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DERRIÈRE LE FRONT
Histoires, analyses et décodages du Front National

par V a l é r i e I g o u n et, historienne

Aux origines de la fortune Le Pen... A propos


L'intention principale de Derrière le Front
est de mieux connaître le FN depuis ses
origines à aujourd'hui. Il s'agit d'aller au
plus près de l'information mais aussi de
proposer une analyse historique avec la
confrontation de cette histoire "immédiate"
avec celle, revenant sur le temps long.
Des enquêtes sur le terrain, des
interviews, des recensions d'ouvrages
seront également disponibles sur ce blog.
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Au FN, c'est "touche pas à mon
drapeau"

11 décembre : une date symbolique


pour le FN ?

Une histoire d'un hold-up idéologique


sur le FN loin d'être terminée

Pour le FN, les « oligarchies financières


Jean-Marie Le Pen lors d'une réunion privée du FN au début des années soixante-dix. (Le Pen, Éditions sont contre la démocratie »
Objectif France, 2001).
Alliance FN-LR : la "bouche Marine Le
Publié le 6 avril 2016 Pen nouvelle version " ?
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L’enquête publiée par Le Monde en partenariat avec le Consortium international de


journalistes d’investigation révèle « les comptes offshore des proches de Marine Le Pen Commentaires récents
». « Panama papers » : sur la piste du trésor de Jean-Marie Le Pen » met au jour l'« Matt dans Aux origines de la fortune Le
existence d'une société cachée aux îles Vierges britanniques, un compte secret à Pen...
Guernesey et, à la clé, 2,2 millions d’euros en billets de banque, lingots et pièces d’or
Pierre Passedroit dans La banlieue black-
sonnantes et trébuchantes ». Il y a quelques mois, les journalistes de Mediapart Marine
blanc-beur version FN
Turchi et Karl Laske évoquaient l'existence d'un compte caché chez HSBC, puis à la
Compagnie bancaire helvétique (CBH), à travers un trust placé sous la responsabilité Max Jannon dans Une histoire d'un hold-
up idéologique sur le FN loin d'être
légale du majordome de Jean-Marie Le Pen. Plus de deux millions d’euros auraient été
terminée
déposés sur le compte de ce trust, dont 1,7 million sous forme de lingots et de pièces d'or.
Blablacourielle dans Un FN qui ne veut
pas dire son nom
L’ancien président du FN détiendrait donc une petite fortune. Si nous remontons le cours
de l'histoire, un nom s'impose : celui de Lambert. L'héritage éponyme constitue le premier Louis Gerard dans Alliance FN-LR : la
épisode d'un film, à multiples rebondissements et toujours en cours. Une fois héritier "bouche Marine Le Pen nouvelle
d'Hubert Lambert, Jean-Marie Le Pen sera l’objet de diverses vérifications fiscales. version " ?

L'histoire commence au début des années 1970… lors de l’émergence du groupuscule


d’extrême droite qu’est alors le Front national. Il traite d'une thématique inhérente à la
Front National
marque Le Pen : l’argent.
sur

« Sans Lambert, pas de FN. Sans Le Pen, pas de Lambert »


Ce sont quelques mots prononcés par Lorrain de Saint Affrique, conseiller en Suivez-nous sur Facebook
communication de Jean-Marie Le Pen pendant dix ans (1984-1994) et, depuis octobre
2015, collaborateur de l'ancien président du FN au Parlement européen. Qui est Hubert Suivez-nous sur Facebook
Lambert dit Saint Julien... ou, plutôt, qui était-il ? Un riche industriel français, actionnaire
de la société Lambert Frères et Cie, décédé le 27 septembre 1976… et un grand
admirateur des présidents des formations d’extrême droite.

Dans son dernier testament, ce quadragénaire fragile physiquement et


psychologiquement a fait de Jean-Marie Le Pen son exécuteur testamentaire et son
unique héritier. Les commentaires, les polémiques et sous-entendus consécutifs à cet
héritage ne changent rien. À l’automne 1976, Jean-Marie Le Pen devient un homme riche,
très riche. De plus, l’héritage Lambert lui donne les outils et les moyens structurels pour
relancer son histoire, intimement liée à celle de son parti.

Hubert Lambert avec sa mère (Le Pen,


éditions Objectif France, 2011, p. 67.)

Au FN, on apprécie cet homme discret, « très gentil ». On évoque également sa faiblesse
de caractère. On sait également qu’il est fortuné… pour preuve : la Rolls avec chauffeur
qui le dépose rue de Surène, lorsqu’il se rend au siège du FN. Cependant, on ignore sa
filiation avec les ciments Lambert et, donc, sa fortune colossale.

Le Président du FN, lui, fait la connaissance d'Hubert Lambert au début des années
soixante-dix. En 1973, il convie Jean-Marie Le Pen à un dîner. Hubert Lambert arrive avec
une serviette en cuir. Selon Roger Mauge, l’un des hagiographes de Jean-Marie Le Pen,
les deux hommes auraient tenu le dialogue suivant, en rapport avec les premières
élections législatives auxquelles le FN participe (mars 1973) :

« - Il faut absolument que tu te présentes aux prochaines élections, Jean-Marie [...]. Je t’ai
apporté 300 000 francs pour ta campagne électorale. Ils sont là [...].

– Tu es très généreux, Hubert. [...] Permets-moi de me servir de cet argent pour


saupoudrer partout où nous présenterons une candidature. (…)

Hubert plaisante :

– Aucune importance ! Prends, et rends-moi la serviette. Elle pourra encore servir ! »

Après ce déjeuner, rapporte Roger Mauge, Jean-Marie Le Pen et Hubert Lambert se «


voient plus souvent et d’une certaine manière deviennent amis » ! Car les Le Pen se
montrent particulièrement attentifs à cet homme, notamment en lui rendant visite
régulièrement. Jean-Marie Le Pen lui attribue des fonctions officielles au FN. Membre du
Comité central et conseiller national du parti pour les questions militaires, Hubert Lambert
affiche régulièrement sa présence aux réunions du parti. Il participe au comité de
rédaction du journal du FN, Le National. Il y signe même quelques articles.

La gestion lepéniste de l’héritage Lambert


En 1977, Jean-Marie Le Pen hérite non seulement d’un capital (difficile à évaluer) estimé
à 30 millions de francs (plus de 4,5 millions d'euros) sous forme « d'avoirs financiers et
bancaires » et de biens immobiliers dont une partie d’un hôtel particulier à Saint-Cloud,
dans les Hauts-de-Seine, et d’une maison où la mère d’Hubert Lambert a été élevée.

Le président du FN fait immédiatement comprendre à son entourage politique que cet


héritage est personnel et non politique. Au sein du FN, l’incompréhension domine. Les
hommes du Front national sont persuadés qu’au moins une partie de la somme d’argent
serait utilisée pour combler les dettes et le trou financier du parti. L’héritage Lambert est
même considéré comme un gage de survie. Le FN se trouve alors dans une très
mauvaise posture financière. Les loyers de la Rue de Surène sont impayés. Le téléphone
est coupé. Les réunions et Bureaux politiques, faute de paiement des factures
d’électricité, se tiennent à la bougie. Rien ne change. Jean-Marie Le Pen va jusqu’à partir
en vacances, sur son bateau, au début de l’été 79, laissant son parti dans une situation «
catastrophique ». Beaucoup considèrent alors que le FN vit ces derniers moments.

En interne, la gestion lepéniste de l’héritage Lambert suscite de l’incompréhension et de


nombreuses critiques. Lui explique avoir mis une partie de cet argent au « service » du
FN, par exemple pour financer un « certain nombre de choses », dont la campagne
électorale de 1981 qu’il aurait assumée seul, puisqu’il n’existe aucune subvention de l’État
à cette date. Ses propos semblent difficilement acceptables pour les hommes du FN.
L’héritage Lambert est un sujet difficile à aborder, voire tabou. L’ancien Président du FN
se montre peu disert à son sujet. Dans l’Album des 20 ans, un ouvrage interne au parti,
un encadré sur ce sujet a été réécrit par Jean-Marie Le Pen ; les rédacteurs ayant rédigé
une première mouture contrevenant à la version officielle. Jean-Marie Le Pen insiste sur
son intimité avec l’industriel. Il en parle comme d’un « ami de jeunesse » et met en avant
une « parenté par le cœur ».

L’héritage Lambert change considérablement la vie de Jean-Marie Le Pen sur les plans
politique et personnel. Il lui permet de faire – comme il l’entend - de la politique. L'ancien
président du FN devient propriétaire du domaine de Montretout. Cette demeure n’a pas
seulement été le lieu d’habitation de la famille Le Pen et le quartier général du FN pendant
de nombreuses années. C’est aussi un symbole pour l’ancien président du FN qui désire
laisser son nom dans l’Histoire. Montretout est un lieu singulier : le premier propriétaire,
Napoléon III, l’avait offert à son chef de cabinet, Jean-François Mocquard. Hubert Lambert
le lègue à Jean-Marie Le Pen en 1976.

Le dossier du Monde constitue donc, en quelque sorte, la suite de la longue et


tumultueuse histoire du FN sur cette thématique : l'argent. En attendant la suite.

Publié par Valérie Igounet / Catégories : Histoire du Front national

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1 Commentaire

CBY Il y a 114 jours


Techniquement, 30 millions de francs de 1977 représentent 18,7 millions d'euros
de 2016...
Réponse

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