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Cratès et Hipparquie , roman

de Wieland, suivi des


Pythagoriciennes, par le
même. Traduit par M. de
Vanderbourg...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Wieland, Christoph Martin (1733-1813). Cratès et Hipparquie ,
roman de Wieland, suivi des Pythagoriciennes, par le même.
Traduit par M. de Vanderbourg.... 1818.

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y2 74260
Parïs
i8t8
WIELAND
Cra~ Mpp~~M~ ~MïW D~
Py~a~ncf~~s
Tome 1
Symbote applicable
pour tout, ou partie
des documents mtcrofMmés

Texte déténoré reliure défectueuse


MF Z 43-12011
Symbole applicable
pour tout, ou partie
des documents m<crof!<més

Original illisible
NPZ 43-120-10
1 1 1
'n.r.a~'
~5 7sF
CRATÈS
ET
HIPPARQUÏR
t
CE t/tMMtME&M B~ C'ttABTB!.
BOB M t.A BARfE, N". 80.
CRATÈS
ET
HÏPPARQUÏE,
Roman de WIELAND.

SOtVt
DES PYTHAGOmCÏENNES,
Par le m~me.

Traduh par M. DE VANDERBOURCt

T
`,, TOME
OME

x.
~.(r~x~`
~<.< a

PARIS,
A ta ttBBAtMB eMC~Ot-t.MtNt-jm.BtttNBB,
rue des FoM~s-Montmartre~n". ~4. t
M~M~~t
ï8!$.
AVËRTiSSEMËNT\

PAHMï les ta!ens qu! ont ïMus-


tré e~ AHemagne te nom de
Widand, cet auteur célèbre
en ~ossedoit un dont le bon
~n~pbi -seroit tfès-uttïe à !a
tconnôtssance du cœur humain,
~t même & réciaMssement de
t*hMtoïre Ce talent <'onsîstoit
à choisir dans ses fastes quel-
que caractère bien étrange ou
bien décrié, quelque fait bien
bizarre ou bien ridicule et à
montrer, par le déveioppe-
ment de ce fait. ou de ce ca-
rstctère, que l'un n~étoit pas
réeUement aussi ïncroyabïe
ht Fautre aussi déraisonnable
qu~!s le paroissbient Ïaute
d'être convenaMement expli-
qués. C'est là le but q'ae Wie-
land s'ëtoit proposé dans quel-
ques-uns de ses romans, teb
que DM~~ CM <S<M?~a~ en dé-
~~MW~ ~f~M~ ~&
~oc~Mo~; teMea été aussi son
intentton dans quetques mor-
ceaux de moins d'étendue, où
il a détende directement le.
caractère d'Aspasie, de Julie,
de Faustine la jeune, et de
quelques autres.
Le petit roman dont nous
offrons la traduction à nos
lecteurs a été conçu dans le
même esprit. Rien de plus
connu dans l'histoire des an-
ciens philosophes que Ïe <na~
na~e de!a}eune etbeMe~p-
parquie avec ïe bossu Crat~,
disciple d~Diogène !ecyn~uc.
~ien aussi de moins h<Maorab!e
.pour la délicatesse de la jeune
~Ïe, et po~ le dé&mteyesse-
meot du philosophe, que ce
manage dMproporttonnë, s~y-
tout M ron admet les détaib
de Ja céléb~ton te!s qu'ib
sont rapportés par Diogènede
Laërce. C'e$t pour les {usiner
r<m et l'autre, et poorrecon-
cilier l'imagination des lecteurs
avec ce singulier hymen, que
Wieland a composé le roman
que l'on va lire. Il est donc du
genre que Fon nomme histo-
~M §enre peu accrédite de
nos ~d~t~sv, 6 It 0, it
}ours~ mais qui jouiroit
d*une faveur plus grande M
tous les écrivains qut s*y ''exér~
cent, le traitotent comme a fait
ïtûtre auteur. En eiSët, dahs
ces compositions, loin deteh-
dre à altéra la venté de i'h!s-
foire, Wieiand cherche pjtû-
t6t à la comp!pter. Sans doute,
en traitant le s<ïjet qui nous
occupe, iÏ ne s'est pas fait
scrupule de rejeter les iaits
désavantageux à son héros
lorsqu~Hs u~avoient pour ga-
rans que des témoins posté-
rieurs à lui de cinq siècles.
Parmi les différentes opinions
que cite Diogène de Laërce sur
!a fortune patrimoniale de
Cratès, sur l'usage qu'il en fit,
et sur pau~é vdÏ~taM~
M s'esr permis d'adopter ceMë
~sëpre~ !em<ë~'so&
~t M~ à ia ï&edé près
qu'ii s*è8t donnée de ~e
Htpparqoïc Athénienne; ainsi
que soh frêreM~rodès, au!ieu
?u tÏs ~oie~~ de Maronee, en
Thrace, on peot a~sufer qu'it
o a rien avancé sur
ses héros
qf soit contredit par les te-
Mo'gnages historiques,
ou pht.
Mt qui ne puisse s'y adapter
très-iaciîement.
Sans chercher à prévenir ie
iugement de nos lecteurs
Hatérét que leur présenterasur
ce petit ouvrage, nous croyons
devoir appe!er ieur attention
sur un mérite d'un autre genre
qu'on ne saaroit lui contester.
Le c<M~K' y est observé Aye<:
la ndëKté la plus scrupuleuse.
Wie!and tpansporte vraiment
ses !ecteuM a Athèn~, & r~-
poque où Cratèsyensdgnoit,
et si cette ï!lastoa est quelque-
iois troublée, c'e~p~tôtpar
~uelq~es idées morates, asse~
.modernes en apparence, que
par des dëtaHs matériels. On
dira peut-être qu'il n'a fait en
cela que remplir une des con-
ditions duroman histonque~
mais on conviendra du moins
que si ces romans la remplis-
soient toujours, ils recouvre-
roient, comme nous ravons
dit plus haut, cette faveur
qu'on leur refuse; car en o~
&~ant aux gens du ïnondeFins~
truction jointe à ragréme~~
Fapp~teyoicnt &ux ~~s~
~res des souv€Mrs qui ne
iaMscMMM~ pa& tout~fatt
san~
~puit ïe~ ï~emens de lots~dp~
nés par <:ux à cette Xec~e.
A Ï~ $nitc de C~a~~ R~
nous dînons la tra-
dition d'un autre opuscule
duméme auteur, intitule Ie$
<~ow~MM~, que noua
aviona dë}&fait connoître dans
tea ~c~<~ ~~t~ ~'J5'~
~<?, et. qui, bien que d'un
autre genre, peut produire le
a~~me eSet M ne participe en
ciea de I& nature du roman
c'est pïutôt un morceau d~ëru-
dition bistorique, mais d'une
prn&tion qui n'a rien de mi-
nutieux ni de pedan~esque.ït
èèn~ént tout ce que 1'~ peut
savo~ d'tniéressant sur ~e~
~&mKï€s qui ont appartenu à
secte ~de Pythagof~~ a~ec la
tra<lu<~o~ des seu!s ~cNt~ <ie
ees ieïntnes que te temps ait
fespeët~&, ~cnts que personne
avant nous n~voit pubHës dans
Notre langue V~eïand avoit
dédie ce pe~it ~uvtage a sa
ieïnmte itTavoH ~omposéponf
ses 6ïte& et q[uoiqu'H n~ait nen
de romanesque, nous pensons
qu~I rie dcpïaira pas aux lec-
teurs :de romans qui auront
pris quelque intérêt a <~c~
N~~M~.
CRATÉS
ET
HÏPPARQUÏE.

LETTRE t.
jCcMMMOC ~~P~~MM.
".Õ;.

St jamais j'ai mérité,


ma chère
Htpparquie, d'être regardée
toi comme une seconde mère:par si
tu m'aimes vraiment comme tette
(et tu m'en as donné tant d'assu-
rances dans le langage du senti-
ment le moins- équivoque que je
B'en saurots douter) si ennn.
mais à quoi bon preambuïeso-
ce
iemne~ H feroit croire
que at
quelque dessein
sur toi et que je
veux gagner ton ccBur d'avance,t
pour mieux surprendre ton juge-
ment. Il n'en est nen cependant,x
et d~MteuM à quoi me serviroit
une ruse s!gross!pre, auprès d'une
fille aussi raisonnable que <o! ?
Non, ma chère nièce, mon préam-
bule signifie seulement que j'ai à
te parïer d'une chose qui me tient
fort à coeur, et que tu me ren-
drois extrêmement heureuse.
Ma!& ne vonà-t-M pas que j'ai en-
core t*a<r de vôuloir te séduire?
Allons donc au fait sans prépara-'
t!on, mon enfant.
Ton père m'a chargée de rap-
prendre que Chabrias qui est de
&a tribu et son ancien ami, te de-
mande en mariage pour son nf~
JLeotychus.
Ta ignores pas sans doute,
que Cbabrias passe pour l'un des
citoyens d'Athènes les ptus ncheê
et les plus constd~fés; tu ne sais
peut-étte pas aussi bien que parmi
nos jeunes gens les plus distingués
paf leur 6gure leur éducation
il c~ est fort peu qui puissent Je<
disputer à Leotychus mais
ce que
tu sais le mieux, c*est que ton père
a pour toi une bonté m~puisaMe,
bonté que je taxerois de foiblesse,
tnatgré toute mon amitié
pour toit
si jen~tOMsûre qu'elle a
sa source
dans ton extrême ressemblance
avec ta défunte mère. Si même au
lieu de t'annoncer lui même
sa
~o!onté, il m'a priée de t'exprimer
?8 désirs, neiattrïbue qu'à un
excès de deMcateMe né de cette
extrême bonté Mn~apoïntouMié
sa promesse de ne jamais contrain-
dre ton-coeur. Mais en revanche, ·
il espère aussi qu~après t'avoir
donné tant de predves de son in-
dulgence, en cédant a tes désirs,
il te trouvera d'autant ptusprompte
a venir au devant des siens, lors-
q<~I!s auront aussi clairement ton
bonheur pour but, que dans roc"
casion présente. Tu as déjà re~së
quatre ou cinq partis dont le
moindre eût été très-bien accueilli
par tes pareilles. Aussi tous se
sont-ils dédommagésde tes mépris
par des alliances avec les meilleu-
res maisons de la République. Tu
avois des ob;ections à faire contre
chacun d'eux, et notre foiblesse
pour toi y ajouta plus d'impor-
tance qu'elles ne mëritoient.
Cependant tu viens d*attcîndre
insensiblement ta vïngt-quatr!ème
année. Ton printemps touche à sa
nu. Tu n'as point envie, j'espère,
de te consacrer au culte de Diane
ou de Pallas, etde refuser au meil.
leur des pères ïe pta!sîr de se voir
renaître dans le fils de sa fille uni-
que. Quet motif pourroit donc
~empêcher de lui complaire dans
cette occasion ou il désire si vive-
ment de t'unir au fils de son meil-
leur am! ? Tout ce qu*on sait de
lui ne fournissant matière à aucune
ODJectïon, j'ai pris sous ma!n les
informations les plus exactes sur
ses mœurs et sur sa ronduite. On
ne m'en a dit que du bien. Il passe
pour un habile orateur, ii n'a point
son pareil dans tous les exercices
du gymnase. Le gouverneur de la
v!He', Demetnus, a même parlé
de lui très-avantageusementdans
une grande socM~. En&n ïa seoib
chose où ron puisse trouver a dire,
et que }~auroM pu te cacher, si je
ne vouioîs agir en toute franchise
&vec toi c~est qa*M entretient de-~
puis quelque temps une danseuse
de Lesbûs, nommée Lycaernûa
qui du moins car il faut être jus-
te ), passe pour la plus sa~e et la
plus modeste de sa profession. Au
reste, Leotycus a protBÏs solem"

'LecMtÏephNtoc&fme &r~mo!ag!e
Mrûtt eMM~tmr (~M~~M) <? ~Mt à <?
tttre qae DétB~ÎM Ph~r~, ~o~ il est
!d question, gonvefM Athènes, sous Cassan-
der, t fils fAo6pater ) quatre ans ap~ la mort
~Atemndre-Mtand. (!~M~)
ncHement son père de la fen~
voyer, du moment où il pourroit
~p~f~btenw ta main, et son
père s'est rendu caution de sa pM.-
messe.
Il est pMsqu*mum@ d'a~ûtep
que ce martage est approuvé des
deux familles et que ton ~rère, &
son prochain retour de S!c!!e, sera
enchanté d'une alliance qui &d~
litera son avancement
Maintenant, ma chère Hippar,-
quïe. re~ëchïs bien mûrement
tout €t;!a, et ne tarde pas à me
faire une feponse ftvorabïe. Par
là tu me mettras à même de prou-
ver ton père que tu ne ressem-
Mes pas seulement à ta digne mère
par !es avantages extérieurs, mats
qu'elle t'a transmis pareillement
cette excellence de caractère qui
lui faisoit trouver son bonheur a
se sacr.ner ponr ses devoirs.
Ta~ponsp me trouvera a ma
maison de campagne près de
~uny( b!e où des affaires do-
mpst!ques me retiendront encore
pendant quelques dizaines de
jours. Adieu.
Le7deTbargé!ton(Mat).

< Mun~cMe, Fondes trois ports d'Attè-


ces, donnott son nom au pays <m! reQnmn-
Mtt, et qui formoit m des < y.t cantons ( D~-
mo~) de rAtttqoe. (~~0~)
LETTRE ÏL
JH~M~MC Leuconoé.

NoN,sans doute, respectable


Leuconoé, tu n'avois besoin nï
de formules conjuratoîres, ni de
moyens de sedaction pour réveH-
1er, en faveur de ta proposition1>
le désir constant qae~a! dans mon
CO&UP de
complaire autant qu'il
est en mon pouvoir, au meilleur
des pères.
S'il ne s'agissoit que de sacrifier
un plaisir ou un intérêt, un capv~
ce ou une passïon j'aurois
droit
de me plaindre que tu eusses douté
un seul instant du consentement
de ton Hipparquie.
Mais il est question du bonheur
de ma vie entière, ou plutôt de
cela seul qui, dans mon opinion,
lui donne du prix. Dans une
pa-
reille situation tu ne pourras toi-
même trouver mauvais que je
descende au fond de mon
c<Bur
pour le consulter, et qu'avant tout
{'écoute cette voix
que je regarde
comme le plus saint des orac!es.
Sous ce rapport, il est heureux
pour moi d'avoir passé ces années
de la première jeunesse ou l'on
ne court pas de moindres dangers,
par la timide condescendance, la
tendre complaisance, propres à
cet âge, que par l'inexpérience~
la !egèreté, les passions effrénées
dont on t'accuse car les unes et
les autres nous entraînentsouvent
à des démarches que suit le repen-
tir le plus amer.
Je suis sure que mon père ne
désireroit point Funion qu*on lui
propos, s~t avoit le ptos petit
doute sur le bonheur qu'on m~y
promet. Mille autres SMes s'esti-
meroient peut-être heureusesd'a-
voir fixé le choix du vieux Cha"
brias. Hé!asl devoït-t! tomber pré*
cisément sur celle qui ne peut ni
sentir, ni comprendre la valeur
d'un bien qui lui seront envté par
tant d'autres
Mon père aune sa fille mais
(que Nemésîs me pardonne si je
je !e{Mge témérairement ) ce n'est
point sa fille qu'Ii voit en moi,
c*es< rimage chérie de son Artémi-
dore. Pleine de douceur et de rë"
si~nation, ne vivant que pour rem*
plïrtes devoirs d'épouse, de mère,
et de maîtresse de maison, Arte'
mîdore, qui ne s'éiott donnée a
lui que par obéissance pour ses
parons~ 1 avo!t cependant renduL
très-heureux; et t! est probable
qu'elle auroit fait le bonheur de
tout autre à qui son père l'auroit
unie. L'homme auprès de qui elle
eût été malheureuse, auroit été
tout a iaït indigne d'une siaimable
compagne. Pourquoi mon père
n'en attendroit il pas autant de
leur commune ntie!' Qu'auroit-
elle à reprocher au jeune époux
qu~on lui propose ? H est beau,
nche et de bonne maison. H s'est
dcjà acquis r<*stïme de ses conèi-
toyens. Le fhcfde ta République
dit du bien de Ïuî. H est même
pré! à qmupr la ch~rmant~Lyca*-
n!on pour nconnup que son père
lui a trouvée. Une honnête nMe
peut-elle rien demander de ptus?
Quene jeune Athénienne he s~*
BOt~teitMroit pa~ de devenir la
femme d'un pareil époux ?
Ma<s est-ce donc ma faute, chère
Leuconoe, si je suis peut-être !a
seule entre mille qui, peu touchée
de tant d'avantages, souhaiteroit
quelque chose de plus la seule
qui ne pourroit se résoudre à se
sacrifier noB-seuIementà cet hom-
me, mais à aucun autre~ Mon père
ne me forcera point a ce sacrifice.
J en ai pour garant sa parole sa-
crée. Mais quoi ne la devrois-je
qu~a un mouvement passager de
tendresse en faveur d'un enfant
chéri, dont les pneres l'auroient
surpris dans un moment de foi-
blesse? Matheur à moi s~H en
ëtoit ainsi! Non mon père a Famé
trop noble. Ï! a reconnu la justice
de ma demande; il s'y est rendu.,
parce qu*u ne vouïoh point abuser
de rautonté patemeMe. Ït savoit
fort bien que dans le choix de mon
époux, il y va da bonheur de ma
vie et non de la sienne, qu~ït n'a
par conséquent que le droit de me
diriger dans ce chotx, et non de le
faire; qu'il doit éclairer mon în?x<-
pénence, me;retenir, si, séduite
par mes yeux ou par quelqu'autre
mstînct aveugle, je vou!o!s courir
à un malheur certain mais qu'il
ne peut me forcer d'être heureuse
à sa mamère, lorsque mon propre
sentiment m'annonce que je ne le
sera! pas.
Tels étoient les sentimeus de
ce bon père, lorsqu'il m'accorda
la liberté de choisir moi même
l'homme avec qui et pour qui }e
devrai vivre et mourir. Serai-je }a-
mais dans !e cas d'user de cette H~
berte? Les dieux seuls le savent.
Mais la liberté dn choix suppose
celle du refus, et voilà pourquoi
je voudrots pouvoir éloigner toute
proposition nouvelle en decla"
rant que de tous les jeunes gens
d~Athènes }€ n'en connois pas
un dont je voulusse pour époux*
Puisque j'ai tant fait que d'aller
si loin, i! me sera permis d'aller
plus loin encore, en ajoutant, avec
toute franchise que je déteste la
pensée de me laisser enfermer avec
un mét!er, une quenouille et une
douzaine d'esclaves de mon sexe
dans le gynécée d'un homme, quel
qu'il soit dont, sous un nom
~s~honoraMe~ )e ne Mro!s au
fond ni plus Ni moins que la con-
cubine tegate. Après deux ou trois
mois d~importuniies,qn'it me ~au*
droit prendre pour
droit prendre de l'amour,
pour de Famour, }e
je
sais trop qu'il m'abandonneroit an
plaisir de m'entretenir avec moi-
même, aux soins que ses encans
exigeroient, aux fonctions de gou-
vernante de son ménage, sans s~in-
former si je trouverois, dans l'ac-
complissement de ces devoirs, de
quoi satisfaire aux besoins de mon
intelligence. Nos Grecs, à l'exem-
ple des Orientaux, sont accou-
tumés, depuis des siècles, a se pré-
valoir du seul avantage que la na-
ture leur ait donné sur nous, de la
force de leurs os et de leurs mus-
des, pour nous opprimer, pour r
nous renfermer dans des bornes
où le développement de nos plus
nobles facultés devient impossibte.
Eh quoi! Prométhée n~a t.i! point
animé nos cœurs de la divine ëtîn*
cette? Nos âmes, tes a-t-il déro-
bées, comme le rêve Stmomde, à
des chiens à des chats, à des sm-
ges et a d'autres animaux 8
Ma chère Leuconoé, ne
me
crois pas assez déraisonnablepour
vouloir meconnoitre ou ravaler le
mérite des femmes qui se bornent
a remplir sagement leurs devoirs
domestiques. Assurément eHes
sont par cela même des membres

Cette pièce de vers si


peu ratante dw
poète Simonide, est parvenue )usqu'à
neos.
EMe est la dix-septième de celles
que Brunct
a rangées socs son nom dan$ le premier vo-
!ame de ses ~M~a M~. ~a'c.
( Widand. )
~très-respeftaMesde la socï~té, soit
que leurs dispositions naturelles
n*aîttent pas plus loin soit qa'pt"
les se consacrent, par chcïx, au
genre d'occupation qui leur sem-
b!e le plus propre les rendre ut~
les. Je révère ceiks'ct raison du
degré de vertu qu'une pareille ab-
négation de soi'meme doit exiger.
Mats supposons qo'<me femme se
sente le désir et ia ibr€edes'e!eTer
plus haut supposons que son
âme se sente alliée d~asse~prcs aux
ptus nobles âmes des hommes,
pour tendre comme elles vers les
beautés et les jouissances intellec-
tueites, pour ambîtïonner une per'-
fection plus sublime, en un mot,
pour chercher ce bonheur dont
on jouit lorsqu'on a su franchir
les nuages des préjuges et des pas-
sions, afin de vivre dans cément
de la Mberté et de la vérité sera-
ce encore un devoir pour la pau"
vre Psyché de renoncer à cet Ins<
tinet céleste pour se laisser Mep
d'une chaine indissoluble par i~"
mour OM par rhymen, semblable
à ces papillons que tes encans 8*a<
musent à prendre et a taire voteter
ça et là suspendus au bout d*un
6!? ou bien ~audra-t-M qu'eMe se
laisse condamner comme la Psy-
ché de la fable mHesienne, à des
travaux bas et serviles et a de dou-
loureuses privations?
Je ne puis ni ne veux le cacher
plus tong'temps je suis du nom"
bre de ces créatures aériennes, et
ne me sens nullement disposée à
me faire enfermer avec des esc!a~
vos et des voisines dans une pri-
son bien grIMée comme un oi<
seau dans sa vo!ière.
Mais que veux-tu donc, me di<
ras-tu ? Queues peuvent être tes
prétentions et tes espérances ? Par
quels moyens penses-tu te déro-
ber à une destinée que toutes les
honnêtes filles de la Grèce subis-
sent de bonne volonté? J'avoue-
rai, ma chère tante, que ma per-
spective n~a rien de très-consolant.
Vingt-quatre ans font sans doute
un âge fort raisonnable pour une
jeune fille, et j'aurois eu tort d~at-
tendre si long-temps, si je me pri-
vois par-là d'une chose qui .eût
quelque prix a mes yeux. Toute-
fois ce qui peut m*arriver de pis
avec cette manière de penser, c'est
de rester ce que je suis }usqu*a la
fin de ma vie. Ce n'est pas ce que
;e désire, maïs si
ceïam'arrive~
Quoi
je saurai m'y accommoder.
q~iien soit. ;e perds pas en-.
toute espérance de rencon-
core tard, avec
trer plus tôt ou plus
l'aide de mon bon génie t le
mari qui me convient un homme
croira au-dessous de sa
qui ne pas
dïgmté de fonder son union avec
moi sur des conditions égales, et
de compenser ce queje lui appor-
terai en beauté et en richesse, par la
beauté de son âme et les trésors
de son esprit. Est-ce trop me fiat-
petite tante, que de me
ter, ma
croïre digne d'un pareil mari ?
Cela seroit triste au moins car
venté, je n'ai aucune répu-
en
gnance à contribuer, pour ma du
part à raccompUssement
pieux désir qui tient si fort à cœur
à mon pe~. Tout ce que }@ de-
Maa~e, c'est qa'on ~jdge point
~e iem'aMode,pûurttneaSatre
auMt sëri~me quetq~un de
~Mgan~ A nMtns qu'il
n~
ne ~opè~
en moi une mëtamoï~hMe corn-
pïète, j$n'yvo~ pM de p$«iht!tt~.
Ï<9'Ï~~<~
LETTRE lit
Leuconoé à ~~M~M~.

Ç~E dirai-je de ta réponse,


Hipparquie, et que dois-je penser
de to! ? Au nom de tous les Dieux,
jeune fille où prends-tu réiran~
fatras dont tu t'es rempli la tête
Mais que dis-je ? ~ona le fruit de
cette grande liberté que ton père
fa ta!ssée depuis la mort de ma
bonne sœur. Je n'ai jamais vu sans
peine que tu préférois à la que-
nouille des livres que les femmes
ne peuvent comprendre et qu'on
n~a point écrits pour nous que
tu aimois mieux griffonner des
billets a tes amis, que tenir les
comptes de la maison. Combien
de fois ai-je averti ton père de se
déner de tes visites fartives à sab!-
bHotbèque! Mais voilà ce qui arrive
lorsque Fon traite avec trop d'in-
dulgence de jeunes folles comme
vous.
Au temps de nos grand~mères,
une jeune fille étoit toujours assez
savante îorsqu~eMe avoit appris
par coeur une douza!ne de fables
d'Esope et qu'elle étoit en état
décrire lisiblement les dépenses
du marché. Mo!ns elle avoit vu ou
entendu, moins eUeétott question-
neuse, mieux on jug<*o!t de son
éducation Aux Panathénées, tes

Ce sont les propres paroles du bon


MmpagMrd bchomaqae dans t'EcoMOM~~
de Xëaop!mM, où il dit ( c. ~M, S. 5 ) en
pa~nt de sa ~tnmc: qtNturo!t-cUe pu savoir
plus nobles vierges d'Athènes, n'a<
voient pas moins de graces et de
dtgnïte à porter les corbeiMes sa-
er~es sur leurs têtes vendes, que si
on y eût fait entrer des cargaisons
entières de subtilités pbttosopht-
ques. On n'aurait pas trouvé dans
tout le pays une seule femme hon-
nête qui se fût avisée, seulement en
songe, de vouloir être Fegate de son
époux, et qui eût crïé à l'oppres-
sion parce que les lois et Fantique
usage nous ont constamment af-
&cte un appartement sépare où
nous commandons.
Mais pourquoi te dire tout cela:*

à qtunze ans lorsque ;e l'ai ~poosée?' On avc<t


pris dans son éducation toutes tes peÏMes haa-
g!naMM pour la Msse", aussi peu que possible,
voir, entendre et <~es<!cnMf. i~~K'/oH~. )
I. 2
Ton plan est affûte je le vois, et
}e suis même portée à croire que
tu as dé{à trouvé l'homme avec qui
tu as résolu de t'unîr, comme tu
l'exprimes, à des conditionségdes.
Il faudra prendre garde que le pa-
pillon ne s'envole à rimproviaie,
avec Je nt autour du corps.
Mais non, je ne saurots avoir si
mauvaise tdée de la fille de ma
sceur. En vérité nous n'avons pas
mérité de toi cette Indinerence
pour ce qui peut nous réjouir ou
nous affliger.
Je n'a! ni le temps ni Fenvie de
disputer avec toi sur ce que tu ap-
peMes ta manière de voir. Je n'ai
qu'un mot à te dire, et je te prie
d'y bien réHechIr. Je me souviens
d'avoir entendu dire à ma mère,
qui étoit une femme prudente, que
fut suite de cette même fa-
te par
fière,
çon de penser dont tu es si
de cette même aversion pour les
entraves que ~usagC a de tout
temps imposées à notre sexe, de
ce même désir de partager toutes
Ïes libertés dont jouissent les hom-
mes, enfin de ce même courage
héroïque a se mettre au-dessus des
préjuges et de FopMMOn, que la
belle et trop fameuse Lais de Co-
rinthe en vint au point de se met-
tre au-dessus de la pudeur même,
et n*eut point de honte de figurer
à la tête d'une classe de créatures
dont le nom seut souilleroit les ïè-
je
vres d'une femme honnête. Si
cite cette malheureuse, ce n'est
que je te soupçonne la plus !é<
pas
gère idée de rimMer; mats, te
voyant séduite par les mêmes
prestiges qui I~entraînèrent à sa
perte, tu ne trouveras pas mauvais
que je te rappelle d'une route où,
sans le savoir, tu finirois par la
rencontrer. ·
Ne crois pas, au reste, Hippar-
qu!e, que ton père renonce si fa-
cilement à une alliance dont il se
promet le bonheur de ses vieux
jours. Si tu ne nous présentes pas
quelque objection bien précise, et
de quelque importance contre Leo-
tychus, nous ne croirons jamais
que tu le refuses sérieusement. On
te laissera le temps de revenir à la
raison, et sans doute Lamproclès
ne se sera pas trompé en pensant
que sa fille ne lui montrera pas
moins de docilité quitte a de sa-
ivoir.

Le t& T!MK;<ït<M.
LETTRE !V.
~Zsa~~ ~f~<~MM.

JB m'empresse de te communi-
quer le contenu d'un billet que j'ai
reçu caché dans un gros bouquet,
de notre honnête bouquetière
Myrto. Elle ne peut plus nous
prêter sa maisonnettepour Fusage
que tu sais; elle est sûre qu'on
nous observe. Une esclave de ton
père, qu'elle connott bien, a passé
toute ia matinée d'hier à rôder au-
tour de son jardin en jetant par-
tout des regards inquiets, comme
pour espionner ceux qui pou<
voient entrer chez elle. A midi une
autre esclave !*a remplacée, et une
troisième est venue !e soir. Ce ma-
tin~ de bonne heure, !e poste a été
repris par une de celles que Myrtô
avoit vues la veille. Il est clair que
tout ceta se fait par ordre, et
qu'ainsi nous ne pouvons plus
continuer nos rendez-vous chez
eMe, sans danger pour elle et pour
nous. Tu vois, ma chère, combien
il est heureux que d*autres circons-
tances m'aient empêchée hier de
te donner le signât accoutumé. Le
plus sûr est de commencer par
prendre patience quelques jours,
jusque ce que nous ayons trouvét
quelque autre asyle propre a notre
mc'Mnorpho~e. II est inutile d~
}outer qu'en attendant tu ne dois
laisser paroitre aucun signe d~in-
quiétude, que tu dois aller et ve-
mr comme à ~ordinaire, et ne
point donner lieu à aucun soup~
çon qu'il nous soit arrivé quelque
chose de chagrinant. Repose-toi
d'ailleurs sur mon ze!e te rendre
service tu peux y compter dou-
tant plus sûrement, ma chère amie,
qu'il n'est point assez désintéressé
pour être très-m~ntotre.
~e Ttarg~ea.
LETTRE V.
jRf~~M<*<~ jM~AM~p~.

MA tante est encore à 1a cam-


pagne et j'ai eu ce matin avec mon
père une conversation qui m'a dé-
livrée en grande partie de l'inquié-
tnde que ton billet m'avoit causée.
Cet entretien m'a appris trois cho-
ses d'abord que notre secret n*a
pas été découvert; en second lieu
que mon père ne prend point mon
mariage avec le fils de Chabrias
aussi fort à cœur que Leuconoé
vouloit me le faire croire; troisiè-
tnement que c'est enf-même et
Hermotime, femme de Cha .rias et
son amie intime, qui sont les véri-
tables auteurs de ce projet;eHesen
auront ensuite te~ement étourdi,t
rune son mari et l'autre son bean-
irère, qu~eHes les y ont fait entrer.
VoïÏà du moins ce que j'ai condu
( avec Fa!de de mon démon fami-
t!er) de quetques mots échappés
a mon père; et }~y reco~no~ trop
bien ma bonne tante son ze!e à
se mêler de tout, et principate-
ment à faire des mariages, pour
n'être pas sûre d'avoir bien deviné.
Cela nous éctaire également sur les
trois esclaves qui ont espionné
Myrto. Depuis la mort de ma
mère, Leuconoé exerce une sor:e
de surintendance dans notre mai-
son et dans la bonne Intention
d'être informée très-exactement
des moindres choses qui s'y pas-
sent, elle s'est attachée par de pc-
ï. 3
ttts présens et par une confiance
apparente, deux ou trois esclaves
dont elle peut faire tout ce qu*eM~
vent. Sans doute il lui sera revenu
quelque chose qui lui fait soup-
çonner du mystère dans mes visi-
tes fréquentes chez Myrto, et elle
n~aura point de repos qu'elle ne
s'en soit éclaircie. Peut-être ai-je
moi-même éveillé ses soupçons
par un mot imprudent de ma ré-
ponse à sa lettre. Je n'en serai que
mieux sur mes gardes et puis-
qu'elle use dp ruse contre moi,
pourquoi ne me défendrois-je pas
avec les mêmes armes ?
Je me fais peut-être illusion
mais un pressentiment secret me
dit que de manière ou d*autre,
mon sort est au moment de se dé-
cider. L'essentiel est de gaguer du
temps et d~écarter~ aussi !on~
temps qu~t! sera possible l'hou-
néte poursuivant que Leuconoé
veut me contraindre d'agréer. Cela
m'oblige à faire violence à mon
naturel et à me conduire de ma-
nière qu'elle ne perde pas toute es
pérance de me persuader un jour.
Cela seroit-il approuvé de notre
mattre?. Je cramsbtenquenon.
Mais, dans rembarras où je suis,
comment me tirer autrement d~af-
faire ? L~extrême bonté de mou
père augmente encore les d!ntcut-
tés de ma position, car je dois
d'autant plus éviter de lui déplaire.
J'ai été forcée de me prêter à une
entrevue avec Leotycuus, qui pro-
bablementaura lieu à la campagne
chez ma tante. Je te ferai savoir
sur-Ïe-champ comment e!ïe aura
tourné. Mon dessein est de jouer
très-serre, de me tenir sur la dé-
&nsne et de ne donner aucune
prise à Fennemï voHa ce que je
puis le promettre. En attendant,
ma chère, porte-tot bien.
Le t5 T~g~OB.

Tâche donc de savoir sous


main. si notre philosophe n'est pas
un peu surpris de n'avoir pas vu
depuis sept grands jours ses deux
jeunes disciples Metampus et Htp-
parchides, ni au Cynosarges
ni sous les platanes de i'Hyssus.

C~Mt~a!! est le nom Men eeoBtt de


Fm des gymnases d'Atb~aes, c'est-à-dire, dp
l'une de ces places entottrées d'e<Mces pcM~
et dtsp~ees pour !n!tf<t!re la jeunesse dans
teus ÏM exercées du eofps. C~st qaa-
yo!eat coutume de se tenir, et d'enseigner An-
tMth~ne, BîogèM, Crates et ~aotrea ph:!o-
MphM ~tachés à la stnete nguear des pnncî-
pes de Soofate, et à qui la mauvaise
coMdtMte
de qceÏqaes-aBS de leurs contres, proeara
da)M la suite, âne rëpatatton fort éqa!voatte
sous le non! de eymqaes.
( ~~ih~ï~)
LETTRE VÏ.
~M~M~ J~M~yMM.

UN onc!e paternel de ma mère,


t
vieux comme le temps, qui habite à
la campagne, près d'Acharné, et
qui depuis trente ans n'est pas venu
en vî!!e, a entendu sous ses fenê-
tres tescnsd~un hibou, et croyant
sa fin très procname, it a envoyé~
chercher ma mère par un exprès.
Comme elle est devenue son héri-
tière parla mort de son fils unique,
tué à la bataille de Cheronée, tu
dois juger combien la bonne fem-
me se presse et tu ne Bétonneras
pas que ta Me!amppe que t'on
ne veut pas laisser à Athènes, soit
tellement occupée qu'à peine lui
reste't-tl Je temps de t'annoncer
sondépart.CependantEutyphron,
mon parent, reste ici et il aura
soin de notre correspondance avec
tout l'attachement que tu lui con-
nois pour nous deux. Adieu.
Le t6 Ttarg<on.
LETTRE Vïï.
J~/MM~MM <! Leuconoé.

Si dans ma dernière lettre, ma


chère Le uc once, m'étoit échappé
quelque chose qui pût jeter le
moindre nuage sur mes sentimens
respectueux pour mon père et
pour toi ne l'attribue qu~a une
v!vacné mvo!ontatre, et sois per-
suadée que ~aïmerots mieux re-
noncer à toute espèce de bonheur
que d~acheter raccompHssement
d'aucun de mes désirs, par le mé-
contentement du respectable vieil-
lard a qui je dois la vie, l'éduca-
tion et des bienfaits innombrables.
Et véritablement je ne fus jamais
motnsdîspospeà ro~enser.meme
en îdee, que depuis Fentrevueou
t! a eu la bonté de m'ouvrir son*`
vraiment paterne!, sur le
cœur
sujet de ta lettre, et de me con-
vaincre que mon bonheur est Fun~
but de ses désirs; il m'a assuré
que
qu*it navott point caché à son ami,i
!a parole qu'il m'a donnée depuis
long-temps de ne point contrain-
dremesHtcïïnatïons danstechoî~
d'un époux. Cependant il ne lui a
point été toute espérance que son
fils, lorsque je le connottrat mieux,
puisse faire sur moi par'ses quali-
tés distinguées, une impression
plus favorable que tous ceux dont
jusqu'à présent j'ai rejeté les pour-
suites. Chabrias, m'a-t-il dit, a
paru satisfait de cette espérance.
3~
Pour le moment, a continué mon
père tout ce que je demande de
tôt, c'est de ne pas refuser avec
trop de précipitation un }eune
homme que j'estime, et qui jouit
dans Athènes d'une excellente ré-
putation. Je saurai te procurerdes
occasions de voir Leotychus et de
lui parler. Deux ou trois entrevues
te sunuront pour le connottre, et
alors si tu peux me donner une
seule raison solide qui t éloigne de
ce mariage, il n*en sera plus ques
tion.
Quel cceur seroit le mten, si une
telle bonté une telle condescen-
dance ne me forçoient pas de dé-
sirer qu il me soit possible de voir
de amie
avec tes yeux, le fils ton
et de trouver en Ïut, si non tou~
qu'il faudroit pour me rendre
ce
heureuse, au moins l'essentiel de
ce que doit posséder un homme
pour que je ne'me sente pas mal-
heureuse en entrant avec lui dans
des rapports si redoutes! Et en ef-
iet ces rapports doivent être re-
doutables pour toute fille un peu
sensée qui sans être aveuglée par
Famcur, ni poussée par un mst!nct
secret que je ne conmMs pas, se
trouve jetée dans les bras d~un
homme. Croîs-moi, respectable
Leuconoé Fïntérét que tu prends
toi-même à cette affaire, ne m'est
rien moins qu'indifférent. Cepen-
dant je ne puis encore m'engager
à rien. Je te proinets seulement
d'apporter à mon entrevue avec
le beau Leotychus, beaucoup de
bonne voïonte deux yeux très-
cïairvoyans, et un grand calme.
e
~u reste, je ne vois pas pour-
quoi, lorsque nous nous verrons
.de plus presse ne nu d~aîroïs
qu~i pourra
pas aussi facilement
me dépare; et dans le premier
de réquhé,
cas, n'y auroit-il pas eu
bonté, a sauver
ou du moins de la
d'une pa-
mon petit amour-propre
reille huymnauon? Encore un
mot, t ma chère tanle avec ta per-
mission,t pour me soulager le
n'as voulu
coeur. Sans doute, tu
m'inspirer un ciïroi salutaire,
que
mettant sous les yeux l'exemi-
en me
ple de cette belle LaÏs, qui, par-
tant des mêmes principes que moi
sur les droits de notre sexe, se
trouva conduite à une si mauvaise
fin. Véritablement, je ne fus pas
épouvantée moi-même de cette
peu
ressemblance, il y a peu de jours,
en mettant la main par hasard sur
ta copie une lettre écrite, dit-
on, par le célèbre Aristippe, sur
son entrevue à ~Egine avec la belle
LaYs. Ma~ je me remis bientôt de
mon e~ro!; car, malgré la ressem-
blance de nos principes il existe
entre eMe et ton Hipparquie une
extrême dtSérence, dont tu r~as
pas eu l'air de t'aperèevoir. En
e~et, ces principes conduisirent
l'orgueilleuse et froide LaÏs, qui
vouïolt soumettre les coeurs de
tous les hommes, sans jamais ha-
sarder le sien a la profession de
court!sant)e mais la modeste et
sensible Hipparquie, qui ne veut
posséder que Je cœur d'un seul
homme et qui est prête à le payer
du sien arrivera par ces mêmes
principes, a être le modèle des
Me
x~res de iarnHk ou à rester
;uM~ fin de ses jours.
Le <6 Tharg~on.
LETTRE VIII.
~p~M~M~ ~~M~OC.

LA première entrevue s'esttrès-


bien passée, ma chère petite Me-
lanippe, et les deux principaux
personnages s'en sont tirés passa-
blement. Je me flatte au moins de
n'avoir donné aucune raison au
beau Leotychus de quitter sa dan-
seuse avant le mois de Gamé-
Kon procham; et d'ici !a, ou
t
mon sort sera décidé comme je

JLe mois Athénien de Gam<on r~poa-


doit en grande partïe à notre mois de Janvier~
~t <!nnt son nom des n~$ <pu étoîent plus
~~cen~ dan M moM d~or. (~M~aa~.)
le désîre, ou. je ne réponds de
rien.
La scène comme je m'en étois
doutée, étoît à la maison de cam-
touche à
pagne de ma tante, qui
l'un des biens du riche Chabrias.
On m'avoit prévenue que Leoty-
<rhus me surprendroit dans un
bosquet, a quelque distance du
reste de !a société. M me trouva li-
sant une comédie de Ménandre; il
parut étonné de me trouver seule.
et nt semblant de .vouloir se reti-
rer par discrétion. Mais il n'en
demeura pas moins devant moi
dans une attitude élégante, et pro-
pre à déployer toutes ses graces,
comme une statue à l'exposition.
Je !e regardai donc comme une
statue, avec des yeux bien ouverts,
et je m'amusai de rexpression
d~orgueH avec laquelle ses
grands

~'eux
étincelants
b~npïusencorea~-memequa
hien plus encore
moi, qu'il n~to~pomt
î\
semb~ïent ~rc
1. qu"à
de fille
dont le pauvre coeur pût tenir con-
ngurc comme la sienne. Je
tre une
suis b!en ~re que mes yeux n ex<
confir-
primoient rien qui pût te
dans cette douce n!usmn.
mer
Franchement ils ne lui d:s~nt
absolument rien mais avoir
1 a~r

de s*en apercevoir, ceut été sup~


la chose possible. lï ne s'en
poser bien il l'at-
aperçut donc pas, ou
tribua à l'extrême étonnement où
jetoit et pour me don-
me sa vue;
le de revemr à moi, il
ner temps superbes sur le
me dit des choses
bonheur inespéré, quoique !ong-
de&:re, de me voir de si près;
temps de
et cependant son air content
lui-même lui répondoïta
ma place
que ana satisfaction aFaspect inat.
tendu d'un jeune homme si
par-
fait étoit au moins ~ga!e à la
sienne.
Rien n'est plus commode qu~un
dialogue où l'un des interlocu-
teurs se dit constamment ce qu'il
voudrolt entendre dire à l'autre.
Je ne sais ce que je lui répondis,
mais c'étoit si peu de chose
que
prudemment il n'y nt aucune at-
tention, et me demanda s*it pou-
voit, sans indiscrétion, s'informer
du livre qui avoit eu Je bonheur
de m~occuper si fort à son arrivée.
Je ravois mis sur le banc près de
rnoi, et lui permis de contenter
sa
curiosité par lui-même. U usa de
la permission avec politesse, et
voyant que c'étoit F~~MM~ de
Menante, il en'prit occasion de
faire quelques remarques assez
fines sur ce poëte et sur ses n"
vaux.
Un entretien aussi innocent me
convenoit à merveille. Afin de le
prolonger, j'engageai Leotychas
dans une discussion sur la pré~B-'
rence à donner, parmi les com!-
ques vivans, à Philémon ou à Me-
nandre. M se déclara pour les gra-
ces de Ménandre je combattts de
toute ma force pour l'énergie et la
richesse de 1-hilémon; cela prit du
temps; !e soleil étoit près de se cou-
cher. Je remerciai avec un sourire
obligeant mon froid poursuivant
de son agréable entretien et !e
congédiai fort content de lui-
même, et même, à ce que dit ma
tante, fort content de moi. li lui a
dit qu'il regarderott comme très-
heureux Fhomme à qui le sort des-
ttneroît pour compagne Ipghîme,
une personne aussi spirituelle et
aussi instruite que ton Hipparquie.
Je suis bien trompée, s H se sou-
de de ce bonheur beaucoup plus
que moi. Cependant comme sa fa-
mille ~cut qu'il se rnane, toutes
choses égales d atneurs, je lui con-
viens tout autant qu une autre, et
comme il a dû me trouver trèar
froide je lui conviens peut-être
mieux. Tu vois, ma chère, que ma
situation est toujours assez crin<
que. IMa<s quand même } cchappe-
rois a ce piège )'auro!S encore
bien peu gagné.
2~ Thar~éHon.
LETTRE IX
M élo1!ippe à

MON vieux grand oncle est


tombé dans un assoupissement
qu!~ s'il faut en croire ce que le
médecin nous dit bien bas à l'o-
reille,. se changeca tôt ou tard en
un sommeil éternel. En attendant,
le bonhomme, dès qu'ils e réveille,
montre autant d'appétit que s'il
vouloit recommencer à vivre, et à
peine a-t-H fini son repas, qu'il se
rendort au bruit d'une chanson
que je lui chante, comme un en-
fant au berceau. Cet état de choses
laissant beaucoup de loisir,
nous
nous remployons Je mieux qu'il
nous est possible à faire des VM!te&
dans !e vomnage, ou bien à
en re
cevoïr.
Hter, par exemple je me trou.
vat dans un cercle nombreux de
voisines et de parentes. Insensi-
blement, la conversattoh tomba
sur un sujet qui aura toujours le
charme de !a nouveauté pour notre
sexe: les hommes et l'amour. On
dit beaucoup de mal des
premiers
selon l'usage, et l'on parla de !'au<
tre très-poétiquement. Enfin l'une
de nous eut l'idée de
proposer,
pour l'amusement de la société,
différentes questions
que chacune
a son tour devoit résoudre à
sa
manière.
On demanda, entre autres, s'M
etoît bien possible qu'un bel
homme devint amoureux d'une
femme laide ou une }oKe femme
d'un homme laid ?
Pour abréger la discussion, on
convint avant tout qu'il ne seroit
question que d'une laideur déci-
dée et frappante au premier coup-
d'oeH, mais qui d'ailleurs n'auroit
rien de repoussant.
Cela posé, quelques-unes ré-
pondirent à la question par une
négative absolue. Eues soutinrent
que la beauté de l'objet aimé étoit
une condition indispensable de
Famcur; que la laideur ne pou-
voit-jamais en allumer la flamme
d'autres prétendirent que cela
pouvoit raccorder, sans que !a
question fût décidée. On dit qu'il
y avoit aussi une beauté morale,
qui, par sa nature même, inspi-.
roit un amour beaucoup plus pur
et ptus constant que celle qn! ne
frappe que les yeux; on ajouta
que la magie de cet amour étoit as-
sez puissante pour affoiblir Fim-
pression de la laideur physique et
pour la détruire enfin tout-à-fait,
de sorte qu'il est permis de dire,
dans ce sens que l'objet aimé ne
paroît jamais laid à la personne
aunante, quelque jugement que
les autres puissent en porter.
La plupart furent d'avis que
cela pouvoit être vrai de nous
autres femmes mais jamais des
hommes, qui sont beaucoup trop
physiques pour un amour aussi
moral que du moins un bel
homme faisoit trop de cas de sa
propre beauté pour aimer jamais
une femme laide fût-elle la vertu
et la sagesse personnifiées.
H est clair que dans ce juge-
ment nous marnes un peu de par<
tiatite en faveur de notre sexe. tJn
homme qui se fût trouvé auroit
probaMementju~cdenoascomme
d'eux. Quant a moi Je suis
nous
assez disposée à
croire qu'H ne
serait pas tout-a ~nt impossible
qu\me jeune et très )oMe per-
sonne, treswhe de plus et très-
bien étevee, telle par exemple,
chère Hipparquie prît
que ma
~ntaMement un peu d'amour
homme passablement
pour un
laid, pourvu qu'u Mt d'ailleurs
tres-aimaMe. Qu'en dis-tu, ma
petttesœur? Dis-moi bonnement
tu penses de la chose et si
ce que
le beau Leotychus
tes amours avec
t'en laissent le temps, fais-moi
savoir de plus comment tu r~po~-
4
ï.
dro!s a une autre quest!on que
l'on éleva aussi dans notre petit
cercle. On supposoit une bon"
note fille. douée d*un cœur assez
tendre, et d'une tête encore ptus
chaude on la supposott, dis-je
amoureuse en secret d'un homme
quélconque, beau ou laid, etl'on
demandoit s'il lui seroit possible
de cacher cet amour a~ son amie
intime et à ene-méme, sous le
votte assez !eger de l'amitid et
combien de temps elle le pour-*
roit.
D'ici à ce que je reçoive ta. ré.
ponse j'espère pouvoir t*annon<
cer comment notre philosophe
paroît prendre l'absence proÏon~
gée de ses deux disciples Hip-
parquide et Metampus, naguère
encore si empresses. A propos,
de
as-tu lu la nouvelle comédie
Ménandre,' i~oM~~M soi-
M~M~P Cest une pièce fort amu-
sante, entre /7~r~M~ et le carac-
tère; elle est pleine d'esprit et d'o-
rtgmaHté, et réussit, dit-on, très-
bien.
Ton entrevue avec le beau Léo"
tychus n'est plus un secret, même
a Acharné il paroît que ta tante
se donne
beaucoup de soin pour
nouvelle. Tu ne
en répandre la
saurois donc être assez sur tes
gardes, si tu es vraiment résolue
te débarrasser de ce poursui-
a
vant.
Le 3o Thargélion.

C'est la pièce dont l'imitation parTerence,


nous est parvenoe sous soM t'trc grec HccrM-
<(W~n07WMH<M.
LETTRE X.

JS~~P~M~ 0 ~<~M~V~.

Qui t'auroit cru que de vigou-


reuses et robustes Afharntenues
se fussent occupées dans leurs pe-
itts cercles de recherches aussi
subhïes? Tu es une méchante,
Me!an!ppe, mais je te pardonne
en <a<eur de rmvenhon et pour
te prouver que c'est de tout mon
cœur, je veux ~avouer 4
tout.
eut, tout ce que tu Mus depuis

On pettt vo!r par tes ~d'M~WtW


d'Atistcphanes q'te la v!~Mor des hommes (!e
M'k de {eMM
M fao«M ~to!t aMS~! <ameMM qHC
a!:es. ( ~7~K</ )
long-temps par toi-même. Il fau-
droit que tu fusses aussi peu ha-
bile dans l'art de découvrir un se-
crct du coeur, que mo! dans celui
de le cacher si a travers ce Ïéger
vo!!c sous lequel je me croyois
ImpenctraMe, tu n'a~!s lu jus.
qu'au <ond de mon âme, et n'en
avols vu assez pour qu'il ne me
reste rien à t'apprendre.
ï! est donc trop vrai, comme
tu le dis, qu'une fille assez
joliee
bien ëtevee, et passablement riche,
peut tout de bon
s'amouracher
d'un homme passablement laid
j'en fournis moi-même une assez
bonne preuve pour te dispenser
de toute autre démonstration.
MaÏsest-n donc véntaMement aussi
!aïd que tu prétends le trouver ? J'a-
vouerat volontiers qu'aucun scuin-
leur ne le prendra pour modèle
d'un Hyacînthe, ou d*un Nirée,
JLe plus beau des goemers qui marchèrent
Tro:e. t

Je ne veux pas non plus nier que


l'une de ses epautes ne soit un peu
trop haute, ses cheveux un peu
clair-semés et ses oreilles peut-
être un peu trop pointues que
sa bouche ne gagnât à être plus
petite son nez à être plus retevë.
En un mot, )e sais qu'il ressem-
bte beaucoup à Socrate, dont tu
as vu la statue dans le J~yH~KM~
mais, qu'à le bien prendre, il seroit
peut-être le plus beau des deux,t
même en ne comptant pour rien
Je ventre pendant du mari de la
noble Xantippe. Mais si Socrate
Vers Je t'Made.
lui même, en très nombreuse
compagnie, a pu disputer le prix
de la beauté au beau Critobule',
il faudroit qu~Hipparqme fût bien
vaine, si elle se trouvoit trop belle
pour un homme qui pourroit au
moins le disputer au beau Socrate.
Ramené à part, tu ne pourras
t~empécher de convenir que ses
yeux sont pleins d~espritet de feu,
et qu~i a quelque chose de très-nn
et de tres-agréabte dans le sourire.
Mats qu'est-ce que l'extérieur,
torsqu' s'agit du plus noble du
plus sage, et du meilleur des mor'
tels? Toi, par exemple, qui con-
nois son esprit, ses vertus, et Fa-
grément de son commerce, n'es-
tu pas forcée de convenir, sans

Voyez le Banqact de Xenopbon.


qu'il n'y a
en être amoureuse,
point d'homme plus aimable sous
ce
rapport? Tu ne trouveras pas
mauvais que je n'en excepte au-
Car et ceci est avoué de tout
cun.
le monde, il y a dans le véritable
amour dans rameur proprement
dît, en tant qu'il dtSere de la
simple bienveillance, et même de
ramittë dans toute t'etendue du
mot, quelque chose de manque
d'inexpliquable, de surnature!,t
qui ne sauroit être soumis aux
rapports ordinaires de !a cause a
Fefiet, et dont la personne qui
aime ne sauroit se rendre compte
loin d'être te-
a enemême, bien autrui
nue d'en rendre compte a
H doit sunire aux autres que Fob-
jet de notre amour mente feshme
~néfate mais its ne peuvent exi-
ger que cet objet leur paroisse
aussi aimable qu~ nous. Combien
donc serotent'ïïs injustes s'ils
nous blâmoient d'être plu$ sensi-
sibïes à son mérite qu'ils ne le
sontî
Tu veux me faire entendre, pe-
tite railleuse, que si je t'ai fait un
secret de mon amour, c'est que
je n'osois pas me i a vouer à mot-
même. Si c'est un trait mattn que
tu veutHes lancer à mon ami, tu es
bien trompée. Eb quoi, n'es-tu
pas fille tôt-même ? Ne saïs-tu pas,
par experïence, qu*n en est de
l'amour comme de la ne~re, dont
on peut porter long temps te germe
dans son sein et même éprouver
les prcm!ers effets, sans en con-
noître la cause, ou sans pouvoir
hu donner son véritable nom? La
venté est que je nal commencé
mot-même à reconnoitre la nature
de mon penchant que lorsque
Leuconoé me proposa le beau
Leolychus. Je vis alors clairement
qu'il existoit un homme avec qui
j'aimerois mieux vivre, malgré sa
laideur reconnue qu'avec le plus
beau jeune homme d~Athènes et,
je te le jure par toutes les Grâces,
des ce moment je pris mon parti.
Maïs pourquoi me serois-je hâtée
de te parler d'une inclination qui
non-seulement contrarie tes vœux
de ma famille mais qui est encore
inconnue à son objet, et ne sera

que dis-je, ~f~


peut-être jamais réciproque ? Mais
~est-1!
pas plus que vraisemblable qu'un
homme aussi sage, qui exerce une
surveillance aussi sévère, un em-
pire aussi absolu sur lui-même et
sur ses passions, quand même il
connoitroit mes préventions en sa
faveur, trouveroit encore trop de
motifs de ne point s'engager avec
moi ? Dans cet état de choses, tu
te réjouiras sans doute avec moi
que la nature, outre la persévé-
rance qu'elle m'a donnée, m'ait
encore douée d'une douceur et
d'une patience (des étrangers di-
roient indifférence et froideur)
qui suffisent pour maintenir Fe~
quilibre dans mon Intérieur, et
me conservent assez de rénexion
pour éviter toute fausse démarche
et me tenir préparée à tout événe-
ment Ce qu'il y a de certain, c'est
que si jamais j'ai ïe bonheur d'at-
teindre au but de mes désirs, tout
Athènes me croira folle, en ap-
prenant que j'ai pu préférer à
Leotychus tm homme en qui la
foule ne vo!t que ce quiJRrappe
les yeux, et qui, même dans ~0-
pinion de ta plupart de ceux qui
jouissent de son commerce, passe
pour une t~te exaltée et pour un
original. A cet egard-ta, tu me
connots assez pour être persuadée
que je suis préparée à tout,t et
que dans une afRure où mon cœur
et ma tête sont d'accord, j'aurai
le courage <~e braver les jugemens
de la multitude.
Si j'étois née cent ans p!ut6<,
il est sûr qu'en vertu de ces mêmes
sentimens }'aurotsr préfère Socrate
avec sa figure de Si!ène, à ce bel
Alcibiade généralement adoré.
Ptut au Cte! que nous en fussions
d(;jà au point où je n'aurois rien
de pire à craindre que les airs mo<
queurs de mes compagnes, et les
épigrammes de nos jeunes fats1
Mais autant }e suis courageuse à
mépriser les railleries des sots
t
autant je me sens timide à la seule
idée de frustrer les espérances de
mon père, et d'arracher à son
amour pour moi une comptât-*
sance douloureuse qui lui coûte-
roit son bonheur. Et quand même
mon père se rendroit à mes désirs,
sans trop se faire violence, puis-je
espérer que le plus grand obstacle
seroit surmonté ?
Or maintenant dis-moi, Mé!a-
nippe, après avoir bien considéré
toutes les immenses di~cukés qui
s'opposem au bonheur de ma vie,
peux-tu m'en vouloir encore de
N'avoir pas été plus franche avec
I. s
toi? moi qui dans ce moment
même, suis épouvantée de mes
propres désirs, et n'ose qu'à peine
m'avouer qdîl n'extste*pour moi
qu'une seule manière d~étre heu-
reuse. Que seroit ce que'la fille
qui ne se sentiroit pas écrasée par
ridée d'aimer sans retour ? Si }~"
tois sûre qu'un pareil anront me
iut~ réserve, je déitbérero!s sur-
le-champ, tcomme tes Créuse et
les Hétène d*Eurïptde, sur le
plus noble moyen de sortir de ce
monde
Ser&-<~ le lacet, le <ef ou le po!son? P
Maïs il faut espérer que je ne
suis point destm~e à une fin
aussi tragique. t! faudroit, comme
dit le pof?<e, qu~ua homme eut
pour père ie dragon de la Col-
chide et peur mère un rocher du
Caucase, M, lorsqu'une honnête et
}o!ienMe lui saute au cet, vaincue
par son amour, et le prie de l'épou-
ser,!esyeux en pleurs et les mains
jointes, il étoit assez cfûel pour la
repousser. Ne tâtonne pas ma
chère, de me voir planter ainsi
dans ma triste situation. On dit
qu~H y a des gens sur qui la dou-
leur et le plaisir opèrent en sens
inverse i!s s~a~igent lorsque
d'autres se re}ouiroient~ et ne pa-
roissent jamais plus gais que lors-
qu'ils auroient envie de se pendre.
Fais toi expliquer cela par d'autres
si tu en as envie je ne suis point
aujourd'hui en humeur de philo-
sopher.
Le 4 SHrophonctB. f

KooveMe invitation de Leu-


cpnoé et, comme tu t~en doutes
bien, nouvelle entrevue. Cette fois
Leotychus avoit fait des frais de
toilette extraordinaires. Il embau-
moit le jardin de tous les parfums
de l'Arabie, que par mal heur je ne
puis souffrir. Il me surprit encore,
comme par hasard dans le petit
bois de laurier assise sur un
banc avec ma chatte de Cypre.
Pour observer la gradation con-
venable, il fit de forts }oïîs com-
p!îmens d'abord à ma chatte et en*
suite à moi. Je rppondis par des
p!a!santer!es. Alors î! s'approcha
de moi et prenant un essor vrai-
ment lyrique, il me peignit avec
une grande confiance dans ses
propres charmes, l'effet puissant
des miens sur son tendre cœur.
Voulant porter son attention sur
un objet ptus indifférent, je tut n$
remarquer ma chatte, qui, tapie
derrière un buisson, et ramassée
presque en boule, guettoît un pe-
ttt oiseau. Cetu~ct sautilloit sans
mquiétade, et becquetant ça et là
de petits grains, il s~approcha du
buisson sans y prendre garde.
Tout-à-coup la chatte s'élance de
son embuscade et se jette sur lui.
Je poussai un cri, le croyant perdu,
mais aussitôt je le revis voïtigeant
en liberté. ï! en avoit été quitte
pour quelques plumes. Leotychus
se mit à rire, sans doute à l'idée
du sens allégorique de ce petit in-
cident. Cruel homme! m'écriai-je,
que seroit devenu ce pauvre an!<
mal, si la nature par bonheur
ne
lui avoit donné des ailes! Char-
mante Hipparquie, me répondM,
~ù prends pitié du petit oiseau qui
n'a perdu que quelques ptumes,
et -moi je plains la pauvre chatte.
Quelle attention, quelle patience à
guetter sa proie A-t-elle détourné
les yeux un Instant ? et voilà qu'au
moment oùelle croit la tenir, elle
est oN!gee de se retirer la guèute
vide. Chacun, répMquat-}e en
souriant prend intérêt à ses pa«
rctk; et sans doute la nature, cette
bonne mère, qui a su pourvoir à
la sûreté de ses moindres créatures
en leur donnant des armes contre
leurs ennemis, n'aura pas négugé
les pauvres filles. Bon inter~
rompit-il Anacréon nous l'a ap-
pris depuis long-temps.
JLahMaté&tkdonqa~eHe&~h&mme.
C'est une arme fort bonne pour
l'attaque, répartis je, mais pour
!ade~nse?. Et pourquoi s'e-
cria-t-it, les belles en auroient'
eMes besoin, puisque la nature
les a destinées à se laisser vain-
cre ?
A ces mots, il se jeta à mes pieds
et me conjura de ne pas mécon-
nottre plus long-temps la tendre
paMton qui le rendoit pour }amais
mon esclave, l! voulut donner en-
core plus d'energ!<' à ses instances
et fit mine d'embrasser mes ge-
noux, mais je me levai tout à-coup
et Fassura! en sortant, avec tout le
sang n'otd !mag!nab!e, que ce téte-
a tête seroit le dernier.
Que dis-tu, Mé!amppe,de cette
petite scène ? je t'avoue que j'en
suis fort contente, car je ne puis
douter qu\t ne l'eût méditée d'a-
Tance, et qu'il ne s~en promette Ïe
bonheur d'échapper, pour cette
fois, aux chaînes de l'hyménée, où
sa famille vou droit J'engager. ï!
ne tiendra durement pas à moi
qu*H n y réussisse.
Je n'ai pas manqué, en revenant
à Athènes, de raconter tout à mon
père, mais peut être avec trop de
chaleur. Il approuvama conduite,
tout en cherchant a excuser Leo-
tychus sur ce qu'il ne lui venoit
pas dans l'idée qu'aucune Athé-
nienne pût refuser sa maïn et
moi-même, ajouta mon père je
ne conçois pas mieux ce que tu
peux avoir contre un jeune homme
que toute autre à ta place se trouve*
roit très-heureuse de posséder, à
moins qu'elle ne fût déjà prévenue
pour un autre, ce dont il m est
impossible de te soupçonner.
Qu'avais-je à répondre ? J'ai sou-.
pire, j'ai gardé le silence. Mon
père chercher à lire dans mes
yeux M secoua ïa tête et se tut
aussi. B me trahoît a la vérité avec
sa bonté ordma!re, mats la conver-
sation ne se faisoit plus que par
monosyllabes, et je me retirai dans
ma chambre Je plutôt que je pus.
Je me sens oppressée comme à
l'approche d'un ~rand orage. J'es-
père bien que le courage ne m~a-
bandonnera pas, maïs je ne puis
m'empêcher de trembler un peu.
Je suis dans les transes en at*
tendant ta lettre mon cœur me
dit que tuas quelque chose à m~an-
noncer. Ce qui se passe en moi,
me prouve tous les jours qu'il y a
dans amour une magie qui donne
plus de force à tous les ressorts de
notre être, et développe en nous
de nouveaux sens, qut, sans lui
peut-être, ne se seroient jamais
eveîMes; qui que ce soit qu! m~p-
proche, il me semble que je lis jus-
qu'au fond de son âme, et je t'as-
sure que certaines gens y gagnent
fort peu.

J'apprends à l'instant par ma


petite Lesbie que Leotychus s est
plaint fortement de moi à ma tante.
Ma conduite lui paroît incompré-
hensible. Il ne peut attribuer
qu'à une pruderie ridicule ou à
une aversion décidée pour sa per~
sonne et Tune et l'autre lui pa.
roissent impossibles à concevoir.
Il se sent, dit-il, très-peu encourage
a continuer ses poursuites. Leuco-
noé a mis en usage toute son é!o~
quence pour me montrer à !u!
sous nn jour plus favorable, et Fa
exhorta à plus de persévérance, à
pms d~ndaigence pour un senti-
ment de pudeur, sans lequel sa
nièce ne seroit pas digne d'être
son épouse. Leotychus, entre au-
tres choses, a dit qu't! fat!o!t abso-
Jument qu'il eût un rival préféré,
et comme un pareil rival ne pour-
roit être qu'un dieu n ne voit pas
a quoi lui serviroit une plus longue
persévérance.
Leuconoé s'est moquée d'a-
bord de cette Me tdée, et Fa
ensuite grondé vertement; il a
fini par en rire lot-même, et ils se
sont quittes fort bons amïs, du
moins en apparence. Voilà ce que
ma petite Lesbie a su tirer de la
vieille Droso, esclave favorite de
ma tante, avec toute t'adresse qui
distingue les femmes de son pays.
J'en conclus que j'avois très-bien
pressenti FeSet de ma conduite
sur Léotychus. Mais que dis-tu
d'un jeune homme assez modeste
pour s'imaginer qu~t n'y a point
de fille qui lui résiste à moins
d'avoir un dieu pour amant?.
Au fait il n'a pas si grand tort;
compare à lui, Cratès est vrai-
ment un dieu pour moi.
Le 7 S~ïrophonoo (Juin.)
LETTRE Xï
~A~P~ Hipparquie.

GRACES soient rendues à la


Déesse de !a pudeur et au fils de
Vénus Uranie! tu t'es enfin débar-
rassée de ce voile qui me nuisoit
sans te servir ce qui est Je cas de
tous !es voiles, sôtt qu us couvrent
une belle âme ou un beau corps.
Désormais tu te montreras à ta
Mélamppe comme Vénus à ses
Grâces: cette confiance me rendra
plus heureuse et si, dans ce bel
ensemble il se trouvoit quelque
tache ïégere, l~œH de i~amttté ne
l'apercevra pas, ou croira y dé-
couvrir un charme de pius.
Pour récompenser la franchtse
avec laquelle tu as si bien réparé
ton ancienne reserve, je me h&te
de t'apprendre des nouvelles re-
cueillies par Euthyphron, et qui
ne peuvent t'être indifférentes. La
première et !a Qloins importante
c'est que Leotychus parle a ses
amis de son mariage avec la fille
de Lamproctcs, comme d'une
chose fort étonnée, et qui pro-
,bablement ne se fera pas. n en a
bien été question, dh-jH, entre
les deux familles et la belle qui
touche aux derniers jours de son.
printemps, après avoir refusé
t
plusieurs prétendans qui n*eto!ent
pas sans mente, seroit assez dis-
posée à se contenter de lui mais
a parler franchement, elle ne pos-
sède point assez d'attraits pour le
faire tomber dans le piège que l'on
a tendu à sa liberté. C'est par ces
di&conrs, et d'autres semblables
que ce jeune prcsoïnptueux cher-
che, par avance, prévenu* la
honte de égarer à la tête des pré-
tendans refusés. Tu vois que nous
lui sommes en quelque sorte,
oM~ées ap ce qu~M travaute pour
toi avec tant de zèle, en te facili-
tant si à propos les moyens de
te débarrasser de lui de bonne
grâce.
Tu apprendras encore avec ptus
de plaisir que le sage Cratès ne se
montre point indifférent à la dis-
parution subite de ses jeunes dis-
ciples de Sunium. (Je n'y suis ce-
pendant pour rien, car tu sai&
qu'auprès de toi je suis à peine
aperçue.) Ce n'est jamais que d~
bel Hipparquide qu'il est ques-
tton il a dé;a demandé plusieurs
fois à mon cousin Euthyphron
dont il fait grand cas s'il ne sau-t
roit pas ce qu'est devenu un jeune
homme à grands yeux noirs qui
depuis quelques mois, venolt sou-
vent de Sumum avec un autre, et
assistoit à ses teçons avec une at-
tention toute particulière. Jus-
qu~ators, dit-il il n'avoit jamais
pu se i~en expliquer le grand
amour de Socrate pour les beaux
garçons, et surtout pour ce liber-
tin d'Alcibiade mais il comprend
fort bien comment un homme
vertueux peut éprouver un amour
pur pour ce jeune homme. Jamais
il n~a vu chez un autre autant de
liberté d'esprit un tel sentiment
des forces de Famé, réunis à tant
de délicatesse, et à cette modestie
presque TÏr~nate qui brille dans
Ïes yeux expressifs du jeune Hip-
parquide.
Jeune Htpparquïde que dis-tu
de tout cela ? Ton cœur ne s'enfle-
t-il pas à vue d'œu à la lecture de
ces paroles dorées? Crams.tu tou-
jours d'éprouver la plus grande
des difficultés que tu as à com-
battre de la part d'un homme qui
discerne la pudeur virginale avec
un tact si délicat? Mais ce n'est
pas tout; il a dit quelques jours
après à Euthyphron, qu'ayant
rencontre par hasard un pêcheur
de Sunïum qui connoît tous les
habitans de sa petite ville ce
pêcheur lui assura qu'il ne s'y
trouvoit ni un Hipparquide ni un
Metampus Cratès en a paru tres~
surpris, et semble soupçonner que
ces noms cachent quelque secret
extraordinaire dont il ne peut
deviner ni la nature ni la raison.
Cependant, chaque fois qu'il
ren-
contre mon cousin, il ne manque
pas de lui demander s'il n'a pas
revu le jeune' Hïpparquîde. Tire
maintenant les conséquences de
tout ceci. Pour moi il me semble
clair au moins que le jeune im-
berbeHtpparquïde, avec ses grands
yeux expressifs et sa modestie vir.
g!na!e, a posé un fondement
sur
lequel la belle Htpparquïe
sans
trop déroger à cette aimable qua-
i!té, pourra continuer à bânr
avec
assurance.
#.t fi¡
Le ç Sk!rophonoa.
LETTRE XÏL
~~M~MM ~f~FM~~
JE veux te mettre au fait de
ma
situation avec Leuconoé, mâchera
amie, en te racontant une petite
conversatïon que; ai eue avec elle,
depuis so- retour de Munychie.
Je vis d'abord qu'eue n'étoit pas
fort contente de moi, à la violence
queHe se fit pour ne pas mac-
cueillir trop mal. E!te trouva en.
suite ou se donna tant de choses
à faire dans la maison, qu't! ne lui
r~sta pas un moment pour soccu'
per de moi. Mais ce mann elle ma
fait appeler et après quelques
phrases fort courtes et fort sèches,
commença le dialogue suivant
Z~WM~. Tu as vu !e fils de
Chabnas, Hipparquie, tu lui as
parlé. Comment !e trouves-tu?
jy~or~M<c Il me p!a!ro<t peut-
être davantage s'tt se plaisoit
moins.
Leuconoé. Votïa encore de tes
caprices! pure prévention! Leoty-
chus est un )eune~ homme très-
bien ëieve et qui sait fort bien
comment il faut se conduire avec
notre sexe.
Hipparquie. Probablement avec
la partie la plus respectable de ce
sexe, avec les mères, les grand mè-
res et les tantes. Mais quant aux
filles, aux petttes n!!es et aux nièces,
il paroît s'être formé dans art de
se conduire avec elles, à !'eco!e de
la belle Lycœnîon et de ses pa-
tcHtM.
Leuconoé. Ce!a ressemble près-
que à de la jalousie. J'en tire un
heureux présage.
N~cr~MM. De grâce, ma chère
tante, ne cherchons point finesse
a mes expressions. Je parle tout
simplement comme je pense.
J~u<'on<M~ Il est impossible qu'il
se soit oublié avec toi.
Hipparquie. Il s'nnagme peut-
être qu*!t a été fort poli. Mais }e
crois que la modestie ne sied pas
moins à son sexe qu'au nôtre.
Leuconoé. Sans doute en re-
vanche une pruderie hors de sai-
son n~est ni une vertu, ni une grâce
dans une jeune personne, envers
un jeune homme qui demande sa
main et, qui peut se flatter d~etre,
sous tous les rapports digne
d\.He.
JH~~MF. Leotychus en pa-
roit vraiment bien persuadé.
Leuconoé. Et toi, ta parois
étrangement prévenue coBtM <;e
jeanc homme: aa nom des dieux
que peux-tu avotr~ht! reprocher?
~~M~H~ Oh bien des eho-
ses, ma chère tante. Par exempte~
il est beaucoup trop beau pour mo!.
Leuconoé. Défaut d'une
nou-
vel!e eapèce, faut
en convenir 1
Mais quittons la plaisanterie, jeune
fille
JV~a~Mc. Je ne plaisante nul.
iement. M est trop beau
pour moi,
ou je ne suis pas assez belle pour
lui comme tu voudras. Je n'é-
pouserai jamais un homme quine
me soit pas tellement inférieur
sous ce rapport, qu'n lui soit im-
passée de s'imaginer que c'es<
son exteneur qui m'a séduite.
Leuconoé. En ce cas, le meil-
leur parti que tu puisses prendre,
c'est d'épouser ie bossu Crates~
qui ne s*avMera pas, sans doute,
de te disputer Ïe prix de la beauté.
Je crois qu'en faisant cette mau-
vatse plaisanterie elle ne s'imagi-
noit pas rencontrer s! {uste, et
cela fut bien heureux pour moi
car si dans le moment eHe m'eût
regardée en face, elle y auroit
remarqué une rougeur subite
qu'elle auroit bien pu prendre
pour autre chose que pour FeMet
demonmd!gnatton, en entendant
parler ainsi d'une personne que
je respecte. Que! qu'il en soit je
ne pus m~empecher de lui dire
que {'aïmeroïs mieux épouser ce
Craies. malgré son peu de préten-
tions a !a beauté, que !e'présomp<
tueux Leotychus avec tous ses
charmes. Porterai-je cette déclara-
tion à ton père, me dit-elle,
avec
un dépit concentré? Je la conjurai
de ne pas m'en vouloir de
et re-
garder ma résistance
comme une
preuve que la condescendance
que Pon attendoit de moi, n'étolt
pas en mon pouvoir. Je ne puis,
continuât je commander
a ma
volonté contre ma persuasion;
et
ne suis-je point la ptus intéressée
dans cette affaire ? J'accorderai
qu'il n'est pas impossibte
que je
menasse avec Leotychus une vie,
sinon heureuse, du moins sup-'
portable. Mais le contraire étant
éga!ement possible, pourquoi
un
père qui aime son enfant, risque-
ro!t- son bonheur sur une chance
aussi perIHeusp ?
Leuconoé se tut un moment
comme pour $e consulter. Tout-
la-coup eIÏc parut vouloir dtre
quelque chose. Ïmposs!b!e s\
cna-t-eMe et s~arrêta tout aussî-
<ôt, sans répondre a !a questïon
que je lui ~is snr ce qui étott tm-
possible. En m'eioîgnant au pre-
mter signe qu~e!!e m'en Ht, {e !a
priai de vouloir bien au moins me
hnsser du temps, pour combattre
mon aversion contre Leotychus.
Mais pï!e me tournage dos et }e
ne ~us jamais prendre sur moi
d'essayer encore une ~bis de Fa-
doucïr.j~a~~d~te pas qu'e!!enc
me st'f~]~~c!mat!~ se-
crè~~e ~sjs~~fueHe mpttra
tout (~~ ~(H~)a decouvrtr.
Ï "T' ~yf
e
Cette circonstance, et ce que tu
m~éeris des entretiens de Cratès
avec ton parent, me décident à
faire sur-le-champ une démarche
a laquelle il auroit bien fallu venir
tôt ou tard. Il est certain que
1 'homme ne peut échapper a sa
destînée mais il n'est pas moins
certain qu'il en est lui-même le
prin.cipat artisan et que par sa
coopcratîon il peut hâter ou pré-
venir l'ouvrage de son bon ou de
son mauvais génie.
Je stMsvérïtabtementoppressée,
ma chère M~tamppe mais je me
sentirai soulagée lorsque )*aurat
fait cette démarche à laquelle me
pousse un des génies dont je viens
de parler. Je ~instruirai du succès
lorsque je le saurai moi-même.
Veille cependant sur ma' tante
fais
avec un surcroît d'attention
épier tous ses mouvemens par
notre ami Eutyphron, et di s-lui
qu~t peut se fier à ma petite Lesbie
lorsque aura quelque chose à me
communiquer. La situation sin-
gulière où je me trouve m'a enfin
oMigeede lui confier notre secret,
c'est-à-dire, de lui en apprendre
assez pour lui faire croire que je
suis persuadée de son attache-
ment, et que je n'ai rien de caché
pour elle.
Le to SMrophonon.
LETTRE Xtîï.
Hipparquie à Cro~.

JE ne puis pas différer plus


long-temps, sage et respectable
Cratès à te découvrir l'innocente
fourberie que deux filles mconsï-
derées ont commise à ton égard.
Tu as peut-être remarquédeux pré-
tendus jeunes frères, qui sous le
nom d~Htpparquïde et de Mélam-
pus de Sunium se sont m~!és
pendant quelques mois a tes dis-
c!ptes et qui ont subitement d!s-
paru. Hé bien c'étoit H!ppar-
quie, fille de Lamproctès, et une
de ses am:es qui se cachoïent
&ous leurs manteaux et c'est cette
Hipparquie qui t'écrit en ce mo-
ment. Afin de te donner sur ce sm.
guliersecretles !umïères convena-
bles: permets moi de te raconter
histoire de plus haut. On dit
mon
la nature doue tes perses
que a
d~ne part tre~
nés de mon se~e chez moi, da
rïfhe de curiosité
elle l'a dirigée vers ce qui
moins,
le plus digne. Dès l'enfan-
en est Hipparquie se dtst.n-
ce, la petite
désir msaHaMe diap-
gua par un
prendre~ et au lieu de )ouer avec
poupées, eUe ne savait que leur
ses
répéter !es leçons qu'elle avoit ap
prises pour les rendre aussi sa-
queUerétott.Avantr~ede
vantes
huit ans, je savois par c(Bur la
plus grande partie de FOdyssée,
que je. ne lisois pourtant ttuà la
dérobée; car ma bonne mère, qui
6"
ressemb!<Mt parfaitement a Ïem-
me d'Ischoirnachus dans t'<2Eco-
nomique de Xénophon, mavott
toujours appliquée de préférence
aux occupations propres à mon
sexe. Elle mourut de bonne heure,
et la bonté complaisante de mon
père qui n'avoit d'autre fine que
moi, me donna bientôt plus de
liberté. Je passois une grande
par-
tie du jour dans sa bibliothèque,
et je lisois ou plutôt je dévoroise
au commencement, tout ce qui me
tomboit sous la main poëtes et
historiens, tragiques et comiques;
sans ordre et sans choix. Enfin je
rencontrai une case remplie des
ouvrages de Xénophon et de tous
les dialogues de racole de Socrate.
Les premiers, et tout
ce qui me
parut intelligible dans les autres
eurent un attrait phMparttCuuer
pour moi. Ils devinrent mon occu-
pation favorite;avois de la peine
à les quitter, j'y revenois sans cesse
et je reconnus bientôt en moi les
bons effets de leur influence. ïnsen-
stMement, la confusion que mes
lecture~ déréglées avoient produï-
tes dans ma tête, se débrounia. Iî
commença à y faire jour tes en-
droits obscurs s'tHuïnInotent un
après l'autre. Alors je me hasardai
à lire les dialogues du divin Pla-
ton~ que javoîs d'abord mis de
côté, par une crainte religieuse de
leur sublime obscur!te. J y com-
pris sans peine beaucoup de cho-
ses je crus en deviner d'autres
que je ne comprenpis pas et mon
imagination supp!eo!t au reste.
Mais maintenant, à quoi bon
tes !dées et les connoïs~
toutes
sarices que j'avois acquises,
si
;'étoîs destmée a gouverner un
gynécée, et a m'y renfermer?
Après avoïr vécu pour ainsi dire,
depuis ma quinzième année avec
Xenophon,t Cébès et Sunm~s,
Platon, Aristippe etDïogè-
avec
ne après avoirnourri mon âme
de l'esprit de ces hommes lus-
pouvois-je que jamais
tres, croire
il me fût possible de m'accoutu-
des femmes
mer à la vie ordinaire qui m'at-
grecques ? Je vis bien ce
tendoit, comme fille d'un riche
Athénien ;e fus épouvantée du
sort qui pouvoit être mon partagea
et je ne laissai point de repos à
père qu<p je n'eusse obtenu
mon
de lui t'assurance la plus sacrée
qu'H me set oit permis de refuser
tout poursuivant avec qui je ne
pourrois pas espérer de vivre heu-
reuse à ma manière. A dire vrai,
}e ne sentois rien en moi qui put
m'engager à sacrifier jamais ma
liberté à aucun homme. Je voyois
avec indifférence nos jeunes gens
les plus distingués et je rejetai,
Fune après l'autre, toutes les pro-
positions qui furent faites à ma
famille quoique, dans les idées
ordinaires, elles ne fussent nulle-
ment à dédaigner. Cependant, je
ne pus rester tout-à-fait insensible
aux raisons qu'alléguoit mon père
pour me marier. En m~accoutu-
mant ainsi peu-a-peu à penser que
je pourrois bien ne pas toujours
rester fille je me formai une idée
de ce que devoitêtre pour l'esprit
et pour le cœur, pour les mœurs
et pour la manière de v!vre,
l'homme avec lequel je pourrois
désirer de contracter la plus in-
tttïte et la plus sainte des Ka~ons.
Naissance richesse, ngure, tout
cela n~y entroit pour rien. En re-
vanche, je voulois qu'il approchât
autant que possible de ces hommes
dont le génie avoit réveillé et formé
le mien, dont la vertu et la gran-
deur d'âme excitoient mon admt-
ratîon qui, en un mot, étoient à
mes yeuxtespremiers des hommes,
et, dans toute la force de Fëpi-
thete homérique semblables aux
ZMcM.f.Dès'tors je mettois le grand
roi Alexandre, nts de Philippe
beaucoup au-dessous de l'homme
qui, bien que le plus pauvre de
tout Corinthe ne lui demanda
point d'autre grâce que de s'ôter
de ~on sotei!. J'avois déjà achevé
ma vingtième année dans cette
manière de penser, iorque j~en-*
tendis parler pour la première
~oïs d~un certà!n Cratès, recem*
ment arrivé à Athènes et qu'on
me depeigntt comme le plus grand
original qui ~t sous le ciel. Re<
}eton d'une noble famille th/-
haine il avoit, dit-on, renoncé
à un héntage consideraMe et a
toute la fortune qu'il pouvoit faire
dans sapatne, pour suivre Fexem-
pte de Diogene. Vivre au milieu
de la société civile, parmi des
hommes dégénérés, énervés par
l'abus de !a civilisation même, et
corrompus par le luxe et par les
richesses, sans s*assu}étir a leurs
coutumes ni partager leurs pas-
sions se conformer aux simples
Io!s de la nature, et
se borner,
pour les besoins du corps, au
strict nécessaire, afin de pouvoir
se consacrer enttèrement à la sa-
gesse et à la vertu, seul et vérita-
Me trésor de l'âme; tels étoient
ses principes, et sa conduite y
répondoit. J'entendîs porter
sur
ce Craies des jugemens très-dtvers:
les uns se moquotcnt de
sa ma-
nière de vivre d'autres !e rail-
]oient sur son extérieur la plu-
part s'aecordoïent à dire ~u'U
falloit être bien fou
pour payer
de 80 talents use aussi misérable
vïe maïs tous convenoient
aussi
qu'il étoit d'ailleurs homme d'es-
,prit et de mérite, qu'H àvoit Fhu-

Environ 4~0,000 &an~, d'après ÏM


ta-
bles da jcune ~aoc~t~
meur agreaMe, et que malgré son
austère ~anchtse, son
p~atsottgeneratement. commerce
Ces dtscout's Syem mot une
sur
itBpressïcn M profonde, qu'en
vertu de Ftnsttnct propre a notre
sexe, je m'app~quat soigneuse-
ment à ia cacher. J'admiroïs
secreMa force d'àme de rhomme en
qai avoït eu te courage de sacnaer
tout ce qui a du prïx aux yeux du
vuïgaïre, à la noble pensée de
réaMser en !ui-meme Hdea! de ïa

7'
nature humarne dans toute
&anchtse or:gme!!e, maïs dans sa
toute sa perfect!oQ.
Insen~iement respectabÏe
Cratès t! s'ë:eva
en mot un dpsîp
de te voir et de t'entendre dcs~
que FtmposMbtMte apparente de ie
satisfaire enOammoit
encore cha.
Il
que }our. Je ne pouvois guères me
flatter d'y parvemr dans la maison
de mon père, quand même il au-
roit eu l'idée de faire connoissance
avec toi et cela même ~etoït pas
vraisemblable attendu que depuis
bien des otympiades, il ne passe
en ville qu'une petite partie de
Fannéo et ne s'occupe que de l'ad-
ministration de ses biens. Enfin
la meilleure de mes amies, fille
pleine d espMt et de vivacité, sut
me tirer d'embarras. Pourquoi, me
dit elle n'aurions-nous pas le
courage de faire ce que fit Amothec
de PhMonte, pour se gu$ser, sans
être connue, parmi les disciples
du divin P!aton ? M ne s'agît que
d~avoïr deux manteaux grossiers et
d'apprendre a rouler nos cheveux
de manière qu'ils ressemblent à ~a
<
theve!ure courte et frisée d'un
jeune garçon. On nous prendra
pour des jeunes gens de seize
dix-sept ans et nous ne serons
pas remarques dans la foute qui
se rassemble tous les jours au Cy
nosarges, ou sous le portique du
temple d'Hercule, pour entendre
les leçons de Cratès en tous cas,
nous nous appelons Hipparquide
et Meiampus nous sommes deux
frères natifs de Sunium fils du
négociant Ctésiphon ou de tout
autre personne ne s'en infor-
mera. Tu le vois, Cratès, Hippar-
quïe a plus de hardiesse que tu n'en
aurois soupçonné à ce pauvre Hïp-
parquide sous un déguisement qui
ne pouvoit le tromper tui-meme.
Je saisis cette idée aTec la p!us
vive impatience de rexecuter. Mon
amie gagna une bouquetière qui
lui est toute dévouée, et qui ,pos-
sède une cabane avec un petit
}ard!n sur Ïe chemin du Cyno-
sarges c'est là que nous quittions
nos habits de femmes pour te
costume socratique et !a aussi
nous les reprentons pour re-
venir à la maison bien v oilées
portant chacune au bras un pan!er
de fleurs. Voltà comment depuis
les dernières Anthestenes', j'a!
eu
îe bonheur de te voir, tous les deux
ou trois jours, et de m'affermir
par là dans une façon de penser
pour laquelle sans doute j'avois
en naîssant des dispositions bten
décidées putsqu'e!!e s'est emparée
de moi en si peu de temps.
Ant!Ms~nes,St<!SconMCfëesABacchttSt
qu! <!nNHo:entleur
nom au mois d'Anthe$tër!on
( Fcvrier).
ï! éloit neccssatre, mon cher
Cratès, de te raconter tout cela
avant d'en venir à l'affaire princi-
païe qui m*a jforcee à la démarche
hardie que je fais en t'écrivant. Je
me trouve dans un embarras, dont
toi seul je crois pourrois me
tirer.
Depuis quelque temps, ma main
est demandée par un jeune homme
cotmu de tout Athènes sous !e
nom de Leotychus. Il est riche et
de noble famitte beau comme
Adonis, amoureux de lui même
comme Narcisse, aussi ambitieux
et non moins voluptueux. Il jouit
d'une certaine faveur du peuple.
Les deux familles, et sur-tout sa
mère et ma tante, ont projeté entre
nous une alliance, dont il paroit
ne pas se soucier beaucoup et
petit à petit elles ont amendé mon
père à la désirer aussi plus ardem-
ment qu'il ne convient à mon
MpOS.
Dis-moi, sage philosophe, je
t'en conjure au nom des Grâces,
suM-}e ob!ïgée par amour pour
mon père de renoncer au droit
qu'il m'a accordé lui-même, et de
sacrifier le bonheur de ma vie a ses
désirs? N~je donc pas aussi des
devoirs envers moi même ? Mon
propre cœur, ma conviction in-
urne ne doivent-elles compter pour
rien, dans une affaire qui me
touche de si près ? Rien ne res-
semble moins à l'homme que je
voudrois avoir pour eponx, que
celui qu'on veut me ibreer de
prendre. Mon cœur me dit et ma
raison me confirme que je ne sau-
~o!s <~ heureuse avec Leotychus.
Est- juste que je me rende mal-
heureuse par comp!a!sance
pour
un père trompe, qui certainement,
lorsqu'il sera temom de mon ma!
heurirreparaMe, n'aura plus lui-
même un moment de bonheur?
Conseille moi, bon
et sage
Cratès sois mon géme, mon ora-
c!e Que suis-je obligée,
et qué
m'est-il permis de <atre? Conduis»
moi dans une affaire d*on dépend
le bonheur ou !e matheur de
ma
vie et st, par
une innocente trom.
perîe, la pauvre Hipparquie n'a
pas perdu la bienveillance qu~Htp-
parquide avoit eu le bonheur de
t'inspirer ne lui refuse pas la pitié
qu'elle mérite.
ILe <t Stdfûphonco.
LETTRE XÏV.
Craiés
C~O~M DA~
â hlio~éne h
Corinthe..
Co~M~.

AMI Diogene! toi qui as passé ta


longue vie à observer et à censurer
les immenses folies du genre hu-
main as-tu jamais rien vu, rien en-
tendu, rien rêvé, d'aussi ridicule
que ce que j'ai à t'annoncèr? Aurois-
tu jamais cru possible que ton ami
Cratès avec son front large d'une
coudée son nez de Faune, et !e
petit paquet qu'il a chargé sur son
dos, sans trop savoir quand ni
comment, et ( ce qui ne rend pas
son affaire meilleure ) avec son
manteau socratique, son bâton à
la Diogene~ et son revenu net de
trois oboles par jour, seroit assez
s fou pour s'amouracher de la plus
riche et de la plus jolie fille d~A-
thènes Hé bien, mon vien amt,
$.
tout ineonrevable que cela te j~em-
bte rien n'est pourtant plus réel.
I! n~est h~!as que trop vrai que
ton pauvre ami., ton pauv~ dis-
ciple, soit pour n*avo!rpas assez
bien veillé sur quelques côtés fbi-
bles de son âme, soit par suite de
la colère de quelque dieu s'est
effectivement ta!sse prendre à un
amour si absurde et probablement
sans espoir.
Tu ris de si bon cœur, que je
crois t'entendre de Cornuhe jus-
que dans ma hutte. A la bonne
heure, ris tant que tu voudras et
que tu pourras! Je t~atderoM moi-
même à rire, s'il n~y avoit dans
7*
cette aMaire une circonstance teMe-
ment tragique, querarchitragique
Euripide n'auroit rien inventé !ui<
me de si larmoyant. Ne tetour-
mente pas a deviner ce que c'est
que cette circonstance si ma!heu-
reuse Je veux croire que tu aurois
devint des énigmes dix fois plus
difficiles que celle dont cet.im-
béci!e de sphinx, sûr comme il
étoit de la stupidité connue des
Béotiens, crut~mbarrasser mon
compatnote CEdipe; ta sagacité
n'en échoueroit pas moins contre
celle ci.
Apprends donc, mon vieil ami,
que cette même jeune fille, la plus
riche et la plus jolie, et en même-
temps une des plus sages et des
ptus vertueuses de toute FAttique,
vient de refuser par amour pour !e.
&usd!t Craies, et sans se douter
qu*e!!e en est a!m~e, plus beau
et le ptus riche de tous les jeunes
Athemeas. Qu'on me dtse à pré-
sent qu'il y a quelque chose d~nn-
posMbÏe Je vois que tu me re"
gardes awc de grands yeux tu
crois toujours que je plaisante

Ï/AMonr qm tyfan&Me et les <8eM << la


~OïnRMs's

a fait, d!s-tM, bien des miracles


incroyables. MaM on n'a point en-
foreva d'exempte d*un e~t aussi
terrible de sa toute-puissance sur
resprît et sur tes sens des foibles
mortels. Apprends donc comment

AHoaen M veM de rAnJroB~ d~Ett-


npide.
lès choses se sont passées, et cesse
de tâtonner!1
Il y a trois ou quatre mois que
parmi les jeunes gens qui se ras-
semblent au portique, ou sous les
platanes du Cynosarges, pour en-
tendre mes leçons, je remarquai
deux jeunes garçons de dix-sept
a dix-huit ans, qui m'écoutoient
avec une attention marquée, enve-
loppés, jusqu'aux yeux, dans leurs
manteaux, et qui, depuis ce temps.
n'ont pas manqué de~eparoïtre
troïs ou quatre fois par décade.
IAtn des deux me frappa tellement
par sa beauté et par le feu qui sor-
toit de ses grands yeux noirs, que
je m~niormai de son nom. L au-
tre, }o!i garçon, passablement
eTetUé prit aussitôt la parole. H

me dit que son frère s'appeloit


Hîpparquîde, et1m Metampus;
qu't~ étotent 6!s d'un negoc!ant
de Suntum qu'attirés par
t pt
ma reputat~on,
~a reputatMm. i!s é
~ls. ~to!e~
s~tabtïr à Athènes chez
venus
v~nus
un pa.
Mnt,g jusqu'à ce que leur père
<utrpvenu de Rhodes. Loin d'tmi-
ter notre maître Socrate, qui re.
che~bott les beaux
garçons pour
les attirer à lui je
me sms fait
une loi de les fuir autant que
poss!b!e. J'évitai donc d'entrer
relation avec ceux-c!. d'autant en
.t
plus qu'eux-mêmes ne parois-
sotent pas ïe desïrer; et d'ailleurs
parce que ~éprouvots un tel at-
trait po~r ie plus beau,
que j'c-
tots vernabietnent oM:ge de
me
faire violence pour
ne pas ie re-
garder trop souvent.
Tu me demanderas peut-être
t
comment je ne remarqua pas
que ces }eunes gens ne prenoient
jamais part aux exercices du corps
qui se pratiquent dans les 6yn~
nases?Je t'avouerai que je n'en
sais rien. Le fait est que je m'ac-
toutumaî si bien peu à peu à voir
parmi mes auditeurs les deux pré-
tendus frères de Sunlum ~que
)e fus tres-etonné lorsqu'ils dis-
parurent, après !e y Thar~Mon,
sans que je pusse les découvrîr.
Figure toi maintenant ce que je
suis devenu hier, en recevant une
lettre où le soi disant Hippar-
quide se fait connottre à moi sous
lé nom d'Hippafquie~ fine de
Lamproctès et dans laquelle
après avoir excusé sa supercherie
fort
en me faisant un portrait
intéressant d'eMe-même, elle s'a-
dresse à moi (pourquoi précisé-
ment a mol?) pour me consul-
ter. Les poursmtes d'un preten"
dant queUe déteste, mais que
ses parens favorisent, ~ont pta-
cée dtt-eMe, dans un conflit
entre ses devoirs dont elle ne
peut se tirer qu'en me conjurant
de lui donner un conseil. Ce qu'il
y a de pis et de plus dangereux
pour moi dans cette découverte,
cest qu'avec toute la délicatesse,
toute la réserve propres à son
sexe, eue me fait pourtant en-
tendre assez clairement que Pnom-
me que son cœur préfère au
beau Leotychus, n'est autre que
celui-là même à qui eUe écrit.
Voulant te faire }uger par tes
propres yeux si je ne me fais pas
illusion, je t'envoïe sa lettre avec
la mienne.
Ta comprends maintenant
mon vieil ami, comment une af-
faire qui semble, au premier coup-
d*<BU, s!rîd!cù!e peut être
ass~
s~Meuse pour embarrasser beau-
coup deux sages comme toi et
moi. Cependant, pour ce qui me
regarde je ne puis hésiter un
instant sur la conduite que j'ai
à tenir. Si je n~avons Ïe malheu-
reux bonheur d'être celui qu'elle
préfère, si je n'étois qu'un tiers
desmteressé, j'aurois décidé sans
scrupule,à l'avantge de son coeur,
la question qu'elle me propose.
Mais puis-je le faire dans ma
situation sans me déshonorer à
mes propres yeux Que seroit-ce
que !a ~ertu, si e!!e succomboit
à la première tentation qui se pré-
sente ? Tout ce que j'ai sacrifié
jusqu'ici à l'amour qu'elle m'ins-
pire n'etoit rien dans fond
car ce n'etoit rien à mes yeux,
et }e l'ai sacriné sans peine~ï!
s'agît à présent d'être assez &rt
pour résister à des IHusîons en"
chanteresses que mon cœur
ne
veut pas reconnoître pour des
ïMostons de lutter contre une
passion que ma raison ne peut
condamner qui n'a contre elle
que des idées de convention et
dés préjuges reçus, contre
une
passion qui, dans d autres cir-
constances,t feroit le bonheur
dp ma vïe qui même (si
toute
fois Hipparquie a toute Ja
gran-
deur d'âme qu'elle me fait voir)
nous rendroit heureux Fun et
l'autre, en dépit du monde et des
circonstances
Si ce que réprouve pour H!ppar~
quten~étoit que l'ouvragedes sens
et de l'imagination, il me seront fa-
cile de FétouSer. Mais je suis ïntî-
mëtnent persuada de îa parete des
sentimens que nourrit en moi cette
passion involontaire. Je sutsegate-
ment certain qu'Hipparquie trou-
veroit en moi ce qu~eMe attend,
que personne ne raimerott com-
poursuite
me mot, et que dans la
de ce quetie regarde comme le
souverain bien dans le désir de
davan-
se perfectionner toujours
tage, personne ne lui présente"
roit jamais moins d'obstacles et
plus de secours. Et malgré cette
conviction intime je suis forcé
de lui donner un conseil que mon
coeur désavoue et que mon es-
prit dément. Atde-mot des tiens,
plutôt
mon ami si tu peux, ou
prends pitié de moi; car que pour*
rois-tu me conseiMer, sinon de
faire ce que m'ordonne la voix
inexorable et impérieuse de ce
dieu qui est
en nous?
Je unis cette lettre sur un ton
bien sérieux, après l'avoir com-
mencée ~une tNanïère bien diMe-
rente~ Cette egaMte d'âme que tu
prisois jadis en moi est perdue.
du moins pour quelque temps. Je
cherche me distraire,
et dans
les heures de la solitude de la
et
nutt, lorsque mon cœur et
imagination veulent mon
me bercer de
rêves enchanteurs, )e tache de les
écarter ainsi que !a passion qui les
enfante en !es regardant
sous un
}our ridicute mais je
ne puis
réussir à me tromper moi-même
je m'en apperçois trop tôt. Dans
toutes cas où Finstinct de Finté-
re< se trouve en opposition avec
Fhonneur et le devoir, le meilleur
est toujours d~etre sincère avec
soi-même, de ne point s~aveu~er
état, et aussitôt qu'on a
sur son
maladie
reconnu le siège de la
de se soumettre sans ménagement
remède quelque désagréable
au
quitsoit. C'est à quoi ;e8uisrë-
solu. Je ne cesserai de me répéter
qu'Hipparquiene peut être à moi,
;usqu'a ce que ;e le croie. Je
ne la revoir jamais renfer-
veux
mer mon secret dans mon sein
le conseil sévère que je lui
et, par
donnerai, lui ôter toute espérance
que j'aie pénétré ses sentimens.
Le m SMMphonon.
LETTRE XV.
.N~~MC Mélanippe..

JE savois déjà, depuis quelques


jours q~e Leuconoé se dcanott
de grands mouvemens pour dé-
couvrir le secret de nos visiter chpz
Myrto. Ce que je craignoïs est
arr~é. A restant même arrive
Euthyphron tout essoufflé il nte~
fait dire par Lesbie qu'on a vu
en-
trer, il y a une heure, chez Myrto,
une dame suivie d'une vieille es-
dave, et que cette dame, d'après
le portrait qu'on lui en a fait ne peut
être que ma tante. Je sais qu'on
peut assez compter surl'honnéteie
de la bonne Myrto. Mais n'étant
pas Athénienne, ;e
doute qu'elle
ait assez de courage pour résister
d~unp&mme comme
aux instances
Leuconoé, et je crains ~rtqùet!e
qu'elle
ne finisse paravouertout ce
sait. Cela est du moins tres-pos-
sible. Tu vois aisément queues €M
seront les suites. Par bonheur;
de
mon père est à sa maison cam-
du PentéMque. Comme il
pagne
doit revenir demain au soir, Leuco*
noé attendra son retour, si elle a
quelque chose à lui apprendre~et
j'aurai ainsi le temps de la préve-
nir. 11 vaut mieux que mon père
la chose de moi que de
apprenne
les ornemens
ma tante avec tous
dont il lui plairoit de l'embellir.
Je vais donc lui écrire SM~e-
champ, et lui découvrir tout ce
que iai sur le @œur. Euthyphron
se charge de lui remettre ma Ïet-
tre, sans faute, demain de très-
grand matin. Je sms propagea
<out et ne me maa~erai point
à mot-même.
Je t envoie une copie de
ma let-
ire a Cratès qui te surprendra. Je
n~a! point encore de réponse. Est-
ce bon ou mauvats signe? }e n*en
saisnen. Il faut pourtant espérer
qu'il m aura comprise.

t< t@ SHFophenoat
LETTRE XV!
~D~~tMC Z~FH~C~y.

QUEL autre asile que le seîn


d'un bon père pourroit choisir un
enfant persécuté ? A qui pourroit-
elle ouvrir son coeur avec plus de
confiance ? De quel autre pour-
rolt-ette obtenir plus aisément de
l'indulgence quand elle a une
faute à lui avouer ?
Voilà, mon père, ce qui me
donne le courage de hasarder par
écnt un aveu que je ne pourrois
te faire de bouche, sans confusion,
et de t'appreddre la démarche in-
considérée, Ja folie même si tu
teveu&amsi, que ton Hipparquie
a commtse. Sedutte par !a réputa-
tion du sage Cratès égarée par
FexempÏe d'Axiothée je me suis
deguïsee en {eune garçon avec une
de mes amies; je me suis glissée
parmi ses auditeurs sans <~re
connue et ~e me suis ainsi pro-
cure l'avantage inestimable d'en-
tendre cet homme que ses amis
appellent avec beaucoup de rai-
son selon moi, le second Socrate.
Si je n'en suis pas devenue meil-
leure, cela n'a tenu.ni à ses leçons,
ni a ~exemple qu'il donne à notre
s!èc!e corrompu, de ce que peut
l'amour de la vertu sur une belle
âme. Ouï mon père je suis
sûre que si tu le connoissois tu
lui accorderois toute ton esume.
Je sa!s que le vu!ga!rt ne juge
pas de lui ia~orabicmcnt que
I. 8
sorti d*une famille noh~e et riche,
Iï s*est réduit volontairement unet
à
pauvreté,mépr!séede la plupart deat
hommes, pour se consacrer en-
<rpmeat à ce qu'il regarde coM-
me la vocation la plus sublime de
l'humanité mais je sais aussi que
mon père, qui fut l'un des amis
les plus fidèles du vertueux Pho-
cion, ne lui en fera pas plus un
reproche que de l'extérieur peu
agréable sous lequel la nature a
cache la beauté de son ame.
Je dois pourtant l'avouer à ma
honte tout cela ne justifie point
la fausse démarche que j'ai hasar-
dée à ton insu démarche qui
pou~Mtétre découverte, qui n~au-
roit mise en butte à la censure du
public, et dont la honte auroit en
partie rejailli sur toi. J'espère ce-
pendant que ta me pardonneras,
en faveur de l'innocence de mes
intentions en considération de
~exempte de la vertueuse Axiotbee
et du mérite de l'homme qui est
ainsi devenu mon maître, sans le
savoir.
Et pourtant. je ne sa!s si o-
serai te l'avouer. mais pourquoi
ton Hipparquie ne diroit-elle pas
tout au meilleur des pères? Quoi-
que je ne puisse me cacher que
j'ai fait une faute, il m est impos-
sible de m'en repentir et toutes
les fois que je veux m'en faire des
reproches, une voix s élève en moi
pour me dire que j'ai bien fait de
lui obéir. Ne t'irrite pas de cette
obstination apparente t M s'en faut
bien que je sois au bout de mes
aveux et je te conjure, à genoux,
de m~entendre encore
tience et bonté. avec pa-
Leuconoe naura
de te confirmer pas manqué
ce que mes d:s-
~rs~nt~~ fatt en~n~
~~em~.enaîpo~tdmcKna-
tion pour le beau Leotychu~ma.s
au contraïre )'épreuve ~e ré-
pugnance mvmc.bte pour iunmn
P~eentrenous. Que de choses
j'aurois a dire pour justifier
cette
répugnance! mais pourquoi m'y
arrêter, puisque {a! une MMon
de le refuser qui seule
sera plus
que sursaute cest que je
donnerai jamais ma ne
mam sans
mon cœur; et que jamais Leoty-
chus ne parviendra à le
gagner. Je
puis me résoudre à
rester fille
toute ma vie, maïs à devenir sa
ietnme jamais jamais 1
En faisant cette déctaratîon,
j'use du dro!t que je tiens de ton
~quîté de ta bonté paternelle.
I?
Tu m'as accordé une voix néga-
<tve !orsqu*iï s*agîro!t du choix
d'un époux, mats tu n'en a pas
moins la volonté et le désir de
me voir mariée.La femme, dis-
tu, est dpstmpe à devetuf épouse
et mcre et j'en suis persuadée
comme toi. Maïs comment rem-
plirois-je cette vocation si, quoi-
que libre de rejeter l'homme que
je réprouve je ne suis pas mai-
tresse de choisir le seul qui me
convienne pour époux? Me trom-
pé-je en pensant que le droït de
choisir existe implicitement dans
celui de refuser, et que mon cœuf
doit être aussi libre que ma mamf
En un mot, o mon respectable
père, mon cœur a choisi. Ah! si
j~tois aussi sûre d'obtenir ton
consentement que je !e suis d'a-
voir porté mon choix sur un hom-
me digne de mon amour et de
ton estime
Tu l'as de}a devmc, j'en suis
sûre cet homme ne peut être
que Cratès. Ou!, c'est lui lui
seul m'a inspiré une assez grande
~éneratton une confiance assez
pleine et assez entière pour que
je désire d'être pour lui tout ce
qu'une femme honnête et sensi-
Me peut être pour un homme tel
que lui son amie, son amante,
son épouse, la mère de ses en-
fans de m~assocteràsamanlèrede
vivre, à ses peines et a ses plai-
sirs de partager tous ses avanta-
ges, d*étre la confidente de tou-
tes ses pensées; et pour tout dire,
en un mot la compagne insépa-
rable de sa destinée, à la vie et
et à !a mort.
Tels doivent être, selon moi
les rapports d'une épouse envers
son époux, tels sont les devoirs
que cette union nous impose
mais malheur à moi si un son!
de ces devoirs me lioit à un hom-
me à qui je ne me serois pas don-
née volontairement
Cratès ne sait rien encore de
mes sentimens pour lui, mais s~i!
avoit ton approbation, je ne pen-
se pas que la sienne pût me man
quer. -Et pourquoi mon père,
lui refuserois tu ton consente-
ment ?
Quelle objection pourroit- on
lui opposer? 1 descend d*une an-
cïenne MMeThebame,
avantage
qui te sera peut-être moins md!f-
~nt
férent qua mot;
moï ilna
a reçu ~eune
exce!!ente Vacation;
sa pauvret
ne saurott lutptrp reprochée, puis.
q~e est vn~ntatre. Il avoit he~-
rité dune fortune considérable.
Quant à sa figure il
me semble
que &~ est assez beau pour moi
ce qu'ii peut avoir de trop t
ou de
trop peu sous ce rapport, doit
ne
~tre pour toi d'aucune consîdera-
tion. Tout Ïe reste parle tui.
pour
ti seroit difficile de trouver dans
toute la Grèce, un homme qui
ressemblât m~ux
que lui au por.
trait que Xénophon et S:mmtas
nous ont laissé du sage Socrate.
Tout Je monde vante rurbamtéde
ses mœurs et les agrémens de
son
commerce. Plût aux dieux
que tu
vonÏusses le connottre par toî m~
me je suis sûre que son mérite
personnel t'engageroit àpasser sur
toutes tes ob{ec<îon8 que les "sots
nuÏesgemsqutne te connoissent
pas pourroient alléguer contre lui.
Alors tut ferois le bonheur de ton
Hïpparqu!e ,par un consentement
sans lequel, sans doute, elle sera
toujours ta nue soumise mais ne
sera jamais autre chose que ta fille.
Le t6SHrophor!oït.
LETTRE XVIÎ
jE~M~aM à ~f~n~pf.
JE n'ai tten de bien agréable à
t~écrïre, ma chère amie. Mon père
est arrivé ce soir assez tard. J'allai
au-devant de lui les bras ouverts,
le cœur palpitant mais il me re-
poussa par un regard dont la sé-
vérité me consterna et dut me
donner, à ses yeux, l'air d unecri-
minelle. Je demeurai quelques mo-
mens immobile il passa très-vite
a côté de ïnoi après m'être un
peu remise, je vou!us le suivre, ma!s
il avoit déjà disparu. Je suis bien
~oMe!I quelle raison pu<sje
avoir
de craindre sa sévérité ? L*at-}e c~'
~ensé? Fais-je autre chose que
d'user de mon droit? et dans le
cas où il désapprouveroit mon
chotx, ne lui ai-je pas promis de
me soumettre ?
Ma!s je t'écris comme si tu avois
déjà lu la lettre qu'Euthyphron lui
a remise ce matm la voici. J'ai
passé âne partie de la nuit à la co<
pier pour toi. EHe est pleine d'a-
bréviations mats tu la déchiffre-
ras sans beaucoupde peine.
DM-moï, trouves-tu rien dans
cette lettre qui puisse exciter le
courroux d'un père contre un en-
fant qu'il a toujours chérît Aurois-
tu }amaM pensé qu'il tînt aussi
fortement au fils de son ancien
ami ? H est vrai qu'ils sont de la
même tribu que !e plus beau
bien de mon père touche a une
grande metaînedeChabrias peut-
être les deux v!et!tards ont-ils ete}à
fait un p!an pour~rmer de ces
deux biens un toûtausst profitable
que tnagnifique en m'abandon-
nant à Leotychns. Un agriculteur
aussi passionné que mon père
s'engoue Mtetn~t d'un pareilt
projet mais est-il juste que j'eu
sois vïctîme
Le Starophonon.

Lesbie m'apprend que mon père


et Leuconoé sont enfermés en.
semble depuis une heure. La pe-
tite qu! a FouTe aussi., fine qu~une
taupe a entendu la v!eu!e dame
crier assez haut maïs elle n'a pu
saisir que des mots !soÏes, et
tout ce qu'eue a pu comprendre,
c*est qu'il étoit question de moi.
Leuconoé m'a fait un accueil si
froid et si sec toute !a journéet
torsqu'ene n~a pu éviter de me ren-
contrer, qu'il faut bien qu'elle ait
arraché notre secret a la vieille
Myrto. Quels grands yeux elle a
dû faire en voyant que mon père
en avoit déjà plus appris de moi
qu'elle ne lui en pouvo!t dire Je
crois l'entendre s'ecner: Quelle
fille tmpert!nente quelle e~ïron-
teeî Exaspérée comme elle doit
t'être elle ne négligera rien pour
aigrir encore mon père contre moi.
Mats pourquoi me tourmenter de
toutes ces idées ? est tard i je
n'ai pas fermé Pce!! la nuit dernière;
je vais me jeter dans tes bras du
9
soNH~eH et dormir aussi dowe-
ment qui! con~~t à une bonatr
et hoûnête SHe dont tout le crime
~st de preierer à la beauté du fat
Leotychas, ia laideur
assez passa.
Me de Cratès (pour parler
Métantppe comme
).
Le tSStdfophorMm.

Ce ma~n, ma chère, j'a: sou-


tenu heureusement le premier as-
saut. Leuconoé m'a surprise dans
ma chambre; je n'avois pas encore
Snide m'habiHer,
ce que je ~s
toujoursmot-mêmeetsans
depuîs quelque temps.Ainsi secoura
donc,
je prophétisois sans le savoir
s'e€r<a.t-c!!e d'une voix tres-atgre~t
et de l'air le plus moqueur. C~t
~n~Set, beau Craies a qui l'on
sacn&e ~e bossu Lecitycbus avec
<M tête chauve €ft son nez écrasé ?
S<ïperbe choix! il faut que ;e Fa-
~?6 Âs4u donc pcrda lesens,
jeune fille? et pardessus tout cela,
l'effronterie vraiment cynique de
tout avouer à ton père, avec une
mtreptcntéqui semMe ne lni laisser
autre chose à faire que de consen-
tir à ce choïx insensé
Eï!e continua sur ce ton, avec
une votubuué de langue incroya-
Me pendant ~<~ue j'achevois de
ïn'habtH€r,sansque {e nsse mine de
l'interrompre. A la fin cela m en-
nuya. ?eme plaçai devant eMe&)rt
tranqmHement mais sans la moin-
dre trace de ~ette t!nnd!té que le
bon C~atès remarquoit dans !e
jeune Hipparquide et je lui dî$
du plus grand sang froid A quot
bon ce torrent d'injures, ma chère
tante ? Ne vaudroit-il pas mieux
me
dire tranquillement ce que tu à
as
me dire ? Je te repondra! avec tout
le respect que je te dois.
Elle nt brusquement un mouve-
ment de la main comme pour me
frapper mais elle s'arrêta aussi
brusquement, en jetant un regard
de cô~ fort inutile sur mes bras,
assez vigoureux pour me défendre.
Si tu étois ma fille, s'écria-t-e!!e,
je te &rbis sentir ee que mérite un1,
pareil propos
En ce cas, il est heureux que je
ne sois pas ta fine, répondis je
du même ton que j~aurois pris
pour lui dire q'ieïque chose de
très flatteur.
Z~c<WM~. Htpparquîe! rie me
provoque pas par ce sang-froid
insuttant

jy~~MM. Ce n~estpas du tout


mon intention, JLeuconoë c'est
précisément parce que je vondrois
te calmer, que )'écoute si tranquil.
lement des insultes non méritées
Je n'oubMerat jamais que tn es la
scear de ma bonne mère.
J~M'MMM. Ne me fais pas sou-
venir de ta mère Quel chagrin
elle anfoit eu, si elle avoit essuyé
un pareil affront de sa fille uni-
que Eue est bien heureuse d~ctre
morte
Plût au ciel m~criat-je en fon-
dant en tannes, qu'elle vécût en-
core Elle ne me traiteroit pas
comme to! e!Ïc m~ecoutero!tam
moms.
Et que veux-tu que ~écoute, m*
terromptt-eHe? que la fille de
Lamproc!ès, d~ fi<-he et coMe
Athénïen, veut se ~ter la <é<e
d'un vagabond de Thèbes, qui
mendie son pain
Comment ? tu! demandai-je avec
rétonnenMnt naïf et le sourire d'un
enfant est-ce que Cratês t'a reeUe-
ment demandé Faumône ?
Matgré sa colère elle eut peine à
~empêcherde Mre. EMe metoufNa
le dos tout-à-coup
se jeta dans
un fauteuil toussa deux ou trois
fois et parut
ne plus savoir de
quel côté me prendre.
J'eus pitié d'elle car il m'étoit
plus iacne de me mettre à sa place
qu à elle de se mettre la mienne.
Je rapprocha! lentement et res-
pectueusement; Ma chère tante,
lui d!s-}e, ne prends pas tout d'un
coup si mauvaise idée d'une nièce
que tn as atméc v~t-quatre ans.
Si tu as lu ma te<tM mon père
tu n'as nen pu y trouver, qui jus-
ttne une sévérité si extraordinaire.
J'ai usé du droit qu'on m'a accor~
dé, en refusant Leotychus. qu'H
m'est imposable d'es<i<ner assez
pour être sa ~mme. J en ai pro-
posé un autre avec quï }<* n'ai rien
a risquer et qui reun!t, selon
moi, tout ce que doit posséder
rhomme avec qrui je voudrons pas-
ser ma vie. Si l'on pense que je
me trompe, si l'on ne me croit pas
assez raisonnablepour savoîr ce qui
me convient, mon père n*a t-t! pas
le. droit de me refuser son consen-
tempnt? Mais au moins dois-~ je
espérer que l'on pesera les raisons
pour et contré, avec impart iatité.
L'homme que t'on décrie n'est
bien connu ni de tôt ni de mon
père. Les opinions sont encore
partagées sur son compte et le
plus grand mat que l'on en dise,
c'est qu'il est un original. Mais on
s'accoutumera insensiblement à
ces sînguïantés, etil in'y aura ennn
qu'une opinion sur son caractère
et sur son mérite. En attendant,
comme il n'y a rien d'injuste
d'absurde ni d~inouï dans mes de-
sirs, je ne vois pas comment j'au-
rois pu mériter le traitement cruel
que réprouve depuis le retour de
mon père. J'espère donc que toi-
même, après avoir examiné la chose
plus iranquIMement et sous tous
ses rapports, tu trouveras qu'on
pareil traitementn'est pas le moyen
de faire changer de résolution à
une âme noble.
Pendant qn~}e par!o~, Leuco-
noé paroissoit distraite et ne m~e-'
coutoit qu'à demi. Lorsque }e me
tus, elle se leva tout a-coup et me
dit: Tu es un vrai sophiste, H!p-
parquie ce seroit perdre son
temps que de disputer avec toi sur
des choses que personne ne con-
teste depuis !ong-temps. Je ne me
mêlerai point de ton amour ro-
manesque, et ~e t'abandonnerai à
ton père qui recueu!e maintenant
avec usure les dignes fruÏts de sa
folle mduÏgence pour toi. A ces
mots, elle m'a quittée, et je ne l'ai
pas revue~e tout le jour.
9'
J'Ai fait. demander mon père,
par Lesbie, la permission de !uis
parter. Ïi me l'a refusée,
sous pr~
texte qu'i! n'avoit pas le temps
j'ai therché pios d~ne fb!s !e
rencontrer dans !e~ardm, maM N
m'a toujours évitée. On m'a servi
le dîner dans ma chambre
et une
heure après ~at reçu ordre de'me
tenir prête à partir demain pour
notre maison de campagne, près
de Marathon Ainsi on croît Né-
cessaire de m'éloigner d'Athènes,
et ron se flatte sans doute d'ob-
tenir du temps ce qu'on n'espère
pas me faire accorder d'une autre
manière. Ce qui me contrarie le
plus dans ce déplacement n'est
pas de quitter Athènes mais de
m'éiotguer encore ptus~de toi. U
sera cependant possible d'y re-~
medter, M tu as un esc!ave sûr et
le~er a la course, qw no«~ puts.
s!ons comter nos lettres. Tu re-
cevras encore ceMe-d par!e$ som$
~e to~ 6dè!e adorateur E~(hy-'
phroM.
t~sMe qui n*~t pas Baom$ soi-
gneusement observéequetnot, me
remet à Hastant la réponse s! Ïoog-
temps attendue de notre pMeso"
phe, qu*et!e a prise comme a la
vo!~e ~es maïns de noiattga~te
~thyphroB. Crotras–to que,
ma~re moB extrême impatience
de la ~re, )e su~ restée une {tonne
demt-he~re $ans oser rompre le
cachet ? B<ton c<Bur pa!pltant me
rapp~pït u!% mot que je t'ai <?

~W~
~/M~ ~t(W <&MM
o~ro
dan$ H~e de mes défères tettres
<
~~MF <~ /'&0?MM~ C qui WMM~tW~
Mon pressentimentn'étoit
qu~ trop juste Queï!e réponse
quelle séventë quelle froideur 1.
Si du moins il lui ëtott échappe
un mot, un seul petit mot q<M
laissât soupçonner qu'il s'est fait
violence pour me parler si dure-
ment Quelle peine il se donne
pour me jeter dans les bras <~un
aitre Dis-mot, une pareïMe ré-
ponse n'auro!t-eï!e pas du tn~r-
rher? Et, matgrr cela, être encore
~!C~e' dt~ me dire ït a raison
il ne pouvott me donner un autre
conseil! Folle que je su!s pour-
quoi lui ptesentois-je la question
de cette marn~re ? C'est ma faute~t
Ne pouvo! je pas m'y prendre
m!eux pour arriver a son cœur ?
3mbecue je me {eHCttots de la
tournure que j*avo!s donnée a !af
chose, et }e voîscïatfemen!. que
}e l'ai mis dans la nécessité de ré-
potid~e comme H Fa fait quand
même il ne Fauf~tt pas voulu Ne
penses-tu pas comme moi, Me-
tamppe ?
Je me suis m~sc sur le champ
a lui ecr!~ ce que m'a înspï~
mon mécontentement de tut eE
de moi. Je ~en~nïc copie de ces
deux lettres. Je garde la sienne
pour la re~re jusque ce qu'elle
me raccommode avec lui, ou
qu'eHe me donne la force de
~sanïe son conse! Il recevra la
nnenne demaïn, ausstt6t apre~
mon départ.
J~a! eu beaucoup de peine à ob-
tenir que LesMe tn'accempagne.
En tranche, on me donne pour.
surveillante une vieille esclave de
ma tante, qui je croîs, fut ea
nourrice il y a cinquante ans,
et dont toute la maison vante la
vigilance. Par surcroît de pré-
caution, un grand maraudde Cap-
padoeien fort comme un Her-
cule nous suivra pour nous es-
corter. QueMe pMté s'imaginent-
ils donc que j'aie envM de leur
échapper f
Ecns-mot a Marathon le pla-
tot que tu pourras, et dis-moi ce
que tu penses de ma correspon-
dance avec mon sage et froid B~o-~
tien. ït me semble que je suis
beaucoup p! us tranquille. Je me
fais une !dee fort agréable de res-
ter fille comme notre Mmerve.
Si Ctatea ne veut pas de moî,
9
Ï~eotycÏMM et ma tante n'y cou-
veront du m<MM nen ~ner.
Ï< t~SMMj~anM
LETTRE XVÏIÏ.
C~M~ <àt JEf~paF~MP.

PuïSQUE mon }eune dtîscïpte


H!pparqu!de est devenu la be!!é
Hïpparqme, sans aucun dommage
pour tui, m, comme ;e Inespéré,
pour moi nous rp~rderous cela
comme une chose faite et nous
n~en parlerons quen Mon ott
plutôt nous n'en parerons pas.
Je ne me permettra! qu'une
scu~e observation sur cette petite
irrcgutarïte; c~est qu*c!!e m~mpose
!e devotr de procéder encore avec
p!us de précaution en donnant
te conscH que me demande H!p-
parqua car n serott a craindre
qu*en songeant sans le vouloirt
au ci devant Htpparqutde, }e ne
devinsse ptus partial qdil ne m'est
permis d~~ét~e poar)usM&er .la
confiance qu~eïte veut bien m~ac-
corder.
Tu m'apprends que ta famille
veut te faire épouser, contre ton
inclination, unjcunehomnae con-
nit de moi, et de tout Athènes,
sous le nom du beau Ï~eotychus
et tu me demandes si tu es ob!
gee par l'amour nua!, de sacrï-
~r le bonheur de <a vïe aux !i-
lusions de ton père.
Avant toutes choses, je me suis
demandé quelle est la personne
qui me fait cette quesnon, la-
qnet!e, d'ailleurs, n'auroit rien
d'étonnant dans la bouche de mute
<
9 0 fV.~
autres Athemennes. N~est-ce pa$
cette même Htpparquïe qu!, pres~
queues renonce, éc!aîrée des
lumières de la philosophie est
sortie de cette torpeap où !a p!a-
part des poupées de son sexe con-
sument leur existence en rêves
t
et qui s'est réveillée au sentiment
de la dignité de son être ? N'est-
ce pas elle qui loin de vouloir
se renfermer dans les simples de"
voirs de son sexe, a osé s'ë!eve~
vers une existence plus sublime
et plus pure, vers la sagesse et
les vertus pa~cuueres~ rhomme~
et tendre a la plus haute perfec-
tion qui soit accessible à rhuma-
nite? Cette H!pparqu!e, sï, dans
le moment où la question qu'elle.
me fait s~é!eva dans son cœur,
elle eût écouté la voix du dieu
t
qui est en elle ne !*turoit-eÏ~
pas entendu 1.,
d lui répondre
la
d ainsi le,
si elle
? Qu'est-ce que ver~u,
seSraie d' un sacrifice que lui
w
w
cotMnMMte le devoîr ?
Mais n~}p pas aussi des de-
voirs envers mot-même? demande
rînterêt m~ déguise. Non, Hip-
parquie on n'a des devoirs qu'en-
des
vers tes autres, ~homme a
devoirs envers ses parens, sa &
miMe, sa patrie, envers les hom-
mes en générât, envers toute la
Nature car toute la nature a sur
lui des droits qui se trouvent per<
dus,dès qu'u cesse de reconnoïtre
et de rempHr les devoirs qui en
découlent. Sans doute notre pro-
de
pre conservation est la base
toutes les obligations que la na-
ture nous impose; il faut que fexis'
te, pour pouvoir rempMr les de-
voirs auxquels elle m'astreint. Mais
il ia!toit, pour assurer cette con-
servation, mettre en {en des r~-
sorts plus ene~qaps que !e s!mp!~
sentiment du devoir. Cest à l'ins-
tinct que la nature a eo recours
elle nous en a donné plus d'un
dont la force est si puissante, que.
l'homme ie ptus sage et le plus
vertueux a souvent de la peine a
les dominer et à les soumettre
aux devoirs contre lesquels ils s*é-
!èvcnt sans cesse. Elle peut se re-
poser sur la force de ces penchans
qu'elle a donnes à tous les hom<
mes ils suffisent pour rempïtf
sonbut. Mais c'est se tromper que
de prétendre les éÏever au rang des.
devoirs et toutes les fois
que cela
nous arrive nous pouvons être
surs que nous couvons un dé&<r
cach~ de nous soustraire des
devoirs véritables, par des motifs
Intéressés.
Mais pour ne point avoir l'air
de disputer sur les mots, suppo-
sons que tu as aussi des devoirs
envers toi-~méme ils n'en demeu-
rent pas moins subordonnes à des
devoirs supérieurs et le moi ne
doit plus compter pour rien, lors.
qu'il se trouve en contradiction
avec ce que nous devons aux au-
tres.
Mais a présenta admire'avec
moi la sagesse de la nature quib
nous a &cl!ité cette abnégation de
nous-mêmes, par un autre ins-
tinct, plus noble et non moins
puissant. Ne le devines-tu pas,
Htpparquie? Est-il rien que nous
M s~~tMas capaMes de faire pour
peaKe, ~aé!s s<
ceux que <mus oMMo~M QueMè
~a6!k soa~
~ance, nous paroissent tfûp t~-
Ntb!es ~aad ~eM pouf o~ per-
~ontw am~e q~ tt€hts levons 1~
en~u~r?
~p~tôns ima~tëtt~t la qMps-
tion p~~sée et je te Ms~îd
Je soht ~e ra o'Mb!fe 4e !a tan-
gue trompeuse de !%te~ d~ïs
<eeMe de !a cô~sdeïice. <Qaci u~e
&<He co<nMp !a ttentte n'auro~
pas
la force de sacnSer ses desn'8
ceux -de ton pè~p, d!un père qui
te chérit et qui a tnente toute ta
tendresse? A <noh<s d~e!re ave)t-
~ee par quetq~e pass!<n person-
nelle, ~<Mnment, gu preïhter nt~
tnent où M s~st e!evé quelque dou-
te 'as tu ptt ~dtsshnuter que c'est
hn atnow nt!al bien <o:Me que
ce!m qui n'est pas capable de faire
ntt pareil sacn~ce t de le faire
t&é<Be avec ptats!r?
Et en quoi consiste donc ce
terrible sacrifice qu'un tendrep~re
&M€nd l'amour de sa 6Me, Men
plus que de son devoir? Si ta
ëtoM dans la situation d'Aadro-.
mède ou de Psyché, obligée d'ex-
pier le crime de tes parens et
prête à te voir livrer à un monstre,
il y a<iro!t de la dureté trouver
mauva!s que ton propre sort ~at-
tendrit. Mais être donnée en ma-
riage au beau Leotychus, à un
}eune homme plein de ta!ens, et
.destiné aux premières dignités de
la république, (eût-il des défauts
encore plus grands que ceux que
tu lui reproches) c~est ce qu~t
.0
Fcxceptton de toi personne
n~
regardera comme un grand ma!'Ï
heur. Ces défauts qui t'ofÏensenà
en lui te parottro!ent bien tegers, `
si tu ratmots. Ils sont en partie
ceux de la jeunesse qui passent
insensiblement; ou bien ils tîen-'
npnt à son rang ou même à sa
qualité d'homme. Ils ne sont ni
incurables, ni de nature à <e qu'il
doive se croire indigne de ~esttme
d'une femme vertueuse s'il est
d'ailleurs estimable tut-meme sous
d'autres rapports, ce que l'appro-
bation de ton père nous oblige de ~`
supposer. Ces défauts pourro!ent
encore moins t'empêcher de rem-
plir les devoirs d'épouse et de
mère, et de te trouver heureuse à~~
par le sentiment de !es avon~
remplis.
Consïdère ta situation
sous
point de vue, noble Htpparquiece
et }e ne vois pas pourquoi
ployant nn peu de en em-
cette force
d âme que tu
me parois posséder,
tu ne prendrois pas enfin la rcsn-
lution merhotre de céder
aux dé-
s:rs de ton père. Alors
d'une mcHnatïon pour prix
ou d'une chi.
mère généreusementsacnnées,
recuetMeroîs !a noble satisfaction
tu
d'av oir assuré,
par ta vertu, ïe
bonheur de ses vieux jours.
Le t8 SÏutophonoa.

!0
LETTRE XïX
~~< 6*
je ne
NON, respectable Craies
marnera: pomtdesophïsmes con~
!a ~esse qM
tre toi, ou bouche.
contre
Ye ne Beman-
de~P~ ~~se~
parte par
Ten-
contre aussi sévère avec un
taMe Hïpp~qmde,
trouvé dans un cas pare< que M
pourïapauvreHtpparqute,
Fas été naiureL
forcée de rentrer dans son
remercie contraire de
Je te au
sévénté; eMeestsa!uta.re.
cette devoM.
e!!e me ramène a mon
Je veux!a combattre, et }e la
vaincrai, cette passion intéressée
qui me faisoit croire que pavots
des devoirs envers moi et m'em-
pechoitdesacftner, sansïneptain-
dre, aux désirs d~un p~re chéri
e~
ce que }e re~ardots (p~ttt-étre
Jtement à tort) comme le bonheur
de ma vie. Tu m'as fait sentir avec
humiKation combien j'ai de pro-
grès a faire avant de pouvoir te
nommer mon maître, sans nuire
ta gloire. Mais je ne me décou-
ragerai point. Après avoir réveillé
en moi le sentiment du devoir,
continue maître respectable
continue sans ménagement à m y
fortifier Tu n~auras pas travaillé
en vain. P!dt au ciel qn~une déesse
amie vouTût renouveler en moi le
miracle qu~ïsis opéra sur la c!!e
de Lïgdus~; et que, pour me
permettre de }<tu~ ce te$ eotre-
tiens et de tes Ïe~o~s, dontun
p!~)u@ë tyrannique me pnve, eMe
me changeât dès ce moment
et
en un ventaMe
pour toujours
Htpparquidet

Le zo SHrop~o"ea.

EMe M n<M)MM;t ïph's. OvMe Meo~te


fin dn MOVtème Uvte
aea histoire à la M$
MM~MM~hM~
/T .A B~'Ë"

LETTRES i

DU TOMJE PREMÏËR.

LiMTRB L JLeMoneê ~HtppMqme. Pag. S


t.ETTRB ÏLHtppMqme~LeuMBoé. t3
LETTRE HL ï~aMno~ Htppar~ue. &y
LEMRBiV.M~antppe~Htpparqtue. 33
~EtTRE V. ptppaFqme à Mé!an!ppe. 36
JLETTRE ~L Më!an!ppe & H!pparqa!e. ~a
JLETTM VU H!ppaur<pMe & JLeucono& 44
JLE'CTM. VIII. Htppatqa!eà M~an!ppe. 5 à
LETTRE tX. Mëbmppe & H!pparquîe. 5y
LETTRE X. HIpparquie M~aMppe. 6~
LETTRE XL Mébmppe à HÏpparqtue. 8S
t~ETTREXtLH!pparqMte~Méian!ppe. gt
LETTRE X!H. H!pparqa:e à Cratès. 100
LETTRE XIV. Cratès à Mo~ne, & Co-
nathe. ~16
LEME XV. H~aj~~M~pp~~
~~t8 ~Ppa~r~nieâ~i3a
XVLB~pè~e&La~pn~~t~
LBTtM ~V~
JLETTBB XVM,H!p~<pne&M~
!~TTM~3CVnL<~M~&tM~MMpM~
!<nT'SNB XK, K~arqaïe Ora~. ~o
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