids des forces occultes (marabouts et féticheurs) ;
La " korocratie " ou le " grand- frèrisme " ;
La considération relative à " l'infériorité de la femme" ;
La notion du temps;
La fatalité;
Le paternalisme;
Le poids de la civilisation de l'oralité;
La notion de pauvreté.

1.1 - Les rivalités régionalistes, tribalistes ou de castes


Il serait intéressant d'aborder ce chapitre par une anecdote. Un jour, il a été
demandé à un agent de faire rapidement une note sur instruction de son chef
hiérarchique originaire du Nord d'un pays de l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). L'agent en question étant originaire
du Sud a écouté, a bien pris soin de noter mais ne s'est pas exécuté. Le
délai passé, il a été rappelé à l'ordre à plusieurs reprises mais tous les efforts
sont restés vains. Lorsqu'il a été mis dans l'obligation de fournir les raisons
de son refus, l'intéressé a tout simplement répondu que le "petit chef"
originaire du Nord commençait à le fatiguer avec ses instructions au
caractère toujours urgent. Il a ajouté qu'en temps normal, ce dernier ne peut
jamais lui donner des ordres; ses parents nordistes ayant été dans le temps
les ouvriers agricoles de ses parents à lui. Il a mis l'accent sur le fait que
c'est à raison que le chef hiérarchique est passé par quelqu'un d'autre car,
qu'il le veuille ou non, ce dernier souffre d'un complexe d'infériorité vis-à-
vis de lui.

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Dans les pays où il existe une rivalité entre le Nord et le Sud, aucun geste de
la part des uns et des autres n'est gratuit. Le ressortissant du Sud trouvera
toujours les explications historiques à la fois objectives et subjectives
(souvent plus subjectives qu'objectives) pour démontrer en quoi il n'y a rien
d'étonnant dans le comportement malheureux et les propos de son voisin du
Nord et vice-versa.

On pourrait continuer à citer d'autres exemples de ce type ainsi que certains


se rapportant à des considérations de castes entre "nobles", "griots",
"forgerons", ... dans les pays sahéliens. Il est arrivé d'assister à une scène
où un agent arguant de sa "noblesse", a osé dire clairement et publiquement
à son supérieur hiérarchique" griot" qu'il n'avait pas d'ordre à recevoir de
lui. Malgré les menaces de ce dernier, l'agent a refusé de présenter ses
excuses et a préféré se faire sanctionner. En réalité, il était convaincu que
quelle que soit la nature des rapports existants entre eux, le "griot" ne
devrait jamais lui imposer quoi que ce soit.

Même si de tels cas ont tendance à être rares, il est à remarquer que
certaines personnes sont malheureusement toujours porteuses de cet état
d'esprit.

De telles attitudes inhérentes à nos structures sociales peuvent parfois


conduire, comme on le constate, à des blocages au niveau des activités dans
l'entreprise. Les préjugés tribalistes, ethniques ou féodaux peuvent non
seulement freiner le déroulement normal des activités de l'entreprise mais
en plus conduire au blocage des processus de modernisation.

Il est donc important de prendre en considération de telles données afin de


bien les gérer. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut jamais nommer un agent de
caste ou d'une minorité ethnique responsable d'agents dits nobles ou
appartenant à un groupe ethnique majoritaire. Il s'agit tout simplement de le
savoir et d'y veiller afm de prévenir des crises éventuelles..

1.2 - La culture de la soumission ou le mythe du chef


En Afrique, le respect du chef est partie intégrante de l'éducation.. Ne dit-on
pas en Afrique, fatalité oblige, que le chef tient son pouvoir de Dieu? Dans
ces conditions, quel que soit son comportement ou ses agissements, on se
doit de l'obéir. Après tout, dira-t-on: il n'est pas là par hasard. Cette culture

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fortement ancrée dans nos sociétés se retrouve aussi bien dans les
communautés villageoises que dans les entreprises.

En entreprise (surtout lorsque celle-ci est petite), elle est fortement marquée
par le fait que le respect de la hiérarchie fait partie des premières règles de
conduite et est considéré comme un élément indispensable pour son bon
fonctionnement. Seulement, cette pratique connaît généralement une
certaine exagération et aboutit à un excès de soumission. En réalité, chacun
y trouve son compte: l'agent qui obéit à une survivance traditionnelle et le
chef qui aime bien se voir et se savoir respecté. A ce titre, certains en usent
et en abusent et deviennent facilement des dictateurs.

Ces genres de considérations ne favorisent guère une bonne gestion et une


communication dynamique au sein d'une entreprise. Le mythe du chef est
tel que la plupart du temps, certains agents répondent "oui chef, oui chef"
sans avoir bien compris le message. L'agent est convaincu que le fait de dire
qu'il n'a pas compris est signe de non-respect. Or, il est reconnu qu'un
message non compris ou mal compris, sera forcément mal rendu ou mal
exécuté. Ce qui entraîne de facto des conséquences assez graves pour une
bonne communication au sein de l'entreprise.

Un jour, un agent d'une entreprise, après avoir reçu les instructions du


patron, est allé voir un de ses collègues, presque en tremblant, pour lui
demander de l'arranger auprès de ce dernier en obtenant des
éclaircissements sur les instructions qu'il avait reçues.

Cet agent dont c'était la première fois convocation par le chef d'entreprise a
eu peur de dire qu'il n'avait pas compris le message de ce dernier. En effet,
il était inconcevable pour lui de faire redire le message par le chef.

Dans la pratique, ce comportement fragilise l'entreprise qui affiche en fait


une stabilité de façade, la base étant coupée et déconnectée du sommet.
D'un côté un patron omnipotent, omniscient et de l'autre un personnel "béni
oui oui" exécutant les ordres sans intelligence.

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1.3 - Le poids des forces occultes (marabouts et
féticheurs)
Beaucoup d' Mricains, quels que soient leurs croyances religieuses et leur
niveau d'instruction, sont convaincus de la capacité des marabouts et
féticheurs. On prendra donc le soin de consulter son marabout avant
d'entreprendre quoi que ce soit. Qu'il s'agisse d'obtenir un travail, une
promotion, un poste ministériel, ou présidentiel; qu'il s'agisse de faire
gagner son équipe au football ou dans une autre discipline sportive; qu'il
s'agisse de se défendre contre quelqu'un ou de combattre autrui, on pensera
d'abord et toujours au marabout ou au féticheur.

Dans une entreprise, ce réflexe a des conséquences néfastes dans la mesure


où la croyance aux forces occultes prend le pas sur l'éthique du travail et
sur le mérite. Les anecdotes permettant d'illustrer ces situations sont
nombreuses et aboutissent aux constats suivants:
Certaines personnes deviennent "intouchables" au bureau parce que tout le
monde est convaincu qu'elles sont dotées de pouvoirs magiques conférés
par des marabouts. Même en cas de malversation, de faute quelconque, les
témoins auront peur de les dénoncer; quant au chef, il hésitera longtemps
avant de sévir.

Conséquence pratique: la faute commise n'est pas sanctionnée, l'entreprise


en fait les frais et l'impunité s'installe.

A titre d'exemple, quand, à l'heure de la descente, vous constatez parfois


qu'un agent ne détenant aucune responsabilité particulière au sein de
l'entreprise s'attarde dans les couloirs et pénètre par la suite dans le bureau
ou dans la voiture du patron, ne vous posez pas trop de questions car il doit
sûrement être dans les bonnes grâces de celui-ci pour une raison ou une
autre. Certains vous diront que l'agent sert d'intermédiaire entre le patron et
le marabout ou le féticheur, s'il ne s'agit pas d'une "affaire de femme".

Lorsqu'un agent ne détenant aucune responsabilité particulière dans


l'entreprise se rend à certaines heures au domicile du patron sans en être un
parent, il est inutile de vous poser trop de questions, car il est rare que cela
soit pour des raisons de service, mais plutôt pour des raisons extra
professionnellesliées notamment à des intermédiations avec les marabouts.
Le problème que cela pose est lié au fait que la plupart du temps, les agents
concernés font savoir ce qu'ils représentent pour le chef afin qu'ils soient
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craints et qu'aucun compte ne leur soit demandé. Ils se vantent d'avoir, à la
fois, la protection du chef ainsi que celle du marabout.

Généralement, ces types d'agents travaillent très peu ou pas du tout mais
bénéficient tout de même de promotions dues au fait qu'ils s'occupent de la
protection du patron auprès des marabouts.

Il ressort donc que les forces occultes passent avant le mérite. Pour obtenir
une promotion quelconque, il devient dès lors plus facile de s'accrocher aux
forces transcendantales qu'aux vertus du travail, ce qui crée une
démotivation et une lassitude au niveau du personnel.

Cela joue naturellement sur la productivité en même temps que sur la


communication dans la mesure où le message du marabout devient
prépondérant par rapport à celui de l'entreprise.

1.4 - La " Korocratie " ou le " grand frèrisme "

Du mot Bambara "koro" qui signifie grand frère ou grande sœur, la


korocratie ou le grand frèrisme traduit le respect de celui qui est plus âgé ou
le droit d'aînesse. Ainsi, il est difficile parfois qu'un jeune responsable
arrive à se faire respecter et écouter de certains agents plus âgés que lui. Du
fait qu'ils sont plus âgés et plus anciens dans l'entreprise, ils ont tendance à
minimiser le supérieur hiérarchique. En réponse à certaines instructions
qu'il donne, les aînés peuvent réagir dans le registre: "oui, vous êtes le
patron, mais nous sommes vos aînés et forcément on en sait beaucoup plus
que vous". De telles attitudes acquises par l'éducation reçue à la base, bien
que comportant des aspects positifs de cohésion sociale, ont des
conséquences néfastes sur la communication en entreprise. Elles peuvent en
effet constituer des éléments de blocage à une bonne communication.

Exemple: Un jeune rédacteur en chef d'une radio a remarqué qu'un de ses


collaborateurs appelé affectueusement "Tonton", par toute la rédaction
compte tenu de son âge, était toujours absent lors des conférences de
rédaction.

Après avoir demandé à l'intéressé les motifs de ses absences répétées, celui-
ci a attendu un mois avant de répondre ceci: « c'est nous qui avons démarré
cette radio au moment où vous n'étiez qu'un gamin. Actuellement, nous
n'avons plus rien à apprendre et à attendre de quelqu'un. Nous avons fait
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tout ce que nous devions faire. Ne comptez donc pas sur moi pour vos
conférences de rédaction et autres initiatives nouvelles. Moi, j'arrondis mes
fins de mois par ailleurs au moment où vous déployez vos jeunes énergies.
Mais cela, tu ne le comprendras que plus tard ; lorsque tu vas te marier, que
tu auras des enfants et que ton bébé va crier la nuit parce qu'il est malade au
moment où tu n'as ni carburant dans le réservoir de ta voiture pour te
déplacer, ni argent pour t'en procurer et encore moins acheter des
médicaments, tu sauras pourquoi je suis absent des conférences de
rédaction».

Qu'il s'agisse de cet exemple ou d'autres cas similaires, certaines personnes,


du fait qu'elles sont plus âgées, bloquent l'évolution du système de
communication par des actes qui se manifestent soit par un refus de
communiquer, soit par une attitude délibérée d'induire en erreur en donnant
des fausses informations.
L'ennui dans de tels actes est dû au fait que les intéressés sont persuadés
qu'ils agissent dans le bon sens et qu'ils sont dans leur droit, celui de
l'aînesse.

1.5 - L'infériorité de la femme


En Afrique, bien que le rôle joué par la femme dans la société soit
important, on retient généralement qu'elle ne tient pas la même position que
l'homme. Ce dernier la considère trop souvent comme inférieure et à ce
titre, rares sont ceux qui acceptent de se faire commander par elle. Les
relations sont d'autant plus difficiles que la femme sachant son autorité
bafouée du fait de sa condition féminine, a tendance elle aussi à vouloir
s'imposer par tous les moyens. Ce qui provoque parfois des maladresses de
sa part et un sentiment de rébellion au niveau des exécutants. Pour certains
hommes, le fait d'avoir une femme comme responsable est synonyme de
dévalorisation voire de malheur. Quand c'est le cas, ils feront tout pour lui
rendre la tâche difficile en refusant de lui obéir. Il n'est pas rare d'entendre
des réflexions du genre "Madame, sachez que chez moi, je partage le lit
avec une femme comme vous, et c'est elle qui m'obéit."

En résumé, le complexe de supériorité qu'affichent les hommes vis-à-vis


des femmes et la difficulté pour les femmes de faire asseoir leur autorité sur
les hommes constituent une pesanteur pour une bonne communication au
sein de l'entreprise. Les préjugés, les appréhensions et les hostilités créent la

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méfiance, la lenteur et la mauvaise volonté dans l'exécution des instructions
ainsi que la non-adhésion à la culture de l'entreprise.
Bien que la situation de la femme se soit améliorée depuis quelques années,
il est indiqué d'en tenir compte car les mentalités ont la vie dure en ce qui
concerne le changement.

1.6 - La notion du temps


La notion du temps pour l'Africain se ramène à prendre son temps. Dans
nos sociétés traditionnelles, ce temps est géré au rythme des événements
sociaux (baptêmes, mariages, funérailles, récoltes et diverses autres
cérémonies) ainsi qu'au rythme des astres: le soleil et la lune.

Justement, cette considération partie intégrante de notre culture, est


incompatible avec la vocation et le bon fonctionnement d'une entreprise.
Celle-ci, pour prospérer, a besoin de placer le facteur temps au cœur de sa
préoccupation essentielle de rentabilité. C'est uniquement de cette manière
qu'elle pourra accroître sa production, respecter ses engagements vis-à-vis
de ses clients, payer à temps ses impôts et ses fournisseurs, faire des
placements à temps, prévenir à temps les crises, et s'organiser à temps pour
gérer ses perspectives de développement.

Vouloir faire comprendre à un Africain que "le temps c'est de l'argent" est
une perte de temps. Non seulement, il trouvera la démonstration inutile,
mais en plus, il aura autour de lui des collègues pour l'encourager dans ce
sens, culture oblige.

Par exemple, on éprouve parfois d'énormes difficultés lorsqu'on doit


communiquer rapidement à des journalistes de l'extérieur certaines
informations dont ils ont besoin et qu'on ne peut obtenir qu'auprès d'autres
collègues. Il faut parfois beaucoup insister auprès de ces derniers qui
ignorent tout des contraintes liées au bouclage d'un journal ou à la
présentation d'une émission radio ou télévisée programmée à une heure fixe
; en un mot, le temps importe peu pour eux.

Il en est de même des réunions. Une réunion prévue pour 9 h 00 par


exemple peut démarrer avec une heure voire deux heures de retard sans
qu'on en soit scandalisé d'une manière générale en Afrique.

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