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LE SAINT, LE MOINE ET LE PAYSAN

Mélanges d’histoire byzantine offerts à Michel Kaplan


Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
BYZANTINA SORBONENSIA – 29

Institut de Recherches sur Byzance, l’Islam


et la Méditerranée au Moyen Âge

LE SAINT, LE MOINE ET LE PAYSAN


Mélanges d’histoire byzantine offerts à Michel Kaplan

édités par Olivier Delouis, Sophie Métivier et Paule Pagès

Ouvrage publié avec le concours de la Commission de la recherche


de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et du « Legs Malandrino »

Publications de la Sorbonne
2016
Collection Byzantina Sorbonensia

dirigée par Michel Kaplan

Image de couverture :
Psautier de Théodore (1066)
London, British Library, Add. 19352, fol. 190r
(© 2016 British Library)

Composition
Fabien Tessier

© Publications de la Sorbonne, 2016


212, rue Saint-Jacques, 75005 Paris
www.univ-paris1.fr – publisor@univ-paris1.fr
Loi du 11 mars 1957

ISBN 978-2-85944-972-8
ISSN 0398-7965

Les opinions exprimées dans cet ouvrage n’engagent que leurs auteurs.

« Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation,


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l’équilibre économique des circuits du livre. »
L’écho du culte de Nicéphore Phocas
chez les Slaves des Balkans

Smilja Marjanović-Dušanić

L’assassinat de Nicéphore Phocas, commis dans la nuit du 10 au 11 décembre 969,


constitue un événement qui a eu un retentissement énorme, tant parmi les contem-
porains que dans les générations à venir. Si cette histoire de complot impérial et
d’assassinat brutal de l’empereur ascétique, enrichie de topoi piquants sur l’épouse
infidèle, l’assassin qui monte sur le trône, les actes de cruauté commis sur le corps
de l’empereur par les conspirateurs, le prix de la trahison, est devenue un sujet de
prédilection pour les écrivains, elle est aussi à la base de la grande popularité du
culte du martyr Nicéphore Phocas. Cette étude tentera, en se référant aux textes
conservés, de cerner les causes de la création du modèle hagiographique du basileus
assassiné et surtout les caractéristiques de son culte propres aux peuples slaves
des Balkans1. Deux raisons nous ont conduite à analyser les influences et l’étendue
de la célébration de Nicéphore Phocas en tant que souverain martyr et ascète.
D’une part, ce culte était manifestement très répandu dans la périphérie balkanique
de l’Empire, ce dont témoigne une tradition littéraire exceptionnellement riche.
D’autre part, spécifique à bien des égards, il a laissé des traces dans la genèse du
canon royal dans cette région, ce qui explique ses échos ultérieurs dans la littérature
apocalyptique, très populaire, des Slaves des Balkans.

* *
*

Nous devons évidemment chercher les fondements littéraires du culte de


Nicéphore Phocas dans les sources élaborées immédiatement après les événements
sanglants de 969, ou bien dans les textes qui, un peu plus tard, notent et commentent
ces événements et leurs conséquences pour l’histoire de l’Empire2. Entre la fin du
xe et la fin du xie siècle, les trois sources les plus importantes sur l’assassinat de
l’empereur sont l’Histoire de Léon le Diacre, l’Historia syntomos de Michel Psellos

1. Sur le traitement de ce sujet dans la littérature byzantine et slave voir R. Morris, The Two
Faces of Nikephoros Phokas, BMGS 12, 1988, p. 83-115.
2. L’analyse détaillée des sources traitant cet événement se trouve dans R. Guilland, Le palais
de Boukoléon. L’assassinat de Nicéphore II Phocas, BSl. 13/1, 1952, p. 101-136.

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et la Synopsis de Jean Skylitzès3. Il faut ajouter à cette liste un long office en l’honneur
de Phocas – victorieux, ascète et martyr – à la date du 11 décembre, dans un
manuscrit du couvent de la Très Grande Lavra (xie siècle)4, ainsi que les poèmes
de Jean le Géomètre5. Pour notre sujet, le Dit de l’empereur Nicéphore Phocas et
son épouse Théophanô6, écrit en slavon serbe, mérite une attention particulière.
Les chercheurs qui ont étudié ce texte ne sont unanimes ni sur son auteur ni sur le
caractère du discours. L’éditeur du texte, Emil Turdeanu, suppose que son auteur
était un clerc de la Macédoine bulgaro-serbe7 et il date l’apparition de la légende,
d’après la tradition manuscrite, du début de la deuxième moitié du xive siècle8.
Selon Era Vranoussi9, le texte du discours fut initialement écrit en grec, pour être
lu probablement devant des moines et leur higoumène. Il s’agit donc d’un texte
monastique et non d’un récit populaire destiné à des laïcs10. À un moment donné,
les deux versions (A et B) de ce texte réservé initialement à la lecture monastique
commencèrent à pénétrer, par l’intermédiaire des moines, dans les milieux profanes,
ce qui contribua à la création de contes populaires. Era Vranoussi y distingue donc
deux genres littéraires – le discours monastique, composé en grec, et la littérature
orale, populaire chez les Slaves, dont les thèmes sont présents dans les récits
apocryphes, vétérotestamentaires et prophétiques, conservés dans les florilèges et
les miscellanées du genre du Dit.
Les thèses opposées sur l’origine du texte, son auteur et le public visé, demandent
une analyse détaillée de l’énoncé du Dit et de sa tradition manuscrite. L’hypothèse
selon laquelle le Dit slave proviendrait du milieu hagiorite semble incontestable11.

3. Leonis Diaconi Historia, éd.  C. B. Hase, Bonn 1828 (CSHB) ; Michaelis Pselli Historia Syntomos,
éd. W. J.  Aerts, Berlin / New York 1990 (CFHB 30) ; Ioannis Scylitzae Synopsis historiarum,
éd. I. Thurn, Berlin / New York 1973 (CFHB 5). Cf. Jean Skylitzès, Empereurs de Constan-
tinople, trad. B. Flusin et comment. J.-C. Cheynet, Paris 2003 (Réalités byzantines 8). La
description des événements de 969 dans l’œuvre de Jean Zonaras (Ioannis Zonarae Epito-
mae historiarum libri XVIII. 3, Epitomae historiarum XIII-XVIII, éd. T. Büttner-Wobst,
Bonn 1897 [CSHB]) dépend de l’histoire de Psellos et de Skylitzès, comme l’a montré
Ljubarskij. Cf. J. Ljubarskij, Nikephoros Phokas in Byzantine Historical Writings. Trace
of Secular Biography in Byzantium, BSl. 54/2, 1993, p. 245-253.
4. L. Petit, Office inédit en l’honneur de Nicéphore Phokas, BZ 13, 1904, p. 398-420.
5. PG 106, col. 901 ; pour les autres sources voir É. Patlagean, Le basileus assassiné et la
sainteté impériale, dans Media in Francia. Recueil de mélanges offert à Karl Ferdinand
Werner, Maulévrier 1989, p. 350 et suiv. (repris dans Ead., Figures du pouvoir à Byzance,
ix e-xii e siècle, Spolète 2001 [Collectanea 13], p. 53-71).
6. E. Turdeanu, Le dit de l’empereur Nicéphore II Phocas et de son épouse Théophanô. Introduction,
textes slaves, traduction et commentaires, Thessalonique 1976 (Association hellénique d’études
slaves 1) [cité désormais Turdeanu, Le dit].
7. Ibid., p. 33.
8. Ibid., p. 36.
9. E. Vranoussi, Un « discours » byzantin en l’honneur du saint empereur Nicéphore Phokas
transmis par la littérature slave, RESEE 16/4, 1978, p. 729.
10. Ibid., p. 730.
11. Cf. ibid., p. 740-742. Il faut pourtant tenir compte de la circonstance soulignée par Emil
Turdeanu dans sa réponse aux critiques d’Era Vranoussi : aucune des neuf rédactions slaves
conservées ne provient du Mont Athos.

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 377

Son caractère édifiant et moralisant, la célébration de l’ascèse et l’accent mis sur le


dessein de Phocas de prendre l’habit, aussi bien que les formules du genre « bénis,
père ! » (connues seulement dans la version B du texte), indiquent qu’il a pu être
utilisé comme lecture spirituelle dans les monastères. Cependant, il est nécessaire
de souligner, comme le fait Turdeanu, que le manuscrit serbe de 1409 possède
un colophon signé par le pope Pribil, un prêtre de village, et que les recueils de
miscellanées dans lesquels le texte a été conservé comprennent, outre ce Dit,
plusieurs recueils d’apocryphes, des légendes bibliques, le Dit d’Alexandre le Vieil,
la Vie d’Ésope, les apologues tirés du Physiologue – une littérature mi-populaire
mi-monastique12. Ces éléments pourraient appuyer la thèse de Turdeanu sur les
origines de la version slave du texte.
Néanmoins, les tentatives pour cerner la provenance de l’auteur n’ont pas une
importance décisive. Nous sommes d’avis que le caractère folklorique du récit
résulte de l’adaptation des données historiques à un but qui aurait été différent
si le texte avait été écrit à l’intention des cercles monastiques, surtout hagiorites.
En effet, s’il avait été proche du milieu hagiorite dans lequel le saint empereur
Phocas était vénéré pour sa piété, son intention de devenir moine et sa participa-
tion au développement de la Grande Lavra, l’auteur du texte, quel qu’il fût, aurait
dû savoir que Tzimiskès devint empereur après le meurtre de Phocas. Tzimiskès
lui-même a été célébré plus tard au Mont Athos, et il serait difficile de croire que l’on
pouvait lire publiquement un texte qui décrivait sa mort en termes romanesques
et dans les circonstances suivantes : résultat du miracle opéré par le futur saint
Nicéphore Phocas, elle est présentée comme une punition divine, miraculeuse et
juste, pour ses crimes. En outre, le rédacteur de la version B ignorait complètement
qui était Tzimiskès, contrairement au rédacteur de la version A13. D’une manière
générale, il nous semble que l’auteur évite intentionnellement la réalité historique,
et cette caractéristique importante du texte met en lumière le public pour lequel
il a été écrit et auquel il a été lu. Quelles que fussent les connaissances, générales
ou précises, de l’auteur du Dit sur les personnages du drame, non seulement
rien n’est dit de la succession de Tzimiskès dans le texte14, mais à l’endroit où
l’on attendrait un énoncé consacré aux remords liés à l’assassinat de l’empereur
et à la culpabilisation de la femme maudite pour le complot, est narré le triomphe
de la piété et de la justice : après être tombé, fendu en deux par le glaive, Phocas,
avec ses dernières forces, évidemment comme exécuteur de la volonté divine,
tue Tzimiskès avec le psautier qu’il était en train de lire à l’heure de sa mort15.

12. E. Turdeanu, Nouvelles considérations sur le « Dit de l’empereur Nicéphore Phokas et de


son épouse Théophanô », Rivista di studi bizantini e slavi 5, 1985, p. 169-195, ici p. 179-180.
13. Ibid., p. 177.
14. Dans le récit on incrimine surtout Théophanô, accusée de vouloir faire accéder au trône
son jeune et bel amant. Mais Jean Tzimiskès est contraint, sur l’ordre du patriarche
Polyeucte, de se repentir pour pouvoir porter la couronne ; l’acte est d’autant plus mis en
avant que c’est le meurtrier de Phocas qui sera le promoteur de son culte. Tzimiskès aura
lui aussi un culte au Mont Athos, aux côtés de celui de Phocas.
15. Sur la forme du psautier comme argument pour sa thèse sur la provenance monastique du
texte, voir Vranoussi, Un « discours » byzantin (cité n. 9), p. 735 ; pour les contre-arguments
voir Turdeanu, Nouvelles considérations (cité n. 12), p. 185-186.

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Suit l’histoire de la ruse par laquelle Théophanô tue huit frères de Phocas, puis
trouve un nouveau mari, avant que la justice ne finisse par triompher. Le motif
des frères introduit dans le récit fait sans doute écho à la réalité historique : Léon,
le frère de l’empereur, avait joué un rôle politique important. De plus, sa réaction
inappropriée aux événements sanglants – il s’évade et se réfugie à Sainte-Sophie
la nuit de l’assassinat – explique le dénouement du drame, la prise de pouvoir
de Tzimiskès16. Dans le texte où l’auteur se focalise sur la description du péché et
de la punition, donc sur l’édification du lecteur, il est significatif que le protago-
niste soit une femme maudite, qui paie ses péchés d’une mort atroce, ses entrailles
dispersées dans les rues de Constantinople. Dans ce but le portrait de Phocas est
délibérément accusé ; le destin ultime, qui oppose la fin honteuse de l’impératrice
infidèle et de son amant à la récompense céleste des neuf frères vertueux, couronnés
de la sainteté, est caractéristique des textes moralisateurs en général.
Tout ce qui vient d’être dit suggère qu’il existe une cohésion interne au texte
du Dit, aussi bien qu’un but unique, que son auteur gardait à l’esprit lorsqu’il a
réélaboré, de manière populaire et didactique, une histoire très connue. En revanche,
il en a infléchi la vraisemblance, s’il avait du moins connaissance des données
historiques, à d’autres fins. Nous ne sommes pas d’accord avec Era Vranoussi qui
soutient que le texte du Dit a été le germe d’une hagiographie future de Phocas, et
que la preuve de cette hypothèse se trouve dans la structure du texte, qui conduit
le lecteur / auditeur systématiquement et progressivement à la sanctification du
héros17. Il nous semble que l’histoire racontée de cette manière a pour but d’une
part de mettre en relief la sainteté comme vertu suprême, l’ascèse, la réticence
envers le pouvoir, la piété et le désir de devenir moine, d’autre part d’y opposer,
avec force couleurs, la débauche et le péché qui conduisent les protagonistes néga-
tifs, en premier lieu la mauvaise femme, au crime et à la mort ignoble. Dans un tel
récit, les vertueux sont toujours récompensés, les coupables punis, et là se trouvait
la morale qui devait instruire un plus vaste public, monastique aussi bien que
laïque. Tout cela témoigne d’une réélaboration d’un prototype perdu, dont chacune
des deux versions existantes a conservé certains détails18.
Nous laisserons de côté pour le moment la question de l’existence d’un proto-
texte grec – question centrale de la polémique que nous avons évoquée – pour en
revenir à l’analyse de l’énoncé du Dit. En effet, qu’il y ait eu, initialement, un texte
grec du Dit ou que la version slave en soit l’original, notre attention porte sur les
régions où le culte de Nicéphore Phocas a été diffusé et où l’on copiait, pour cette
raison justement, les textes qui le concernaient, de sorte qu’au total neuf manus-
crits du Dit ont été conservés à ce jour. Aussi, il paraît essentiel de comprendre les
influences que le culte a exercées dans ces régions et à travers lesquelles un certain
modèle populaire de comportement idéal a été façonné, indépendamment des
circonstances de la genèse du texte. Pour cela il faut examiner le portrait du saint
empereur donné par l’historiographie (surtout la Synopsis de Skylitzès), qui a

16. Léon le Diacre (cité n. 3), p. 95 ; Skylitzès (cité n. 3), p. 281 ; Zonaras (cité n. 3), p. 519.
17. Vranoussi, Un « discours » byzantin (cité n. 9), p. 736-737.
18. Turdeanu, Nouvelles considérations (cité n. 12), p. 178.

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 379

influencé la création de l’image populaire que notre texte reflète. L’auteur du Dit
a-t-il pu utiliser cette historiographie, ou a-t-il eu pour source la tradition orale,
connue grâce à la littérature populaire et aux légendes, qui ont ensuite été
transformées en contes édifiants ? S’il est difficile de répondre à cette question,
le texte n’en livre pas moins une série d’indices.
L’image de l’empereur est fondée sur une topique choisie. Voyons d’abord
de quelle manière les sources historiographiques décrivent ces caractéristiques de
Phocas qui se sont trouvées au centre de la littérature hagiographique ultérieure.
Il s’agit de quelques topoi de la sainteté, facilement identifiables dans les textes
des contemporains, en premier lieu des topoi de l’ascèse. Les premières descriptions
de l’ascension au pouvoir du général témoignent clairement d’une caractéristique
ascétique très importante : la réticence envers le pouvoir. De la même manière,
les habitudes ascétiques, qui datent de sa jeunesse, sont mises en exergue quand
les sources expliquent le futur éloignement de son mari de la part de Théophanô
et sa relation présumée avec Tzimiskès. Ce sont justement Psellos et Zonaras19 qui
soulignent cette aspiration ancienne du général couronné de gloire à une vie ascé-
tique. Cette composante importante du futur canon du souverain idéal qui fut
populaire parmi les Slaves est soulignée de plusieurs façons dans les descriptions de
la vie et, surtout, de la mort, exceptionnelle, de Phocas. Le fondement du motif de
l’ascèse impériale a été fourni par sa relation avec les moines athonites, Athanase
en particulier, le fondateur de la Grande Lavra et le père spirituel de l’empereur20.
Issu d’une famille de nobles magnats, l’empereur était un disciple d’Athanase, qu’il
aida dans la fondation du couvent de Lavra au Mont Athos. Il aurait pensé très tôt
à renoncer au pouvoir pour se consacrer à la vie monastique. L’influence des moines
hagiorites sur le général a été d’autant plus grande que saint Michel Maléinos,
oncle de Phocas et maître spirituel d’Athanase, a été un ermite connu21. Dès la Vie
d’Athanase de Lavra nous sommes informés du désir du général de se faire moine à
la veille de l’expédition en Crète (960)22.

19. Psellos (cité n. 3), p. 100 ; cf. Zonaras (cité n. 3), p. 516 (qui, dans cette partie, s’appuie
généralement sur l’énoncé de Psellos, avec peu de modifications). Sur la thèse selon
laquelle l’Historia Syntomos contient les traces évidentes de la biographie séculaire de
l’empereur Phocas, voir A. Markopoulos, Zu den Biographien des Nikephoros Phokas,
JÖB 38, 1988, p. 225-233 ; Ljubarskij, Nikephoros Phokas in Byzantine Historical
Writings (cité n. 3), p. 245-253.
20. Sur l’aide que les frères Phocas (Nicéphore et Léon) ont donnée à Athanase pour fonder
le monastère, voir le témoignage des Actes de Lavra. 1, Des origines à 1204, éd. P. Lemerle
et al., Paris 1970 (Archives de l’Athos 5), p. 30. Sur le don d’un morceau de la vraie croix
au couvent athonite de Lavra par l’empereur Phocas, voir l’acte nº 5, l. 20.
21. Son hagiographie en témoigne ; cf. Vie de saint Michel Maleïnos, éd. L. Petit, ROC 7,
1902, p. 549-568. Pour un examen plus détaillé de la relation entre Nicéphore Phocas et la
Grande Lavra, voir Patlagean, Le basileus assassiné et la sainteté impériale (cité n. 5), p. 349.
22. P. Lemerle, La vie ancienne de saint Athanase l’Athonite composée au début du xie siècle
par Athanase de Lavra, dans Le Millénaire du Mont Athos, 963-1963, t. 1, Chevetogne 1963,
p. 59-100, ici p. 75 (repris dans Id., Le monde de Byzance. Histoire et institutions, Londres
1978 [Variorum Collected Studies Series 86], no XXI).

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380 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

À propos de la réticence envers le pouvoir, nous pouvons noter qu’elle était


présente chez l’empereur Phocas dès l’époque où il conquit le trône impérial.
Toutes les sources majeures confirment son hésitation à s’opposer à Joseph Bringas
et à usurper la couronne impériale23. Un mépris particulier envers le pouvoir laïque est
associé à l’attachement que Phocas vouait au milieu athonite. Une autre information,
d’égale importance, concerne le lieu de l’assassinat de l’empereur, et l’auteur du
Dit est renseigné avec précision à ce sujet24. Il faut ajouter à tout cela la description
de la scène du meurtre : sa mort, criminelle et violente, survient de nuit ; elle est
décrite comme celle d’un martyr : ayant fait vœu de pureté, et selon les préceptes
des ascètes, il dort sur une couche de pierre quand Jean Tzimiskès le tue. Ce détail,
qui témoigne des habitudes ascétiques de l’empereur, a été introduit dans le récit
de l’attentat avec la claire intention de faire de l’empereur un moine ascète. C’est
en ce sens qu’il faut comprendre la partie du Dit consacrée aux pratiques ascétiques
de Phocas25, et surtout la conversation entre les époux pendant laquelle Phocas
répond aux insinuations de Théophanô. Alors qu’elle affirme que les pommes ont
réussi, que la cerise est mûre et qu’il est temps que Phocas les cueille, il lui rétorque 
que c’est l’heure pour lui de partir à Jérusalem où il priera pour tous deux, puis
pour eux deux de sauver leur âme en devenant, à son retour de pèlerinage, higou-
mène et mère supérieure26. Dans ce contexte les topoi de l’ascèse servent à former,
dans la littérature populaire, l’image du saint. Sa dimension martyriale n’en est pas
moins particulièrement soulignée par la mention de la décapitation, caractéristique
du martyre.
En faisant valoir le lien entre l’assassinat et la sainteté du souverain, Évelyne
Patlagean a mis en lumière l’existence d’un motif littéraire qui a influencé, selon
nous, les récits de la prise du pouvoir par Phocas27. Il s’agit du renoncement au
pouvoir par désir de devenir moine et de vivre en ascète, dont le modèle, dans
la littérature populaire, se trouve dans le Roman de Barlaam et Joasaph et dans

23. Léon le Diacre (cité n. 3), p. 39-40 ; Psellos (cité n. 3), p. 98 ; Skylitzès (cité n. 3), p. 256 ;
Zonaras (cité n. 3), p. 496. Dans leurs descriptions de ces événements, ils mentionnent
déjà le rôle décisif joué par Tzimiskès pour persuader Phocas d’usurper le pouvoir. Selon
Léon le Diacre, Joseph Bringas et Nicéphore Phocas lui-même offraient le trône à Tzimiskès
(Léon le Diacre [cité n. 3], p. 41). L’insistance des sources sur l’importance de la candidature
de Tzimiskès au trône à l’époque semble être une anticipation des événements futurs.
À ce sujet voir, pour plus de détails, B. Krsmanović, D. Dželebdžić, Jovan Cimiskije i
Nićifor II Foka: pozadina i motivi jednog ubistva s predumišljajem [résumé : John Tzimiskes
and Nikephoros II Phokas: The Background and Motives of a Premeditated Murder]
ZRVI 47, 2010, p. 83-120, ici p. 99.
24. Vranoussi, Un « discours » byzantin (cité n. 9), p. 731 : il s’agit de la mention du cabinet
secret, qui ne figure que dans la version B du texte.
25. Turdeanu, Le dit, IV, p. 72.
26. Ibid., IV, p. 72.
27. Sur les diverses opinions, voir G. Dagron, Empereur et prêtre. Étude sur le césaropapisme byzan-
tin, Paris 1996 (Bibliothèque des histoires), p. 159-168 (« Saints empereurs »), particulièrement
p. 162-163 (sur Nicéphore Phocas et Jean Tzimiskès) ; K. G. Pitsakis, Sainteté et empire.
À propos de la sainteté impériale : formes de sainteté « d’office » et de sainteté collective
dans l’Empire d’Orient ?, Bizantinistica. Rivista di studi bizantini e slavi, Ser. 2, 3, 2001,
p. 155-227.

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 381

les textes qui les célèbrent28. Il faut souligner le fait que ce motif a connu une
grande popularité dans les Balkans slaves, au point de faire partie du modèle du
souverain accepté par les Serbes. L’emploi des sources qui évoquent l’ascension de
Nicéphore Phocas au trône impérial témoigne de la genèse de ces schémas idéo-
logiques qui ont eux-mêmes contribué à l’élaboration des représentations populaires.
Plus loin, nous examinerons les échos que ces schémas ont eus dans la formation
de l’idéal monarchique dans les Balkans slaves.

* *
*

Le fond du Dit est la littérature populaire et religieuse qui a proliféré dans


les diverses miscellanées (de type zbornik / recueil) produites en territoire serbe et
bulgare de la fin du xive au xviiie siècle. Si l’on essaye d’analyser le contenu des
recueils similaires de cette région, nous verrons qu’il s’agit de collections de textes
moralisateurs et religieux, comme les apocryphes, les extraits du Paterik et les lectures
spirituelles, qui, après le titre, comprennent habituellement la formule « bénis, père »,
un indice de l’origine monastique de l’œuvre. Le même principe s’applique aux
manuscrits serbes et bulgares qui renferment les textes des visions de l’au-delà.
De la fin du xive et du début du xve siècle datent les plus anciennes collections de
recueils édifiants, dans lesquelles nous trouvons les textes du genre slovo. Certains
d’entre eux, comme le Dit de la sainte Anastasie ou le Dit de l’empereur Nicéphore,
mentionnent le « couple » Phocas-Tzimiskès, les protagonistes d’un épisode histo-
rique fameux, qui a été introduit dans des chroniques byzantines très lues, comme
la Synopsis de Skylitzès. C’est justement à partir de cette dernière que la légende de
l’empereur Nicéphore a pu se diffuser facilement dans la tradition folklorique,
entrer dans les cercles monastiques et finalement inspirer la littérature populaire
édifiante. Le rapport entre les deux versions du Dit, recueillies dans les collections
mentionnées, est évident car il s’agit de textes écrits dans un but et pour des
milieux similaires. Ils n’ont pas été composés pour aider à la propagation du culte
de Nicéphore Phocas, ils sont avant tout l’écho de la popularité déjà existante
du culte du martyr. C’est pourquoi nous pensons qu’ils servent au même but que
la littérature édifiante en général : fondés sur l’histoire de l’empereur vertueux, déjà
connue et largement populaire, ils agissent comme une morale. C’est le caractère
moralisateur du Dit de l’empereur Nicéphore qui explique sa focalisation sur la femme
maudite : son but est de donner un exemple à suivre, pour citer les mots de la
moniale Anastasie, « pour que chacun se détourne de ses maux et des mauvais
chemins » et corrige sa vie.
Le discours édifiant qu’est le Dit de l’empereur Nicéphore a été composé, sans
doute, dans un milieu périphérique de l’Empire. Si l’auteur, selon l’opinion d’Era
Vranoussi, a pris comme point de départ un texte original grec, aujourd’hui perdu,

28. Patlagean, Le basileus assassiné et la sainteté impériale (cité n. 5), p. 359. En parlant de
Phocas, l’auteur dit que son originalité personnelle « évoque […] en sa puissante contra-
diction, le motif de Barlaam et Joasaph, sans d’ailleurs que rien dans nos textes ne conforte
en fait le rapprochement ».

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382 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

il l’a sûrement modifié dans une large mesure, étant donné que le public de Constan-
tinople ou de l’Athos devait très bien connaître, au contraire, les circonstances
historiques de ces noirs événements. Il faut ajouter à cela l’introduction dans le récit
de certains motifs qui mettent en lumière sa nature compilatoire. Il s’agit de motifs
généralement connus : les souliers de Cendrillon (kalligia), le choix de la jeune mariée29,
le châtiment de la mauvaise femme, sa propension à l’adultère, la conscience du
meurtrier endormie par un pot de vin, sont autant d’indicateurs évidents du genre
de ce récit, de sa nature compilatoire comme du faible niveau des connaissances de
son auteur sur les événements de la capitale. Ils montrent aussi les sources que
l’auteur a pu utiliser. Sans vouloir entrer dans la polémique sur le contenu de celles
qui lui sont parvenues, l’auteur du Dit a évidemment mêlé une série de détails
qui concernaient l’une ou l’autre des deux impératrices appelées Théophanô. Par
exemple, le motif des souliers de Cendrillon renvoie à la Vie de l’épouse de Léon
le Sage, au « concours de beauté » qu’elle a remporté, et témoigne de la confusion
par l’auteur des deux souveraines30. Une telle confusion a sans doute été causée par
l’identité de leurs prénoms. Par ailleurs, les métaphores érotiques qui sont présentes
dans le texte pour souligner la peccabilité de l’impératrice et mettre en valeur
les vertus ascétiques du saint empereur, renvoient à des éléments folkloriques et
au langage imagé du peuple ; nous sommes d’accord avec Turdeanu sur ce point31.
Pour répondre à toutes les questions que nous nous sommes posées, il n’est pas
sans intérêt d’examiner les recueils dans lesquels ces Dits au contenu moralisateur
ont été insérés. La tradition manuscrite montre que, dès la fin du xiiie siècle, diffé-
rents textes, qui ont continué d’être copiés, sont populaires dans le monde slave
des Balkans. La traduction serbe du Roman de Barlaam et Joasaph est l’une des plus
anciennes et elle a fortement influencé la formation de l’idéal monarchique chez
les Serbes. Dans la tradition locale, le culte de saint Jean Vladimir devient popu-
laire à partir du xiie siècle, même s’il est mentionné pour la première fois dans
un livre liturgique copié vers 1300. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut considérer
la genèse du Dit de l’empereur Nicéphore, dont la rédaction la plus ancienne, comme
nous l’avons vu, date du xive siècle. La création du texte consacré à la prophétie
de sainte Anastasie, dont la plus ancienne rédaction conservée date des environs
de 1380, témoigne d’une tradition bien établie de lectures édifiantes, qui ont été
transmises à ces régions principalement grâce à des traductions grecques. Toutefois,
cette circonstance n’explique pas tous les aspects de la très grande popularité du
genre du Dit. Ces œuvres, nées dans les milieux religieux, ont été composées soit
pour la lecture monastique soit pour l’utilisation pastorale. Elles ont influencé
la conception d’un canon stable, fondé sur les légendes des empereurs vertueux,
le triomphe de la piété et le caractère désirable du pouvoir terrestre.
Grâce à une analyse philologique, nous pourrions répondre à la question de
l’existence d’un texte grec qui aurait servi de modèle pour la création des deux
versions slaves, conservées dans neuf rédactions, du Dit de l’empereur Nicéphore.

29. Turdeanu, Le dit, III, p. 71.


30. Vranoussi, Un « discours » byzantin (cité n. 9), p. 733.
31. Turdeanu, Nouvelles considérations (cité n. 12), p. 179 ; cf. Vranoussi, Un « discours »
byzantin (cité n. 9), p. 735.

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 383

Pourtant, nous préférons analyser, comme nous l’avons déjà souligné, ce que le texte
lui-même peut nous offrir comme point de départ pour comprendre comment
le culte de Nicéphore Phocas a servi, dans le milieu serbo-bulgare, à façonner
un canon monarchique de longue durée. Il s’agit du modèle d’un souverain martyr
et ascète qui périt par l’épée au moment de sa prière et qui est récompensé par
le don divin de la sainteté, modèle qui a été appliqué très clairement dans le cas de
l’histoire composite de Jean Vladimir, conservée dans les Annales du prêtre de Dioclée.
Le motif du souverain idéal qui hésite à prendre le pouvoir et qui a l’intention de
finir sa vie comme moine, popularisé entre autres par le Roman de Barlaam et
Joasaph, n’est pas seulement profondément enraciné dans la tradition littéraire
concernant Phocas, qui est évidemment exploitée dans le Dit, mais il a aussi façonné
toute la tradition médiévale serbe du canon monarchique. Il est construit selon le
modèle du souverain moine et saint, pour lequel on trouve maints parallèles occi-
dentaux, surtout hongrois32. La popularité du culte de Phocas et le lien que son écho
littéraire a noué avec les motifs déjà existants montrent la complexité de la création
de l’idéal monarchique, qui allait profondément marquer la Serbie médiévale.
Voyons d’abord comment l’écho du culte de l’empereur Phocas a influencé la genèse
de l’idéal du souverain martyr.

* *
*

L’évolution des cultes des saints rois dépendait beaucoup des rapports entre le
pouvoir royal et la communauté. En Serbie, la sainteté royale connaît un véritable
essor au moment de l’avènement d’Etienne Nemanja (1166) et de la création du
premier État médiéval, d’abord situé en Zeta, puis en Rascie. On y établit des cultes
des saints rois pour les mêmes raisons que dans les autres royaumes d’Europe.
Comme tout pays apparu tardivement sur la scène historique, la Serbie cherchait
à s’assurer une place dans l’histoire sainte en élevant ses souverains au rang de saints.
Même s’il ne fut pas l’unique source d’inspiration de la sainteté royale en Serbie,
le culte byzantin y jouait un rôle important tant dans sa conception que dans
la structure des cultes33. À partir du xe siècle, l’hagiographie byzantine atteste une
relation étroite entre le culte des saints et le pouvoir impérial, ce qui donne au saint
un grand prestige et une influence considérable dans la société et la vie politique34.

32. S. Marjanović-Dušanić, L’idéologie monarchique de la dynastie des Némanides. Étude


diplomatique, Belgrade 1997, p. 274-286.
33. Sur le modèle byzantin du rapport du pouvoir à la sainteté et aux reliques, voir E. Bozóky,
La politique des reliques de Constantin à Saint Louis : protection collective et légitimation du
pouvoir, Paris 2007 (Bibliothèque historique et littéraire), p. 73-118.
34. É. Patlagean, Sainteté et pouvoir, dans The Byzantine Saint, éd. S. Hackel, Londres 1981
(Studies Supplementary to Sobornost 5), p. 88-105, ici p. 95-97 (repris dans Ead., Figures
du pouvoir à Byzance [cité n. 5], p. 173-195) ; R. Morris, The Political Saint of the Eleventh
Century, dans The Byzantine Saint, op. cit., p. 43-50. L’élévation à la sainteté des person-
nages les plus influents de l’État et de la hiérarchie ecclésiastique se rencontre à Byzance
également au xiiie siècle. Sur ce sujet, voir R. Macrides, Saints and Sainthood in the Early
Palaiologan Period, dans The Byzantine Saint, op. cit., p. 67-87.

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384 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

Les saints ont la fonction de pères spirituels de la hiérarchie profane tandis que
leurs visions et leurs conseils ont une influence sur l’élite politique. La vocation
monastique est si puissante à l’époque qu’elle est érigée en modèle auprès de l’élite
gouvernante, marquant même de son empreinte les dévotions impériales35.
Comme on l’a déjà souligné, le culte de l’empereur Nicéphore II Phocas fut
surtout populaire dans le monde slave à partir du xiiie siècle. Il y incarne le prototype
de l’idéal monastique notamment grâce à la large diffusion du Dit de l’empereur
Nicéphore Phocas et son épouse Théophanô. La mort du héros en prière, sur le seuil
de l’église ou bien, comme ici, endormi sur une couche de pierre, est un motif
courant de l’hagiographie des saints martyrs. Elle fait aussi du criminel un homme
avide de pouvoir, qui, après s’être repenti, initie le processus de sanctification du
roi assassiné. L’office composé au xie siècle pour l’empereur Phocas, qu’on lisait
au jour anniversaire de sa mort, le 11 décembre, emploie les termes de « martyr »,
d’« ascète » et de « guerrier ». Le texte désigne également l’empereur comme « porteur
de la gloire des Rômaioi »36. De cet hymne, qui donne une place prépondérante au
père spirituel de Phocas, Athanase, ressort surtout le caractère moral de l’empereur.
L’hagiographie serbe a repris à son compte cette tradition littéraire byzantine dans
les Vies des saints rois. Il est vrai que ces textes, louanges ou hymnes, célébraient
un souverain enclin à l’ascèse et proche des moines du Mont Athos, à une époque
et dans un contexte où il était habituel que le roi prît l’habit du moine.
Le premier culte de saint roi apparaît en Serbie au cours du xie siècle, le siècle
de la genèse de ce modèle en Europe37. Il concerne Jean Vladimir, un saint roi
martyr. Même s’il constitue un cas isolé par rapport aux saints rois némanides qu’il
précède et dont l’ensemble forme un groupe homogène, il est remarquable que le
culte qui lui est dédié l’apparente en tous points à un idéal très répandu à l’époque.
La mort violente du roi, acceptée sans résistance, représente le point culminant des
Vies des saints rois martyrs. Ces dernières identifient au Christ le héros qui en
répète le sacrifice et le règne. La série des miracles posthumes du saint fait aussi
appel aux motifs des Évangiles. La grande popularité du culte du roi martyr dans
le monde slave résulte de l’influence de l’idéal du « martyr et moine », présent dans
l’hagiographie méso-byzantine38, ce que confirment les cultes des saints Venceslas,
Boris et Gleb ou Jean Vladimir, qui possèdent tous une structure identique39.

35. Patlagean, Sainteté et pouvoir (cité note précédente), p. 99.


36. Cf. Ead., Le basileus assassiné et la sainteté impériale (cité n. 5), p. 348-349.
37. Sur ces questions, voir S. Marjanović-Dušanić, Patterns of Martyrial Sanctity in the
Royal Ideology of Medieval Serbia. Continuity and Change, Balcanica 37, 2006, p. 69-79.
38. Patlagean, Le basileus assassiné et la sainteté impériale (cité n. 5), p. 372.
39. Voir N. W.  Ingham, The Martyrdom of Saint John Vladimir of Dioclea, International
Journal of Slavic Linguistics and Poetics 3, 1987, p. 199-216 ; cf. S. A. Ivanov, Neskol’ko
zamečanij o vizantijskom kontekste borisoglebskogo kul’ta [résumé : Quelques remarques
sur le contexte byzantin du culte des saints Boris et Gleb], dans Boriso-Glebskij sbornik /
Collectanea Borisoglebica. I, éd. C. Zuckerman, Paris 2009 (Occasional Monographs
Published by the Ukranian National Committee for Byzantine Studies 2), p. 355-364 ;
N. W.  Ingham, The Martyred Prince and the Question of Slavic Cultural Continuity in
the Early Middle Ages, dans Medieval Russian Culture, éd. H. Birnbaum et M. S.  Flier,
Berkeley 1984, p. 31-53. Cf. G. Lenhoff, The Martyred Princes Boris and Gleb: A Socio-Cultural

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 385

Les rois martyrs de cette région relèvent d’une tradition nouvelle qui s’est formée
et développée durant les xe et xie siècles ; leur fonction était de légitimer l’existence
des nouveaux peuples chrétiens et de les inscrire dans une histoire chrétienne40.
La spécificité des premiers cultes de ces saints rois repose d’ailleurs sur un mélange
d’éléments culturels issus à la fois du centre et de la périphérie du monde chrétien.
La forme et la fonction des cultes propres aux régions christianisées tardivement,
que les strastoterpcy Boris et Gleb illustrent très bien, sont contrebalancées par une
idéologie issue des anciennes provinces chrétiennes41. À mesure que le christianisme
se consolide au sein des nouveaux royaumes de l’Europe centrale, on assiste à l’établis-
sement d’un nouveau type de saint roi, largement redevable à la figure de saint
Ladislas de Hongrie. Il s’agit du rex renitens tenu à l’écart du pouvoir par sa modestie
et sa piété (humilitas regia)42. La littérature hagiographique a créé toute une série
de topoi et de « catalogues de vertus » qui s’articulent autour du refus de gouverner
les autres. Si le roi finit par céder et par accepter le pouvoir, c’est toujours en
réponse à une volonté divine rendue manifeste par des apparitions, des révélations
ou l’intercession des ancêtres. On souligne ainsi que le roi a été choisi par Dieu
pour régner et que la sainteté se transmet au sein de la dynastie. Ainsi, les rois se
succèdent au sein d’une famille sans en entacher la sainteté qui est toujours
d’origine divine43.
C’est dans ce contexte qu’il faut examiner les sources du culte de saint Jean
Vladimir. Il s’agit avant tout de la Légende de Vladimir et Kosara, qui fait partie des
Annales du prêtre de Dioclée, une œuvre longtemps datée du xiie siècle mais vraisembla-
blement plus tardive44. Même Skylitzès mentionne cette légende, bien que l’on

Study of the Cult and the Texts, Columbus 1989 (UCLA Slavic Studies 19), p. 32-33,
avec bibliographie. Voir également S. Franklin, Borrowed Time: Perceptions of the Past
in Twelfth-Century Rus’, dans The Perception of the Past in Twelfth-Century Europe,
éd. P. Magdalino, Cambridge 1992, p. 157-172.
40. P. Geary, Reflections on Historiography and the Holy: Center and Periphery, dans The
Making of Christian Myths in the Periphery of Latin Christendom (ca. 1000-1300),
éd. L. B.  Mortensen, Copenhague 2006, p. 323-329. Voir aussi F. A.  Sciacca, In Imita-
tion of Christ: Boris and Gleb and the Ritual Consecration of the Russian Land, Slavic
Review 49/2, 1990, p. 253-260, ici p. 258.
41. Au fil du temps, l’idéal hagiographique du saint roi se transforme ; le culte de saint Venceslas
illustre cette évolution. La première vie de saint Venceslas le présente comme un rex renitens
qui renonce à la vie terrestre pour devenir moine. Il mérite l’empire céleste en vertu de
sa mort en martyr. Venceslas est tué en pleine nuit dans l’église au moment de sa prière.
Au xiie siècle, la figure hagiographique de Venceslas s’est enrichie de motifs chevaleresques :
il est devenu un saint guerrier.
42. Cf. l’étude très détaillée sur l’apparition de ce type de saint roi, avec une bibliographie
complète, de B. Weiler, The rex renitens and the Medieval Ideal of Kingship, c. 900-c. 1250,
Viator 31, 2000, p. 1-42.
43. Sur la méthodologie employée pour ces recherches, voir l’incontournable travail de
Helmut Beumann : H. Beumann, Die Historiographie des Mittelalters als Quelle für die
Ideengeschichte des Königtums, Historische Zeitschrift 180, 1955, p. 449-488.
44. S. Bujan, La Chronique du prêtre de Dioclée, un faux document historique, REB 66, 2008,
p. 5-38 ; cf. S. Trajković-Filipović, Inventing a Saint’s Life: Chapter XXXVI of the
Annals of a Priest of Dioclea, REB 71, 2013, p. 259-276.

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386 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

ignore si ce liber gestorum de saint Vladimir in quo […] acta eius per ordinem
scripta sunt appartient au genre hagiographique ou si c’est un recueil de miracles
fondé sur la tradition orale. Dans le texte de la légende, incorporé aux Annales,
l’auteur suggère au lecteur la future sainteté du roi en se conformant à un recueil
de miracles, ce qui nous laisse à penser que le liber mentionné dans le texte de la
légende appartient à une composition où sont notés les miracles du saint. Nous
trouvons la première référence à Vladimir dans l’œuvre de Skylitzès, écrite au
xie siècle. Dans son chapitre sur Basile II est décrit le conflit entre l’empereur et le tsar
Samuel de Bulgarie. Lorsqu’il raconte la progression de Basile vers Dyrrachium
en 1015, l’auteur de la Synopsis évoque le roi Vladimir de Zeta pour la première fois45.
Cet extrait ainsi que plusieurs autres de la Synopsis sont similaires au chapitre XXXVI
des Annales. Les deux œuvres mentionnent les liens de parenté entre l’empereur
des Bulgares et le roi Vladimir, son gendre ; elles désignent Vladimir comme assassin
et signalent la rupture des serments. Même l’histoire d’amour est similaire, bien
que les personnages de Vladimir et Kosara soient confondus avec ceux d’Asotios et
de Miroslava46.
Les similitudes entre les deux œuvres posent la question de leur connexion
éventuelle, même si elles transmettent deux récits indépendants. Il est vraisemblable
que l’auteur des Annales ait adapté le texte de Skylitzès, surtout s’il s’agit, selon
l’hypothèse de Solange Bujan, d’une construction ultérieure d’Orbini, pour donner
un contexte historique à son récit47. Bien sûr, il reste l’hypothèse que la source ait
été, dans les deux cas, une hagiographie aujourd’hui perdue48.
Les raisons qui nous ont amenée à penser que le prototype de la légende était
un recueil de miracles, plutôt qu’une hagiographie complète, résident dans la
structure même du texte. Il s’agit en effet d’un recueil de miracles du souverain martyr.
Le héros est dépeint comme un enfant « pourvu de connaissance et de sainteté »
auquel on prédit immédiatement des pouvoirs miraculeux49. Une fois roi, étant un
« homme  saint »50, il préfère ne pas s’opposer à son ennemi. Aussi, lorsqu’il est attaqué
par l’empereur Samuel, il « se retire humblement » avec sa garde sur la montagne
Oblik. C’est alors que se produit le premier miracle de Vladimir (le miracle des
serpents). Survenant de son vivant, il confirme la sainteté du roi51. En corrélation
avec ce miracle, la légende veut que Vladimir ait été le sauveur de « tout son

45. Skylitzès (cité n. 3), p. 335.


46. Ibid., p. 324.
47. Sur l’hypothèse d’une rédaction de la Chronique du prêtre de Dioclée au xviie siècle, par
l’humaniste Mauro Orbini, voir Bujan, La Chronique du prêtre de Dioclée (cité n. 44).
48. Ibid., p. 25-26. Voir V. Tăpkova-Zaimova, Un manuscrit inconnu de la Vie de St Jean
Vladimir, Études balkaniques 6, p. 179-188 (repris dans Ead., Byzance et les Balkans à
partir du vi e siècle, Londres 1979 [Variorum Collected Studies Series 94], no XXXI).
49. Puer autem Vladimirus accepto regno crescebat decoratus omni sapientia et sanctitate :
T. Živković, Gesta Regum Sclavorum, t. 1, Belgrade / Ostrog 2009, XXXVI, p. 124.
50. Rex vero qui vir sanctus erat (ibid., p. 124).
51. Sur la faculté de réaliser des miracles de son vivant comme marque distinctive essentielle
du « saint homme », voir P. Brown, The Rise and Function of the Holy Man in Late Antiquity,
Journal of Roman Studies 61, 1971, p. 80-101 (repris dans Id., Society and the Holy in Late
Antiquity, Berkeley / Los Angeles 1982, p. 103-152).

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 387

peuple » en vertu de « la prière qu’il avait adressée au Seigneur et que ce dernier
avait entendue et exaucée ». Dans un récit conforme au modèle des Évangiles,
trahison, sacrifice et martyre s’imbriquent. Le traître prend les traits d’un joupan
(seigneur) qui dénonce Vladimir à l’empereur et que l’on compare au « traître
Judas ». Quant au roi, son discours d’adieu à la foule rassemblée en fait un bon
berger protégeant ses brebis : « Il vaut mieux, mes frères, que je donne mon âme
pour vous tous et que je leur offre volontairement mon corps pour qu’ils s’en
emparent ou qu’ils le découpent plutôt que de vous voir exposés à la famine ou au
glaive52. » Le sacrifice de Vladimir pour son peuple, son consentement à la mort et,
pour finir, son choix du martyre s’inscrivent dans la logique des Passions de martyrs.
Le récit se termine sur Vladimir que l’on conduit enchaîné dans une prison impé-
riale. Il y fait preuve de ferveur « ne passant ni un jour ni une nuit sans jeûner ni
prier ». Un messager des forces célestes incarné dans l’Ange du Seigneur se présente
ensuite à lui pour lui annoncer l’heureuse issue qui l’attend, puisqu’il va recevoir
l’empire céleste et la couronne immortelle, gages de la vie éternelle.
La structure de la légende de Vladimir est analogue aux récits biographiques
des saints martyrs de l’époque. Comme Gleb énonçant que « ce n’est pas un crime,
mais la coupe d’un arbre encore précoce », la romance entre Vladimir et sa femme
Kosara inspire une émotion certaine. Entre autres topoi, on retrouve dans le texte
la conduite irréprochable et exemplaire du roi envers son peuple, le psaume de
David sur la crainte du Seigneur53. Le récit s’achève sur la mort du héros. Après qu’il
a posé sur sa poitrine la croix en bois, symbole de « la foi », les anges l’accompagnent
sur le chemin qui le conduit au roi Vladislav, son meurtrier. La protection divine
que représente l’escorte des anges rappelle que c’est un saint. La mort de Vladimir
est décrite selon l’usage habituel : il est attaqué par des chevaliers en armes, alors
qu’il est en train de prier dans l’église. Il dit en mourant : « Pourquoi […] mourir
sans être coupable ? », en rappel de la souffrance de Christ54. Pour finir, selon
les principes des Vies de martyrs, l’église devant laquelle il est tué est aussi celle
où repose sa dépouille et les miracles s’y produisent immédiatement après sa mort.
L’élaboration du culte de Vladimir rappelle celle du culte de saint Venceslas qui
faisait déjà du meurtrier du roi l’initiateur de l’élévation puis de la translation
du corps du saint, demeuré incorrompu. À la mort de Vladimir, les miracles qui
se produisent auprès de sa tombe ont beaucoup de succès et les gens affluent de
toute part pour s’y recueillir. Il semble cependant que le récit de la sainteté de Jean
Vladimir ait été modifié comme ce fut le cas d’autres textes de ce type. En effet, le
« mauvais roi », quand il meurt à l’apparition de saint Vladimir, prend les traits,
nous dit l’auteur, d’un « chevalier en armes » ; puis, un ange envoyé par le Seigneur

52. Melius est ergo, fratres, ut ego ponam animam meam pro omnibus vobis et tradam corpus
meum sponte ad trucidandum seu occidendum, quam ut vos periclitemini fame sive gladio
(Gesta [cité n. 49], XXXVI, p. 126).
53. Vladimirus itaque rex vivebat cum uxore sua Cossara in omni sanctitate et castitate diligens
Deum et serviens illi nocte ac die regebatque populum sibi commissum cum timore Dei et iustitia
(ibid., p. 130).
54. Orate pro me, domini mei, et haec venerabilis crux una vobiscum / sit mihi testis in die Domini,
quoniam absque culpa morior (ibid., p. 134-135).

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388 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

lui porte le coup fatal, un saint ne pouvant perpétrer un crime55. La fin du récit sur
la légende de Vladimir et de Kosara, tout comme les autres miracles de Vladimir
post mortem, atteste une fois encore sa qualité de saint. L’auteur le souligne, disant
de lui qu’il était « une âme proche du Seigneur et que Dieu était à ses côtés »56.
La figure du saint roi des textes slaves a évolué en un siècle. Comme ailleurs,
elle s’est conformée à un idéal chevaleresque. Un culte néo-martyrial, propre aux
saints rois de Serbie, apparut au xve siècle, mais dans un contexte particulier et
selon un mode de célébration qui n’a plus de rapports avec celui du culte des martyrs
du xie siècle. Nous nous pencherons ici principalement sur la formation de la strate
la plus ancienne de ces cultes, et sur son lien supposé avec la légende, largement
populaire à l’époque, de l’empereur martyr qui devint saint. La présence du miracle
durant la vie (le miracle des serpents), le charisme du protagoniste (les larmes),
le motif de l’ange compagnon du roi, qui annonce la sainteté future, la construction
graduelle de l’idée d’un martyre chrétien et d’une mort sans résistance ni péché
(sine culpa morior), ainsi qu’une série de descriptions posthumes, nous prouvent
que la Légende poursuit, dans ses grandes lignes, le même but que les compositions
du genre du Dit de l’empereur Nicéphore Phocas et son épouse Théophanô. Il s’agit,
sans doute, de l’établissement d’un type du souverain idéal – le saint martyr –, qui
se propage depuis le xie siècle dans les régions balkaniques.
Après Skylitzès et les Annales, déjà mentionnés, le récit concernant saint Vladimir
apparaît aussi dans quelques sources tardives. Il s’agit de trois types de témoignages.
Le premier est une légende rédigée en grec, avant le xive siècle, dont le texte a été
publié pour la première fois à Venise, en 1690. On y mentionne le transfert de la
châsse et des reliques du saint roi dans un monastère près d’Elbasan, où se trouvent
des inscriptions en serbe, latin et grec. Après le tremblement de terre de 1381, dont
il souffrit beaucoup, ce monastère fut rénové par le prince albanais Karl Topia. Une
description détaillée du complexe funéraire, de 1891, a été conservée57. De même,
à Cetinje est préservée la donation dans laquelle il est précisé que le roi Vladimir
a été enseveli par son épouse Kosara au monastère de Sainte-Marie Très-Pure de
Krajina sur le lac de Skadar, où se trouvait le château du roi, avant que la translatio
des reliques à Elbasan n’ait lieu, fort probablement vers 1215, à l’époque du despote
d’Épire Michel Ier. Les Annales du prêtre de Dioclée ignorent d’ailleurs ce détail,
puisqu’on y lit que les reliques du roi sont encore à Krajina58. Le deuxième type de

55. Voir la description par Théodose du meurtre de Strez dans la Vie de saint Sava : Teodosije,
Žitija, éd. D. Bogdanović, trad. en serbe L. Mirković et D. Bogdanović, Belgrade 1988,
p. 181-186 ; texte en slavon serbe : Život svetoga Save, napisao Domentijan [= Théodose],
éd. Đ. Daničić, Belgrade 1860, p. 108-114.
56. Librum gestorum eius relegat quo acta eius per ordinem scripta sunt et agnoscet profecto quod
ipse vir sanctus) unus spiritus cum Domino fuit et Deus habitavit cum eo, cui honor… (Gesta
[cité n. 49], XXXVI, p. 138).
57. Sur les légendes, voir S. Novaković, Prvi osnovi slovenske književnosti medju balkanskim
Slovenima, Belgrade 1893 (réimpr. Belgrade 2002) ; Cf. Ingham, The Martyrdom of Saint
John Vladimir of Dioclea (cité n. 39), p. 199-216.
58. Tulitque denique corpus eius et asportavit in loco, qui Craini dicitur, ubi curia eius fuit, et in
ecclesia sanctae Mariae recondidit. Iacet corpus eius integrum et redolet quasi pluribus conditum
aromatibus et crucem illam, quam ab imperatore accepit, manu tenet. Congregaturque multitudo

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 389

sources, qui nous informe de l’essor et des caractéristiques du culte royal, repose
sur la légende orale vivante, alors qu’au troisième type appartiennent la Vie et les
offices de saint Vladimir, composés en grec entre 1690 et 1694 par le métropolite
Kosmas de Dyrrachium et fondés sur les légendes orales de la région d’Elbasan.
Ce qui nous intéresse, ce n’est pas, en soi, ce texte tardif, dans lequel s’entremêlent
des traditions très différentes, mais la longévité du substrat légendaire de l’histoire.
Prises dans leur ensemble, les sources tardives, qui attestent la pérennité du
culte du saint souverain et martyr dans ces territoires, confirment encore l’idée que
le culte de saint Jean Vladimir s’est formé à partir des faits historiques qui ont laissé
une trace dans les légendes de la région d’Ohrid et d’Elbasan. À notre avis, le
processus même de la création du culte, indépendamment des sources ultérieures,
témoigne du rayonnement ancien et fort des cultes byzantins, en ce cas du culte de
l’empereur martyr Nicéphore Phocas. Indirectement, la popularité de son culte est
tirée tant des sources historiques qui ont noté ces événements, que de la tradition
orale qui a aussi trouvé des échos dans les récits des visions de l’au-delà.

* *
*

Afin d’éclairer sous un autre angle les circonstances dans lesquelles s’est épanouie
la popularité du culte de Phocas dans les Balkans, nous examinerons le deuxième type
de sources, qui nous informe, indirectement, de l’importance et de la longévité
du culte de l’empereur martyr. Il s’agit de la tradition des visions de l’au-delà, qui
existe parallèlement aux apocryphes apocalyptiques59.

populi in eadem ecclesia omni anno in festivitate eius et meritis et intercessione eius prestantur
ibi multa beneficia recto corde petentibus usque in hodiernum diem. Uxor vero beati Vladimiri
Cossara sanctimonialis effecta pie et sancte vivendo in eadem ecclesia vitam finivit ibique sepulta
est ad pedes viri sui. Eodem itaque tempore quo translatum est corpus beati Vladimiri de Prespa
in Craini… (Gesta [cité n. 49], XXXVI, p. 136).
59. Elle date déjà de l’époque des Apophthegmata, malgré la méfiance manifestée par les ermites à
l’égard des visions. Dans l’hagiographie méso-byzantine on trouve fréquemment des récits
de visions de l’au-delà sous la forme de récits autonomes (Apocalypse d’Anastasie, Vision du
moine Cosmas) ainsi que de récits insérés dans des hagiographies plus amples (Vie d’André
Salos, Vie de Basile le Jeune, Vie de Niphon, etc.). Discours édifiants (voir par exemple cette
fonction dans la Vie de Syméon Stylite le Jeune), les visions de l’au-delà apparaissent sous forme
iconographique dans les représentations du Jugement dernier. Écrites comme de petites
histoires (comme dans la Vie d’André Salos et la Vie de Basile le Jeune), les visions de l’au-delà
mettent en relief l’importance de la pénitence, de la prière et de la charité, comme celle de
la confession des péchés. Une autre image apparaît comme inhérente au texte de la vision
de l’au-delà, l’image du Paradis. On en trouve un bon exemple dans la Vie de Philarète le
Miséricordieux, au début du ixe siècle (rédigée par son petit-fils Nicétas, originaire de
Paphlagonie), dans laquelle les prophéties montrent l’intention d’édifier un culte familial.
C’est presque le même cas avec la Vie de Fantin le Jeune, rédigée à Thessalonique dans le
dernier quart du xe siècle. Cf. A. Timotin, Visions, prophéties et pouvoir à Byzance : étude sur
l’hagiographie méso-byzantine, ixe-xie siècles, Paris 2010 (Dossiers byzantins 10), p. 284-304.

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390 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

Le récit connu comme l’Apocalypse d’Anastasie appartient au genre des visions,


écrites en grec pour un large public vers la fin du xe siècle, genre qui traite des voyages
visionnaires dans le monde de l’au-delà. Plus largement, le texte appartient au corpus
de la tradition apocalyptique byzantine60. Préoccupé par le comportement moral
et l’eschatologie de l’âme individuelle, ce genre de récit servait à procurer un guide
moral immédiat ; l’élaboration de telles histoires destinées, en tant que « fictions
normatives », à soutenir les normes morales, a coïncidé avec l’épanouissement de
l’hagiographie fictive fantastique, caractéristique de la renaissance hagiographique
du xe siècle sous la dynastie macédonienne, qu’illustrent en particulier les Vies des
saints Basile le Jeune et André le Fou61.
L’Apocalypse d’Anastasie, qui traite des aventures d’un personnage fictif, ne se
contente pas d’offrir un simple récit hagiographique destiné à soutenir un culte déjà
existant et assez populaire. En tant que vision médiévale classique du monde de
l’au-delà, elle a une forte valeur morale et canonique, incluant les éléments conven-
tionnels des topoi apocalyptiques. D’après la plupart des spécialistes, le visionnaire
de l’Apocalypse d’Anastasie, au contraire de celui de la Théotokos, est un personnage
fictif typique, du nom d’Anastasie. Le prologue hagiographique et sa conclusion
donnent un cadre particulier au récit. Les lignes introductives d’Anastasie montrent
que ce texte a été initialement destiné aux cercles monastiques. Grégoire, père spirituel
de son monastère, invite l’héroïne à décrire le monde de l’au-delà, où l’archange
Michel la guidait. Le fait que durant sa vision de l’au-delà elle a vu, parmi les pécheurs
« illustres », les empereurs Jean Ier Tzimiskès et sa victime, Nicéphore II Phocas,
nous indique que la Vision ne peut être antérieure à la fin du xe siècle.
Les quatre versions grecques de l’Apocalypse d’Anastasie conservées sont plutôt
tardives, copiées ou compilées entre le milieu du xive et le milieu du xvie siècle.
Toutes sont incorporées dans des florilegia composés de différents genres de textes
religieux – textes apocryphes, ascétiques, bibliques, hagiographiques, magiques,
dévots et homilétiques. Il semble que l’Apocalypse d’Anastasie circulait surtout dans
l’Empire byzantin et dans son orbite culturelle immédiate, à savoir en Italie du Sud
et parmi les Slaves du Sud, en Bulgarie et en Serbie. Les différentes versions des
traductions anciennes de l’Apocalypse d’Anastasie en vieux slavon ont été incorporées
dans les recueils intitulés slovo. Ceux-ci appartiennent aux divers genres de la prose
religieuse et sont généralement assemblés dans les collections apocryphes des
visions de l’au-delà62. Outre le Slovo sur Anastasie Chernorizitcya, les collections

60. P. J. Alexander, The Byzantine Apocalyptic Tradition, éd. D. de F. Abrahamse, Berkeley
1985 ; cf. É. Patlagean, Byzance et son autre monde : observations sur quelques récits,
dans Faire croire : modalités de la diffusion et de la réception des messages religieux du xii e au
xv e siècle, Rome 1981 (Collection de l’École française de Rome 51), p. 201-221. Le caractère
particulier de cette compilation, fondée sur des apocryphes de l’Ancien Testament – comme
l’Apocalypse de Baruch, le Livre d’Hénoch – et du Nouveau Testament – comme l’Apocalypse
de Paul, la Lettre tombée du ciel, la Didascalie de notre Seigneur Jésus Christ et la Théotokos –,
repose avant tout sur le fait que c’est le récit apocryphe extraordinaire d’un non-élu élevé
au Paradis et emmené voir quelques-uns de ces lieux mystérieux.
61. J. Baun, Tales from Another Byzantium. Celestial Journey and Local Community in the Medieval
Greek Apocrypha, Cambridge 2007.
62. Pour une liste très détaillée de ces collections, ibid., p. 61, tableau 2.2.

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 391

contiennent généralement l’Apocalypse de Paul, qui est considérée comme la source


principale de l’Anastasie, la Théotokos et plusieurs autres apocryphes qui ont pour
sujet l’avenir du monde. Les manuscrits slaves, quoique copiés après les manuscrits
grecs, révèlent en fait une version antérieure de la tradition de l’Anastasie 63.
En l’état actuel des choses, la copie serbe la plus ancienne de l’Apocalypse
d’Anastasie est un manuscrit du xive siècle64. Elle contient plusieurs erreurs d’inter-
prétation du texte original, apparemment à cause de l’incompétence linguistique
du traducteur. Cette version se distingue également de l’original grec par bien des
aspects, en particulier sa mise en relief des tortures du monde de l’au-delà et son
appel urgent au repentir. La version slave d’Anastasie omet le prologue pseudo-
hagiographique et commence par une brève évocation d’(A)nastasie et de sa mission,
pour ensuite décrire immédiatement le châtiment des pécheurs « illustres ». La
conclusion de la traduction slave contient quelques écarts intéressants par rapport
à l’original – l’Apocalypse d’Anastasie du xe siècle a une tonalité similaire à la célèbre
Lettre tombée du ciel, texte considéré comme une partie intégrale de l’original grec.
Vu les écarts par rapport à l’original mentionné plus haut, ou les ajouts dans les
versions slaves, il semble que celles-ci tendent à offrir au public des leçons morales
explicites. Très proche de la tradition ample et développée de la prose homilétique
et moralisante des Slaves, la plus ancienne traduction serbe introduit un dialogue
entre les empereurs Nicéphore Phocas et Jean Tzimiskès. La fonction moralisatrice
du texte met en relief le motif du bon empereur et les vertus de Nicéphore Phocas,
dont le culte était bien établi en Serbie. Le culte des saints souverains, membres de
la dynastie des Némanides, jouait un rôle crucial dans la pratique religieuse des pays
serbes, un rôle qui, comme nous l’avons vu, perdura pendant la période médiévale
et jusqu’à l’époque de la première traduction serbe de l’Apocalypse d’Anastasie.
Les traditions d’importance considérable pour comprendre comment le culte des
saints souverains a été imaginé et institué, ont été formées sous l’influence puissante
des modèles byzantins au xie siècle, lorsque l’original grec de l’Apocalypse d’Anastasie
a été écrit. Comme le montrent les exemples byzantins qui ont été bien étudiés,
le lien entre le culte des saints et le pouvoir est alors devenu évident et publiquement
proclamé dans l’hagiographie contemporaine.
Il existe un autre aspect intéressant concernant la traduction slave. Lors de sa vision
de l’au-delà, Anastasia rencontre, avant saint Nicéphore et Tzimiskès, un autre
couple impérial célèbre, saint Constantin et sa mère Hélène « qui trouva la Sainte
Croix de Dieu ». Comme ils étaient l’objet d’une très grande dévotion dans les pays
slaves, on comprend pourquoi cette mention a été introduite dans les versions serbes
et bulgares du récit. Commentant ce passage, Jane Baun explique que « l’attention
particulière portée aux archétypes du bon roi dans la version slave peut répondre

63. Nous allons analyser la traduction la plus ancienne, celle de la collection des apocryphes
créée vers 1380, maintenant conservée dans le monastère de Savina (ms. 29). L’autre fut
créée au xve siècle et fit partie de la collection d’A. I. Hludov ; elle est aujourd’hui conservée
au Musée historique d’État à Moscou (Hludov, no 2419).
64. Sur ce manuscrit (ms. 29), avec une synthèse détaillée des éditions et de la littérature traitant
cette question, voir S. Marjanović-Dušanić, The Byzantine Apocalyptic Tradition. A Four-
teenth-century Serbian Version of the Apocalypse of Anastasia, Balcanica 42, 2011, p. 25-36.

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392 SMILJA MARJANOVIĆ-DUŠANIĆ

au souci du Slave local et contemporain de promouvoir les idéaux de la royauté


chrétienne »65. L’introduction du second couple de saints dans le récit, l’association
à Hélène de la célèbre relique de la Passion, accentuent le caractère martyrial
des rencontres faites par Anastasie dans le monde de l’au-delà, conformément à
l’intention initiale de l’ensemble du texte. Ceux qui ont souffert pour le christianisme
ou ceux qui ont singulièrement contribué à sa diffusion, particulièrement en inventant
les reliques de la Passion, sont célébrés comme les rois idéaux (les tsars).
L’original grec de l’Apocalypse d’Anastasie a trouvé ses lecteurs dans les régions
slaves au moment où s’y développait le culte de Nicéphore Phocas. Ce n’est pas un
hasard, bien sûr, si Anastasie rencontre Phocas « portant l’habit tout en or » et son
meurtrier Tzimiskès pendant son voyage dans l’au-delà. L’introduction d’un saint
ascétique très célèbre comme Phocas dans le texte était sans aucun doute
intentionnelle. D’autant plus qu’aucune des quatre versions grecques ne comprend
cette partie moralisante sur les bons empereurs en général et Phocas en particulier,
avec le dialogue détaillé entre la victime et son meurtrier66. Dans son analyse du
texte qui est, selon lui, dépendant de la Vie de Basile le Jeune, Mihail Nestorovič
Speranskij suggère que le dialogue entre Phocas et Tzimiskès a été inspiré par les
paroles, rapportées dans cette Vie, que Michel III a adressées en mourant à son
meurtrier, l’usurpateur Basile Ier. La question se pose donc : quel effet l’auteur
a-t-il cherché à produire67 ? L’effet moralisant dans cet extrait ne relève pas unique-
ment d’allusions, qui ne sont pas rares dans la littérature de ce type, au châtiment
qui attend les meurtriers des souverains légitimes. Vu la popularité du culte de saint
Nicéphore parmi les Slaves du Sud, il s’agit de faciliter la réception et le succès de
son œuvre et de ses leçons morales.

* *
*

Pour conclure, il faut souligner le fait que les deux textes du genre du Dit que
nous avons analysés (le Dit de l’empereur Nicéphore Phocas et son épouse Théophanô
et l’Apocalypse d’Anastasie), quelles que soient leurs origines, s’adressent de manière
explicite aux moines. Les similitudes de ces récits, et surtout l’écho qu’y trouvent
les cultes des souverains martyrs, dévoilent tant leur intention que les raisons de
leur ample popularité. Au xie siècle, le culte du roi martyr naît dans le monde slave
en relation avec la diffusion des idéaux martyriaux et monastiques dans le monde
byzantin. Devenu le prototype de l’idéal monastique, l’empereur Nicéphore II
Phocas fut, dans le monde slave à partir du xiiie siècle, l’objet d’un culte surtout
populaire. L’hagiographie serbe ultérieure et surtout la popularisation du modèle
du moine et souverain ont sans aucun doute profité du genre littéraire du slovo,
cultivé dans le monde byzantin. Il est vrai que ces textes, louanges ou hymnes,

65. Baun, Tales (cité n. 61), p. 72-73.


66. Voir le texte dans l’édition de M. N. Speranski, Malo izvestnoe vizantijskoe « videnie » i
ego slavjanskie teksty [résumé : Une « vision » byzantine peu connue et ses textes en vieux
slave], BSl. 3, 1931, p. 110-133, ici p. 127. 22-27.
67. Ibid., p. 121-123 ; analyse approfondie dans Baun, Tales (cité n. 61), p. 115.

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L’ÉCHO DU CULTE DE NICÉPHORE PHOCAS CHEZ LES SLAVES DES BALKANS 393

célébraient un souverain enclin à l’ascèse et proche des moines du Mont Athos, à


une époque où l’empereur avait l’habitude de prendre l’habit du moine. Le culte
des néo-martyrs fut très populaire à la fin du Moyen Âge en Serbie, ce qui explique
notamment l’influence du culte de Nicéphore Phocas même dans la période
post-byzantine68.

Smilja Marjanović-Dušanić
Université de Belgrade

68. Sur les cultes néo-martyrs dans la région des Slaves des Balkans, voir S. Marjanović-
Dušanić, Se souvenir de Byzance. Les reliques au service de la mémoire en Serbie (xve-xixe s.),
dans Héritages de Byzance en Europe du Sud-Est à l’époque moderne et contemporaine,
éd. O. Delouis, A. Couderc et P. Guran, Athènes 2013 (Mondes méditerranéens et
balkaniques 4), p. 99-116. Cf. S. Marjanović-Dušanić, Sveti Kralj. Kult Stefana Dečanskog
[résumé : Holy King. The Cult of St. Stefan of Dečani], Belgrade 2007.

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

AASS Acta Sanctorum


An. Boll. Analecta Bollandiana
Annales HSS Annales. Histoire, Sciences sociales
[avant 1994 Annales ESC (Annales. Économies, Sociétés, Civilisations)]
B Basilicorum libri LX, series A, éd. H. J. Scheltema et N. Van der Wal,
series B, éd. H. J. Scheltema et D. Hohlwerda
BCH Bulletin de correspondance hellénique
BHG Bibliotheca hagiographica graeca, 3e éd., et Auctarium
BHL Bibliotheca hagiographica latina
BHO Bibliotheca hagiographica orientalis
BMGS Byzantine and Modern Greek Studies
BSl. Byzantinoslavica
Byz. Byzantion
Byz. Forsch. Byzantinische Forschungen
Byz. Sorb. Byzantina Sorbonensia
BZ Byzantinische Zeitschrift
CArch. Cahiers Archéologiques
CFHB Corpus Fontium Historiae Byzantinae
CJ Corpus iuris civilis, t. 2, Codex Iustinianus, éd. P. Krüger
ClAp Clavis apocryphorum Novi Testamenti, éd. M. Geerard
CPG Clavis patrum graecorum, éd. M. Geerard
CRAI Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
CSCO Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium
CSEL Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum
CSHB Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae
D Corpus iuris civilis, t. 1, Digesta, éd. Th. Mommsen et P. Krüger
DACL Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie
DChAE Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας
DHGE Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques
DOP Dumbarton Oaks Papers
EEBS Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν
EHB The Economic History of Byzantium. From the Seventh through the
Fifteenth Century, éd. A. Laiou
2
EI et EI Encyclopédie de l’Islam, 1re et 2e éd.
EO Échos d’Orient
GCS Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte
GRBS Greek, Roman and Byzantine Studies
IRAIK Izvestija Russkogo arheologičeskogo institute v Konstantinopole
JÖB Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik [avant 1969 JÖBG]

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754 LISTE DES ABRÉVIATIONS

Mansi Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, éd. J. D. Mansi


MGH Monumenta Germaniae historica
MM Acta et diplomata graeca medii aevi sacra et profana, éd. Fr. Miklosich
et J. Müller
Néos Hell. Νέος Ἑλληνομνήμων, éd. Sp. Lampros
Nov. Corpus iuris civilis, t. 3, Novellae, éd. R. Schoell et G. Kroll
OCA Orientalia Christiana Analecta
OCP Orientalia Christiana Periodica
ODB The Oxford Dictionary of Byzantium, éd. A. Kazhdan
PG Patrologiae cursus completus, series Graeca, éd. J.-P. Migne
PL Patrologiae cursus completus, series Latina, éd. J.-P. Migne
PLP Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit
PLRE The Prosopography of the Later Roman Empire
PmbZ Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit
PO Patrologia orientalis
Rallès-Potlès Σύνταγμα τῶν θείων καὶ ἱερῶν κανόνων, éd. G. A. Rallès et M. Potlès
RE Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft
REArm. Revue des études arméniennes
REB Revue des études byzantines [avant 1946 EB]
REG Revue des études grecques
RESEE Revue des études sud-est européennes
RH Revue historique
RHM Römische historische Mitteilungen
RHR Revue de l’histoire des religions
RN Revue numismatique
ROC Revue de l’Orient chrétien
RSBN Rivista di studi bizantini e neoellenici
SC Sources chrétiennes
SEG Supplementum epigraphicum graecum
Subs. Hag. Subsidia Hagiographica
Syn. CP Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae, éd. H. Delehaye
TIB Tabula Imperii Byzantini
TM Travaux et mémoires
TM, Monogr. Travaux et mémoires, Monographies
VV Vizantijskij Vremennik
Zepos Jus Graecoromanum, éd. J. et P. Zepos
ZRVI Zbornik Radova Vizantološkog Instituta

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos vii
Tabula gratulatoria ix
Liste des travaux de Michel Kaplan xi

Ilias Anagnostakis
Trois raisins de Dionysos byzantin 1

Marie-France Auzépy
Liturgie et art sous les Isauriens : à propos de la Dormition de Nicée ...... 29

Michel Balard
Les Génois dans l’Empire byzantin 59

Jean-Claude Cheynet
Intrigues à la cour de Constantinople :
le délitement d’une faction (1057-1081) 71

Estelle Cronnier
Le saint, sa Vie, sa relique :
l’exemple du bienheureux David de Thessalonique 85

Nathalie Delierneux
Les moniales à Byzance, entre clôture et vie publique
(viiie-début xiie siècle) 101

Olivier Delouis
La profession de foi pour l’ordination des évêques
(avec un formulaire inédit du patriarche Photius) 119

Vincent Déroche
Notes sur le viie siècle 139

Stéphanos Efthymiadis
L’incubation à l’époque mésobyzantine : problèmes de survivance
historique et de représentation littéraire (viiie-xiiie siècle) 155

Raúl Estangüi Gómez


Richesses et propriété paysannes à Byzance (xie-xive siècle) 171

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756 TABLE DES MATIÈRES

Bernard Flusin
L’hagiographie chypriote et le modèle de la sainteté épiscopale 213

Jean-Pierre Grélois
Saint Constantin, les Caramaniens et les Anasténarèdés 229

John Haldon
A context for two “evil deeds”:
Nikephoros I and the origins of the themata 245

Buket Kitapçı Bayrı


Deux logothètes et un empereur. Martyria et propagande impériale
à l’époque d’Andronic II Paléologue 267

Bénédicte Lesieur
Les higoumènes « ecclésiaux » dans les sources palestiniennes (ve-vie siècle) ... 281

Paul Magdalino
The House of Basil the Parakoimomenos 323

Élisabeth Malamut
L’impératrice byzantine et le cérémonial (viiie-xiie siècle) 329

Smilja Marjanović-Dušanić
L’écho du culte de Nicéphore Phocas chez les Slaves des Balkans 375

Athanasios Markopoulos
Notes et remarques sur la Vie de saint Pierre d’Atroa 395

Jean-Marie Martin
Petri Diaconi Altercatio pro Romana Ecclesia
contra Graecum quendam (1137) 407

Bernadette Martin-Hisard
L’ange et le pape :
le témoin géorgien d’une Vie grecque perdue de Grégoire le Grand ......... 457

Sophie Métivier, Cécile Morrisson


Un peu de l’or de Byzance.
Le trésor de Pınarbaşı en Cappadoce (enfoui vers 654) 503

Benjamin Moulet
Gourmandise et excès alimentaires à Byzance 523

Paolo Odorico
Le Bios de Kékauménos 537

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TABLE DES MATIÈRES 757

Arietta Papaconstantinou
« Choses de femme » et accès au crédit
dans l’Égypte rurale sous les Omeyyades 551

Inmaculada Pérez Martín


La sécularisation du monachisme byzantin à l’époque macédonienne :
l’évidence manuscrite 563

Vivien Prigent
Des pères et des fils. Note de numismatique sicilienne pour servir
à l’histoire du règne de Constantin IV 589

Renaud Rochette
Les martyrs de l’Union sur le mont Athos 617

Georges Sidéris
Bassianos, les monastères de Bassianou et de Matrônès (ve-vie siècle) ...... 631

Kostis Smyrlis
Wooing the petty elite:
Privilege and imperial authority in Byzantium, 13th-mid 14th century 657

Jean-Pierre Sodini
L’eulogie de saint Syméon Stylite l’Ancien aux cavaliers 683

Michel Stavrou
Théodore II Lascaris fut-il associé au règne de son père
Jean III Doukas Vatatzès ? 689

Alice-Mary Talbot
Caves, demons and holy men 707

Pablo Ubierna
Apocalyptique et ascétisme.
L’Apocalypse d’Élie et le monachisme égyptien dans l’Antiquité tardive ... 719

Constantin Zuckerman
On a bountiful harvest at Antioch of Pisidia
(with special regard to the Byzantine modios and to the Mediterranean diet) 731

Liste des abréviations 753

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Le saint, le moine et le paysan. Voilà trois figures de l’homme byzantin auxquelles
Michel Kaplan, au long d’une carrière menée à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
de 1969 à 2015, aura consacré une part notable de ses recherches. Professeur d’histoire
byzantine depuis 1988 à la suite de Paul Lemerle et d’Hélène Ahrweiler, Michel Kaplan
a porté haut les couleurs du byzantinisme français. Historien du monde rural ouvert
aux sources religieuses, enseignant soucieux de ses étudiants qu’il a su entraîner
dans son sillage, promoteur de Byzance aux concours nationaux de l’enseignement
du second degré et du supérieur, homme de convictions et de pouvoir qui présida
au destin de son université de 1999 à 2004, passeur enfin d’une discipline exigeante
vers un public averti ou simplement curieux de Tout l’or de Byzance (1991) : c’est à plus
d’un titre qu’il a semblé nécessaire de présenter à Michel Kaplan, pour ses 70 ans,
un volume d’hommage.

Ces 35 contributions, que les éditeurs ont voulues substantielles et fondées sur
des sources neuves ou reprises à nouveaux frais, sont l’œuvre d’élèves, de collègues
français et étrangers, d’amis et de compagnons de route dont les préoccupations
répondent aux intérêts du dédicataire. De l’Antiquité tardive au monde des Paléo-
logues, de la campagne à la ville, de l’impératrice à la moniale et de l’empereur à
l’évêque, de la monnaie à l’icône mais aussi de l’Italie à la Géorgie, chaque lecteur
trouvera dans ce volume au moins une réponse supplémentaire à la question que
Michel Kaplan vient à nouveau de nous poser : Pourquoi Byzance ? Un empire de
onze siècles (2016).

Ouvrage édité par Olivier Delouis, chargé de recherche au CNRS (Paris), Sophie Métivier,
professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et Paule Pagès, ingénieur d’études à
l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

PUBLICATIONS DE LA SORBONNE
ISBN 978-2-85944-972-8
ISSN 0398-7965
40 €

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