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clair qu’il s’agit d’une science « spéculative »5. Telle est aussi la
position adoptée par Thomas d’Aquin6. Mais le Frère mineur ne
s’en tient pas là et prête à la théologie une envergure plus large : il
considère qu’elle s’étend « jusqu’à l’affect » (c’est-à-dire jusqu’aux
puissances désirantes et affectives de l’âme) et même jusqu’à
l’œuvre elle-même, c’est-à-dire jusqu’à l’action. Par conséquent,
elle n’est pas seulement spéculative, mais également pratique : elle
embrasse les dimensions intellectuelles, affectives et pratiques, et
c’est pour cette raison, explique Bonaventure, qu’elle est nom-
mée « sagesse » : « la sagesse dit en même temps connaissance et
affection ». Cette connaissance et cette affection doivent amener
celui qui les possède à « devenir bon »7, jusqu’à l’œuvre bonne.
Par conséquent, bien que la théologie soit sans aucun doute une
science spéculative, qui s’étend jusqu’à ses dimensions affectives
et pratiques, Bonaventure ajoute qu’elle est « principalement tou-
tefois pour que nous devenions bons ». Autrement dit, il s’agit
d’une science spéculative dont le but est principalement pratique.
Mais si la théologie est principalement orientée vers
la sanctification et la fructification, si sa dimension pratique
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Le basculement eschatologique
11. Ibid.
12. En particulier de Basile, d’Athanase et d’Irénée. Sur ce point, voir Luc Mathieu,
La Trinité créatrice ¿¿,après saint Bonaventure¡ Paris, Éditions franciscaines, 1992, p. 178.
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13. Voir Hexaëmeron, XXII, 2122( ־éd. Quaracchi V, 440-441) trad. M. Ozilou
modifiée p. 477478־: «Les Chérubins correspondent à cet ordre auquel
appartiennent les Prêcheurs et les Mineurs. Les uns tendent principalement à la
spéculation d’où ils reçurent leur nom, et ensuite à l’onction, les autres tendent
principalement à l’onction et ensuite à la spéculation. Et puisse cet amour ou cette
onction ne pas s’éloigner des Chérubins. [...] Le troisième ordre est celui qui vaque
à Dieu par la surélévation, c’est-à-dire extatiquement ou excessivement. [...] Quel
est cet ordre? C’est l’ordre séraphique, auquel François paraissait appartenir. »
14. Sur ce point, voir la conclusion d’André Vauchez à l’ouvrage IIpapato duecentesco
e gli ordini mendicanti. Atti del XXV Convegno intemazionale Assisi, 13-14 febbraio
1998, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1998, p. 351.
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hostile aux doctrines de Joachim, et rien n’interdit de supposer qu’il ait exprimé
son indignation de la façon la plus vive au cours du procès [de Jean de Parme] [...]
Plus tard, lorsqu’il reprendra à son tour les problèmes de philosophie de l’histoire
posés par l’abbé de Flore, il les résoudra dans un sens tout différent et en revenant
aux périodes historiques distinguées par saint Augustin; l’ère des révélations lui
semble close, il n’admet pas d’évangile nouveau, l’humanité est déjà entrée dans la
dernière période de son histoire, et s’il admet qu’un nouvel ordre religieux doive se
constituer, ce n’est pas d’un ordre religieux en tant que corps organisé qu’il nous
parle, mais d’un ordre idéal d’âmes parfaites à quelque ordre religieux qu’elles
puissent d’ailleurs appartenir. »
24. La Théologie de Vhistoire, op. cit., p. 19.
25. Hexaëmeron, XV, 12-28 (éd. Quaracchi V, p. 400402)־.
26. La Théologie de Vhistoire, op. cit., p. 20.
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27. Sur ce point, voir Charlotte Solignac, « Centrum et medium chez Bonaventure:
le christocentrisme des Collationes in Hexaëmeron à la lumière de l’exégèse et de
l’homilétique bonaventuriennes », Études franciscaines, 10, 2017, fase. 1, p. 93116־.
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34. En guise de résumé des biens propres aux derniers tempSj Joseph Ratzinger
propose deux mots: la paix et la révélation (La Théologie de lfhistoire» op. cit.y p. 63).
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But du Concile
37. Toute cette partie doit beaucoup à l’ouvrage fondamental 1274, année charnière.
Mutations et continuités, Paris, Éditions du C.N.R.S., 1977, dont la deuxième partie
est consacrée au deuxième concile de Lyon (p. 289-584). La troisième partie
n’est pas moins importante, puisqu’elle est consacrée à Thomas d’Aquin et à
Bonaventure.
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Rôle de Bonaventure
40. Voir « Le rôle de saint Bonaventure au concile de Lyon », dans 1274, année
charnière, op. cit., p. 425431־.
41. Sur le negotium graecorum au Concile de Lyon, voir « Le rôle de saint Bonaventure
au concile de Lyon », p. 426427־. Il faut noter que Joachim de Flore manifestait
lui aussi un intérêt (eschatologique) pour l’union avec les Grecs, mais dans des
termes intransigeants et sans entrer dans les détails des discussions théologiques,
contrairement aux franciscains. Sur le rapport entre Joachim et les Grecs, voir
Henri de Lubac, La Postérité spirituelle, op. cit., p. 3338־.
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45. J.-G. Bougerol, « Le rôle de saint Bonaventure au Concile de Lyon », dans 1274,
op. cit., p. 432-433.
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Fruit
46. Dans les années 1254-1255, à l’époque de la rédaction des Quaestiones dispútame
de perfectione evangélica, Bonaventure écrivait ce qui suit (q. IV, art. 3, resp. (éd.
Quaracchi V, p. 193-194)) : « [...] bien que, dans notre diversité, nous soyons
astreints de façon diverse et par de multiples liens à la soumission de l’obéissance,
[...] et cela selon la diversité des grades, des offices et des pouvoirs, toutefois, toute
cette variété doit être reconduite à l’un suprême et premier, dans lequel réside
principiellement la principauté du tout universel, et donc non seulement à Dieu
lui-même et au Christ, médiateur de Dieu et de l’homme, mais aussi à son Vicaire,
et cela non par institution humaine, mais par l’institution divine par laquelle le
Christ a institué Pierre prince des Apôtres [...]. Cet acte du Christ est d’une très
grande pertinence, parce que le requéraient l’ordre de la justice universelle, l’unité
de l’Église et leur stabilité. Le requiert en effet l’ordre de la justice universelle,
à savoir la justice naturelle, la justice civile et la justice céleste ou spirituelle.
La justice naturelle, par laquelle sont ordonnés les éléments du monde et toute
la machine de l’univers, requiert que, parmi les corps qui ont un lieu, il y ait un
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ce point de vue, avait sans doute une position plus sage que Gré-
goire X lorsqu’il conseillait une union non pas immédiate, mais
par apprivoisement mutuel, par des efforts de compréhension
mutuelle qui impliquait des traductions de textes patristiques,
notamment, afin de mieux se comprendre. On ne peut donc
pas parler, encore une fois, d’œcuménisme au sens moderne du
terme, c’est-à-dire avec une véritable collégialité.
seul premier corps locans, que parmi les mobiles il y ait un seul premier mobile,
que parmi toutes les lumières il y ait un seul principe irradiant, que parmi tous
les moteurs il y ait un seul premier moteur et qu’universellement « dans n’importe
quel genre il y ait un seul premier, par lequel soient mesurées toutes les choses qui
sont contenues dans ce genre» [Averroès, commentant Métaphysique IX, 1]. En
outre, la justice naturelle dans le microcosme requiert qu’il y ait un seul membre
principal dont tous les autres reçoivent l’influence selon la vérité, tel le cœur, et
selon l’évidence, telle la tête; qu’il y ait en outre une seule puissance qui soit le
principe de toutes les puissances de l’âme et qui régisse tout l’homme, à savoir le
libre arbitre. - En outre la justice civile requiert qu’il y ait un seul juge principal
duquel provienne la décision finale des causes; qu’il y ait en outre un seul chef
et dirigeant qui porte le droit, de crainte qu’en raison de la division de la tête ne
se produise le schisme et la division du corps de la république, et qu’en raison de
l’égalité de juges en désaccord, s’il n’y a aucun juge suprême, la querelle ne prenne
jamais fin. - En outre, l’ordre céleste implique que tous les esprits soient disposés
de façon suprêmement ordonnée sous l’obéissance de l’unique suprême Esprit dont
ils contemplent la présence. Puisque cette hiérarchie inférieure et cet ordre naturel
consonnent avec l’ordre moral et l’ordre céleste, étant donné qu’ils perfectionnent
la nature, ornent les comportements et émanent de la Jérusalem d’en-haut, il faut
que cette hiérarchie et cet ordre soient reconduits selon la raison d’obéissance à
l’unique premier et suprême. En effet, de même qu’il n’y a pas d’ordre de priorité et
de postériorité si ce n’est par reconduction au premier, de même il n’y a pas d’ordre
complet selon l’inférieur et le supérieur si ce n’est par reconduction au suprême.
C’est pourquoi l’ordre très parfait se trouve là où il y a une parfaite reconduction au
suprême qui est absolument suprême, à savoir Dieu ; et c’est le cas dans la Jérusalem
d’en-haut où se trouve la plénitude de la justice. - Mais là où il y a une reconduction
au suprême dans le genre de l’homme, à savoir le Vicaire du Christ, le souverain
Pontife, il y a l’ordre parfait, en tant qu’il s’accorde avec la perfection de l’Église
présente, et qui est formé à l’instar de la Jérusalem d’en-haut. [...] Ainsi donc il doit
y en avoir un seul à qui soit reconduite la soumission universelle, et ce parce que,
comme il a été montré, l’ordre de la justice universelle l’exigeait. » À titre de principe
intermédiaire, le pape apparaît donc comme un relais essentiel de l’unité du monde ;
on voit Bonaventure affirmer sa conviction selon laquelle cette reconduction doit
passer par une juridiction unique, fût-elle généreuse à l’égard de la diversité des
cultures. En ce sens, Bonaventure conçoit le pouvoir pontifical comme un pouvoir
spirituel, certes, mais aussi « supra-temporel », selon l’expression d’Henri de Lubac :
le pape est le monarque des monarques. Voir La Postérité spirituelle, op. cit., p. 63.
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47. Sur le concile de Florence, voir M.-H. Congourdeau, « Les relations entre les
Églises d’Orient et d’Occident », dans Histoire du christianisme, op. cit., tome VI,
p. 845 sq.
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Faculté de philosophie,
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