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hellénique
Bon Antoine. Forteresses médiévales de la Grèce centrale. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 61, 1937. pp.
136-208;
doi : https://doi.org/10.3406/bch.1937.2728
https://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_1937_num_61_1_2728
(PI. XV-XXI)
(1) Procope, de JEdif., IV, 2, p. 272. Nous citons une fois pour toutes les ouvrages
généraux d'où sont tirées ces brèves indications historiques : Hopf, Griechenlaud im Mitte-
alter und in der Neuzeit, in Allgemeine Encyclopédie der Wissenschaften und Kuenste, de
Ersch et Gruber, t. 85 et 86 ; Gregorovius, Geschichte der Stadt Athen, Stuttgart, 1889,
2 vol., et la traduction grecque de Lambros qui a ajouté un 3e volume sous le titre de
"Εγγραφα, Athènes, 1906 ; W. Miller, The Latins in the Levant, Londres, 1908. Nous
indiquerons au passage les études ou les ouvrages sur des sujets spéciaux.
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elles sont aussi ruinées aujourd'hui, c'est moins parce qu'elles ont
supporté des assauts, que faute d'entretien ; c'est surtout parce qu'elles
ont subi les dégâts des tremblements de terre, et des hommes qui y
puisent la pierre et le bois.
C'est donc au xive siècle, sous la domination catalane, que le nombre
des forteresses a été, selon toute vraisemblance, le plus grand : examinons
comment elles étaient réparties et ce qu'il en reste ; nous signalerons au
passage tout ce qui en a déjà été étudié (1), en ajoutant quelques
remarques que nous avons pu faire nous-môme. Nous laissons de côté les
possessions catalanes situées au Nord de l'CEta et du Callidrome et qui
constituaient le duché de la Patria ou Néo-Patras (Hypati); dans les
limites que tracent ces montagnes, les forteresses les plus septentrionales
étaient Sidérokastro et Bodonitsa. L'identification du site de la
première, longtemps sujet de discussion, semble définitivement faite par
M. G. Kolias (2) ; la Chronique de Morée nomme une fois Sidéroporta en
1259 (§ 274) et une fois Sidérokastro en 1304 (§§ 892-893) ; selon toute
vraisemblance il s'agit du même lieu, qui fit partie en 1275 de la dot
d'Hélène Angelina Gomnène mariée à Guillaume de la Roche. Il devait
se trouver sur la route la plus directe de Gravia à la plaine du Sperchios ;
la Chronique de Morée ajoute qu'après Sidéroporta, il faut descendre une
« grant avalée » pour arriver dans la plaine à Lutro (Bains d'Hypati) ; ces
détails sont autant d'arguments contre l'opinion de Buchon qui situait la
forteresse près de la côte du Canal de l'Eubée, vers le Mont Knémis (3) ;
(1) Les études les plus étendues sur l'histoire et la topographie des possessions catalanes
en Grèce au xive siècle sont celles de A. Rubiô y Lluch ; entre les nombreux articles qu'il a
consacrés à ce sujet, ceux qui nous intéressent particulièrement sont : Els castellos catalans
de la Grecia continental, Anuari de l'Institut d'estudis catalans, 1908, p. 364-425, avec une
carte et des photographies, et La Grecia catalana des de la mort de Roger de Lluria fins a
la de Frederic III de Sicilia (1370-1377), ibid., 1913-1 4, p. 393-485, illustré de nombreuses
photographies ; mais l'auteur laisse de côté l'étude archéologique des ruines. On trouve
d'utiles indications topographiques dans la Chronique de Morée, éd. J. Longnon, Notice
géographique, pp. cix sqq. — On se reportera avec fruit à la carte Εύβοία-Βοιωτία, au
1/200. 000e en couleurs publiée aux frais de l'Office hellénique du tourisme, mais elle ne
couvre malheureusement pas toute la région que nous envisageons.
(2) G. Kolias, Sidérokastro, Έπετ. Έτ. βυζ. σπουδών, Γ (1933), ρ. 72-82, 2 phot. ; l'auteur
complète les indications historiques de A. Rubiô y Lluch et décrit sommairement les ruines
où il reconnaît Sidérokastro.
(3) Buchon, Recherches historiques, I, 123 et 143 ; La Grèce continentale et la Morée,
p. 315 sq. ; la présence en ce point d'un lieu dit Sidéroporta ne constitue pas une preuve
décisive, car le nom n'est pas rare en Grèce. — Gregorovius, op. 1., II, 168, proposait Kastri
(Delphes) ou Arachova au Sud du Parnasse, ce qui est impossible. Neroutsos, Xptaxiavtxcù
'Αθήναι, ρ. 108 n., partant de l'indication de la Chronique, était plus près de la vérité en
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FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE l4l
il faut admettre qu'il y avait un sentier dans les défilés entre l'QEta et le
Gallidrome, de la vallée supérieure du Céphise à celle de l'Asopos, qui
correspond sans doute aux « passages de l'Œta » que Justinien avait fait
fortifier en même temps que les Thermopyles. M. Kolias a précisément
trouvé les ruines d'un château médiéval, le κάττρο της Όβρ'.γιας, ou τής
Όρια;, sur un rocher au-dessus des Kalyvia de Kouvélo et du torrent de
l'Asopos, près de quelques vestiges antiques que l'on identifie avec ceux
de la ville de Trachis (1) ; on distingue les restes de deux enceintes dont
la plus grande abritait quelques maisons d'un village, une citerne et, au
sommet, une tour, le tout construit dans une maçonnerie de petits
matériaux: plan et construction sont conformes aux habitudes du xme siècle.
Tout près se trouve encore aujourd'hui un lieu-dit Sidéroporta. Plus bas
un pan de mur épais est peut-être un vestige des travaux de fortification
de Justinien. Ne pourrait-on expliquer le double nom : Porte et Château
de Fer? Il est probable que le premier a été remplacé par le second quand
on construisit là un château, qui devrait être postérieur à 1259 et, s'il
faut encore l'attribuer aux Français, il pourrait avoir été élevé au moment
où Guillaume de la Roche entre en possession de cette région. La position
prit une grande importance sous la domination des Catalans (2) ; c'est en
effet là que passe pour eux la seule route qui réunisse librement le duché
de Néo-Patras à celui d'Athènes, la voie des Thermopyles traversant le
marquisat de Bodonitsa qu'ils n'avaient pas conquis. La dernière mention
de Sidérokastro date de 1382. Le bite dut être abandonné par les Turcs.
La route la plus commode évitait cependant les gorges de l'Asopos et
les sauvages défilés où aujourd'hui même le chemin de fer se fraie
difficilement un passage; longeant le pied du Callidrome, elle
franchissait les célèbres Thermophyles. Au-delà on pouvait se diriger vers le
Sud par une région de collines, ou le long de la côte par Atalanti, pour
gagner le bassin du lac Copaïs, ce qui fait un très long détour; il vaut
mieux traverser de suite le Callidrome, plus accessible de ce côté, et
par le col de la Klisoura, dont l'accès ne présente aucune difficulté,
atteindre la haute vallée du Céphise béotien. C'est le château de Bodonitsa
(auj. Mendenitsa) qui surveillait ces passages ; il n'était pas tombé aux
situant Sidérokastro près des ruines antiques d'Iléracleia, sur une colline au bord de
l'Asopos, mais le site est trop près de la plaine pour convenir exadement.
(1) Y. Béquignon, Guide Bleu, Grèce (éd. 1935), p. 261, semble confondre les deux sites ;
t. carte p. 263.
(2) A Rubio y Lluch, Anuari.., 1908, p. 387-393.
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mains des Catalans, bien que le marquis dût sans doute leur payer tribut.
A Atalanti, siège d'une seigneurie catalane, Talandi, aucun vestige
médiéval n'a été signalé.
Vers le Sud deux routes s'ouvrent à nous, qui passent à l'Ouest et à
l'Est du massif du Parnasse. A l'Ouest l'entrée de la route dans les
montagnes est gardée par Gravia, dont certain épisode fameux des guerres
de l'Indépendance hellénique rappelle l'importance stratégique ; une
étude toute récente (1) a fixé la situation du château médiéval et en a
décrit les ruines : ce sont les débris d'une enceinte sur un rocher quj
domine le torrent du Koukouvistianos (antique Pindos), à 1 h. 1/2 du
village moderne de Gravia ; ce dernier, postérieur aux guerres de
l'Indépendance, a pris le nom qui s'appliquait auparavant au torrent et au
pays qu'il traverse, et au xme siècle à la forteresse désignée aujourd'hui
par le nom banal de Pyrgos ; l'histoire du château reste obscure et semble
se terminer avec la période française ; la Chronique de Morée le cite pour
(1) G. Kolias, Das Lehngut von Gravia, Byz. Z., XXXVI (1936) p. 330-336, pi. VII. On peut
regretter de ne pas y trouver au moins un plan schématique ou une vue générale du site.
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(1) Rien ne prouve que Gravia ait appartenu aux Saint-Omer dès Γ205, comme le pense
W. Miller, op. 1., p. 33, d'après la Chronique de Morée, § 891 ; celle-ci dit simplement que le
maréchal Nicolas de Saint-Omer possédait des villages près de là et y prit ses quartiers
en 1304, mais on ne sait quand ces villages revinrent aux Saint-Omer. Il est cependant
certain, d'après une lettre d'Innocent III datée de 1212 (xv, 27), qu'il y avait alors un seigneur
latin de Gravia. Nous savons qu'en 1275 par contre Gravia appartenait à Jean Ier, duc de
Neo-Patras, fils bâtard de Michel II Comnène despote d'Épire, et qu'il la donna avec Sidé-
rokastro en dot à sa fille qui épousait Guillaume de la Roche. Gomme aucune source ne fait
connaître quand elle échappa aux Francs, il faut supposer qu'elle tomba aux mains des Grecs
en même temps que Sidérokastro, Zeitoun et la Thessalie, peu après 1220 ; mais on se
demande alors, si les Grecs étaient installés dans la haute vallée du Céphise béotien,
comment étaient protégées de ce côté les possessions franques, car aucune autre forteresse ne
surveillait les routes, sinon les tours qui les jalonnent. Cette situation en tout cas nous fait
encore mieux comprendre combien il était urgent de fortifier solidement Salona et Bodonitsa
après 1222.
(2) Des photographies de ces sites et des ruines ont été publiées par A. Rubio y Lluch,
Anuari..., 1913-14, p. 465-472.
(3) Rubio y Lluch, Anuari.., 1908, p. 368 et n. 1-3, 1913-14, p. 411-413. Une description
exacte des ruines antiques a été donnée par Frazer, Pausanias description of Greece, V,
222-225. Voir aussi les vues publiées par L. Robert, BCH, LIX (1935), pi. XI.
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Syxk.
Fig. 3. — Davlia : église des Saints Theodores.
(1) L'extérieur est tout entier on maçonnerie de petites pierres (v. phot. Ânuari..., 1913-
1Λ, p. 413,', tandis qu'à l'intérieur de nombreux blocs antiques ont été remployés, cf.
L. Robert, 1. 1. p. 201 sq.
(4) Anuari..., 1908, p. 368 (voir phot. Anuari., 1915-20, p. 144). Un document catalan
cite le seigneur de la Cabrena et del Patricio : ce dernier site reste d'identification tout à
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fait incertaine ; Rubio y Luch, ibid., p. 368, l'identifie avec un lieu-dit '^Πατήρι aujourd'hui
désert, mais sans en préciser la situation. Neroutsos, Χριστιανικού 'Αθήναι, Δελτίον τής
Ιυτορικής και εθνολογική; Εταιρίας τής 'Ελλάδος, IV (1892), ρ. 185, veut le reconnaître dans
la tour de Pétra au S. du Copaïs sur la route de Thèbes à Livadie.
(1) Dédicace de l'église de saint Georges datée de l'an 6819 = 1311, publiée par Buchon,
Grèce continentale et Morêe p. 217, et Recherches historiques, I, 409, et en dernier lieu par
W. Miller, JHS, XXIX (1909), p. 198-201.
(2) Les restes médiévaux de la région ont été étudiés^par M.^Orlandos, Δελτίον της
Χριστιανικής 'Αρχαιολογικής Εταιρείας, ΙΥ (1927), ρ. 25-45.
(3) Voir A. Bon et F. Chapouthier, Retour en Grèce, n° 25.
(4) Signalons en passant que le nom de Larraena semble avoir complètement disparu dans
le pays ; on retrouve seulement celui de Ααρενα dans un lieu désert un peu au Sud de
l'acropole de Styra qui est peut-être le château de Larmena ; on y voit en effet quelques
restes de réparations faites au Moyen Age sur les murs antiques.
BCa LXI(1»37). 10
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(1) Sur la carte fig. 1 n'ont été reportées que les tours que nous avons personnellement
vues.
(2) Elle est citée par Rubio y Lluch, Anuari..., 1908, p. 369, sous le nom de tour de
Moulki. W Miller émet l'opinion qu'elle est catalane sans en avoir de preuves (Compte-
rendu de The princes of Achaia and the chronicle of Morea de Renell Rodd, dans The
English historical Review, juill. 1907, p. 572).
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Une ouverture est pratiquée à la base, mais elle est moderne ; la seule
issue devait être autrefois une ouverture suspendue au Sud (fig. 5).
Une autre tour est construite sur une colline au Nord-Est de Livadie,
au-dessus de la station du chemin de fer en face de l'acropole d'Orcho-
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Bodonitsa.
(1) L'orientation de la porte est presque partout la même ; nous avons déjà remarqué ce
détail pour les tours antiques, cf. BCH, LIV (1930), p. 184.
(2) L'étude la plus complète sur l'histoire de Bodonitsa a été donnée par W. Miller, JHS.
XXVIII (1908). p. 234-249, avec quelques photographies. Sur la situation, cf. Chronique de
Morée, éd. J. Longnon, Notice géogr., p. ex et n. 2.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE 149
(1) Voir la description du paysage dans Buehon, Grèce continentale et Morée, p. 284 sq.
(2) Procope, de Mdif., IV, 2, p. 272. On peut voir près de la route moderne des débris
de blocage appartenant à un gros mur, qui sont probablement des vestiges des travaux de
Justinien, comme l'avait déjà reconnu Buehon, op. 1., p. 320.
(3) Le nom se présente sous des formes variées. Henri de \'alenciennes, éd. de Wailly,
§ 671, appelle le château la Bonde<Zn^>ice, et le col qu'elle défend le passage delà Closure.
La Chronique de Morée offre les formes suivantes : en français, Bondonnice (mais aussi
Bondonice § 262 et Bondonnize § 1008) ; en aragonais, Bondenîça, Bondiça, Brondica et
Brandira ; en grec, Ποντεν!τσχ, ou Μποδενίτσα. Μποντενίτζα ou Μποντονίτζα, Μπουτενίτσα,
Μουντουνίτζα ou Μουνδονίτζα, formes nombreuses mais très voisines les unes des autres :
il faut y ajouter Mounlinitza dans l'intitulé d'une lettre d'Apokaukos à Michel Choniate qui
trouva à Bodonitsa son dernier refuge : v. Stadtmiiller, Michael Chômâtes, Metropolit von
Athen, Orientalia Christ,, XXXIII (1934), p. 205 n. 5 et 206. Aujourd'hui le nom a pris
la forme Mendenitsa, mais il était encore il y a un siècle Μπουδουνίτσα, comme on le voit sur
un cachet conservé dans le village (cf. W. Miller, 1. 1. p. 247).
(4) Nicétas Choniate, 799 et 805. Il est difficile de dire si le passage des Thermopyles eut
lieu fin 1204 ou, ce qui est plus probable, au printemps 1205.
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population qui avait cherché un refuge sur ce point élevé. Mais il est
légitime de penser que le nouvel occupant de cette importante position
y fit bâtir une vraie forteresse qui fut le centre du fief.
Malgré les vicissitudes, l'histoire de Bodonitsa offre une certaine
unité. Guido Pallavicini (1205-1237), surnommé le marchesopoulo, est
une personnalité assez curieuse, vrai féodal, peu docile, ne craignant pas
de se révolter contre l'empereur en 1209, mais valeureux soldat, comme
l'exigeait dès 1222 la présence sur ces frontières des Grecs vainqueurs
du royaume de Salonique. C'est le moment de la plus grande extension du
marquisat, le moment aussi où il devient le siège d'un évéché, dit des
Thermopyles. A cette époque la suzeraineté est réclamée par le prince
d'Achaïe pour qui la possession de Bodonitsa est fort importante; le fils
de Guido, Ubertino, malgré une révolte qui rappelle celle de son père
contre l'empereur, dut se reconnaître le vassal du prince ; mais ce sera
toujours une entreprise difficile pour les princes ou leurs baux d'obtenir
la reconnaissance de leur suzeraineté. La marquise Isabella qui succéda à
son frère Ubertino rappelé en Italie (1264), refusa de se rendre à Gla-
rentsa pour ne pas prêter hommage à Galéran d'Ivry, bail du prince
Charles Ier d'Anjou. A sa mort (vers 1286), des difficultés de succession
surgirent ; mais Bodonitsa resta aux mains de la famille Pallavicini, grâce
à l'initiative de Tommasso, petit-neveu de Guido, qui s'en empara et la
laissa à son fils Alberto.
La victoire des Catalans au lac Copaïs en 1311 coûta la vie à ce dernier,
mais n'entraîna pas la disparition du marquisat. Il subsista, bien que
divisé en deux : la veuve d'Alberto, Maria dalle Carceri, dame d'un
sixième de l'Eubée, remariée à un Vénitien, Andrea Cornaro, grand
seigneur en Crète et baron de Skarpanto, l'avait, en effet, partagé par
moitié avec sa fille Guglielma, mariée au Génois Bartolommeo Zacearia.
Les Catalans attaquèrent la forteresse et réussirent même à la prendre
pendant une absence de Cornaro. Mais Venise, qui y avait désormais des
intérêts, la fit comprendre dans la paix qu'elle signa en 1319 avec les
Catalans. En 1323, Guglielma se retrouve maîtresse unique du marquisat,
seul fief franc survivant entre les pays conquis par les Catalans. C'est
une dame énergique, digne de son ancêtre Guido. Devenue veuve, elle
demanda à Venise, de qui dépendaient ses possessions d'Eubée, un mari
qui pût l'aider à se défendre : en 1335 une galère vénitienne lui amena à
la skala de Bodonitsa Niccolo Giorgio, ou selon la forme vénitienne Zorzi.
Après des débuts heureux et quelques années de calme achetées sans
doute au prix d'un tribut payé aux Catalans, l'union fondée uniquement
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRÈCE CENTRALE 151
(1) Nous distinguons deux types de fragments de terre-cuite : les « grandes briques
plates » de forme carrée et d'une épaisseur moyenne d'environ 0 m. 03 et les « briques
minces » qui sont généralement des débris de tuiles épaisses tout au plus de 0 m. 015 à 0.02.
FORTERESSES MÉDIÉVALES DE LA GREGE CENTRALE 153
Fig. 9. — Bodonitsa : pan de mur antique dans la première enceinte (près de F).
(1) On voit une disposition analogue à l'Acrocorinthe dans le grand circuit Nord, Corinth
III 2, p. 229 et pi. I n° 33.
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pose dans les parties élevées une maçonnerie de matériaux plus petits.
Les seuls détails à relever sont de petits redans et les cinq meurtrières
percées dans l'épaisseur du mur Est, légèrement au Nord de l'ouvrage
extérieur; elles sont aujourd'hui en partie enterrées. Il ne reste rien du
parapet ni même du chemin de ronde, et les quelques vestiges à
l'intérieur ne permettent même pas une hypothèse sur les bâtiments.
La partie Nord est plus intéressante grâce à une meilleure
conservation, due peut-être à un soin plus grand dans la construction ; c'était le
dernier réduit de la place. L'épaisseur assez irrégulière de la courtine,
1 m. 45 à 2 m. 50, résulte surtout de réparations qu'on distingue
facilement sur le plan par des redans, sur les photographies par l'appareil de
matériaux plus petits (avec chaînages intérieurs de bois quelquefois) dans
lequel elles ont été faites et par le fruit donné au mur pour prévenir
de nouvelles brèches ; en certains points on s'est contenté pour
consolider le mur d'ajouter à la base un talus en maçonnerie (fig. 10). A l'Ouest
le mur, d'abord un peu plus mince en haut qu'en bas, parce qu'une
épaisseur de 0 m. 45 a été réservée pour un escalier à l'angle Sud-Ouest,
reprend vite son épaisseur normale de 1 m. 80; la base disparaît sous un
talus de maçonnerie très grossière ; une sorte de bretèche y a été
pratiquée plutôt pour l'évacuation des ordures que pour les besoins de la
défense (fig. 10). Au-delà le mur a été consolidé par l'application d'une
maçonnerie plus récente de matériaux petits abondamment couverts
d'un mortier solide, dont la face extérieure est légèrement oblique.
Signalons un peu plus loin une meurtrière — la seule — dont
l'embrasure couverte d'un linteau droit et large de 1 m. 10 se rétrécit au milieu
de l'épaisseur du mur à 0 m. 46 et se termine par une fente large de
0 m. 20.
Toute la pointe Nord est solidement construite dans l'appareil primitif
de gros blocs remployés, sauf dans la partie supérieure; mais le tracé
ne suit pas exactement le mur antique, car en deux points, tout à fait au
Nord et près de la bretèche, une ligne de blocs antiques en place
affleure en avant de l'enceinte actuelle. Du coté Est, à 6 m. de la pointe,
un décrochement du mur détache une sorte de bastion ou de tour (1) ;
celle-ci n'est pas pleine, mais était occupée par une petite chambre
longue de 3 m. 50, aujourd'hui en contrebas du niveau intérieur et dont
la voûte appareillée s'est écroulée ; un mur révélé par des traces d'arra-
(1) C'est la même disposition, en plus petit, qu'en A à la pointe Sud de la première
enceinte, si l'on ne tient pas compte du mur ajouté postérieurement à l'Est.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA. GRECE CENTRALE 159
fenêtres (1). Une tour plus petite (3 m. 50 de front) et pleine est placée
tout près, ce qui rend plus plausible l'hypothèse d'un passage de secours
dans le bastion Nord qu'elle aurait surveillé. A l'Est le mur est
uniforme ; une réparation y fait seulement un petit redan (fig. 11).
Le réduit est séparé de la cour Sud par un mur simple flanqué en son
milieu d'une tour près de laquelle s'ouvre la porte. Sur la face
méridionale (fig. 12) on remarque l'abondance des blocs antiques remployés,
sans doute pour donner plus de solidité au parement extérieur dans les
points les plus exposés, aux coins de la tour par exemple, et l'usage de
(1) Comparer des ouvertures analogues à Livadie, infra p. 197 et 199, peut-être à Salona,
p. 179.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRÈCE CENTRALE 161
(1) W. Miller, J. H. S., XXVIII (1908), p. 245 sq., relève avec raison la description que
Buchon donne de cette porte (Grèce continentale et Morée\ p. 286) et qui, malgré son
apparente précision, est fantaisiste; on ne peut admettre que Buchon ait décrit une autre
porte, détruite depuis, l'appellation dont il se sert « porte intérieure » ne peut s'appliquer
qu'à celle dont il est question ici. Mais à notre avis, contrairement à l'opinion de W. Miller,
la construction ne peut être considérée comme antique, car le mortier est nettement visible
dans tous les joints, et pas seulement en surface ; de plus on ne retrouve pas dans les mars
voisins d'éléments antiques in situ : il serait surprenant que la porte fût restée seule debout.
(2) II ne reste rien de l'église où Buchon affirme avoir vu une fenêtre en ogive, non plus
IiCU, LXI (1937). 11
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que du « conduit en briques » qui aurait amené l'eau d'une source voisine, ce qui nous
paraît bien invraisemblable, ou tout au moins exceptionnel dans une construction de
l'époque franque, car rien ne permet d'attribuer les citernes que nous avons \ues à une
autre période, en particulier à celle de Justinien que suggère Buchon (op. 1., p. 286). Les
décors sculptés sur certaines pierres de l'église actuelle dans le village nous paraissent non
pas provenir de constructions antérieures, mais bien être modernes comme l'église, quoi
qu'en pense W. Miller, 1. 1., p. 246 sq. — Nous n'avons pas eu l'occasion d'apprendre si le
couvent du Prodromos où, selon Stadtmuller, cf. supra, p. 149, n. 3, Michel Choniate
aurait passé les dernières années de sa vie de 1217 à 1222, existait encore dans le voisinage
de Mendinitsa : nous n'en avons trouvé mention sur aucune carte.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE 163
ont pu voir élever ou abandonner ces fortifications : nous avons dit que
celle où il était le plus vraisemblable qu'on eût construit un château était
la première moitié du χΐπθ siècle; aucun texte n'en mentionne un
auparavant, et nous avons insisté sur la nécessité de fortifier ce passage
après 1222, nécessité révélée d'ailleurs par une lettre d'Honorius III. Il
faut donc admettre que la forteresse de Bodonitsa est l'œuvre des
Francs. Si le plan ne diffère pas du plan habituel des constructions
militaires de cette époque, l'appareil des murs caractérisé par le remploi de
blocs antiques est différent du blocage de petites pierres irrégulières
mêlées de fragments de tuiles qui est le plus fréquemment employé par
les Francs et dont Sidérokastro et Gravia donnent de bons exemples. La
conclusion à tirer de cette constatation est non pas que Bodonitsa date
d'une autre époque, mais simplement que les Francs ont pour chaque
forteresse tiré parti de ce qu'ils trouvaient sur place. Ici les murs de
Pharygai offraient des matériaux tout prêts, dont il était naturel de se
servir; pour que les Francs en fissent autrement et gardassent partout
les mêmes modes de construction et de fortification, il leur aurait fallu
avoir avec eux des ingénieurs et des maîtres d'œuvre ayant leurs
habitudes et leurs principes, ce qui n'est pas vraisemblable surtout dans les
premières années de la conquête. Aussi leurs châteaux ont-ils été
construits avec les ressources locales : à Bodonitsa il y avait des pierres
antiques, et ce sont des ouvriers grecs qui ont dû les assembler en y
intercalant quelquefois, suivant la mode byzantine, de grandes briques
plates faisant décor, comme sur la tour centrale et autour de la dernière
porte ; il n'est pas nécessaire de supposer que ces parties aient été
construites en période byzantine avant 1204-5.
La forteresse a toujours servi jusqu'au moment où les Turcs la prirent,
cette continuité fut assurée par des réparations successives, que nous
avons constatées. Mais nous avons constaté aussi qu'elle avait été
abandonnée depuis longtemps, sans doute depuis le xvie siècle ; car elle n'a
plus d'utilité pour les Turcs, et le pays n'est pas assez riche ni peuplé
pour qu'elle servît de résidence à un fonctionnaire turc et reçût une
garnison. Mais si ces nouveaux maîtres n'ont pas occupé ces murs, il
est légitime de penser qu'ils ont pris des précautions pour les rendre
inutilisables ; la destruction de toutes les portes — à l'exception de celle
du réduit, — est trop complète pour ne pas paraître systématique : elle
peut être le fait des dégâts subis pendant le dernier siège, mais elle est
plus probablement le résultat du démantèlement par les Turcs d'une
forteresse devenue sans objet.
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Amphissa — Salona.
Amphissa a joué un rôle assez important dans l'antiquité pour qu'il soit
inutile de le rappeler ici. Ayant retrouvé son nom antique oublié au
Moyen Age, elle étale aujourd'hui ses maisons pittoresques au pied et
Sur le versant Sud et Est du rocher qui porte les ruines de l'acropole
hellénique et du château médiéval; ce rocher se dresse, brusque et rude
au-dessus du moutonnement des oliviers, à l'extrémité Nord-Ouest de
l'ancienne Plaine Sacrée, dernier contrefort de la puissante chaîne de
montagnes qui le domine à l'Ouest et qui atteint 2.512 m. au Mont Kiona.
C'est là, avons-nous dit, que passe la route qui vient du Nord par le défilé
de Gravia et par un col élevé entre les masses montagneuses du Parnasse
et du Kiona, route dont l'importance stratégique a été remise en lumière
au cours de la Grande Guerre ; aujourd'hui comme au Moyen Age, c'est
le passage le plus direct du Péloponnèse et du golfe de Corinthe vers la
Grèce du Nord et Salonique. Amphissa en garde le débouché dans la
plaine qui s'ouvre largement au Sud vers la baie d'Itéa, sur le golfe de
Gorinthe. Rasée par Philippe de Macédoine exécuteur des sanctions de
l'amphictionie delphique, elle se releva de ses ruines, mais fut de
nouveau détruite au début du Moyen Age par les invasions bulgares et
slaves. Cependant le site ne fut pas définitivement abandonné.
Quand Boniface de Montferrat, roi de Salonique, occupa la Grèce
centrale, il donna en fief la région de la Phocide à l'un de ses compagnons
que l'on a pu identifier avec un chevalier du Laonnois, Thomas d'Autre-
mencourl (1) ; celui-ci fixa sa résidence et établit son château là où avait été
Amphissa que l'on appelle désormais Salona. Deux questions se posent :
qu'y a-t-il eu en ce lieu entre la disparition d'Amphissa et le moment où son
héritière apparaît dans l'histoire? — et d'où vient ce nom nouveau ?
Il paraît peu probable qu'entre le vine et le xme siècle le site soit
resté inoccupé : la plaine est trop fertile pour n'avoir pas retenu la
population, et si le site avait été tout à fait abandonné, on peut se
demander si Thomas d'Autremencourt l'eût choisi. Mais le nom antique encore
(1) Et non Stromoncourt, comme on l'a répété longtemps après Buchon et Hopf. Sur ce
personnage et sur l'histoire de Salona pendant la domination française (1205-1311) nous
renvoyons à l'étude définitive de M. J. Longnon, à paraître dans les Mémoires de la Société
historique et archéologique de la Haute-Picardie ; l'auteur a bien voulu nous en communiquer
le manuscrit, ce dont nous lui exprimons ici notre bien vive reconnaissance.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRÈCE CENTRALE 165
(1) La Chronique de Galaxidi, éd. Sathas,p. 201, cf. p. 64, fait venir le nom du titre de Boniface
de Montferrat, roi de Salonique, considéré comme son second fondateur. Bien qu'admise par
W. Miller, The Latins in the Levant, p. 33 sq., cette étymologie est bien peu vraisemblable ;
il est difficile d'admettre que le nom de Salona, toujours employé en latin et en grec (Σάλωνα,
gén. Σαλώνου ou Σάλωνος) ait été donné par les nouveaux occupants français, puisque ceux-ci
ont toujours appelé la ville La Sole (La Sola dans la version aragonaïse de la Chronique de
Morée). D'après la forme du mot on ne peut songer à une origine slave, d'autant plus que
les Slaves ont modifié le nom d'une autre Salona, près de Split en Dalmatie, pour en faire
Solin. On pourrait encore se demander si précisément il n'y a pas un rapport entre notre
Salona grecque et la Salona dalmate ; mais rien ne permet d'étayer une telle hypothèse.
(2) Cf. supra, p. 138.
166 A. BON
(1) Chroniques gréco-romanes , p. 474. Sur la domination catalane, voir A. Rubio y Lluch,
Anuari.., 1908, p. 413-425 et 1913-14, p. 464 sqq.
(2) Cf. supra p.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GREGE CENTRALE 167
délivrèrent la jeune fille, et, aidés par une partie de la garnison révoltée
contre le tyran, s'emparèrent du château. La comtesse douairière fut
livrée à la soldatesque et sa fille enfermée dans le harem de Bnjazet, ou
mise à mort par lui comme indigne d'y entrer, selon une autre tradition.
Pour la première fois un gouverneur turc était établi sur les côtes· du
golfe de Corinthe.
La mort de Bajazet en 1402 fit naître l'espoir de reprendre Salona aux
Turcs. Les chevaliers de Saint-Jean firent une tentative pour l'occuper ; le
sultan avait autorisé Théodore Ier Paléologue, héritier des droits de la
comtesse Marie, à leur céder Salona; mais cette tentative rencontra
l'hostilité du clergé orthodoxe et n'aboutit pas. Le pays resta turc pour plus
de quatre siècles.
L'histoire de Salona se résume donc facilement : 106 ans d'occupation
française, 83 ans de domination catalane, puis la longue période turque.
Les murs de l'acropole antique avaient peut-être été réparés par les
Byzantins, après les invasions bulgares et slaves. Mais une nouvelle ère
de construction a commencé avec l'arrivée des Croisés : c'est lasbelle
période de la forteresse que le xnr3 et le χΐνθ siècle ; comme pour Bodo-
nitsa la date de 1222 est capitale pour l'histoire des fortifications qui
subsistent naturellement pendant toute la période catalane : en 1382 les
Navarrais ne peuvent prendre la forteresse d'assaut, et c'est par trahison
que les Turcs s'en sont rendus maîtres. Pour les Turcs, cette forteresse
comme toutes les autres, a beaucoup moins d'importance que pour leurs
prédécesseurs; cependant Salona étant une ville assez importante et le
centre d'une région riche et peuplée, il est probable qu'ils y maintinrent
une garnison jusqu'au xixe siècle.
*
* *
La vue générale d'Amphissa donne une bonne idée de l'assiette du
château (pi. XVI, 1) : les ruines se dressent sur le rocher qui tombe à pic
à l'Est, et occupent une plate-forme qui s'incline en pente douce vers le
Sud-Ouest, en pente plus forte vers le Sud-Est (pi. XVI, 2). De la ville on
monte soit par un chemin en lacets sur le versant Sud-Est, soit par une
route plus commode qui s'élève en éeharpe et va passer à la pointe
occidentale de l'enceinte, où la plateforme se soude au versant qui monte
vers l'Ouest. C'est au Nord-Est, au point le plus élevé, qu'étaient
accumulées les fortifications les plus solides et que sont les ruines les plus
imposantes. De là-haut la vue s'étend sur la plaine fertile qui, entre les
dernières pentes rocheuses du Parnasse et du Kiona, s'en va vers le Sud-
Est, vers la baie d'Itéa, qui reste cachée.
168 A. BON
il) Ce détail a été remarqué par Buchon, op. 1., p. 257, qui parle des « vestiges d'une
porte-coulisse »,
170 A. BON
, . t '
non crénelé est surtout adapté à l'usage des armes à feu; on ne peut
malheureusement savoir s'il y avait une embrasure à canon, la plus
grande partie du parapet étant détruite; nous croyons cependant qu'on
peut admettre comme date de construction l'époque du début de l'emploi
des armes à feu : à une époque plus récente, on n'eût pas élevé un mur
si haut.
La partie Sud-Ouest de l'enceinte frappe par l'abondance de
matériaux antiques, remployés ou in situ. Dans le mur où est percée la porte G>
les blocs sont remployés et liés au mortier; mais sur une longueur de
plus de 50 mètres, de C jusqu'au bastion de la pointe D, la construction
antique est restée en place ; jusqu'au redan qui précède ce bastion, y
compris la saillie d'une tour de 12 m. 50 de façade sur 5 m. 50 de côté, se
sont conservées les assises isodomes (hauteur 0 m. 70 à 75, un peu
moindre pour les plus élevées) d'un magnifique appareil hellénique (pi. XVII,
1, fig. 16 et 17); on peut en compter 9 dont 7 presque partout visibles ;
les joints, quelquefois légèrement obliques, sont régulièrement
contrariés ; les assises de carreaux alternent avec d'autres où un bloc sur trois
forme parpaing ; l'épaisseur totale est de 2 mètres, comme pour le mur
signalé au Nord en dehors de la forteresse ; la surface présente un
bossage régulier marqué de stries verticales, les coins sont ciselés d'un
double refend. Au-delà du redan, ce système fait place à un appareil
polygonal à joints courbes très soigné intimement assemblé avec ce qui
précède (fig. 17) ; les blocs y sont souvent énormes, — l'un d'eux mesure
1 m. 20 sur 1 m. 60. — finement piquetés et appareillés avec autant de
précision qu'au fameux mur polygonal de Delphes; mais cet appareil s'est
moins bien conservé, la hauteur en est moindre que celle de l'appareil
régulier, et il disparaît très vite, pour réapparaître dans le côté Sud de
l'enceinte ; là aussi il n'est conservé que sur quelques mètres et fait place
ensuite au système régulier (fig. 18). Il semblerait donc que ce mode de
bâtir avait été employé simultanément avec l'autre et était réservé à la
pointe. Aujourd'hui celle-ci (D) date tout entière du Moyen Age : la base
est faite de blocs remployés quadrangulaires ou polygonaux, et la partie
supérieure est de blocage, comme ailleurs où le mur antique s'est bien
conservé; aux angles seuls on a utilisé jusqu'en haut de beaux carreaux.
Le tracé semble dessiner un bastion, mais le saillant, d'ailleurs faible,
peut être aussi bien le résultat d'une réparation.
Le sol à l'intérieur est à peu près au niveau de la 8e assise de
l'appareil régulier, donc très au-dessus du sol extérieur; cet exhaussement
ne peut s'expliquer que par la ruine de bâtiments. L'un au moins se
174 A. BON
reconnaît bien : sur la tour antique s'élèvent au Nord et à l'Est des murs
correspondant à deux étages : en retrait de 0 m. 20 sur les assises
helléniques, et épais de 1 m. 40 à 1 m. 50 ils sont percés d'étroites ouvertures,
4 sur la façade, 2 sur le côté Est (fig. 19) ; elles ont la forme d'archères,
larges de 1 m. 10 vers l'intérieur et se rétrécissant vers l'extérieur en
une fente mince ; les embrasures sont couvertes d'une voûte peu soignée
qui devait se terminer par un arc mieux appareillé légèrement brisé ; il a
malheureusement été arraché; sans doute ce bâtiment, à la fois caserne
et corps de garde, surveillait-il l'entrée de la forteresse (1). L'ensemble
s'élève encore aujourd'hui à plus de 13 mètres au-dessus du sol extérieur,
mais il ne reste rien de la couverture ni du couronnement. La pointe
Ouest (D) devait se terminer par un massif plein.
Dans la partie Sud-Est de la basse-cour, le terrain s'abaisse assez
rapidement. Ici le mur dépasse rarement le niveau intérieur ; seul un parapet
devait protéger les défenseurs, et presque partout il est arasé; vers
l'extérieur le mur formant soutènement peut atteindre une dizaine de
mètres de hauteur, mais sous la poussée des terres il a cédé en plus d'un
point. Le tracé suit d'abord la direction de l'Est jusqu'à une sorte de
bastion E, de là remonte au Nord-Ouest sur une trentaine de mètres,
puis, faisant un nouvel angle, rejoint par une ligne assez compliquée le
coin Sud de la seconde enceinte (F). La présence fréquente d'assises
d'appareil hellénique atteste que l'on suit le tracé antique ; c'est surtout
au bastion Sud que l'appareil ancien s'est conservé, il est un peu moins
régulier avec des joints souvent obliques et des décrochements ; à l'Est
une ouverture a été murée. Le mur médiéval est épais d'environ 2 mètres,
probablement comme le mur antique ; le parapet qui dépasse seul
(0 m. 70 à 75) n'est conservé que par places et sur une faible hauteur;
dans le tronçon orienté Sud-Est — Nord-Ouest, au Nord de E, il atteint
1 m. 20, n'est pas crénelé et garde la partie inférieure de 2 meurtrières
non plongeantes. Dans un redan a été pratiqué un passage moderne où
(1) A Rubio y Lluch, Anuari..., 1908, p. 415, considère cette construction comme une
église, construite sur une crypte et entourée de plusieurs autres bâtiments : il n'y a trace
d'aucun de ces éléments, et rien dans la construction sur la tour antique ne permet d'affirmer
qu'elle a été une église; il est λ rai que cette description semble s'inspirer plus de celle de
Buchon (op. 1. p. 257) sur laquelle nous reviendrons plus bas, p. 184, que de la réalité;
Buchon situe l'église avec sa crypte, la chapelle byzantine et le sacellum(?) « à l'intérieur
des murailles », expression vague, mais dont la meilleure interprétation, à notre avis, serait
« dans la dernière enceinte », car c'est là seulement qu'il reste des ruines suffisantes; en
tout cas il y a certainement erreur ou confusion dans la description de A. Rubio y Lluch,
ces bâtiments n'ont pas pu complètement disparaître en moins de 30 ans.
176 A. BON
(1) Les branches ont 0 m. 19 de long, sauf celle d'en haut qui n'a que 0 m. 06 et chacune
est arrêtée par un petit trait perpendiculaire.
BCH, LXI (1937). 12
178 À. BON
parapet qui fait retour au Sud. Elle garde le même aspect extérieur,
particulièrement soigné, et les blocs antiques s'élèvent ici jusqu'en haut.
Nous avons déjà signalé à la base du mur une petite ouverture dont le
haut seul est dégagé ; large de 0 m. 75 à l'extérieur, de 1 m. 40 à
l'intérieur, tout à fait semblable pour la construction à la porte de la deuxième
enceinte (fig. 23), elle est trop grande et placée trop bas pour une fenêtre ;
ce doit être un passage dérobé comparable à celui qui a été muré au
bastion Nord à Bodonitsa, et dont il y a d'autres exemples à Livadie.
Le puissant mur de blocs antiques disposés en assises à peu près
régulières, dont chacune est un peu en retrait sur la précédente, se poursuit
sur le côté Nord, puis à l'Est jusqu'à 6 mètres du coin, et s'interrompt
brusquement (fig. 24) ; un mur de blocage plus bas et épais seulement
de 1 m. 25 le continue sur un peu plus de 13 mètres, pour faire place
ensuite à un simple parapet suffisant au-dessus des rochers. La partie la
plus soignée est le côté Est; aux angles ont été placés beaucoup de blocs
à refends ciselés; mais le côté Nord est le plus curieux, il est coupé par
une tour ronde d'aspect très différent et qui en est complètement
indépendante : placée dans un angle rentrant très ouvert, elle fait une saillie
de moins d'un demi mètre (fig. 25). A l'intérieur on se rend très bien
compte de la forme de cette tour, malgré une brèche au Sud ; elle mesure
7 mètres de diamètre, les murs, de 2 mètres d'épaisseur, gardent au
sommet l'amorce d'un parapet de 0 m. 40. Elle a la même hauteur que le
mur fait de blocs antiques où elle se trouve prise ; le tout forme une vaste
terrasse de 6 mètres sur 15, entourée d'un parapet de 0 m. 50 à l'Ouest
et au Nord, de 0 m. 95 à l'angle Nord- Est où devait être une petite
chambre.
Une tour analogue, mais plus vaste et tout à fait isolée, se dresse à
16 mètres au Sud-Est (diamètre : 9 mètres ; épaisseur des murs : 1 m. 90) ;
un pan seul demeure, bien qu'on ait pris soin d'assurer une base solide
par un épaississement du mur (fig. 26 et 27). A l'intérieur un plancher
était fixé à la hauteur du premier étage où une ouverture était percée au
Sud; il n'en reste qu'un côté, ce qui ne laisse pas voir s'il s'agit d'une
porte suspendue ou d'une fenêtre. Aucun élément antique ici : c'est un
blocage de pierres grossièrement taillées, de fragments de tuiles, liés
d'un mortier abondant où le gravier est mêlé de débris de briques ; les
poutres de l'échafaudage y ont laissé des trous réguliers et ronds. La
maçonnerie de la tour Nord est différente : pierres un peu plus grosses,
entre lesquelles les interstices sont régulièrement remplis de petits
morceaux de tuiles, mortier moins abondant, pas de trous laissés par les
180 A. BON
(1)11 n'y en a pas d'autres dans les grandes fortei esses que nous décrivons; mais on
peut citer le** ruines d'une tour ronde sur l'acropole de Chéronée, de construction
récente, semble-t-il. A Davlia, un bastion près de la porte a un tracé courbe, mais ce n'est
pas une tour proprement dite.
182 A. BON
fait identique à celui des autres éléments en blocage, mais alors il faut
croire qu'à deux époques différentes on a construit ici des tours rondes,
si rares ailleurs. Enfin ce qui rend l'intelligence de ces ruines plus
difficile, c'est que l'état de destruction ne permet pas de se rendre compte de
l'agencement général : le pan encore debout de la tour centrale ne
montre aucune trace de raccordement : était-elle isolée ? — le bâtiment
dont faisait partie le gros mur a-t-il existé en même temps que le mur de
la seconde enceinte qui lui est sensiblement parallèle, ou l'un des deux
était-il déjà en ruines quand on a construit l'autre, et lequel des deux a
précédé? — les réponses que l'on peut faire ne seraient que des
hypothèses. Il nous semble que la succession chronologique qui approche le
plus de la vraisemblance est celle-ci : a) la tour ronde du Nord, peut-
être isolée, et sans doute byzantine, puisque la plus ancienne ; — b)
l'ensemble de la deuxième enceinte, qui date d'une réfection générale de la
forteresse (ce mode de bâtir se retrouvant dans toutes les parties) qui ne
peut guère se placer historiquement que dans la première moitié du
χΐπβ siècle ; — c) le donjon rond et le grand bâtiment flanqué d'une tour
demi ronde ; peut-être est-ce une construction postérieure, faite pour
renforcer les défenses du réduit déjà ébranlé par les tremblements de
terre, et où les maîtres d'œuvre auraient repris des traditions anciennes (1),
et ces bâtiments très élevés, en petits matériaux, auraient depuis souffert
particulièrement des séismes. C'est un peu plus tard encore qu'il faudrait
placer l'édification du grand mur Nord A-B de la première enceinte.
La partie Sud est moins solidement fortifiée, puisque de ce côté le
rocher à pic constitue une défense naturelle; surtout du côté Est, on s'est
contenté d'obstruer les intervalles entre les rochers par un mur de
blocage (fig. 24) ; au-dessus du sol intérieur ne s'élevait qu'un parapet
aujourd'hui arasé (2). Mais, pour être moins importantes, les constructions
n'en sont pas moins complexes. Tout à fait au Sud, des murs multiples
révèlent l'existence de bâtiments variés; l'un d'eux est assez curieux, on
voit, en effet, au-dessus de l'à-pic, le départ d'un mur courbe : à labase,
visible seulement au Sud-Est, de l'extérieur, le blocage est coupé de place en
(1) On peut même se demander si l'on n'a pas reconstruit sur des fondations plus anciennes :
il y a à la base du gros mur, dans la partie Sud et sur la face Ouest, une maçonnerie où sont
employées de grandes briques plates disposées horizontalement, qu'on ne retrouve pas dans
le reste du même mur.
(2) C'est de ce côté qu'est le « saut de la reine », rocher d'où se serait précipitée une
princesse, suivant une légende populaire (cf. Rubio y Lluch, Annuari . . . , 1908, p. 413) —
ce n'est qu'un thème de folk-lore.
184 A. BON
place par une double ligne de grandes briques plates suivant un système
de construction byzantin : l'emploi de ces briques est extrêmement rare à
Amphissa, on ne les retrouve qu'à la partie inférieure du gros mur
crénelé dans la seconde enceinte, sur la face Ouest ; malheureusement il est
impossible de savoir s'il s'agit d'une autre tour demi-ronde, ou d'une
abside d'église, ce qui paraît cependant le plus probable. Les seuls
bâtiments que l'on puisse reconnaître sont au nombre de deux : l'un,
certainement une citerne, très long (4 m. sur 13 m. 50 à l'extérieur) ne conserve
qu'une partie de la voûte qui devait le couvrir (fig. 29) ; l'autre est
souterrain et avait peut-être la même destination ; il est plus petit (5 m.
sur 9) et divisé en deux compartiments par un mur de refend ; la voûte
en arc légèrement brisé est conservée, sauf au coin Sud-Ouest, et portait
une chambre supérieure (1).
* ♦
Les constructions que nous venons de décrire constituent un ensemble
plus vaste, plus puissant et plus complexe qu'à Bodonitsa. Cependant les
éléments essentiels restent les mêmes : l'existence d'une vaste enceinte
destinée à abriter la population et une partie au moins du village n'est
révélée que par des vestiges dispersés et disparates, trop rares pour offrir
(1) II est difficile de reconnaître les différents bâtiments cités par Buchon, op. 1., p. 256 sq.
Sa description donne peu de détails intéressants, et surtout ne les situe pas de façon sûre
et précise : il a confondu les murs antiques et ceux où les blocs anciens sont seulement
remployés ; il donne des mesures exactes pour la porte de la deuxième enceinte, mais elle
est encadrée de 5 blocs et non de 3 ; les deux tours carrées doivent être celle qui précède
l'entrée — avec « les vestiges d'une porte à coulisse » — et le bastion-plateforme B. Il cite
enfin « dans Vintérieur des murs.., les ruines d'une église franque, au-dessous de laquelle
est une petite église souterraine... les ruines d'une petite église byzantine, et tout à côté de
cette dernière un petit sacellum fort probablement romain. Sur la gauche en entrant est un
degré creusé dans le roc tout le long du mur de côté, et tout le pavé est également creusé
dans le roc. » Nous supposons que par « intérieur des murs » il entend l'intérieur de la
seconde enceinte : c'est là seulement que le sol est de rocher, et qu'il y a quelques vestiges
pouvant être comparés aux ruines citées, alors que près de la porte C où les situe Rubio y
Llueh, il n'y a rien aujourd'hui (cf. supra p. 175, n. 1) et le sol est de terre ; le dernier
bâtiment que nous avons décrit avec ses deux chambres inégales correspond très exactement à
la « petite église souterraine » ; au Sud le bâtiment dont le côté Sud est arrondi en abside
peut êlre l'église byzantine; mais on cherche ce qui pouvait bien être un sacellum romain.
Le degré taillé dans le roc a disparu sans doute sous les murs écroulés. En somme la
description contient des détails réels, en partie vérifiables ; mais on peut se demander si
l'interprétation qu'en donne Buchon est exacte ; car bien qu'il ait vu plus de choses que nous, —
les tremblements de terre, en particulier en 1870, et l'homme ayant causé des dégâts depuis
son passage — , il est douteux qu'il y ait jamais eu un sacellum romain et une église franque
superposée à une église souterraine ; si Rubiù y Lluch en parle, c'est probablement qu'il a
décrit moins d après les notes prises sur les lieux que d'après Buchon, en ajoutant une
confusion topographique.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE 185
complètement négligé, paraît avoir été résolu de façon modeste; car deux
citernes sont peu de chose pour une forteresse de cette ampleur
dépourvue d'eau courante et de puits; il est vrai que placées ici comme à
Bodonitsa dans le réduit, elles devaient être réservées à l'alimentation de la
garnison sans doute très réduite comme partout au Moyen Age.
Le plan général est donc clair; mais bien des détails restent obscurs,
en particulier nous n'avons pas expliqué le rôle de l'angle de mur en
grosse maçonnerie à l'Ouest de la porte C, la trouée entre le mur de la
basse-cour et celui du réduit en A, et surtout l'agencement des bâtiments
dans la partie Nord du réduit, question autant d'architecture que de
chronologie sans doute. Malheureusement, pour écrire l'histoire monumentale
186 ' A. BON
de cette forteresse comme des autres, on est réduit anx conjectures, par
suite du manque de documents et de la disparition des détails
caractéristiques, créneaux, fenêtres. On peut affirmer qu'il y a eu un ensemble de
fortifications élevé à l'aide des blocs antiques qu'on a remployés, et quand
ces matériaux ont été épuisés, en maçonnerie de petites pierres pour les
parties hautes : ces deux appareils ont été employés alors en plus d'un
point simultanément. Mais, même sans tenir compte de petites
réparations locales, il y a des parties nettement antérieures, d'autres
postérieures à l'ensemble ; l'exemple le plus typique des premières est la tour
ronde engagée dans le mur Nord du réduit, et pour les secondes le mur
A-B terminé par une plateforme qui semble bien faite pour recevoir des
pièces d'artillerie légères ; ces deux éléments sont faits de deux blocages
d'époques manifestement différentes. Enfin il est des éléments dont la
classification chronologique est difficile, parce que nous voyons mal le
rapport qu'ils ont avec ce qui les entoure, tel le gros mur crénelé dans
le réduit. Nous avons vu que la période pendant laquelle l'existence d'un
château complet doit être considérée comme certaine est celle qui va du
début du xiii' siècle juqu'à l'occupation de Salona par les Turcs à la fin
du siècle suivant; c'est à cette époque que doit être attribué l'ensemble
des fortifications : celles-ci ont englobé au moins une tour ronde
antérieure qu'il faut donc regarder comme byzantine. Sans doute comme à
Bodonitsa, les Francs ont simplement relevé des murs sur les fondations
antiques, dont le tracé n'a pas, à cause du terrain, la régularité de
l'enceinte de Pharygai ; ici aussi il se sont servis des matériaux provenant
des ruines helléniques. Mais comme à Bodonitsa ils ont ajouté un réduit
dont l'emplacement au point le plus facilement défendable leur était
désigné par la tour byzantine, et c'est ce réduit, avec ses constructions
complexes, qui est l'élément médiéval le plus original. La forteresse a
subi des dégâts et des réparations : les tremblements de terre en
particulier sont fréquents dans la région. C'est ainsi qu'il a fallu reconstruire le
mur Nord A-B, ce qui a pu être fait au début de l'emploi des armes à feu,
c'est-à-dire au xve ou xvi· siècle, donc par les Turcs. Faut-il leur
attribuer aussi la construction du grand logis fortifié dont il reste un pan de
mur dans le réduit? Nous n'osons l'affirmer. Mais nous regardons oomme
certain que les Turcs ont occupé le château; il n'a sans doute plus pour
eux l'importance qu'il a eue pour les Francs ou les Catalans, mais Salona
est un centre assez important pour qu'ils y eussent une petite garnison,
et ils ne pouvaient mieux la loger qu'à l'abri des murailles de la
forteresse : c'est ainsi qu'ils furent amenés à les entretenir.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRÈCE CENTRALE 187
Thèbes et Livadie.
(1) Voir dans la Géographie universelle, t. VIII 2, Pays balkaniques par Chataigneau et
Sion, phot. A en face de la p. 539.
(2) Ed. Adler, texte p. 12.
(3) Sur Thèbes à cette époque, voir en dernier lieu G. Stadtmùller, Michael Chômâtes,
p. 144 et 147.
188 A. BON
(t) L'exposé le plus récent de cet épisode est dans G. Stadtmùller, op. 1., p. 181 sq.
(2) Nous n'aborderons pas ici la question très discutée de la destruction du château ; mais
il est certain qu'il ne fut pas détruit dès 1311 comme le soutient Rubio y Lluch, Anuari.,
1908, p. 372 sqq , puisqu'il existe encore en 1314 (cf. Valbonnais, Histoire du Dauphiné, II,
p. 151), et peut-être jusqu'en 1331, cf. Hopf. op. 1., t. 85, p. 426 B.
(3) V. Rubio y Lluch, Anuari. .,1 1913-14, p. 474-484, sur l'importance et l'histoire de la
ville avant et pendant la domination catalane. L'expression castrum Destives qu'il cite d'après
un document d'archives de 1400 ne désigne pas un château, mais simplement la ville fortifiée,
comme toujours κάστρον en grec, cf. Stadtmùller, op. 1., p. 299 sq et G. Kolias, Byz. Z.,
XXXVI (1936), p. 331.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE 189
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niveau du sol dans le côté Sud. Au xnie siècle, il n'existait qu'une porte
s'ouvrant à 7 mètres environ du sol sur le côté Ouest (1); elle est
couverte par une voûte, mais l'encadrement extérieur n'est conservé que d'un
côté, et devait comporter, semble-t-il, plutôt un linteau droit qu'un arc ;
elle donnait accès au premier étage. Au-dessous, l'intérieur est divisé en
deux salles larges chacune de 3 m. 55, voûtées en plein cintre et
communiquant par une large baie voûtée aussi de 2 m. 40; toutes les voûtes ont
été construites sur des cintres posés sur des poutres engagées dans les
(1) Buchon, op. 1., p. 208, dit avoir vu un escalier d'où, par une passerelle, on y avait
accès ; il n'en reste rien aujourd'hui.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GREGE CENTRALE 191
(1) Voir Rubio y Lluch, Anuari..., 1908, p. 374-387 et 1913-14, p. 418 sqq.
FORTERESSES MÉDIÉVALES DE LA GRECE CENTRALE 193
Sur la rive gauche se dresse le rocher qui est ainsi inaccessible au Sud
et à l'Est; il descend en pente assez raide au Nord vers la ville qu'il
domine d'environ 150 mètres; vers le Nord-Est seulement l'accès est
facile : le terrain, après s'être légèrement abaissé en un col large, remonte
(1) W. Miller, The Latins in the Levant, p. 311, l'appelle « a noble monument of Catalan
rule in Greece »; cf. p. 327. — Sur le rôle de Livadie dans les guerres de l'Indépendance
hellénique et ses vicissitudes, voir Buchon, op. /., p. 225.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE 195
(1) On trouve de même un fossé creusé dans le rocher autour de la partie la plus haute
de la forteresse à Lamia et à Lépante pour la Grèce continentale, à Patras dans le Pélo-
ponèse ; le fossé qui précède la porte de la première enceinte sur l'Acrocorinthe est d'un
type plus perfectionné, cf. Corinth III 2, p. 163 sq.
196 A. BON
Fig. 34. — Livadie : porte murée près du bastion Ouest de la première enceinte.
FORTERESSES MÉDIÉVALES DE LA. GRÈCE CENTRALE 197
Fig. 35. — Livadie, tour Est, intérieur. Fig. 36. — Livadie : le donjon.
à l'Est en mesure 8 m. 63, mais la forme n'en est pas régulière : la tour
va en se rétrécissant à l'Ouest et communique avec l'intérieur par un
étroit passage (1 m. 30) entre la courtine au Nord et, au Sud, un mur
mince et sinueux qui se prolonge sur quelques mètres en un parapet,
jusqu'à la paroi rocheuse : de ce côté point n'est besoin d'une défense
très solide. De l'extérieur, la construction, haute de 12 mètres, sans
ouverture, est imposante et massive ; la base tout entière et les angles
sur la plus grande partie de la hauteur sont faits de blocs antiques rem-
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRÈCE CENTRALE 199
ployés (1) : c'est le seul point où l'on en trouve, ils proviennent sans doute
des bâtiments qui entouraient l'oracle de Trophonios. La partie
supérieure, légèrement en retrait, est construite d'une manière beaucoup
moins soignée (comme le parapet continu signalé plus haut qui la
prolonge vers l'Ouest)· L'intérieur (fig. 35) se compose d'une chambre longue
de 5 m. 70 sur une largeur de 3 m. 57 à 4 m. 15, dont le sol est à peu près
au niveau extérieur; on y descend par un escalier très rapide fait de
plusieurs volées (voir le croquis pi. XXI). Il y avait trois étages superposés ;
le plus haut seul était éclairé par une petite fenêtre carrée percée au Sud.
Le mur épais de 1 m. 50 à 1 m. 65 se terminait par un parapet
aujourd'hui détruit. Tout près de la tour, dans l'angle rentrant à l'Ouest une
poterne aujourd'hui murée rappelle par sa situation et son aspect
l'ouverture signalée à l'autre extrémité du mur près du bastion Sud-Ouest ;
un peu plus grande (1 m. 18 sur 2 m. 05 de haut) elle est, comme elle,
encadrée de poros bien taillés, mais elle a de plus conservé un linteau
droit de calcaire, décoré d'une mince corniche.
La première enceinte enclôt une vaste étendue aujourd'hui vide, mais
qui a été habitée : outre les vestiges d'une petite citerne dans l'ouvrage
extérieur, d'une autre — très récente — près de la seconde enceinte, il
y a des restes de constructions un peu partout; une partie au moins de la
population de Livadie a dû vivre à l'abri de ces murailles et y avoir non
seulement des maisons, mais de petits jardins; on reconnaît encore
parmi les arbres des amandiers. Mais ces habitants ne pouvaient avoir
que l'eau des citernes ; et l'on se demande pourquoi l'on n'a pas prolongé
le bastion Est un peu plus loin vers le Sud, pour enclore dans l'enceinte
des sources abondantes qui jaillissent au pied même du rocher et qui
alimentent le torrent de Livadie.
La deuxième enceinte se présente au Nord avec une imposante façade
flanquée de trois tours (pi. XVIII, 2). Un sentier décrivant un grand arc
de cercle mène de l'entrée de la première enceinte à la seconde porte
défendue par une haute tour et précédée d'une petite barbacane. Celle-ci
a la forme d'un triangle appliqué à la courtine, dont le petit côté à l'Ouest
prend appui sur la grande tour, et le grand côté au Nord s'en va vers
l'Est jusqu'à une tour plus petite. La construction est dans l'ensemble
médiocre pour les matériaux et pour leur assemblage, aussi les murs
sont-ils assez mal conservés. Celui du Nord a subi des réparations qui
font faire au tracé un angle rentrant que rien ne rend nécessaire ; celui
(1) Un des blocs maçonnés à l'intérieur porte même une inscription, IG. VII 1, 3157.
200 A. BON
subsiste un étroit passage : au-delà, parmi les rochers qui tombent vers
la gorge, s'étend une sorte de replat qu'on a eu soin d'enclore dans la
seconde enceinte, et qui peut servir de pâture ou porter quelques maigres
champs. Un mur mince a laissé ici et là quelques vestiges à peu près
suffisants pour qu'on en puisse suivre le tracé.
Tel est l'ensemble de la seconde enceinte ; elle était capable d'offrir
une bonne résistance, grâce à sa muraille solide et bien protégée du côté
accessible. De plus on avait eu la prévoyance d'y annexer des terrains
utiles et de construire des citernes : on retrouve les vestiges de l'une
d'elles contre le mur Ouest; mais la plus curieuse est celle qui, trans-
être récente (1). Pour en rendre l'accès possible une sorte de petite porte
a été percée à l'Ouest où le rocher s'abaisse : cette brèche laisse voir
l'appareil de moellons de poros réguliers de dimensions moyennes et de
grandes briques plates (0 m. 31 χ 0 m. 45 X 0 m. 035 à 0 m. 04) dans un
mortier très solide, et le revêtement intérieur de stuc rose.
Dans ce même appareil, très solide et d'aspect plus ancien, subsistent
quelques vestiges de murs dans les rochers au-dessous du réduit,
visibles sur la fig. 37, traces de bâtiments dont il est impossible de
reconnaître la forme ou de deviner la destination.
Le sommet est occupé par une plateforme à peu près triangulaire de
25 mètres sur 30 environ, dont la base suit le bord du rocher et dont
la pointe tournée vers le Nord-Ouest est occupée par une tour, sorte de
donjon, située sur une saillie rocheuse au point le plus élevé. Les murs
qui forment cette sorte de cour sont très mal conservés : au Sud, où l'on
domine à pic la gorge, le tracé, à peine visible au ras du sol, fait un
décrochement pour épouser la forme du rocher. Dans le mur Ouest,
épais de 1 m. 40, était percée la porte dont le côté Sud est seul visible
et dont la largeur et la forme restent inconnues. Par un retour en angle
droit le mur rejoint lo donjon qui ne fait pas saillie; c'est une tour carrée
de 7 m. de côté aux murs épais (1 m. S0) ; au Nord la base est renforcée
par une assise débordant de 7 à 8 centimètres. Il ne reste pas trace de
la porte qui devait être suspendue; et la seule ouverture est aujourd'hui
une petite fenêtre carrée sur le côté Ouest qui est assez bien conservé,
tandis que tout le coin Sud-Est est ruiné (fig. 36 et 37).
Le mur Nord-Est est le plus mal conservé : il semble avoir dessiné à
l'Est du donjon un angle droit comme celui de l'Ouest, puis il rejoint
obliquement le mur Sud (épaisseur 1. m. 50), fermant ainsi cette sorte
de réduit; mais il se prolonge au-delà, hors du réduit, vers le Nord-Est,
le long d'une arête rocheuse qui sépare la deuxième enceinte des champs
en terrasses suspendus au-dessus de la gorge au Sud-Est, et parvient
jusqu'à une autre tour carrée que nous avons signalée en décrivant la
seconde enceinte, car elle vient presque y buter; c'est un massif plein
et sans ouverture de 5 m. S0 de côté ; le seul moyen d'accéder à la
plateforme qu'elle devait porter était sans doute de passer sur le mur épais
de 1 m. 30 qui descend du réduit. Mais il est difficile de se représenter
(1) II faut probablement l'identifier avec la « petite église en ruines » de Buchon, op. /.,
p. 224, « divisée en deux parties parfaitement égales ». Par contre on peut considérer comme
certain que cette citerne n'a jamais abrité la fameuse relique de la tète de Saint-Georges
que possédait Livadie, comme le suppose Rubio y Lluch, Anuari.., 1908, p. 386.
204 A. BON
le détail de cet aménagement; bien que le mur se soit conservé sur une
hauteur de 2 ou 3 mètres, il n'a plus son couronnement ; il est trop étroit
pour avoir pu porter un passage entre deux parapets, il devait n'y en
avoir qu'un vets le Sud-Est; l'ensemble devait servir de poste de
surveillance avancé, et prévenir l'approche d'assaillants qui auraient réussi
à se glisser par escalade jusqu'à ces champs en terrasses dépendant de la
seconde enceinte. Toutes ces constructions sont faites dans le même
appareil de petits moellons de forme irrégulière avec de rares fragments
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de tuiles, liés d'un mortier peu résistant; il n'y a pas d'autre partie de
la forteresse qui soit aussi mal conservée que le donjon, mais il y en a
d'autres qui ne sont pas mieux soignées, comme la barbacane de la
première porte, le parapet à meurtrières au Sud de la tour Est, les
réparations de la seconde enceinte. Nous admettons que ces différents éléments
ont été reconstruits ou ajoutés par d'autres ; certains datent
manifestement au plus tôt du xve siècle; or Buchon (1) rapporte que la tour
supérieure est l'œuvre des Turcs qui furent toujours de médiocres bâtisseurs;
ce témoignage confirme notre impression que le donjon et les murs
voisins sont d'une construction différente et plus récente; rien n'interdit
avait pas. On a employé les rares blocs existant en les faisant entrer dans
les murs les plus proches, ceux de la grande tour Est ; il n'y a qu'un
principe qui compte pour le constructeur, tirer parti de ce qui se trouve
sur place.
En somme la question importante qui se pose, c'est de savoir à qui
revient le mérite d'avoir dressé ces murailles et ces tours qui dominent
encore la ville de Livadie, plusieurs fois détruite et relevée à leur pied.
Nous avons déjà indiqué quelles raisons nous font supposer que Livadie
n'était pas une ville ouverte en 1311 ; les Français ont certainement
occupé le rocher, mais il est peu probable que ce soit leur ouvrage que
nous voyons. Il y a une différence trop grande entre le rôle effacé de
Livadie au xine siècle et l'importance qu'elle prend après, pour ne pas
admettre que les Catalans aient transformé radicalement la forteresse et
lui aient donné l'aspect qu'elle a encore ; c'est à eux en tout cas qu'il faut
en attribuer les parties les plus caractéristiques ; ils purent travailler avec
moins de hâte que n'avaient dû faire les Francs élevant les murailles de
Bodonitsa ou de Salona après 1222. Leurs successeurs, les Turcs, ont fait
quelques réparations, puisqu'ils occupaient la place : ils ont consolidé les
murs ébranlés par les tremblements de terre, muré telle ouverture,
exhaussé ou refait ici et là un parapet, remplaçant le crénelage par un
mur continu à meurtrières (au Sud de la grosse tour Est par exemple),
rajouté une barbacane qui révèle un art militaire plus évolué que celui du
Moyen Age, enfin reconstruit peut-être les défenses du dernier réduit;
mais ils ont fait le minimum nécessaire, on peut en être sûr; et c'est
grâce à cette indolence dont l'archéologue se réjouit que Livadie,
entretenue mais non défigurée, est restée un type bien caractéristique des
forteresses médiévales en Grèce.
Nous dépasserions les limites que nous avons fixées à cette étude, si
nous voulions en tirer des conclusions générales ; ce serait d'ailleurs une
tentative prématurée après une enquête aussi locale. Cependant quelques
remarques peuvent être faites.
Ces forteresses sont à la fois très semblables et très différentes : très
semblables parles conditions de leur construction, par leurs dispositions
générales ; très différentes parce qu'étant toutes des forteresses de
montagne et des œuvres de circonstances, elles s'adaptent au terrain et
aux conditions locales : constructions antérieures, matériaux existant ; en
un mot semblables dans leurs principes, différentes dans leur aspect.
FORTERESSES MEDIEVALES DE LA GRECE CENTRALE