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ERICH AUERBACH
I N T R O D U C T I O N . AUX E T U D E S
DE P H I L O L O G I E R O M A N E
F R A N K F U R T AM M A I N
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PRÉFACE
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Pré fa ce 5
C. Le christianism e 49
D. Les invasions 58
A. Le m o y en âge
ï. Rem a rq u es préliminaires 91
II. La li t t é ra t u r e fra nçaise et provençale 99
III. La litté ra tu r e italien ne 120
IV. La li t t é ra t u r e d an s la pén insule ibérique 130
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B. L a Renaiss ance
I. R e m a rq u e s préliminaires 135
i l . La Renaiss ance en Italie 145
III. Le seizième siècle en F ra n ce 152
IV. Le siècle d'or de la litté ra tu r e es pagno le 162
T able a n a l y t i q u e 241
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PREMIERE PARTIE
LA P H I L O L O G I E ET SES D I F F É R E N T E S F ORMES .
A. L ’É D I T I O N C R I T I Q U E DES T E X T E S .
La philologie e s t l’ensem ble des activ ités qui s'o ccu p en t m éth o d iq u e
m ent du langage de l’hom m e, e t d es oeuvres d ’a rt com posées dans ce
langage. Com m e c’est une science trè s ancienne, et q u ’on p eu t s ’occuper
du langage de beaucoup de façons différentes, le m ot philologie a un
sens très large, et com prend des activités fo rt différentes. U n e de ses
plus anciennes formes, la form e pour ainsi dire classique, et qui ju sq u ’à
ce jo u r est regardée p ar beaucoup d ’éru d its comm e la plus noble et la
plus authentique, c’est l’édition critique des textes.
Le besoin de con stitu er des tex tes au th en tiq u es se fait sen tir quand
un peuple d ’une haute civilisation prend conscience de cette civilisation,
e t qu’il veut p réserver des ravages du tem ps les oeuvres qui constituent
son patrim oine spirituel; les sau v er non seulem ent de l’oubli, mais
aussi des changem ents, m utilations et add itio n s que l’usage populaire
ou l’insouciance des copistes y ap p o rte n t nécessairem ent. Ce besoin se
fit sentir déjà à l’époque dite hellénistique de l’an tiq u ité grecque, au
troisièm e siècle avant J.-C., quand des éru d its qui e u ren t leur centre
d’activité à A lexandrie réd ig èren t les te x te s de l’ancienne poésie grecque,
su rto u t H om ère, sous une form e définitive. D epuis lors, la trad itio n de
l’édition des tex tes anciens a ex isté p e n d a n t to u te l’an tiq u ité; elle a eu
aussi une grande im portance quand il s’est agi de co n stitu er les tex tes
sacrés du christianism e.
P our les tem ps m odernes, l’édition des te x te s e st une création de la
R enaissance, c’est-à-dire du 15e et du 16e siècle. O n sa it q u ’à cette
époque l’in térêt pour l’an tiq u ité gréco-latine ren aq u it en E urope; il est
vrai qu’il n’y avait jam ais cessé d ’y ex ister; toutefois, av an t la R enais
sance, il ne s ’é ta it pas p o rté su r les tex tes originaux des gran d s auteurs,
m ais p lu tô t su r des rem aniem ents et ad ap ta tio n s secondaires. P ar
exem ple, on ne connaissait pas le tex te d ’H om ère; on possédait l’histoire
de T roie dans d es rédactions de basse époque, e t on en com posait de
nouvelles épopées qui l’a d ap ta ien t plus ou m oins n aïvem ent aux besoins
et aux coutum es de l’époque, c’est-à-dire du m oyen âge. Q u an t aux
préceptes de l’a rt littéraire et du sty le poétique, on ne les étu d ia it pas
dans les auteurs de l’antiquité classique qui éta ie n t presque oubliés,
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10 LA PHILOLOGIE ET SES DIFFÉRENTES FORMES
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L’ÉD ITIO N CRITIQUE DES TEXTES 11
des copies, e t ces dernières av aie n t été, elles-m êmes, écrites, dan s b e a u
coup de cas, à une époque où la tra d itio n é ta it d éjà fo rt obscurcie.
B eaucoup d ’erreu rs s’étaien t in tro d u ites dans les tex tes; tel copiste
n 'av ait pas bien su lire l’écritu re d e son m odèle, an té rie u r parfois de
plusieurs siècles: tel autre, tro m p é peu t-être p a r un m ot identique dans
une ligne suivante, avait sauté un passage; un troisièm e, en copiant un
passage dont le sens lui échappait, l'av ait changé arb itra irem en t. Leurs
successeurs, devant des passages évidem m ent m utilés, voulant ob ten ir à
to u t prix un tex te com préhensible, intro d u isaien t de nouvelles a lté ra
tions, d étru isan t ainsi les d ern ie rs vestiges de la leçon authentique.
A joutez à cela les passages effacés, devenus illisibles, les pages m an
quantes, déchirées ou verm oulues; im possibles d 'én u m é re r toutes les
possibilités de détérioration, de m utilation et de d estruction q u ’un millé
n aire d’oubli, rem pli de cata stro p h es, p eu t faire subir à un tré so r aussi
fragile. Depuis les hum anistes, une m éthode rigoureuse de reconstitution
s'e st peu à peu établie: elle consiste su rto u t dan s la technique du classe
m e n t des m anuscrits. A u trefois, po u r classer les m an u scrits dispersés
d an s les bibliothèques, il fallait to u t d ’ab o rd les copier (source nouvelle
d ’erreu rs involontaires); a u jo u rd ’hui, on peut les photo g rap h ier; cela
exclut les erreurs d ’inadvertance, et épargne au philologue éd iteu r les
fatigues, les frais et aussi les plaisirs des voyages qu ’au trefo is il devait
en tre p re n d re d’une bibliothèque à l’autre; m aintenant, la photocopie lui
parvient par la poste. Q uand on a d ev an t soi tous les m anuscrits connus
d ’une oeuvre, il faut les com parer, et dans la p lupart des cas on obtient
ainsi un classem ent. O n se rend com pte, p a r exemple, que quelques-uns
des m anuscrits, que nous nom m erons A , B et C, co n tien n en t pour beau
coup de passages douteu x la m êm e version, tandis que d ’autres, D e t E,
d o n n en t une rédaction différente, com m une à eux deux; un sixième
m anuscrit, F, suit en général le groupe A BC, m ais co n tien t quelques
divergences qui ne se tro u v en t ni dans le groupe ABC, ni d an s D et E.
L’éd iteu r arrive ainsi à c o n stitu er une so rte de généalogie des m anu
scrits. D ans n o tre cas, qui est relativem ent simple, il est vraisem blable
qu’u n m anuscrit perdu, X, a (d irectem en t ou ind irectem en t) servi de
m odèle d’une p a rt à F, d ’a u tre p a rt à une copie égalem ent perdue, X.
d o n t les descendants sont A , B e t C ; tan d is que D et F. n ’ap p artien n en t
pas à la famille X , m ais à une a u tre; ils p roviennent d ’un autre ancêtre
ou «archétype» perdu, que n ous désignerons p ar Y. Souvent, l’éditeur
p eu t tirer des conclusions précieuses d e la graphie d u m anuscrit, qui
lui révèle le tem ps où il fu t écrit; le lieu où il fut trouvé, les autres
écrits qui parfois se trouvent d an s le mêm e volume, copiés par ia même
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12 LA PHILOLOGIE ET SES DIFFÉRENTES FORMES
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parchem in qui sont publiés ainsi, m ais des inscriptions, des p apyri, des
tab lettes de toute sorte, etc.
1,'im prim erie, c’est-à-dire la rep ro d u ctio n m écanique des textes, a
beaucoup facilité la tâche des éditeurs; le tex te une fois constitué peut
être reproduit identiquem ent san s danger que de nouvelles erreu rs dues
aux bévues individuelles des copistes s ’y glissent; il est v rai q u e les
fautes d’im pression sont à craindre, mais la surveillance de l’im pression
est relativem ent facile à faire, e t les fautes d ’im pression so n t rarem ent
dangereuses. Les auteurs qui o n t com posé leurs oeuvres après 1500,
époque où l’usage de l’im prim erie d e v in t général, ont pu, dans l’im mense
m ajorité des cas, surveiller eux-m êmes l’im pression de leurs oeuvres, de
so rte que, pour beaucoup d’en tre eux, le problèm e de l'édition critique
ne se pose pas ou est assez facile à résoudre. T outefois, il y a de nom
breuses exceptions e t des cas p articuliers qui d em andent les soins d e
l’éditeur philologue. A insi, M ontaigne (1533— 1592), après av o ir publié
plusieurs éditions d e ses Essais, avait chargé les m arges de quelques
exem plaires im prim és d ’a d d itio n s et d e changem ents en vue d ’une
édition ultérieure; celle-ci ne p aru t q u ’ap rès sa m ort; or, ses am is qui
en p riren t soin n ’ont pas utilisé to u tes ces additio n s et corrections, de
so rte que, lorsqu ’on a retrouvé un d es exem plaires annotés de sa main,
cette découverte nous a perm is de co n stitu er un texte plus com plet;
dans un cas pareil, les éditeurs m odernes p rése n te n t au lecteur, dans
une m êm e publication, to u tes les versions du tex te que M ontaigne a
données dans les éditions successives, en relevant les v arian tes de
chaque édition p a r d es caractères spéciaux ou p a r d ’a u tre s signes
typographiques; de so rte que le lecteur a sous les yeux l’évolution
de la pensée de l’auteur. La situation se p résen te d ’une m anière presque
identique pour l’oeuvre principale d ’un philosophe italien, la Scienza
N uova d e V ico (1668-—1744). Le cas de Pascal (1623—1662) est bien
plus com pliqué. Il nous a laissé ses P ensées s u r des fiches, p arfois très
difficiles à lire, sa n s classem ent; les éditeurs o n t donné, depuis 1670,
des form es très variées à ce livre célèbre. O n voit que, depuis l’inven
tion de l’im prim erie, le problèm e de l’édition critique se pose su rto u t
pour des oeuvres posthum es; il faut y ajo u te r les oeuvres de jeunesse,
ébauches, prem ières rédactions, fragm ents, que l’écrivain n ’a p as jugés
dignes d ’ê tre publiés; les correspondances personnelles, les publications
supprim ées par la censure ou retirées du com m erce pour quelque autre
raison; il faut aussi penser, su rto u t p o u r les p oètes d ram atiques qui
fu ren t en m êm e tem ps régisseurs e t acteurs, au cas assez fréq u en t où
l’auteur n’a pas surveillé lui-même l’im pression de son oeuvre, où il a
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LA. LINGUISTIQUE 15
B. L A L I N G U I S T I Q U E .
J(j LA P H IL O L O G I E ET SE S Ü I F F É K E X T E S FOliMES
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I A LINGUISTIQUE i7
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LA LINGUISTIQUE 19
un des esp rits les plus larges de la linguistique m oderne; ses nom breux
travaux (M. L. S pitzer en a publié une anthologie, le Schuchardt-B revier,
2e éd. 1928) trah isse n t une conception extrêm em en t riche du caractère
spécifiquem ent hum ain du langage, conception qui s’est form é chez lui
d an s la lu tte qu'il m enait co ntre les ten d an ces de ceux qui voulaient
établir dans la linguistique un sy stèm e de lois su r le m odèle des sciences
naturelles de c e tte époque. L’oeuvre énorm e de W . M eyer-Liibkc
(1861— 1936) n 'e st pas aussi précieuse p a r les idées générales d o n t elle
s’inspire, m ais elle résum e et com plète le travail fait au 19e siècle dans
le dom aine de la linguistique rom ane (citons sa G ram m aire des langues
rom anes, 1890— 1902, et son D ictionnaire étym ologique des langues
rom anes, 3e éd. 1935); ses écrits p résen ten t un asp ect beaucoup m oins
littéraire que ceux de la plu p art de scs prédécesseurs; il a subi l’influence
des courants qui favorisaient l’étude de la langue vivante, p articulière
m en t celle des dialectes. D epuis l’ap p aritio n de ses prem iers éc rits un
grand nom bre de courants, de m éth o d es et de tendances se so n t m ani
festés, difficiles à classer à cause du grand nom bre de spécialistes
distingués qui, consciem m ent ou inconsciem m ent, com binent dans leur
travail des tendances souvent hétérogènes. Je crois to u tefo is pouvoir
dégager, dans la linguistique rom ane des d ern iers 50 ans, tro is cou
ran ts principaux.
La tendance sy stém atique se m anifeste dans une form e m o d e rn e chez
le fondateur de l’école genevoise, F. de Saussure (C ours de linguistique
générale, posthum e, 1916, 3e éd. 1931). Saussure e st consciem m ent ré
actionnaire, en ce se n s q u ’il n ’accepte pas le p o in t de vue exclusivem ent
dynam ique de la linguistique historique m oderne; il é tab lit à côté d ’elle,
et m êm e au-dessus d ’elle, une linguistique sta tiq u e , décriv an t l’é ta t
d ’un e langue à u n m om ent donné, sans considérations d ’ord re h isto ri
que; bien entendu, il n ’ap p o rte pas, dans les recherches de ce genre,
l’e sp rit esth étiq u e e t n o rm atif de la gram m aire ancienne, m ais l’e sp rit
rigidem ent scientifique du positivism e m oderne qui se co n ten te de con
s ta te r les faits à l’aide d ’expériences et de les relier, a u ta n t que possible,
d an s un systèm e. De plus, sa m éthodologie s ’efforce d ’isoler l’o b je t de
la linguistique de to u r ce qui, selon sa théorie, n ’e st pas lui; d e l’e th n o
graphie, de la préhistoire, d e la physiologie, de la philologie etc.; pour
lui, la linguistique est une p artie de la 'sém iologie», science qui étudie
la vie des signes au sein de la vie sociale; e t m êm e c e tte vie sociale a
chez lui un caractère assez général et ab strait. 11 a réussi à appro fo n d ir
les conceptions du fonctionnem ent du langage p a r u n systèm e de
classem ents très n e tte m e n t définis; p arm i eux, quelques-uns o n t été
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C. L E S K E C H E R C H E S L I T T E R A I R E S .
I. B ib lio g ra p h ie et b io g ra p h ie .
L’histoire littéraire est une science m oderne. Les form es d ’études lit
téraires qu’on a connues e t p ratiq u ées avant le 19e siècle so n t la biblio
graphie, la biographie et la critique littéraire.
La bibliographie, outil indispensable de la science littéraire, dresse
des listes des auteu rs avec leurs oeuvres, et les dresse de la m anière la
plus systém atique possible. C e travail p eu t se faire le plus facilem ent
d an s une grande bibliothèque, où une grande p artie, quelquefois même
la totalité du m atériel se tro u v e réunie. A ussi fut-ce à A lexandrie, d a n s
la célèbre bibliothèque d e c e tte ville, que la bibliographie antique s ’est
développée. L ’activité bibliographique est restée to u jo u rs une p artie
im p o rtan te du dom aine des lettres. La bibliographie d ’un au teu r do it
contenir d’abord la liste de ses oeuvres authentiques, avec to u tes les
éditions qu’on en a faites; ensuite les oeuvres douteuses qu’on lui
attrib u e; enfin les études que d ’autres lui o n t consacrées. Si la liste
ainsi dressée co n tien t des m anuscrits, il faut signaler l’en d ro it où le
m anuscrit se tro u v e et d o n n er une d escrip tio n détaillée de sa form e;
pour les livres im prim és, i! fau t indiquer, à côté du titre exact, le lieu
et l’année de la publication, le nom bre de l’édition (p. ex. «5e éd. revue
et corrigée»), le nom de celui qui a fait l’édition critique ou com m entée
ou la traduction, ie nom de l’im prim eur ou de la m aison éditrice, le
nom bre des volum es et des pages de chaque volum e, le form at; quel
ques bibliographies d o nnent encore d ’au tres indications su pplém entaires
qui v arien t selon les besoins du cas. L’organisation m oderne de la
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bibliographie est bien plus v aste e t v ariée que celle d e l’an tiq u ité. A
côté des catalogues im prim és des g ran d es b ibliothèques (B ritish Mu
séum de L ondres, Bibliothèque N a tio n a le de Paris, B ibliothèques alle
m andes, L ibrary of C ongress à W ashington) qui peuvent serv ir de biblio
graphies universelles, il existe des bibliographies spéciales pour chaque
science, pour chaque branche, po u r to u te s les grandes litté ra tu re s n atio
nales, pour les périodiques, pour beaucoup d ’écrivains célèbres (D ante,
Shakespeare, V oltaire, G o eth e etc.); les o rganisations des libraires ou
de l’E ta t en A ngleterre, en France, en A llem agne, aux E tats-U n is etc.
publient pour chaque jour, chaque sem aine, po u r chaque mois et chaque
année des listes de to u t ce qui a paru dans leur pays; les périodiques
scientifiques d onnen t la bibliographie des publications récentes de leur
branche, souvent avec un bref com pte-rendu; la plu p art des disciplines
scientifiques disposent d ’un ou de plusieurs périodiques consacrés ex
clusivem ent à la bibliographie et au com pte-rendu.
La biographie s ’occupe de la vie des auteu rs célèbres, ou p lu tô t des
hom m es célèbres en général. Elle aussi fut cultivée par les anciens
G recs, depuis le 5e siècle avant J.-C.; e t dans l’époque hellénistique,
au 3e siècle, les données sur la vie des p o ètes et écrivains furent m étho
diquem ent collectionnées et rédigées. D ’un recueil de biographies bien
ordonné une véritable histoire de la litté ra tu re p eu t se développer; mais
il sem ble que la civilisation antique n ’en ait pas p ro d u it; elle n ’a donné
que des dictionnaires et recueils de biographies, comm e on en a fait
aussi dans les tem ps m odernes. Bien entendu, la biographie co n tien t
aussi, du m oins d an s l'im m ense m ajo rité d es cas, des renseignem ents
bibliographiques; on ne sa u ra it guère p arler de la vie d ’u n a u teu r san s
m en tio n n er ses oeuvres, leur d a te e t la m anière de leur publication.
T a n t qu’elle se borne à réunir et à classer les n o tio n s su r la vie ex
térieure des auteurs, la biographie reste, com m e la bibliographie, plu tô t
une science auxiliaire; biographie e t bibliographie, to u t en d em an d a n t
au sav an t qui s ’en occupe toute la p rép aratio n technique requise pour
le travail érudit, ne lui perm ettent, pas de m ettre en évidence ses
propres idées e t sa propre force créatrice, s ’il en a.
11. L a c r i t i q u e e s t h é t i q u e .
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les actions e t les oeuvres de l ’hom m e, et que, s'il est. v rai que les faits
m atériels ne suffisent pas to u jo u rs e t en tièrem en t à expliquer les phé
nom ènes littéraires, il est absurde de vouloir les expliquer sans en tenir
com pte. De plus, les m éthodes que le positivism e a trouvées nous per
m etten t de situer plus ex actem ent les phénom ènes littéraires dans le
cadre de leur époque, d ’établir avec plus de précision leurs rapports
avec les autres activités contem poraines et de com pléter les biographies
des auteurs par to u t ce que la science m oderne, p ar exem ple 1 hérédité,
peut fournir. A ussi la p lu p art des savants du p rem ier groupe, du groupe
de la G eistesgeschichte, ont-ils adm is les m éthodes et les résu ltats posi
tivistes dans le cadre ie leur recherches — to u t en co n tin u an t la tra d i
tion rom antique q u an t à leur conception spiritu aliste de l’histoire. En
général, la grande m ajo rité des sa v a n ts m odernes com binent les deux
courants de diverse m anière, de so rte que les étu d es d ’h istoire littéraire
en E urope e t en A m érique p résen ten t actuellem ent u n aspect d ’une
richesse et d’une variété extrêm es.
M êm e pour le 19esiècle, on au rait beaucoup d e difficultés à faire en trer
chaque éru d it im p o rta n t dans l’un ou l’au tre d e ces groupes. A p a rt ceux
qui, dès la seconde m oitié d u siècle, o n t voulu consciem m ent com biner
les deux m éthodes, com m e l’A llem and W ilhelm Scherer, — à p a rt aussi le
grand nom bre de ceux qui o n t fait de l’érudition pure e t sim ple sa n s se
soucier de conceptions gén érales,et qu i n ’en o n t été touchés qu’inconsciem -
m ent, san s se rendre com pte d ’où so rta ie n t e t quelle signification exacte
avaient les term es généraux d o n t ils é ta ie n t to u t d e m êm e obligés de
se servir — il y eut quelques é ru d its fo rt distingués qui se so n t frayé
un chem in à eux, et qui n ’o n t subi que fo rt superficiellem ent l’inlluence
des deux groupes. Je citerai com m e exem ple l’histo rien suisse Jakob
B urckhardt (1818— 1-897), l’a u teu r de la «Culture de la R enaissance en
Italie», des «C onsidérations su r l’histo ire universelle» et de plusieurs
autres ouvrages im portants. Ce fut p eut-être i’éru d it le plus clairvoyant
et le plus com préhensif de son époque. V iv an t une vie bourgeoisem ent
tranquille, la passant presque en tièrem en t à Bâle, sa ville natale, où il
a enseigné p en d an t plus de quarante ans, il a prévu to u tes les c a ta stro
phes qui se prép araien t en Europe. Il n ’a accepté ni les conceptions
m ystiques et idéalistes des rom antiques, ni la philosophie de Hegel, ni
ies m éthodes psychologiques e t sociologiques des positivistes. Sa vaste
érudition, qui em b rassait l’histoire générale, l’h istoire de la litté ra tu re
et de l’a rt des époques de l’an tiq u ité e t de la Renaissance, ia précision
e t la richesse de son im agination com binatrice, et la n e tte té de son juge
m ent lui o n t perm is d’écrire des livres d ’une sy n th èse puissante et exacte
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L ’E X P L I C A T I O N D E S T E X T E S .
L’explication des tex tes s’est im posée depuis que la philologie existe
(voir p. 15); quand on se trouve d ev an t un te x te difficile à com prendre,
il faut tâch er de l’éclaircir. Les difficultés de la com préhension peuvent
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l ’e x p l i c a t io n des tex tes 37
38
SECONDE PARTIE
LES O R I G I N E S D ES L A N G U E S R O M A N ES .
A. R O M E E T L A C O L O N I S A T I O N R O M A I N E .
Rome fut une ville fondée p a r les Latins, tribu indogerm anique entrée
en Italie lors de la grande invasion indogerm anique en Europe. P en d an t
un développem ent plusieurs fois séculaire, la ville acquit l’hégém onie
sur tous les peuples h a b ita n t la péninsule d es A pennins: population
fo rt mêlée, puisque, su r une couche préindoeuropéens, des Indoeuro
péens de différents groupes s ’é ta ie n t établis. A côté de p aren ts relative
m ent proches des L atins (les Italiq u es du groupe osco-om brien), il y
avait au sud des colonies grecques; d an s plusieurs régions, su rto u t dans
la T oscane actuelle, des E tru sq u es qui étaien t d ’une couche p réin d o
européenne; e t dan s la vallée d u Pô, au no rd de la péninsule, les Celtes
ou G aulois. O n com prendra p a r ce tableau fo rt som m aire que k con
quête e t l’assim ilation de tous ces peuples a duré longtem ps; elle fut
favorisée, dès les débuts, p a r l’excellente situ atio n stratég iq u e et com
m erciale de Rome. D ans la p rem ière m oitié du 3e siècle av a n t J.-C.,
Rom e dom inait l’Italie à l’ex cep tio n de la vallée du Pô, où les G aulois
restaien t indép en d an ts; elle é ta it devenue u n e grande puissance
dans le bassin occidental d e la M éditerranée, et com m e telle, une rivale
dangereuse d e la riche ville com m erçante de C arthage, fondation phéni
cienne sur la côte africaine. L a lu tte e n tre les deux villes rivales a duré
60 ans; vers 200, elle éta it décidée en faveur de Rome, qui fut d o rénavant
la m aîtresse incontestée du bassin entier. La Sicile, la Sardaigne, la
C orse, une grande p artie de l’E spagne et peu à peu aussi la vallée du
Pô furent soum ises à sa d om ination; p e n d a n t le s d eu x siècles qui sui
virent, la puissance rom aine s ’infiltra d ’ab o rd d an s le re ste de 1 Espagne
et dans la partie m éridionale d e la France (appelée à cette époque la
G aule transalpine), ensuite, v ers 50 av. J.-C., d an s se s parties centrales
e t septentrionales. P arto u t, les R om ains tro u v èren t une situ atio n e th
nique et politique assez em brouillée, et p a rto u t ils arriv èren t peu à peu
à unifier e t à s’assim iler les différents peuples. P en d a n t la m êm e époque,
c’est à-dire p en d a n t les deux siècles qui su iv iren t les guerres co ntre
C arthage, la situ atio n politique e n tra în a it les R om ains aussi vers l’est
de la M éditerranée, où l’o rd re créé p a r A lexandre le G ran d e t ses
successeurs s’était len tem en t désagrégé; Rome arriv ait ainsi à dom iner
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T o u t le m onde peut faire l’o bservation qu’on écrit au trem en t que l’on
parle. D ans une le ttre fam ilière, le style approche parfois du langage
parlé; du m om ent que l’on écrit à des étrangers, et su rto u t quand on
écrit pour le public, la différence devient beaucoup plus m arquée. Le
choix des expressions e s t plus soigné, la sy n tax e est plus com plète et
plus logique; les locutions fam ilières, les form es abrégées, spontanées et
affectives qui ab o n d en t clans la conversation sont rares; to u t ce que
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L E LATIN V ULGAIRE 43
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IÆ LA TIN V ULGAIRE 45
m entation officielle; elle h ésite à suivre rév o lu tio n linguistique qui, elle,
e st en général (il y a des exceptions) l’oeuvre à d em i inconsciente du
peuple ou d e quelques groupes du peuple. La langue littéraire n ’adopte,
en règle générale, les in n o v atio n s linguistiques que longtem ps ap res leur
entrée dans l’usage c o u ran t de la langue parlée. A n o tre époque cela
s’e s t modifié quelque peu, parce que beaucoup d ’écrivains ch erch en t à
s’em parer au plus vire d es innovations populaires, et mêm e à les devan
cer par leurs p ro p res inn o v atio n s — m ais c’est un phénom ène to u t
récent. D ans i’an tiq u ité (et d a n s to u tes les époques fo rtem e n t influencées
p ar les idées an tiq u es su r la langue littéraire) celle-ci fu t extrêm em ent
conservatrice; elle h ésitait longtem ps à suivre le développem ent popu
laire, et dans la plu p art des cas elle ne le suiv ait p as du to u t. Q u ’on se
rappelle ici ce que j ’ai d it antérieu rem en t (p. 24) sur la critique e sth é ti
que de l’antiqu ité: elle considérait le beau com m e un m odèle stable,
parfait, e t qui ne pouvait que perd re une p a rtie de sa beauté p ar un
changem ent; cela s’appliquait, bien entendu, aussi à la langue littéraire.
Le latin parlé (ou vulgaire) a p a r co nséquent changé beaucoup plus vite
et plus radicalem ent que le ia tin littéraire. Les tendances conservatrices
n’ont pas réussi à p ro tég er en tièrem en t le latin littéraire de to u t change
m ent; lui aussi s ’e st modifié au cours des siècles. M ais ces m odifications
so n t insignifiantes q uand on les com pare aux changem ents pro fo n d s qu’a
subis le latin vulgaire, et qui, jo in ts aux différenciations locales, en ont
fait peu à peu le français, l’italien, l’espagnol etc. Les sons, les form es,
le sens de la plu p art des m o ts re ste n t inchangés d an s le la tin littéraire
des époques p ostérieures, oe n ’est que la stru c tu re d e la p h ra se qui
change considérablem ent; tan d is que, dans le latin vulgaire, to u te la
phonétique, la m orphologie, l’em ploi et le sens des m ots, e t bien entendu
la sy n tax e so p t en tièrem en t bouleversés. Si l’on v e u t é tab lir d ’une
m anière som m aire une classification des form es les plus im p o rtan tes du
latin, on p eut distinguer: 1) le iatin littéraire classique, d o n t l’époque
d’apogée va d’à peu p rès 100 av. J.-C. jusqu’à peu près 100 ap rès J.-C.,
e t qui fut im ité, com m e nous v erro n s plus tard , p a r les hum anistes de la
R enaissance; 2) le iatin littéraire' du déclin de la civilisation antique et
du m oyen âge, appelé en général »bas-Iatin« ou latin d e l’Église, parce
que c’éta it e t que c’e s t to u jo u rs la langue de l’Eglise catholique; 3) le
latin vulgaire qui est le latin parlé de to u te s les époques de la langue
latine, et qui évolue graduellem ent v ers ses différentes form es néo
latines ou rom anes.
D e l’exposé que nous venons de faire sur la différenciation locale et
tem porelle du latin vulgaire, il résulte que ce n ’est pas u n e langue, mais
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une conception com p ren an t les p arlers les plus différents. U n paysan
rom ain du 3e siècle av. J.-C. p arlait to u t au tre m e n t qu’un paysan gaulois
du 3e siècle après J.-C., e t néanm oins to u s les d eu x p arlaien t le latin
vulgaire. O n p eu t ap p ren d re le latin iittéraire, so it le latin classique
so it le bas-latin; m ais on ne p e u t pas a p p re n d re le latin vulgaire; on peut
seulem ent étudier l'une ou l’autre de ses form es, ou essayer d e co n stater
quelles qualités ou quelles tendances so n t com m unes à to u tes ses form es
connues. A u fond, c'est la m êm e chose po u r to u tes les langues vivantes
et parlées. U n T u rc qui apprend l’allem and ap p ren d l’allem and actuel
tel qu’on l’écrit et tel que les gens cultivés dans les grandes villes le
parlent; m ais ce n’e st pas l’allem and en tier; il n ’apprend pas le m oyen
h a u t allem and du 12e ou du 13e siècle, ni l’allem and de la R enaissance;
il n ’apprend pas non plus les nom breux dialectes parlés actuellem ent en
Prusse orientale, en R hénanie, en Bavière, en Suisse, en A u trich e etc.
L’étude d’une langue parlée dans son ensem ble com porte des recherches
longues et difficiles, pour lesquelles on a besoin d ’une form atio n lin
guistique spéciale. Elle est encore beaucoup plus difficile po u r une langue
de l’antiquité que pour une langue m oderne; d ’abord parce que, comme
je viens de l’expliquer, la différence e n tre la langue littéraire e t la langue
parlée était plus grande qu’au jourd'hui; or, nous possédons un assez
grand nom bre de docum ents de la langue litté ra ire d e l’a n tiq u ité latine,
m ais nous m anquons presque com plètem ent de sources po u r étu d ier la
langue parlée; ce n ’est que p a r des h asard s que quelques vestiges nous
en so n t conservés. O n n e pen sait pas à la fixer p o u r la p o stérité, car on
ne l’en jugeait p as digne, e t on n e d isposait p a s d ’in stru m en ts exacts
pour le faire m êm e si on l’a v a it voulu; les d isques sur lesquels nous
fixons aujo u rd ’hui les langues e t d ialectes parlés qui nous in téressen t
n’existaient pas encore. E t la difficulté prim ordiale, bien en te n d u , c’est
qu’on ne parle plus le la tin vulgaire. O n p eu t étu d ier la langue pariée
des Français, des A llem ands ou des A nglais au m oins dan s to u tes ses
form es actuellem ent en usage, com m e le fo n t ceux qui p ré p a re n t les
atlas linguistiques — le latin vulgaire ne vit plus que dan s les langues
rom anes qui ne so n t pour ainsi dire que se s petites-filles, se s d escen
d an tes lointaines. T outefois, l’étu d e com parée d es langues rom anes est
n o tre source la plus riche po u r la connaissance du latin vulgaire; ce
qu’elles possèdent en comm un, soit p o u r l’évolution d e s sons, so it pour
les form es m orphologiques, so it p o u r le vocabulaire, so it enfin pour la
stru ctu re de la phrase peut être attrib u é avec beaucoup de vraisem blance
au latin vulgaire des .époques où la différenciation linguistique des p ro
vinces de l’em pire n ’avait pas encore fait assez de p rogrès pour
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48 l e s o r ig in e s b e s l a n g u e s rom anes
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LE CH RISTIAN ISM E 49
C. L E CHRISTIANISM E.
Les Juifs en Palestine vivaient depuis les d ern iers tem ps de la rép u
blique sous l’hégém onie rom aine. Beaucoup d ’e n tre eux n e résid aien t
pas en Palestine, m ais vivaient d an s les grandes villes de l’em pire, su r
to u t dans sa p artie orientale. M ais parto u t, la p lu p art des Juifs se
tenaient séparés du reste de la population, se refu saien t à l’hellénisation
ou à la rom anisation, et gardaient avec une jalousie farouche leu rs tr a
ditions religieuses. C es traditions, to u t en a y a n t subi d an s les époques
antérieures des influences étran g ères diverses, s ’étaien t à la fin cristal
lisées sous une form e qui tra n c h a it d ’une m anière c h o q u an te avec les
habitudes de leur entourage, et su sc ita it en m êm e tem ps so n m épris,
sa haine, sa curiosité et son in térêt. Leur culte sem b lait étrange a u ta n t
du po int de vue de la form e que du rond. E x térieurem ent, ils se d istin
guaient de leur entourage p a r leur coutum e de circoncire ies m âles e t
par leurs préceptes extrêm em ent rigides co n cern an t la nou rritu re, p ré
ceptes qui ren d aien t im possible to u te vie en com m un avec eux; pour
le fond de leur croyance, ils ad o raien t un seul dieu qui to u t en n ’éta n t
nullem ent corporel (ils d é testaien t l’im agerie religieuse, et l’un de leurs
com m andem ents principaux défen d ait expressém ent de se faire une
image de D ieu) n’était pas non plus une conception philosophique et
abstraite, mais un personnage trè s n ette m e n t caractérisé, p ro fessan t des
prédilections et des colères souvent incom préhensibles, seul tout-puissant,
ju ste, et néanm oins inscrutable pour la raison hum aine: un dieu jaloux.
O r, les G recs et les Rom ains, ou, pour mieux dire, les peuples hellénisés
ou rom anisés du bassin de la M éditerranée, com prenaient fo rt bien
l’adoration des im ages des dieux de la religion populaire; ils com pre
naien t aussi, du m oins les gens in stru its parm i eux com prenaient le culte
d’une divinité philosophique, sy n th èse de la raison ou d e la sagesse p a r
faites, pure idée incorporelle et im personnelle. M ais un dieu qui n ’éta it
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■ LE CHRISTIANISM E 51
uu’il l’avait p réd ite com m e u n événem ent nécessaire, u n e p a rtie essen
tielle de sa m ission. D es visions qui les assu raien t que Jésus n ’é ta it pas
m ort, m ais ressuscité et élevé au ciel, les confirm èrent d a n s leu r croy
ance, et une conception beaucoup plus p ro fo n d e du M essie — celle de
Dieu se sacrifiant pour rach eter le péché des hom m es, s’in carn an t dans
la form e hum aine la plus hum ble, souffrant les plus terrib les e t les plus
ignom inieuses to rtu re s pour le salut du genre hum ain — se form a dans
leur esprit. L idée d ’un dieu sacrifié n ’éta it pas to u t à fait neuve, elle se
trouve sous diverses form es dans les m y th es antérieu rs; m ais d an s cette
com binaison avec la chute de l’hom m e p a r le péché, liée à un événem ent
actuel, soutenue par le souvenir du personnage e t des paroles de Jésus,
elle fut une révélation nouvelle, ex trêm em ent suggestive e t féconde. Le
m ouvem ent sc rép an d it parm i les Juifs palestiniens, m algré l’opposition
de l’orthodoxie officielle. C ependant, il n ’au rait pro b ab lem en t jam ais
dépassé les lim ites d ’une secte juive, si un nouveau personnage, le futur
apôtre Saint-Paul, n’avait donné au développem ent une to u rn u re nouvelle
et im prévue. Saint-Paul n ’é ta it pas Palestinien, c’é ta it un Juif de la dia
spora, natif de la ville d e T a rso s en Cilicie, issu, à ce qu'il sem ble, d ’une
famille aisée et respectée, puisque déjà son père, com m e lui-m ême, éta it
citoyen rom ain. C ’était un hom m e bien plus in stru it que les prem iers
disciples de Jésus, et qui avait une connaissance du m onde et un horizon
bien plus large qu’eux — il sav ait le grec, com m e la p lu p a rt des Juifs
h ab itan t hors de Palestine, e t avait étudié la théologie juive chez un
célèbre professeur à Jérusalem . 11 éta it trè s o rthodoxe, et fu t p arm i les
persécuteurs les plus acharnés des prem iers chrétiens. M ais u n e crise
subite, provoquée p a r une vision, l’ébranla p ro fo nd ém en t; il d ev in t
chrétien, et conçut, p ar un développem ent in térieu r d o n t les d étails nous
échappent, l’idée de prêcher l’évangile à l’univers e n tier — n o n seule
m ent aux Juifs, m ais aussi aux payens. 11 est v rai que p a r c e tte résolution
il ne fit que tirer la conclusion inévitable de la d o ctrin e de la charité
qu’avait prêchée Jésus — m ais il sem ble qu’aucun des au tre s ju ifs de
venus chrétiens n’ait im aginé une idée tellem ent révolutionnaire. C a r elle
com portait une séparation n e tte des form es et m êm e d ’une p artie du fond
judaïques. Sans doute, Saint-Pau! conservait du judaïsm e la conception
de Dieu qui to u t en éta n t esprit, donc incorporel, n ’éta it n ullem ent une
abstraction philosophique, mais un être personnel qui m êm e avait pu
s’incarner dans un hom m e. Mais il fallait ren o n cer à la circoncision e t
aux préceptes sur la nourriture; et Saint-Paul alla plus loin; il enseigna
que to u te la religion juive n ’était q u ’une étape p réparatoire, que sa loi
était devenue nulle p a r l’arrivée du M essie, e t que seules la foi en Jésus-
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LE CHRISTIANISME 53
explication de l'histoire universelle qui frap p ait par so n unité, sa sim plicité
e t sa grandeur. Les persécutions ne servaient en som m e q u ’à fortifier
la foi; c’é ta it une gloire de souffrir le m artyre, d ’a u ta n t plus qu’on im itait
e n le subissant la passion d u C h rist; beaucoup de cro y an ts am bitionnaient
une telle m ort, fo rçan t p ar des faits et des paroles provocatrices les
autorités à les condam ner, et refu san t to u t m oyen de se sauver. En
principe général, les auto rités rom aines étaien t to léran tes et évitaien t les
persécutions religieuses. M ais dans les prem iers tem ps le culte chrétien
revêtait le caractère d'un m ysticism e secret; or, to u t É ta t policé d éteste
les sociétés secrètes; d 'a u ta n t plus qu’une p artie de la population, les
Juifs d’abord, ensuite les p rêtres payens et to u t le com m erce intéressé
aux sacrifices et au culte ancien, im putaient aux chrétiens to u te so rte
de crimes. D ’au tres com plications surgissaient du fait que les chrétiens
refusaient de sacrifier devant l'im age de l’em pereur, ce qui éta it la forme
officielle de professer sa loyauté envers le gouvernem ent. Enfin, quand
par son expansion grandissante le christianism e m enaça de devenir un
facteur im p o rtan t dans 'la politique, to u tes so rtes d 'in stin c ts tra d itio
nalistes, d ’intrigues et de passions e n trè re n t en jeu, e t des ten tativ es
fu ren t faites su r une large échelle pour a rrê te r ses progrès p ar la vio
lence.
Q uand au com m encem ent du 4e siècle sa victoire fu t définitive, la
tâche de fixer le dogm e et de réorganiser l’Eglise s ’im posait. D epuis le
second siècle, les disputes su r 1 in terp ré ta tio n du dogm e avaien t é té très
vives; de nom breux co u ran ts philosophiques e t religieux tra v e rsa ie n t le
m onde p en d an t la fin de l’an tiq u ité; le christianism e les a peu à peu
évincés, m ais ils exerçaient leurs influences su r les théologiens chrétiens
en m ultipliant les dissensions. La stab ilisatio n du dogm e et l’organisation
de l’Eglise fu ren t l’oeuvre des gran d s conciles du 4e et du 5e siècles et
des Pères de l’Eglise; dan s l’occident, les plus im p o rta n ts parm i ceux-ci
furent Saint-Jérôm e (av an t 350—420), le principal tra d u c te u r de la Bible
en latin, et Saint-A ugustin (354— 430), le génie le plus p u issan t du déclin
de l’antiquité. N é payen, m ais d ’une m ère ch rétien n e qui p en d an t sa
jeunesse eu t une g ran d e influence su r lui, il étu d ia les le ttre s et devint
professeur de rhétoriqu e d ’abord en A frique, son pay s natal, puis à
Rom e et à M ilan; c’est dans cette époque de sa vie qu’il arriva à tra v e rs
beaucoup de crises intérieu res — plusieurs co u ran ts philosophiques et
m ystiques se d isp u taien t son âme — à em b rasser définitivem ent le chris
tianism e (387). à q u itte r sa chaire et à se faire p rê tre ; le déclin p ro
gressif de la puissance rom aine et de la civilisation an tiq u e p e n d a n t sa
vie "im pressionna profondém ent. C ’est un grand écrivain; ses oeuvres —
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LE Ü HlilSTIA N ISM E 55
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LE CHRISTIANISM E 57
dans une form e dram atique; ces parap h rases d ram atiques, qui m ettaien t
en dialogues des scènes de la Bible serv aien t à expliquer et à rendre
populaires l’histoire sacrée e t le dogme; c’est le com m encem ent e t le
germ e de to u t le th é â tre européen.
Ce début de style littéraire dans les langues vulgaires, créé p ar le
besoin qu’énrouvait le clergé d’établir un con tact linguistique d irect avec
le peuple e t de lui rendre plus fam ilières les vérités de la fo i,se distingue
très n ettem en t des conceptions littéraires de l’antiquité. C om m e dans
le dom aine linguistique, où j ’en ai fait plusieurs fois m ention, le goût
antique professait aussi dans le dom aine littéraire — en ce qui concerne
la m anière d o n t il fallait tra ite r les su je ts — u n certain aristocratism e:
on devait éviter, dans les su je ts tragiques et «sublimes'», to u t réalism e,
et su rto u t to u t bas réalism e. Les personnages tragiques, d an s l’antiquité,
étaien t des dieux, des héros de la m ythologie, des rois e t des princes;
ce qui leur arrivait é ta it souvent terrible, m ais il fallait que cela re stâ t
dans le cadre du sublim e; le bas réalism e, la vie q u otidienne et to u t ce
qui pouvait sem bler hum iliant en était exclu. O r, p o u r les C hrétiens,
le m odèle du sublim e e t du tragique, c’é ta it l’h istoire de Jésus-C hrist.
M ais Jésus-C hrist s ’éta it incarné dans la perso n n e d ’u n fils de ch arp en
tier; sa vie sur la te rre s’éta it passée parm i d es p ersonnes d e la plus
basse condition sociale, des hom m es et des fem m es du peuple; sa p as
sion avait été to u t ce q u ’il y a d e plus hum iliant; e t p récisém ent dans
cette bassesse et dans cette hum iliation co n sistait le sublim e de so n p e r
sonnage et de l’Evangile que lui et ses apô tres avaien t prêché. Le sublim e
de la religion chrétienne éta it in tim em ent lié à so n hum ilité, et ce carac
tère de mélange du sublim e et d e l’hum ble, ou p lu tô t c e tte nouvelle con
ception du sublim e qui se base su r l’hum ilité, rem plit to u tes les parties
de l’histoire sainte et to u tes les légendes des m arty rs et des confesseurs.
P ar conséquent, l’a rt chrétien en général, e t l’a rt litté ra ire en particulier,
ne sav aien t que faire de la conception antique du sublim e; un nouveau
«sublime» s’établit rem pli d ’hum ilité, a d m e tta n t les personnages du
peuple, ne reculant d evant aucun réalism e quotidien; d ’a u tan t plus que
le but de cet a rt n’é ta it pas de plaire à un public d ’élite, m ais de rendre
H iistoire sainte et la do ctrin e chrétien n e fam ilières au peuple. C 'est une
nouvelle conception de l’hom m e qui s’établit, conception dont j ’ai déjà
parlé à propos de Saint-A ugustin qui en a n e tte m e n t entrevu e t formulé
les conséquences littéraires. Ces conséquences furent trè s im p o rtan tes
pour l’E urope, elles se so n t étendues bien au-delà de l’a rt chrétien
p roprem ent d it; to u t ie réalism e tragique européen en dépend; ni l’art
do C ervantes et du th éâtre espagnol, ni celui de Shakespeare, pour ne
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nom m er que les exem ples les plus connus, ne sau raien t être imaginés
sans cette conception réaliste de l’hom m e tragique qui est d ’origine
chrétienne. C e ne furent que les époques im itan t consciem m ent les théo
ries de l’antiquité (p ar exem ple le classicism e français du 17e siècle) qui
ont repris la conception ancienne.
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LES INVASIONS 59
groupes, l'adm in istratio n rom aine leur donne d e s terres, et ils s ’établis
sen t com m e colons; ils e n tre n t d a n s l’arm ée rom aine; une grande p a rtie
des officiers et m êm e d es généraux rom ains de la dernière période de
l’em pire, so n t d’origine germ anique.
M ais to u t cela ne fut qu’u n prélude. V ers 375, les H uns envahirent
l’Europe, déclenchant le m ouvem ent qu’on appelle la m igration des
peuples. Presque toutes les trib u s germ aniques, directem en t ou in
directem ent touchées p ar la poussée mongole, q u itte n t leurs terres et se
dirigent vers le sud et l’ouest; l’em p ire d'O ccident succom be à cette
catastrophe. E num érons rap id em en t les plus im p o rtan tes parm i les
m igrations des tribus germ aniques:
1) Les V andales, e n tre 400 e t 450, trav ersèren t la H ongrie, les pays
alpins, la Gaule, l’Espaigne (où le gouvernem ent rom ain leur assigna des
terres, et parm i elles la région qui p o rte leur nom, l’A ndalousie) et p a s
sèrent enfin en A frique où ils é tab liren t un royaum e in d ép en d a n t; ils.
conquirent aussi la Sicile, la S ardaigne et la C orse; mais ils ne furent
pas assez nom breux pour coloniser et po u r conserver leurs conquêtes;
leur royaum e fut anéanti p ar les B yzantins, en 533, et ils disparurent.
2) Les V isigoths, eux aussi originaires de l’est, trav ersen t les Balkans,
arrivent jusqu'au Péloponnèse, reto u rn en t, envahissent plusieurs fois
l’Italie, poussent ju sq u ’en C alabre, reviennent, p assen t en G aule, e t
en tren t en Espagne. Là, iis c o m b a tte n t quelque tem ps au service de
Rome co n tre d’autres G erm ains, so n t ensuite rappelés p a r le gou v ern e
m ent im périal en G aule, e t établis, com m e «fédérés», au sud-ouest de
ce pays; Toulouse, A gen, B ordeaux, Périgueux, A ngoulêm e, Saintes,
P oitiers leur échoient; en 425, ils a cq u iè ren t l’indépendance, e t T oulouse
devient la capitale de leur royaum e. Q uatre-vingt ans après, en 507, ils
sont chassés par les Francs, e t se re tire n t en Espagne, m ais beaucoup
de nom s de lieu en F ran cs m éridionale rappellent leu r présence. En
Espagne, ils se fondent en tiè re m e n t avec la p opulation rom ane; leur
royaum e, hispano-gothique ci catholique, sem ble d é jà avoir développé
quelque chose comme un se n tim e n t national d a n s le sen s m oderne.
A p rès deux siècles, e n 711, ce royaum e est d étru it p a r les A rabes, d an s
la bataille de Jérez de la F ro n tera, p rè s d e Câdiz; les C h rétien s p erd en t
toute l’E spagne à l’exception de la région des A sturies, dans les m o n tag
nes du nord-ouest do la péninsule, e t c’e s t de là q u ’ils p a rte n t po u r la
«reconquista» qui a duré presque h u it siècles.
3) Les B urgondes qui, v en an t de la vallée du Main, avaient passé le
R hin v ers 400, s ’établirent, com m e fédérés des Rom ains, dans la région
de W o rm s e t de Spire. D e là, ils fu ren t chassés e t presque anéantis p a r
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LES INVASIONS 61
les H uns (c’e st l’origine de la célèbre épopée allem ande des N ibelungen).
Les survivants fu ren t établis en Savoie, p eu t-être aussi dans la région
entre les lacs de N euchâtel e t de G enève; ils re stè re n t fédérés e t furent
en bons term es avec la population rom ane; ils se c o n v ertiren t au catholi-
eismo, ayant adhéré auparavant, com m e beaucoup de tribus germ aniques
de cette époque, à une hérésie trè s répandue aux 4e e t 5e siècles, l’ari
anisme. P en d an t l’effondrem ent de l’em pire, depuis 460, ils avancent
vers le nord, l’ouest et le sud, p ren n e n t Lyon, occupent la B ourgogne et
la vallée du R hône ju sq u ’à la D urance; ils so n t a rrêtés p ar les V isigoths
qui leur barren t l'accès des côtes de la M éditerranée, m ais chassent les
A lem ans de la Franche-C om té. D epuis 500, l’a tta q u e des F ran cs qui se
dirige contre les au tres peuples germ aniques en G aule les e n traîn e dans
des guerres sanglantes; ils résisten t plus longtem ps que les V isigoths,
mais sont incorporés définitivem ent, en 534, dan s le royaum e des Francs.
4) Les A lem ans, établis près du lac de C onstance, essaient d ’abord
île se fixer en Franche-C om té, so n t repoussés p ar les B urgondes et
s’infiltrent vers 470 en Suisse du N o rd , dans la province rom aine de
Rhétie. P ar leur avance, les A lem ans coupèrent le contact linguistique
entre la G aule e t le reste de la Suisse; car ils ne se ro m an isèren t pas
comm e la plupart des autres G erm ains vivant sur l’ancien te rrito ire de
l’empire, au contraire, ils g erm anisèrent le pays, qui, avant la conquête
rom aine, avait été celtique. Ils so n t aussi re sté s payens p e n d a n t très
longtem ps. P a r cette germ anisation du nord des p ay s alpins (car le même
développem ent se poursuivit plus à l’est, d a n s le T y ro l actuel, par
l’avance de la tribu des B ajuvares) les p arlers rom ans fu re n t refoulés
vers le sud, isolés en p etite s parcelles dan s les h a u te s vallées des A lpes,
e t eurent une évolution à p art; ce so n t les langues rhétorom anes.
5) En 476, un h au t officier de l’arm ée rom aine, G erm ain d e la tribu
des H érules, O doacre, renversa le d ern ier em pereur d ’O ccid en t, e t se
fit proclam er roi, sous le p ro te c to ra t p urem ent fictif d e l’em pereur
byzantin. Ce fut la fin de l’em pire d ’O ccident, car O d o acre ne dom inait
que l’Italie; les quelques provinces restées ju sq u e là sous l’ad m in istra
tion rom aine se ren d ire n t indépendantes, l’une d ’elles, la G aule sep te n
trionale, sous un générai rom ain. T reize ans plus tard , O d o acre fut
vaincu et tué dans la guerre contre la tribu des O stro g o th s qui e n trè re n t
en Italie sous leur roi T héodéric (c’est le «D ietrich von Bern» de la
légende allem ande; B ern veut d ire V érone). Le royaum e des O stro g o th s
en Italie, très puissan t p en d an t 40 ans, n ’y a pas laissé de traces p ro
fondes; seuls quelques nom s de lieu le rappellent, pour la p lu p a rt dans
la vallée du Pô et dan s le nord de ia T oscane; il sem ble que c’e s t là.
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LES INVASIONS 63
pays qui a pris leur nom — la France, que les R om ains appelaient la
G aule. O n a beaucoup d iscu té la question de leu r influence raciale,
linguistique e t culturelle. C om m e ils se so n t rom anisés su r to u t le te r
rito ire gallorom an, les é ru d its du 19e siècle, su rto u t les h istoriens, on t
pensé p o u r la p lu p a rt que l’influence d es F ran cs n e fu t que su p er
ficielle; que les Francs en France ne fu ren t q u ’une couche peu nom
breuse de m aîtres, et n o n pas des colons. Les recherches linguistiques
et archéologiques des derniers tem ps o n t co nsidérablem ent modifié
cette opinion. L’étu d e des nom s de lieu a dém ontré qu’un assez grand
nom bre est d ’origine francique, su rto u t au n o rd de la Loire; dan s la
m êm e aire, la term inologie de l’agriculture a accueilli beaucoup d e m ots
franciques; tan d is que seuls les m ots franciques c o n cern an t l’ad m in istra
tion ou la guerre o n t dépassé ce tte lim ite, e t se so n t rép an d u s aussi dans
le midi. C ela sem ble p ro u v er que les Francs se so n t établi comm e colons
en assez grand nom bre au n o rd du pays, tandis qu'au sud de la Loire
leur activité était p u rem en t adm inistrative e t m ilitaire. La politique
des rois m érovingiens te n d a it à une fusion en tre F rancs et G allorom ans;
ils attira ie n t l’aristo cratie gallorom ane à leur cour et leur don n aien t des
charges comm e aux gran d s de leur p ro p re peuple; ils u tilisaient des
in stitu tio n s de l’ad m in istratio n rom aine; les titre s des h au ts fonction
naires étaien t en g ran d e p artie rom ans (duc, com te); il en est de même
pour la term inologie m ilitaire et juridique; il est to u tefo is in téressan t
de n o ter que le d ro it germ anique s ’e st peu à peu im posé au n o rd de la
Loire, tan d is que le m idi a conservé le d ro it rom ain (c e tte différence
du d ro it s’est m aintenue ju sq u ’à la grande révolution d e 1789) — cela
encore prouve que l’influence des F ran cs su r la vie p ratiq u e fut bien
plus grande au nord du pays. L a fusion e n tre F ran cs e t G allorom ans
fut favorisée p a r la conversion de C lovis e t d e se s su je ts francs au
catholicism e; le ré su lta t fut, san s doute, u n e ro m an isatio n des Francs,
m ais m êm e dans le dom aine culturel et psychologique ils o n t fourni à
la langue quelques term es im p o rtan ts (orgueil, hon te). D an s l’ensem ble,
il faut supposer que la colonisation des Francs, trè s faible au sud de
la Loire, fut au n o rd du p ay s bien plus im portante, e t m êm e plus im
p o rtan te que la colonisation germ anique dans les a u tre s pay s de la Ro-
m ania; le linguiste suisse W . von W artb u rg l’évalue à environ 15 à 25 %
de la population entière, d ’a u tres é ru d its v o n t bien plus loin; ils croient
quo le n o rd de la France fut presque com plètem ent germ anisé, et que
la fro n tière actuelle e n tre le français et les langues germ aniques est le
résu ltat d’une lente rérom anisation postérieure, e n tre le 6e e t le 8e siècle,
.fl sem ble en to u s les cas que l’invasion des F ran cs ait co ntribué à
( ( ( ( ( ( ( C ( C C ( ( C ( r
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L E S IN V A S IO N S 65
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LES INVASIONS 67
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71
E. T E N D A N C E S DU D E V E L O P P E M E N T L I N O U I S T I Q U E .
1. P h o n é t i q u e .
a. V o ca lism e.
L’agent principal de la tran sfo rm atio n des voyelles fut l’accent. Les
peuples parlant les idiom es du latin vulgaire accentuaient les syllabes
avec beaucoup plus d ’inten sité que la société rom aine de l'époque classi
que; celle-ei avait distingué les syllabes p lu tô t d ’après leur durée
(longues ou brèves), le peuple les distinguait d ’après l’accent. L’accent
populaire tom bait avec une grande force su r les syllabes qu’il frappait,
en dilatait les voyelles et les d iphtonguait souvent; tandis que les autres
syllabes du mot, atones, négligées p a r l’articulation, s’affaiblissaient, et
que leurs voyelles s ’effacaient plus ou moins.
c
( ( ( ( ( ( ( ( ( ( ( (■ ( ( (
T E N D A N C E S .DU D E V E L O P P E M E N T L I N G U I S T I Q U E 73
b. C o n s o n n a n tis m e .
N o ta tio n s p h o n étiq u es: 1‘ (français f/eux, lieu) s (fr. c /ia n t): z (fr. zèle, besoin) :
/. (fr. jo u r) ; x (allem . ac/i).
Pour les consonnes, les fa its les plus saillants du développem ent co n
sisten t dans une tendance à l’affaiblissem ent des consonnes occlusives
so it m uettes (k, t, p ) so it so n o res (g, d, b) à l’in térieu r des m ots, su r
tout si elles se tro u v en t e n tre deux voyelles ou e n tre voyelle et con
sonne liquide (l, r) — et d an s une ten d an ce d ’assibilation ou de palatali
sation, c’est-à-dire d’articulation au palais, qui frappe sous certaines
conditions les consonnes le e t g et un grand nom bre de groupes con-
sonriantiques. D e ce nom bre so n t les occlusives suivies de 7, les groupes
co ntenant un y consonne, puis gn, ng, k t, k s et autres. D an s to u s ces
cas. ii existe une tendance à broyer, à décom poser les consonnes ou
groupes consonnantiques en leur su b stitu a n t un son frieatif palatal. Ici
encore, pour les deux tendances, les changem ents o n t été ics plus p ro
fonds en français.
a) L’affaiblissem ent des consonnes occlusives à l’intérieur du mot
entre deux voyelles ou entre voyelle et liquide se tra h it des la fin du 2 e
! siècle par des graphies fautives su r les inscriptions espagnoles telles que
im m udavit pour im m u ta vit ou Zébra pour lepra: déjà à Pom péi, on
i trouve pagatus pour pacatus. 11 s’est répandu ensuite; parto u t, d an s la
; position décrite, k, p et t (il faut se rap p eler que k en latin s'écrit c)
| tendent à passer à g, b et d; c’est le phénom ène que nous retro u v o n s en
j espagnol dans saber. mudar, seguro pour latin sapere. m ut are, securum.
j Mais on voit que le phénom ène ne s’est pas to u jo u rs réalisé en italien
i
i
( c { ( ( ( ' ( ( ( ( ( ( ( { ( (
qui a sapere, m utare, sicuro, en disant, toutefois, padce pour lat. patrem ;
et l’on voit aussi q u ’en français l’évolution a considérablem ent dépassé
les form es espagnoles, car le b, p ro v en an t de p, s’est encore affaibli en
v dans savoir, e t d, p ro v en an t de f, a com plètem ent disparu d an s m uer,
de m êm e le g, p ro v en an t de k, dans sëur, forme m édiévale du m ot
m oderne sûr. P arfais le k se conserve comm e y consonnantique; paca-
ius, ital. pagato, a donné en français payé, ce qui est un phénom ène de
palatalisation (voir la suite). Q u an t à g, b et d originaires, le c? s’affaiblit
en provençal e t devient z (lat. videre, prov. vezer); l’italien l’a conservé
in tact (vedere), m ais l’E spagne et la France (esp. ver, fr. voir) l’ont
perdu; le g originaire, conservé à l’Est, est parfois m aintenu, parfois
abandonné en Italie (reale, de regalem à côté de legare p ro v en an t de
ligare), de m êm e que dans la péninsule ibérique; il est tra ité en français
comme celui qui pro v ien t de k, c’est-à-dire q u ’il s ’est effacé dans la
plupart des cas (lier; palatalisation dans royal); enfin, le b originaire a
passé très tô t à v (lat. caballus, it. cavallo, fr. cheval, prov. cavall; mais
esp. cabalio, et, par contre, roum . cal).
fi) Les phénom ènes de p alatalisation so n t bien plus com pliqués. P ar
ions d’abord de ceux qui concernent les consonnes k et g simples.
D evant e et i elles se p alatalisen t p a rto u t excepté en Sardaigne, et même
assez tô t; mais Se résu ltat n ’est pas p a rto u t id entique; à l’est c’est fs,
parfois s, mais à l’ouest fs, plus tard s. Ainsi, à l’initiale du m ot, le !< du
latin caelum (p rononciation classique ketum ) a d onné en français ciel,
prononcé siel, et en espagnol cielo, prononcé avec un s quelque peu
différent, mais l’italien cielo se prononce fselo, A 1 intérieur du mot, le
développem ent est le mêm e, sau f qu’à l’ouest le s se sonorise e t devient
z; lat. vicinus (vikinus) donne en italien vicino (vifsino ou visino), mais
en ancien esp. vezino et en français voisin d o n t le s se prononce z.
Pour g initial d e v a n t e ou i, il d e v in t d ’ab o rd y, ce qu’il est resté par
exemple en espagnol (lat. generum , esp. yerno); m ais d an s la plupart
des autres pays, ce y s ’est renforcé en d y pour aboutir à c!z ou i , ce
qu’on peu t vérifier p a r la p rononciation des m ots italiens et français
correspondants genero et gendre. A l’in térieu r du m ot, c’est encore la
même chose pour l’italien (lat. legem donne it. legge, prononcé avec d ï) ,
en espagnol et en français, la syllabe finale est tom bée, et le g devenu y
a form é diphtongue avec la voyelle précédente: osp. ley, prov. et ancien
fr. lei, fr. m oderne loi, d o n t la p rononciation actuelle est relativem ent
récente Longtemps apr s, la palatal sation s’est étendue aussi sur k et g devant
a, m ais seulem ent au n o rd de la G aule et dans les pays alpins. C ’est une
c
( c ( ( ( ( C. ( ( ( C c ( (' ce
TENDANCES DU DEVELOPPEMENT LINGUISTIQUE 75
11. M o r p h o l o g i e e t s y n l a x c .
Le latin, d’ap rès ses origines indogerm aniques, est une langue flexion-
nelle; ses m ots essentiels (nom , verbe, adjectif, pronom ) p résen ten t
deux parties différentes; une p artie fixe, qui donne le sen s du m ot
isolé, et une désinence variable, que sert à le fléchir, c’est-à-dire à ex
prim er ses rap p o rts avec d ’au tres m ots dans la phrase. O n déclinait
en latin hom o, hoininis, hom ini, hom ine, hom inem au singulier, et
hom ines, hom inum , hom inibus, h o m m es au pluriel; on conjugait au p ré
sent amo, amas, am at, am amus, arnatis, am ant. O r, si vous envisagez
m aintenant une langue rom ane — prenons le français, qui, ici encore, a
le plus radicalem ent tran sfo rm é la stru c tu re latin e — vous vous rendez
com pte q u ’il a perdu presque to u te s les désinences. Le m o t ho m m e est
le mêm e dans tous les cas; m êm e le s, signe du pluriel, n ’est qu’un sy m
bole graphique; on ne le prononce pas, si ce n ’est d a n s le liaisons devant
voyelle. Pour le p résen t du verbe aim er, les personnes du singulier e t la
troisième du pluriel sont phonétiquem ent identiques (qm); seules, les
deux prem ières du pluriel, aim ons, aim ez, o n t conservé des désinences
distinctives. D ’autres langues rom anes sont relativem ent plus riches en
désinences; l’italien, p ar exem ple, possède une conjugaison flexicnnelle
com plète au présen t: amo, ami, ama, amiamo, am aie, amano; mais pour
la déclinaison de uom o, il ne distingue plus les cas, mais seulem ent le
nom bre; pour le singulier, la seule form e est uom o, et pour le pluriel,
uomini. Là où les term inaisons avaient disparu, les langues rom anes se
so n t servi de m ots auxiliaires — prépositions, articles, pronom s — ; c'est-
à-dire qu’elles o n t eu recours à des procédés sy n tax iq u es pour agencer
leur déclinaison et leur conjugaison. C ’est pourquoi, en résum ant les
tendances les plus im p o rtan tes du développem ent linguistique, j ’ai réuni
m orphologie et sy n tax e dans un m êm e chapitre. La disparition d ’une
grande p artie des désinences latin es a ruiné presque entièrem en t le sy s
tèm e Rexionnei de la déclinaison et entam é sérieusem ent celui de la
conjugaison; on y a su b stitu é un au tre systèm e, originairem ent syntaxique
et analytique; il est v rai qu’en pou rrait l’in te rp ré te r aussi, dan s sa
c
( " > ( ' , . ( C . ( , i ( ( ) ( ) ( ; ( (• ( (' > ( ' ■( ,
I Fonction actuelle, com m e une flexion p a r préfixes; par exem ple clans la
conjugaison française, où les anciens p ronom s je tu il ils o n t depuis
longtem ps perdu toute valeur pronom inale; d an s cette fonction, ils ont
etc rem placés p ar m oi to i lui eux; ils ne se rv e n t plus que d e préfixes
pour la conjugaison. P our résum er, le sy stèm e d e flexion p ar
désinences a disparu presque entièrem en t d an s la déclinaison française;
et il a perdu beaucoup de son im portance dan s la conjugaison. Q u an t à
la déclinaison des pronom s, quelques restes des anciennes form es
flexionnelles se so n t conservés (lui, leur com m e d atif); m ais d a n s l’en
sem ble. le systèm e s ’est suffisam m ent désagrégé po u r ne plus pouvoir se
passer d'auxiliaires syntaxiques. Parfois, c’est uniquem ent l'o rd re des
m ots dans la phrase qui fait co m prendre leurs rap p o rts; p a r exemple
dans la phrase Paul aime Pierre ou le chasseur tua le loup, c’est p a r la
position seule qu’on com prend que Paul et le chasseur so n t sujets, et
Pierre et le loup objets. En latin (où le verbe se place de préférence à la
fin de la phrase) on avait le choix en tre Paulus Petrum am at et Petrum
Paulus amat.
Q uelles so n t les causes de cet abandon du systèm e de la flexion? On
peut en citer plusieurs. D ’abord, le systèm e flexionnel du latin était
assez com pliqué. Le latin avait q u atre séries de ty p es pour la conjugai
son; et cinq pour la déclinaison; en dehors d e ces séries, il existait une
! foule de particularités et de soi-disantes exceptions, c’est-à-dire d e cas
i isolés. Q uand le latin se rép an d it, e t que des m asses d e plus en plus
i nom breuses com m encèrent à s ’en servir, un sy stèm e tellem ent com pliqué
leur d evint incom m ode; le peuple confondait e t sim plifiait; une foule de
changem ents analogiques se produisaient. C ’est un fait p lu tô t psycho
logique et sociologique que racial, puisqu’il s ’est p ro d u it d an s l’em pire
entier; toutefois, les changem ents varien t beaucoup selon les régions. En
voici quelques exem ples: à côté de la série des su b stan tifs en a, tous
Féminins (rosa), le latin possédait une série de quelques su b stan tifs
fém inins en es, p. ex. faciès, m ateries; ils furent, presque tous et presque
parto u t, changés en facia, m ateria, et traites comm e les fém inins en
a; le mêm e changem ent se p roduisit pour un grand nom bre de neutres
pluriels en a qui furent considérés comm e des fém inins singuliers (p. ex.
i folia, la feuille). En latin, le verbe venire faisait p a rtie d ’une a u tre série
que le verbe tenere; quelques régions, p a r exem ple la G aule, o n t traité
/encre d’après le m odèle do venire, et ainsi nous avons en français tenir
j à côté de venir. L’analogie a joué un rôle fo rt im p o rtan t dans l’évolution
j de la m orphologie rom ane; or, le résultat de ta n t de changem ents ana-
j logiques fut une certaine confusion dans la flexion, qui contribua
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(com paraverim ) a disparu, e t a été rem placé, comm e celui de l’im partait
(com pararem ), dans presq u e to u tes les langues rom anes, par des form es
dérivées de l’ancien su b jo n ctif d u plus-que-parfait (com paravissem ).
l'ancien indicatif du pius-que-parfait, com paraveram , a laissé des traces
dans îes langues rom anes du m oyen-âge; actuellem ent il n ’existe plus
que sur la péninsule ibérique, e t dans la plupart des cas anciens et
m odernes il n'a pins son sens originaire.
IJuc évolution sem blable s’est pro d u ite pour le futur. Le futur du
latin classique connaissait deux ty p es différents, cantabo de caniare
(et des form es analogues en -ebo) et vendant de vendere. Le prem ier
coïncidait souvent, à cause du changem ent de b en v (voir p. 74), avec
les form es correspondantes du parfait (p. ex. fut. cantabif, parf. canta-
vit); le second avait l’inconvénient d ’être facile à confondre avec le
présent du subjonctif (d o n t il était issu). En outre, le latin classique
possédait une périphrase pour le futur prochain, cantafurus surn. Mais
le latin vulgaire n 'a d o p ta aucune de ccs formes. A près avoir longtem ps
hésité entre plusieurs périphrases (p. ex. volo caniare, 'j e veux chanter .
tout comme en anglais, ce qui a survécu, pour les langues rom anes,
seulem ent dans les Balkans), la g rande m ajorité des provinces en
a adopté une d o n t le sens originaire avait été «j’ai à chanter»; caniare
habeo. D e cette forme, changée peu à peu p ar le développem ent phone
tique e t contractée, so n t issus les futurs des différentes langues rom anes
(fr. chanterai, ital. canterô, csp. caniare, etc.).
Enfin, le passif du systèm e flexionnel latin (am or, amaris, am aiur etc.)
fut rem placé p a rto u t et dans tous les tem ps du v erbe p ar des péri
phrases, d o n t le type le plus im portant, form é d ’ap rès l’analogie de
bonus sunt, «je suis bon», et arnatus sum , «je suis aimé».
P our la stru ctu re de ia phrase, je me bo rn erai ici à une considération
d ’ord re général. Le latin classique disposait d ’un systèm e trè s riche de
m oyens de subord in atio n , qui p erm e tta it de classer un trè s grand
nom bre de faits, sous leurs rap p o rts réciproques, dan s une seule unité-
syntaxique: une phrase parfois très longue, m ais néanm oins trè s claire
et lim pide, qu'on appelle période. Les m oyens de su b o rd in atio n étaient
m ultiples: con jo n ctio n s variées et richem ent nuancées, do n t chacune
avait un sens précis (local, tem porel, causal, final, consécutif, conccssif.
hypothétique etc.); p ropositions avec l'infinitif subordonne (crédit
terrain esse rotundam , «je crois que ia terre est ronde»); constructions
participiales de différentes espèces (p. ex. l'ablatif absolu). O r, nous
venons de dire que !e latin vulgaire n ’éprouvait plus a u tan t le besoin
de classer et d ’ordonner les faits; et p ar conséquent l’art de ia période
G
< ( ( ( ( ( ( ( ( <•
III. Vncn bu la ir r.
J ’ai déjà eu l’occasion de parler des faits les plus im p o rtan ts qui
concernent l’élém ent non latin dans le vocabulaire d es langues rom anes.
C ’est d’abord la présence d es m ots p ro v en an t des langues p arlées par
les peuples avant la conquête rom aine (langues d e su b stra t, voir p. 44),
( ( ( I ( ■f ( ( ( ( { . (
C
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que la sém antique; presque chaque cas dem ande une explication
particulière, et souvent il nous révèle des développem ents historiques,
culturels ou psychologiques. — Q uelques m ots trè s usités du latin ont
disparu, p. ex. res, «chose», qui survit p o u rtan t dan s quelques langues
au sens de «quelque chose», ou, avec la négation, «aucune chose» (rien).
Mais, dans son ancien sens, il fut supplanté p ar causa, dont la
signification éta it originairem ent «raison», «question juridique»,
«procès», «affaire»: it. esp. cosa, fr. chose; la form e cause est une
création postérieure et littéraire. Q uelques langues rom anes ont
abandonné le m ot ponere au sens d e «placer», «mettre», et y o n t su b
stitué m iitere (fr. m ettre ); l’ancien sen s de m ittere était «envoyer»; et
ce qui e st encore plus curieux, c’est que ponere subsiste dans quelques
langues avec une acception limitée, spécialisée: fr. pondre (des oeufs).
D es exem ples de restrictio n s analogues so n t fréq u en ts; necare, „tuer”.
a été supplanté p ar d 'a u tre s m ots dans son sens général, mais se
conserve dans un sons spécial: «tuer p ar l’eau -, tr. noyer, esp. port. cat.
anegar, it. annegare; m uture, «changer-, rem placé p a r un m ot d ’origine
celtique (it. cambiare, fr. changer etc.) se retrouve pourtant, p. ex. en
français, dans un sens spécial, zoologique: m uer: et pacare. -apaiser»,
se spécialisa pour «l’ap aisem ent d ’un créancier»: payer. D es contam i
nations se so n t produites: debiiis, «faible», e t flebilis, provoquant
des larmes», «misérable» se so n t contam inés pour donner faible. Encore
quelques au tres cas in téressan ts po u r les glissem ents de sens: captivus.
«prisonnier», a passé au sens de «misérable», «mauvais (fr. chétif, it.
ca ttivo ); d’un m ets fo rt goûté, «foie d ’oie engraissée avec des figues»,
ficaium iecur, se développa un nouveau m ot pour «foie», l’adjectif qui
voulait dire originairem ent «engraissé avec des figues- : it. fegato, fr.
foie etc.; et le porc m âle qui vit seul, singularis porcus, devint le San
glier. T erm inons p a r un développem ent qui se ra tta c h e à l’histoire
religieuse. En grec, le m ot parabole indique la com paraison, la
«parabole»; m ettre un fait ou un o b jet à côté d ’un autre en les
com parant. O r, le C h rist dans l’Evangile aim e â s ’exprim er en allégories
par paraboles, et ainsi le m ot parabole fu t em ployé dans le sens «paroles
du C hrist». C ’éta ie n t les «paroles» p ar excellence, et de cette façon
le m ot s'e st généralisé; d ’où, en italien, parola et parlare, en français
parole et parler, dérivés régulièrem ent de parabola (co n tracté en
paraulo) et de paraulare (seconde syllabe ato n e tom bée, voir p. 72); le
m ot français parabole est une form ation savante. E t les m ots qui en
iatin classique avaient désigné «la parole» et «parler», verbum et loqui,
disparurent ou ne survécurent que dans un sens spécial (fr. verve).
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F. T A B L E A U D E S L A N G U E S R O M A N E S .
C ’est à la suite des événem ents e t des tran sfo rm atio n s précédem m ent
expliquées que les langues rom anes se so n t form ées. Je term ine ce tte
partie p a r un tableau de leur rép artitio n en E urope, basé su r celui q u ’a
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usuelle, d’a u tan t m oins que sa signification, dans beaucoup de cas, avait
plus ou m oins changé elle aussi. J ’en citerai quelques exem ples. Le latin
vigilare, qui existait dans la form e populaire «veiller», fut em prunté
pour une seconde fois, e t d o n n a le su b stan tif «savant» vigilance; c’est
la m êm e chose p o u r lat. fragilis, form e populaire frêle, form e savante
fragile; pour lat. fides, ad j. lat. fidelis, form e populaire du su b stan tif
foi, de l’ad iectif en ancien fr. fëoil, form e sav an te de l’ad jec tif fidèle,
dont un su b stan tif fidélité; p o u r lat. directum , form e populaire droit,
form e savante direct; po u r lat. gradus, form e populaire (de)gré, forme
savante grade; et une foule d’au tres m ots. O n vo it bien que le term e
«savant» ne s ’applique pas à l’usage actuel, m ais seulem ent à l’origine
et la form ation des m ots; au contraire, parm i le grand nom bre d e m ots
qui p én étrèren t dans le français p ar cette seconde latinisation il y en a
beaucoup qui so n t e n trés rapidem ent dans l’usage quotidien e t courant,
comme ceux que je viens de citer, et encore beaucoup d’autres: agri
culture, captif (form e populaire chétif), concilier, diriger, docile, édu
cation, effectif, énum érer, explication, fabrique (f. pop. forge), facile,
fréquent, gratuit, hésiter, im iter, invalide, légal (f. pop. loyal), m unition,
m obile (f. p. m euble), naviguer (f. p. nager), opérer, penser (m ot sav an t
très ancien, em prunté longtem ps avant la R enaissance, f. p. peser),
pacifique, quitte e t inquiet (em prunté l’un trè s tô t, l’a u tre p e n d an t la
R enaissance du latin quietus, f. p. coi), rédem ption (m ot d'Église, f. p.
rançon), rigide (f. p. raide), singulier (f. p. sanglier), social, solide, espèce
(du latin species, f. p. épice), tem pérer (f. p. trem per), vitre (f. p. verre).
O n p eu t v o ir p a r ce p e tit choix d ’exem ples que le vocabulaire françaiis
pro v en an t du latin form e deux couches assez faciles à distinguer; e t on
peut se ren d re co m p te que l’unité e t l’élégance du français m oderne
reposent su r la fusion d ’élém ents h isto riq u es assez com posites.
A la fin de ce tableau d es langues rom anes je tien s à rappeler au
lecteur que l’unité de chacune d ’elles n ’est que relative (voir p. 70);
chacune d’elles se com pose d e beaucoup d e parlers dialectaux; c’e st
l'histoire e t la politique qui en o n t fait des groupes relativem ent unis,
et d o n t l’unité se m anifeste dans la langue littéraire, com m une aux
m em bres du groupe. Presque to u jo u rs un des d ialectes a été p rép o n
d éran t pour la form ation de la langue littéraire, com m e le toscan pour
l'italien e t le dialecte de l’Ile-de-France pour le français.
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91
A. L E M O Y E N A G E .
I. R e m a r q u e s p r é l im in a i r e s .
fixer la form e écrite, c o n trib u ait à m ain ten ir cet é ta t de choses. C haque
région avait développé so n p ro p re p arler p articulier, peu de gens sa
vaient lire e t écrire, e t ceux qui le sav aien t ép rouvaient d e grandes
difficultés à fixer p a r écrit quelque chose d an s une form e si peu établie
et qui serait déjà à peine com préhensible dans une province un peu
éloignée. Le latin, p a r contre, éta it une langue fixée depuis longtem ps,
p arto u t la mêm e, u n iquem ent destinée à l’activité littéraire; com prise
cependant uniquem ent p ar une p etite m inorité internationale, le clergé.
M algré to u t cela, les langues vulgaires o n t pu se créer peu à peu une
existence littéraire. A p rè s l’an 1000, les oeuvres de vulgarisation ecclé
siastique écrites dans la iangue du peuple deviennent plus fréquentes;
et des le début du 1 2 e siècle il sc form e, d 'ab o rd d an s le dom aine du
français, des centres de civilisation littéraire en langue vulgaire, d ’où
surgit une litté ra tu re poétique écrite pour des gens qui ne sav en t pas
le latin: c’est la civilisation des chevaliers, c’est-à-dire de la société
féodale. Sa floraison com prend le 12e et. le 13e siècle; depuis la fin du
!3e, une civilisation plus bourgeoise qui n ’est plus uniquem ent poétique
mais em brasse aussi la philosophie e t les sciences lui succède. T o u te
fois, la prépondérance du latin d an s beaucoup de dom aines subsiste
jusqu'au 16e siècle, époque où les langues vulgaires rem p o rte n t la
victoire définitive. O r, le 16e siècle, c’est l’époque com m uném ent
appelée la R enaissance; on p eu t donc qualifier, du po in t de vue lin
guistique, le m oyen âge comm e l’époque p e n d an t laquelle les langues
vulgaires acqu ièren t len tem en t une existence littéraire, m ais so n t
regardées to u jo u rs comm e un in stru m e n t p lu tô t populaire, tandis que le
latin reste la langue des savants, de la p lu p art des chancelleries et sur
to u t la langue unique du culte religieux qui dom ine toutes les activités
intellectuelles; tan d is que la R enaissance est l’époque où les langues
vulgaires (non seulem ent les langues rom anes, m ais aussi les langues
germ aniques) p re n n e n t définitivem ent le dessus, s’infiltrent dan s la
philosophie e t les sciences, s’in tro d u isen t même dans la théologie, et
détruisent ainsi la position d om inante du latin. Le développem ent que
je viens d’exposer dans ses grandes lignes est, b ien entendu, une lente
évolution; les tendances de la R enaissance d an s le dom aine linguistique
e t littéraire se fo n t se n tir b ien av a n t 1500, et d 'a u tre p art, le latin, to u t
en changeant de form e e t le fonction, a continué à jo u er un rôle assez
im portant bien ap rès 1500. La situ atio n des langues vulgaires vis-à-vis
du latin nous fo u rn it un des p o in ts de vue les plus im p o rtan ts pour
caractériser le m oyen âge; bien entendu, ce n ’est p as le seul; ce n ’est
qu’un des aspects d ’un ensem ble beaucoup plus vaste.
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LE MOYEN A G E 93
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L E M O Y EN A G E 95
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LE MOYEN A OE 97
IL L a l i t t é r a t u r e f r a n ç a is e e t p r o v e n ç a l e
a) L e s p r e m i è r e s o e u v r e s
Les docum ents littéraires les plus anciens que nous possédions dans
une langue rom ane so n t français; ce so n t des v ulgarisations d ’écrits
ecclésiastiques que le h asard nous a conservées. U ne d’elles d a te m êm e
du 9e siècle; c’est la chanson d e Sainte-Eulalie, p etite pièce de 25 vers
assonances, c’est-à-dire jo in ts deux à deux n o n p ar u n e rim e com plète,
m ais par l’id en tité d e la voyelle finale; elle raconte d ’une m anière
presque abstraite, en ram en an t les faits à leur expression la plus sim ple,
le m arty re d ’une ch rétienne qui refuse à l’em pereur p ayen d e «servir
le diable», c’est-à-dire de sacrifier aux dieux payens. U n m anuscrit du
10e siècle, conservé dans la bibliothèque de C lerm ont-F errand, contient
un poèm e sur la P assion du C hrist, en 129 stro p h es de q u atre vers
assor.ancés deux à deux, et la vie d ’un sain t gaulois, L éodegar (form e
ancienne française Letgier, form e m oderne Léger), en stro p h e s d e six
vers; le vers de ces deux poèm es est de h u it syllabes, celui d e Sainte-
Eulalie de dix. Le p e tit poèm e sur Sainte-Eulalie est très p ro b a b le m e n t
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b) La l i t t é r a t u r e d e la s o c i é t é f é o d a l e d u 12e et l i e s i è c l e .
1. La chanson de geste.
Jusque vers ÜOÜ, les rares poèmes en langue vulgaire ne tra ite n t
que des su jets religieux: tous so n t des vulgarisations tic tex tes latins
destinées à l’édification du peuple. M ais dès 1 100 , d ’au tres sujets, plus
spontaném ent populaires, trahissant des inspirations autochtones.
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LE MOYEN AGE 103
m ontre aussi qu’elle dev ait com pter avec elle, et qu’il lui sem blait
désorm ais préférable de s’en serv ir que de la réprim er. D ans ses form es
m étriques, la poésie ancienne en langue vulgaire n ’a d ’ailleurs jam ais été
indépendante de la civilisation cléricale; les recherches récentes faites
dans ce dom aine sem b len t p ro u v er que la versification des anciens
poèm es français rem onte à celle des hym nes latines de l’Eglise, ou même
à celle de la poésie latine classique, trad itio n qui n ’a pu être m aintenue
que par l’Eglise. La versification des oeuvres religieuses en français dont
nous avons parié au p aragraphe précédent, su rto u t celle de la chanson
de Saint-A lexis, m o n tre une p a re n té étro ite avec les laisses des chan
sons de geste. Q u an t aux influences de la technique poétique (images,
figures rhétoriq u es etc.) de l’an tiq u ité qu’on a découvertes dans ces
épopées, il m e sem ble q u ’elles ne so n t guère au tre chose que les traces
d’une survivance affaiblie, obscurcie e t altérée comm e nous en trouvons
parto u t dans la civilisation m édiévale, p articulièrem ent dans les traités
de poétique.
Telles qu’elles nous so n t conservées, les chansons de geste so n t des
oeuvres de la fin du l i e et du 12 e siècle, im bues d e l’esp rit de la cheva
lerie du tem ps d es p rem ières croisades: e sp rit guerrier, féodal, fanatique
m ent chrétien, m élange p aradoxal de christianism e e t d ’im périalism e
agressif; e sp rit né à ia fin du l i e siècle, et qui n ’av ait pas existé au
paravant.
2. Le rom an courtois.
V ers le milieu du 12e siècle, donc à peu près cinquante ans après les
prem ières chansons de geste, il se révèle pour la prem ière fois une
civilisation d’élite qui s’exprim e en langue vulgaire; ce fut celle de la
chevalerie courtoise. Les chansons de geste, to u t en d o n n an t une im age
de la féodalité, ne m o n tre n t pas de form es raffinées de la société; les
m oeurs de leurs héros so n t sim ples et rudes; ce qui se crée m aintenant
c’est une société élégante, à la vie luxueuse, aux habitudes soigneuse
m ent établies. Les cen tres de cette civilisation se form aient d’abord
dans le M idi de la France, où une poésie lyrique en langue provençale,
d ’un sty le fort individuel et consciem m ent artistique, dont nous
parlerons bientôt, a p p aru t depuis ie début du 1 2 e siècle. Le prem ier
poète lyrique provençal fut le plus puissant seigneur du Midi, G uil
laume IX de Poitiers, duc d ’A quitaine. Sa p etite fille, Eléonore, mariée
d’abord au roi de France, plus ta rd au roi d ’A ngleterre, sem ble avoir
beaucoup contribué à rép an d re l’e sp rit de ia chevalerie courtoise dans les
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, ( ( ( ( ( ( ( ( ( ( C ( ( c
L E M OY EN A O E 107
nouvelle form e de vie féodale e t une nouvelle form e d ’esp rit s’étaient
développées dan s les cours du M idi, trè s différentes de l’ancienne rudesse
des m oeurs. A im an t les élégances m atérielles et les raffinem ents du
sentim ent, cette société codifiait, com m e to u te civilisation d ’une élite
aristocratique, se s idées et ses coutum es dans un sy stèm e soigneusem ent
élaboré. Le prem ier des grands p o ètes provençaux, G uillaum e IX de
Poitiers (voir p. 104), un p uissant seigneur aim ant la guerre, les aventures
et les fem m es, qui a écrit vers 1 1 0 0 . nous a laissé, à côté de chansons
d’une inspiration gaillarde, capricieuse et parfois très réaliste, quelques
poésies d’am our courtois. Ce dernier type, la chanson du troubadour
im plorant la grâce de la dam e q u ’il adore, d o n t il est l’esclave, qui le
rend m alheureux sa n s pouvoir ébranler sa fidélité, est devenu le genre
classique de la lyrique courtoise qui se rép an d it à tra v e rs toute l’Europe;
dans beaucoup de pays la langue provençale fu t la langue m odèle pour
la poésie lyrique de l’époque féodale, com m e le français du N o rd le fut
pour la poésie épique. O n a beaucoup discuté su r l’origine de cet esprit
si particulier, qui fait de l’am our une adoration presque m ystique de la
femme; tan d is que d an s d ’au tres genres de la litté ra tu re m édiévale,
surtout dans les genres populaires ou m oralisants, la fem m e est plutôt
m éprisée. O n a ram ené la conception quasi m ystique de l’am our soit
à des influences antiques, so it à la m ystique religieuse contem poraine,
soit m êm e à des co u ran ts sem blables de la civilisation arabe. Je crois
que des inspirations néoplatoniciennes qui se fo n t sen tir en m êm e tem ps
dans la m ystique chrétienne, y o n t été pour beaucoup; un grand
m ouvem ent de renouveau m ystique rem p lit to u t ce 1 2 e siècle qui
a p roduit les plus belles oeuvres de ia m ystique chrétienne, qui a
entrepris l’aventu re fan tastiq u e des croisades e t qui a b â ti les prem ières
cathédrales de sty le gothique. La poésie provençale a, en outre, ceci de
particulier qu elle seule parm i les litté ra tu re s des langues vulgaires s ’est
servie dès sa prem ière ap p aritio n d ’une langue littéraire; ses poésies ne
so n t pas écrites d an s un dialecte différent pour chaque région comm e
la littératu re m édiévale des autres langues, m ais le dialecte d e s prem iers
grands troubadours, le lim ousin, s’est im posé à leurs successeurs; il est
devenu une sorte de langue in tern atio n ale de la poésie lyrique, puisque
m êm e dans d’au tres pays, su rto u t dan s la péninsule ibérique et en Italie,
les poètes ont com posé des vers lyriques en provençal avant d ’im iter
le sty le provençal dans leur p ro p re langue m aternelle. D ès la seconde
m oitié du 12 e siècle l’im itatio n du style lyrique provençal se répand en
France, en A llem agne e t dans les pays rom ans de la Méditerranée.
A côté d e la chanson d ’am our dans sa form e classique, la poésie lyrique
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LE MOYEN A C E 109
provençale possède quelques autres genres qui eux aussi fu ren t im ités
ailleurs; je vais énum érer les plus im p o rtan ts; l’aube, qui est une plainte
de l’am ant (ou parfois de la m aîtresse) d ép lo ran t le lever du soleil qui
les forcera à se séparer; la pastourelle, qui est une conversation entre
un chevalier e t une paysanne (le chevalier lui dem ande son am our, m ais
•' est, dans la plu p art des cas, repoussé); le sirventès, grande chanson
morale, politique ou polém ique, serv an t aux occasions les plus diverses,
mais to u jo u rs relice à un fait extérieur et contem porain (s’il s ’agit de
plaindre la m o rt d’un personnage im p o rtan t, on l’appelle planh); les
chansons de croisade, genre fo rt répandu, lui aussi sem blable aux
sirventès; enfin la tenson ou le jeu-parti qui est une discussion poétique
sur un su jet proposé, en général su r un problèm e d e psychologie
am oureuse. La poésie provençale a p ro d u it aussi d e s oeuvres épiques
et religieuses, mais leur im portance est bien inférieure à celle de la
poésie lyrique qui a donné naissance à to u t le lyrism e européen. Mais
la durée de sa floraison fut brève. Ses prem ières oeuvres, celles de
G uillaum e de Poitiers e t de C ercam on, fu ren t com posées peu après 1100;
le 1 2 c siècle com prend l’activité presque entière de leurs successeurs,
d o n t les nom s les plus célèbres so n t M arcabru, Jau fre Rudel, B ernard
de V cntadorn, A rn au t de M areuil, B ertran de Born, G ira u t de Bornelh
et A rnaut Daniel. D ès le d éb u t du 13e siècle, la civilisation des grands
seigneurs du Midi, et avec elle la poésie provençale périren t dans une
catastrophe politique, une guerre m asquée en croisade co n tre une secte
hérétique, les A lbigeois; ce fut la fin de l'indépendance de la civilisation
du Midi de la France.
C ependant, les genres lyriques du provençal s ’étaien t in tro d u its au
N o rd de la France comme p arto u t ailleurs; un grand nom bre de poètes
o n t fait des vers lyriques dans ce sty le en ancien français, au 12 c et au
13e siècle; parm i eux se trouve aussi C h rétien de T royes. Plus tard, au
cours du 13e siècle, la poésie lyrique en France se fait plus bourgeoise
et plus réaliste; nous citerons parm i les poètes de ce groupe postérieur
deux personnages fo rts in téressan ts, le Parisien R utebeuf et le poète
d’A rras A dam de la Halle sur lequel nous reviendrons en p arlant de la
poésie dram atique.
4. Les chroniqueurs.
c) L a l i t t é r a t u r e r e l i g i e u s e .
1. O euvres diverses.
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LE MOYEN A G E 111
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L E MOYEN AGE 115 ;
c) L e s c o n t e s r é a l i s t e s .
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com m e les hom m es. Etes contes d ’anim aux, appelés «fables» ou «apolo
gues», ex istaien t dan s l’an tiq u ité (Esope), e t le genre antique fut souvent
im ité au m oyen âge com m e il le fut plus ta rd p a r La F ontaine; m ais le
R om an du R en a rt se distingue des anciens m odèles e t de leurs im itations
m édiévales p a r so n m anque de b u t m oral, son caractère n ettem en t
satirique e t m êm e p arfois presque politique, e t p a r l’établissem ent de
certains caractères fixés parm i les anim aux: le lion, roi orgueilleux,
mais facile à tro m p er; le loup (Y sengrin), plein de violence et de
convoitise; et su rto u t le renard, diplom ate rusé et hypocrite. C ela est
écrit avec une finesse d 'o b serv atio n et une précision d’expression
rem arquables; et c’est d ’une fraîcheur qui a donné au livre une sorte
d ’im m ortalité populaire. O n p eu t en ju g er p a r le fait que l’ancien m o t
français pour le renard, goupil, fut su p p lan té p a r le nom de personne
qu’il porte dans le rom an: R enart. Q uelques passages du rom an donn en t
une so rte de paro d ie bourgeoise de la société féodale e t d e s m œ urs du
clergé.
f) L a p o é s i e a l l é g o r i q u e e t l e R o m a n d e la R o s e .
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polém ique; Jean de M eun 6 e fait le cham pion de la n atu re et com bat
to u t ce qui peu t en tra v e r l’épanouissem ent de ses forces; l’am our dont
il parle n’est plus l’am our courtois qui adore la fem m e et en fait une
reine (il n ’a pas trè s haute opinion de la fem me), c’est l'am our physique:
il professe des idées politiques ex trêm em ent bourgeoises, il est fort
peu ami de la noblesse féodale, e t ses conceptions philosophiques, tout
en re stan t dans le cadre de la scolastique chrétienne qui subit alors
une crise par l’irru p tio n de l’aristotélism e averrh o ïste (voir page 96),
se rapprochent fort des idées extrém istes et presque hérétiques qui
furent alors répandues p ar quelques théologiens à Paris.
Le R om an de la Rose a été une des oeuvres les plus répandues du
moyen âge; un grand n om bre des m anuscrits et de fréquentes allusions
dans d ’au tres oeuvres en tém oignent. D ès l’invention de l'im prim erie,
deux siècles plus tard, on en fit plusieurs éditions. T ra d u it ou imité en
italien, en anglais, en flamand etc., il a donné lieu à un grand nom bre
de polém iques et a exercé une grande influence sur des poètes tels que
D ante et Chaucer.
!i) L e dé c l i n. F r a n ç o i s \/ i!lon.
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111. L a l i t t é r a t u r e it a l i e n n e .
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122 D O C T R IN E G É N É R A L E D E S ÉPO Q U E S L IT T É R A IR E S
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126 D O C T R IN E G É N É R A L E D E S É PO Q U E S L IT T É R A IR E S
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L E M OY EN A G E 127
contre les femme®, il C orbaccio. Il fut grand adm irateur de D ante, dont
il écrivit une biographie, et d o n t il com m ença à com m enter la Comédie
dans les d ern ières années de sa vie. L’influence européenne de son
oeuvre ne fut guère inférieure à celle de P étrarq u e; le D ecam erone a
servi de m odèle à un très grand n om bre de recueils postérieurs en Italie
et ailleurs; l’a r t de raco n te r en prose a été fondé, en Europe, p ar lui.
A p rès ces tro is g ran d es oeuvres — la C om édie de- D ante, le
C anzoniere de P étrarq u e e t le D ecam erone de Boccace —, d o n t au
m oins les deux d ern ières reflètent bien plus l’esp rit naissant de
l’hum anism e et de la R enaissance que celui du m oyen âge, la littératu re
italienne des 14e et 15e siècles n ’a plus rien p ro d u it de com parable,
quoiqu’elle con tin u ât à se développer d ’une façon riche e t savoureuse.
La poésie populaire, lyrique, épique, satirique, parfois dialectale, souvent
grotesque, fleurissait; il y eu t u n grand nom bre de recueils de nouvelles
à la m anière de Boccace; il y e u t des im itateurs de P étrarq u e; et la
poésie chrétienne, ascétique, populaire, polém ique e t dram atique (les
rappresentazioni, voir p. 1 2 2 ) p ro d u isit quelques oeuvres rem arquables.
Mais ce qui donne à la civilisation italienne de cette époque son a tm o
sphère particulière, c ’est l'activ ité des «humanistes». D epuis la seconde
moitié du 14e siècle, le m ouvem ent appelé hum anism e (le m o t provient
du latin hum anitas, «humanité», «civilisation hum aine», «form ation digne
do l’idéal hum ain») se p rép are en Italie. P étrarq u e et Boccace avaient
été d éjà ce q u ’on a appelé plus ta rd hum anistes, e t la génération
suivante développa pleinem ent le ty p e tel qu’il s e p résen te au 15e siècle
en Italie, e t un peu plus ta rd au n o rd d e s A lpes. Le p o in t de d é p a rt d e
l’hum anism e fut, bien e n ten d u , le culte d e l’an tiq u ité gréco-latine; les
hum anistes m ép risen t le m oyen âge, la philosophie scolastique e t le
bas-latin d an s laquelle elle s'ex p rim e; ils veu len t re to u rn e r aux grands
classiques de l’âge d ’o r de la litté ra tu re latine, ils e n rech erch en t les
m anuscrits, im ite n t leu r sty le e t a d o p te n t leur conception d e la litté ra
ture, hasée su r la rh éto riq u e ancienne. Ils ch erch en t m êm e à étu d ier les
oeuvres de la G rè c e an tiq u e; les p rem iers é ru d its sa c h a n t e t enseignant
le grec ap paraissen t e n Italie d ep u is 1400; ce fu re n t d ’ab o rd des
professeurs grecs venus en Italie; il y en e u t m êm e av a n t la chute de
C onstantinople, m ais ils fu re n t plus nom breux après; toutefois, au 15e
siècle, beaucoup d ’h u m an istes italien s sa v aien t le grec assez bien p o u r
l’enseigner e t p o u r trad u ire les oeuvres célèbres. A Florence (où une
famille d e l’aristo cratie m unicipale, a im an t les a rts e t les lettres, les
Medici, a rriv e n t au pouvoir d an s la seco n d e m oitié du 15e siècle), à la
cour papale (un des p ap es du 15c siècle. Pie II, de son nom originaire
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IV. La l i t t é r a t u r e d a n s la p é n in s u le ib é r iq u e .
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épique, qui a une syllabe de plus dans la césure; on appelle cette forme
en quatrains m onorim es, trè s répandue dan s la vieille littératu re
espagnole, la cuaderna via, ou m ester de clerecia, p a r opposition à la
form e plus irrégulière de l’épopée populaire, le m ester de yoglaria. C ’est
dans cette forme, la cuaderna via, que so n t com posés la p lu p art des
poèm es didactiques et épiques du 13e sièle; ils so n t écrits p a r les poètes
plus savants et trah issen t l'influence d e sources françaises e t latines.
La seconde m oitié du 13e siècle est m arquée p ar l’activité littéraire
qu’exerça le roi de C astille et de Léon A lphonse X, surnom m é el Sabio
(le Sage, 1252—84); c'est le créateur de la prose espagnole; il composa
ou fit com poser en y collaborant un grand nom bre d ’ouvrages; p. ex. un
code (las Siete Partidas), trè s riche en renseignem ents sur la vie et les
coutum es des Espagnols de ce tem ps; des livres su r l’astronom ie, sur
les pierres, sur les jeux, tirés en grande p artie de sources arabes; un
très grand nom bre de trad u ctio n s im p o rtan tes; et su rto u t la C hronique
générale qui fut plus tard continuée et im itée, et qui, ainsi, a fondé
l'historiographie en langue espagnole. Le roi A lphonse s’in téressa aussi
à la poésie lyrique qui florissait, à cette époque, en galicien-portugais;
il fit lui-même des vers dans cette langue. Son successeur, S anche IV,
encouragea les traductio n s et com posa, d ’ap rès des m odèles latins, un
livre d’éducation pour son fils. Ce fut une époque de com pilations et de
traductions, su rto u t d ’après des sources arab es; des recueils d e contes
orientaux avaient été tra d u its m êm e av an t le tem ps d ’A lphonse et de
Sanche. L ’influence de la civilisation arab e continue dans la prem ière
m oitié du 14e siècle, qui a produit to u tefo is deux personnages et deux
livres im portants: ce so n t l’infant D on Juan M anuel, au teu r du C onde
Lucanor, e t l'archiprêtre Juan Ruiz de H ita qui a écrit le L ibro de Buen
A m or; tous les deux so n t m o rts vers 1350. Le C onde Lucanor, appelé
aussi L ibro de P atronio ou Libro de los Enxem plos, est un recueil de
contes en prose, où le com te Lucanor dem ande à son sage conseiller
Patronio ses opinions sur la m anière do n t il do it vivre et gouverner;
Patronio lui répond chaque fois par un «exemple», c’est-à-dire par une
histoire qui sert à illustrer son conseil. Le cadre m o n tre l’influence des
recueils orientaux de contes moraux, tels que le livre des Sept Sages; il
rappelle aussi le livre des 1001 N uits; toutefois la m anière de raconter
et l’esprit qui anim e l’au teu r so n t n ettem en t espagnols; c’est un livre
très bien écrit e t très réaliste; son style est p o u rta n t bien m oins libre,
l’horizon de ses idées et de ses sen tim en ts bien plus re stre in t que chez
Boccace, qui écrivit son D ecam erone vers la mêm e époque. Le Livre de
l’arch ip rêtre de H ita, el L ibro de Buen A m or, est, à côté du C an tar de
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132 DOCTRINE G ÉN ÉRA LE DES ÉPOQUES LITTÉR A IR ES
mio Cid, l’oeuvre la plus im p o rta n te du m oyen âge espagnol et une des
créations les plus originales de l’ancienne litté ra tu re européenne. C ’est
une so rte de rom an fo rt décousu, se serv an t de toute so rte de form es
poétiques (le qu atrain m onorim e à côté de form es im itées de la poésie
portugaise et française), e t qui em ploie to u te so rte de sty les et de gen
res: poésie dévote, lyrism e, allégorie, satire, conte; extrêm em en t p e r
sonnelle et réaliste, l’oeuvre est su rto u t consacrée à la description des
am ours de l'arch ip rêtre, et le personnage le plus saillant en e st l’e n tre
m etteuse T rotac o n v en to s (qui co u rt les couvents), m odèle de beaucoup
de créations postérieures (la C eiestina, p a r exemple).
M algré l’influence de la litté ra tu re française, on ne trouve pas, en
Espagne m édiévale, beaucoup de traces du rom an courtois, du cycle
A rth u rien e t de l’idéologie de l’am our m ystique qui s ’y rattach e; des
traductions de rom ans courtois o n t été faites, il est vrai, et Ton trouve
aussi des allusions aux personnages de la T able ronde; m ais au fond, le
génie castillan s’est m ontré d ’ab o rd réfractaire à la civilisation courtoise;
le seul poèm e original qui puisse ê tre considéré comm e rom an d ’aven
tures, el C aballero C ifar, est p lu tô t n aïf et un peu grossier. T outefois,
un s u je t du cycle de la T able ronde, l’histoire d’A m adis de G aula,
devenue beaucoup plus ta rd ex trêm em en t célèbre, m odèle des rom ans
de chevalerie de la R enaissance paro d iés p ar le D o n Q uijote de Cer-
vantès, doit avoir été rédigé au 14e siècle; m ais on n e sait pas d ’une
m anière certain e si ce fut en E spagne ou au Portugal. D ans la seconde
partie du 14e siècle, le personnage le plus m a rq u a n t de la littératu re
castillane fut le chancelier P ero Lôpez d e A yala (1332— 1407) qu i eu t
une carrière politique fo rt m ouvem entée; il a écrit un poèm e satirique
d ’une grande force, el R im ado de Palacio, e t une chronique d e son
tem ps, d o n t les conceptions so n t en m êm e tem ps plus m odernes e t plus
influencées p ar les h isto rien s de l’an tiq u ité (su rto u t T ite-L ive) que celles
d e s chroniques antérieu res: ce fu t aussi un tra d u c te u r rem arquable.
A u 15e siècle, l’influence italienne, en p rem ier Heu celle de D an te e t
d e P étrarque, prév alu t; elle se m an ifeste p ar une poésie lyrique très
artistiq u e e t raffinée qui n ous est conservée dans d e grands recueils;
j ’en m entionne le C an cionero de Baena, rédigé v e rs 1445 en C astille, et
le C ancionero d e Lope d e Stuniga, rédigé un peu plus ta rd à la cour
aragonaise de N ap les (le royaum e de N ap les fut conquis p a r les A rago-
nais en 1443); une grande collection générale fut faite au com m encem ent
du siècle suivant e t publiée en 1511 à V alenoia p a r H ern an d o de
C astillo. L’influence italien n e se m anifesta au ssi p a r d es poèm es allé
goriques et d id actiq u es im ités d e D a n te ; parm i les p o ètes influencés
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135
B. LA RENAISSANCE.
J. R e m a r q u e s p r é l im in a i r e s .
Le lôèm e siècle est généralem ent considéré comm e le com m encem ent
des tem ps m odernes en Europe; et p en d an t longtem ps on a expliqué
le renouvellem ent des forces hum aines qui s’est p ro d u it alors p a r le fait
que d u ran t cette période on a redécouvert la civilisation gréco-rom aine,
q u ’on a recom m encé à étudier et à adm irer les oeuvres de sa litté ra tu re
et de son art, e t que p ar là les hom m es, en se délivrant des entraves
qu’im posait à leur activité intellectuelle le cadre trop é tro it du
christianism e médiéval, sont arrivés à développer pleinem ent leurs forces
et à créer un nouveau type d 'hum anité: l’hom m e qui te n d p ar ses
facultés intellectuelles et m orales à dom iner to u tes les ressources de la
nature et à en profiter pour se faire une vie heureuse su r la te rre même,
sans atten d re la b éatitu d e éternelle que la religion lui p ro m e tta it après
sa m ort. C ontre cette explication, on a objecté, depuis quelque tem ps,
que la Renaissance n 'était pas seulem ent un m ouvem ent de reto u r à la
civilisation gréco-rom aine; que ce reto u r, d’ailleurs, avait com m encé
bien avant le lôèm e siècle, au m oins d an s quelques pays; que la
R enaissance était to u t aussi bien un grand m ouvem ent religieux et
m ystique à l’intérieu r du christianism e m êm e; que des faits économ iques
e t politiques, des inventions et des découvertes, o n t joué un rôle bien
plus grand dans to u t le développem ent que les études classiques; et
que, si la civilisation gréco-rom aine avait suffi à produire l'hom m e
m oderne, cet hom m e m oderne au rait dû a p p araître dans cette civilisation
m êm e, tandis qu’en réalité la civilisation antique, après avoir donné des
résultats éclatants et incom parables dans le dom aine littéraire, artistique,
philosophique et politique, a péri parce que, dans le dom aine p lu tô t
pratiq u e des sciences et de l’économie, elle ne s’est pas développée assez
pour accom plir les tâches que l’organisation de la société civilisée lui
im posait. La discussion sur les causes de la R enaissance d u re n t en
Europe depuis un siècle, depuis la publication des oeuvres de M ichelet
et su rto u t de celles de Jacob B urckhardt; nous nous b o rn ero n s à exposer
les faits les plus im p o rtan ts en les classant de no tre point de vue, c’est-
à-dire du point de vue de la philologie rom ane.
1) D e ce poin t de vue, la R enaissance est to u t d ’abord l'époque
p endant laquelle des langues rom anes (com me, du reste, aussi les autres
langues vulgaires européennes, l’allem and et l’anglais p a r exem ple)
acquièrent définitivem ent la position de langues littéraires, scientifiques
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LA RENAISSANCE 14)
grand nom bre d ’im prim eurs furent en m êm e tem ps d es hum anistes
distingués, e t quelques-uns furent trè s a tta c h é s à la Réform e. C ’e s t à
cette époque e t dan s cette situation, que la recherche e t l’éd itio n des
m anuscrits, activité que j ’ai décrite su r les prem ières pages de ce livre,
s’im posa et se développa to u t spontan ém en t. A côté de leur activité
érudite, qui consista en éditions, en oeuvres su r la gram m aire e t le
sty le du latin e t d e ieur p opre langue m aternelle, su r la lexicographie
e t l’archéologie, ces philologues hum anistes accom plirent une tâche im
p o rtan te de vulgarisation: ils furent les tra d u c te u rs des g ran d es oeuvres
de i’antiquité; p ar là, ils o n t donné au public, qui é ta it en tra in de se
constituer, une idée de la civilisation gréco-rom aine, u n goût plus sû r
et plus raffiné, et aux p oètes la possibilité d ’im iter ces chefs-d’oeuvre.
6) Disons, à ce tte occasion, un m ot su r le «public». A v an t la R enais
sance, un public dans le sen s m oderne du m o t n ’existait pas; à sa place
il y avait le peuple, sa n s instruction, n ’ay a n t com m e fo rm atio n in tel
lectuelle que les v érités de la foi catholique que l’Eglise lui enseignait.
D epuis la fin de la Renaissance, il se form a peu à peu une couche
sociale, d’abord peu nom breuse, mais qui au g m entait continuellem ent,
com posée d’aristocrates et d e bourgeois enrichis, qui sav ait lire et
écrire, p ren ait p a rt à la vie intellectuelle, aim ait l’a rt e t la littératu re, se
form ait un goût et devenait, sans être érudite, assez in stru ite e t assez
puissante pour devenir peu à peu l'arb itre de l’a rt et de la vie littéraire
La form ation du public in stru it e n E urope e t la lente extension de sa
puissance, lente m ais ininterrom pue depuis ia R enaissance, extension qui
a duré plus de tro is siècles et qui n ’a p ris fin que p a r le développem ent
to u t récent où les peuples européens dan s leur to ta lité so n t devenus
«public» e t o n t d étru it ainsi le caractère d ’élite que le public av ait eu
d’abord, est un phénom ène des plus in téressan ts e t des plus im p o rtan ts
de la civilisation m oderne. C e développem ent co m p o rte aussi la form a
tion d’une nouvelle profession et d ’u n nouveau type hum ain: l’écrivain
ou «l’hom m e de lettres» qui écrit pour le public e t qui v it de lui en lui
v endant sa production so it directem en t so it p a r d es interm édiaires.
A v an t la R enaissance, c e tte profession n’a u rait p as eu de base; ceux qui
écrivaient ne dépend aien t pas du public (car ce public n’existait pas, et
d’ailleurs, avant l’im prim erie, la possibilité de répandre les oeuvres en
q u an tité suffisante m anquait), mais, ou b ien de l’Eglise, ou d 'u n grand
seigneur, ou avaient d ’au tre s ressources po u r su b v en ir à leurs besoins;
ce n’étaien t que les ty p es to u t au bas de l’échelle littéraire, les jongleurs
et chanteurs des foires, qui vivaient dans un certain sen s du «public»;
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mais on voit bien que c’est a u tre chose que l’écrivain m oderne. Le
développem ent de la profession d ’écrivain se fit aussi len tem en t que
celui du public; le 16ème e t m êm e le 17ème siècle m o n tre n t encore bien
des phénom ènes de tran sitio n ; ce n ’est q u ’au 18ème siècle que le type
de l’écrivain v iv an t du public s'é ta b lit définitivem ent.
7) Bien entendu, to u s ces changem ents euren t une base économ ique
dont nous ne parlero n s que fo rt som m airem ent. En Italie et dans quel
ques au tres pay s européens, le com m erce e t l’activité industrielle su r
une base plus large e t plus rationnelle s ’étaien t développés d é jà bien
av an t le lôèm e siècle. M ais v ers 1500 un événem ent décisif entraîn a
l’O ccident to u t e n tie r dans la voie du grand com m erce e t du régime
capitaliste: ce fu ren t les g randes découvertes d ’outre-m er. D es m archan
dises jusque là inconnues ou rares et peu consom m ées comm e le coton,
la soie, 'e s épices, le sucre, le café, le tabac, p ro d u ites désorm ais à peu
de frais par le travail forcé des esclaves noirs, e n tre n t en grande
quantité en Europe et deviennent de consom m ation courante; d ’énorm es
richesses nouvelles, su rto u t une q u an tité jusque là inim aginable d ’or et
d ’argent, parviennent, to u t d ’abord en Espagne et au P ortugal (car ce
fu ren t ces deux p ay s qui, com m e prem ières puissances coloniales, en
eurent le profit im m édiat), et ensuite d a n s le reste de l’Europe, su rto u t
aux Pays-Bas, m ais aussi e n A ngleterre, en France, en A llem agne.
L’Espagne, qui posséd ait p resq u e to u tes les m ines d ’o r e t d ’arg en t
découvertes en A m érique, essayait d ’en g ard er le pro d u it, m ais n ’ay an t
que de faibles ressources' en elle-m ême e t voulan t profiter d e sa richesse
pour élever le niveau d e vie de ses h ab itan ts, elle d u t échanger u n e
grande p artie de ses m étaux précieux c o n tre les denrées et m archandises
d o n t elle av ait besoin. L es m étaux précieux qui e n tre n t en E u ro p e y
h â ten t le progrès du capitalism e financier e t to u t en p ro v o q u an t des
crises terribles, d o n n e n t à une couche b ien plus large qu’a u p arav an t
la possibilité d e s’enrichir; c ’est la classe «moyenne», la bourgeoisie
m oderne qui co n stitu era le public d o n t nous avons parlé au p arag rap h e
précédent. Le com m erce in térieu r et s u rto u t le com m erce extérieur e t
m aritim e, en évoluant trè s rapidem ent, en co u rag en t l’esp rit d ’entreprise,
m odernisent les procédés économ iques, créen t d es m éthodes nouvelles
d’organisation et d e crédit, et font n a ître p a rto u t le goût des affaires,
du travail économ ique, du gain et du luxe. 11 se fo rm ait aussi u n ty p e
d ’hom m es qui considéraient le travail économ ique com m e u n d evoir
austère e t l’acquisition des richesses com m e un signe visible d e la béné
diction de Dieu, de so rte qu'ils com binaient l’esp rit des affaires avec
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II. L a R e n a is s a n c e en I t a l i e .
des trad itio n s sym boliques du m oyen âge survivent au 16e siècle, e t le
platonism e qui se répandait leur insufflait parfois une vie nouvelle; mais
ce sym bolism e n ’em pêche plus la pleine éclosion des form es de la nature
corporelle, et l’im itation de ces formes, héritage de l’antiquité, domine
to u te l’activité a rtistiq u e de la R enaissance italienne. C ela im plique
aussi une nouvelle conception de l’individu hum ain, conception qui se
rapproche de celle de l’antiquité, et qui a été considérée p a r beaucoup
de savants, surto u t p ar B u rck h ard t (voir p. 30), com m e la base de to u t
le m ouvem ent de la Renaissance. T a n d is qu'au m oyen âge l’individu
humain occupait une place dans l’ordre hiérarchique qui descend de
Dieu à travers les anges, le m onde hum ain, la création physique jusqu’à
l'enfer, c’est-à-dirc dans un classem ent vertical, la R enaissance lui as
signait sa place dans le m onde d ’ici-bas, sur la terre, dans l’histoire et
dans la nature, donc dans un ord re horizontal. C e tte idée est de toute
prem ière im portance pour la com préhension de la R enaissance; seule
m ent, il faut se garder de deux erreurs. D ’abord, il ne faut pas croire
que la conception de l’individu soit devenue p a r là p a rto u t plus forte
et plus puissante; car, dan s l'o rd re hiérarchique et vertical du moyen
âge, l’hom m e se trouve d e v a n t Dieu, engagé d an s une lu tte qui s’ac
com plit p en d an t sa co u rte vie te rre stre et d o n t l’issue décide irré
vocablem ent s’il sera un bienheureux ou un réprouvé; des forces o p
posées se d isp u ten t so n âm e dan s un com bat d ram atiq u e; dan s cette
lutte to u t individuelle, l’individu se form e p arfois d ’une façon p articu
lière, énergique et puissante. C ertes, ni l’histoire ni la litté ra tu re du
m oyen âge ne m an q u en t d e personnages d ’une forte individualité; elles
en so n t aussi riches que la Renaissance. D e plus, to u te la d istinction
entre l’individu m cdicval et l’individu de la R enaissance ne s ’applique,
du m oins au 16e siècle, q u ’à l’Italie e t il une p etite m inorité au nord des
Alpes. C ar, au n o rd des A lpes, les m ouvem ents religieux ten d en t p a r
fois plus à reform er e t m êm e à ren fo rcer les liens religieux et m ystiques
qui tiennent l'individu dans l’ordre vertical qu’à les d étru ire ; la tendance
à l'en affranchir n ’a pu gagner du terrain que beaucoup plus lentem ent. -—
Le second point su r lequel je voudrais insister à p ropos de l’a rt italien,
c’est que son im itation de l’an tiq u ité n 'est pas servile comm e celle de
l'hum anism e intégral, m ais s’ad ap te aux besoins et aux instincts du 16e
siècle et du peuple italien de cette époque, com parable en cela à l’h u m a
nism e en langue vulgaire (voir p. 136). O n n 'a qu’à penser aux
M adones de Raffael, aux p rophètes et au jugem ent dernier de Michel-
A nge, aux nom breuses églises, pour se rendre com pte que les su jets
chrétiens et les besoins du culte occupaient to u jo u rs la prem ière place
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III. L e s e iz iè m e s iè c le en F r a n c e .
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énorm e, et .souvent grotesque. D ans cette oeuvre, les élém ents les plus
hétérogènes form ent un ensem ble d ’une u nité p arfaite: R abelais est fort
savant, a u ta n t dans les sy stèm es scolastiques qu'il bafoue cruellem ent
que dans les lettres hum anistes; il l’est aussi en m édecine et dans les
sciences naturelles de son époque; il n ’en est pas m oins incom parable
m ent populaire, connaissant à fond les m oeurs et le langage de toutes
les classes de la société, su rto u t ceux du peuple, des moines, des p ay
sans; im itan t aussi naturellem ent les extravagances du langage des sa
vants scolastiques ou des sn o b s latinisants que les patois populaires;
décrivant avec a u tan t de verve une dispute philosophique, que les p ro
pos ivres d’un festin, ou une scène de la vie quotidienne en T ouraine,
et m êlant à to u t cela les aventures m erveilleuses, colossales et grotes
ques de ses géants. Il est le cham pion d ’une m orale nouvelle, hum aine
et raisonnable, et en m êm e tem ps il est d ’une im pudeur sans égal même
à son époque, accum ulant les grosses farces et les jeux de m ots avec
une im agination inépuisable, m êlant souvent le blasphèm e à l’im pudeur,
et provoquant chez ses lecteurs un rire fou, énorm e et irrésistible. Ce
qu’il hait et com bat av an t toute ohose, l’atm osphère m édiévale des cou
vents, les m oines oisifs, ignorants et sales, il en est em p rein t lui-même,
puisqu’il l’a connue dans sa jeunesse, et i! lui doit beaucoup d ’élém ents
de sa verve populaire; et lui qui connait à fond l’érudition hum aniste
de son tem ps, est le créateu r de néologism es m onstrueux qui sont ce
qu’il y a de plus con traire au goût classique. L’idce de la b o n té origi
naire de la n a tu re de l’hom m e, e t de la n atu re en général, est l’idée
principale du livre, m ais elle n ’en est nullem ent la seule; il est to u t
plein de suggestions et d e saillies d an s tous les dom aines, en pédagogie,
politique, m orale, philosophie, sciences e t litté ra tu re ; inconcevablem ent
créateur, fécond, optim iste, e t en m êm e tem ps d ’une intelligence mali
cieuse, sournoise, parfo is m échante e t cruelle. C ’est u n livre d o n t on
peut donner des p artie s aux e n fan ts qui y tro u v e ro n t un am usem ent
sans pareil; qu’on p eu t feuilleter seul pour s'égayer q uand on e st triste;
d o n t on p eut citer quelque passage e n tre cam arades, pour le gros rire
qu’il provoque; d o n t on p eu t m éd iter longuem ent les idées philosophi
ques e t m orales; et qui a donné lieu aux recherches les plus subtiles et
les plus éten d u es en linguistique, en h istoire littéraire e t histo ire des
m oeurs, en philosophie e t d an s beaucoup d ’au tres dom aines. P our la
variété de ses élém ents e t po u r la force de son im agination, c’est le
livre le plus riche et le plus puissant de la litté ra tu re française.
6) Michel E yquem , seigneur de M ontaigne (1533—1592), est issu du
côté paternel d’une famille de riches com m erçants de Bordeaux, d ’origine
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ÎV . Le s iè c le d ’o r d e la l i t t é r a t u r e e s p a g n o le .
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LA RENAISSANCE Î69
didactique su r M arc-A urèle, l'em pereur rom ain philosophe. D ans la suite,
plusieurs genres de rom ans se so n t développés: le rom an pastoral, le
rom an d’am our aventureux, le rom an réaliste dan s sa form e spéciale
m ent espagnole (novela picaresca) et le rom an d e chevalerie. Q uant
au rom an pastoral, im itan t S annazaro (voir p. 150), son chef-d’ocuvrc
est la D iana enam orada de Jorge de M ontem ayor (1542); le genre eut
beaucoup de succès, et les plus grands poètes s’y so n t essayés: C erv an
tes dans sa G alate a (1585) et Lope de V ega dans son A rcadia (1599);
les nouvelles e t les épisodes p astoraux abo n d en t dans to u te la litté ra tu re
narrative; le goût des cadres cham pêtres pour la poésie d 'am our fut à
la m ode p arto u t en Europe ju sq u ’à la fin du 18ème siècle. Les rom ans
d’am ours aventureuses se b asen t su r des m odèles grecs chéris p ar les
hum anistes (su rto u t T héagène e t C hariclée p ar H éliodore, auteur du
3ème siècle après Jésus-C hrist); ce genre fut trè s cultivé depuis le
milieu du lôèm e siècle: on p eut y ra tta c h e r la dernière oeuvre de C er
vantes, Persiles y Sigism unda (161?) et le Peregrino en su p atria de
Lope (1604). Le rom an réaliste a trouvé en Espagne une form e très
particulière, le rom an picaresque: c’est la biographie d ’un gamin ou
d’un to u t jeune hom m e très pauvre, trè s habile, de m oeurs douteuses,
d o n t les aventures, les m auvais tours, les expériences d o n n e n t
lieu à la critique satirique de to u tes les classes de la société e t à
une description d e ses bas-fonds. T o u t cela est, dans les m eilleures
oeuvres, fo rt vivant, et se base sur la réalité de la vie espagnole, où le
travail régulier ne- constitu ait pour aucune classe un idéal; le genre est
toutefois beaucoup tro p p itto resq u e pour être réaliste au sens m oderne
du m ot; il s’oppose, p ar un co n traste violent, aux genres des rom ans
chevaleresques et pastoraux, m ais il est to u t aussi fantaisiste. Le p re
mier spécim en de ce groupe fu t la V ie du gamin m endiant Lazarillo de
T erm es (1554), p etite oeuvre d o n t l’auteur n ’a pas pu être établi avec
certitude; parm i le grand nom bre des rom ans picaresques postérieurs
nous m entionnerons la V ida del picaro G uzm an de A Jîarache (1599,
seconde partie 1604) par M ateo A iem ân, la V ida del Buscôn (1626) par
le m êm e Q uevedo d o n t nous avons parlé comm e poète conccptiste, e t
la Mija de C elestina (1612) p ar Salas B arbadillo où il s’agit d'une picara,
donc d'une fem me. La vogue du rom an picaresque fut im mense, il fut
im ité dans beaucoup d ’au tres pay s européens, par exemple en France,
par le Ci! Blas de Le Sage. Parm i le grand nom bre des rom ans de
chevalerie plus ou m oins im ités de l’Am adis, aucun n ’est digne de m en
tion; le genre fut d étru it par la puissante satire qui est devenue l’oeuvre
la plus célèbre de la littératu re espagnole: l’histoire de l’«Ingenioso
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LA RENAISSANCE 171
C. LES T E M P S M O D E R N E S .
I. L a l i t t é r a t u r e c l a s s i q u e d u 17e s i è c le e n F r a n c e .
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elle échoua; c’é ta it la F ronde (1648— 1653), m ouvem ent sa n s idée con
ductrice e t com pliqué p a r to u tes so rte s d ’intrigues, dirigé su rto u t contre
le cardinal M azarin, successeur de Richelieu. A p rè s la m o rt de M azarin
(1661), le jeune roi, Louis X IV , continue e t achève l’oeuvre de ses p ré
décesseurs en cen tralisan t l’ad m in istratio n ; il gouverne le pay s p a r ses
fonctionnaires; il essaie d ’en diriger m êm e la vie économ ique. C ’est la
ruine définitive d e la stru ctu re corporative du m oyen âge, où to u tes les
castes et to u tes les professions avaient une vie à elles, e t la victo ire de
l'organisation centrale: le roi e s t le c e n tre du p ay s vers qui to u t con
verge. D onnons m ain ten an t une liste chronologique des règ n es du
siècle: H enri IV , assassiné en 1610; Louis X III, 1610—1643, d’a b o rd sous
la régence d e sa m ère M arie d e Médicis, depuis 1624 avec Richelieu
com m e m inistre tout-puissant; Louis X IV , 1643— 1715, d ’ab o rd sous la
tutelle de sa m ère A nne d’A utriche, d o n t le p rem ier m inistre est Maza-
rin: après la m o rt de celui-ci, survenue en 1661, c’est «le siècle de
Louis XIV». — La consolidation du pouvoir perm it à la France une
politique fo rt active en Europe; et com m e l’A n gleterre tra v e rsa it une
crise religieuse et politique, que les forces de l’E spagne s’épuisaient et
que l’A llem agne éta it com plètem ent ruinée p a r la guerre de tre n te ans
et ses suites, la France réussit à éten d re son te rrito ire et à é tab lir son
hégém onie politique a u tan t p a r sa force m ilitaire que p ar le p oids de sa
puissance économ ique.
D e tous les points de vue, on p eu t diviser le siècle en deux parties
bien distinctes; la prem ière, qui va ju sq u ’à la m o rt de M azarin, com pre
n an t les règnes de H en ri IV , de Louis X III e t la m in o rité de Louis X IV,
époque p en d an t laquelle l’absolutism e tro u v e en co re des adversaires,
où des troubles surgissen t de tem ps à au tre, où la su prém atie de la cour
n ’est pas encore solidem ent établie, où celle-ci n ’e s t pas en co re le centre
de la vie littéraire e t artistiq u e, e t où le goût e t l’esp rit public so n t e n
core assez indécis e t flo ttan ts; e t la seconde, com p ren an t le règne de
Louis X IV , où l’absolutism e est incontesté, où le roi dom ine to u te l’ac
tivité politique e t intellectuelle du pays, e t où l’esp rit public, se s te n
dances e t ses goûts so n t n e tte m e n t définis. P arm i ies gran d s hom m es
du siècle, D escartes et C orneille ap p a rtie n n e n t à la prem ière époque;
La Rochefoucauld e t Pascal à une p ériode d e tran sitio n ; La F ontaine,
Molière, Bossuet. Boileau, Racine, La B ruyère et Fénelon so n t du siècle
de Louis X IV . E ssayons m a in te n a n t de d écrire les principaux courants
en suivant chacun d ’eux à trav ers les deux périodes.
1) Pour le développem ent du langage littéraire, le 17e siècle com
m ence par une- violente réaction contre l'esp rit du 16e, co n tre l’enrichis-
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Louis X IV fut lui-même l’idéal de l’h onnête hom m e; jam ais peut-être
un roi ne fut si natu rellem en t élégant, m esuré, digne et m aître d e lui,
to u t en ay an t beaucoup de charm e personnel; il y a peu d ’hom m es d o n t
nous connaissons l’histoire qui aient eu des qualités e t des capacités si
heureusem ent développées sans qu’aucune d ’elles n ’em p iétât su r l’autre.
L’absolutism e, e t Louis X IV en particulier, o n t puissam m ent contribué
à la form ation du public tel que je viens de le décrire; car en b risan t
définitivem ent l’indépendance féodale, en fo rçan t les grands seigneurs
à n ’ê tre que des courtisans entièrem en t d ép en d an ts de lui, en leur ô ta n t
toute fonction in h ére n te à leur caste, le roi ne leur laissait plus aucune
form e de vie au tre que celle d ’h o n n êtes gens un peu privilégiés; et q uant
à la grande bourgeoisie, d o n t l’ancienne indépendance n ’éta it pas d avan
tage tolérée, elle ne tro u v ait pas non plus d ,a ttitu d e plus convenable que
celle d’honnêtes gens dégagés de to u te obligation professionelle, ou du
m oins affectant de l’être. V oilà les deux p a rtie s qui com posent le public
du siècle de Louis X IV , et de là v ient le nom q u ’on lui donne o rdinaire
m ent dans les docum ents contem porains: la cour e t la ville. C e tte so
ciété com posée de courtisans et de grands bourgeois, le plus souvent
m em bres de la Robe, fut l’arb itre de l’usage dans la langue, la litté ra
ture et les form es de la vie, d e cet usage d o n t n ous avons parlé dans
n o tre dernier paragraphe. A jo u to n s encore que c’est P aris seul qui d o
m ine; la province ne com pte plus.
3) Les g ran d es lu tte s religieuses du siècle passé so n t term inées. La
dernière résistance des p ro te sta n ts est brisée p a r Richelieu, e t dep u is ce
tem ps la civilisation française redevient p u rem en t catholique. 11 est vrai
que les H uguenots o n t joué un trè s grand rôle d an s la vie économ ique;
quand Louis X IV les chassa en 1685 p a r la rév o catio n de l’éd it de N an te s
(voir p. 153), il affaiblit considérablem ent les forces p ro d u ctric es du
pays; ce fu t une d es fautes les plus graves d e son règne. A u d éb u t du
siècle, u n m ouvem ent épicurien, m atérialiste e t athée se dessina, e t des
groupes d’épicuriens ath ées surv iv en t m êm e p en d an t l’époque de
Louis X IV ; m ais leur influence est insignifiante. C ’est donc, d an s l’en
sem ble, u n siècle catholique, orthodoxe, trè s loin des h ardiesses de la
R enaissance. L’activité catholique est considérable dan s tous les d o
m aines, elle l’est aussi dans le dom aine d e l’éducation, où l’Eglise,
m odernisée à la suite du m ouvem ent de la C ontreréform e, fait
une large p a rt à la form ation h u m an iste e t ne se m o n tre nulle
m ent hostile aux recherches scientifiques et philosophiques; beau
coup de cartésiens distingués fu ren t des hom m es d ’Eglise, par
exem ple lo p ère o rato rie n M aiebranche. L’activ ité des congrégations
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catholiques fut trè s intense, e t l'a rt du serm on p arvint, sous Louis X IV,
à un apogée sans égal d an s la litté ra tu re française; so n principal repré
sen tan t, Jacques-Bénigne B ossuet (1627—1704), est un des plus grands
orateurs européens e t l’un des gran d s artiste s de la prose française.
C ependant, le m ouvem ent catholique n’a pas cet aspect vivant, im a
ginatif et populaire qu’il av ait au m oyen âge e t qu’il g ardait encore au
I7e siècle dans quelques au tres pays, p ar exem ple en Espagne; ses m ani
festations o n t souvent quelque chose de rationaliste, un air de céré
monie officielle qui frappe celui qui connaît les textes religieux antérieurs.
Presque toutes les grandes oeuvres françaises de la litté ra tu re catho
lique du 17e siècle, depuis Saint F rançois de Sales, grand théologien
m ystique et grand préd icateu r quelque peu précieux (Intro d u ctio n à la
vie dévote, 1608), ju sq u ’à Bossuet e t Fénelon, l’un m ort en 1704 et l’autre
en 1715, s ’adressen t à la société e t n o n au peuple. L e u r style, leurs con
ceptions, toute leur m anière de p rése n te r les vérités chrétiennes s’en
ressentent; la dévotion telle qu'elle se reflète dans la littératu re, sur
to u t celle des clames du grand m onde, to u t en é ta n t souvent fo rt sé
rieuse e t mêm e rigide, exhale p arfois une atm o sp h ère de société polie,
un air d ’âm es choisies qu’on ne re n co n trerait guère dans la vie catho
lique des époques antérieures. — A Sexception d es troubles du com
m encem ent du siècle e t de la révolte des p ro te sta n ts dans les Cévennes
après ia révocation de l'édit de N a n te s (les C am isards), il ne s’est plus
produit de m ouvem ent an ticatholique; m ais de graves crises o n t surgi
au sein m êm e de l’Eglise catholique e n France; la plus grave e t la plus
im portante fut la lu tte e n tre les Jésuites et les Jansénistes. I-es Jésuites
(voir p. 140) avaient eu une large p a rt dans l’oeuvre de la C ontre-
réform e; ils poursuivaient, e n tre autres, un b u t d 'ad ap tatio n de la morale
chrétienne aux besoins de la vie m oderne; ils avaient, à cet effet, beau
coup contribué à développer l’étude de la m orale dan s les cas particuliers
et pratiques, la casuistique, et quelques-uns de leurs auteurs, p ar excès
de sagacité, pour m o n trer ex actem en t les lim ites extrêm es de ce qui
pourrait être perm is dans certains cas particuliers, avaient énoncé des
opinions parfois étran g em en t relâchées; en outre, les Jésuites, d an s la
discussion sur un des problèm es les plus graves de la théologie, ie pru
blêm e de la grâce — où il s ’agissait de savoir si la grâce divine est à elle
seule capable de ren d re l'hom m e ju ste e t le sauver de la dam nation
éternelle, ou si le libre arb itre de l’hom m e y est pour quelque chose —
étaient p artisan s de la d o ctrin e qui réservait une p art relativem ent large
à la coopération du libre arbitre. O r, un évêque hoüundais, Jansénius,
p artan t des doctrines de Saint-A ugustin et ex ag éran t encore le rigorisme
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e t esthétique; des pièces d ’un goût plus raffiné furent com posées et
jouées; la m ode des com édies p asto rales e t d es tragicom édies
rom anesques, rem plies d ’av en tu res invraisem blables dom inait, mais
quelques p oètes essay aien t d é jà de suivre stric te m e n t les règles des
unités sans sacrifier pour cela l’in té rê t d ram atique. E n 1636, Pierre
C orneille (1606—84), originaire de R ouen, qui avait com posé auparavant
quelques com édies d ’un réalism e beaucoup plus élégant que celui de ses
contem porains, fit jo u er sa tragicom édie du C id, le p rem ier chef-d’œ uvre
du classicism e français, œ uvre d ’une grande force d ram atique et d ’un
rythm e puissant; il y avait, n o n san s quelque violence, et sans d ’ailleurs
observer strictem en t l’unité de lieu, réd u it aux lim ites d ’une durée de
24 heures, un épisode des M ocedades del C id de G uillén de C astro
(voir p. 189). 11 se conform a ex actem ent à to u te s les règles dans la série
des tragédies qui se su ccédèrent dans les années suivantes et qui sont
ses chefs-d’oeuvre: H orace, Cinna, Polyeucte, la m o rt de Pom pée,
Rodogune; c’est le fo n d ateu r du th éâtre du 17e siècle et l’aîné des grands
classiques; grâce à ses prem iers succès et à son prestige, le th éâtre
devint définitivem ent un grand a rt et un div ertissem en t hon n ête de la
bonne société et des fem m es du m onde. L’a rt de C orneille consiste à
m ontrer u n conflit où la force de l’âme trio m p h e des in stin cts les plus
naturels et spontanés (l’honneur, le patriotism e, la générosité, la foi
triom phent de l’am our, des liens de famille, du désir de vengeance); sa
conception de la grandeur d ’âm e s ’inspire de l’anthropologie cartésienne,
qui exaltait la dignité m orale e t rationnelle de l’hom m e. C orneille est
to u jo u rs grand, path étiq u e, sublim e; il est p arfois un peu raide, et un
peu ex travagant dan s l’in vention de ses conflits surhum ains. 11 vécut
longtem ps et continua d ’écrire d es tragédies; m ais il n e su t s’ad a p te r ni
à la galanterie ten d re d es précieuses ni au goût antirom anesque et à la
psychologie plus intim e e t plus hum aine de la g énération de Louis X IV ;
to u jo u rs respecté et adm iré, il cessa d ’être à la m ode, il fut quelque peu
négligé et oublié; dans les d ern iers tem ps de sa vie, il fut d ’hum eur
m orose et très m alveillant envers se s successeurs, su rto u t en v ers Racine,
de beaucoup le plus im p o rta n t d ’en tre eux. R acine é ta it son c a d e t de 33
ans (1639—99), le plus jeu n e des p oètes qui o n t illustré les d éb u ts du
règne de Louis X IV . Elevé p a r les Jan sén istes d o n t l’e sp rit l’avait p ro
fondém ent im pressionné, il se brouilla m écham m ent avec eux, en deve
n a n t «poète de théâtre», ce que leur rigorism e condam nait; m ais il en
garda to u jo u rs le rem ords. R acine é ta it très in stru it, sa v a n t m êm e; tout
son a rt se base sur une connaissance intim e d es gran d s classiques grecs;
trè s passionné, très m échant quand on s’opposait à scs passions ou à sa
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et à établir les ty p es é tem els d e la psychologie hum aine lui est com
mune avec to u te son époque, elle fait p a rtie de l’e sp rit classique, et elle
contribue à lim iter le dom aine du réel quotidien dans l’a rt littéraire,
dom aine d éjà fo rt restrein t p a r la sép aratio n des genres (voir p. 176)
qui défend de tra ite r sérieusem ent et tragiquem ent la réalité de tous ies
jours. T outefois, M olière e s t parm i les grand classiques celui qui est
allé le plus loin dans l’effort de p rése n te r la réalité telle qu’il l’observe
tous les jours, et ses ty p es s e n t p arfois fo rt individuels. Son Tartuffe,
p ar exemple, n’est pas u n iquem ent le type de l’hypocrite, m ais aussi un
sensuel dévoré de convoitises mal cachées, ce qui lui donne un caractère
assez particulier; et il en e st de m êm e d e la plu p art de ses personnages
qui so n t toujou rs des hom m es v ivant actuellem ent; et on s’est même
parfois dem andé si son intention n ’a pas dépassé, dans quelques cas, le
cadre de la com édie classique; on a voulu v o ir dans le 'h é ro s du M isan
thrope, A lceste, un personnage p lu tô t sérieux et m êm e p lu tô t tragique
que ridicule. C e tte in terp ré ta tio n est certainem ent fausse, du m oins
quand on veut s ’en ten ir à l’in ten tio n de M olière; pour lui, A lceste est
ridicule. M ais le fait que des critiques autorisés aient voulu la suggérer
est déjà assez significatif. La m orale de M olière est celle d e s h onnêtes
gens de son tem ps; il condam ne les vices et ies ridicules parce que ce
so n t des extravagances, des écarts de la ligne droite, de la voie m oyenne,
de la m esure hum aine im posée p a r la n atu re et la société. Il insiste un
peu plus que la p lu p a rt d e ses contem porains su r les d ro its de la n ature;
ce qui, chez lui, n ’est a u tre chose que le d ro it des jeu n es gens d'aim er
e t d’épouser celui ou celle qui leu r p laît; e t il e s t parm i les g rands clas
siques celui chez qui l’on sen t le m oins, en lisan t ses oeuvres, que c’est
un chrétien qui les a écrites. Sa m orale n ’a pas la pro fo n d eu r d’une
aspiration à la perfection, e t il n ’a pas non plus cet activism e révolu
tionnaire qui va se développer au siècle suivant. C ’est m oins la laideur
morale que le ridicule des vices qui fait l’o b je t de son art, e t il n ’espère
guère les corriger; b ien entendu, il est loin d ’en chercher les raisons
politiques ou sociales. Sa grandeur, com m e celle de tous les g ran d s clas
siques français, consiste p récisém ent à se ten ir d an s les lim ites d ’une
tâche bien circonscrite qui est, chez lui, la p ein tu re sur la scène des
ridicules d e la société; rien d e plus, rien d e m oins; m ais on c ro it p a r
fois sentir, sous sa g aîté pleine d e verve, une nuance de pessim ism e sec.
5) E n p arla n t de M olière, nous avons abordé le m oralism e. D ans sa
forme française, au 17e siècle, c’est une critique de la société basée sur
la généralisation de l’expérience, m ais lim itée aux expériences faites
dans «la cour et la ville», faisant ab stractio n de foute recherche
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188 D O C T R IN E G É N É R A L E D E S É PO Q Ü E 3 L IT T É R A IR E S
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où les gens de lettres jo u issen t d ’un prestige et d ’une lib erté plus gran d s
cju’auparavant, m ais d ’où le peuple p ro p rem en t d it est to u jo u rs exclu.
Il est vrai que de récen tes recherches o n t dém ontré qu’au cours du
siècle le m ouvem ent d e s idées s’éta it infiltré m êm e dans le peuple et
d an s les provinces.
3) C e m ouvem ent d ’idées n ’est pas p récisém ent créateur, m ais p lu tô t
propagandiste. P resque to u te s les idées du ÏSème siècle français o n t été
créées et exprim ées p en d an t les siècles précédents, mais c’est le 18ème
qui leur a donné une form e claire, universellem ent com préhensible et
active. E t de plus, il a fait converger to u tes ces idées vers un seul b u t:
celui de co m b attre le christianism e, e t plus que cela: to u te religion
révélée e t m êm e to u te m étaphysique. Parm i les personnages im p o rta n ts
du m ouvem ent des idées de ce siècle, il y en a qui o n t poursuivi ce b u t
plus ou m oins consciem m ent, e t avec plus ou m oins de radicalism e;
m ais aucun d ’eux n’est sérieusem ent intéressé à la religion chrétienne,
aucun non plus ne possède une com préhension sp o n tan ée et approfondie
de ses m ystères; e t la p lu p a rt cro ien t que les religions en général et
s u rto u t le christianism e c o n stitu en t le plus g ran d obstacle qui se so it
opposé e t s ’oppose to u jo u rs à ce que les hom m es v iv en t selon la raison,
en paix e t d an s l’ord re; le com bat co n tre la religion est donc chez ces
philosophes un com bat p ra tiq u e e t philanth ro p iq u e, et leur incrédulité
e s t p ro fondém ent op tim iste e t active. N o u s allons subdiviser n o tre
résum é du m ouvem ent des idées en q u atre p arties: d ’abord les déb u ts
avec la jeunesse de V o ltaire, ensuite M ontesquieu, puis l’Encyclopédie
et V o ltaire à Ferney, et enfin Rousseau.
4) Les grandes découvertes géographiques, cosm ographiques et en
général scientifiques du 16cme siècle avaient p rocuré à l’E urope un essor
intellectuel et économ ique im m ense; ce m ouvem ent n’avait pas cessé
depuis, l’expansion m atérielle e t intellectuelle de l’E urope contin u ait
dans to u s les dom aines. P ar contre, l’autre grand m ouvem ent du lôèm e
siècle, la R éform e, ne sem blait avoir causé que des m alheurs: u n réveil
des superstitions les plus stu p id es et les plus atroces, des guerres lon
gues et cruelles, ru in an t une grande p artie du continen t, et, ce qui fut
m oins funeste m ais aussi préjudiciable à la religion, d ’interm inables
polém iques et disputes e n tre le clergé des différents groupes. D epuis le
léèm e siècle quelques écrivains éclairés prêch aien t la tolérance, to u te
fois sans grand succès; leurs écrits re staie n t confinés à un public de
philosophes et d e sa v a n ts. En 1697, un éru d it français o riginairem ent p ro
testan t, persécuté en France, réfugié en H ollande, persécuté là aussi pour
ses idées tro p libres, P ierre Bayle (1647—1706), publia le D ictionnaire
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196 D O C TR IN E G É N É R A L E D E S ÉPO Q U E S L IT T É R A IR E S
historique e t critique d o n t l’in ten tio n originaire n ’avait été que de servir de
supplém ent à un dictionnaire an térieu rem en t com posé p a r M oréri. C ’est,
à prem ière vue, une oeuvre de sav an t com pilateur, co m prenant i’histoire,
la littératu re, la philologie, la m ythologie e t su rto u t la théologie e t l'his
toire du christianism e; ce so n t d ’ab o rd deux, plus ta rd q u atre énorm es
volumes; rien ne sem ble m oins fait pour plaire au public; e t ce fut un
des livres les plus répandus du siècle suivant. C ’est que Bayle, dégagé
de tout préjugé, nourri de connaissances vastes et solides, anim é d ’une
liberté d 'esp rit acquise p ar son trav ail personnel, excelle à p résen ter
dans les questions de la foi les diverses opinions, sans décider, mais
souvent avec quelque sym p ath ie pour des opinions hérétiques, e t to u
jours avec une im partialité p arfaite p o u r tous les p oints de vue, fussent-
ils catholiques, luthériens, calvinistes, hérétiques ou irréligieux; e t de
tout cela, i! se dégage l’idée q u ’aucun dogme religieux n’est assez
certain pour être digne qu'on se fasse tu e r ou qu’on veuiile tu e r les
autres pour lui; et la conviction n o n m oins im p o rtan te que la m orale
est indépendante de la foi religieuse. Son sty le quelque peu bavard,
entrem êlé de citatio n s grecques et latines, e t parfois d e gaillardises, est
néanm oins agréable, et il est p arfaitem en t dans le goût du I8ème siècle
qui aim ait ies panoram as variés de connaissances, pourvu qu’ils fussent
anim és par des anecdotes. Le d ictionnaire de Bayle fut le rép erto ire
des connaissances h istoriques e t théologiques du 18ème siècle. En mêm e
tem ps le cartésianism e avait suscité depuis le siècle précédent, dans la
société parisienne, beaucoup d ’in té rê t po u r les sciences; on p eut s ’en
rendre com pte en lisant les Fem m es savantes de M olière. D es vulgari
sations élégam m ent écrites pour les gens du m onde, su rto u t pour les
femmes, avaient un g ran d succès; c’est le cas des E n tretien s su r la
Pluralité des M ondes publiés en 1686 p a r Fonteneiie, un neveu de
C orneille, qui écrivit aussi une H isto ire d es O racles, livre destiné à
prouver que les oracles des anciens n e furent pas ren d u s p a r des
dém ons; en se m oquant d es m iracles des religions anciennes Fonteneiie
invite le lecteur à tire r lui-m êm e les conséquences p o u r les m iracles de
la religion chrétienne. V e rs la fin du règne de Louis X IV et sous la
Régence, il. y av ait beaucoup d ’a th ée s d an s le grand m onde; c’était
l’athéism e de ceux qui m éprisaient ia religion pour se livrer sans rem ords
à leur débauches, e t qui se m oquaient au tan t de la m orale que de Dieu;
cet athéism e m anquait d ’activité et d’am bition réform atrice. T outefois,
la société française é ta it bien p rép arée à l’idée du progrès scientifique,
de la tolérance et m êm e de l’irréligion, quand le m ouvem ent prit, vers
1730, une allure plus p ratiq u e dan s les m ains d e l’hom m e qui devint 1-
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LES TEMPS MODERNES 201
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générale, ce qui ne veu t dire a u tre chose, d 'a p rè s Rousseau, sinon qu’elle
sera forcée d’être libre. O n v o it que R ousseau, to u t en allan t bien plus
loin que M ontesquieu d an s ses idées su r la lib erté et l’égalité naturelles,
les g aran tit toutefois fo rt insuffisam m ent c o n tre les abus, et même
contre la d estruction to tale; to u t dépend de la m anière d o n t on
in terp rè te la conception de la volonté générale, et d es m éthodes
d o n t on se se rt pour lui perm ettre de se prononcer. L’influence
des idées politiques de R ousseau a été im m ense, comm e on sait, de
m êm e que l’influence générale de son génie. D ’un coup, les forces sp iri
tuelles de l’individu sen sib le furent rétablies, contre-balançant et mêm e
évinçant le rationalism e et le m atérialism e des encyclopédistes. Sa N o u
velle H éloïse, rom an d ’am our-passion d ’une puissance d ’épanchem ent
inconnue ju sq u ’alors, et ses Confessions, autobiographie où il étale avec
une sensibilité p ath étiq u e et un peu criarde ses gloires et ses hontes,
livre terriblem ent inju ste e t indiscret m ais p o u rtan t magnifique, o n t
créé un lyrism e to u t nouveau, profond, personnel, intim e, à longue
haleine, e t dont le côté idyllique n ’est plus u n jeu élégant, mais un
besoin et un refuge de l’âm e humaine.
8) T ous les gran d s hom m es de la litté ra tu re du 18ème siècle sont
m o rts av an t la R évolution que tous avaient co n trib u é à p rép arer, et qui
s ’est réalisée d’une m anière beaucoup plus radicale qu’aucun d ’eux n ’a
pu l’im aginer. Elle a com plètem ent changé l’atm osphère m orale et
sociale de la France e t m êm e de l’E urope entière, puisque se s idées se
rép an d iren t vite e t qu ’elle fu t suivie p a r les longues guerres de l’époque
napoléonienne, p en d an t laquelle les arm ées françaises co n q u iren t presque
to u t le continent. E n a n éan tissa n t l’ancienne société elle a interrom pu
la vie littéraire, qui ne s ’e st réorganisée q u ’ap rès la chute de N apoléon
en 1815. La litté ra tu re de la R évolution m êm e n ’a pas d onné d es œ uvres
de prem ière im portance; B eaum archais, a v en tu rier et poète d e comédies,
hom m e trè s doué e t brillan t, d o n t une com édie, le M ariage de Figaro
(1784), eut un succès de scandale politique, n 'a guère com pris le fond des
problèm es de l’époque; l’éloquence politique, qui ren aq u it ap rès deux
siècles de silence, fut p arfo is vigoureuse e t passionnée (M irabeau), mais
tro p enflée e t tro p rem plie d e clichés o rato ire s. Le sty le officiel de la
R évolution e t de l’E m pire se développait d e plus vers une im itation
assez froide d e l’an tiq u ité rom aine; c’é ta it le style de la v ertu e t de
l hcroïsm e. La période du re to u r aux form es an tiq u es qui se place e n tre
le sty le du 18e siècle e t celui des préro m an tiq u es a toutefois p ro d u it un
grand poète lyrique qui p é rit jeune, victim e de la R évolution; c’est
A n d ré C hénier (1762— 1794). Son œ uvre s ’in sp ire des élégiaques grecs.
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III. L e R o m a n tis m e .
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IV. C o u p d ’œ i l s u r l e d e r n i e r s i è c l e .
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vités littéraires fort, diversém ent, selon les opinions qu’on s ’est form ées
sur la situ atio n présente. Je m e bo rn erai à relever les ten d an ces e t les
faits qui m e sem blent les plus im p o rtan ts, san s m ’a tta c h e r aux d é
nom inations usuelles d'écoles littéraires (réalism e, naturalism e, sy m b o
lisme, etc.) qui ne conviennent guère à m on bu t. Je serai fo rt bref, car
dès qu’on en tre ta n t soit peu dans les détails, on ne sa it plus où
s ’arrêter; la production littéraire de ce tte époque est énorm e.
1) C ’est par ce phénom ène, la m asse énorm e de la pro d u ctio n litté
raire, que je com m encerai. D epuis le 19e siècle, dans la p lu p art des
pays européens, tout le m onde sait lire, to u t le m onde veut lire, et les
progrès techniques de l’im prim erie p e rm e tte n t la satisfactio n de ce
besoin de lecture. La presse, dont les éditions arriv en t une fois, deux
fois, trois fois par jour, e t où, à côté des info rm atio n s politiques, on
trouve des articles littéraires, d es rom ans, des nouvelles, des com ptes-
rendus; les périodiques littéraires ou dem i-littéraires, jo urnaux illustrés,
m agazines etc.; enfin les livres: livres de poésie, th éâtre, rom ans, col
lections d'essais, études critiques — quiconque a jam ais travaillé d an s
l’adm inistration d ’une des grandes bibliothèques européennes e t a pu voir
de ses pro p res yeux la m asse im m ense de p ap ier im prim é qui y e n tre
jo u r par jo u r ne p eut guère se gard er d ’u n sen tim e n t d ’effroi. D epuis
à peu près 30 ans, cependant, le ciném a et la radio com m encent à
su pplanter graduellem ent la lecture; on s ’habitue peu à peu à la rem
placer par des im pressions visuelles e t auditives, et à ne plus lire que
pour s’instruire et se renseigner. M ais le 19e siècle lisait p o u r le plaisir
de la lecture; et il é ta it inévitable que le niveau esth étiq u e des p ro
ductions littéraires destin ées à une si grande m asse de consom m ateurs
baissât, d’a u tan t plus que cette m asse n’avait p as encore une conscience
n e tte de ce qu’elle était; ce q u ’elle d em an d a it e t ce qu’on lui fournissait,
n’était pas une litté ra tu re v raim en t populaire, m ais une im itatio n affadie
de la littératu re d ’élite; la fausse élégance, le m élodram e, l’invraisem
blance e t le cliché des sen tim en ts y dom inaient.
2) C ela a contribué à creu ser un abîm e e n tre les écrivains distingués
et le grand public, abîm e d o n t nous avons déjà parlé à p ro p o s du
R om antism e. B eaucoup d ’auteurs qui so n t parm i les plus rem arquables
du 19e siècle ont profond ém en t m éprisé le com m un des lecteurs, c’est-
à-dire la m asse de la bourgeoisie; ils ne pouvaient pas non plus se faire
en tendre du peuple, puisque le peuple, en ta n t que public littéraire,
n avait encore aucune autonom ie; il n ’arrivait que fort len tem en t à la
pleine conscience de son existence politique, et encore plus len tem en t
à la réalisation de son existence e t de sa volonté esthétiques: il restait.
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L E S T E M P S M O D ER N ES 225
226
QUATRIEME PARTIE.
GUIDE BJBLIOGAPHIQUE.
La liste -des livres que nous allons d onner dans les pages suivantes
est destinée aux é tu d ian ts et aux déb u tan ts en général; elle contiendra
donc su rto u t des in tro d u ctio n s e t des rép erto ires; on tro u v era d an s ces
livres des bibliographies plus spécialisées qui p erm e ttro n t de se ren
seigner su r les problèm es particuliers qu’on v o u d ra ap profondir; on
trouvera aussi, dans les indications bibliographiques des œ uvres d’his
toire littéraire, les éditio n s critiques des différents auteurs. P our une
étude scientifique, il faut se serv ir de la m eilleure édition critique qui
existe de l’auteur en question; ce sera, e n règle générale, la plus récente.
C haque citation d ’un auteur, d ’un livre d ’érudition ou d ’un article de
revue doit être accom pagnée d ’une n o te en bas de page in d iq u an t
exactem ent l'en d ro it où on l’a trouvée, (auteur, titre, édition, nom de la
revue, lieu et date de la publication, volume, page, nom bre du chant e t
du vers etc.). Si l’on em ploie des abbréviations p o u r citer des titres
(p. ex. ThLL pour T hésaurus linguae latinae, ou R po u r la revue
Romania), il faut en d onner une liste alphabétique; il v aut mieux éviter
l’abbréviation 1. c. (lieu cité) pour épargner au lecteur le travail quelque
fois assez long et pénible d e ch erch er la citation antérieure; il est
préférable de ré p é te r b rièvem ent le titre.
L’étu d ian t au ra so u v en t besoin d ’un renseignem ent qui n ’est p as du
dom aine de la philologie rom ane, p a r exem ple su r u n e question d’his
toire, de droit, d ’économ ie, d ’a r t etc.; s ’il n e sa it p as où le tro u v er, le
mieux est d e consulter une des g ran d es encyclopédies m odernes (alle
m andes, anglaises, françaises, italiennes); leurs articles so n t souvent
excellents, e t ils d o n n en t to u jo u rs des indications bibliographiques
abondantes.
N otre b ib lio g rap h ie sera com posée de d eu x p a rtie s: l'u n e p o u r la lin guistique,
e t l’a u lrc p o u r la litlé ra lu re . A u 19e siècle, on a essay é p lu sie u rs fois de réu n ir
ces d eu x p a rtie s île la philologie ro m an e d a n s une seule «encyclopédie». Nous
citons la d ern ière e t la p lu s im p o rta n te de ces encyclopédies, d o n t plu sieu rs
volum es son! to u jo u rs fo rt p ré c ie u x :
G ro b er, G u s ta v (et co llab o rateu rs): G ru n d ris s d e r ro m a n isd ie n Philologie.
S tra ssb u rg , 1838 e t ss.; p lu sieu rs volum es en seconde édition.
C
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227
A. LINGUISTIQUE
I. L i n g u i s t i q u e g é n é r a l e e t m é t h o d o l o g i e l i n g u i s t i q u e
Saussure, F. de: Cours de linguistique générale, Genève 1916, 3e éd. Paris 1931
(traduction espagnole Buenos Aires 1955).
Meillet, .A.: Introduction à l’étude comparative des langues européennes, 7e éd.
Paris 1935.
Devoto, G.: Origini indoeuropee, Firenze 1962.
Meillet, A.: Linguistique historique et linguistique générale, 2 vol. Paris 1921, 1936.
Brunot, F.: La pensée et la langue. 3e éd. 1936.
Bally, Ch.: Linguistique générale et linguistique française. Berne 19442.
Grammont, M.: Traité de phonétique. Paris 1933,
Wartburg, W. v.: Einführung in Problematik und Methodik der Sprachwisserischaft,
Halle 1943, édition française, Paris 1946, 21962 (Tübingen).
Hccket, Ch. F.: A Course in Modem Linguistics, New York 1958.
Parmi les livres qui ont contribué à la formation de l’école idéaliste (p. 20) je
citerai:
Croce, Benedetto: Estetica corne scienza dell’espressione e linguistica generale. Bari.
Première éd vers 1900, 3e en 1909 actuellement 6e ou 7e; traduit en alle
mand, anglais, français.
Vossler, K.: Gesammelte Aufsiitze zur Sprachphilosophie, München 1923.
Vossler, K.: Geist und Kultur in der Sprache. Heidelberg 1925.
Porzig, W.: Das Wunder der Sprache, Bern 1950, "1957.
Borst, Arno: Der Turmbau zu Babel, I/IV, Stuttgart 1957—63.
II. Dictionnaires
a) Latin
Thésaurus linguae latinae. Leipzig, depuis 1900; en cours de publication.
Forcellini-de-Vit: Totius latinitatis Icxicon. Prati 1858— 1875.
Pour le latin des documents historiques du moyen âge:
Ducange, Ch.: Giossarium mediae et infimae latinitatis. Ed. L. Favre. 10 vol. (le
neuvième contient un glossaire d’ancien français). Graz 1954 (Copie photo
typique de l’édition N iort 1883—87. La première édition parut à la fin du
17e siècle.)
Biaise, A.: Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, Strasbourg 1954.
Soutcr, A.: A Glossary of later Latin. London 1949, *1957, (Oxford).
( ( ( C ( ( C C ( ( ( ( ( C ( (
228 G U ID E BIBLIO G RA H IQ U E
Mittcllateinisches Wôrterbuch bis zum ausgehenden 13. Jahrhundert, hgg. von der
Bayerischen Akademie der Wissenschaften und der deutschen Akademie der
Wissenschaften zu Berlin, München, en cours de publication depuis 1959.
c) Français
1. Dictionnaires étymologiques
Wartburg, W. v.: Franzôsisches etymologisches Wôrterbuch, Bonn, plus tard Leipzig
et Berlin, (depuis 1944 Bâle) en cours de publication depuis 1928. Compre
nant tout le vocabulaire gallo-roman, y compris les dialectes et le provençal.
Gamillscheg, E.: Etymologisches Wôrterbudi der franzôsischen Sprache, Heidelberg
1928.
Bloch, O. (et W. von Wartburg): Dictionnaire étymologique de la langue fran
çaise. 3e éd. refondue par W. v. W., Paris 1960.
Dauzat, Albert: Dictionnaire étymologique de la langue française. Paris 1938. 7e
éd. rev. et augm. 1947.
2. Dictionnaires généraux
Dictionnaire de l’Académie Française. 8e éd. 2 vol. Paris 1932—35. (Première
ed. 1694).
Littré, F,.: Dictionnaire de la langue française. 7 vol. Paris 1956—58.
Darmesteter, A., et A. Hatzfeld, avec la collaboration de A. Thomas: Dictionnaire
général de la langue française. 2 vol. Paris 1895. 1900.
Robert, P.: Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris,
en cours de publication depuis 1951.
C
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I.INGUISTIQIIF. 229
d) A ncien Provençal
Raynouard, M.: Lexique roman ou dictionnaire de la langue des Troubadours . . .
6 vol. Paris 1838—44.
Levy, E.: Provenzaüsches Supplementworterbuch. Fortges. v.C. Appel. 8 Tle,Leip
zig 1894—1924.
Levy, E.: Petit dictionnaire provençal-français. Heidelberg 1909 (réimpr. 1961).
e) italien
1. Dictionnaire étymologique
Battisti, C.: Alessio, G.: Dizionario etimologico italiano I/V, Firenze 1950—1957.
Prati, A.: Vocabolario etimologico italiano, Milano 1951.
2. Dictionnaires généraux
Vocabolario degli Accademici délia Crusca. 5a impressione, Firenze; Depuis 1863.
Tommaseo, Niccolè e B. Bellini: Dizionario délia lingua italiana. Nouvelle édition.
6 vol. Torino 1929.
Petrocchi, P.: Novo dizionario universale délia lingua italiana. Milano I/Il
1894—1900.
Battaglia, S.: Grande dizionario délia lingua italiana, Torino depuis 1961.
f) Espagnol
1. Dictionnaires étymologiques
Corominas, J.: Diccionario critico etimologico de la lengua castellana, 4 vol, Berna
1954.
Garcia de Diego, V.: Diccionario etimolégico espanol e hispânico, Madrid 1954.
2. Dictionnaires généraux
Covarrubias: Tesoro délia lengua castellana. Madrid 1611, réimpr. Barcelone 1943.
Diccionario de la lengua castellana . . . compuesto por la Real Aeademia espanola.
Madrid, première édition 1726-39, 14e éd. 1914, 15e éd. 1956.
g) Portugais
1. Dictionnaires étymologiques
Antenor Nascentes: Dicionârio etimologico da lingua portuguèsa, 2 vol. Rio de
Janeiro 1932—52.
Caldas Aulete, F. J.: Dicionârio contemporâneo de lingua portuguèsa. 2a ed. 2 vol.
Lisboa 1925.
Caldas Aulete, F. J.: Dicionârio contemporâneo da lingua portuguèsa, V, Rio 1958.
Figueiredo, C. de: Novo Dicionârio de Lingua Portuguèsa, 5a ed. Lisboa 1939. cd.
h) Catalan
Diccionari Català — Valencià — Balear, redactat d? Mn. Antoni Ma. Alcover y En
Francesco de B. Moli, Palma de Mallorca X 1930—1962.
( (' f ( ( ( (
( ( ( ( ' . \ ( ( (' (. (
i) R oum ain
1. Dictionnaires étymologiques
Puscariu, S.: Etymologisches Worterbuch (1er rumânischen Sprache. Heidelberg 1905.
Cioranescu, A.: Diccionario etimolôgico rumano, La Laguna, en cours de publica
tion depuis 1958.
2. Dictionnaires généraux
Diction-ami Hrr.hiï Romîne, IV, Bucuresti 1955— 1957.
Dictionarv.1 iimbii romîne moderne, Bucuresti 1958.
Dictionarul enciciopedic romîn, Bucuresti 1962 ff.
Dictionarul Iimbii romîne literare contemporane. Academia Repubiicii Populare
Romîne, 1955.
k) Sarde
Wagner, M. L.: Diziortario ctimologico sardo, Heidelberg, en cours de publication
depuis 1957.
l) Rhéto-R om an
Dicziunari rumantsch grischun, publichà da la Socîètà Retorumantscha . . Cuoira,
en cours de publication depuis 1939.
m ) Terminologie linguistique
Marouzeau, J.; Lexique de la terminologie linguistique, Paris 1933.
Hofmann, J. B. et Rubenbauer, H.: Wôrtcrbuch der grammatischen und metrischen
Terminologie, Heidelberg 1950.
Lazaro Carreter, F.: Diccionario de términos fîlologicos, Madrid 1953.
Sprachwissenschaftliches Worterbuch, hgg. von Johann Knobloch, Heidelberg, en
cours de publication depuis 1961.
Gamilischeg, E.: Die Sprachgeographic und ihre Ergebnissc fur die allgcmeine
Sprachwissenschaft, Bielcfcld und Leipzig 1928.
Jaberg, K.; Aspects géographiques du langage, Paris 1936.
Dauzat, A.: La géographie linguistique. Nouv. éd., Paris 1943.
Coseriu, E.: La geografîa lingüistica, Montevideo 1956.
Alvar, M.: Los nuevos atlas lingüisticos de la Romania, Granada 1961.
Les Atlas linguistiques les plus importants pour les langues romanes sont les
suivants:
Atlas linguistique de la France, public- par J. Giih'eron et E. Ed/nont. Paris
1902— 1912.
c
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i
LIN G U ISTIQ U E 231
Sprach- und Sachatlas Italiens und der Südschweiz, von K. Jaberg und J. jud,
Zofingen 3928 fî.
Atlasul linguistic Român (sous la direction de SextU Puscariu), Cluj 1938 ss. (Ser.
noua 1956 ff.)
Griera, A.: Atlas linguistic de Catalunya. Barcelona 1923—26.
Atlas lingüistico de la Penmsula ibérica. Madrid 1962 ss.
Il existe, en outre, de nombreux dictionnaires de dialectes.
b) Langue française
1. Histoire de la Langue
Brunot, Ferdinand: Histoire de la langue française. 13 vol. Paris, depuis 1905.
Kukenheim, Louis: Esquisse historique de la linguistique française et de ses rapports
avec la linguistique générale. Leiden 1962.
Vossler, K.: Frankreichs Kultur und Spracne. 2 Aufl. Heidelberg 1929.
Dauzat, A.: Histoire de la langue française. Paris 1930.
Wartburg, W. von: Evolution et structure de la langue française. Paris 1934. 5e
édition Berne 1958.
Bruneau, Ch.: Petite histoire de la langue française, 2 vol.. Paris 1955—58.
François, A.: Histoire de la langue française cultivée dos origines à nos jours. 2 vol.,
Genève 1959.
2. Grammaire historique
Brunot, F., et Ch. Bruneau: Précis de grammaire historique de la langue française.
Paris 1933.
Nyrop, K.: Grammaire historique de la langue française. 6 vol. (dontle i eren 3e,le
second en 2e. éd.) Copenhague 1908—30.
Meyer-Lübke, W.: Historische Gramrnatik der franzôsischen Sprachc.2 vol.Heidel
berg 1913—21.
Régula, M.: Historische Gramrnatik des Franzôsischen. 2 vol., Heidelberg 1955—56.
3. Ancien français
Anglade, J.: Grammaire élémentaire de l’ancien français, 3e éd. Paris 1926.
Schwan, E. et D. Behrens: Grammaire de l’ancien français. Trad. française. Leipzig
1932. (L’édition originale, en allemand, a été souvent réimprimée).
Foulet, L.: Petite syntaxe de l’ancien français. 3e éd. Paris 1930—41963.
Alessio, G.: Grammatica storica francese, 2 vol. Bari 1951—55.
Fouché, P.: Phonétique historique du français. 3 vol., Paris 1952— 1960.
Rheinfelder, H.: Altfranzôsische Gramrnatik, Lautlehre 2e cd., München 1953
(M962).
Vorctzsch, K.: Einführung in das Studium der nîtfranzôsischen Sprachc. 8e cd. bear-
beitet von Gerhard Rohlfs. Tübingen 1955.
Rohifs, G.: Vom Vulgarlatein zum Altlranzôsischen. Einführung in das Studium
der nîtfranzôsischen Sprachc. Tübingen I960, =1963.
C
( ( ( ( ( ( ( ( ( ( C ( ( ( c
LINGUISTIQUE 233
c) Langue provençale
Grandgent, C. H.: An outline of the phonology and morphology of old Provençal,
Boston 1905.
Schultz-Gora, O.: Âltprovenzalisches Elementarbuch. 3. Aufl. Heidelberg 1915.
En outre, on peut recourir aux grammaires comparées des langues romanes, citées
sous IV a, surtout aux livres de Meyer-Lübke et de Bourciez, et aux antho
logies de Pançien provençal citées plus loin, sous B, qui contiennent presque
toutes un précis de grammaire.
d) Langue italienne
Wiese, B.: Altitalienisches Elementarbuch, Heidelberg 1905.
D’Ovidio, Fr., et V7. Meyer-Lübke: Grammatica storica délia lingua e dei dialctti
italiani. Milano 1906 (L’original, en allemand, a paru dans la seconde édition
du premier volume du Grundrift der romanischen Philologie de Grôber).
Meyer-Lübke, W.: Grammatica storica comparata délia lingua italiana e dei dialetti
toscani. Nuova ed. Torino 1927. (trad. de i’allem.)
Bertoni, G.: Italia dialettale. Milano 19f6.
Devoto, G.: Profilo di storia linguistica italiana, Firenze 1953.
Rohlfs, G.: Historische Gramrnatik der italienischcn Sprachc, 3 vol. Bern 1949—54.
Migliorini, B.: Storia délia lingua italiana, Firenze 1960.
( : ( ( ( ( ■ { { ( ( { ( ( ( (
e) Langue espagnole
Menéndez Pidal, R.: Orfgenes del Espnnol. 2a ed. Tomo I. Madrid 1929 (31950).
Menéndez Pidal, R.: Manuai de Gramatica histdrica espanola, 4a ed. Madrid 1918
(s1949).
Hanssen: Gramatica histdrica de la iengua castellana. Halle 1913.
Zauner, A.: Altspanisches FJementarbuch. 2. Aufl. Heidelberg 1921.
Entwistle, W. j.: The Spanish Language togethcr with Portugucse, Catalan and
Basque. London 1951.
Lapesa, R.: Historia de la Iengua espanola. 4e éd. Madrid 1959.
Enciclopedia lingülstica hispanica, Madrid, en cours de publication depuis 1960.
Baldinger, Kurt: Die Herausbildung der Sprachraume auf der Pyrenaenhalbinsei,
Berlin 1958 (trad. esp. augm. Madrid 1964).
f) Langue catalane
Meyer-Liibke, W.: Das Kataianische. Heidelberg 1925.
Huber, J.: Kataianische Grammatik, Heidelberg 1929.
Fabra, P.: Gramatica catalana. 6a ed. Barcelona 1931.
Fabra, P.: Abrégé de grammaire catalane. Paris 1928.
Griera, A.: Gramatica historien del Català antic. Barcelona 1931.
Badla Marguerit, A.: Gramatica histdrica catalana, Barcelona 1951.
Moll, F. de B.: Gramatica histôrica catalana. Madrid 1952.
g) Langue portugaise
Leite de Vasconcellos, J.: Esquisse d’une dialectologie portugaise. Paris 1901.
Huber, j.: Altportugiesisches Elemcntarbudi. Heidelberg 1933.
Williams, E. B.: From Latin to Portuguese, Philadelphia 1938.
Silva Neto, S. da: Histdria da llngua portuguêsa, Rio de Janeiro 1952 ss.
h) Langue roumaine
Densusianü, O.: Histoire de la langue roumaine. 2 vol. Paris 1901/14.
Tiktin, H.: Rumanisches Eiementarbuch. Heidelberg 1905.
Puscariu: Geschichte der rumanischen Sprache, iibersetzt von FI. Kuen, Leipzig 1944.
Weigand, G.: Praktische Grammatik der rumanischen Sprache. 2. Aufl.Leipzig 1918.
Tagliavini, C.: Grammatica délia lingua rurnena. Heidelberg 1923.
Tagliavini, C.: Rumanische Konversationsgrammatik, Heidelberg 1933.
Cartianu, A., Levitchi, L., Stefanescu-Dragânesti: A Course in Modem Rumanian,
Bucuresti 1958 ff. (II)
Pop, S.: Grammaire Roumaine, Bern 1948.
Popinccanu, I.: Rumanische Elcmentargrammatik, Tübingcn SÎ962.
i) Langue sarde
Wagner, M. L.: La lingua sarcla: Forma, storia, spirito, Bern 1951.
c
( ( ( C c ( ( ( ( ( ( ( c ( (
235
B. LITTÉRATURE
Saintsbury, G.: A history of criticism and literary taste in Europe front the earliest
texts to the présent day, 3. vol. 4th ed. I.ondon 1922/23.
Wellek, R.: A History of Modem Criticism, I/II New Haven 1955 (Geschichte der
Literaturkritik, Darmstadt 1959).
Lanson, G.: Méthodes d’histoire littéraire. Paris 1925.
Collomp, P.: La critique des textes. Paris 1931.
Rothadter, E.: Einleitung in die Geisteswissensdiaften. 2. Aufl. 1930.
Kayser, Wolfgang: Das sprachliche Kunstwerk. 5. Aufl. Bern 1959.
Wellek, R. et Warren, A.: Theory of Literature. New York 1956; traduction alle
mande Bad Homburg vor der Hôhe 1959 (livre de poche allemand 1962).
Gadamer, H. G.: Wahrheit und Méthode, Tübingen 1960, 21964.
Ingarden, R.: Das literarisdie Kunstwerk, Tübingen *1960.
Pour la littérature comparée, on peut se renseigner dans les fascicules de la Revue
de littérature comparée, que nous citerons dans notre liste de périodiques, et
dans le guide bibliographique suivant:
Betz, L. P. et F. Baldensperger: La littérature comparée. 2e éd. Strasbourg 1904.
Pour l’analyse des styles littéraires, qui se développa sous l’influence des méthodes
correspondantes de quelques historiens d’art (H. Wolfflin et M. Dvorak), on en
trouve des exemples qui intéressent les romanistes dans les nombreux travaux de
critique littéraire de B. Croce, K. Vossler et L. Spitzer. Un grand nombre d’articles
de ce dernier, qui sont particulièrement instructifs à cause de leur base linguistique,
sont réunis dans les recueils suivants:
Spitzer, L.: Stilstudien, 2 vol. München 1928, *1961.
Spitzer, L.: Romanische Stil- und Literaturstudien. 2 vol. Marburg 1931.
Guiraud, P.: La stylistique, Paris 1954.
Spitzer, L.: Linguistics and Literary History. Princeton, New Jersey 1948.
Spitzer, L.: Romanische Literaturstudien 1936—1956,Tübingen 1959.
Hatzfcid, H .: Bibliografia critica de la nueva estiltstica aplicada a las literaturas
românicas, Madrid 1955.
Un essai de suivre l’évolution de certains phénomènes littéraires à travers toute
l’histoire européenne, en se basant sur l’analyse de textes, a été récemment publié:
Auerbach, E.: Mimesis. Dargcstellte Wirklichkeit in der abendlandischen Litetatur.
Bern 1946 (*1959).
L’analyse des styles littéraires peut servir à donner une base philologique à la doc
trine des époques, très approfondie partout, surtout en Allemagne, depuis les
traveaux de W. Diltbcy. Le livre de M. Huizinga sur le déclin du moyen âge, que
( ( ( ( ( I I ( ( ( ( ( ( ( ( (
nous citerons plus bas, est le spécimen le plus brillant de ce genre d’études dans les
derniers temps.
Pour la littérature latine du moyen âge dont l’étude est indispensable pour la
compréhension des oeuvres médiévales en langue vulgaire, je nommerai quelques
manuels et anthologies:
Manitius, M-: Geschichte der lateinischen Literatur des Mittelalters. 3 vol. München
1911— 31 (Handbuch der Aitertumswissenschaften).
Strecker, Karl: Introduction to Médiéval Latin. Berlin 1957.
Laugosih, Karl: Lateinisches Mktelaltci. Darmstadt 1963.
Wright, F. A., et T. A. Sinclair: A history of later Latin literature, London 1931.
Ghelünck, J. de: La littérature latine au moyen âge. Paris 1939.
Gheliinck, J. de: L’essor de la littérature latine au 12e siècle, 2 vol. Bruxelles-
Paris 1946.
Harrington, K. P.: Médiéval Latin. Boston 1925.
Beeson, Charles H .: A Primer of médiéval Latin, Chicago 1925.
Une anthologie publiée en Allemagne, sous ie titre Roma aeterna, contient dans
son second volume des textes latins du moyen âge et de la Renaissance.
Pour l’influence de la littérature latine médiévale sur les littératures en langue
vulgaire, il faut consulter surtout les publications de E. Faral et ie volume de
Curtius. E. R.: Europâische Literatur und lateinisches Mittelalter.Bern 1948 (’ 1963),
Curtius, E. R.: Gesammelte Aulsâtze zur romanischen Philologie, Bern und Mün
chen I960.
a) Bibliographie
Lanson, G.: Manuel bibliographique de la littérature française moderne. 3e éd.
Paris 1925.
Pedern, R.: Répertoire bibliographique de la littérature française des origines à 1911.
Leipzig und Berlin 1913.
Giraud, J.: Manuel de bibliographie littéraire pour les 16e, 17e et 18e siècles
1921—1935: Paris 1939.
Thieme: Bibliographie de la littérature française de 1800 à 1930. Paris 1933, 3 vol.
1930—39. (en cours de publication) Gcnf 1948.
Cabeen, D. C.: A Critical Bibiiography of French Literature. 4 vol., Syracuse 1947.
Bossuat, R.: Manuel bibliographique de la littérature française du Moyen Age.
Melun 1951 (deux suppléments postérieurs).
Cioranesco, A.: Bibliographie de la littérature française du seizième siècle. Paris
1959.
Klapp, O.: Bibliographie der franzosischen Literaturwissenschaft. (trois vol. parus)
1er vol. Frankfurt I960. 2e vol. 1961. 3e vol 1963, 4e vol. sous presse.
c
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LITTÉRATURE 237
d) Le m oyen âge
Dictionnaire des Lettres Françaises, sous la direction du Cardinal G. Grentes. Le
moyen âge, Paris 1964.
Paris, Gaston: La littérature française au moyen âge. 2e éd. Paris 1888.
Paris, Gaston: La poésie du moyen âge, 2e éd. 2 vol. Paris 1885—95.
Paris, Gaston: Poèmes et légendes du m. â. Paris 1900 — Légendes du m. â. Paris
1903.
Paris, Gaston: Mélanges de littérature française du moyen âge. Paris 1912.
Cohen, Gustave, dans: Histoire du moyen âge, tome V III: La civilisation occiden
tale au moyen âge. Paris 1934. (Comprend le développement général des
littératures européennes au moyen âge.)
Pauphilet, A.: Le Moyen Age. Paris 1937 (Hist. de la lit!:, française p. sous la dir.
de F. Strowski et G. Moulinier).
Homes, Urban T.: A history of old Frendi literature. Chapel Hill, N . C., 1937
(réimprimé plusieurs fois).
Zumthor, P.: Histoire littéraire de la France médiévale (VIe-XTVe siècles), Paris
1954.
Bossuat, A.: Le Moyen Age. Paris 1958.
Bossuat, R.: Le Moyen Age. Paris 1955.
Viscardi, A.: Storia delle letterature d’oc e d’oil. Milano 1955.
Kukenheïm, L. et H. Roussel: Guide de la littérature française du Moyen Age,
Leiden 1957.
Cohen, G.: La grande clarté du moyen âge, New York 1943.
Langlois, Ch.-V.: La vie en France au moyen âge, nouv. éd. 4 vol. Paris 1926—28.
{ ( ( ( ( ( ( I' C ( ( ( c
LITTÉRATURE 239
je citerai d’abord un. chef-d’oeuvre célèbre qui embrasse beaucop plus de sujets
littéraires que son titre r.e promet:
Sainte-Beuve, Ch.-A.: Port-Royal, 5 vol., Paris 1840—59; 3e éd., 1867—-71, 7 vol.;
souvent réimprimé, r. la nom. éd. (La Pléiade), Paris 1952.
J’ajoute quelques livres sur la société, les doctrines littéraires et le théâtre. Pour la
société de l’ancien régime (17e et Î8e siècle) il faut nommer d’abord les oeuvres de
Taine (L’ancien régime et la révolution; Essais de critique et d’histoire; La Fontaine
et ses tables). Parmi les livres plus récents je citerai:
Magendie, M.: La politesse mondaine et les théories de l’honnêteté de 1600 à 1660.
2 vol. Paris 1925.
Bray, René: La formation de la doctrine classique. Paris 1927 (1961).
Âuerbach, E.: Pas franzôsische Publikum des 17. Jahrhunderts, München 1933.
dans: Vier Untersuchungen zur Gesdhichte der franzôsischen Bildung, Bern
1951.
Peyre, Henri: Le Classicisme français, New York 1942.
Bénichou, P.: Morales du Grand Siècle. 6e éd Paris 1948.
Tortel, J.: Le préclassicisme français, Paris 1952.
Adam, À.: Histoire de la littérature française au XVlIe siècle, 5 vol. Paris 1956.
Dictionnaire des Lettres Françaises, publié sous la direction du Cardinal Georges
Grentes. Le Dix-septième siècle. Paris 1954.
Sur le théâtre:
Despois, F..: Le théâtre français sous Louis XIV. 2e éd. Paris 1882.
Rigal, E.: Le théâtre français avant la période classique. Paris 1901.
Lanson, G. : Esquisse d’une histoire de la tragédie française, Ncuv. éd. revue. Paris
1927.
Lancaster, H . Carrington: A history of Frencn dramatic literature in the seven-
teenth century. 3 parts in 6 volumes. Baltimore and Oxford 1929—36.
Enfin deux livres sur la fin du grand siècle:
Tilley, A.: The décliné of the âge of Louis XIV or Frencn literature 1687—1715.
Cambridge 1929.
Hazard, Paul: La crise de la conscience européenne, 1680— 1715, 2 vol., Paris 1935.
g) Le i8 e siècle
Les chapitres de Lanson et le volume de Faguet sur le 18e siècle, mentionnés sous
b), peuvent servir d’introduction. Un livre allemand
Hettner, A.: Gesdiichte der franzôsischen Literatur im aditzehnten Jahrhundert.
7. Aufl. Braunschweig 1913
peut encore être cité comme étude d’ensemble. Du reste je ne vais citer ici que
quelques études récentes et particulièrement intéressantes sur des problèmes d’in
fluences et de courants.
G
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LITTÉRATURE 241
IV. L i t t é r a t u r e i t a l i e n n e
De Sanctis, F.: Storia délia letteratura italiana. 2 vol.; Oeuvre célèbre, parue vers
1870, souvent réimprimée,, p. ex. Milano 1928 et Bari 1933. éd. allemande
(Krôncr). Stuttgart 1940.
( . ( ( ( . V ( ■ ( ( ( c ( r ( c c
V. Littérature Espagnole
Foulché-Delbosc, R. et L. Barrau-Dihigo: Manuel de l’hispanisant. I. New York
1959.
Simon Diaz, j a Bibliografia de la literatura hispanica, Madrid en cours de pub
lication depuis 1950.
Sévis, H.: Manual de Bibliografia de la literatura espanola. I. Syracuse, New Ybrk
1948.
Fitzmaurice-Kelly, J.: Historia de la literatura espanola, trad. por A. Bonilla y
San Martin. 4a ed. Madrid 1926. (L’original est en anglais). Trad. française
1904. Trad. allemande, avec des suppléments de A. Hamel, Heidelberg 1925.
Hurtadc, J. y A. Palencia: Historia de la literatura espanola. 3a ed. Madrid 1932.
Pfandl, L.: Spanische Literaturgeschiehte (Mitteialter und Renaissance). Leipzig
1923.
Pfandl, L.: Geschichte der spanischen Nationaliiteratur in ihrer Blütezeit. Frei-
hurg 1929. (Traduction espagnole Barcelona 1952).
Valbuena Prat, A.: Historia de la literatura espanola 3 vol. Barcelona 1957.
Garcia Lopez, J.: Historia de la literatura espanola. 5e éd. Barcelona 1959.
Rio, Angel del: Historia de la literatura espanola. 2 vol. New York 1948
(Plusieurs fois réimprimé).
Historia general de las îiteraturas hispanicas, publicada bajo la direcciôn de G.
Diaz-Pîaja. Barcelona, en cours de publication depuis 1949.
Diéz-Echarri, E. et Pvoca Franquesa, J. M.: Historia de la literatura espanola e
hispanoamericana, Madrid 1960.
c
LITTÉRATURE 243
V I. Littérature portugaise
244
C. LES PÉRIODIQUES
Je n’en peux donner qu’un dioix. Les deux revues les plus anciennes et pour ainsi
dire classiques de la philologie romane sont:
Romania. Recuil trimestriel consacré à l’étude des langues et littératures romanes.
Fondée par P. Meyer et G. Paris, dirigée actuellement par F. Lecoy. Paris,
depuis 1872.
Zeitschrift fur romanische Philologie, Fondée par G. Grober, dirigée actuellement
par K. Baidinger, Tübingcn, depuis 1877. Avec des volumes de supplément
consacrés à la bibliographie et une série d’études nommée Beihcfte.
Parmi les autres revues qui embrassent le domaine entier de la philologie romane,
je nommerai:
Romanische Forschungen. Frankfurt, depuis 1882.
The Romanic Review, New York, depuis 1910.
Archivum Romanicum, Firenze, 1917—1942.
Volkstum und Kultur der Romanen, Hamburg, 1928—1943.
Romance Philology, University of California Press, depuis 1947.
Les Lettres romanes, Louvain, depuis 1946.
Romanistisches jahrbuch, Hamburg, depuis 1948.
Filologia Romanza, Torino, depuis 1954.
Consacrés à la linguistique romane:
Revue des langues romanes, Paris, depuis 1870.
Wôrter und Sachen, Heidelberg, depuis 1909— 1940.
Revue de linguistique romane, Paris, depuis 1925.
Vox romanica, Zürich-Leipzig-Paris, depuis 1936.
Consacrés surtout aux études françaises:
Zeitschrift fur franzosisdie Spradie und Literatur, Jena et Leipzig depuis 1879.
Studi Francesi, Torino, depuis 1957.
aux études de littérature française:
Revue d’histoire littéraire de la France, Paris, depuis 1894.
Humanisme et Renaissance, Paris, depuis 1934 (pour le 16e siècle),
aux études de linguistique française:
Le Français moderne, Paris, depuis 1933.
Consacrés aux études italiennes:
Pour la littérature.
Giornale storico délia letteratura italiana. Torino, depuis 1883.
Italien. Evanston, Illinois, depuis 1924.
pour la linguistique.
Archivio glottologico italiar.o. Fondé par G. J. Ascoli et P. G. Goidanich. Torino,
depuis 1873.
L’Itaiia dialettale. Pisa, depuis 1925.
Lingua nostra. Firenze, depuis 1939.
Consacrés aux études espagnoles:
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TA B L E A N A LY TIQ U E
A bsolutism e 143, 147, 152, 172 s.. 179, A ubigné, A grippa d* 155s., 158
190s., 212 À ucassin e t M icolette 107
A cadém ie fran ç aise 175 A ugustin vo ir S ain t-A u g u stin
A cropole 26 A utos sa cra m e n ta le s 168
A dam , je u d* 111 s. A uzîas, voir M ardi
A dam d e le H aie 109, 114 A vares 64
A lain v o ir C h a rtie r
A larco n voir Ruiz B aju v ares, les 61, 68
A lbigeois 109 Balzac, H. de 215, 222s.
A lem ân, M ateo 170 B arres, M aurice 218, 224
A lem ans 59. 61, 68, 86 B aroque (style) 151, 165, 166
A le x a n d re le G ra n d 38 B artas, G uillau m e de S allu ste d u 155
A lex an d re, ro m an d* 105 B audelaire, C h a rle s 218, 221
A le x a n d rie 9, 15, 22, 95 B ayle, P ierre 195 s,
A lexis, chanson d ' ICO. 104 B éatrice 123, 124
A lfieri, V ittorio 215 B eaum archais 207
A lix de Blois 105 Bédier, J. 103
A llégorism e 114, 116 ss. B ellay, Jo a d iim du 154, 155
A lphonse X (ei Sabio, roi d ’Espagne) Bembo, P ietro 149, 151
131 B énédictins 12, 27
A lphonse î l l (de P o rtu g a l) 134 B enoît v o ir S aint-B .
A m ad is 132, 169, 170 B éranger, P ie rre Je an de 215
A m broise voir S aint-A . Berceo, G onzalo de 130
A m y o t, Ja cq u es 157 B e rn ard de O a i r v a u x 96, 97
A ngles 62, 67 B e rn a rt de V en iad o rn 109
A nglonorm on (dialecte) 67. 109, 101, B éroul 106
107, 111 B e rtra n de Born 109
A nne d ’A utriche 173 B eyle, H enri, voir S te n d h a l
A pologue v oir F a b le e t L afo n tain e B ible 12, 48, 53, 57, 98. 111,136. 201
A rab es 32, 60,65 ss., 68,82, 86, 130,164 B ib lio th èq u e n a tio n a le 23
A rch éty p e 11 Boccaccio, G io v an n i 10, 36, 115, 125,
A relin o . P ietro 151 126 ss., 129, 132, 148, 149, 151, 157,
A rgensola. L upercio et 171, 187
B artolom é 167 B odin, J e a n 154
A rian ism e 61 Boétie, E- de la 162
A riosto, Ludovico 149, 150, 187 Boileau - D esp réa u x , N icolas 149, 173,
A risto te, aristo télism e 3 l, 96, 118, 188 176
A rm o riq u e 62 B ojardo 150
A rn o u ld , la fam ille, A ntoine, la m ère B on av en tu rc v o ir S a in t B.
A ngélique 176, I8t Bopp, F . 17
A rn a u t D an iel 109 B oscan de A lm ogavcr, J u a n 165
A ru a u t d e M arcuil 109 Bossuet, Ja q u es-B cn ig n e 173, 180, 182
A rts lib é ra u x 96 B ouddha 26
A rtu s 105s. B ourbons Ï53, 215
A u b e 109 B ourgogne, le d u c d e 189 s.
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T A B L E A N A L Y T IQ U E 247
248 T A B L E A N A L Y T IQ U E
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TA BLE ANALYTIQUE 251
Pisan, Christine de, voir Christine Richelieu, le cardinal de 172 s., 175,
Platon, Platonisme 138, 139, 146, 148, 179, 182
151, 152, 155, 157, 165 Rienzo, Cola di 125
Planh 109 Rimbaud, Arthur 218, 221
Plautus 48 Risorgimento 215
Pléiade 154, 155 s., 174, 175, 182 Robe, noblesse de 153,160,177,179, 198
Plutarque 157 Robert de Clari 110
Politiques 153 Roland (chanson de) 101 ss., 130
Poliziano, Angelo 148, 149 Roman (Style) 98s.
Pompéi 48, 73 Roman courtois 104ss„ 132, 150
Port-Royal 176, 181 Roman de Renard 115s.
Portugais 66, 67, 86 Roman de la Rose 114, llô ss., 121
Positivisme 18, 19, 29, 30, 202 Roman de Thèbes 105
Préciosité, précieuses 149,175,178,183, Roman de Troie 105
187, 188 Romances 107, 134, 167
Prévost, l'abbé 192, 222 Romantisme 17, 26, 28, 31, 33, 126,
Protestantisme 139, 172 208 ss., 217, 220
Proust, Marcel 224 Ronsard, Pierre de 155
Provence 62, 87, 126 Roumains 59
Provençal 64, 70, 72 s , 87, 88, 104, 108 Rousseau, Jean-Jacques 32, 194, 202,
Public 33, 141 s„ 162, 177, 179, 194, 204 ss., 209, 212
217s. Ruiz de Alarcôn, Juan 169
Pulci, Luigi 150 Ruiz, Juan, Arcipreste de Hita 131s.
Rutebeuf 109
Querelle des Anciens et des Modernes
191 Saint-Ambroise 55, 97
Quesnay, F rançois 202 Saint-Augustin 53, 57, 97, 180
Quevedo, Francisco Gômez de 166, Saint-Barthélemy (nuit de) 153
170, 171. 172 Saint-Benoît 54
Quiétisme 182, 190 Saint-Bonavcnture 96
Quinze Joyes du Mariage 115, 119 Saint-Cyran, 181
Sainte-Beuve, Charles-Augustin 156,
Rabelais, François 32, 158 s„ 162 214
Racine, jean 26, 31, 173, 183 ss., 205 Sainte-Eulalie (la chanson de) 99 s.
Rambouillet, la marquise de 178 Saint- Evremond, Charles de 189
Raphaël 145. 146 Saint-François d'Assise 122
Rappresentazioni, sacre 122 Saint François de Sales 180
Reconquista 60, 66 Saint-Jérôme 53, 97
Réforme 12, 138ss„ 145, 153, 157, 195 Saint Louis voir Louis IX
Régence 189, 191, 196s„ 198 Saint-Maur (Congrégation de) 27
Régnier, Mathurin 175 Saint-Paul 51, 52
Renaissance 9, 10, 24, 25, 34, 44, 46, 92. Saint-Pierre 50, 54
96s., 123, 128, 135ss., 211 Saint-Simon 189
Reiz, le cardinal de 189 Saint-Thomas, voir Thomas cTAquiu
R hé lie 61 et Thomas de C anterbury
Rhétoroman 61, 86 Salas Barbadillo, Alonso Gcrônimo
Rhctoriqueurs 119 170
Richard de Saint-Victor 96 Sanche IV roi d’Espagne 131
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252 T A B L E A NA LY TIQ UE