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Aide à l'évaluation de la durée de service des structures en béton armé

corrodé

Mickael Dekoster 1, François Buyle-Bodin 1,Olivier Maurel 2

1
LML – Polytech’Lille – USTL, cité scientifique, 59655 Villeneuve d’Ascq
2
GMMS – Université de Reims, Champagne, Ardenne,
Correspondant : francois.buyle-bodin@univ-lille1.fr

RESUME. La corrosion des armatures des éléments de structure en béton armé affecte leur capacité structurelle et donc leur
durée de service. Les phénomènes sont complexes et combinés. Pour prendre en compte l’effet longitudinal qu’induit la
dégradation de l’adhérence acier-béton, une modélisation Eléments Finis a été utilisée. L'aspect original de l'étude a porté
sur le développement d'un élément de rouille particulier, qui a été validé et calé sur deux études expérimentales en corrosion
accélérée. A partir du modèle, plusieurs scénarios de corrosion en mi portée ont été simulés et les conséquences sur le
comportement en service des poutres ont été cataloguées et hiérarchisées. Les cas les plus critiques sont ainsi identifiés, ce
qui devrait permettre aux ingénieurs chargés de diagnostiquer les structures BA corrodées d'optimiser leur évaluation, et par
conséquent la maintenance, contribuant ainsi à l'allongement de la durée de service des constructions, ce qui est un facteur
important de développement durable en Génie Civil.

MOTS-CLÉS : béton armé, corrosion, dégradation.

ABSTRACT. The loading capacity and the lifetime of structural RC elements is decreased by the corrosion of steel
reinforcement. To take into account the longitudinal effect induced by the degradation of the steel-concrete bond, a Finite
Element model has been developed. The originality of the study stays in the use of an interface element representing the rust
layer. The model has been validated with two experimental studies on accelerated corroded beam tests. With this model
different patterns of corrosion are simulated, and the consequences for flexural behaviour are evaluated. The critical
situations are identified, helping the engineers to conduct a valuable diagnosis of existing corroded RC structures. This
research aims to improve the maintenance operations, and consequently to contribute to sustainable development by
increasing service life of structures.
KEYWORDS : reinforced concrete, corrosion, degradation.

1. INTRODUCTION

Le principal mécanisme de dégradation des structures en béton armé est la corrosion des armatures.
La corrosion apparaît après la dépassivation de l’acier, c’est à dire à la fin de la période d’initiation et
au début de la période de propagation (Tuutti, 1982). Les deux causes principales de dépassivation
sont la carbonatation du béton d’enrobage et l’attaque des chlorures. La carbonatation est en général
suivie d’une corrosion répartie de façon assez homogène, alors que l’attaque des chlorures se traduit
par une corrosion plus localisée et profonde par piqûres.
C’est dans la phase de propagation que les performances mécaniques des structures en béton armé
attaquées par la corrosion se dégradent. La section d’acier de renfort sain diminue proportionnellement
au taux de corrosion. La production de rouille engendre une expansion interne et donc des contraintes
dans le béton. L’insertion de rouille entre les armatures d’acier et le béton, et ces contraintes
supplémentaires dans le béton confinant les armatures induisent une diminution de l’adhérence acier-
béton.

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L’étude du comportement en flexion de poutres en béton armé corrodé présentée dans ce papier fait
appel à une méthode Eléments Finis appliquée selon une section longitudinale afin de prendre en
compte l’évolution de l’ancrage des armatures avec le développement de la corrosion. Un élément
spécial appelé élément rouille a été développé pour représenter l’interface entre acier et béton.
L’emploi de cet élément a été validé par comparaison avec deux études expérimentales (Lee et al.,
1998) (François et al., 1994). Puis le modèle a été utilisé pour réaliser des simulations de chargement
de flexion 3 points, avec différentes répartitions et différents degrés de corrosion à mi-portée.

2. MODELISATION DES MATERIAUX

2.1. MODELES POUR LE BETON ARME


Le comportement du béton est représenté par un modèle d’endommagement développé par
(Mazars, 1984). Les déformations ne sont pas décomposées en une partie élastique et une partie
plastique, mais l’évolution du matériau vers sa ruine est représentée par l’affectation du module
d’Young par une variable d’endommagement D [Eq. 1]. D varie de 0 pour le matériau sain à 1 pour le
matériau ruiné. Les éléments représentant le béton sont des triangles à 3 nœuds.
E = (1 − D)E 0 [Eq. 1]
E 0 et E sont respectivement les modules d’Young du béton sain et endommagé.
Un modèle élasto-plastique classique est utilisé pour représenter l’acier. Les éléments représentant
l’acier sont des éléments barres à 2 nœuds. La corrosion affecte la section d’acier selon une relation
linéaire [Eq. 2] :
A c = A (1 − η) [Eq. 2]
A c est la section d’acier après corrosion, A la section avant corrosion, et η le degré de corrosion.

2.2. ELEMENT D’INTERFACE : L’ELEMENT ROUILLE

Quand le renfort en acier se corrode, le volume de rouille produit est plus élevé que le volume
d’acier d’origine. Il augmente de deux à trois fois selon son degré d’hydratation (Beeby, 1978).

ACIER SAIN
Fissure

Rouille
r0

x xr
rc BETON

Figure 1 : Schéma d’une section d’acier corrodé (Rodriguez et al., 1990)

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La production de rouille xr est fonction de la profondeur de corrosion x, supposant que


l’augmentation de volume est deux fois celle de la section initiale [Eq. 3]. L’équation 4 précise la
relation entre la production de rouille xr le rayon d’origine de l’armature r0 et le degré de corrosion η.
x r = 2x [Eq. 3]

x r = 2r0 (1 − 1 − η ) [Eq. 4]
Pour la modélisation Eléments Finis, la rouille est considérée comme un troisième corps inséré
entre l’acier et le béton. Son comportement est élastique et ses caractéristiques très proches de celles
de l’eau (Molina et al., 1993) (coefficient de Poisson voisin de 0,5 et module de compressibilité voisin
de 2 Gpa).
La rouille et l’acier sont considérés comme des matériaux distincts dont la section varie avec le
degré de corrosion. Pour l’acier représenté par des éléments barre le changement de section est facile.
Pour la rouille représentée par des triangles à 3 nœuds, le changement de section se fait indirectement
par utilisation d’un module équivalent (Mazars, 1984) Eeqr [Eq. 5], fonction de la section réelle de
rouille [Eq. 6] et de sa section équivalente, considérant acier et rouille comme des couches occupant
toute la largeur e de la poutre [Eq. 7].

y y y

Section Sr Section sr

Module Er Module Eeqr

z z x

Figure 2 : Sections équivalentes d’acier et de rouille

Sr
E eqr = E r [Eq. 5]
sr

Sr (η) = 2π[(r0 + x )2 − (r0 − x )2 ] = 8πr02 (1 − 1 − η ) [Eq. 6]

s r (η) = 2ex = 2r0e(1 − 1 − η ) [Eq. 7]


La couche de rouille doit être considérée au dessus et au dessous de l’acier, ce qui conduit à
l’expression suivante [Eq. 8]. Le module équivalent ne dépend pas explicitement du degré de
corrosion. Celui-ci intervient au moment de la définition du maillage.
4πr0
E eqr (η) = E r [Eq. 8]
e
2.3. ADAPTATION DU MODELE POUR PRENDRE EN COMPTE UNE CORROSION DISTRIBUEE DE FAÇON
HETEROGENE

Comme cela a pu être mis en évidence en particulier par (François et al., 1994), dans des conditions
réalistes de corrosion, celle-ci est distribuée de façon hétérogène. Le modèle doit donc être adapté pour
tenir compte de cette hétérogénéité, sachant que la théorie des Eléments Finis n’autorise pas de

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discontinuité dans la taille des éléments. Le calcul du module équivalent est donc revu en fixant la
taille des éléments rouille à partir du degré minimal ηmin de corrosion observé sur les armatures. Le
module équivalent dans les autres endroits est alors donné par l’équation 9.
4πr0 (1 − 1 − η )
E eqr (η) = E r [Eq. 9]
e (1 − 1 − η )
min

Le module de chaque section dépend alors explicitement de son degré de corrosion, alors que la
taille des éléments rouille est fixée par le degré de corrosion minimal.

3. RESULTATS DES CALCULS

3.1. PROCEDURE DE CALCUL


Le calcul Eléments Finis est conduit avec le logiciel CASTEM 2000 développé par le CEA. Les
résultats expérimentaux de Lee et de Toulouse sont utilisés pour valider et caler le modèle. Les poutres
sont chargées en flexion et ne sont modélisées que les armatures longitudinales tendues (Figure 3). Les
principales caractéristiques sont précisées dans le tableau 1.
a e

Figure 3 : Modélisation de la poutre

Tableau 1: Caractéristiques géométriques et mécaniques


béton acier
l a e d Ec fc ft φ Es fy
Poutres
mm mm mm mm GPa MPa MPa mm GPa MPa
Toulouse 2800 1400 150 258 36 65.3 6.8 12 250 500
Lee 2000 750 200 250 38.5 70.1 3.67 13 197 359.4

Pour les poutres de Lee (Lee et al., 1998), les barres ont été corrodées de façon électrique. BCD1
correspond à un degré de corrosion de 3,8%, BCD2 à 7,9%, et BCD3 à 25,3%. Pour les poutres de
Toulouse (François et al., 1994), la corrosion a été obtenue dans une ambiance saline. Pour la poutre
étudiée B1CL1, le degré de corrosion moyen est évalué à 19%.
3.2. POUTRES A CORROSION LOCALISEE DE TOULOUSE

Pour faciliter la comparaison, des ratios sont utilisés, entre les résultats de B1CL1 rapportés à ceux
d’une poutre témoin B1T. La comparaison entre courbes expérimentale et calculée est bonne (figure
4). Elle est menée avec un élément rouille de dimension 1mm. Augmenter la taille de cet élément ne
change que la flèche ultime.
L’évolution de la rigidité a également été étudiée. L’efficacité de l’utilisation de l‘élément rouille
en plus de celle de la réduction de section est évidente. Cela peut s’expliquer par le fait qu’en cas de

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corrosion localisée apparaissent des fissures longitudinales, et que l’élément rouille est bien
représentatif des effets de cette fissuration.

60

50

40
Charge (kN )

30

20 B1T_EXP
B1T_FEM
B1CL1_EXP
10
B1CL1_FEM

0
0 20 40 60 80 100

Flè che (mm)

Figure 4 : Courbes charge-flèche des poutres corrodées localement

Tableau 2 : Ratio de rigidité


B1T expérimental B1T FEM
1 1
B1CL1 expérimental B1CL1 FEM
0.72 Élément rouille 0.75
0.72 Perte de section 0.96
3.3. POUTRES A CORROSION GENERALISEE DE LEE
Le modèle choisi pour le béton est celui de l’endommagement (Mazars, 1984). La taille de
l’élément rouille la meilleure est également 1 mm. Les courbes charge-flèche sont présentées figure 5.
Concernant les différents ratios, en particulier pour la charge et la flèche ultimes, le modèle s’avère
d’une bonne précision.
Il peut donc être employé pour simuler différents scénarios de corrosion.

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100

90

80

70
BS_EXP
Charge (kN ) 60 BS_FEM
50 BC D1_EXP
BC D1_FEM
40
BC D2_EXP
30 BC D2_FEM
20 BC D3_EXP
BC D3_FEM
10

0
0 20 40 60 80 100 120

Flè che (mm)

Figure 5 : Courbes charge-flèche des poutres corrodées de façon généralisée

4. SIMULATION DU COMPORTEMENT DE POUTRES CORRODEES DANS LEUR ZONE CENTRALE

Plusieurs essais sont simulés avec la géométrie de Toulouse, des zones de corrosion de 100, 200,
300, 400, 500, 600, 1000 et 2000mm en partie centrale, et des degrés de corrosion de 5, 10, 15 et 20%.
Pour se mettre dans des conditions réalistes, le chargement retenu est celui correspondant à l’état
limite de service (19,2 kN ici) et l’essai se déroule en deux temps. D’abord, le chargement de 19,2 kN
est appliqué. Puis la poutre est corrodée et déchargée. Puis elle est rechargée. La flèche avant
corrosion correspondant à l’état limite de service (2,64mm) et la charge correspondante servent de
valeur de référence. L’évolution des grandeurs est exprimée en ratios : ratio de réduction de charge
(figure 6) et d’augmentation de flèche (figure 7).
0,40

0,35

0,30
Reduction load ratio

0,25

0,20

0,15
5
0,10 10
15
0,05
20
0,00
0 500 1000 1500 2000 2500
Size of corrosion zone (mm)

Figure 6 : Ratio de réduction de charge

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0,60

0,50

Elongation deflection ratio


0,40

0,30

0,20 5
10
0,10 15
20
0,00
0 500 1000 1500 2000 2500
Size of corrosion zone (mm)

Figure 7 : Ration d’augmentation de flèche


On peut constater que pour les pourcentages de corrosion élevés, l’évolution des ratios est
sensiblement proportionnelle à la taille de la zone corrodée, alors que pour les faibles pourcentages,
l’évolution marque une pause au delà de 500mm de taille.
De même, les courbes d’évolution des ratios ne partent pas de l’origine. Dès l’apparition d’un point
de corrosion, les ratios sont affectés d’une variation comprise entre 5 et 10%.

5. CONCLUSION

Le but de cette étude était d’évaluer à l’aide d’un modèle Eléments Finis le comportement en
flexion de poutres chargées à l’état limite de service avec des conditions variées de corrosion en partie
centrale. Bien évidemment la corrosion diminue la charge limite de service et se traduit par une
augmentation de la flèche correspondante. L’influence du degré de corrosion est nette. L’augmentation
de la flèche est sensiblement plus importante que la diminution de charge quand la taille de la zone
corrodée augmente. Cela peut s’expliquer par le fait que l’effet de la dégradation de l’adhérence acier-
béton est plus notable pour les grandes dimensions de zone corrodée.
Le modèle EF est efficace pour évaluer le comportement en flexion des poutres en béton armé
corrodé. D’autres simulations devraient être réalisées avec des zones d’application des charges et de
corrosions différentes. L’évolution des grandeurs en relation avec la charge correspondant à l’état
limite ultime en fonction de l’intensité et de la localisation de la corrosion est également en cours
d’étude.

6. BIBLIOGRAPHIE

Beeby A.W. (1978) “Corrosion of Reinforcing Steel in Concrete and its relation to Cracking”, The
Structural Engineer, vol. 56, n° 3, p. 77-81.
François R., Arliguie G., Maso J.C. (1994) “ Durabilité du Béton Armé”, Rapport de Synthèse, LMDC
I.N.S.A. – U.P.S., Toulouse, France.

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Lee H.S., Tomosawa F., Noguchi T. (1998) “Fundamental Study on Evaluation of Structural
Performance of Reinforced Concrete Beam Damaged by Corrosion of Longitudinal Tensile Main
Rebar by Finite Element Method”, Journal of Structural and Construction Engineering, AIJ, n°.
506, p. 43-50.
Mazars J. (1984) “ Application de la Mécanique de l’Endommagement au Comportement non Linéaire
et à la Rupture du Béton de Structure”, Thèse de Doctorat d’Etat, Université de Paris VI.
Molina F.J, Alonso C., and Andrade C. (1993) “Cover Cracking as a function of Bar Corrosion: Part
II–Numerical model”, Materials and Structures, 1993, vol. 26, p. 532-548.
Rodriguez J., Andrade C. (1990) “ Load-bearing capacity loss in corroding structures”, Proceedings of
ACI convention, Toronto, Canada.
Tuutti K. (1982) “Corrosion of steel in concrete”, Swedish Cement and Concrete research Institute,
CBI Research 4.82.

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