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Abstract
Note concerning the concept of a « Gattungswesen » in the thought of Karl Marx.
Man is Gattungswesen (generic being) in as much as he realizes himself as a universal being, and this in several ways. As living
being he is open upon the whole of nature. By his work man associates nature to his life in transforming it in its inorganic body.
His thought reaches the universal objects, i.e. the genuses, the concepts. As thinking being the human individual identifies
himself with the human genus as a whole. Nonetheless man is not immediately Gattungswesen : he must first realize, in the
world of work, his effective unity with others by a common historical action consciously carried out.
Résumé
L'homme est Gattungswesen (être générique) en tant qu'il se réalise comme un être universel, et ce de plusieurs façons. En tant
qu'être vivant, il est ouvert sur la nature tout entière. Par son travail l'homme associe la nature à sa vie en la transformant
effectivement en son corps inorganique. Sa pensée atteint les objets universels, c'est-à-dire les genres, les concepts. En tant
qu'être pensant, l'individu humain s'identifie au genre humain dans son ensemble. Cependant l'homme n'est pas immédiatement
Gattungswesen : il lui faut réaliser, dans le monde du travail, son unité effective avec les autres par une action historique
commune menée consciemment.
Trân-vàn-Toàn . Note sur le concept de « Gattungswesen » dans la pensée de Karl Marx. In: Revue Philosophique de Louvain.
Quatrième série, Tome 69, N°4, 1971. pp. 525-536.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1971_num_69_4_5631
Note sur le concept de «Gattungswesen»
mot. Il l'a repris de Feuerbach qui avait consacré plusieurs pages, dans
divers écrits, à l'exposé de sa conception de l'homme en tant que
Gattungswesen.
Or, de l'avis commun des historiens de la philosophie, les Manuscrits
économico-philosophiques sont de la période feuerbachienne de Marx;
la période où l'influence de l'auteur de L'essence du christianisme était
prédominante. Engels rappelle plus tard l'enthousiasme suscité par
la lecture de ce livre de Feuerbach. Quant à Marx, nous savons qu'il a
écrit en 1844 — l'année de la rédaction des Manuscrits — une lettre
pleine d'admiration à Feuerbach (2).
Il nous semble donc justifié de lire, dans l'éclairage feuerbachien,
les quelques pages que Marx a consacrées dans le premier de ses
Manuscrits à l'exposé de sa conception de l'homme comme Gattungs
wesen (3). Pour être plus exact, il faut ajouter que Marx ne présente
pas cette conception pour elle-même : il ne le fait qu'en passant et
pour expliquer sa théorie du travail aliéné.
Le retour aux sources feuerbachiennes présente un double avantage :
d'une part, il jette une lumière plus vive sur les pages trop denses de
Marx — la question ayant été traitée amplement par Feuerbach dans le
premier chapitre de L'essence du christianisme, Marx peut se permettre
d'être bref — et d'autre part, il permet de saisir l'originalité de Marx par
rapport à son prédécesseur.
Nous évitons intentionnellement d'entrer dans le débat sur l'unité de
l'œuvre de Marx. Nous n'ignorons pas que certains auteurs cherchent à
déterminer le moment où Marx est devenu lui-même, c'est-à-dire où il
s'est affirmé, avec son matérialisme historique, comme différent à la fois
(2) Mabx-Engels : Werke, Tome 27, Berlin, Dietz-Verlag, 1965, p. 425 : * Votre
ouvrage 'Philosophie de l'avenir', ainsi que 'L'essence de la foi' malgré leur dimension res
treinte sont, en tout cas, d'un poids plus considérable que l'ensemble de la littérature
allemande actuelle. Vous avez — j'ignore si c'est voulu — dans ces écrits, donné une base
philosophique au socialisme; et les communistes ont aussi compris immédiatement ces
travaux de cette façon » ; p. 428 : « Les artisans allemands d'ici, c'est-à-dire ceux d'entre
eux qui sont communistes, plusieurs centaines donc, ont reçu pendant tout cet été, de leurs
chefs clandestins (de l'Association des Justes), deux fois par semaine, des leçons sur votre
'Essence du Christianisme' et se sont montrés remarquablement accueillants » (Lettre du
11 août 1844).
(3)MEGA, (Marx-Engels Historisch-kritische Gesamtausgabe) 1/3, pp. 87-89.
Une bonne traduction française de ce texte se trouve aux pp. 61-65 du livre : K. Marx,
Manuscrits de 1844 (Économie politique et Philosophie). Présentation, traduction et
notes de E. Bottigelli, Paris, Éd. sociales, 1962.
Le concept de « Gattungswesen » dans la pensée de K. Marx 527
(?) MEGA, 1/3, p. 87. — Cf. Manuscrits de 1844 (op. cit.) : p. 61. (Nous ne traduisons
pas ici le mot « Gattungswesen »).
(8) Cf. MEGA, 1/3, p. 87 : « Die Universalitât des Menschen erscheint praktisch eben
in der Universalitât, die die ganze Natur zu seinem unorganischen Kôrper macht, sowohl
insofern sie 1) ein unmittelbares Lebensmittel, als inwiefern sie 2) die Materie der Gegen-
stand und das Werkzeug seiner Lebenstâtigkeit ist ».
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