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Canalisations de transport :
des ouvrages à sur veiller
D
Vingt ans après ans cet article, seules sont lisation de gaz à Ghislenghien en
traitées les canalisations de Belgique tue 24 personnes et en
l’accident de Rosteig,
transport soumises à l’arrêté blesse 132.
le potentiel de dangers du 4 août 2006, c’est à dire situées En France, le dernier accident
des canalisations sur le domaine public, à l’exclu- mortel survenu le 18 décembre
de transport de matières sion des tuyauteries internes aux 2009 à Blénod (54) implique éga-
entreprises ou des canalisations de lement le gaz combustible et fait
dangereuses se rappelle distribution de gaz situées en l’objet d’une enquête (voir détails
à nous en 2009 avec milieu urbain. des accidents page suivante).
plusieurs accidents Le réseau français de canalisa- Fondé sur l’analyse de 181 acci-
notables tions de transport, généralement dents français survenus au cours
enterrées, s’étend sur 50 200 km, des 50 dernières années, le tableau
dont 36 500 km pour le gaz natu- page XX fournit des indications sur
rel, 9 900 km pour les hydrocarbu- la nature des produits concernés,
res et 3 800 km pour les produits les conséquences et les principales
chimiques. causes identifiées.
Quinze à vingt fuites sont recen-
sées annuellement sur ces ouvra- Attention aux travaux !
ges ou sur leurs installations Les travaux à proximité des
annexes : postes de compression et ouvrages constituent la première
de détente, pomperies, organes de cause d’accidents enregistrés si
sectionnement, instrumentation. l’on ne considère que les fuites sur
Au-delà des simples fuites aux canalisations hors installations
conséquences souvent limitées, les annexes. Le scénario est à chaque
canalisations de transport sont par- fois sensiblement le même : des
fois à l’origine d’accidents graves: chantiers, le plus souvent indépen-
en 2004, l’explosion sur une cana- dants de la canalisation, sont enga-
gés et des engins de terrassement
endommagent ou perforent l’ou-
vrage. Des insuffisances d’organi-
sation dans la préparation du chan-
tier en sont souvent à l’origine :
• absence de déclaration réglemen-
taire préalable (demande de rensei-
gnement – DR – et/ou déclaration
d’intention de commencement de
travaux – DICT) ;
• méconnaissance des servitudes
Plus de 50 000 km inhérentes au passage de canalisa-
© DRIRE ALSACE/JF MICHEL
de canalisations tions ;
de transport, • difficulté de communication ou
souvent enterrées, absence de coordination entre les
parcourent la France différents acteurs ;
1 FACE AU RISQUE N° 461 - MARS 2010 FACE AU RISQUE N° 461 - MARS 2010 1
QUELQUES ACCIDENTS SIGNIFICATIFS
D’EXPÉRIENCE
Explosion Perforation d’oléoduc
30 juillet
2004, Ghis- 28 juillet 1989, Rosteig (67). Au cours de travaux
lenghien de terrassement, un chargeur perfore un oléoduc
(Belgique). (Ø = 400 mm) enterré à 1,2 m de profondeur et
€ Une violente €
transportant du naphta sous 8-10 bar. Issu d’une brèche
explosion se de 30 cm2, un jet de 5 à 10 m de haut génère un
produit vers 9 h 00 sur un gazoduc aérosol jaunâtre odorant qui se répand sur plusieurs hectares, englobant
RETOUR
reliant Zeebrugge à la frontière un terrain de football et un lotissement. L’explosion qui survient brise des
franco-belge, dans une zone vitres et souffle des tuiles des habitations proches. Deux gendarmes dont
industrielle. Le gazoduc est enterré le véhicule s’était approché du lieu de l’accident et un civil sont mortellement
à 1,10 m de profondeur (Ø = brûlés.
1 m ; P = 80 bar). Le bilan de En cours d’actualisation au moment de l’accident, le plan de surveillance
l’accident est très lourd : et d’intervention (PSI) ne prévoyait pas le scénario d’une fuite massive de
24 personnes décédées (dont produits liquides avec constitution d’un nuage explosif et donc des modalités
5 pompiers, 1 policier, des d’intervention adaptées.
employés d’entreprises voisines) et
132 blessés. La Belgique met en
œuvre de gros moyens en hommes
et matériels (armée, hélicoptères),
renforcés par ceux envoyés par la Rupture de pipeline
France. Les dégâts sont très 7 août 2009, Saint-Martin-de-Crau (13). Une fuite
importants : cratère, zone brûlée, se produit vers 7 h 30 sur un pipeline transportant du
voitures calcinées, débris éparpillés. pétrole brut, construit en 1972 (Ø = 40 pouces,
Des travaux à proximité de
P = 40 bar) constitué de tubes roulés soudés. Un garde
l’ouvrage auraient endommagé le €
gazoduc. de la réserve naturelle de la Crau donne l’alerte et
l’exploitant déclenche le plan de secours.
Une rupture « boutonnière » de 15 cm de large et 1,8 m de long sur
la soudure longitudinale est à l’origine d’un « geyser » de 3 à 4 m de
haut. L’accident a lieu sur un site Natura 2000 au sein d’une réserve où
Indices accidents : Fissures vivent plusieurs espèces protégées. 4 800 m3 de pétrole brut sont rejetés
Matières sur 5 ha. A la mi-novembre
15 février
dangereuses 2009, la société exploitant
2009, Hou-
relâchées dilcourt (8). le pipeline a transporté 46
Une fuite de 000 tonnes de terres
Conséquences €
gaz se produit souillées sur un centre de
humaines
sur une canalisation. Cette dernière, traitement et de stockage
et sociales, de déchets ultimes. L’ensem-
d’un diamètre de 450 mm, mise en
service en 1974 sous une pression ble des opérations est
Conséquences
de 67 bar, constitue l’artère estimé à 5 M€ à comparer
environnemen-
tales, principale d’alimentation de la ville au budget annuel de main-
© SDIS 13
2 FACE AU RISQUE N° 461 - MARS 2010 FACE AU RISQUE N° 461 - MARS 2010 2
• non-respect des précautions appli-
Analyse de 181 accidents français
cables dans la zone rapprochée des
réseaux. du 1er janvier 1958 au 31 décembre 2009
D’autres mesures permettent de Nombre d’accidents Pourcentage
réduire ce risque d’endommage-
Produits concernés
ment parmi lesquelles l’augmen-
Gaz naturel, GPL 85 46
tation de la profondeur d’enfouis-
Hydrocarbures liquides (HC) 59 33
sement, la surépaisseur des tubes
Produits chimiques (PC) 37 21
constituant la canalisation, l’instal- Conséquences
lation de dalles de protection, la ( non exclusives les unes des autres)
mise en place de piédroits latéraux, Accidents mortels 6 3
le passage en fourreau ou la pose Accidents avec blessés 33 18
de grillages avertisseurs. Une sur- Pollutions 73 41
veillance régulière le long du tracé, Principales causes et origines
(non exclusives les unes des autres)
par marcheur au sol ou survol par
Corrosion 28 16
avion, permet de compléter utile-
Erosion 3 2
ment ces mesures.
Travaux à proximité de l’ouvrage 43 24
Travaux sur l’ouvrage 3 1,5
Surveillance des ouvrages Défaillance d’équipements 23 13
vieillissants Défaillance sur soudure 8 4,5
Défaillance d’exploitation,
Les défaillances matérielles sont mauvaise manœuvre… 5 3
principalement liées à la corrosion, Causes naturelles : foudre, gel… 8 4
la fatigue, la fissuration sous Autres causes 5 3
contrainte ou aux soudures défec- Malveillance 1 0,5
tueuses affectant des tronçons en
exploitation ou des « bras morts ». triques de surface pour repérer les conséquences, ainsi qu’aux tech-
Une série d’accidents récents met défauts de revêtement de la cana- niques d’intervention possibles
également l’accent sur des problè- lisation et la vérification systéma- mérite d’être proportionné au
mes d’équipements : joints de tique des dispositifs de protection potentiel d’énergie ou de toxicité
bride, organes de sectionnement, cathodique font classiquement par- susceptible d’être libéré en cas
vannes, garnitures de pompes, sou- tie de ce dispositif. Au-delà de la d’accident et aux éléments vulnéra-
papes... et renvoie aux précautions compétence des opérateurs, le bles exposés : personnes, environ-
de montage, de contrôle et d’entre- choix des techniques de contrôle nement et biens.
tien. doit être adapté aux défauts à Si le maintien de l’intégrité et
La corrosion est à l’origine de rechercher, sans méconnaître les des caractéristiques des ouvrages
nombreux cas de fuites. Au-delà limites des méthodes employées. dans leur environnement implique
des contextes locaux favorisant ce Enfin, les canalisations chemi- d’abord l’exploitant, il concerne
phénomène, le vieillissement des nent souvent sur des zones très aussi les collectivités territoriales,
ouvrages impose la mise en place étendues et peuvent aussi être aménageurs, professionnels du ter-
de plans d’actions de surveillance exposées aux divers types d’agres- rassement, agriculteurs et d’une
et de maintenance régulièrement sions naturelles : impacts de fou- manière générale toute entité sus-
évalués et adaptés. dre, gel, mouvements de terrains... ceptible d’intervenir ou de modi-
L’inspection interne par racleurs Aussi, une attention particulière fier l’aménagement à proximité
instrumentés, les mesures élec- mérite-t-elle d’être accordée au d’une canalisation.
maintien de l’efficacité de la pro- De toute évidence, les événe-
Une vigilance particulière doit être accordée tection cathodique notamment ments recensés, y compris les plus
à la maintenance des équipements après un épisode orageux. Ainsi, récents, justifient d’accorder une
les générateurs de courant alimen- meilleure attention au contrôle du
tés à partir du réseau de distribu- vieillissement des ouvrages et à la
tion peuvent utilement être proté- surveillance des travaux réalisés à
gés des surtensions par proximité. ■
l’intermédiaire de parafoudres. Il
convient également d’éviter l’im-
plantation d’éléments conducteurs
tels que piquets ou poteaux d’éclai- Jean-François Michel
© DRIRE ALSACE/JF MICHEL
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