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Université Paul Valéry (Montpellier III) – CNRS
UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes »
Équipe « Égypte Nilotique et Méditerranéenne » (ENiM)
CENiM 5
Cahiers de l’ENiM
Et in Ægypto et ad Ægyptum
***
Montpellier, 2012
© Équipe « Égypte Nilotique et Méditerranéenne » de l’UMR 5140, « Archéologie des Sociétés
Méditerranéennes » (Cnrs – Université Paul Valéry – Montpellier III), Montpellier, 2012
Jean-Claude Grenier dans son bureau du Museo Gregoriano Egizio, en juillet 1994.
Et tout cela exactement selon sa volonté
La conception du corps humain (Esna no 250, 6-12)
Bernard Mathieu
G
RAVÉ SUR L’UNE des colonnes du temple d’Esna 1 durant le règne d’Hadrien (117-138
apr. J.-C.), ce texte exceptionnel, comme l’a reconnu très vite S. Sauneron, son
éditeur, est un hymne à Khnoum, divisé en trois parties : le dieu est d’abord honoré en
sa qualité de concepteur du corps humain, puis comme créateur des races et des êtres vivants,
avant d’être nommé, enfin, sous ses différentes manifestations. Seule est présentée ici la
première partie, qui constitue un remarquable exposé d’anatomie fonctionnelle, un exposé
tributaire, bien entendu, de la représentation qu’avaient les Égyptiens du corps humain ainsi
que du contexte théologique d’Esna.
S. Sauneron, qui eut le grand mérite d’en proposer une première interprétation, portait
toutefois sur ce texte un jugement sévère : « on chercherait vainement un ordre absolument
logique » ; « passé la gorge, le désordre devient total » 2. Cette sévérité ne doit plus être de
mise aujourd’hui. Ph. Derchain a contribué récemment à restituer à cette composition une part
de sa logique 3 : « un tableau d’anatomie fonctionnelle étroitement structuré », annonce-t-il
d’emblée. L’appréciation, on le voit, a radicalement changé. Mais l’auteur d’ajouter aussitôt :
« la description des organes et des activité sexuels n’est pas d’une extrême clarté ».
On peut aller plus loin désormais, et reconnaître à ce développement unique, au-delà des
incertitudes de détail qui subsistent, une précision et une construction remarquables. Avant
d’en proposer ici une nouvelle traduction, il est utile de rappeler brièvement les principes de
génétique et d’anatomie égyptiennes tels qu’on peut les énoncer aujourd’hui 4.
1
Colonne intérieure n° 7, Esna n° 250 ; S. SAUNERON, Le temple d’Esna, Esna I, Le Caire (1959), 2004, p. 99-
101 ; id., Esna III (1968), 2004, p. 130-134 ; id., Esna V (1962), 2004, p. 94-107.
2
Esna V, p. 102.
3
« À eux le bonheur ! (La naissance d’un homme, Esna 250, 6-11) », GöttMisz 200, 2004, p. 37-44.
4
Voir S. SAUNERON, « Le germe dans les os », BIFAO 60, 1960, p. 19-27 ; J. YOYOTTE, « Les os et la
semence masculine. À propos d’une théorie physiologique égyptienne », BIFAO 61, 1961, p. 139-146 ;
Y. KOENIG, « Égypte et Israël. Quelques points de contact », Journal Asiatique 273, 1985, p. 1-10 ; D. MEEKS,
Chr. FAVARD-MEEKS, La vie quotidienne des dieux égyptiens, Paris, 1993, p. 83-124 ; Th. BARDINET, Les
Papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, Paris, 1995. Outre les papyrus médicaux, de nombreux passages de
la littérature funéraire – Textes des Pyramides, Textes des Sarcophages, Livre des Morts, rituel de l’Ouverture de
la bouche, etc. – permettent de vérifier et d’affiner les conclusions auxquelles ont abouti ces auteurs. Il s’agit
donc d’une théorie ancienne, qui a pu connaître quelques évolutions, notamment au cours des époques tardives,
mais dont les principes remontent aux plus hautes époques.
500 Bernard Mathieu
La semence-os
Le lien direct établi entre l’apport masculin et les éléments durs vient de ce que la semence
masculine (mtw.t, mwy, mw) est considérée par les Égyptiens comme constitutive de la
matière osseuse. Un passage de l’un des grands hymnes à Amon-Rê créateur du temple
d’Hibis, dans l’oasis de Kharga, datant du règne de Darius Ier (début du Ve s. av. J.-C.) le
formule ainsi : « il a séparé leur nature (en l’occurrence leur sexe) afin d’enfanter des mâles
fécondant des femelles, créant leurs sécrétions et versant leur semence dans les os » 8. Une
conception similaire existait, parallèlement, chez Hippon de Samos (philosophe présocratique
du Ve s. av. J.-C.) et le célèbre Hippocrate de Cos (Ve s. av. J.-C.), qui l’ont certainement
empruntée à l’Égypte, comme l’a démontré J. Yoyotte : « Il semble que cette question de
paternité “scientifique” doive être tranchée en faveur de l’Égypte » 9.
La « semence-os » se fixe (Ús) : « c’est lui (le dieu) qui a assuré la fixation de son liquide
(séminal) dans les os dès le sein maternel » 10. Elle se coagule (sqfn) : (Khnoum) « lui qui a
fait se coaguler le liquide (séminal) dans les os » 11 . Elle assure de cette manière le
développement des éléments durs de l’enfant.
5
J. YOYOTTE, BIFAO 61, 1961, p. 139, n. 3.
6
Jr jwf≠f jnm≠f spr~n mw.t≠f m jrt.t≠s jr qs.w≠f ø m-© mw n(y) jt≠f (P. Jumilhac XII, 24-25 ; J. VANDIER, Le
Papyrus Jumilhac, Paris, 1961, p. 124).
7
C. SPIESER, « Le sang et la vie éternelle dans le culte solaire amarnien », dans J.-Cl. Goyon, Chr. Cardin (éd.),
Actes du IXe Congrès international des égyptologues II, OLA 150, Louvain, 2007, p. 1727, n. 64.
8
Wp~n≠f (?) qj≠sn r ms(.t) k“.w Ìr st.t jd.wt Ìr qm“ ©“©.w≠sn sÚ(w) mtw.wt≠sn m qs.w (N. DE G. DAVIES, The
Temple of Hibis in el Khargeh Oasis III, New York, 1953, pl. 32, col. 16-17 ; cité par S. SAUNERON, BIFAO
60, 1960, p. 20).
9
BIFAO 61, 1961, p. 142.
10
Ntf jr(w) Ús mw≠f m qs.w m ß.t. Edfou III, 114, 7, cité par S. SAUNERON, op. cit., p. 21.
11
Sqfn~n≠f mw m qs.w (Esna, n° 17, 8 ; cité op. cit., p. 22 et n. 8 [pour le terme technique s-qfn, « durcir,
coaguler »]).
Et tout cela exactement selon sa volonté 501
Le sang
Une fonction essentielle du sang, reçu de la mère 18, est de lier à la fois la « semence-os »
masculine, pour agréger les éléments durs, et le lait maternel, pour agréger les éléments mous.
Les Égyptiens avaient appliqué, logiquement, cette même représentation génétique à l’œuf
(swÌ.t), dans lequel le jaune est assimilé au sang, liquide liant servant à solidifier les éléments
durs. On peut lire ainsi, dans les Textes des Sarcophages : « j’ai brisé l’œuf, je me suis hâté
hors de son blanc et j’ai glissé hors de son jaune (litt. “sang”) » 19.
12
C’est toute la démonstration de J. YOYOTTE, BIFAO 61, 1961, p. 139-146. Cette théorie génétique enrichit la
réinterprétation du pilier djed comme colonne vertébrale d’Osiris.
13
Dans le rituel d’Ouverture de la bouche, l’encens permet à la moelle d’Osiris de sortir de sa colonne
vertébrale, à moins qu’il n’en soit le substitut : j jm“≈ pr(w) m psƒw Wsjr, « vienne la moelle issue de la colonne
vertébrale d’Osiris » (CT VI, 122b [TS 530]) ; cf. J.-Cl. GOYON, Rituels funéraires de l’Ancienne Égypte,
LAPO 4, Paris, 1972, p. 140.
14
Il existe semble-t-il un terme spécifique , Ìt.w, litt. « tuyaux », pour les vaisseaux sanguins (veines et
artères) : ‡sp n≠k s(.j) m-© N pn wƒ“≠tj mw≠s jm≠s wƒ“≠tj Úrw≠s jm≠s wƒ“≠tj Ìt.w≠s jm≠s wƒ“≠tj, « Prends-le (l’Œil
d’Horus) donc de la part de ce N, en totalité, avec la totalité du liquide qu’il contient, la totalité du (sang) rouge
encre qu’il contient, la totalité des vaisseaux qu’il contient » (§ 451a-c [TP 301]).
15
Rwd(≠w) jwf.w≠k nƒm(≠w) mt.w≠k (J.J. TYLOR, F.Ll. GRIFFITH, The Tomb of Paheri at El Kab, Londres,
1894, pl. IX, l. 7 ; Urk. IV, 114, 15-16. Voir aussi Urk. IV, 149, 9-10 ; 497, 2-3 ; 1219, 6-7).
16
¢n≈(≠w) Ì©w≠k rwd(≠w) mt.w≠k. J. ASSMANN, « Harfnerlied und Horussöhne: Zwei Blöcke aus dem
Verschollenen Grab des Bürgermeisters Amenemhet (Theben nr. 163) im Britischen Museum », JEA 65, 1989,
p. 57 et 61, n. f.
17
Voir Th. BARDINET, op. cit., passim.
18
C. SPIESER, op. cit., p. 1727.
19
Sƒ~n≠j m swÌ.t “s~n≠j m sf≠s sbn~n≠j Ìr snfw≠s (CT IV, 181g-h [TS 334]).
502 Bernard Mathieu
Le corps divin
Qu’il s’agisse de la fabrication d’une statue de culte, de la conception du nouveau corps du
défunt (par le rituel de momification) ou de la génération de l’enfant royal (par la théogamie),
la réalisation d’un corps divin implique de savants processus de transposition et de
substitution, auxquels il serait nécessaire de consacrer des études approfondies. Il faut en effet
remplacer le corps humain corruptible par un corps divin inaltérable, les éléments durs étant
réputés être faits, métaphoriquement et, parfois, réellement, de métal dur (̃, « argent », Ìmtj,
« cuivre »), tandis que les éléments mous sont d’un métal plus tendre (nbw, « or »),
l’ensemble pouvant être associé à l’électrum (ƒ©m) ou à l’« airain » (bj“) 23.
On ne donnera ici que quelques exemples, parmi des centaines. Description du corps de Rê
dans le Livre de la Vache du Ciel : « ses os étaient d’argent, son corps d’or, sa chevelure de
lapis-lazuli véritable » 24. Description du corps d’Amon-Rê dans le P. mag. Harris : « ses os
sont d’argent, ses chairs d’or, et ce qui couvre sa tête de lapis-lazuli véritable » 25. Description
du corps du défunt : « Osiris-Khentyimentiou, ton corps est d’airain, il ne moisira pas (…),
Osiris N., ta chair est d’or, elle ne souffrira pas, Osiris N., ton ossature est d’argent, elle ne
disparaîtra pas, à tout jamais » 26. Ptah s’adressant à Ramsès II : « je vais fondre ton corps en
électrum, tes os en cuivre et les parties de ton corps en airain céleste » 27. C’est à cette
conception que se réfère aussi, bien sûr, le passage célèbre du P. Westcar décrivant la
20
Ibid., p. 1722.
21
Sur la distinction des deux sangs, voir B. MATHIEU, « Les couleurs dans les Textes des Pyramides : approche
des systèmes chromatiques », ENiM 2, 2009, p. 35-37.
22
Dr(≠w) ≈fty jmy wbnw snwr w“.t jmy.t snfw d(≠w) w“tj Îr (m) gs nb n r(“) n(y) ”≈.t (P. Edwin Smith 5, 2 [cas
n° 9] ; cf. J.H. BREASTED, The Edwin Smith Surgical Papyrus, OIP 3-4, Chicago, 1930, réimpr. 1991 ;
traduction récente : J.P. ALLEN, The Art of Medecine in Ancient Egypt, New York, 2005, p. 70-115 [60]).
23
La thématique du corps métallique inaltérable est bien connue, mais elle mériterait d’être analysée plus
précisément en fonction des représentations anatomiques et physiologiques. Voir notamment Fr. DAUMAS, « La
valeur de l’or dans la pensée égyptienne », RHR 149, 1956, p. 1-17, en part. p. 6-7 ; Y. KOENIG, Le Papyrus
Boulaq 6, BiEtud 87, Le Caire, 1981, p. 117, n. f ; N. GRIMAL, Les termes de la propagande royale égyptienne
de la XIXe dynastie à la conquête d’Alexandre, Paris, 1986, p. 126-128 ; S. AUFRÈRE, L’Univers minéral dans
la pensée égyptienne, BiEtud 105/2, Le Caire, 1991, p. 353-445 ; D. MEEKS, Chr. FAVARD-MEEKS, La vie
quotidienne des dieux égyptiens, Paris, 1993, p. 89-90.
24
Qs.w≠f m ̃ Ì©w≠f m nbw ‡ny≠f m ≈sbd m“© (E. HORNUNG, Der ägyptische Mythos von der Himmelskuh,
OBO 46, Fribourg, 1982 ; N. GUILHOU, La vieillesse des dieux, OrMonsp 5, Montpellier, 1989, pl. A1).
25
Qs(.w)≠f (m) ̃ jwf≠f m nbw Ìry tp≠f m ≈sbd m“© (P. mag. Harris 4, 9 ; O. LANGE, P. mag Harris,
Copenhague, 1927, p. 38). La description du corps de Khnoum à Esna est identique : Esna III, 272, 3-4 ;
S. SAUNERON, Esna V, p. 143.
26
Wsjr ⁄nty-jmnty.w Ì©w≠k m bj“ nn ≈sd≠f (...) Wsjr N jwf≠k m nbw nn s(w)nj≠f Wsjr N qsw≠k m ̃ nn skj≠f r nÌÌ
ƒ.t (P. Caire JE 97249 ; G. BURKARD, Die Papyrusfunde, ArchVer 22, Mayence, 1986, p. 64).
27
Nb(≠j) Ì©w≠k m ƒ©mw qs.w≠k m Ìmtj ©.wt≠k (m) bj“-n(y)-p.t (« Bénédiction de Ptah » [Ramsès II, an 35] ;
KRI II, 266, 5-11).
Et tout cela exactement selon sa volonté 503
naissance miraculeuse des enfants royaux : « cet enfant glissa sur ses mains, un enfant d’une
coudée, dont les os étaient solides, les parties du corps recouvertes d’or et la coiffure de lapis-
lazuli véritable » 28.
La spécificité du corps divin, qu’il s’agisse d’une divinité quelconque, d’un défunt ou d’un
roi, « dieu parfait » (nÚr nfr), est que ses deux composantes, éléments durs et éléments mous,
proviennent du dieu créateur (Atoum, Osiris, Amon, etc.), la mère, divine ou humaine, ne
servant in fine que de simple réceptacle. C’est la justification de ce passage des Textes des
Pyramides, qui nomme les deux composantes issues du créateur héliopolitain comme étant
produites respectivement par le phallus et le vagin de ses enfants jumeaux, Chou et Tefnout :
« Vois, de ce dieu (= le défunt) les pieds sont effleurés par les liquides purs qui sont
originaires de son père : ceux qu’a engendrés le phallus de Chou et ceux qu’a fait naître le
vagin de Tefnout ; s’ils sont venus en t’apportant les liquides purs originaires de leur père,
c’est pour te purifier et te rendre divin » 29. C’est ce qui explique aussi, dans le domaine
funéraire, la théorie apparemment complexe des humeurs d’Osiris (rƒw), des Enfants d’Horus
et des « vases canopes », dont le but ultime est de conférer au défunt ses éléments mous
divins 30. La formulation canonique de ce principe, là encore, figure déjà dans les Textes des
Pyramides : (adressé à Osiris) « ton corps, c’est le corps de ce N, ta chair, c’est la chair de ce
N, tes os, ce sont les os de ce N » 31. Elle est plus explicite encore dans les Textes des
Sarcophages, où le défunt peut déclarer : « je suis ce grand ba d’Osiris…, qu’Osiris a créé des
humeurs provenant de sa chair et de la semence issue de son phallus » 32. Les humeurs
d’Osiris constituent donc pour le corps djet du défunt l’équivalent fonctionnel du lait 33. Dans
le domaine de l’idéologie royale, le mythe de la théogamie n’a d’autre but que de montrer
comment le créateur introduisit chez la reine non seulement sa semence masculine (mtw.t), à
l’origine des éléments durs, mais aussi l’effluve parfumé (j“d.t) destinée à former les éléments
mous 34.
Le sang, quant à lui, nécessairement absent du corps divin inaltérable, a pour équivalent
fonctionnel l’onguent mƒ.t. Il ne semble pas qu’on ait remarqué jusqu’ici le rôle spécifique de
cet onguent. C’est ce que décrit de manière limpide, pourtant, la formule 637 des Textes des
Pyramides, prototype d’un passage du « Rituel d’Abydos » : « Ô ce N, je suis venu moi-
28
W©r~jn ßrd pn tp ©.wy≠sy m ßrd n(y) 1 mÌ rwd(≠w) qs.w≠f n≈b{t}(≠w) ©.wt≠f m nbw ©fn.t≠f m ≈ sbd m“©
(P. Westcar 10, 9-11 = 10, 17-19 = 10, 24-26 ; cf. A.M. BLACKMAN, W.V. DAVIES, The Story of King Kheops
and the Magicians, 1988, p. 13-14 ; trad. récentes par P. GRANDET, Contes de l’Égypte ancienne, Paris, 1998,
p. 65-82 ; B. MATHIEU, « Les contes du Papyrus Westcar : une interprétation », Égypte, Afrique & Orient 15,
1999, p. 29-40.
29
Mk j N pn j.sn≠tj rd.wj≠f jn mw w©b.w wnn.w ≈r tmw jr Ìnn ‡w s≈pr k“.t Tfnw.t jw~n≠sn jn~n≠sn n≠k mw w©b.w
≈r jt≠sn sw©b≠sn Úw snÚr≠sn Úw (Pyr. § 2065a-2066b [TP 685]).
30
Voir Th. BARDINET, op. cit., p. 74-79 ; B. MATHIEU, « Les Enfants d’Horus : théologie et astronomie »,
ENiM 1, 2008, p. 10-11.
31
·.t≠k ƒ.t n.t N pn jwf≠k jwf n N pn qs.w≠k qs.w N pn (Pyr. § 193a-b [TP 219]).
32
Jr(w)~n Wsjr m rƒw jmy jwf≠f m mtw.t pr(w).t m Ìnn≠f (CT II, 68b-c = 71b-c [TS 94] = CT II, 77d-78b
[TS 96]).
33
Il suffit pour s’en convaincre de rapprocher ces passages des Textes des Pyramides : mw≠k n≠k b©Ì≠k n≠k
rƒw≠k n≠k pr m Wsjr, « tu as ton eau, tu as ton abondance, tu as tes humeurs issues d’Osiris » (Pyr. § 1291a,
2007a ; cf. § 2031a) ; mw≠k n≠k b©Ì≠k n≠k jrÚ.t≠k n≠k jmj.t mnƒ.wj mw.t≠k ”s.t, « tu as ton eau, tu as ton
abondance, tu as ton lait qui provient des seins de ta mère Isis » (Pyr. § 734a-b, *1883b-c). Les humeurs d’Osiris
ne sont autres qu’un lait divin.
34
La démonstration de cette nouvelle lecture de la théogamie dépasserait bien sûr le cadre de cet article ; elle
sera proposée ailleurs.
504 Bernard Mathieu
même auprès de toi pour t’emplir de l’onguent medjet issu de l’Œil d’Horus, pour t’emplir de
lui afin qu’il t’attache tes os, qu’il te réunisse les parties de ton corps, qu’il t’agrège tes chairs,
et qu’il jette tes effluves infects à terre » 35. Remarquable est le jeu phonique sur mƒ.t et dmƒ,
« réunir », qui a peut-être déterminé la fonction spécifique dévolue à cette huile sainte !
comprenant chacune six distiques, et se terminant chacune par des expressions similaires :
dr.ty ©.wt jr(y).w(t) Ìr jr(.t) b(“)k≠sn, « les mains et parties constitutives pour remplir leur
office ; ̃.w jr(y).w Ìr jrw≠sn, « les os constitutifs assumant leur fonction ». C’est donc en
vingt-quatre vers (deux fois douze) – est-ce un hasard ? – que se développe cette description
fonctionnelle du corps humain.
Description qui n’est pas, il faut y insister, une simple liste anatomique, mais bien un tableau
synthétique physiologique, l’intention du rédacteur étant d’évoquer les parties du corps sous
l’angle de leurs capacités d’action : le dieu potier, en effet, ne s’est pas contenté de réaliser un
assemblage d’éléments statiques mais il a conçu un système animé, organisé et productif. Ce
parti pris justifie que la terminologie utilisée soit généralement distincte du vocabulaire
anatomique usuel. On parle ainsi du faciès (mnƒ.t) plutôt que du visage (Ìr), de l’appendice
lingual (‡sr) plutôt que de la langue (ns), de l’organe cardiaque (nÚrj) plutôt que du cœur
(Ì“ty), etc.
Ces quelques clés de lecture contribueront, nous l’espérons, à rehausser encore le crédit que
mérite cette composition qui sort de l’ordinaire.
Translittération
ky ƒd Ìr dw“ R©-∫nmw
r wp[.t]≠f [...].w
‡wj.w (?) r mr≠f s(n)d~n≠f ≈ww
r-d(d) jb≠f
(250,9) snƒmnƒm(w) Ìtw.w n(y).w srq(w).wt-Ìtw.w
r s©n≈ n≈wy (m-)≈nt(y) b“d.t
s“≈“≈~n≠f dbn.w(t) srwd~n≠f s“rw
nb(w) jnm Ìr ©.wt
Traduction.
(Titre)
Autre hymne à Rê-Khnoum.
(Rê-Khnoum créateur)
(250,7) Le Tourneur qui a fondé le pays par son activité,
qui a noué à l’intérieur de la matrice (a),
qui a construit et constitué les deux oisillons,
qui a fait vivre les deux nourrissons par son haleine (b),
lui qui a immergé ce pays sous le Noun (c),
Pourtour-vénérable et Cercle-vénérable étant autour de lui.
Khnoum qui a façonné au tour dieux et hommes,
qui a forgé gros et petit bétail,
qui a créé oiseaux comme poissons,
qui a fabriqué les mâles et enfanté les femelles (d),
(250,8) qui a lié le dissimulé et le (liquide) rouge dans les os,
en (les) coulant à l’intérieur de leur coffrage par son activité (e).
(Invention de la génération)
En effet, le zéphyr de vie est à l’intérieur de toute chose
et le (liquide) rouge imprègne la forme (f)
tout comme le liquide des os, pour la constitution
du squelette au commencement (g).
Il a fait accoucher la femme quand le ventre est à terme (h),
afin d’ouvrir les […
…] selon sa volonté, ayant restreint la douleur
à son gré,
(250,9) assouplissant la gorge de celles dont la gorge respire (i)
pour assurer la vie de l’embryon à l’intérieur de l’utérus (j).
Il a fait se développer les bouclettes et consolidé le duvet (k),
ayant coulé la peau sur les parties du corps (l).
508 Bernard Mathieu
Notes de commentaire
(a) , « le Tourneur », avec N.t (Neith) pour n, Îp (Hâpy) pour Ìp, B“ (le Bélier) pour
b = p, et le tour comme déterminatif explicite servant de « clef de lecture » au groupe. Comme
l’explique Ph. Derchain, ce jeu graphique permet d’associer féminité, fécondité / fertilité et
virilité (GöttMisz 200, 2004, p. 38 et 41). Mais on pourrait ajouter que la fécondité androgyne
Et tout cela exactement selon sa volonté 509
S. Sauneron, suivi par Ph. Derchain, voit dans , une graphie de ß.t, « ventre ». D. Meeks,
que je tiens à remercier ici, me précise : « Ìw.t est certainement une graphie de ß.t pris dans son
sens premier de “enveloppe fœtale” ; cf. G. Roquet, dans Société d’ethnozoologie et
d’ethnobotanique, Bulletin de liaison n° 15, 1984-1985, p. 3-20 ».
(i) « Celles dont la gorge respire », c’est-à-dire les parturientes, comme le le déterminatif du
groupe , plutôt que, simplement, « ceux qui respirent » (S. Sauneron, suivi par
Ph. Derchain) ; sur l’expression, voir aussi Esna III, n° 318, 10 et VII, n° 634, 13. En employant
les mots Ìtw.w, « gorges », et srq(w).wt-Ìtw.w, « celles dont la gorge respire », le
hiérogrammate rappelle à l’évidence le nom complet de la déesse Serqet : Srq.t-Ìtw, Serqet-
hétou, litt. « Celle qui fait respirer la gorge » (déjà Pyr. § 489b [TP 308], § 606d [TP 362],
§ 673d [TP 385], etc.). Sur les liens entre Serqet et la naissance, ce qui justifie sa présence ici,
cf. C. Spieser, « Serket, protectrice des enfants à naître et des défunts à renaître », RdE 52,
2001, p. 251-264.
(j) La lecture du mot , qui réapparaît plus loin sous la forme (250, 11), est sans aucun
doute b(“)t.t. Ce terme anatomique, synonyme de ‡t“.t, « matrice », n’est en réalité qu’une
acception spécialisée de , b“d.t, qui peut désigner tout récipient creux de dimension
réduite, coquille, moule, cuillère, etc. : Wb I, 432, 9 à identifier avec Wb I, 489, 8-12 (bt.t / bt.y /
bt) ; voir V. Loret, « Pour transformer un vieillard en jeune homme (Papyrus Smith XIX, 9-XX,
10) », dans Mélanges G. Maspero, MIFAO 66/2, Le Caire, 1935-1938, p. 861-862 ; D. Meeks,
AnLex, 77.1195 ; dém bt.y ; copte bhte (S). S. Sauneron précise que le premier signe de ,
« ressemble à l’hiéroglyphe de la barbe » (op. cit., n. jj), mais il corrige le texte en fonction de
Urk. VIII, 36, 14 : bt.t n(y.t) njw.wt, (Thèbes) « l’utérus des cités ». Cette dernière expression
figure aussi dans la procession des nomes de Haute-Égypte du propylône de Karnak-Nord : ntÚ
b(“)t.t n(y.t) njw.wt swÌ.t sp“.wt, « tu es l’utérus des cités et l’œuf des nomes » ; cf.
S.H. Aufrère, Le propylône d’Amon-Rê-Montou à Karnak-Nord, MIFAO 117, Le Caire, 2000,
p. 85 et 86, n. (b). La proposition étymologique qu’avance l’auteur (« une forme dérivée de
bj“ ») ne peut être retenue, bien que sa traduction (« le creuset des villes ») soit judicieuse.
(k) Le terme dbn.t est enregistré au Wb V, 438, 15-16, qui renvoie à nbd.t. Il est possible que
l’inversion manifeste nbd > dbn ( ) soit due à la volonté d’éviter d’employer un homophone
de Nbƒ / Nbd, « le Malfaisant », désignation bien connue de Seth (Wb II, 247, 4-8). Sur ce type
d’inversion, voir par exemple gn, inversion de ng, « taureau de sacrifice » ; nr, « nom
magique », inversion de rn, « nom » ; Ìtp « en paix », inversion de PtÌ, « Ptah » ; N-m-j(w)
inversion de Jmn, « Amon », etc. Cf. P. Montet, Scènes de la vie privée, Le Caire, 1925, p. 138-
139 ; G. Posener, « Le mot égyptien pour désigner le “nom magique” », RdE 16, 1964, p. 214 ;
G. Roquet, BIFAO 78, 1978, p. 479-480 ; B. Van Rinsveld, « Un cryptogramme d’Amon »,
dans Chr. Cannuyer, J.-M. Kruchten (éd.), Individu, société et spiritualité. Mélanges
A. Théodoridès, Le Caire, 1993, p. 263-268. Selon les conceptions génétiques égyptiennes, le
système pileux fait partie des « éléments durs », à côté des os, dents et ongles.
Le mot , srw, désigne précisément la toison, le duvet. Rapprocher, dans le conte du
Pâtre qui vit une Déesse : ‡nw≠j ƒdf(≠w) m““≠j srw≠s n©© n(y) jwn≠s, « mes cheveux se sont
hérissés quand j’ai vu sa toison et le poli de son teint » ; cf. A.H. Gardiner, Die Erzählung des
Sinuhe und die Hirtengeschichte, Leipzig, 1909, pl. 16 ; B. Mathieu, « Le conte du Pâtre qui vit
une déesse (P. Berlin 3024, verso). Nouvelles lectures », dans un volume d’Hommages (sous
presse).
(l) Comme un orfèvre appliquant des feuilles d’or, ce deuxième vers évoquant les « éléments
mous » et l’or (nbw) de la chair des dieux. On doit rappeler que le terme ©.wt ne s’applique pas
aux « membres » proprement dit, mais à toute partie du corps susceptible d’être nommée ; Ì©w
désigne collectivement ce que les ©.wt désignent distributivement.
Et tout cela exactement selon sa volonté 511
(m) Le féminin (collectif) , m(n)ƒ.t, « faciès », bien que dérivé du même radical, comme
mnƒ.t, « paupière », n’est pas identique à mnƒ.ty, « joues » ; voir G. Lefebvre, Tableau des
parties du corps humain mentionnées par les Égyptiens, CASAE 17, Le Caire, 1952, p. 15 ;
D. Meeks, AnLex 79.1252. Le mot *mƒnn enregistré comme un hapax par S. Cauville, op. cit.,
p. 236 (« tête »), doit probablement être assimilé à ce dernier. Le terme , mnw, litt.
« quelqu’un », présente un jeu graphique permettant d’évoquer le dieu Min (Mnw) qui avait
justement fourni à Amon-Rê son iconographie.
jrw, « forme (visible) », est écrit avec le signe de l’œuf (lecture jr).
(n) Rapprocher déjà, dans les Textes des Pyramides : wp n≠j r“≠j wb“ n(≠j) ‡r.t≠j s“‡≠j n≠j
msƒr.wj≠j, « ma bouche m’a été ouverte, mes narines m’ont été perforées, mes oreilles m’ont été
écartées » (§ 712a-b [TP 407]).
(o) En lisant , snsn~n≠f, à la suite de S. Sauneron, mais sans adopter son interprétation
(« il mit le corps en contact intime avec l’atmosphère »), ni celle de Ph. Derchain (« (il a) fait
pénétrer l’air dans < le > corps par la respiration »). Pour cet emploi de snsn, voir par exemple
S.H. Aufrère, op. cit., p. 210-211. Le terme ß.t désigne précisément l’ensemble thorax +
abdomen + pelvis.
Le mot (Wb I, 140, 16-18) est peut-être apparenté à l’ancien j.gp.w, « nuages », dont le
sens se serait affaibli ; le [p] final se serait logiquement sonorisé en [b] sous l’influence de la
sonore [g].
(p) Il n’a pas été remarqué que la graphie , pour jr~n≠f r(“), disposée verticalement,
permet de réaliser un calligramme dessinant un visage (œil + nez + bouche), le verbe nf
signifiant précisément « respirer ». Ce jeu graphique, utilisant généralement deux yeux oudjat,
est bien connu dans l’iconographie égyptienne : cf. M. Lurker, An Illustrated Dictionary of the
Gods and Symbols of Ancient Egypt, Londres, 1980, p. 129. Citons en particulier le décor du
pyramidion d’Amenemhat III (Caire JE 35133 et 35745 ; cf. D. Wildung, L’Âge d’or de
l’Égypte. Le Moyen Empire, Paris, 1984, p. 75, n° 66). Ou le décor de la stèle BM 175 [101]
(temp. Sésostris III - Amenemhat III ; cf. HTBM II, Londres, 1912, pl. 1). Ou encore un
fragment de calcite du Nouvel Empire, signalé par H.G. Fischer, Varia Nova, Egyptian Studies
III, New York, 1996, p. 44, fig. 1. Voir également la coupe Louvre AO 15727 (Ougarit, XIVe-
XIIe s. av. J.-C.), ou la coupe de l’Israel Museum à Jérusalem (Lachish, XVe-XIIIe s.).
(q) La lecture du mot n’est pas assurée, mais on peut admettre, étant donné le
déterminatif du couteau, qu’il s’agit d’un collectif msn.t, dérivé de msnj, « couper »,
« trancher » (Wb II, 146, 2), litt. « la coupante », avec jeu sur msnty, « le harponneur »
(S. Cauville, op. cit., p. 226 ; P. Wilson, op. cit., p. 462-463). On rapprochera aussi msn.t,
« tranchée (de fondation) » (D. Meeks, AnLex 79.1349). La proposition de Ph. Derchain (ms
nƒÌ.t) est difficile à retenir. Sur la probable distribution lexicale jbÌ.w, « incisives », nƒÌ.w,
« canines », et Ús.w, « molaires » (et prémolaires) : I.E.S. Edwards, Oracular Amuletic Decrees
of the Late New Kingdom, HPBM, 4e série, Londres, 1960, p. 37 et n. 15. s©m, litt. « pour faire
avaler ». Les « racines dentaires » se disaient w“b.w ny.w jbÌ.w : M. Collier, St. Quirke, The
UCL Lahun Papyri : Religious, Literary, Legal, Mathematical and Medical, BAR-IS 1209,
Oxford, 2004, p. 54-55.
(r) S. Sauneron (p. 100, n. w) propose sans conviction pour le groupe la lecture Ìw≠f. Si tel
était le cas, le scribe opèrerait un jeu entre Ìwj, « frapper », « consacrer », et Îw, « Hou », le
Verbe du créateur, ce qui est séduisant ; mais la graphie fait difficulté, tout comme le sens
nouveau qu’il faudrait attribuer à Ìwj. , ‡sr (< ‡s“w), « langue », est un mot très ancien :
Pyr. § 127b [TP 210], § 2154c [TP 694] ; P. Wilson, op. cit., p. 1031 ; il est utilisé ici dans une
acception anatomique spécialisée.
(s) À distinguer de wgw.t, « mâchoire », le mot ©r.tj désigne la mandibule (autrefois « maxillaire
inférieur »), seul os mobile du crâne. La forme duelle se justifie par le fait que la mandibule est
formée de deux os symétriques qui fusionnent progressivement, chez le fœtus et durant les
premiers mois du nourrisson ; c’est l’explication, dans les Textes des Pyramides, de l’énoncé :
h“ N j.smn n≠k ©r.tj≠k ps‡≠t(j), « Ô N, a été fixée pour toi ta mandibule, qui était divisée »
(Pyr. § 30a [TP 37]). Voir aussi Th. Bardinet, Dents et mâchoires dans les représentations
religieuses et la pratique médicale de l’Égypte ancienne, Studia Pohl 15, Rome, 1990, p. 56-61.
, p(“)≈d, « mastication », litt. « adduction », terme technique pour désigner un mouvement
d’abaissement, ici mandibulaire. Le note l’assourdissement de la dentale sonore en position
finale [d] > [t].
, Ìngg.t, étant donné le contexte, est plutôt l’« œsophage » que le « gosier », comme on
le traduit généralement : Wb III, 121, 10-11 ; D. Meeks, AnLex 77.2765 ; S. Cauville, op. cit.,
p. 379 ; P. Wilson, op. cit., p. 658. Dans un autre contexte d’anatomie fonctionnelle, le gosier se
dit ‡nb.t (Wb IV, 512-513), comme l’exprime par exemple P. Leyde T 32, VIII, 6 : wnm≠k m
r“≠k swr≠k m ‡nb.t≠k wrÌ≠k jwf≠k m st.wt jtn, « tu mangeras avec ta bouche, tu boiras avec ton
gosier, et tu oindras tes chairs des rayons du disque » ; cf. Fr.R. Herbin, Le livre de parcourir
l’éternité, OLA 58, Louvain, 1994, p. 70 et 252-253). Le terme est à distinguer bien sûr de
Ìngw, « denture » ; cf. D. Meeks, AnLex 77.2764. Noter que ce même Ìngw signifie bien
« denture » (et non « bave ») dans CT V, 133a [TS 398] : jn.w≠s Ìngw tp(y) r“ n(y) Wsjr, « ses
cordages, c’est la denture qui est dans la bouche d’Osiris ». Rapprocher l’expression tpj.w-r“,
litt. « celles qui sont sur la bouche » (Pyr. § 443a [TP 298]), pour désigner les dents.
Et tout cela exactement selon sa volonté 513
L’œsophage est aussi nommé ÚpÌ.t wƒ(w.t) k“.w, « la caverne qui envoie les aliments » (Dend.
VI, 159, 5) : cf. Ph. Derchain, « Jeu de langue. L’œsophage métaphore de Maât »,
ChronEg 85/169-170, 2010, p. 9-13. Ou encore Ìn© Ìr Ìn r ß.t, litt. « le tube qui dirige (les
aliments) vers le ventre » : cf. P. Wilson, op. cit., p. 653 ; S. Cauville, Dendara. La porte d’Isis,
Le Caire, 1999, p. 43, 7, p. 110 et 197.
(t) La lecture p(“)≈d de Ph. Derchain s’applique à sa traduction « s’ouvrir vers le bas », et non,
comme l’indique l’emplacement des parenthèses, au mot « gorge » (GöttMisz 200, 2004, p. 40).
Le groupe se lit q“b.t, litt. « celle de la poitrine », le signe du vase de granite (Gardiner,
Sign List W7) ayant la valeur “b. Le terme désigne la « trachée », que représente précisément le
déterminatif. Le mot enregistré par S. Cauville, op. cit., p. 569 (« entrailles ? »), est
certainement le même. Après la fonction digestive est évoquée la fonction respiratoire.
(u) , bqs.t, « la nuque », derrière laquelle se situent les vertèbres cervicales Ús.w-bqs.w.
(v) Pour , bg / bjk, voir J.Fr. Quack, LingAeg 5, 1997, p. 238, qui cite P. Chester Beatty
VII r° 3, 2 (bjk.w ny.w rmn.wy) ; et A.H. Gardiner, Hieratic Papyri in the British Museum.
Third Series: Chester Beatty Gift, Londres, 1935, p. 135. Le terme bg / bjk désigne l’arrondi de
l’épaule, avec la clavicule et le muscle deltoïde. Le mot , bjk.ty (Edfou I/1, 16, 9), que
Ph. Derchain assimile à bg / bjk, est en réalité un dérivé féminin de bg / bjk nommant
précisément les « clavicules » : bjk.ty<≠k> ƒr.ty s“.ty≠k Ìr(y).w(t) snbw jwnn≠k, « tes clavicules,
ce sont les deux milans, tes deux filles (Isis et Nephthys), perchées sur les remparts de ton
sanctuaire » ; voir R.B. Finnestad, Image of the World and Symbol of the Creator, SOR 10,
Wiesbaden, 1985, p. 117 (« collar bones »). Il faut définitivement renoncer à la lecture de
S. Sauneron : bk“.ty, « testicules » (Wb I, 482, 3).
Le verbe , Úbb, pourrait être assimilé au de Pyr. 681e [TP 388] : Úbb~n Îr r“≠f m
Úbw≠f, « Horus lui a aplati la gueule avec sa plante de pied ». D. Meeks (communication
personnelle) suggère une lecture tbtb, « mettre en mouvement »
(w) Le mot , ms≈tj, litt. « patte avant, épaule » (et non « cuisse », comme on le traduit
parfois) évoque ici, comme le ferait ≈p‡, la force musculaire du biceps (brachial), nécessaire au
travail physique. Il est très vraisemblable que le hiérogrammate a voulu habilement suggérer le
couple Horus et Seth en utilisant le signe du faucon pour la graphie de bg / bjk, le terme ms≈tj se
référant bien sûr, comme ≈p‡, à notre constellation de la Grande Ourse, où les Égyptiens
reconnaissaient l’épaule de Seth ; sur cette constellation, voir notamment O. Neugebauer,
R.A. Parker, Egyptian Astronomical Texts I, Providence, 1969, pl. 6 ; M. Rochholz, Schöpfung
Feindvernichtung, Regeneration, Untersuchung zum Symbolgehalt der machtgeladenen Zahl 7
im alten Ägypten, ÄAT 56, Wiesbaden, 2002, p. 30-32 ; B. Mathieu, « Les Enfants d’Horus :
théologie et astronomie », ENiM 1, 2008, p. 7-14, en part. p. 12-14.
(x) « Les avant-bras », en suivant Ph. Derchain. Le vocable pourrait être une désignation
anatomique non reconnue de l’avant-bras, litt. « ce qui monte » radical ©r. J.Fr. Quack,
LingAeg 5, 1997, p. 238, propose « Ellbogen », en rapprochant le mot ©rr.t, « portail »,
déterminé précisément par un angle ; il faudrait comprendre « articulation du coude ».
Le terme , Ìng“.t, que S. Sauneron traduisait « gosier », serait une erreur du graveur
pour Ìn.t, « paume », selon J.Fr. Quack, LingAeg 5, 1997, p. 238, suivi par Ph. Derchain. Mais
le sens de « poignet », et plus précisément de « carpe », qui donne à la main sa liberté de
mouvement, est beaucoup plus logique, après la mention de l’avant-bras (ou du coude). Aucune
correction nécessaire.
514 Bernard Mathieu
(y) L’auteur évite le « banal » ƒb©.w, « doigts », invoqué par Ph. Derchain, parce qu’il veut
désigner ici tous les os de la main au-delà de la Ìng“.t, à savoir les cinq métacarpes et les
quatorze phalanges.
(z) « Pour la distribution », litt. « pour conduire, diriger ». On ne peut employer ici le terme de
« conduction », qui désigne le système (électrique) de transmission cardiaque des influx
nerveux, évidemment étranger à la conception égyptienne.
Le mot , nÚrj, « cœur », « organe cardiaque », est bien connu : S. Cauville, op. cit., p. 300 ;
P. Wilson, op. cit., p. 559 ; ici encore, un terme rare, pour une acception physiologique
spécialisée, est préféré au vocable anatomique Ì“ty. Sur le rôle « distributeur » du cœur, cf.
P. Ebers 855a : jr Ú“w ©q(w) m fnd ©q≠f n Ì“ty Ìn© sm“ ntsn dd(w) n ß.t tm(w), « Quant à l’air qui
pénètre par le nez, il pénètre dans le cœur ainsi que dans l’appareil respiratoire, et ce sont eux
qui (le) dispensent au tronc entier ».
Le vocable , sm, comme le suggère l’étymologie (litt. « ce qui est réuni »), désigne à la fois la
trachée (Ìt.t-jb) et les poumons (wf“w), c’est-à-dire l’ensemble de l’appareil respiratoire. Les
bronches étaient probablement considérées comme des conduits métou. Le « transport » (rmn)
dont il est question est celui de l’air.
(aa) , wtt, « pénis », en réservant la traduction « verge » à bÌ (Wb I, 419, 14-16), « phallus »
à Ìnn (déjà dans Pyr. § 510b [TP 317], § 681d [TP 388], etc.) et « membre viril » à Ìms (déjà
dans Pyr. § 632b [TP 366]) ; cf. J.H. Walker, Studies in Ancient Egyptian Anatomical
Terminology, ACE-Stud. 4, Sydney, 1996, p. 272. Voir également mÚ“, nfr et qrn.t (G. Lefebvre,
op. cit., p. 40), ainsi que mnhp, « (membre) procréateur, générateur » ou « appareil génital », un
« terme rarissime d’anatomie sacrée » selon J. Yoyotte, BIFAO 61, 1961, p. 140-142. On
mentionnera enfin l’hapax , n©.wt, « verges », litt. « les glissantes » (TP 1006 B = P/F/Se 93 ;
J. Leclant et al., Les textes de la pyramide de Pépy Ier. Édition. Description et analyse,
MIFAO 118/1-2 (2e éd.), Le Cairen 2010, pl. II B).
SÚ.t, « fécondation », litt. « éjaculation ». Le signe est à lire en réalité , sorte de
coupelle à parfum, de lecture sÚj ; cf. Fr. Daumas et al., Catalogue des valeurs phonétiques IV,
OrMonsp 4, Montpellier, 1995, p. 759-760.
(bb) La graphie , « absorber », reflète une prononciation du type [nádab > núteb],
vocalisation bien attestée (schème AáBaC) du nom d’action (infinitif) des transitifs 3-lit. ; cf.
Ìbs « vêtir » > copte jwbs (SB)] ; ≈tm « sceller » > copte Òwtm (S), Òwtem (B)] ; dbÌ,
« demander » > copte twbj (SB), twbaj (S), etc.
(cc) Sur l’opposition entre jwf-n(y)-Ì.t et jwf-n(y)-pÌ.wy, parfaitement vue par S. Sauneron, cf.
J.H. Walker, op. cit., p. 225-230. Il s’agit d’une distinction physiologique intéressante entre
deux types d’« éléments mous », ceux qui absorbent et ceux qui rejettent.
, jmy.w-ß.t, « intestins », litt. « ce qui est dans le tronc », est une graphie étymologique de
mßt.w. Sur ce mot, voir notamment Fr.-R. Herbin, Le livre de parcourir l’éternité, OLA 58,
Louvain, 1994, p. 91-92 ; S. Ikram, Choice Cuts: Meat Production in Ancient Egypt, OLA 69,
Louvain, 1995, p. 138.
(dd) , Ìms m wÌ©, litt. « pour s’asseoir à l’aise », habituellement pour manger (Wb I,
349, 7 ; S. Cauville, op. cit., p. 375 ; P. Wilson, op. cit., p. 648).
(ee) J’interprète ‡t“ty, comme un nisbé formé sur ‡t“.t, litt. « ce qui est en relation avec la
matrice ».
M rk kkw, « la période de gestation », litt. « dans la période de ténèbres ».
Et tout cela exactement selon sa volonté 515
Volume 1
Sydney H. Aufrère
Le Chersydre de Nicandre et l’Hydre d’Ésope et d’Élien ........................................... 53-64
Laure Bazin
Transfert de motifs pharaoniques
dans quelques péripéties nocturnes des Pères du désert .............................................. 65-80
Sébastien Biston-Moulin
L’épithète Ìq“ m“©(.t)
et l’activité architecturale du début du règne autonome de Thoutmosis III ................ 81-102
Charlène Cassier
Hathor maîtresse d’Atfih
auprès des complexes funéraires royaux du Moyen Empire ....................................... 103-110
Julie Cayzac
Jeux d’ombre et de lumière à Philae.
Placages métalliques et « structures couvrantes » dans le téménos d’Isis ................... 111-144
Alain Charron
Un Harpocrate arlésien ................................................................................................ 145-158
598
François Chausson
Un groupe statuaire à Patara et des dédicaces à Tentyris. Hadrien en famille ........... 159-180
Michel Christol
Les dernières étapes de la carrière du préfet d’Égypte Quintus Maecieus Laetus ...... 181-196
Volume 2
Philippe Collombert
À propos des toponymes de la stèle Bucheum n° 9 ..................................................... 203-212
Didier Devauchelle
Pas d’Apis pour Sarapis ! ............................................................................................ 213-226
Sylvie Donnat
Gestion in absentia du domaine familial.
À propos des lettres aux morts et des documents d’Héqanakht .................................. 227-242
Françoise Dunand
Des images sauvées de l’oubli ..................................................................................... 243-252
Khaled El-Enany
Le pharaon hiéracocéphale Ramsès II ......................................................................... 253-266
Marguerite Erroux-Morfin
Guirlandes de « chardons », feuilles de perséa et fleurs de lotus ................................ 267-282
Luc Gabolde
™āma et Chāma. Éléments d’une enquête sur le nom des colosses de Memnon ......... 283-294
Marc Gabolde
Smenkhkarê à Ugarit ? ................................................................................................ 295-330
599
Claudio Gallazzi
Le 300 nuove domande oracolari di Tebtynis ............................................................. 331-344
Annie Gasse
L’enfant et les sortilèges.
Remarques sur la diffusion tardive des « stèles d’Horus sur les crocodiles » ............. 345-358
Jérôme Gonzalez
Infans anserem strangulat : est-ce un jeu pour Harpocrate ? ...................................... 359-374
Ivan Guermeur
À propos du cheval, d’Horus et d’un passage du de Iside de Plutarque ..................... 375-382
David Klotz
The Lecherous Pseudo-Anubis of Josephus and the ‘Tomb of 1897’ at Akhmim ...... 383-396
Volume 3
Véronique Laurent
Des monuments migrateurs. De Tjekou à Tjekou ....................................................... 403-428
Vanina Lefrancs
Les tribulations d’une tombe de Deir al-Medîna
(O. BM EA 5624, O. Florence 2621 et P. Berlin P 10496) ......................................... 429-470
Paolo Liverani
Constanzo II e l’obelisco del Circo Massimo a Roma ................................................ 471-488
Magali Massiera
La tresse d’Héliopolis .................................................................................................. 489-498
600
Bernard Mathieu
Et tout cela exactement selon sa volonté.
La conception du corps humain à Esna (Esna n° 250, 6-12) ....................................... 499-516
Dimitri Meeks
La hiérarchie des êtres vivants selon la conception égyptienne .................................. 517-546
Jürgen Osing
Notizen zum Tebtunis-Onomastikon ........................................................................... 547-550
Stéphane Pasquali
La huitième heure du Book of Hours.
Une invocation aux divinités et aux défunts de la nécropole de Memphis ................. 551-562
Jean-Pierre Pätznick
Stéphanie Porcier
Apis, Mnévis, l’Occident et l’Orient ........................................................................... 593-596
Volume 4
Isabelle Régen
Ombres. Une iconographie singulière du mort sur des « linceuls »
d’époque romaine provenant de Saqqâra .................................................................... 603-648
Jérôme Rizzo
Sur l’expression j©-jb et ses variantes .......................................................................... 649-660
Alessandro Roccati
Sinuhe come prototipo di Marco Polo (Note Letterarie - V) ....................................... 661-666
601
Frédéric Rouffet
Îk“w, “≈w et md.t, éléments essentiels d’un rituel égyptien ....................................... 675-690
Pierre Sauzeau
Toponymie, idéologie et mythologie ........................................................................... 691-698
Frédéric Servajean
Atteindre le temps et l’éternité.
À propos des épithètes sbb(w) nÌÌ et sbb(w) ƒ.t ....................................................... 699-718
Marie Susplugas
Domitien victime de l’Histoire ?
La construction littéraire de l’empereur maudit .......................................................... 719-742
Christophe Thiers
Souvenirs lapidaires d’une reine d’Égypte. Cléopâtre Philopâtor à Tôd .................... 743-754
Youri Volokhine
Rire, fécondité et dévoilement rituel du sexe féminin.
D’Hathor à Baubô, un parcours revisité ...................................................................... 755-772
Mey Zaki
Un bloc inédit de Tourah ............................................................................................. 773-778
Christiane Zivie-Coche
Khentetiabtet, l’invention d’une déesse tout orientale ................................................ 779-808