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4 | 2000
L'Antique notion d'inspiration
Michel Briand
Éditeur
Centre de recherche d'histoire des idées
Référence électronique
Michel Briand, « Inspiration, enthousiasme et polyphonies : ένθεος et la performance poétique »,
Noesis [En ligne], 4 | 2000, mis en ligne le 04 mars 2009, consulté le 15 octobre 2016. URL : http://
noesis.revues.org/1467
Michel BRIAND
wesenhaft Seiende ist hell und voll von Begeisterung. Es ist im Grande
nichts anderes als das Lichtreich des Olymp, wo auch das traurigste freudig
sein kann, ja erst recht, wie Hölderlin von der Dichtung des Sophokles
gesagt hat ». Sur l'approche néo-romantique de la poésie archaïque,
Thalmann, I-XXI. La philosophie peut associer, en paradoxe, l'inspiration
poétique et philosophique à la fois à une stupeur numineuse (thambos) et à
un délire parlant (mania), Ghitti, 12-3.
2
. Il ne s'agit pas de poésie mais d'une littérature où la mimesis est
« imitation », non « re-présentation ». On voudrait éviter ici à la fois
mysticisme et positivisme, et laisser à la poésie son autonomie, Ghitti,
42.
3
. M. Briand, 1996 et 1997. Sur la double nature de la poésie
hexamétrique, Thalmann, 186 : « By the nature of the poet's gift, the
poem demonstrated how far human capacities could be extended ; but at
the same time it served as a reminder of the crucial difference between man
and god. Not just in the words of the text and its subject matter, but more
generally through its very existence, its creation and re-recreation in
performance, the poem expressed the values and normative beliefs of a
whole society. The poem was its subject, in all its delight and its
wisdom ». Murray, 87-8 et 99-100, montre qu'avant Platon les poètes,
loin d'opposer inspiration et technique pures, considèrent l'inspiration,
distincte de la possession, et la σοφɩ́α, qui peut être divine et permanente,
comme deux éléments indissociables, nécessaires à la plus haute poésie,
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Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἔνθεος. et la performance...
ibid., 94, «memory and inspiration, far from being incompatible, are
vitally connected : memory is virtually the source of the poet's
inspiration». Sur le furor poeticus comme invention de Platon, cf. E.A.
Havelock, Preface to Plato, Oxford, 1963, 156.
4
. Strömberg, 113-132.
99
5
. Strömberg, 125.
6
. Ainsi Hippocrate Épidémies VL5, 310, 312, 322, 324, épithète de
(φύσις « tempérament » et opposé à ψύξις « refroidissement », et
Plutarque Du principe dufroid951e, sur la Libye, ἔνθερμος et ἄνυδρος.
. Aristote Météorologiques 1.14 351a (lieux ni ἔνυγροι ni ξηροɩ́) et
7
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Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἔνθεος. et la performance...
12
Strömberg, 135.
13
. D'abord Théognis 370 (μιμει̂ σ θαι δ' οʋ̓δεìς τω̂ν ἀσόφων
δύναται « mais aucun des sots ne peut m'imiter ») et Pindare
Olympique III.48 (πò πόρσω o~' ἐστι σοφοι̑ς ἄβατον κἀσόφοις « au
delà (des colonnes d'Hercule) la voie est impraticable aux sages comme à
ceux qui ne le sont pas »).
14
. Pour exemple Odyssée 5.35 (Phéaciens) et Lucien La déesse syrienne
31 (prêtres).
15
. P.ex. Iliade V.663 (Sarpédon et ses δι̂οι ἐται̂ροι), XII.408
(Lyciens), Odyssée 1.70 (Polyphème), 14.18 (prétendants), et Bacchylide
Épinicie XI.53 (héros de Tirynthe). On trouve le sens « dieu hostile »
chez Héliodore Éthiopiques IV.7 (Άλλά μοι ἀντίθεός τις ἔοίκεν
ἐμποδίζειν τη`ν πρα̂ξιν « Mais il me semble bien qu'un dieu contraire
s'oppose à mon action») et Jamblique Les Mystères d'Égypte III.31
(δαίμονας πονηρου`ς... οὑς δη` και` καλούσιν ἀντιθέους « les
divinités maléfiques... qu'on appelle aussi dieux contraires »), et le sens
« contraire à Dieu », chez Philon.
16
. Chez Proclos et dans les Μονόστιχοι 336 attribués à Ménandre et
repris par Stobée (au neutre pluriel, Θνητòς πεφυκω`ς μ̩ φρόνει γ'
ὐπέρθεα).
17
. Pour des vents (Hésiode Théogonie 253), fleuves (Aristophane
Nuées 283, Grenouilles 382), lieux habités ou sanctifiés par un dieu, p.ex.
Homère Iliade I.38 (Cilla de Troade), Pindare Pythique V.94 (Isthme),
Euripide Bacchantes 121 (grotte), Bacchylide Épinicie V.5 (Kéos), objets
liés aux dieux, Pindare Péan VI.5 (52f S.-M.) (χρόνος, moment du culte) et
Aristophane Grenouilles 385 (μολπαί, danses pour Déméter). Il concerne
101
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l'amour 757c, l'amour, qui n'est pas « sans dieu » ; Que la vie agréable ...
1102a, les sacrifices inutiles sans participation des dieux ; Réponse à
Colôtès 1119e, contre ceux qui refusent de nommer les dieux par leurs
noms), et les athées proprement dits (ibid. 1112c, contre l'idée que les
éléments primordiaux sont « insensibles, sans dieux et inanimés »
απαθείς και άθεους καì άψύχους ; Sur la génération de l'âme dans
le Timée 1013e, opposant Platon «aux athées» πρòς τούς άθέους ;
Sur les conceptions communes... 1075a, cf. τò θείον ; et De la
superstition, 165b, 166d, 167d, 168b, 169d, 170f, 171a). L'abstrait
άθεότης désigne « l'impiét », p.ex. le fait de voir dans les dieux les
passions personnifiées (Dialogue sur l'amour 757c), et « l'athéisme »
(De la superstition 164e, 167a-e, 171c; Que la vie agréable... 1100c, sur
les épicuriens s'adonnant à« l'absence d'amitié, d'action, de piété, et à la
sensualité négligente »ἀφιλίαςἀπραξίαςἀθεότητοςἡδυπαθείας
όλιγωρίας, cf. 1101b).
2 3
. L e sens « qui est en dieu » (Rohde) est inacceptable (Dodds, 9 4 ) .
Mais on ne suit pas Dodds, quand il critique son symétrique
« r a t i o n a l i s t e » Amandry, 2 3 4 (confondant « p o s s e s s i o n » et « état de
surexcitation hystérique ») : « (entheos) signifie toujours que le corps a
un dieu en lui, tout comme empsuchos signifie qu'il est habité de la p s y c h e
( . . . ) . Je ne puis non plus recevoir l'opinion selon laquelle la P y t h i e
devenait entheos seulement en ce sens qu'elle “était en un état de grâce
résultant de l'accomplissement des rites” et que son “extase inspirée” est
une invention de P l a t o n ».
2 4
. Delatte, 24-5 opère une rétroaction d i s c u t a b l e : « Si Empédocle
avait connu ou employé les mots ἐνθεος et ses dérivés, il aurait pu l e s
prendre au sens propre : chez lui, en effet, l'enthousiasme, le délire
104
créateur est la manifestation du dieu qui habite en nous, qui est notre
personnalité même et qui s'est libéré des entraves du corps ». Dans cette
analyse du δαίμων (« les transports du μαινόμενος ένθεος », 27), le
sens propre d'ένθεος est locatif et l'inspiration, la possession et le délire
s'équivalent
25
.Voir le LfrGE, 987. Cf. Marcel Detienne, La notion de daïmôn dans
le pythagorisme ancien, Bibl. de la Fac. de Philos. et Lettres de l'Univ. de
Liège CLXV, « Les Belles Lettres », Paris, 1963, 133-9, sur le θείος
άνήρ, proche des démons et des héros, de Pythagore à Jamblique,
Boyancé, 229-347 (« Le culte des Muses et l'héroïsation chez les
philosophes »), L. Bieler, ΘEIOΣ ANHP. Dos Bild des «göttlichen
Menschen» in Spätantike und Frühchristentum, Darmstadt, 1967 (repr.
Vienne, 1935-6). L'homme θείος est « divin » (comme médiation entre
dieux et hommes, et il travaille sur le temps, le passé, le présent ou
l'avenir, qu'il soit poète, médecin ou devin, en tout cas σοφός, cf.
Montserrat Jufresa « Le temps comme Sophos», 191-219, in Loraux-
Miralles. Sur la parenté entre hommes et dieux dans la poésie, voir des
Places, 17-59 (26-7, Pindare et « sa foi en l'origine divine de l'âme »
immortelle), que sa perspective idéologique rend plutôt sensible à
l'anthropomorphisme (condamnable) des dieux « qui ne valent pas les
hommes», même si « un rapprochement subsiste, le sens d'une commune
origine qui s'exprime peut-être dans la formule "père des dieux et des
hommes" ». Sur les relations entre hommes et dieux dans la poésie
hexamétrique et les figurations épiques du poète, Thalmann, 78-112
(« The Gifts of the Gods »).
26
. Pour Dodds, 107-37 (« Structure onirique et structure culturelle »),
Pindare et Hésiode mettent en scène une « expérience authentique »,
« sous forme littéraire, la rencontre avec les Muses et son cadre
agreste » : « le premier homme à mettre le rêve explicitement à sa place
fut Héraclite, qui remarqua que chacun de nous, dans le sommeil, se retire
dans un monde à lui » (fr. 89 D). De même, Ghitti, 110-3 : « parler sous
la possession du dieu, c'est parler sous la possession du lieu» ». Cf.
Delatte, 48-9, sur le songe ιερòν πνεύμα.
27
. Le sel sacrificiel, Il. IX.214, le vin, Od. 2.341 et 9.205, la race des
dieux, pour Chimère, Il. VI. 180 (ή δ' άρ' έην θείον γένος, ούδ'
άνθρώπων), le rempart de Troie, ibid. XXI.526, le palais de Ménélas,
105
106
32
. Au nominatif: Il. XVIII.604, Od. 4.17, 8.87 (Démodocos, comme
4.539 et 13.27), 16.252, 23.133 et 143, 24.439. À l'accusatif: Od.
1.336, 8.43 et 47 (Démodocos).
31
. Chez Plutarque, θει̂ος réfère surtout à la sagesse morale : La vraie
façon d'honorer les morts 114 c (la vie du sage après la mort, θειότερόν
τίνα βίον), De l'art d'écouter 37d (les sages ont « la raison pour guide
divin de leur vie » ΘΕƖ̂ ΟΝ ἩΓΕΜΌΝΑ ΤΟΥ̂ ΒΊΟΥ... ΤÒΝ ΛΌΓΟΝ), Des
progrès dans la vertu 83e (l'ataraxie μέγα καɩ` θεɩ̂ον), Préceptes de santé
126d (la santé « assaisonnement le plus divin et agréable » ἥδυσμα
θειότατον... καί προσηνέστατον), Préceptes de mariage 145c (le bon
mari καθηγητὴς καί φιλόσοφος καɩ` διδάσκαλος τω̂ν
κάλλίστων καί θειοτάτων), Caton l'ancien 349d (θαυμαστòν
ἄνδρα καί θεɩ̂ον), Lucullus 523a (ἀγαθοίς καί θείοις). Plus
rarement il s'agit de « divin » surhumain, de divination (Sur la
disparition des oracles 438c, l'exhalaison delphique), de faits merveilleux
107
(Le banquet des sept sages 163c, θείοτερα; Comment un jeune homme
doit étudier la poésie 24a, les noms des dieux comme explication des
événements δαιμονίους καɩ` θείους ; Publicola 100a οὐδ'
ἄνθρώπινον, άλλ' ἤ θεɩ̂ον ἤ θηριω̂δες, et 101 e, sur une « voix
divine » sortant d'un bois sacré, θεɩ̂oν τι τò φθεγξάμενον ; Camille
130c, sur le lac Albain qui s'enfle « sans aucune raison, sinon quelque
chose de divin » ἀπ' οὐδενòς αἰτίον, πλὴν εί̓ τι θεɩ̂ον).
34
. Jean-Claude Fredouille, «Le héros et le saint», 11-25, in
Freyburger - Pernot.
35
. Lampe, 618-9 renvoie à environ 55 emplois relatifs à des humains,
pour 50 emplois relatifs à Dieu, une quinzaine pour la Trinité ou l'esprit
saint, 40 pour Jésus, une trentaine pour des « événements de la vie
incarnée » ou en référence à la «divinisation à travers le Christ >, et plus
d'une soixantaine pour des objets divins « par participation et
dérivation » ou « au sens objectif ». Cf. Fredouille, 23 : « Le héros
païen est adoré pour ses vertus et pour le bien qu'il fait ou qu'il a fait dans la
cité terrestre ; le saint chrétien est vénéré d'abord parce qu'il est un modèle
spirituel sur la voie qui conduit à la cité céleste ; mais la sainteté du
chrétien n'atteint sa plénitude qu'à sa mort, qui est son dies natalis. Que la
distinction n'ait pas toujours été perçue par les fidèles est un autre
problème»... Certains emplois de Dion Cassius n'en sont que plus
intéressants : ainsi ἐκ θειας τίνòς έπιπνοίας (58.12, 75.4, 78.8) et
θείᾳ προνοιᾳ (7.23, 57.22).
108
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Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἔνθεος. et la performance...
3 6
. De même 3.108, Eschyle Choéphores 958(ΚΡΑΤΕƖ̂ΤΑΙ...ΤÒΘΕƖ̂OV
ΘΕƖ̂OV), Thucydide 5.70 (οὐ του̂ θείου χάριν « non dans un but
religieux »), Platon Phèdre 242 c (ὥς τι ἡμαρτηκότα εἰς το θεɩ̂ον
"pour avoir commis une faute envers la divinité »), et, au sens abstrait,
ibid. 246 d (ΚΕΚΟΙΝΏΝΗΚΕ ΔΈ Πῌ ΜΆΛΙΣΤΑ ΤΩ̂Ν ΠΕΡƖ` ΤÒ ΣΩ̂ΜΑ ΤΟΥ̂
θεɩ̂ου « (l'aile), parmi toutes les choses corporelles, participe le plus au
d i v i n » , lui-même ΚΑΛΌΝ, ΣΟΦΌΝ, ἈΓΑΘÒΝ ΚΑƖ` ΠΑ̂Ν O̔́ ΤΙ ΤΟΙΟΥ̂ΤΟΝ,
tr. Vicaire) et Aristote Parties des Animaux 656 a8 (le γένος des hommes,
μόνον μετέχει τοΥ̂ θείου). Plutarque emploie aussi l'indéfini, Le
démon de Socrate 588 c, visions attribuées à la rencontre d'une entité
divine, ἘΝΤΥΧΕƖ̂Ν ΘΕΊῼ ΤΙΝƖ`.
37
. Ainsi, dans 20 occurrences, τò θεɩ̂ον... θεραπεύειν « honorer le
divin / les dieux » (quelques 10 cas, 8.20, 25.5, 37.34, 39.15...) et ἐς τò
θεɩ̂ον ἀνήκειν «atteindre / concerner le divin » (44.37, 74.7...).
38
. Sur la divination, toujours technique, Agésilas 612d (irrespect pour
les oracles, πρòς τò θεɩ̂ον), Pyrrhos 402d (rêve), Lucullus 497f
109
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Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἔνθεος. et la performance...
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45
. L'adjectif, dans les textes chrétiens, signifie « semblable à dieu »,
qualifiant un homme saint, des anges ou la loi divine, et l'adverbe d'époque
romaine θειώδως « par décret impérial » ou, dans la patristique,
« divinement » (sur les écritures), Lampe, 620.
46
. Le Liddell-Scott traduit pourtant « to be inspired, frenzied ». De
même, Dion Cassius 57.48 (ἐθείασεν o̔́τɩ`... στρατοπεδεύσαιτο « il
prophétisa qu'on camperait »), 62.18 (λόγιον... θειασθέν « u n oracle
prononcé»), et Arrien Anabase 7.18 ( λ ό γ ο ς ) ἐπɩ` τῃ̂ τελευτῃ̂ ἄρα
του̂ 'Αλεξάνδρου ἐθειάσθη « un oracle prononcé sur la mort
d'Alexandre »). Le sens « être inspiré par un dieu » est attesté chez Dion
Cassius, dans l'expression κάτοχοι τινες γιγνόμενοι συχνα`
ἐθείαζον (« certains pris de possession étaient fortement inspirés »,
41.14, 54.34, 55,31), Philon 1.479 (θειάζει καɩ` θεοφορεɩ̂ται « il
prophétise et un dieu le transporte ») et Philostrate Héroïques 5.3
(θειάζειν τελεταɩ̂ς «être transporté par des rites »).
47
. Damascius Vie d'Isidore 36 (Pythagore et Platon, « inspirés »,
comme Porphyre, Jamblique, Syrianos, Proclos - εἰς τòν λειμω̂να
τω̂ν θείων νέμονται ειδω̂ν « la prairie des formes divines ») et
Maxime de Tyr, VIII, 9.
48
. Denys d'Halicarnasse 7.68 (θειασμοɩ̂ς κάτοχοι γυναɩ̂κες
ἐμαντεύοντο « des femmes, possédées par des inspirations divines,
prophétisaient... ») et Denys le Thrace 19.32 (θειασμου̂ έπιρρήματα,
οἱ̂ον εὐoί̔ εὔάν « les adverbes de possession divine, p.ex. euhoi,
euhan », tr. Lallot).
49
. Tzetzès, Historianun variarum Chiliades 8.347 (le sculpteur
Alkaménès, θειαστα`ς καɩ` φιλητα`ς καɩ` θιασώτας, opposé à
Phidias). Voir θείαστικώς, Pollux, 1.16 «comme un inspiré ».
112
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Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἔνθεος. et la performance...
50
. Delatte, 32-33 voit ici un essai pour expliquer positivement le génie
poétique (φύσις, ingenium).
51
. Ce sens est fréquent chez Dion Cassius : 22.1, 36.19, 39.11,
41.9 ...
52
. Denys d'Halicarnasse 1.31 (la prophétesse Θέμις, έπιθειάζουσα
ἔφραζεν), Plutarque Le démon de Socrate 580 d (αὐτῳ̂ συνεφθέγνετο
πολλάκις τò δαιμόνιον ἐπιθειάζον ταîς αὐτου̂ προαιρέσει.
« le démonique lui parlait souvent, en inspirant ses plans ») et 589d
(inspirations reçues pendant le sommeil,... τò δαιμόνιον ἀνθρώποις).
5 3
Plutarque, ibid. 579f, sur la superstition (δεισιδαιμονία) et les
charlatans qui « attribuent leurs actions à l'influence divine » (tr. Hani) :
ἐπιθειάζουσι τα`ς πράξεις, et 589d ; Philostrate, Vies des Sophistes
(p.ex. 2.94.2 ἐπιθειάσας... ταɩ̂ς Μούσαις, sur l'empereur Hadrien,
2.13.12 μάγοι γάρ ἐπιθειάζουσι - sur l'éducation de Protagoras) et
Maxime de Tyr, XXXVI. 5 (Hobein).
5 4
Arrien Manuel d'Épictète 4.1.108 (τω̂ν συνεορταζόντων δεɩ̂ται,
τω̂ν συνχορευόντων, ί̔ν' ἐπικροτω̂σι μα̂λλον, ἐπιθειάζωσιν,
ὑμνω̂σι δε` τήν πανήγυριν « (le dieu) a besoin de ceux qui mènent la
fête et la danse ensemble, pour que, en l'applaudissant, ils le glorifient et
chantent le festival ».
55
. « Inspiration » chez Pollux 1.16 et Philon 2.299.
113
56
. En traduisant « les inspirés du dieu », des Places tire le sens du
contexte. Cf. Dialogue sur l'amour 736 a, où Éros est plus puissant que le
tumulte des Mystères ἔνθεον, ἐνθεασηκόν.
57
. Pour les doxographes, influencés par le rapprochement stoïcien de
θέα « contemplation » et θεός « dieu » et une réinterprétation
étymologique de θεάζω, les adjectifs ἔνθεον, ἐνθεασηκόν,
ἐνθουσιαστικόν, sont synonymes : Περɩ` μαντικη̂ς G105 (Diels,
Doxographi graeci), Πλάτων καɩ` οἱ Στωικοɩ` τὴν μαντικήν
εἰσάγουσι κατά τò ἔνθεον, o̔́περ ἐστɩ`ν ἐνθεασηκον [κατά
θειότητα τη̂ς ψυχη̂ς, o̔́περ ἐνθουσιαστικòν] καɩ` τò
o̓νειροπολικόν « Platon et les Stoïciens prennent en compte la
divination relative à un effet d'origine divine que l'on appelle précisément
“inspiration divine”, [à la divinité de l'âme, ce qu'il a dénommé
“enthousiasme”], et celle qui est relative à l'interprétation des rêves ». Cf.
Plutarque, Résumé des opinions des philosophes V 904e et l'édition
commentée de G. Lachenaud, 39 et 296 (C.U.F.). Plutarque affirme
qu'Aristote et Dicéarque admettent la divination par « possession
divine » (κατ' ἐνθουσιασμόν) et la participation de l'âme à « un
élément divin» (θείου... τινος). Le lexicographe Pollux 1.14-25
oppose ἔνθεος à ἄθεος et le glose par ἐπιτεθειασμένος et
ἐνθουσιω̂ν, ἐπιθειασμός par ἐνθουσιασμός, ἐνθουσιαστικοω̂ς par
θενασηκω̂ς et ἐπιτεοειασμενως. L'adjectif ἐνθεασηκος est attesté
dans les commentaires de Proclus sur le Parménide et le Tintée, et l'adverbe
ἐνθεαστικω̂ς (aussi in Rempublicam et chez Syrianos), qu'on trouve
d'abord chez Ménandre Dyscolos 44 (jeune homme amoureux « à la
folie »), puis Lucien Amours 14 (Callicratidès « enthousiasmé » par le
dos d'une statue d'Aphrodite). L'adjectif a le sens médical « nerveux,
névrotique», qualifiant vertige (Ί̓ Λ ΙΓΓΟΣ), étouffement (πνιγμός),
agitation (πάθος).
114
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἔνθεος. et la performance...
58
divination, « consacrer comme dieu » et « considérer /
59
vénérer comme un dieu / une chose sacrée » . Ce riche
champ lexical associe des actes de discours variés,
prophétie, adoration, prière, groupés sous le genre de la
pratique religieuse ou superstitieuse, suivant la prise de
position politique et religieuse de l'auteur, historien ou
moraliste.
58
. Lucien Toxaris 2 (« déifier » des criminels, Oreste et Pylade chez
les Scythes), Plutarque Romulus 28 et 35e (Alcmène, καɩ` o̔́λως πολλὰ
τοιαυ̂τα μυθολογου̂σι, παρα` τò εἰκòς ἐκθειάζοντες τα` θνητα`
τη̂ς φύσεως τοɩ̂ς θείοις « on fait ainsi beaucoup d'autres contes, qui
tendent à assimiler contre toute vraisemblance des êtres de nature mortelle
aux êtres divins », l'auteur ensuite, tout en affirmant que la vertu participe
de «la divinité» – τὴν θειότητα ‒, sépare «la terre et le ciel»), Propos de
table IV.5 670b (la musaraigne chez les Égyptiens), Hérodien, 4,2,1
(ἔθος γάρ ἐστι ̔Ρωμαίοις ἐκθειάζειν βασιλέων... « Les Romains
ont pour coutume de déifier, parmi leurs empereurs, ceux qui...) »,
Héraclite Allégories d'Homère 79,11 (Τήν δ' Όμήρου σοφίαν
ἐκτεθείακεν αἰω`ν o̔ σύμπας « les hommes de tous les temps jugent
divine la sagesse d'Homère », et non Épicure). Voir ἐκθειόω « honorer
comme un dieu », Denis d'Halicarnasse 2.75 (Dikê, Thémis, Némésis et
les Érinyes) et Plutarque De la malignité d'Hérodote 856d (Ιο, η̂ν πάντες
ςΕλληνες ἐκτεθειω̂σθαι νομίζουσι ταɩ̂ς τιμαɩ̂ς υ ̔πò τω̂ν
βαρβάρωνν).
59
. Plutarque Sertorius 573d (S. « attribuait un caractère divin à une
biche», ἐξεθείαζε), Hérodien 1.14.6 (incendie, καɩ` τò πα̂ν ἔργον
ἐξεθειασθη « et tout l'événement était considéré comme divin /
surnaturel », issu du « dessein des dieux », γνώμη θεω̂ν), Julien
Contre les Galiléens 155d (...ἐκθειάζεις δέ, εἰ ζηλότυπος ό θεòς
λέγεται ; « et quand on dit que le dieu (chrétien) est jaloux, juges-tu cela
divin ? »), Jamblique Vie de Pythagore 162 ; έκθειασμός signifie
« inspiration », dans une scholie à Aristophane Guêpes 8,
κορυβαντιᾴς.
115
60
. Sauf indication contraire, je suis responsable des traductions : il a
semblé utile, pour l'instant, d'éviter les termes modernes d'«inspiration»
et “enthousiasme”, pour être aussi près que possible du texte.
61
. Le chœur interroge Cassandre sur ses liens avec l'Oblique : ̓Ήδη
τέχναισιν ἐνθέοις ἡ ̡ ρ ημένη...; «Possédais-tu déjà ces savoirs
d i v i n s . . . ? » (contra P. Mazon, «Possédais-tu déjà l'art qui t'inspire
ici ? »). Au vers 1203, c'est Apollon lui-même qui est μάντις.
116
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐʹνθεος. et la performance...
62
. Noter la traduction de Méridier pour φοιτα̂ς̜ « égarée », d'après une
scholie φοιτα̂ς̜ · ἀντί του̂ μαίνη̜ .
63
Πάντες με`ν οὐν οɩ̔ ἐκ θεω̂ν του κατεχόμενοι ἀξιοθέατοι
δοκου̂σιν εɩ̕ναι·(...) οɩ̔ δ' ὑπο` του̂ σώφρονος ’ʹΕρωτος ἐʹνθεοι τά
τε ὄμματα φιλοφρονεστέρως ἐʹχουσι και` τη`ν φωνη`ν πραο̜τέραν
ποιου̂νται και` τα` σχΏματα εɩ̕ς το` ἐλευθεριώτερον ἄγουσιν. Α
δη` και` Καλλίας τότε δια` το`ν ςΕρωτα πράττων ἀξιοθέατος ἠν
τοɩ̂ς τετελεσμένοις τούτω τω̜̂ θεω̂.̜ « Tous ceux qui sont possédés à
cause de / du fait de l'un des dieux méritent, semble-t-il, d'être vus : (...)
mais ceux qui sont sacrés du fait de l'action du sage Éros ont le regard plus
bienveillant, rendent leur voix plus douce et mènent leurs attitudes à plus
de noblesse. C'est ainsi que se comportait alors Kallias, sous l'effet d'Éros,
et il était digne d'être vu par les initiés de ce dieu ».
. Φθέγγονταί τε γα`ρ τα` τοιαυ̂τα ἐνθουσιάζοντες, ὥστε
64
...
117
Nocsis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Michel Briand
faut faire ainsi, ou bien avec ironie, comme Gorgias, et comme dans les
passages du Phèdre ». Cf. Platon Phèdre, 238d et 241c.
65
. ‘ʹΟθεν δη` και` το` τω̂ν προφητω̂ν γένος ἐπι` ταɩ̂ς ἐνθέοις
μαντείαις κριτάς ἐπικαθιστάναι νόμος". «C'est justement pour
cela que la loi a établi la classe des prophètes comme juges en matière de
divinations sacrées » (cf. Brisson « en matières d'oracles inspirés »).
. Οὐδεὶς οὑτ́ ω κακο`ς ὁ ́ ν τινα οὐκ ἄv αὐτο`ς ὁ ’ʹΕρως ἐʹνθεον
66
118
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐʹνθεος. et la performance...
67
. Cf. Maxime de Tyr XXVI,4, sur Homère, à la fois «divinement
doué», sage et virtuose : Δοκεɩ̂ μοι ςΟμηρος, φύσει τε κεκρημένος
ἐνθεωτάτη̜ και` φρονΏσει δεινοτάτη̜ και εμπειρία̜
πολυτροπωτάτη̜, φιλοσοφία̜ ἐπιθέμενος, δημοσιευ̂σαι ταύτην
τοɩ̂ς ςΕλλησιν ἐν ἁρμονία̜ τη̜̂ ποτε` εὐδοκίμω̣. αὕτη δ' ἠν
ποιητικΏ.
68
. 69 sqq. ὡς δ' οɩ̔ αɩ̔πόλοι μιν ἐκ βίης ἐδαιτρευ̂ντο / τα`
ἐʹνθεα τελευ̂ντες και` κρεω̂ν ἐδαίνυντο / τα` μέλεα, πολλοι`
κάρτα του`ς έμου`ς μόχθους / τιλευ̂σιν ἐν Μούση̜σιν. « Comme
les bergers dans leurs rites sacré l'immolaient de force (un bouc volé à
l'auteur, en songe) et partageaient les chairs, plus d'un, sans doute, aux
demeures des muses, dépouillera ces vers qui sont mes travaux »
(tr. L. Laloy).
69
. Οὑτ́ ω σοι και` αυ`το`ς ἐʹνθεος και` μεθύων ὑπο` τω̂ν λόγων
περιέρχομαι. « De même sous l'effet de ses discours tu me vois moi
aussi aller et venir, divinement possédé par l'ivresse » (tr. Bompaire).
70
. Οὑτ́ ω δη` και` φιλοσόφων ἀκούοντες οὐ πάντες ἐʹνθεοι και`
τραυματίαι ἀ π ίασιν... « de même les auditeurs des philosophes ne
repartent pas tous enthousiastes et blessés » (tr. Bompaire). En emploi
119
120
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐ ʹ νθεος. et la performance...
75
. 7.30.12 (Platon aurait emprunté ses mythes aux prophéties qui
fondent la vérité chrétienne) οι συγγενω̂ ς τοɩ̂ς προφΏταις και`
ἐ ν θέως βιώσαντες και` πάντα το`ν χρόνον ἀ ν αθέντες τη̜̂
ἐ ξ ετάσει τω̂ν ɩ̔ερω̂ν γραμμάτων « ceux qui ont, sous l'inspiration
divine » (« religieusement » ? ), « mené une vie pareille à celle des
prophètes et consacré tout leur temps à scruter les saintes Écritures » (tr.
Borret) ; 7.41.22 (sur les «vérités divines», θεɩ̂α) προφΏτας του̂
τω̂ν ὁ ́ λ ων δημιουργου̂, ἀληθω̂ς ἐ ν θέως μυρία ὅσα εɩ̕ ρ ηκότας
« les prophètes du Créateur de l'univers qui, véritablement inspirés, ont
dit tant de vérités » ; 6.17.5 (contre Celse qui désigne, contrairement aux
écrits des chrétiens, les Lettres et le Phèdre de Platon comme ἐ ν θέως
εɩ̕ ρ ημένων « des paroles sacrées » (Borret, « inspirées »).
76
. Sur le premier Alcibiade de Platon (Alc. 106 E4-10), sur les
instruments de musique, calmants ou excitants, comme la flûte des
mystères et des initiations : τα` δε` κινητικα` προ`ς ἐ ν θουσίαν
οɩ̕ κ ειότατα « ceux qui mettent en mouvement sont tout à fait appropriés
pour produire l'enthousiasme » (tr. Segonds).
77
. Ce fragment des Édoniens est cité dans le traité Du Sublime 15.6 et
rapproché d'Euripide Bacchantes 726 (πα̂ν δε` συνεβάκχευεν ο ̓ ́ ρ ο ς ) .
78
. Contra Parmentier, « une fureur démoniaque t'emporte,
infortunée ».
121
79
. Και` ἐφαπτόμενοι αὐτου̂ τη̜̂ μνΏμη̜ ἐνθουσιω̂ντες ἐξ
ἐκείνου λαμβάνουσι τα` ἐʹθη και` τα` ἐπιτηδεύματα, καθ' ὁσ ́ ον
δυνατο`ν θεου̂ ἀνθρώπω̜ μετασχεɩ̂ν « et quand, atteignant (le dieu)
par le souvenir, ils s'en inspirent ("en sont possédés" tr.Vicaire) et lui
empruntent ses mœurs et ses coutumes, dans la mesure où il est possible
pour un homme de participer d'un dieu ».
80
. ’Ap' οɩ̕σθ' ὅτι ύπο` τω̂ν Νυμφω̂ν, αɩ̕ς με συ` προύβαλες ἐκ
προνοίας, σαφω̂ς ἐνθουσιάσω; «Sais-tu bien que les nymphes,
auxquelles tu m'as livré à dessein, vont certainement m'inspirer des
transports divins ? » (tr.Vicaire). Cette ironie rejoint le refus platonicien
de la poésie et de la musique non orientées vers la célébration
harmonieuse.
81
. Κου̂φον γα`ρ χρη̂μα ποιητΏς ἐοτιν και` πτηνο`ν και` ιερόν,
και` οὐ πρότερον οɩ̕ός τε ποιεɩ̂ν πρι`ν ἄν ἐʹνθεός τε γένηται
και` ἐʹκφρων και` ό νου̂ς μηκέτι ἐν αὐτω̜̂ ἐνη̜̂. «C'est chose
légère que le poète, ailée, sacrée ; il n'est pas en état de créer avant d'être
inspiré par un dieu, hors de lui, et de n'avoir plus sa raison »
(tr. Méridier). « C'est le dieu lui-même qui est celui qui parle » : ὁ θεο`ς
αὐτός ἐοτιν ὁ λέγων, δια` τούτων δε` φθέγγεται προ`ς ἡμα̂ς.
82
. Και` του`ς πολιτικου`ς οὐχ ἥκιοτα τούτων φαɩ̂μεν ἄν
θείους τε εɩ̕ναι και` ἐνθουσιάζειν ἐπιπνου`ς ὄντας και`
κατεχoμένους ἐκ του̂ θεου̂, ὅταν κατορθω̂σι λέγοντες πολλα`
και` μέγαλα πράγματα, μηδε`ν εɩ̕δότες ὠν λέγουσιν. « et nous
dirons tout autant que les hommes d'État sont divins et inspirés, puisqu'ils
reçoivent le souffle du dieu et en sont possédés, quand ils accomplissent et
disent de nombreuses grandes choses, sans savoir ce dont ils parlent ».
122
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐ ʹ νθεος. et la performance...
83
vient d'évoquer le sens profond des noms des dieux , et
Philèbe 15e, où Socrate décrit, encore avec ironie, un jeune
84
homme découvrant les joies fortes de la controverse . Il
s'agit, dans tous ces cas, de représentations métaphoriques
ou ironiques de l'extase mystique, dont les symptômes
(élan, regard, gestes, souffle, voix) sont transposés dans
d'autres domaines de l'activité humaine (guerre, chasse,
politique, poésie, philosophie) : de là, les occurrences de ce
verbe chez Denys d'Halicarnasse Démosthène V.22.2, sur
les nombreuses émotions du lecteur face aux discours de
85
l'orateur, plus entraînant qu'Isocrate , Plutarque
Démosthène 850b (l'orateur décrit comme παράβακχον et
ὡ ́ σ περε ̓ ν θ ο υ σ ι ω ̂ ν τ α ) ,Caton l'ancien 349e
« s'enflamment pour la philosophie» ensorcelante de
Carnéade, ἐνθουσιω̂σι περὶ φιλοσοφίαν), Aratos 1045c
(l'affection excessive, ἐνθουσια̜̂ γάρ, de l'historien
Phylarque pour son personnage Cléomène), et surtout, à
propos des plaisirs liés à la réminiscence du beau et du
bien, Dialogue sur l'amour 765d (ceux qui trouvent « une
trace du divin » ɩ̓ʹχνος τι του̂ θείου sont « transportés de
plaisir et d'admiration», ὑφ' ἡδονη̂ς και` θαύματος
ε ̓ ν θ ο υ σ ι ω ̂ ν τ ε ς ) ,
l'éléphant en rut, ἐνθουσιω̂ν, Philon De migratione
83
. Και` με`ν δΏ, ὠ Σώκρατες, ἀτεχνω̂ς γέ μοι δοκεɩ̂ς ὡσ ́ περ
οɩ̔ ἐνθουσιω̂ντες ἐξαίφνης χρησμω̜δεɩ̂ν. « Le fait est, Socrate, que
tu m'as tout bonnement l'air, à la façon des inspirés, de te mettre soudain à
chanter des oracles » (tr. Méridier).
84
. ...ὑφ' ἡδονη̂ς ἐνθουσια̜̂ τε και` πάντα κινεɩ̂ λόγον
́ μενος « il exulte de plaisir, il jouit de ne laisser en repos aucun
ἀσ
argument » (tr.Diès).
85
. ‘ʹΟταν δε` Δημοσθένους τινα` λάβω λόγον, ἐνθουσιω̂ τε
και` δευ̂ρο κἀκεɩ̂σε ἄγομαι, πάθος ἐʹτερον ἐξ ἑτέρου
μεταλαμβάνων. « Lorsque je prends en revanche un discours de
Démosthène, je suis saisi d'enthousiasme, poussé dans un sens puis dans
l'autre, éprouvant émotion sur émotion » (tr.Aujac). Les πάθη du lecteur
proviennent d'un contact extraordinaire avec un style qui le dépasse, mais
ne sont pas proprement religieuses : « défiance, angoisse, crainte,
mépris, haine, pitié, indulgence, colère, envie ».
123
86
. ... τα`ς (ταɩ̂ς) περὶ τω̂ν μελλόντων ἀψευδεστάτας (-ταις)
δια` τω̂ν ὀνείρων μαντείας ἐνθουσια̂,̜ « (l'esprit) s'emporte et
perçoit, par l'oniromantie, les sensations les plus véridiques à propos de
l'avenir ».
87
. Cf. Diodore de Sicile 5.49.3, sur les Corybantes
ἐ ν θουσιάσαντων.
124
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐ ʹ νθεος. et la performance...
88
. ’ʹEτι τoίνυν ὁ ΤΟΥ̂ΤΟ ἀ π οφαινόμενος λέγει μεν τι περι`
τω̂ν συμβεβηκότων περι` του`ς ἐ ν θουσιω̂ ν τας, οὐ μέντοι το`
προηγούμενον ἀ ν αδιδάσκει. « Ainsi encore, celui qui est sujet à
l'extase frénétique (παραφορα` και` ἐ ʹ κστασις) dit bien quelque chose de
ce qui arrive aux vrais enthousiastes, mais il n'enseigne pas le plus
important » (tr. Des Places). Sur la divination chez Platon, Porphyre et
Jamblique, voir J. Cartier, «Science divine et raison humaine», in
Vernant et al., 249-263.
89
. 'Αλλ' οὐτ́ ε σώματος οὐτ́ ε ψυχη̂ ς οὐτ́ ε του̂ συναμφοτέρου
το` ἐνθουσια̂ν ἐ σ τιν ἐʹργον « mais ce n'est ni du corps ni de l'âme ni
du composé que l'enthousiasme est l'œuvre ».
90
. Oυ` του̂το λέγοντες, ὅτι ἡ φύσις ἑ ʹ καστον ἀ ́ γ ει προ`ς το`
οɩ̕κεɩ̂ον· οὐδε` γάρ ἐ σ τι φύσεως ἐ ʹ ργον το` ἐνθουσια̂ν οὐ δ ' ὄτι ἡ
του̂ ἀ έ ρος και` του̂ περιέχοντος κρα̂σις διάφορον ἐ μ ποιέɩ̂ και`
τη` ν ἐν τω̜̂ σώματι κρα̂σιν τω̂ν ἐ ν θουσιώντωνς... « nous ne
disons pas que la nature conduit chaque chose à ce qui lui est propre (car
l'enthousiasme ("le fait de s'exalter religieusement") n'est pas oeuvre de
nature) ; ni que le mélange de l'air et du contenant introduit une différence
même dans le tempérament physique des enthousiastes ».
91
. Kαι` ἐν ɩ̔εροɩ̂ς τισιν ἀ β άτοις τω̜̂ πλΏθει καθ' ἑαυτο`ν
ἀ ν ακεχώρηκεν ἀ ρ χόμενος ἐνθουσια̂ν « il s'était retiré à part lui
dans des sanctuaires inaccessibles à la multitude dès qu'avait commmencé
l'enthousiasme ».
125
92
. Ή δε` τω̂ν θείων γραμμάτων εὐτελη`ς λέξις ἐνθουσια̂ν
πεποίηκε του`ς γνησίως ἐ ν τυγχάνοντας αὐτη̜̂ «le style simple
des divines Écritures a rempli d'ardeur divine ("a exaltés") ceux qui en font
une lecture véritable » (tr. Borret).
93
. ’ʹΕγνων οὐν αὐ και` περι` τω̂ν ποιητω̂ν ἐν ὀλίγω~ του̂το,
ὅτι οὐ σοφία̜ ποιοɩ̂εν α̂ ποιοɩ̂εν, ἀλλα` φύσει τινι` και`
ἐνθουσιάζοντες ὡσ́ περ οɩ̔ θεομάντεις και` οɩ̔ χρησμωδοι`· « En
peu de temps donc, voici ce que je fus amené à penser des poètes aussi :
leurs créations étaient dues, non à leur savoir, mais à un don naturel, à une
inspiration divine analogue à celle des prophètes et des devins »
(tr.Croiset).
94
. Ενθουσιάζων δε` λέληθε του`ς πολλούς « mais en fait la
divinité l'inspire, et c'est cela qui échappe à la foule » (tr.Vicaire).
9 5
Οὑτ́ ω δε` και` ἡ Μου̂σα ἐνθέους με`ν ποιεɩ̂ αὐτΏ, δια` δε`
τω̂ν ἐνθέων τούτων ἀ ́ λ λων ἐνθουσιαζόντων ὁρμαθο`ς
ἐξαρτα̂ται. « de même aussi la Muse fait des inspirés par elle-même, et
par le moyen de ces inspirés d'autres éprouvent l'enthousiasme : il se
forme une chaîne » (tr. Méridier). La poésie inspirée, divine, s'oppose ici
à la science, humaine : πάντες γα`ρ οɩ̓ʹ τε τω̂ν ἐπω̂ν ποιηται` οɩ̔
ἀγαθοι` οὐκ ἐκ τέχνης ἀ λ λ' ἐʹνθεοι ὄντες...
126
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐ ʹ νθεος. et la performance...
96
Contra Diès, qui force l'idée de « souffle » et de « divin », « i l s
poussent tout seuls, recevant, d'où que le vent souffle, leurs inspirations
respectives et chacun tenant pour rien le savoir du divin ».
97
Και` ὁ ́ τ αν ἐʹχη̜ ἤδη του`ς ἀκροατα`ς και` ποιΏση
ἐ ν θουσιάσαι ἤ ἐ π αίνοις ἤ ψόνοις ἤ ὀργη̜̂ ἤ φιλία̜ , οɩ̕ον και`
'Ισοκράτης ποιεɩ̂ ἐν τω̜̂ Πανηγυρικω̂ ̜ . .. Φθέγγονταί τε γα`ρ τα`
τοιαυ̂ τ α ἐ ν θουσιάζοντες « ce style est encore de mise quand l'orateur
a déjà maîtrisé ses auditeurs et excité leur enthousiasme par ses éloges ou
ses blâmes, la colère ou l'amitié, comme, par exemple, Isocrate... à la fin
de son Panégyrique,... C'est ainsi que l'on parle dans le transport de
l'enthousiasme » (tr. Wartelle).
9 8
. Éd. et tr. de Festugière, Corpus Hermeticum, vol. IV, CUF
(« Extrait du livre sacré d'Hermès Trismégiste intitulé fille (ou pupille) du
Monde ». À noter le paradoxe des dieux inspirés par une instance
supérieure et amenés à construire, en direction des hommes, une « chaîne
sympathique », ibid. CXXXVI.
99
. Ώ ς ἄρα αὕτη πασω̂ν τω̂ν ἐ ν θουσιάσεων ἀ ρ ίστη τε και`
ἐξ ἀ ρ ίστων, τω̜̂ τε ἐ ʹ χοντι και` τω̜̂ κοινονου̂ ν τι αὐτη̂ς,
127
128
Noesis D°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐ ʹ νθεος. et la performance...
129
130
104
l'ivresse et sans trouble issu de l'esprit ou du corps
105
humains . Philodème, περὶ ἀργη̂ς 32.27 oppose sang
froid raisonnable et enthousiasme, διο` τΏν τε παράστασιν
τη`ν εὐλ́ ογόν τίνων και` το`ν ἀλ́ ογον οɩ̕ον ἐνθουσιασμο`ν
οɩ̓ʹονται θυμο`ν εɩ̕ναι το`ν περɩ̀ οὐ διαλεγόμεθα. Origène,
Contre Celse 7.44.9, juge la grâce divine « inséparable
d'une action de dieu dans l'âme qui y produit une sorte de
transport divin» (tr. Borret: ... θεία̜ χαρίτι, οὐκ ἀθέει
ἐγγινομένη τη̜̂ ψυχη̜̂ ἀλλα` μετά τινος ε ̓ ν θ ο υ σ ι
Philon, De Confusione linguarum 159n, oppose «la
divination sans inspiration et la sagesse sobre» (και` ἡ
δίχα ἐνθουσιασμου̂ μαντεία νηφούση̜ σοφία). Autrement
dit la notion d'« enthousiasme » devient centrale dans
l'histoire des idées grecques post-classiques. À l'inverse, la
patristique n'emploie jamais le nom ἐνθουσιασμός et les
ἐ ν θουσιασταί attestés dans ce corpus sont surtout les
membres d'une secte païenne, ou parfois hérétique,
condamnés pour la violence démoniaque de leurs
106
pratiques »
2.1.5. Sur la même base, on a l'adjectif ενθουσιαστικός
« en extase, exalté, exaltant, en contact avec un dieu,
104
. 3.24-25 ...Έκ δη` τούτων oὐ καλω̂ς τοπάζει πάθος εɩ̕ναι
το`ν ἐνθουσιασμόν « (Porphyre) a tort de se figurer que l'enthousiasme
est une passion » (tr. des Places), affluant du dehors comme une
inspiration (ἐʹξωθεν αὐτο`νὡςἐπίπνοιανε ̓ π ι ρ ρ ε ɩ ̂ ν ) ,et 3.9 où
l'enthousiasme divin est opposé aux extases du flûtiste Olympos (πάντα
ἀ λ λοτρίως μοι δοκεɩ̂ λέγεσθαι προ`ς το`ν ε ̓ ν θ ο υ σ ι α σ μ
105
. 3.7 ...Έπειδα`ν δ' ἠ ψυχη` προκατάρχη̜ ἤ μεταξυ` κινη̂ται,
ἤ το` σω̂μά τι παρεμπίπτη̜ και` τη`ν θείαν άρμονίαν
ἐπιταράττη̜, θορυβώδη γίγνονται και` ψευδη̂ τα` μαντεɩ̂α, καɩ`
ὁ ἐνθουσιασμο`ς οὐκέτι ἀληθη`ς ὑπάρχει οὐδε` γνησίως θεɩ̂ος.
« Mais lorsque l'âme prend l'initiative ou se meut pendant la divination,
ou que le corps intervient et dérange l'harmonie divine, les oracles se font
troubles et erronés, et l'enthousiasme n'est plus vrai ni authentiquement
divin ».
106
Lampe, 475 note cependant une occurrence de ἐ ν θουσίωσις, chez
Épiphane de Constance.
131
107
. Ίκανο` ν δε` σημεɩ̂ον ὡς μαντικη`ν ἀφροσύνη̜ θεο`ς
ἀνθρωπίνη̜ δέδωκεν οὐδεὶς γα`ρ ἐʹννους ἐφάπτεται μαντικη̂ς
ἐνθέου και` ἀληθου̂ς, ἀ λ λ' ἤ καθ' ὕπνον τη`ν τη̂ς φρονΏσεως
πεδηθει`ς δύναμιν ἤ δια` νόσον, ἤ διά τινα ἐνθουσιασμο`ν
παραλλάξας. 'Αλλα` συννοη̂σαι με`ν ἐʹμφρονος τά τε και`
ἐνθουσιαστικη̂ς φύσεως... « Voici un indice qui suffit à montrer qu'un
dieu a donné la divination pour prendre la place de la raison humaine,
lorsqu'elle n'intervient pas ; en effet, un être humain parvient à la
divination inspirée (sacrée) et vraie non pas lorsqu'il est dans son bon
sens, mais lorsque sa faculté rationnelle se trouve entravée dans le
sommeil ou lorsqu'il l'a perdue par l'effet de la maladie ou de
l'enthousiasme » (tr. Brisson).
108
. Contra Wartelle, « un dieu m'habitait ».
109
. Σχεδο`ν γάρ, ώς ἐμοι` δοκεɩ̂, οὐκ ἐʹστίν τούτων προ`ς του`ς
πολλου`ς καταγελαστότερα ἀκούσματα, οὐδ' αὐ προ`ς τοὐς
εὐφυεɩ̂ς θαυμαστότερά τε και` ἐνθουσιασπκώτερα. « Car il n'y a
presque pas, à mon avis, de doctrines plus ridicules pour la foule, mais i 1
n'y en a pas non plus, pour les hommes bien doués, de plus admirables et
de plus exaltées / exaltantes » (cf. Souilhé « plus inspirées »).
132
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐʹνθεος. et la performance...
110
. Le neutre substantivé το` ἐ. désigne « l'enthousiasme » dans le
même dialogue, 436e et 437e.
111
. Ενθουσιαστικώτατε Ιάμβλιχε « Jamblique, toi qui es le plus
proche des dieux » (contra des Places, « ô inspiré Jamblique ! >).
112
. ’ʹΕτυχεν, ὅτε ἐπη̂λθον αὐτέω̜, τι δΏποτε γράφων
ἐνθουσιωδω̂ς και` μεθ' ὁρμη̂ς. « J'allais l'aborder, mais je le trouvai
écrivant d'enthousiasme et avec entraînement » (tr. Littré).
133
113
N'ayant pas consulté le TLG, j'ai pu mieux « rencontrer les
textes », mais les données, surtout tardives, risquent d'être incomplètes,
même si la vue d'ensemble n'en est sans doute pas troublée. L'ordre
lexicographique adopté a l'inconvénient de morceler les textes mais
l'avantage important de les mettre en perspective les uns par rapport aux
autres, au delà de leur traits chronologiques ou génériques.
114
. Dodds, 11-36 («Les excuses d'Agamemnon »), sur atê et ménos,
états d'esprits momentanés, attribués à l'action d'un dieu ou daimôn. Pour
les poètes, leur parole est d'origine divine, implantée à l'intérieur d'eux-
mêmes, ainsi Phémios Odyssée 22.347 ( α υ ̓ τ ο δ ί δ α κ τ ο ς
μοι ἐν φρεσι`ν οɩ̓ʹμας / παντοίας ἐ ν έφυσε· ἐ ʹ οικα δέ τοι
παραείδειν / ὥς τε θεω̜̂ « j'ai été mon seul maître, et c'est un dieu qui
m'inspira tous mes récits ») (littér. « c'est un dieu qui a fait croître dans
mon cœur tous mes récits » ; « devant toi (Ulysse), je saurai chanter
comme devant un dieu » (tr. Jaccottet). Phémios, loin d'être en transes,
prend la posture du suppliant, sacré car protégé des dieux, et demande à
Ulysse de l'épargner : Dodds tait la revendication d'originalité, par
laquelle le poète dit agir en personne sur son poème, qu'il tire du fond de
soi, sous l'influence divine d'un don supérieur, mais en tant
134
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ἐ ʹ νθεος. et la performance...
135
117
. Pour Aristote, « passions et enthousiasme ont leur fondement dans
l'organisme », Problemata XXX, 954a 34-38 (cf. l'action de la bile sur le
ν ο υ ς , qualifié ailleurs de «divin» et supérieur au θυμο`ς et àl ' ε ̓ π ι θ υ μ ί α ):
cf. Boyancé, 186 sqq., sur la physiologie de la catharsis, à la fois
religieuse et médicale.
118
. On se reportera aux travaux de Françoise Bader, notamment La
langue des Dieux et l'hermétisme des poètes indo-européens, Testi
Linguistici n°14, Giardini, Pise, 1989.
119
. Di Benedetto, 103-121 (« Formulantà interna e invenzione
poetica »).
120
. Goldhill, 161 (« both the intricacy of art and the deception of
fiction »).
121
. Briand, 1 9 % et 1997, avec les bibliographies correspondantes.
1 2 2
. Voir, entre autres, Di Benedetto, 5-99 (« Il narratore e il
personaggio ») et 156-74 (« Alla ricerca dell'io »). La ψ υ χ ή du poète
n'est pas la moindre instance, et les divinités de la parole, Muses,
136
137
138
Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ένθεος. et la performance...
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Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»
Inspiration, enthousiasme et polyphonies ένθεος. et la performance...
Muses (cf. Boyancé, 170-198, sur les fêtes cathartiques des Lois). Sur la
différence entre oralité poétique et philosophique, le Socrate poète du
Phèdre, et les relations entre démon et nymphes, Ghitti, 166-9. Voir aussi
Vicaire, 49-56. Le travail le plus complet sur les ressorts physiologiques
et moraux de la divination chez Platon, comme « mode de connaissance
intermédiaire entre la connaissance intelligible et la connaissance
sensible », reste l'article de L. Brisson, « Du bon usage du
dérèglement », in Vernant et al., 220-248.
133
. D'où l'opposition entre θυμικόν et plaisir raisonné,
Moutsopoulos, 261. On distingue, dès les premiers dialogues socratiques,
la poésie de la σοφία, transmissible, et l'inspiration divine,
irrationnelle, fondée sur la possession. Mais, à ces deux voies poétiques,
« artistique » et « magique », s'ajoute une autre, philosophique ou
anthropologique, où musique et poésie travaillent à l'harmonie de l'éthos
avec le kosmos (Moutsopoulos, 386-90) : dans ces trois voies, l'homme
est centre et intermédiaire. Cette vérité comme révélation, non rationnelle
mais figurée, « soit de façon imagée, soit (...) dans la configuration
donnée à la vie », est développée par Otto, 32. La répression
platonicienne de l'irrationnel soutient une « version réformée des
croyances traditionnelles », plutôt que leur interdiction, Dodds, 214-22 et
Boyancé, 182-4 (« alors que la joie orphique revêt un caractère
d'exaltation, fait succéder à la préparation ascétique le délire du bachisme,
la joie platonicienne sera une joie réglée, une joie qui obéira à une musique
sévère et noble, qui ne se perdra pas dans l'enthousiasme, mais comme
chez les Pythagoriciens, assurera le triomphe de la partie raisonnable de
l'âme sur sa partie déraisonnable »). Voir aussi Vicaire, 41-8 et 66-76.
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. Moutsopoulos, 21-2. Dans le Phèdre 249cd, le philosophe est
inspiré, et, dans les Lois VII.817b, poète et philosophe collaborent à
l'éducation d'une cité parfaite, μίμησις του αρίστου και καλλίστου
βίου. Sur la ressemblance de l'âme bonne et du divin, voir des Places, 83-
90 et Vicaire, 232 sqq., sur « la réhabilitation finale de toute mimésis qui
se donne de bons modèles, le poète inspiré étant moins admiré ».
'. La représentation de la poésie inspirée, ancienne on idéale par
Platon est cohérente avec le sens pythagoricien de l'harmonie universelle
et la fonction éducative allouée aux mythes : cf. le mythe d'Er, République
X.617a-d, Moutsopoulos, 375-85. Cf. Détienne, op. cit., 52 ( δαίμων
comme « traduction dans le langage de la pensée religieuse de certains
phénomènes de la vie humaine, vécus collectivement au niveau de
l'expérience sensible »), 57-9 ( δαίμων signifiant de ψυχή I, 90, 125
(« Dans la pensée religieuse du pythagorisme ancien, le δαίμων, s'il est
intérieur à l'être humain, est aussi extérieur à son corps ; il fait partie du
monde extérieur. Il est à la fois intérieur et extérieur. Même en tant que
principe divin intérieur, δ α ί μ ω ν , dans la pensée religieuse des
pythagoriciens, est une forme objective et peut entrer dans le monde
extérieur >), 131 ( δαίμων intermédiaire entre θεός et άνθρωπος).
L'inspiration poétique vue par Platon est d'autant marquée comme
possession, similaire à celle qu'il attribue au devin, que l'inspiration
philosophique est harmonieuse, mais une histoire non platonicienne de la
poésie montre la rareté des références à la possession poétique avant le
ème
V siècle, Murray, 88. Vicaire, 406-12 tranche moins, tout en associant,
dans une même ascension progressive vers « la Vérité », « le poète
inspiré qui ne reproduit que de beaux modèles, le rhéteur qui accepte de se
convertir à la dialectique », « le critique idéal » et le philosophe, qui
« plus lucide que personne, et conscient des dangers qu'il court lui-même,
(...) établit cette défense souriante, parfois un peu triste, qui lui permet de
garder, en toute occasion, ses distances ».
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. Cette mise à distance du modèle platonicien peut être un essai de
réconciliation et collaboration entre une philosophie consciente des
enjeux qu'elle partage avec la linguistique et la rhétorique et une poétique
consciente de l'intérêt des analyses qu'offrent sémantique et pragmatique
conjuguées, et sûre du fait que « la poésie pense », selon le mot de Michel
Deguy, in Charbonnel-Kleiber, 20. Voir ibid., l'« Ouverture à deux
v o i x » , 1-13 et Michel Prandi, «Grammaire philosophique de la
métaphore», 184-206. Sur la « rhétorique naturelle», De Meyer, 76-84
(« Communication et espace social »), 85-91 (« Communication et
temps social »), 91-6 (sur l'authenticité, divine ?, du poète, d'abord
narratif, proclamée et reconnue par le groupe, garantie majeure « du
pouvoir de persuasion du poète et par là de son pouvoir de structuration de
l'identité du groupe»), 97-151 («La grande parole : d'une identité
narrative à l'émergence d'une identité interprétative », sur les « paroles-
actions des héros homériques », la « parole-mémoire » d'abord orale, et
le nouveau statut social du poète, contemporains de la transmission et de
la composition écrite).
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Références bibliographiques :
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