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Études internationales

MATTELART, Armand, Diversité culturelle et


mondialisation, coll. Repères, no 411, Paris, La Découverte,
2005, 122 p.

Yves Laberge

Les livres blancs et la politique étrangère : pratiques


comparées
Volume 37, numéro 1, mars 2006

URI : id.erudit.org/iderudit/013430ar
https://doi.org/10.7202/013430ar

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Institut québécois des hautes études internationales

ISSN 0014-2123 (imprimé)

1703-7891 (numérique)

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Laberge, Y. (2006). MATTELART, Armand, Diversité culturelle etCe document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y
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mondialisation, © Études
coll. Repères, n ointernationales, 2006
411, Paris, La Découverte, 2005,compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en
122 p.. Études internationales, 37(1), 175–177. https:// ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/]
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LIVRES 175

Diversité culturelle cultures des groupes sociaux et des


et mondialisation. sociétés trouvent leur expression »
(p. 98).
MATTELART, Armand. Coll. Repères,
no 411, Paris, La Découverte, 2005, Dès les premières pages, Ar-
122 p. mand Mattelart inscrit clairement
l’opposition entre la « diversité cul-
Le sociologue Armand Mattelart
turelle » et la « mondialisation » en
me semblait être l’auteur tout indiqué
termes antagonistes : ceux qui pro-
pour rédiger cet ouvrage fondamental
meuvent la diversité culturelle veu-
sur le thème Diversité culturelle et mon-
lent protéger leurs marchés dans les
dialisation, après avoir publié une
domaines de la culture et de l’audio-
vingtaine de livres rigoureux sur la
visuel face aux institutions géantes
communication politique, l’offre cul-
qui contrôlent leurs propres marchés
turelle, la société de l’information, et
à leur place ; tandis qu’au contraire,
ce que l’on nommait autrefois « l’im-
ceux qui profitent de la mondialisa-
périalisme culturel ». Depuis De
tion s’affichent non seulement
l’usage des médias en temps de crise (Mi-
comme des défenseurs de la diversité
chèle Mattelart, Éditions Alain Mo-
culturelle, mais osent affirmer sans
reau, 1979) et l’excellent livre Donald
craindre le paradoxe que la mondia-
l’imposteur, ou l’impérialisme raconté aux
lisation serait le processus miracu-
enfants (Ariel Dorfman, Éditions
leux qui mènera naturellement les
Alain Moreau, 1976), Armand Matte-
marchés de la culture vers une plus
lart a consacré toute sa carrière à
grande diversité culturelle. On aura
l’étude des idéologies et de l’écono-
compris que Mattelart s’inscrit en
mie politique, particulièrement dans
faux contre cette seconde vision
le domaine des médias. Il enseigne
(p. 3).
les sciences de l’information et de la
communication à l’Université Paris- Ouvrage de petit format mais
VIII , et ses recherches portent depuis très instructif, Diversité culturelle et
trente ans sur la culture. mondialisation se divise en sept par-
ties. Le premier chapitre lance un
L’expression « diversité cultu-
rappel historique sur l’impossibilité
relle » semble désormais consacrée
de considérer une culture unique
depuis 1999 ; on commence toutefois
faite pour tous (entendre celle des
à entendre une variante plus nuan-
États-Unis), ou de considérer une
cée : « la diversité des contenus cul-
seule civilisation humaine comme
turels et des expressions artistiques ».
étant universelle. Les pères fonda-
Pour sa part, Armand Mattelart cite
teurs des sciences sociales ont tous
parmi d’autres cette définition neutre
affirmé le principe de pluralité des
de la diversité culturelle proposée
cultures, des civilisations, des patri-
par une économiste japonaise, Saki-
moines, depuis Charles Horton
ko Fukuda-Parr, tirée d’un Rapport
Cooley et Franz Boas à Herbert Spen-
mondial sur la culture, publié par
cer et Émile Durkheim (p. 7). Mais
l’UNESCO en 2000. On définit ainsi la
comme l’explique Mattelart, « l’inter-
diversité culturelle, comme la « mul-
nationalisation croissante de la circu-
tiplicité des moyens par lesquels les
lation des idées, des biens et des per-
176 Études internationales, volume XXXVII, no 1, mars 2006

sonnes fait naître la crainte du ‘nivel- chercheurs anglo-saxons (notam-


lement’ » (p. 6). Les réticences envers ment autour de l’axe des Cultural
un modèle unique et l’homogéni- Studies), qui contribueraient à favori-
sation a pourtant toujours existé. En ser « l’apologie néolibérale sur la
réalité, l’apparition d’une culture souveraineté absolue du consomma-
unique ne devient possible qu’au teur atomisé » (p. 74). En d’autres
moyen de puissants mécanismes : le mots, certains chercheurs négligent
colonialisme, puis l’impérialisme désormais de considérer le spectateur
culturel, la globalisation (chap. 2). comme étant inondé, envahi, limité
dans ses choix réels sous prétexte que
Le troisième chapitre appuie sa
l’offre semble abondante (mais non
démonstration sur l’exemple de l’in-
diversifiée dans ses sources) et qu’il
dustrie du cinéma : Hollywood af-
aura toujours l’intelligence ou la pré-
firme clairement, depuis 1947, qu’elle
sence d’esprit de refuser l’hégémonie
doit servir de divertissement, mais
de l’autre : « Suspecte, la notion de
aussi de machine à exporter et à ven-
‘dominé’ a été rayée de la cartogra-
dre l’American Way of Life (p. 46). Or,
phie cognitive. » (p. 74) Séduits, fas-
comme l’indique le quatrième chapi-
cinés par cette hypermédiatisation de
tre, non seulement ce système est
la culture d’un seul pays, des univer-
contraignant pour tous les pays tou-
sitaires s’enchanteront pour consa-
chés, mais il apparaît aussi comme
crer des études sérieuses aux phéno-
étant fondamentalement inégal, c’est-
mènes de culture populaire, comme
à-dire à sens unique, car le marché
la télésérie Dallas, sans critiquer la
de l’audiovisuel des États-Unis de-
disparition du choix réel du specta-
meure à toutes fins utiles fermé aux
teur face à une culture unique,
productions étrangères. Les années
homogénisée, standardisée.
1960 marquent l’émergence d’une vé-
ritable prise de conscience et la mise Le sixième chapitre illustre com-
en place d’un système parallèle en ment l’Europe a su construire, dès les
matière d’audiovisuel, confirmant la années 1980, des remparts juridiques
nécessité de concevoir des réseaux al- pour se protéger de cet envahisse-
ternatifs. En guise de réponse à ce ment médiatique, en se dotant de
problème, le fameux Rapport McBride politiques culturelles efficaces et
(1980) de l’UNESCO plaidait pour une concertées pour dynamiser son pro-
plus grande multiplicité des voix: en pre espace culturel, si bien que les
conséquence, à la suite de sa publica- États-Unis ont tenté de diverses ma-
tion, les États-Unis avaient claqué la nières de faire céder ces barrages
porte de l’UNESCO, suivis par l’Angle- ( GATT , OMC ). D’où la naissance du
terre, au début des années 1980 principe de « l’exception cultu-
(p. 56). D’ailleurs, ces deux pays ont relle », revendiquée par les pays
depuis réintégré l’organisation, à cer- européens voulant exclure la culture
taines conditions. des négociations visant à l’ouverture
des marchés. Cette expression fut
Au cinquième chapitre, Armand
remplacée en 1999 par un concept
Mattelart questionne les universitai-
plus positif : la promotion de la di-
res du domaine des sciences sociales
versité culturelle (p. 90).
et certains paradigmes amenés par les
LIVRES 177

Le dernier chapitre inscrit les Convention sur la diversité des contenus


enjeux actuels de la culture en termes culturels et des expressions artistiques de
géopolitiques et juridiques : Mattelart l’UNESCO.
dira dans une formule éloquente
On lit Diversité culturelle et mon-
« hétérogénéité des acteurs, globalité
dialisation avec grand intérêt : c’est un
des enjeux » (p. 99). L’UNESCO rede-
livre vivant, bien écrit, bien docu-
vient un moteur dans les échanges
menté; on le lit presque comme un
sur le bien-fondé de la diversité cul-
roman (une sorte de roman histori-
turelle, publiant une Déclaration uni-
que sur notre présent, il va sans dire).
verselle de l’UNESCO sur la diversité cultu-
Comme avec ses livres précédents,
relle (2001). Plusieurs États se mobili-
Mattelart impressionne toujours par
sent, principalement en Europe et
son aisance à combiner différentes
dans l’hémisphère sud, mais dans
notions et données, mais aussi par sa
son survol, Mattelart demeure aussi à
grande capacité de synthèse. Je ferai
l’affût des efforts du Québec pour dy-
toutefois un reproche aux éditeurs :
namiser la diversité culturelle, en
les caractères sont vraiment minuscu-
soulignant la participation financière
les, et les textes des encadrés sem-
des gouvernements fédéral et du
blent encore plus petits, compara-
Québec au sein de la Coalition pour
bles, si j’ose dire, à la dernière ligne
la diversité culturelle (p. 97).
du test de la vue que l’opticien ne
Lumineuse, la conclusion du li- vous demande jamais de lire. Quoi
vre stigmatise le « culte du présent » qu’il en soit, le contenu en soi n’est
auquel nous assistons depuis une dé- pas moins stimulant, puisque le livre
cennie, selon l’expression de l’histo- Diversité culturelle et mondialisation me
rien François Hartog (dans Régimes semble constituer un ouvrage essen-
d’historicité, présentisme et expérience du tiel sur l’avenir de la culture, qui
temps, Seuil, 2003). On comprend conviendra aux étudiants en écono-
que la promotion de la diversité cul- mie, en géopolitique, en études
turelle se conjugue de pair avec les culturelles, en communication
revendications des mouvements politique.
altermondialistes : contre les excès Yves LABERGE
du capitalisme, pour le respect des
identités et de la légitimité des États. Département de sociologie
Université Laval, Québec
Puis, Mattelart reprend les mots très
sages de l’historien Fernand Braudel,
La diversité culturelle.
qui « mettait en garde les sciences so-
Vers une convention internationale
ciales contre l’habitude de ‘courir au
effective ?
service de l’actuel’ et de s’en tenir aux
seuls acteurs qui font du bruit » GAGNÉ, Gilbert (dir.). Coll. Points chauds,
(p. 106). En somme, la diversité Saint-Laurent, QC, Fidès, 2005, 215 p.
culturelle pleinement avérée repré-
Principal débat culturel qui ca-
sentera un signe, un vecteur de dé-
ractérise les relations internationales
mocratie. L’auteur offre quelques pis-
contemporaines, la diversité cultu-
tes sur ce propos, et qui devraient
relle ne cesse de gagner en impor-
peut-être inspirer la prochaine
tance ; du moins si l’on en juge par

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