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DÉCOUVRIR LA FRANCE

CIVILISATION

Elaboré dans le cadre du programme TEMPUS-TACIS


(ISBN 966-599-051-9)

Choix de textes présentés par


Olena LYUCHINSKA,
Katerina ROUGINE
avec la collaboration de
Jeannine RICHARD-ZAPPELLA

Université de Zaporojié – Université de Rouen, 1999

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AVANT-PROPOS
Plusieurs raisons justifient le contenu et le choix des documents de ce
livre. Leur caractère authentique répond à la motivation des étudiants
apprenant le français comme langue de spécialité. Pour maintenir leur
intérêt, il convient de leur proposer des textes “vrais”. De tels textes
confèrent à l’apprenant un sentiment de sécurité. En montrant la réalité
quotidienne du moment dans sa diversité, dans sa pluralité, ces documents
permettent de corriger et de dépasser les stéréotypes, les clichés de la
civilisation française souvent diffusés en Ukraine.
Ce manuel présente un choix de textes écrits, exclusivement
authentiques, parus dans les journaux et les revues reflétant la France et
les Français en mouvement vers l’an 2000. La société française
d’aujourd’hui connaît de profonds changements, des mutations qui lient de
plus en plus la vie des Français, l’avenir des Français à leurs voisins
européens.
A travers les pages de cet ouvrage des étudiants de français seront en
prise directe avec ces changements. Les documents authentiques choisis
sont considérés comme un outil indispensable pour mieux comprendre la
civilisation française contemporaine, les auteurs s’étant réservé par
contre le droit d’apporter quelques modifications pour en faciliter
l’approche.
Les textes sont variés et répondent aux différents types de besoins des
apprenants: il s’agit de connaître des réalités sociales, économiques,
culturelles de la France. En outre, écrits dans la langue d’aujourd’hui, les
textes fournissent aux étudiants de nombreuses expressions qui reflètent
les changements linguistiques qu’entrainent les mutations socio-
économiques..
Le manuel est composé de 11 dossiers, qui montrent les divers visages
de la France.
Les cinq premiers portent sur la description de la société française
sous ses aspects socio-économiques, politiques et démographiques.
Les trois dossiers suivants prennent en compte les problèmes des
Français dans leur vie sociale de tous les jours: Famille, Emploi,
Formation et Education.
Le dossier 9 reflète la vie des adolescents et des jeunes dans toute sa
diversité et complexité: étude, loisir, travail.
1
Deux dossiers particuliers: le premier porte sur la science et son
évolution, le second est une présentation de la France à travers les médias
sur une semaine.
La plupart des textes du dossier sont accompagnés d’un matériel
pédagogique: explication des connotations culturelles et du vocablaire, et
questionnement à deux fonctions: vérifier la compréhension du contenu
global et détaillé (“Analyse des idées”) et donner à l’étudiant la
possibilité de s’exprimer (“Expression orale”). D’autres textes sont
proposés comme lecture complémentaire.
Ce manuel s’adresse aux étudiants de français en tant que support
didactique du module de la civilisation française. Il vise à enrichir les
connaissances civilisationnelles et linguistiques des apprenants et à leur
faire acquérir des savoir, des savoir-faire, des savoir-être.
Que tous les membres du Conseil de Coordination de Programme
“Tempus” présidé par Madame Dominique GUILLISSEN trouvent ici les
marques de notre profonde reconnaissance pour nous avoir orientées vers
la construction de ce manuel.
Que Madame Jeannine RICHARD-ZAPPELLA et Monsieur Bernard
GARDIN soient remerciés pour les conseils précieux qu’ils nous ont
donnés, pour l’attention et l’intérêt qu’ils ont montrés tout au long de ce
travail.

2
I. L’IMAGE DE LA FRANCE ET DES FRANÇAIS

L’image de la France dans le monde


1 Que la physionomie de la France actuelle ne soit pas toujours aisément discernée par les
étrangers ne saurait surprendre, puisque les Français eux-mêmes n’en ont souvent pas une
exacte notion. C’est fréquemment un des traits de la France, qui est retenu de l’ensemble, et qui
présente, suivant les tendances de l’observateur, une certaine image.
Or, l’image de la France peut sembler, au premier abord, assez composite.
D’un côté, partie des articles de luxe et des produits de haute qualité: mode, parfums, haute joaillerie,
meubles de prix, champagne, cognac et combien d’autres! De l’autre, grand pays industriel, à l’avant-garde de la
technique.
D’un côté, une nation où les arts trouvent un épanouissement prodigieux et réellement supranational, où le culte
des lettres demeure à l’honneur au point que les écrivains de métier y sont proportionnellement plus nombreux que
nulle part ailleurs. De l’autre, un pays à la pointe de disciplines scientifiques aussi diverses que les mathématiques
appliquées, l’optique, la physique automique, le magnétisme, les recherches spectroscopiques, les greffes en
chirurgie, la biochimie, la neurologie ou la microbiologie.
2 Un pays, dont les “harmonies de la nature”, les châteaux, les cathédrales et la gastronomie font un paradis
de tourisme, que certains même prennent surtout pour un musée ou une terre de vie facile et d’agrément, et qui se
montre, cependant, largement tourné vers l’avenir.
Une nation, qui a enfanté des génies aussi contrastés que Descartes et Pascal, Voltaire et Rousseau, Taine et
Bergson, Marcel Proust et Louis de Broglie, où la sensibilité et l’esprit de finesse voisinent avec la logique et la
critique les plus vigoureuses.
Un peuple longtemps casanier, émigrant fort peu par rapport à ses voisins, et semblant paralysé dans sa
croissance démographique, aujourd’hui avide de voyages, où les candidatures aux missions et expéditions
lointaines sont trop nombreuses pour être toutes acceptées, où la natalité est devenue une des plus fortes d’Europe.
Une France de Saint Louis, pétrie de christianisme et d’idéal missionnaire, et une France de la Révolution,
émancipatrice et libérale, patrie des Droits de l’homme.
3 Rien d’étonnant à ce que, suivant les peuples ou les tempéraments, ce soit l’une de ces France seulement
qui surgisse, alors que toutes concourent à la définir.
Et pourtant l’étranger lui-même s’accorde à reconnaître à la France et aux Français certaines tendances. Nul
besoin de se référer à une vocation, mais à quelques constantes, qui se vérifient dans la plupart des domaines.
Le sens de l’abstrait et de l’universel, d’abord, comme on l’a si souvent noté. Les Français ont toujours été
curieux de trouver des explications théoriques aux phénomènes de tous ordres qui les entourent. Aussi bien sont-ils
portés naturellement à généraliser toute chose, puisque, écrit Michelet, “la France est le pays du monde où la
nationalité, où la personnalité nationale se rapproche le plus de personnalité individuelle”. “Observez le
paradoxe”, note de son côté Valéry: “La France a la spécialité de l’universel”. N’est-ce pas une des raisons
premières de l’accueil favorable réservé à tant d’envoyés français à l’étranger? Ils n’enseignent pas que leur
langue et leur pays, ils portent aussi témoignage de valeurs que chaque peuple peut reconnaître pour siennes.
4 Le sens de l’humain demeure également en France très vivace. En un temps où s’élabore une difficile
alliance entre humanisme et technique, elle tient à s’en faire l’artisan partout où cela lui est possible. La dignité de
l’individu ne doit, à ses yeux, ni être sacrifiée à la machine ni à une production, qui, au lieu de rester à la mesure
de l’homme, menace de devenir dévorante et tentaculaire. C’est plus un art de vivre qu’un niveau de vie que les
Français préconisent. Ils s’en sont appliqué à eux-mêmes les formules poussées jusqu’à un individualisme, jugé
parfois excessif. Mais ils ont, en même temps, rarement laissé passer l’occasion d’agir pour que la prééminence de
la personne humaine soit toujours maintenue au centre des préoccupations.
La France se montre toujours attachée à un certain raffinement. Ses créations sont une des expressions les
plus typiques de cette tendance, depuis la présentation délicate d’un coffret à bijoux jusqu’à l’élégance d’un
paquebot ou d’un avion supersonique, comme est le “Concorde”. Aussi bien en décèle-t-on la trace jusque dans les
“créations” intellectuelles et comme de construire, décorer, et même se nourrir, il existe une certaine façon
française de penser, parler et prier.
5 Le goût de l’individualisme combiné avec le souci de la qualité a amené la France, favorisée par la variété
de ses produits, à être un des pays du monde où la série, l’anonymat et l’uniformité ont le moins de place, où, en
revanche, les “spécialités” sont les plus nombreuses pour correspondre aux désirs de chacun.
Etat de dimensions moyennes, la France incline, selon la tournure de son esprit, au sens du proportionné et

3
du raisonnable, redoutant la psychose du record, du gigantesque et de la masse. Ce goût de la mesure, qui la
retient, notamment, de déployer à l’étranger un effort dépassant ses moyens, est une des raisons de son succès.
Pour situer la France dans le monde et aux yeux du monde actuel, les mots de rayonnement, prestige,
influence, présence sont revenus bien des fois (...)

Louis DOLLOT
(La France dans le monde actuel. “Que sais-je?”. - N°876)

Les stéréotypes
6 Les Français selon eux sont les gens débrouillards, indisciplinés, cultivés. Les Anglais sont perplexes, un
peu froids et pragmatiques. Les Allemands sont disciplinés, mélomanes, marciaux. Ce sont là les stéréotypes qui
influencent notre façon de parler. Nous disons, par exemple, “filer à l’anglaise” pour “partir discrètement”.
Quelqu’un qui a trop bu “il est soul comme un Polonais”. Une personne que l’on attaque systhématiquement est
“une tête de Turc”. Si l’on ne gagne pas beaucoup d’argent on dit “Ce n’est pas le Perou”. Et si l’on parle mal en
français on dit qu’”On parle comme une vache espagnole”.
“L’Allemagne est faite pour y voyager, l’Italie pour y séjourner, l’Angletette pour y penser et la France
pour y vivre” (J.d’Alembert).

(Assimil. Le nouveau français sans peine. Leçon 94.)

4
Explications
A. Les connotations culturelles
2. Descartes (René) - philosophe, mathématicien et physicien français du XVII siècle (1596-1650). Il a simplifié
l’écriture mathématique et fondé la géometrie analytique. Sa physique mécaniste et sa théorie
des animaux-machines ont posé les bases de la science moderne. Son apport de philosophe
est fondé sur l’emploi d’une méthode rationnelle dont le point de départ est le doute et
l’examen critique à l’égard de toutes les connaissances (philosophie cartésienne).
Pascal (Blaise), 1623-1662 - savant et écrivain français. Il a effectué des recherches sur le poids de l’air et le vide, jeta
les bases du calcul des probabilités. Pascal réunit aussi une série de notes destinées à un
ouvrage à la gloire de la religion chrétienne.
Voltaire (François Marie Arouet, dit) - écrivain français (1694-1778). Admirateur du XVII siècle, il cherche à s’égaler
aux écrivains classiques. Il est surtout pour l’Europe un prince de l’esprit et des idées
philosophiques, qu’il répand par ses contes (“Candide”, 1759), ses essais historiques (“Le
Siècle de Louis XIV”, 1751), son Dictionnaire philosophique (1764). Idole d’une bourgeoisie
libérale anticléricale, il reste un maître du récit vif et spirituel.
Rousseau (Jean-Jacques), 1712-1778 - écrivain et philosophe genevois. Il dénonce dans son ouvre les méfaits de la
société, qui rend l’homme plus mauvais qu’il n’est naturellement. Il se prononce en faveur du
régime démocratique (Le Contrat Social, 1762). Ses idées auront beaucoup de l’influence sur
les révolutionnaires français de 1789.
Taine (Hippolite) - Philosophe, historien et critique français (1828-1893). Il a essayé d’expliquer par la triple influence
de la race, du milieu et du temps les oeuvres artistiques ainsi que les faits historiques.
Bergson (Henri), 1859-1941 - philosophe français. Il fait de l’institution le seul moyen de connaissance de la durée de la
vie.
Proust (Marsel), 1871-1922 - écrivain français. Auteur de traductions d’essais, de récits, il domine l’histoire du roman
français au XX siècle par l’ensemble d’A la recherche du temps perdu”.
Broglie (Louis), 1892-1987 – prince, puis duc de Broglie, physicien français. Il établit une relation traduisant
l’hypothèse qu’il émit, selon laquelle les particules matérielles présentent un caractère
ondulatoire. La mécanique ondulatoire ainsi développée est à l’origine de la mécanique
quantique.
Saint-Louis - le roi français Louis IX de l’époque du Moyennâge (1214-1279), vaillant chevalier, chrétien scrupuleux, il
entreprit deux croisades.

3. Michelet (Jules) - historien français (1798-1874). Chef de la section historique aux Archives nationales, professeur
au Collège de France, il fait de son enseignement une tribune pour ses idées libérales et
anticléricales. Il complète son oeuvre historique tout en multipliant les ouvrages consacrés
aux mystères de la nature et à l’âme humaine.
Valéry (Paul) - écrivain français (1871-1945). Disciple de Mallarmé, il commence par publier des poèmes, puis se
tourne vers l’étude des mathématiques et retrouve le goût à la création artistique en cherchant
à établir l’unité créatrice de l’esprit. Il se compose une éthique intellectuelle, et retrouve la
poésie.

6. Stéréotype, m - opinion toute faite, formule banale.


Jean d’Alembert - mathématicien et philosophe français (1717-1783). Sceptique en religion et en métaphysique,
défenseur de la tolérance, il exposa, dans son “Discours préliminaire de l’Encyclopédie”, la
philosophie naturelle et l’esprit scientifique qui présidait à l’oeuvre entreprise.

B. Le vocabulaire
1. discerné - différencié
composite - divers
à la pointe de - en avant de
une greffe en chirurgie - une transplantation
2. une terre d’agrément - une terre de plalisir, de joie
un peuple casanier - qui n’aime pas bouleverser ses habitudes
pétri de - composé de
4. à la mesure de - proportionné à

5
tentaculaire - qui a tendance à beaucoup s’étendre
préconiser - conseiller d’adopter
une préeminence - un avantage
5. un anonymat - caractère de ce qui est anonyme
incliner à - être poussé vers
un goût de la mesure - un goût de modération mise dans la manière d’agire
6. débrouillard (fam) - ingénieux, astucieux
martial - décidé, ayant du goût pour le combat

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Pourquoi n’est-il pas facile de discerner l’image de la France dans le monde?
2. En quoi consiste le caractère composite de l’image de la France?
Enumérez les données essentielles du progrès de la nation française qui ont marqué son identité et crée son image.
3. Quelles sont les constantes que les étrangers reconnaissent à la France et aux Français?
4. Expliquez la citation de Michelet que la France, c’est un pays où la personnalité nationale se rapproche le plus de la
personnalité individuelle et que la France a la spécialité de l’universel.
5. Qu’est-ce qui indique dans le texte que le sens de l’humain et la dignité de l’individu, le souci de la qualité, du
raffinement ainsi que le goût de la mesure demeurent vivaces en France?
6. Commentez le sens de la phrase : « C’est plus un art de vivre qu’un niveau de vie que les Français préconisent ».

B. L’Expression orale
1.
Quelles représentations avez-vous sur la France?
Sont-elles differentes de celles exposées dans le texte?
2.
Pouvez-vous prouver par des faits concrets que les notions de rayonnement, de prestige, d’influence et de présence
sont les constantes de l’image de France aux yeux du monde ?
3.
Parlez de certaines traits que vous avez découverts aux Français que vous connaissez. Etes-vous d’accord avec
l’opinion que l’individualisme est un des traits essentiels des Français ?
4.
Est-ce que les stéréotypes des Français et des Ukrainiens sur la France et sur les autres pays de l’Europe sont les
mêmes? – Observez l’image tirée du journal « Le Figaro » et commentez-la.
5.
Que pensez-vous des stéréotypes? Créent-ils toujours une vraie image du peuple?
6.
En petits groupes, faites le portait stéréotypé des Français tel que vous l’imaginez. Comparez
ensuite vos différents portraits et discutez-en.

6
Le changement socio-culturel du dernier quart
de siècle
1 Le Français était traditionnellement considéré - et se percevait lui-même - comme individualiste,
respectueux de l’ordre, contraint dans ses relations avec autrui, attaché à un certain conformisme de l’apparence...
Tous ces traits culturels spécifiques se sont estompés au cours du dernier quart de siècle, et de nouvelles
transformations particulièrement importantes dans les valeurs, les aspirations, les façons d’être et les modes de
relations aux autres sont en cours depuis les dernières années.
2
La modernité
Tout au long de la période, un certain nombre de traits qui avaient été considérés comme spécifiquement
français s’atténuent. Rompant avec leur conformisme de l’apparence, nos compatriotes se plaisent à affirmer leur
individualité en affichant de petites différences de choix et de comportements, alors que la société se met à tolérer
ces déviances marginales. Simultanément, ils s’ouvrent à la nouveauté, abandonnent des conduites éprouvées qui
les satisfaisaient et les rassuraient, pour la seule satisfaction d’être et de paraître modernes. La dominante du visuel
sur les autres sens s’estompe, le tactile, l’auditif, l’olfactif, le “proprioceptis”... trouvent droit de cité; des enfants
de plus en plus nombreux aprennent à utiliser simultanément tout leur appareil sensoriel, à ressentir et à éprouver
plutôt qu’à se représenter. L’attachement à un ordre rigoureux se fait moins maniaque, un léger désordre suscite
moins d’anxiété: la tolérance s’accroît, notamment dans les couches les plus jeunes, pour les fautes de grammaire
ou d’orthographe, les repas moins réglés, les manquements du savoir-vivre, le désordre vestimentaire et celui de la
maison.
3
Renforcement des différences et de la variabilité individuelles
Les motivaions d’expression personnelle et d’accomplissement prennent du poids en tant que motivations
dominantes, aux dépens des motivations de standing et de celles de sécurité économique. Les Français, de plus en
plus nombreux, recherchent l’épanouissement; leur personnalité jaillit dans leurs choix et leurs refus; ils cherchent,
par leurs conduites, à exprimer leurs humeurs, leurs émotions, leur personnalité; ils se méfient des modèles, des
stéréotypes, des propositions qu’ils ne sentent pas comme venant d’eux-mêmes.
4 En dépit d’un déclin qui se poursuit, la motivation de sécurité économique continue probablement encore à
occuper une position dominante chez un nombre un peu plus grand de Français que la motivation d’expression et
d’accomplissement. Mais l’expression de la personne devient une valeur sociale. De plus en plus de
consommateurs, qui sont motivés avant tout par la considération et le standing, cherchent à paraître des personnes
autonomes, indépendantes, par exemple en choisissant leurs vêtements, leur maquillage, le mobilier de leur
appartement. Nous atteignons probablementt ainsi des seuils où l’expression de la personne colore les réactions,
non seulement de ceux qui sont dans le courant, mais de la plus grande partie de la population.
5 Une personne expressive a tendance à être expressive à tout instant, selon ses humeurs et ses émotions du
moment. Elle a moins tendance à coller à un modèle durable d’elle-même, plus à être ce qu’elle ressent ici
maintenant. Elle est moins fidèle à une image de soi, à un produit, à une marque. Elle est fondamentalement
divers et versatile. Elle doit étre reconquise en permanence.
6 La division de notre société en grande catégories socio-démographiques, en catégories sociales clairement
distinctes, s’estompe. L’analyse socio-démographique des mouvements des courants montre que les différences
socio-culturelles entre les jeunes et les vieux, entre les ouvriers et les cadres, entre les urbains et les ruraux, se
réduisent. Il semble bien qu’une immense classe moyenne soit en train de se constituer sous nos yeux.
7 Cependant, le mouvement vers l’autonomie porte les personnes à se différencier sinon à l’infini. du moins
selon la variété de leur personnalité, de leurs intérêts, de leurs humeurs... La classe moyenne qui se constitue est,
en fait, extrêmement différenciée, selon un grand nombre de dimensions qui ne sont pas socio-démagraphiques:
régions ou pays, styles de vie, types socio-culturels ou psychologiques, centres d’intérêt, cellules idéologiques, etc.
Et, dans cette société, les identifications ne se recoupent pas: une personne A s’apparente à une personne B du
point de vue de son style de consommation, à une pesonne C pour tel de ses centres d’intérêt, à une personne D qui
participe, comme elle, à une association linguistique régionale, etc. Les appartenances se chevauchent les unes les
autres beaucoup plus que par le passé. Il semble que la structure de notre société ait ainsi tendance à devenir
beaucoup plus complexe.
8
Tendance à la contraction des cercles d’identification et
7
d’appartenance
Le niveau auquel s’effectue la participation la plus spontanée change. Il y a vingt ans, de très nombreux
Français avaient encore le sentiment de participer à la France ou au Prolétariat (c’est-à-dire des entités larges,
abstraites et mythiques) en lisant le matin un quotidien national, par exemple Le Figaro ou L’Humanité.
9 Aujourd’hui, ce mode de participation est de moins en moins opérant. Nous voyons un bon nombre de nos
concictoyens chercher des racines et une participation sociales à un niveau primaire et concret. Ils le font parfois
de façon réaliste en s’insérant dans de petits groupes de camarades d’atelier ou de bureau, en créant des
associations, en tentant de redonner vie à la commune.. Ils le font aussi au plan des symboles et du rève, en copiant
le style de vie, la nourriture, les vêtements, la musique de groupes éthniques, dans lesquels les communications
directes d’homme à homme étaient plus développées, en lisant des livres qui évoquent des sociétés dont les
membres étaient plus enracinés.
La famille, elle-même, semble à nouveau correspondre à certaines sensibilités de pointe, en s’ouvrant
quelque peu. L’ensemble de ces sensibilités se traduit notamment par un mouvement d’éloignement de ce qui est
grand, centralisé, puissant, une demande d’autonomie des personnes et des petits groupes vis-à-vis des grandes
entités. Il en résulte une réduction du diamètre des cercles d’identification et d’appartenance.

Alain de VULPIAN
(L’évolution des mentalités: conformisme et modernité. - Français,
qui êtes-vous?//La Documentation Française. N° 4627-4628)

Explications
A. Les connotations culturelles
3. un standing (angl.) - position sociale élevée
6. les cadres - groupe socio-professionnel exerçant des fonctions de direction
ou de contrôle dans une administration
une classe moyenne - classe sociale, dont le niveau d’existence est aisé et qui compose
les cadres de l’industrie, du commerce, les professions libérales,
les fonctionnaires, etc.
8. Le Figaro - hebdomadaire français satirique fondé en 1854, par H. de
Villemessant, qui devient en 1866 un quotidien d’information
L’Humanité - quotidien fondé en 1904 et dirigé par J.Jaurès jusqu’en 1914,
organe du parti communiste français à partir de 1920
une participation - ici : l’activité sociale
9. un concitoyen - personne qui est de la même ville, du même pays qu’une autre
un groupe éthnique - les habitants d’une nation, d’un pays
des cercles d’identification et - groupements des gens à la base d’un mode de comportement
d’appartenance social

B. Vocabulaire
1. contraint - une attitude qui manque de naturel, affectée
s’estomper - devenir flou, se perdre
2. s’atténuer - s’estomper
une déviance marginale - détournement, se trouvant à l’écart de la société
un tactile - le sens relatif au toucher
un olfactif - le sens relatif à l’odorat
trouver droit de cité - être admis
les manquements du savoir vivre - l’absence de l’éducation, du tact
vestimentaire - qui a rapport aux vêtements
3. motivation d’accomplissement - motivation de réalisation de la personne
prendre du poids - prendre de l’importance
jaillir - apparaître brusquement, se produire avec force
4. un déclin - état de ce qui diminue, commence à régresser

8
des seuils - des limites
5. versatile - qui change facilement de parti, d’opinion
7. se recouper - coïncider
se chevaucher - se recouvrir en partie
8. une contraction - réduction
9. enraciné - fixé profondément
opérant - effectif

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quels traits culturels spécifiques avaient été traditionnellement attribués aux Français?
2. Quelle est l’attitude des Français envers les stéréotypes qu’on leur a attribués?
3. Quelles sont les motivations qui prennent du poids et qui deviennent les valeurs sociales prédominantes?
4. Qu’est-ce qui résulte de la réduction des différences entre les grandes catégories socio-démographiques de la société
française?
5. Quelles sont les nouvelles tendances dans le regroupement social des Français?

B. L’Expression orale
1.
En vous inspirant des idées du texte parlez de nouvelles transformations dans les modes de comportement socio-
culturel des Français.
2.
Que représente la modernité pour les Français?
Tâchez de formuler les causes des changements socio-culturels des Français à l’heure actuelle.
3.
Pensez-vous que la tolérance et le renforcement des différences individuelles mènent à une société plus
harmonieuse?
Est-ce que nous sommes témoins des mêmes changements en Ukraine?

Le français, langue universelle


1 La langue française occupe dans le monde une place notoirement importante, encore qu’il soit difficile de la
définir avec précision: langue nationale, elle est aussi celle des minorités; langue maternelle de plusieurs peuples,
elle est devenue langue d’échanges internationaux; langue de plusieurs pays industriels, elle est aussi celle de pays
en développement. Présente sur tous les continents, parlée quotidiennement par quelque cent-vingt millions
d’hommes et de femmes, elle est une des langues les plus apprises dans le monde. Elle est utilisée dans de
nombreuses organisations nationales de l’Est et de l’Ouest, du Nord et du Sud. Traditionnellement langue de
culture, symbolisant le savoir-vivre comme les principes politiques hérités du siècle des Lumièes, elle se doit de
porter à présent les innovations techniques dans les domaines les plus modernes: énergie, télécommunications,
transports, agronomie, océanographie, biotechnique, espace... La langue française reste donc par excellence une
langue universelle.

9
Mais ce trésor commun est en constante mutation: en recul dans certains points anciens, dont l’importance
demeure primordiale, elle progresse vivement dans les régions nouvelles; associée traditionnellement à
l’enseignement, elle se propage désormais selon les méthodes les plus modernes: radio, télévision, cinéma,
cassettes, réseaux télématiques, câbles, satellites... Elle doit aussi, de plus en plus profondément, appartenir à ceux
qui la parlent; chaque Français et, mieux encore, chaque francophone, doit comprendre ces mutations et les
accompagner de ses efforts afin d’ouvrir, toujours davantage, la langue française sur le monde.

Philippe de SAINT-ROBERT
(France informations. N° 122)

Le français dans le monde


2 Le français est langue maternelle et officielle (seule ou non) de tout ou partie de la population:
En Europe: France métropolitaine, Belgique, Luxembourg, Suisse, Monaco, Andorre.
Dans les départements et territoires d’Outre-mer: Saint-Pierre et Miquelon, Guadeloupe, Martinique,
Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna.
En Amerique: Canada.
En Océanie: Vanuatu.

- Il est langue officielle et langue d’enseignement:


En Afrique, dans 12 États où il est la seule langue officielle: Bénin, Burkina Faso, Congo, Côte-d’Ivoire,
Gabon, Guinée, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo.
En Afrique, dans 10 États où il partage son statut de langue officielle avec une autre langue: Burundi,
Cameroun, Comores, Djibouti, Madagascar, Maroc, Mauritanie, Rwanda, Seychelles, Tunisie, Zaïre.
- Il est langue d’enseignement:
En Afrique Nord: Algérie.
En Amérique du Sud: Brésil, Colombie; au Proche-Orient: Egypte, Liban, Syrie.
En Asie: Cambodge, Laos, Viet-Nam.
- Il est langue d’usage:
En Afrique: Ile Maurice.
- Il a un statut officiel local:
En Europe: Jersey (Grande-Bretagne), Val-d’Aoste (Italie).
En Amérique: Louisiane (Etats-Unis).
En Asie: Pondichéry (Inde).

Ce sont en tout 120 millions d’êtres humains qui s’expriment naturellement en français et plus de 200
millions qui sont amenés à l’utiliser de façon plus ou moins régulière.

(France Information)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Les Lumières - siècle où les connaissances sont répandues, le XVIII-e s.
réseaux télématiques - ensembles des services informatiques fournis à travers un réseau de
télécommunication
un francophone - parlant le français
2. France métropolitaine - en France existe le système de métropoles, capitales politiques ou
économiques d’une région. Paris est le métropole d’un Etat. Métropole
d’équilibre - en France un grand centre urbain provincial devant
contribuer à contrebalancer l’influence de Paris pour en limiter la
croissance

10
Miquelon - vu Saint-Pierre-et-Miquelon - département français d’Outre-Mer,
voisin de Terre-Neuve, qui est formé de l’île, Saint-Pierre et de
Miquelon
Réunion - l’île de l’Océan Indien, à l’Est de l’Afrique, un département français
d’Outre-mer
Mayotte - l’île française de l’Océan Indien, dans l’archipel des Comores; sa
population s’est prononcée pour le maintien de l’île dans le cadre
français
Wallis-et-Futuna - territoire français d’Outre-mer au Nord-Est des Fidji
Vanuatu - Etat de la Mélanésie, au Nord-Est de la Nouvelle-Calédonie. Langues:
bichlamar, anglais et français
Maurice (l’île) - État insulaire de l’Océan Indien, à l’Est de Madagascar

B. Vocabulaire
notoire - qui est connu d’une manière sûre par un grand nombre de personnes
un savoir-vivre - qualité d’une personne qui connaît et sait appliquer les règles de la
politesse
une mutation - variation brusque d’un caractère héréditaire par changement dans le
nombre ou dans la qualité des gènes
se devoir de faire qch - être obligé de se consacrer à
Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1. Quelle est la portée de la langue française dans le monde?
2. A quels domaines sociaux le français est-il traditionnellement associé et que symbolise-t-il aujourd’hui?

B. L’Expression orale
1.
En vous référant à vos connaissances de l’histoire de la langue française, de la civilisation et de la géopolitique,
prouvez que le français peut être considéré comme une langue universelle.
2.
Situez sur la carte géographique tous les pays francophones.

La politique linguistique de la France


Dans les vingt dernières années, la France a consacré à son action culturelle extrérieure des moyens dont
1 l’importrance n’a pas d’égale dans le monde. Cet effort exceptionnel, qui s’est développé sous la présidence du
général de Gaulle, s’inscrivait dans le cadre global d’une politique qui visait à restaurer dans le monde l’influence
de la France, affaiblie par la guerre, et à redonner à la langue et à la culture françaises le rayonnement qu’elles
avaient eu dans le passé.
Aujourd’hui, devant les risques d’uniformisation du partimoine culturel mondial, l’action de la France se
situe dans la perspective d’une pluralité de la communication linguistique internationale: il faut reconnaître et
encourager la diversité des langues et refuser la suprématie d’une seule langue de communication internationale.
Ainsi est-ce dans le respect des identités culturelles que la France poursuit ses efforts en faveur de la diffusion de
sa langue.
Quand un non-Français choisit d’apprendre le français, son choix est comparable à une décision d’investissement
dont il attend, selon les cas, une plus-value professionnelle, commerciale, économique, politique, symbolique,
voire affective. Apprendre le français, c’est aussi partager de nouvelles manières de penser et d’agir.

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2 Pour manifester avec éclat tout le prix attaché à la diffusion de la langue française le ministère des relations
extérieures a décidé en 1981 la création d’une Direction du français.
Celle-ci apporte son soutien à 427 établissements scolaires disséminés dans 155 pays, ,qui dispensent un
programme identique à celui des établissements situés en France et qui préparent aux mêmes examens. Ils ont une
double fonction: la scolarisation des enfants des Français installés à l’étranger et l’accueil d’élèves étrangers.
L’action de la France en matière d’enseignement porte en outre sur l’envoi de professeurs français dans des
établissements secondaires et supérieurs relevant des pays dans lesquels ils sont implantés.
3 La tendance, depuis quelques années, est de développer, à côté de l’enseignement traditionnel, des actions
de politique linguistique menées de concert par les attachés linguistiques et les enseignants. Tous les efforts de
conception, de gestion et de formation convergent vers la réalisation d’opérations originales qui prennent appuis
sur le milieu scolaire, les associations de professeurs, les médias et le monde de l’économie. L’objectif est de
réactiver la coopération pédagogique, de créer un environnement francophone attrayant et de susciter dans le
public un intérêt nouveau pour le français. Quel que soit leur thème - chanson, film ou roman policier, concours
d’affiches, jumelages de villes ou de régions, anniversaire du premier vol en ballon, diffusion du livre, traduction
d’encyclopédies, enquêtes sur la terminologie - ces opérations visent à motiver toute la chaîne des “décideurs” en
matière de choix linguistiques: les élèves et leurs professeurs, les chefs d’établissements et les autorités éducatives,
les parents d’élèves mais aussi le grand public.
4 A côté de ces actions dans des établissements d’enseignement traditionnels, la France agit à travers un
important réseau de centres culturels à l’étranger. La Direction des Identités et des Echanges Culturels gère les 181
instituts de français et centres culturels disséminés dans le monde et subventionne les 1.200 comités de l’Alliance
française.
A leur mission d’enseignement, les centres culturels ajoutent des activités d’ordre culturel - conférences,
expositions, spectacles - et mettent à la disposition du public des bibliothèques et des centres de documentation.

(France Informations)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Charles de Gaulle - général et homme d’Etat français. Elu président de la République, il
gouverna la France jusqu’en 1969
3. Attaché linguistique - membre d’une ambassade; d’un cabinet ministériel, chargé d’assurer
les relations avec les institutions concernant l’apprentissage d’une
langue étrangère
média (de mass média) - tout support de diffusion de l’information (radio, télévision, presse,
livre, ordinateur, vidéogramme, satellite de télécommunication, etc.)
jumeler les villes - associer des villes étrangères en vue d’établir entre elles des liens et
des échanges culturels et touristiques
4. Direction des identités et des échanges - organisation, ayant pour objet de classer les ensembles des
circonstances, qui font qu’une personne est reconnue comme étant telle
personne, sans confusion avec une autre, et de gérer les instituions
culturelles françaises à l’étranger

B. Vocabulaire
1. viser - avoir en vue
un patrimoine - bien de famille, de pays
une suprématie - situation dominante
un investissement - action d’investir dans une entreprise des capitaux destinés à
l’acquisition de moyens de production
une plus-value - augmentation de la valeur d’une chose, qui n’a subi aucune
transformation matérielle
disséminer - répandre en de nombreux points assez écartés
2. converger - tendre au même résultat
attrayant - agréable, attirant

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Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1. Qu’est-ce qui a poussé le gouvernement français à développer une grande action culturelle extérieure ?
2. Dans quelle perspective cette action se situe-t-elle?
3. En quoi consistent les fonctions de la Direction du français?
4. Quelle tendance s’observe dans le domaine de l’enseignement du français à l’étranger?
5. Relevez dans le texte les objectifs d’une nouvelle politique linguistique menée à l’étranger.
6. Quel est le rôle de la Direction des Identités et des Echanges Culturels?

B. L’Expression orale
1.
Qu’est-ce qui, selon vous, peut motiver l’apprentissage du français aujourd’hui?
2.
Quels sont les organisations ou les instituts appellés à élargir l’influence culturelle de la France dans le monde?
3.
Quel sens donnez-vous à la notion “identité culturelle” ? Essayer de définir l’identité ukrainienne.

Le français, image d’un peuple


1 Le français s’est donc acquis une réputation de langue difficicle qui flatte ceux qui parviennent à la
maîtriser: l’attachement d’une élite internationale au français a été longtemps et reste pour certains une forme de
snobisme. Pourtant il est à ces attachements des raisons plus profondes: beaucoup retrouvent en lui, plus ou moins
consciemment, l’image d’une mentalité et d’une culture.
Le français est une langue analytique et propre à l’abstraction, comme en témoigne l’article partitif: je bois de
l’eau. Il aime les mots simples et courts, porteurs d’idées plus que d’images. Il préfère le substantif au verbe, c’est-
à-dire la substance au devenir.
2 Cependant, en français, le mot vaut moins par lui-même que par son contexte. La phrase française,
fortement articulée, où les fonctions obéissent à un ordre strict et rationnel, est un schéma, une sorte de toile
d’araignée qui reproduit un schéma mental - “l’araignée de l’intellect français”, comme dit Madariaga.
3 Comparé à ses voisins - anglais, allemand, italien, espagnol -, sonores et fortement accentués, le français
apparaît d’abord comme une langue atone, effacée. En réalité, sous la continuité de la ligne mélodique, la présence
de l’e muet, en créant une sorte de zone d’ombre, met discrètement en relief les autres voyelles et, tout en assurant
entre les divers éléments de la phrase équilibre et mesure, communique à celle-ci une subtile profondeur.
4 Le français n’est d’ailleurs pas une langue pauvre et rigide, au contraire. Grâce au jeu des prépositions, à
ces mots aux multiples acceptions possibles, c’est une langue toute en nuances subtiles et dont le maniement exige
beaucoup de finesse et de précision. On peut exprimer n’importe quoi en français, mais non pas n’importe
comment: l’imprécision du langage y trahit impitoyablement l’imprécision de la pensée.
Précision en finesse: telles sont, en fin de compte, les caractéristiques essentielles d’une langue ennemie de
la pensée confuse comme du pathos et de l’emphase, caractéristiques qui se résument dans le goût, ce “je ne sais
quoi” qui, sur le plan de l’expression, s’appelle le style.

Guy MICHAUD

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(Le Nouveau Guide France)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. snobisme - admiration pour tout ce qui est en vogue dans les milieux tenus pour
distingués
2. Madariage (Salvador de) - diplomate et écrivain espagnol antifranquiste
(1886-1978)

B. Vocabulaire
3. équilibre - stable, statique
subtil - qui a de la finesse
4. un pathos (littér. et péj.) - ton pathétique excessif
une emphase - ton, style déclamatoire abusif ou déplacé

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Par quoi s’explique l’attachement d’une élite internationale au français?
2. Quelles sont les particularités du français qui sont mises en relief par l’auteur de l’article?
3. Quelle image l’auteur utilise-t-il en soulignant la construction logique de la phrase française?
4. Partagez-vous l’opinion de l’auteur que l’imprécision du langage en français trahit impitoyablement l’imprécision de
la pensée ?
5. Commentez la thèse, défendue dans l’article, qu’une langue est l’image d’une culture et d’une mentalité.

B. L’Expression orale
1.
En vous référant à vos connaissances de l’histoire de la langue et en vous aidant du texte relevez les preuves
d’intéret permanent envers le français.
2.
Quelle est la place du français dans la diversité des langues étrangères en Ukraine d’aujourd’hui?

14
Lettre de Monsieur de Voltaire
à Monsieur de Tovazzi
1 Je suis très sensible, Monsieur, à l’honneur que vous m’avez faite de m’envoyer votre livre de l’excellence
de la langue italienne. Permettez-moi cependant quelques réflexions en faveur de la langue française que vous
paraissez dépriser un peu trop. Vous nous reprochez nos “ ” muets comme un son triste et sourd qui expire dans
notre bouche. Mais c’est précisément dans ces “ ” muets que consiste une grande harmonie de notre prose et de
nos vers: Empire, couronne, diadème, flamme, tendresse, victoire... Toutes ces désinences heureuses laissaent dans
l’oreille un son qui subsiste encore après le mot prononcé, comme un clavecin qui résonne quand les doigts ne
frappent plus les touches.
2 Vous nous reprochez dans notre alphabet de nos misères, de n’avoir qu’un mot pour signifiez “vaillant”, Je
sais, Monsieur, que votre nation est très vaillante quand elle veut. Mais si vous avez “valente”, “proto”,
“animoso”, nous avons “vaillant”, “valeureux”, “preux”, “courageux”, “intrépide”, “audacieux”, “brave”, etc. Ce
courage, cette bravoure ont plusieurs caractères différents qui ont chacun leur terme propre. Vous ne connaissez
que le mot de “savanat”. Ajoutez y, s’il vous plaît, “dot”, “érudit”, “instruit”, “éclairé”, “habile”, “lettré”. Vous
trouverez parmi eux les noms et les choses. Mais croyez-moi, Monsieur, ne reprochez à notre langue ni la rudesse,
ni le défaut de prosodie, ni l’obscurité ni la sécheresse.
Je finis cette lettre trop longue par une seule réflexion. Si le peuple a formé les langues, les grands
hommes les perfectionnent par les bons livres. Et la première de toutes les langues est celle qui a le plus
d’excellents ouvrages.

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Voltaire (François Marie Arouet, dit) - écrivain français (1694-1778). Prince de l’esprit et des idées
philosophiques, idole d’une bourgeoisie libérale anticléricale, maître du
récit vif et spirituel

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelle est la tonalité de la lettre de Voltaire ? Qu’est-ce qu’elle nous fait découvrir de sa personnalité ?
2. En vous référant au texte de la lettre, faites apprécier la richesse et l’harmonie de la langue française.

B. L’Expression orale
1. Commentez la thèse : La première de toutes les langues est celle qui a le plus d’excellents ouvrages.

15
L’Ukraine vue de la France
1 “L’Ukraine n’a pas encore succombé!” Etranges paroles que celles de l’hymne national de l’Ukraine, un
pays pourtant plus grand que la France et peuplé de 51 millions d’habitants.
Dans les capitales occidentales, plus de cinq ans après le démantèlement de l’empire soviétique, que sait-on
vraiment de cet Etat, ce “fantôme de l’Europe”, selon une expression reprise par Leonid Plioutch? N’en retient-on
que l’image, effrayante, de Tchernobyl, monstre nucléaire soviétique laissé en héritage à un pays qui tente
aujourd’hui, maladroitement, d’en faire un argument pour obtenir toujours plus d’aides occidentales?
2 L’époque n’est pas si lointaine où le voyageur qui se rendait à Kiev s’entendait dire: “Ah, vous partez en
Russie...” L’Ukraine émerge. Péniblement. La signature, 19 juillet à Madrid, d’une charte Ukraine-OTAN, est le
dernier épisode en date d’un processus de reconnaissance internationale mené par les Etats-Unis bien plus que par
les Etats européens, qui sont longtemps restés réservés et attentistes à l’égard de ce grand voisin énigmatique.
Ce sont les Etats-Unis qui ont orchestré la dénucléarisation de l’Ukraine, achevée en 1995. Ce sont encore
eux qui manient, face à une équipe dirigeante ukrainienne manquant cruellement de réformateurs zélés, la
politique du bâton et de la carotte. Vous aurez des crédits et des investissements si vous libéralisez votre
économie, dit en substance Washington.
En “consolidant” l’Ukraine, les Etats-Unis espèrent stabiliser la région et décourager tout revanchisme
russe (en partant du principe qu’une Russie expansionniste ne peut qu’être autoritaire et antioccidentale).
L’Ukraine a été le pays le plus visité par l’ancien secrétaire américain à la défense, William Perry. Elles est aussi
devenue, en 1996, le troisième récipiendaire d’aides financières américaines, après l’Egypte et Israël.
3 Qui sont ces Ukrainiens dont la CIA craignait, jusqu’en 1944, qu’ils ne déclenchent une troisième guerre
mondiale en provoquant trop la Russie sur le dossier de la Crimée, péninsule stratégique que se disputaient
Moscou et Kiev? Les Russes ont parfois, pour les désigner, une appellation péjorative , khokhly (à l’origine, la
touffe de cheveux que les Cosaques, défenseurs des marches de l’empire, laissaient sur leur crâne rasé).
D’une certaine façon, l’Ukrainien ne peut s’affirmer qu’en opposition au Russe, l’ancien dominateur,
l’ancien “grand frère”, le cousin slave. C’est là toute la difficulté de la politique d’équilibre entre Est et Ouest que
tente de mener Kiev et dont la charte avec l’OTAN est une illustration.
4 Bien plus que pour les Etats baltes, non slaves et forts du souvenir de l’entre-deux guerres, où ils faisaient
partie de la communauté internationale, l’indépendance est, pour l’Ukraine, une secousse brusque de l’Histoire, un
pari énorme et tardif. Certains, à Moscou, peuvent facilement en contester la “légitimité”: depuis 1654, à
l’exception du bref épisode de la République nationale ukrainienne indépendante (1918-1920), la plus grande
partie du territoire qui constitue aujourd’hui l’Ukraine s’est trouvée sous tutelle russe.
L’Ukraine était, en fait, perçue comme l’une des trois Russie: la Petite (l’Ukraine), la Blanche (La
Biélorussie) et la Grande. Les deux grands écrivains d’origine ukrainienne du XIX-e siècle, Taras Chevchenko (le
poète national) et Nicolas Gogol (Mykola Hohol en ukrainien), ont écrit en russe.
5 Ces références au passé ont de l’importrance: c’est contre un “déficit d’histoire” que se battent les
dirigeants actuels de l’Ukraine, pourtant enkylosés par leur propre parcours d’apparatchiks soviétiques. Alors que
de nombreux salaires ne sont plus versés et que le pays s’enfonce dans la crise, on a élevé, à Kiev, une statue à la
gloire de la reine Olga, première reine au Moyen Age de la Rous ukrainienne, selon les Ukrainiens, première reine
de la vieille Russie, selon les Russes...
6 Le pari de Kiev est donc celui de l’indépendance, contrairement à la Biélorussie voisine, qui nourrit des
velléités de “fusion” avec la Russie. En signant un document avec l’OTAN, l’Ukraine se lance dans une difficile
partie d’échecs avec la Russie, dont elle dépend économiquement, et qui a opposé son veto à tout élargissement de
l’Alliance vers une république ex-soviétique. A peine réglée la question du partage de la flotte de la mer Noire, un
nouveau contentieux se profile ainsi entre Kiev et Moscou. Ce pari international se double d’un autre, interne:
comment assurer la cohésion d’un pays qui compte 11 millions de Russes, où seulement 55% des habitants
considèrent l’ukrainien comme leur langue maternelle?
7 Une partie du territoire (l’Est et la Crimée), encore tournée vers Moscou, réagit frileusement aux aspects
pro-occidentaux de la politique étrangère de Kiev et se méfie de l’OTAN, dont elle dénonce déjà les manoeuvres
navales prévues fin août en mer Noire. Une autre, moins peuplée (l’Ouest), jadis rattachée à l’Autriche-Hongrie et
considérée comme le bastion du nationalisme ukrainien, ne rêve que d’intégrer l’OTAN, “seul refuge contre
l’impérialisme russe”. La charte signée avec l’OTAN divise les Ukrainiens, alors que des échéances électorales
approchent. Les réformes sont au point mort et les crises se succèdent au sein de pouvoir exécutif. La passivité,
l’apathie de la population sont des thèmes souvent évoqués par les sociologues. En proposant de reporter d’un an
les élections législatives prévues en 1998, le président ukrainien, Leonid Koutchma, cherche à désamorcer ces
tiraillements internes, à éviter qu’ils ne donnent prise aux critiques de Moscou et ne menacent l’édifice national.
Au risque de faire dérailler le processus de démocratisation.

Natalie NOUGAYREDE
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(Le Monde. - juillet, 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Léonid Plioutch - Président du Parlement ulrainien de la première législature après la
proclamation de l’Ukraine indépendante
2. OTAN - Oraganisation du traité de l’atlantique Nord. Traité d’alliance à
Washington le 4 avril 1949 par la Belgique, le Canada, le Danemark, les
Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Islande, l’Italie, le
Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et le Portugal, rejoints en 1952
par la Grèce et la Turquie, en 1955 par l’Allemagne fédérale et en 1982
par l’Espagne
Charte Ukraine-OTAN - Traité signé le 19 juillet 1997 à Madrid qui a scellé la coordination de
la politique étrangère de l’Ukraine avec celle de l’OTAN
la dénucléarisation de l’Ukraine - En 1994 l’Ukraine a signé l’accord tripartite avec les Etats-Unis et la
Russie sur la dénucléarisation militaire en échange d’une aide
américaine
revanchisme (m) - attitude politique agressive, inspirée par un désir de revanche
attentisme (m) - attitude politique consistant à attendre que les événements s’annoncent
pour une décision
3. CIA (Central Intelleligence Agency) - Agence centrale de renseignemtns (espionnage, contre-espionnage,
etc.) crée en 1947 et placée sous l’autorité du président des Etats-Unis.
Elle dispose d’unités militaires spéciales, les bérets verts
5. apparatchik - Membre de l’appareil du parti communiste soviétique
6. l’Alliance - O.T.A.N.

B. Vocabulaire
1. un démantèlement de l’empire - destruction de l’empire
succomber - être vaincu dans une lutte
2. émerger - se manifester, se dégager
un récipiendaire - personne qui reçoit
3. déclencher une guerre - provoquer
4. être sous tutelle de qn - être sous la protection de qn; être contrôlé
6. une vélleité - volonté intention qui n’aboutit pas à une décision
un véto - opposition à une décision
un contentieux - conflit non reglé
7. désamorcer - interrompre
un tiraillement - ici: de nombreuses attaques des adversaires politiques
donner prise à - donner sujet à
au risque de faire dérailler - en risquant de ruiner

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. En vous aidant du texte, à quoi pensent les européens quand on mentionne l’Ukraine? Comment considéraient-ils
l’Ukraine à une époque récente ?
2. Quels sont les changements qui sont survenus en Europe à l’égard de l’Ukraine?
3. Quel est le rôle des Etats-Unis, selon l’auteur, dans le processus de « consolidation » de l’Ukraine?

17
4. Qu’est-ce que la signature de la charte Ukraine-OTAN illustre?
5. Comment les Russes désignent-ils parfois les Ukrainiens ?
6. Qu’est-ce qui donne à penser à l’auteur du texte que l’indépendance est pour l’Ukraine un pari énorme et tardif ?
Partagez-vous cette idée?
7. A partir des informations données, pouvez-vous dire quels sont les problèmes du gouvernement ukrainien à l’heure
actuelle?

B. L’Expression orale
1.
En tenant compte de votre expérience personnelle, essayez de définir l’état actuel de l’Ukraine du point de vue de sa
vie politique, économique et sociale.
2.
En vous référant au texte, dites quelle est l’image générale de l’Ukraine en France.
3.
Etes-vous d’accord avec l’opinion de l’auteur que “d’une certaine façon, l’Ukrainien ne peut
s’affirmer qu’en opposition au Russe” ? Donnez vos arguments en vous référant à vos
connaissances historiques. Est-ce que l’Ukraine éprouve vraiment un déficit d’histoire?
4.
Exprimez votre point de vue sur la tonalité générale de l’article.

18
II. CERTAINS ASPECTS DE LA NATION
FRANÇAISE

L’immigration sans racisme ni tabous


Tous les ans 100.000 étrangers deviennent Français. Arrivent 100.00
immigrés et probablement de clandestins.

* * *
1 L’immigration est-elle une cause du chômage français?
Le débat est souvent venimeux et la complexité des données statistisques ne favorise pas la transparence du
dossier.
Jusqu’à présent, l’Etat n’a voulu prendre en compte que les données de l’état civil et du recensement qui ne
retiennent que le seul critère de la nationalité.
Ainsi 3,6 millions d’étrangers ont été recensés en 1990, chiffre remarquablement précédent à ce qu’il était
dans les années 1930. Mais cette stabilité s’explique par la vague de courant qui intègre, tous les ans, quelque
100.000 értangers qui deviennent Français et qui sont remplacés par un nombre équivalent de nouveaux
immigrés.
2 Le rapport officiel de la Directon de la Population et des Migrations (DPM) fait état, pour l’année 1992, de
135.000 nouveaux résidents étrangers permanents (dont 42.000 travailleurs), membres de familles, ou réfugiés
admis en France.
Ces entrées à caractère permanent se répartissent entre 100.000 personnes venant de pays hors CEE et
35.000 ressortissants communautaires. D’autre part, 95.000 personnes ont acquis la nationalité française.
L’Afrique représente 54% de ces nouveaux citoyens français.
Il faut ajouter à ces chiffres le nombre incertain de “clandestins” évalué entre 50.000 et 100.000 personnes
par an dont bien peu, s’ils sont arrêtés, sont reconduits à la frontière.
3 Dans une étude récente (basée sur les données du recensement de 1990) une démographe de l’INED
(Institut National des Etudes Démogaphiques), Michèle Tribalat, a procédé à un travail innovant sur la population
“issue de l’immigration”. De nombreux conjoints de couples mixtes et des enfants nés en France en font partie.
Elle a voulu les inclure dans son analyse en considérant toutes les personnes vivant dans une famille dont le chef
est immigré.
L’étude de l’INED révèle que 1,7 million de jeunes de moins de 17 ans vivent dans une famille issue de
l’immigration, soit 14% du total des jeunes de cet âge. Or, c’est particulièrement chez ces jeunes que le chômage
est le plus important: 30% contre 23% pour l’ensemble des jeunes Français. Les Maghrébins battent tous les
records. A l’âge de 18 ans, un jeune sur deux est sans emploi. Ils viennent augmenter notre taux de chômage, mais
ils sont certainement autant victimes que causes.

100.000 clandestins?
4 Reste le problème le plus épineux qui est celui des “clandestins”: Difficile d’évaluer précisément leur
nombre (50.000, 100.000 personnes, plus?). En 1994, seulement 12.000 reconduites à la frontière ont eu lieu. Les
autres sont laissés en liberté.

L’immigration est-elle une cause de chômage? Certainement oui dans la mesure où les étrangers ont trouvé
des emplois qu’ils occupent toujours. Mais ces emplois, ils ne les ont pas volés, on les leur a bien offerts. Preuve
que les Français n’ont pas souhaité les occuper en leur temps.
Seraient-ils prêts à les assumer aujourd’hui? Peut-être pour quelques-uns. Assurément pas pour tous; tant il
est vrai qu’il est toujours très difficile pour les chefs d’entreprise de travaux publics ou autres branches réputées
“dures” de trouver de la main-d’oeuvre.
5 Quant aux nouveaux immigrés, ils “créent leurs propres emplois, en majorité non substituables aux

19
emplois français” affirme Fodé Sylla, le président de SOS-Racisme. Les commis de cuisine dans les restaurants
asiatiques, les petites mains qui travaillent dans le Sentier ou le veilleur de nuit africain d’un hôtel de moyenne
catégorie à Paris ne seraient pas remplaçables par une main-d’oeuvre autochtone qui n’en accepterait plus les
conditions de travail.
Quelle est la solution? Soit, il n’y a plus de veilleur de nuit, soit ils sont mieux payés pour attirer des
volontaires et donc les clients doivent aussi accepter de payer le prix du service.

A Paris, un enfant sur trois


6 La répartition géographique des étrangers et leur concentration peuvent néanmoins poser de graves
problèmes. Ainsi, dans le département de la Seine-Saint- Denis, 38% des enfants vivent dans une famille dont le
chef est immigré. A Paris, c’est le cas d’un enfant sur trois. Les autres départements de la couronne parisienne
ainsi que les Alpes-Maritimes et le Rhône ont des taux assez semblables avec les problèmes inhérents en terme
d’infrastructures, de frais de fonctionnement des écoles ou de construction de logements.
7 La ville de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) avait entamé, en 1993, une “étude “ sur les naissances
d’enfants de parents en situation irrégulière. Ils étaient 18% dans ce cas nés à l’hôpital public, confronté à des
forfaits hospitaliers non-payés. Une initiative du maire dénoncée par la quasi totalité des hommes politiques et
mise à l’index par la CNIL (Commission nationale de l’infomatique et des libertés).
8 L’immigration est un sujet tellement émotionnel qu’il est soit éludé et recouvert d’un voile pudique par les
uns, soit pris comme un cheval de bataille par la traditionnelle Droite xénophobe. Et aucune étude sérieuse n’a
envisagé le coût positif et négatif de cette immigration récente.

Le Nouvel Observateur
(séptembre, 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. état civil - ensemble des éléments permettant d’individualiser une personne dans
la société
un racisme - attitude négative envers les étrangers
un tabou - se dit d’une personne, qu’on ne peut critiquer, ou d’une chose
qu’on ne peut modifier

2. CEE - Communauté Economique Européenne


DMP - Direction de la Population et des Migrations
3. Michel Tribalat - démographe de l’INED (Institut National des Etudes Démographiques)
un couple mixte - entre deux personnes de nationalités, de races ou de religions
différentes
Maghrébins - personnes d’origine arabe des pays d’Afrique du Nord. Ces pays ont
signé un accord économique (février 1989) instituant l’Union du
Maghreb arabe
5. autochtone - originaire par voie ancestrale du pays qu’il habite
7. Montfermeil - ville de communauté de Seine-Saint-Denis; Métallurgie
un xénophobe - qui est hostile aux étrangers
en situation irrégulière - sans carte de résident ou sans carte de séjour temporaire

B. Vocabulaire
1. venimeux - haineux, perfide
un recensement - opération consistant à dénombrer des individus
2. un réfugié - qui a dû fuir son pays afin d’échapper à un danger

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un clandestin - qui vit en situation illégale
3. innovant - nouveau
4. épineux - qui est plein de difficultés: délicat, embarassant
commis de cuisine - employé subalterne de cuisine
5. petite main - couturière débutante
6. inhérent - essentiel, intrinsèque
7. entamer - commencer, entreprendre
un forfait - le prix ferme et définitif d’un service, d’un travail, d’une taxe
éluder - éviter avec adresse, par un artifice
mise à l’index - proscrite

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Ce texte est composé de trois parties. Quels sont les thèmes annoncés dans le titre et les trois sous-titres ?
2. En vous aidant des données statistiques, parlez des caractères généraux de l’immigration récente en France.
3. Par quel phénomène s’explique le stabilité du nombre des étrangers en France ?
4. Pourquoi le problème des “clandestins” est-il considéré actuellement comme le plus épineux?
5. Peut-on toujours affirmer que les “nouveaux venus” prennent les emplois des Français?

6. Quelle est la situation sociale des famillies des immigrés et surtout des jeunes issus de ces familles ?
7. A quels problèmes est liée l’inégalité de la répartition géographique des immigrés ?

B. L’Expression orale
1. Donnez votre point de vue sur l’importance de l’étude du problème d’immigration.
2. Comparez les problèmes des immigrés en France et dans notre pays. Mettez en valeurs leurs particularités.
3. Parlez du rôle du recensement dans le pays. Servant d’outil pour les chercheurs en sciences sociales, est-ce qu’il a
d’autres avantages ?

Quinze ans de lois sur l’immigration


1 Depuis 1982, treize lois ont réformé l’ordonnance de 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers en France.
1982: le gouvernement Mauroy régularise 150.000 immigrés en situation irrégulière. Il instaure le
certificat d’hébergement.
1984: un délai de six mois après le mariage est instauré pour obtenir la nationalité française. Limites au
regroupement familial. Pas de renouvellement automatique du titre de séjour de dix ans pour les résidents de
moins de trois ans.
2 1986: gouvernement Chirac lois Pasqua (I). Délais après mariage porté à un an. Les formalités d’entrée
sont multipliées. Expulsion immédiate en cas de “menace à l’ordre public”.
3 1989 à 1991: gouvernement Rocard. Les lois Pasqua (I) sont abrogées en 1989 par la loi Joxe. Un
recours suspensif est institué. La situation des parents d’enfants français est régularisée. Pas d’expulsion

21
d’étrangers nés en France.
4
1993-1994: gouvernement Balladur. Lois Pasqua (II). Restrictions au regroupement familial.
Formalités à l’entrée en France durcies. Les jeunes nés en France devront signifier à16 ans leur volonté d’être
Français. Le délai après mariage passe à deux ans. La notion de “but lucratif” est supprimée dans le délit d ”aide
aux étrangers en situation irrégulière”.
5
1996: gouvernement Juppé. Projet de loi Debré. Il prévoyait la notification du départ des étrangers par
l’hébérgement. Reconduites à la frontière facilitées. Le renouvellement de la carte de séjour de dix ans n’est plus
automatique. Mais le projet propose un titre temporaire à ceux qui ne sont ni expulsables ni régularisables.
1997: gouvernement Jospin a continué des efforts pour maîtriser l’immigration.

Le tableau de bord de l’immigration en France


6
L’immigration permanente (58% des entrées) est en baisse de 18% par rapport à
1994 (68.200 en 1995 contre 83.000 en 1994). Ce mouvement de repli a débuté
en 1993, suivant un rythme de 40 à 50% de baisse annuelle. Ce recul a touché
aussi bien le regroupement familial que les entrées pour travail. Du côté des
entrées temporaires, le nombre de demandeurs d’asile continue sa chute amorcée
en 1990 (-21% en 1995). De plus, le taux de rejet de ces demandes a atteint 84%.
7
117.800 entrées en France pour l’année 1995 Les reconduites Le chômage à la
hausse
Les 117.800 Les raisons des La nationalité des Reconduites à la Données fin juin 1996.
entrées entrées enfants frontière effectivement 12,5% - des
Etudiants et Regroupement Estimation 1995 : réalisées
Afrique - 1993 - 8.695 chômeurs sont
stagiaires - familial - 65% étrangers, contre
15.400 Visites - 13% 38,3% 1994 - 11.281
Europe 1995 - 10.058 12% en 1995
Saisonniers et Activités 32% - des
autres - professionnelles occidentale -
étrangers non
13.800 - 12% 23.4%
Asie et ressortissants de
Immigration Statue de l’UE sont au
permanente - réfugiés - 10% Océanie -
18,5% chômage
68.200 10.9% - des
Demandeurs Amériques -
étrangers
d’asile - 11,4%
Europe de ressortissants de
20.400 l’UE sont au
l’Est et ex-
URSS - chômage
8,4%

Le Monde. - du 22 à 23 février 1997

22
Explications
A. Les connotations culturelles
1. Mauroy (Pierre) - homme politique français. Socialiste, député, puis sénateur du Nord et
maire de Lille, il est Premier ministre de 1981 à 1984 et premier
secrétaire du Parie Socialiste de 1988 à 1992
un certificat d’hébergement - document, permettant d’héberger dans un pays

2. Chirac (Jacques) - homme politique français. Président de RPR - Rassemblement pour la


République (1976-1994), maire de Paris (1977-1995), Premier Ministre
de 1974 à 1976 et de 1986 à 1988, il est élu président de la République
en mai 1995
3. Rocard (Michel) - homme politique français. Secrétaire général du parti socialiste unifié
(P.S.U.) de 1967 à 1973, il adhère le parti socialiste en 1974. Ministre
du Plan et l’Aménagement du territoire (1981-1983), ministre de
l’agriculture (1983-1985), il est ensuite Premier ministre de 1988 à
1991. Il a dirigé le P.S. d’avril 1993 à juin 1994
4. Balladur (Edouard) - homme politique français. Membre de RPR, ministre de l’Economie,
des Finances et le Premier ministre lors de la deuxième période de
cohabitation (1993-1995)
5. Juppé (Alain) - Premier ministre de la France avant la dissolution de l’Assemblée
Nationale le 21 mai 1997
7. UE - Union Européenne
8. Lione Jospin - Premier ministre de la cohabitation avec Jacques Chirac

B. Vocabulaire
1. régulariser - donner une forme légale à
instaurer - établir pour la première fois
3. abroger le loi - déclarer nul
un recours suspensif - une démarche pour suspendre l’expulsion
la situation régularisée - situation conforme à la loi
4. un regroupement familial - unification des familles
5. une notification - une information
6. un repli, un recul - une diminution
un demandeur d’asile - celui qui cherche à vivre dans un pays étranger
7. une reconduité à la frontière - expulsion

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. En vous référant aux données du texte, observez l’évolution de la politique française en matière d’immigration
pendant les quinze dernières années et mettez en valeur les efforts du gouvernement français pour contrôler et
régulariser ce problème.
2. Analysez les données statistiques de l’immigration et expliquez ce qui permet au journaliste
de tirer une conclusion sur son recul. Est-ce que ce tableau met en évidence la gravité du problème
de l’immigration en France?

23
France clandestine
1 Chaque fois qu’un gouvernement en crise brandit le mot “immigration”, je pense à l’usage que font les
pays du tiers monde du mot “impérialisme”. Plus particulièrement à l’Algérie de ma jeunesse, qui voulait
s’affirmer contre vents et réalités comme la partie du socialisme idéal et où le simple éternuement du citoyen
passait pour une atteinte à l’ordre public. Le régime avait beau se vouloir parfait, il y avait quand même des
grèves, des pénuries et beaucoup de désespoir. Pour conjurer ces doutes, contourner ces réalités trop triviales pour
la révolution, médias et dirigeants frottaient sur les écrans et les places publiques ce mot magique: “impérialisme”.
La foule n’y croyait pas trop, mais le nombre de loups qui guettaient à la porte l’impressionnait; elle revenait,
épouvantée, chercher le réconfort auprès de ses leaders infaillibles.
2 On voit aujourd’hui jusqu’où peut mener la domestication par la peur. En France, le mot “immigration” est
à lui seul une catharsis. J’imagine des strates de péril jaune, d’invaisions africaines, de hordes d’arabes, de
terroristes sans oublier, bien sûr, l’Islam, la Djihad, comme le dit quelquefois la presse, mettant au féminin ce
masculin arabe, pour mieux sans doute le faire coïncider avec la guerre sainte.
Cette peur de l’Arabe et de l’Islam, qui sont le référent réel du terme “immigration”, remonte à très loin,
puise ses sources dans la mythologie même de la France, puisqu’elle commence avec la Chanson de Roland. Voilà
des siècles que des générations d’instituteurs enseignent aux petites têtes blondes que le neveu de Charlemagne fut
massacré par des musulmans sanguinaires.
Tant pis si l’Histoire soutient que le héros fut taillé en pièces par des... Basques - l’imaginaire populaire en
a décidé autrement. La bataille de Poitiers fait aussi appel à cet imaginaire de l’exacerbation. Les historiens ont
beau clamer que ce brave Charles Martel n’eut à affronter qu’un simple détachement de guerriers effarés, rien n’y
fait.
Passons sur les croisades, les aventures coloniales; passons sur ces travailleurs au charbon ou au four, ces
travailleurs d’Afrique envoyés en première ligne, de Verdun à Monte Cassino, ou ces juifs que l’on convoyait
jusqu’à la porte des camps...
Histoire ancienne... Vint enfin 1981, je pris la décision de quitter l’Algerie pour me mêler à la foule de la
Bastille. Plus tard, de Lyon commença la Marche des beurs; Paris vit défiler dans ses rues les milliers de visages
qui hantent son quotidien et qui, par on ne sait quel miracle, ne sont jamais présents dans ses rêves. J’attends de
voir la tête d’un Arabe dans une pub...
3 Effrayé par cette déferlante, le Parti socialiste fit appel aux pompiers de SOS Racisme pour éteindre
l’incendie maghrébin des banlieues.
A coups de décibels et de rives gauches, le mouvement fut balayé. Mais il restait un autre foyer d’altérité à
réduire: le mot “arabe” conservait sa charge subversive, le verlan le transforma par inversion en “rebeu” et les
médias finirent par le canoniser en “beur”. L’inversion de l’inversion est close, c’est la première invention du
préservatif lexical. Il est des gens qui ne peuvent prendre le mot “arabe” en bouche. On s’étonnera ensuite que
certains parmi ces jeunes soient tentés de prendre le maquis à Roubaix ou à Vaulx-en-Velin.
4 Il y a des années, j’avais rencontré pour les besoins d’une enquête un responsable du Front national. A la
question: “Qu’avez-vous contre les Arabes?”, il me répondit: “Détrompez-vous, monsieur, je n’ai rien contre le
monde arabe, j’ai visité dix fois Grenade”. Il me fallut reformuler ma question: “A quoi pensez-vous quand
j’emploie le mot “immigration”?” Sa réponse fut simple: “Quand j’emploie ce mot, je vois de jeunes Maghrébins
en jeans et baskets, dans la cage d’escalier d’un immeuble”. Il ne doit pas être, hélas, le seul à faire ce genre
d’association. Avant donc d’évoquer ce problème d’immigration clandestine, il faudrait peut-être poser la question
aux élus et aux citoyens: mais à qui pensez-vous donc en votant de telle lois, puisque tous les chiffres affirment
que la population étrangère est la même depuis vingt ans? On se rendra compte peut-être que tous pensent à ces
jeunes Français d’origine arabe, ces “Maghrébins”, comme on dit, qui crèvent d’avoir comme terre natale et pour
tout horizon une cage d’escalier.
Ce jour-là, le problème ne sera plus le même car il ne faudra plus parler d”immigration clandestine”. Et
alors on comprendra que l’enjeu ne consiste pas à empêcher les étrangers d’entrer en France, mais d’amener ces
Français des marges au coeur de la cité.

Mohamed KACIMI EL-HASSANI


(Le Monde. - du 22 à 23 février 1997)

Explications

24
A. Les connotations culturelles
1. un impérialisme (1880) - politique d’expansion et de domination manifestée par un Etat au
détriment de peuples divers, qu’il cherche à placer dans une sujetion
économique, religieuse, culturelle, etc.
2. Chanson de Roland - la plus ancienne des chansons de geste française, composée à la fin de
XI-e s. Elle exprime l’enthousiasme religieux face à l’islam , l’amour du
sol natal, la fidélité au suzerain
Charlemagne (Charles I-er le Grand, - Roi des Francs et empereur d’Occident. Pour maintenir l’unité de son
dit) royaume et imposer son autorité, il organise une puissante
(742-814) administration
La bataille de Poitiers - ancienne capitale des Pictaves, Poitiers devient très vite l’un des
grands foyers religieux de la Gaule. La victoire que Charles Martel y
remporta sur les Arabes en 732 brisa l’offensive musulmane en
Occident
Charles Martel maire du palais. Il impose son autorité aux rois mérovingiens et devient
(vers 682-741) le véritable maître du royaume des Francs
croisade - au Moyen Age, expédition militaire lancée à l’appel d’un pape et
dirigée contre infidèles, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas chrétiens (les
musulmans surtout)
Verdun - référence à la Bataille de Verdun de 1916, principale bataille de la
Première Guerre Mondiale
un beur - enfant de parents arabes habitant en France
3. un verlan - argot, codé dans lequel on inverse les syllabes de mots
Roubaix - ville au nord-est de Lille. Centre textile
Vauls-en-Velin - chef-lieu de communauté du Rhône
S.O.S. Racisme - Association fondée en 1984 pour lutter, en France, contre toutes les
formes de racisme
4. Front national - parti politique français, créé en 1972, de tendance d’extrême droite et
ayant pour président Jean-Marie Le Pen
Grenade - ville d’Espagne (Andalousie), au pied de la sierra Nevada. Le royaume
arabe de Grenade fut fondé au XI-e s.; sa capitale fut prise en 1492 par
les Rois Catholiques

B. Vocabulaire
1. brandir - agiter en élevant pour attirer l’attention
un éternuement - expiration brusque et bruyante par le nez et la bouche
une pénurie - manque de ce qui est nécessaire
conjurer les doutes - écarter, détourner, dissiper
guetter - observer en cachette pour surprendre
infaillible - qui ne peut tromper, qui a des résultats assurés
2. une domestication - soumission
un péril jaune - un grand péril
une exacerbation - action de rendre un mal plus aigu
hanter - obséder
effaré - qui éprouve un effroi mêlé de surprise
3. une déferlante - manifestation de grande ampleur
altérer - changer en mal
prendre le maquis - devenir résistant
un enjeu - mesures qu’on met en jeu

25
Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1. De quelle catégorie sociale est-il question dans l’article ?
2. Quelle est l’attitude générale des Français envers les personnes d’origine arabe ?
3. Que connote le terme « immigration » pour la plupart des Français ?
4. Comment l’auteur explique-t-il la génèse de l’attitude négative des Français pour l’Arabe ?
5. Trouvez les détails qui indiquent que les droits des Français issus de l’immigration ne sont pas toujours respectés,
ce qui rend difficile leur intégration dans la société française.
6. Quelle est l’attitude du journaliste envers le problème traité ? Quelle pourrait en être la solution ? Justifiez votre
réponse en citant des expressions du texte.

B. L’Expression orale
1. A partir les informations données, exprimez votre opinion sur le problème de la situation sociale des Maghrébins en
France. Peut-on les considérer comme opprimés?
2. Et en Ukrain, est-ce qu’il existe des groupes éthniques qui se trouvent en marge de la société et qui éprouvent des
difficultés d’intégration ?

Une nouvelle loi sur l’immigration


1 Devant la commission des lois du Sénat, à laquelle il présentait, mercredi 22 janvier, le projet de loi sur
l’immigration, le ministre de l’intérieur, Jean-Louis Debré, a demandé le maintien de plusieurs dispositions
introduites par l’Assemblée nationale le 19 décembre. Il souhaite notamment, selon le compte rendu de son
audition, conserver les articles ajoutés au projet par les députés “sur les conditions de renouvellement ou de retrait
de la carte résident”. Aujourd’hui “de plein droit”, le renouvellement pourra à l’avenir - selon le texte adopté sur
proposition de Jean-Pierre Philibert, député (UDF-PR) - être refusé en cas de “menace pour l’ordre public”.
2 M.Debré a manifesté son “intérêt” pour la mesure visant à autoriser le relevé et la mémorisation des
empreintes digitales des étrangers qui demandent à séjourner en France. Il a donné son avis, aussi, à la possibilité
de retirer leur carte de résident ou carte de séjour temporaire aux employeurs de clandestins. Il juge “intéressante”
la possibilité d’interdire un nouveau regroupement familial moins de deux ans après un divorce si celui-ci est lui-
même intervenu moins de deux ans après un premier regroupement. Une mesure analogue avait été censurée par
le Conseil constitutionnel en 1993.
3 Parmi les rares “regrets” du ministre figurent les modifications apportées par les députés à l’article 4 du
texte, qui fixe les catégories de régularisables. L’Assemblée nationale avait décidé d’exclure de ce bénéfice les
étrangers présents en France depuis plus de quinze ans.
Dans la foulée, les députés avaient même adopté un amendement de Suzanne Sauvaigo (RPR) permettant
la reconduite à la frontière de cette catégorie jusque-là protégée. Sur ce point, M.Debret souhaite revenir au texte
initial du gouvernement, “à la fois juste et équilibré”. Evaluant à une cinquantaine de cas par an les personnes
concernées, M.Degré a affirmé que cette catégorie “est appelée à disparaître, dans l’avenir, grâce à un meilleur
contrôle des flux migratoires”.
4 Concernant les nouvelles dispositions sur les certificats d’hébergement, qui ont fait l’objet d’un avis négatif
du Conseil d’Etat, M.Debré a annoncé qu’une circulaire sera envoyée aux préfets afin d’établir des règles précises
pour permettre une application plus homogène de la loi, dont les préfets devraient en outre rendre compte
régulièrement”. De son côté, l’Association des maires de France a fait savoir, jeudi, qu’elle est hostile à l’extention
des pouvoirs des maires en matière de contrôle des hébergements.

26
Jean-Baptiste de MONTVALON
(Le Monde. - 25 janvier 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. J.-L.Debré - Ministre de l’intérieur dans le gouvernement d’Alain Juppé
le Sénat - Assemblée, qui, avec l’Assemblée Nationale, constitue le Parlement
français
l’Assemblée Nationale - réunion de députés, d’élus, qui délibèrent ensemble sur les questions
politiques
UDF - Union pour la démocratie française, formations politique, née en 1978,
regroupant notamment le parti radical, le parti républicain, le Centre des
démocrates sociaux et le parti social-démocrate
PR - parti républicain
2. Le Conseil constitutionnel - un organisme chargé de veiller au respect de la Constitution
un employeur de clandestins - personne qui emploie des salariés immigrés non déclarés
3. RPR (Rassemblement pur la - formation politique française, issue de l’U.D.R. (Union des
République) Démocrates pour la République), fondée par J.Chirac en décembre
1976; elle se présente comme l’héritière du gaullisme
4. Le Conseil d’Etat - juridiction administrative suprême, chargée de donner des avis sur les
décrets et les projets de loi

B. Vocabulaire
1. une disposition - point fixé, réglé par une loi
2. une empreinte digitale - traces laissées par les doigts et qui permettent d’identifier qqn: relevé
des empreintes digitales
censurer - interdire, critiquer
3. dans la foulée - de près
un amendement - modification proposée à un texte soumis à une assemblée délibérante
flux migratoire - le mouvement des immigrés
4. être hostile à - ne pas accepter

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelles sont les conditions de renouvellement et de retrait de la carte résident selon le projet Debré?
2. Citez d’autres mesures qui visent à renforcer le contrôle des étrangers en France.
3. A partir des informations données précisez les avis des députés sur la catégories des
“régularisables”.
4. Exposez les nouvelles dispositions sur les certificats d’hébergement. Qu’est-ce que vous en pensez ?

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B. L’Expression orale
1. Qu’est-ce qui caractérise aujourd’hui les attitudes des Français envers les étrangers? Quelle est la
politique du gouvernement français en matière d’immigration?
2. Partagez-vous l’idée que les immigrés peuvent représenter “une menace pour l’ordre public”?

La délocalisation, substitut à l’immigration


1 On l’oublie trop dans le débat actuel: la délocalisation est la résultante logique de la façon dont fonctionne
notre économie et dont nous avons adopté nos comportements aux nouvelles contraintes mondiales depuis une
quinzaine d’années. La réduire autoritairement nous pénaliserait sans l’assurance de la moindre contrepartie.
A la fin des “trente glorieuses”, il s’est avéré qu’il n’était plus possible d’assurer l’augmentation de notre
niveau de vie à l’aide de moyens tels qu’une forte croissance de la consommation des biens durables. Il fallait
donc rechercher d’autres voies permettant la baisse du coût de la consommation. L’une des principales était de
modifier nos relations commerciales avec les autres pays industrialisés et les tiers-monde.
Vis-à-vis de ces derniers, l’assistance et la garantie du prix des matières premières ayant échoué en tant
que moyens de développement, on a préféré, à travers la politique du FMI, appliquer le principe “aide-toi, les pays
occidentaux t’aideront”. Il devait jouer en faveur aussi bien des pays en voie de développement que des pays
industriels.
2 Si les premiers réussissaient à réduire leur déficit public et leur inflation, ils pourraient rendre leur monnaie
convertible, attirer les capitaux des pays riches, donc profiter de la délocalisation et utiliser leur principal avantage
compétitif - une main-d’oeuvre bon marché et, dans certains pays, bien formée. Les seconds, quitte à sacrifier
quelques productions peu compétitives, bénéficieraient de la vente de biens et des services complexes à ces pays et
de l’achat de produits de qualité meilleur marché que ceux qu’ils étaient capables de produire eux-mêmes.
Si on laisse de côté les flux financiers qui ont été libérés sans grande difficulté, ce type d’économie
mondiale, où les coûts d’un travail identique varient de 1 à 50, suppose normalement la multiplication des
échanges de biens et services par l’importation et la délocalisation, ainsi que l’ouverture à des flux humains à
travers l’immigration. Ces facteurs se combinent de façon variable suivant les secteurs et les pays.
Certains, comme les Etats-Unis, ont choisi d’accepter un nombre important d’immigrants, ce qui explique
en partie la baisse du salaire réel depuis vingt ans, qui a sensiblement amélioré la compétitivité de leurs
entreprises. Une autre solution consiste à démanteler les mécanismes de protection sociale et à faire baisser ainsi le
coût de la main-d’oeuvre, mais sans immigration. C’est dans une certaine mesure, ce qu’essaie de faire la Grande-
Bretagne. Mais d’autres pays, comme la France, se sont ouverts au commerce des marchandises et des services en
résistant jusqu’à récemment à la baisse directe du coût de la main-d’oeuvre tout en se fermant à l’immigration.
3 L’ouverture de tous les marchés, sauf celui des hommes, ne peut que provoquer des perturbations et des
incohérences, et la seule solution qui reste pour éviter la marginalisation économique est la délocalisation qui est
une alternative à l’importation, elle est également un substitut à l’immigration.
Quand, dans un univers économiquement ouvert et concurrentiel, on ne veut plus faire venir dans ses usines
des travailleurs étrangers moins coûteux, il ne reste qu’à exporter le travail vers les pays où le main-d’oeuvre est
moins chère. Et la délocalisation, qui consiste, pour une entreprise, à faire produire tout ou partie de ce qu’elle
vend en France et à l’étranger dans des pays à mains-d’oeuvre moins coûteuse n’est pas la formule la moins
défavorable pour notre économie.
Par rapport à l’immigration, elle permet de profiter de coûts salariaux moins élevés que ceux d’une main-
d’oeuvre immigrée qui bénéficierait de notre protection sociale. Elle est donc plus avantageuse pour le
consommateur. En termes d’emplois, elle est souvent, pour le dirigeant, une alternative à la fermeture face à une
concurrence irrésistible. Elle laisse fréquemment une activité, par exemple de conception et/ou de montage en
France et limite de ce fait les dégâts par rapport à la disparition totale de l’activité. La délocalisation permet aussi
une souplesse identique à celle de l’importation, mais très supérieure à celle que procure l’immigration. Quand les
coûts de main-d’oeuvre deviennent excessifs dans un pays, on peut déplacer la production ailleurs sans trop de
difficultés.

28
4 Avec la délocalisation, on peut espérer des revenus qui ne proviennent pas seulement de ventes en France,
mais aussi d’exportations à partir des pays de production, et qui reviennent sous forme de dividendes en France, où
ils peuvent être investis pour la création de nouveaux emplois, alors qu’avec l’importation simple seul le
consommateur, le producteur étranger et l’intermédiaire bénéficient de l’échange.
L’inconvénient par rapport à l’immigration, est que la délocalisaiton nécessite des délais, impose des coûts
de transport élevés, expose à des tracasseries administratives, à des pots de vin, à des malentendus plus nombreux
que dans son propre pays et réduit la consommation en France.
5 Pour résumer, on peut dire, avec ces quelques réserves, que la délocalisation, c’est les avantages de
l’immigration sans les inconvénients, et les mêmes inconvénients que l’importation avec quelques avantanges en
plus. Il faut donc réfléchir avant de la limiter.
Certes, si les règles françaises ou européennes ne sont pas appliquées, il faut y remédier. Il conviendrait
aussi que les nouveaux pays industrialisés réduisent leurs droits de douane et autres limitations aux importations
au fur et à mesure de leur développement. Mais il serait préférable d’agir plutôt au niveau européen que français
pour éviter les détournements d’échanges qui profiteraient essentiellement à nos partenaires.
On envisage aussi des suppositions fiscales afin de maintenir l’emploi en France. Substituer une base
foncière à une base salariale pour la taxe professionnelle peut avoir des effets pervers et favoriser... une
délocalisation vers des zones dépourvues de ce type de taxe! Transférer le financement des charges sociales de la
CSG (contribution sociale généralisée) à la TVA n’est pas non plus une panacée, et n’irait pas dans le sens d’une
harmonisation européenne. La TVA pénalise toutes les importations, et pas seulement les produits de la
délocalisation. Comment le justifier, alors que, malgré nos malheurs, nous parvenons depuis quelque temps à
vendre plus à l’étranger que nous ne lui achetons?
La nouvelle majorité a appelé de ses voeux une économie ouverte qui ne pourrait qu’apporter plus de
croissance. La délocalisation en fait partie et la limiter présenterait globalement plus d’inconvénients que
d’avantages.

Marc CHESNEY et Didier PENE


(Le Monde. - 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. La délocalisation - l’installation de la production économique française dans d’autres pays
Tiers-monde - ensemble des pays peu développés économiquement, issus de la
décolonisation
Trente Glorieuses (les) - nom donné, d’après un ouvrage de J.Fourastié (1979), aux trente
années de croissance de l’économie française entre la fin de la Seconde
Guerre mondiale et 1975
FMI (fonds monétaire international) - organisme crée en 1944, et qui a pour but d’assurer la stabilité des
changes et de développer, sur le plan monétaire, la coopération
internationale
6. TVA - taxe sur la valeur ajoutée

B. Vocabulaire
1. pénaliser - infliger une peine, une punition
s’avérer - être reconnu comme vrai
une assistance - secours donné ou reçu; institution ou administration qui est chargée de
l’aide sociale
2. compétitf - qui peut supporter la concurrence du marché
démanteler - abattre, détruire
3. une perturbation - irrégularité dans le fonctionnement d’un système
une marginalisation - référant à la théorie du marginalisme, selon laquelle la valeur
d’échange est déterminée par celle de la dernière unité disponible d’un
produit
limiter les dégâts - éviter le pire

29
4. une tracasserie - difficulté ou ennui qu’on suscite à qqn dans un esprit de chicane et de
vexation mesquine
5. une base foncière - qui constitue un bien-fonds
des effets pervers - qui témoignent de la corruption
transférer - transporter en observant les formalités prescrites
une panacée - formule par laquelle on prétend tout résoudre

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelles sont les nouvelles voies économiques permettant la baisse du coût de la consommation en France?
2. Qu’est-ce qui peut servir de base dans les relations commerciales de la France avec d’autres pays?
3. Relevez les stratégies différentes des pays industriels et des pays en voie de développement face à l’ouverture des
marchés et à la délocalisation du travail.
4. Mettez en évidence les avantages de la délocalisation économique qui est une alternative à l’importation et à
l’immigration.
5. Peut-on observer pourtant quelques inconvénients de la délocalisation par rapport à l’immigration?

B. L’Expression orale
1. Résumez en bref le contenu de l’article sur la délocalisation et exprimez votre opinion sur la mobilité du
gouvernemnt français dans la recherche de nouvelles voies économiques, les meilleures, face à la mondialisation de
l’économie.
2. Est-ce que le phénomène de la délocalisation touche aussi l’économie de l’Ukraine?

Code de la nationalité:
Qu’est-ce que c’est?
1 Inséré depuis 1927 dans le Code civil, il définit la qualité de Français de naissance, de Français d’origine, mais
aussi les règles permettant à un étranger d’acquérir la nationalité française. Cette acquisition peut résulter de
l’exercice d’un droit (simple déclaration) ou d’une décision de l’Etat (naturalisation par décret).
2 Il stipule qu’est Français à la naissance:
- par filiation: l’enfant dont l’un des parents au moins est Français. C’est l’apllication du “droit du sang”
(“jus sanguinis”) au cas d’enfants nés de deux parents français ou d’un couple dont l’un des deux parents est
français (le principe du “droit du sang”, hérité du droit romain, a été reconnu de façon autonome en 1756 et est
devenu prédominant dans le Code civil de 1804).
- par la naissance en France: l’enfant né en France de parents inconnus ou apatrides est Français. C’est
l’application du “Droit du sol” (“jus soli”) introduit dans le droit français en 1515, dominant sous la monarchie, il
a été confirmé par la Constitution de 1791, avant d’être élargie en 1851, 1889 et 1973.
3 Est également Français, l’enfant né en France lorsqu’un de ses parents y est lui-même né. C’est
l’application du “double droit du sol”, instauré en 1851. Ce principe fait systématiquement accéder à la nationalité
française les petits enfants d’immigrés. Il s’applique aux enfants de parents nés dans d’anciennes colonies ou
territoires d’outre-mer. Ainsi les enfants d’Algériens nés en France après le 1-er janvier 1963 sont Français dès

30
leur naissance si leurs parents sont nés avant le 3 juillet 1962, c’est-à-dire lorsque l’Algérie était française.
Si un seul des parents est étranger, l’enfant peut répudier la nationalité française pendant les six mois
précédant sa majorité.
4 On peut également acquérir la nationalité française:
- par mariage: sur simple déclaration, dans un délai de six mois (depuis 1984), à condition que la
communauté de vie n’ait pas cessé. Le gouvernement peut s’opposer à cette acquisition, dans l’année qui suit la
déclaration, “pour indignité ou défaut d’assimilation”.
- sans formalité, par la naissance et la résidence en France: tout enfant né en France de parents étrangers
devient Français à 18 ans s’ils a eu sa résidence habituelle en France pendant les cinq ans qui précèdent.
- par déclaration: l’enfant mineur né en France de parents étrangers peut souscrire une déclaration de
nationalité entre 16 et 18 ans avec l’autorisation de ses parents, à condition d’avoir sa résidence en France depuis
cinq ans. Avant 16 ans, les parents érangers peuvent effectuer cette démarche pour le compte de l’enfant, à
condition qu’ils vivent eux-mêmes en France depuis au moins cinq ans.
- par naturalisation: tout étranger majeur peut demander sa naturalisation, à condition d’avoir sa résidence
habituelle en France depuis cinq ans, de justifier de ses “bonnes vies et moeurs” et “de son assimilation à la
communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française”.
5 Dans tous les cas, l’acquisition de la nationalité est subordonnée à deux autres conditions: que le
demandeur n’ait pas fait l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’assignation à résidence, ni d’une condamnation
pour crime, ni d’une peine de six mois de prison, ni d’une peine quelconque d’emprisonnement pour vol, coups,
violence, proxénétisme.

Le Français dans le monde. - 1996

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Code civil - ouvrage qui réunit la législation relative à l’état et à la capacité des
personnes à la famille, au patrimoine et à sa transmission, aux contrats,
obligations et sûretés
2. une majorité - âge légal à partir duquel une personne devient plainement responsable.
La majorité est fixée en France à 18 ans
5. un proxénétisme - activité illicite consistant à tirer profit de la prostitution d’autrui ou à la
favoriser

B. Vocabulaire
2. stipuler - proclamer
une filiation - lien de parenté unissant l’enfant à son père et sa mère
un apatride - personne dépourvue de nationnalité légale, qu’aucun État ne considère
comme son ressortissant
répudier - renoncer à
une assimilation - processus d’assimiler les peuples, ctd d’adopter la culture d’un pays
d’accueil
un enfant mineur - qui n’a pas abouti à l’âge de la majorité
une naturalisation - action de conférer la nationalité du pays où il réside à un individu d’un
autre nationalité ou à un apatride
un étranger majeur - adulte
4. justifier de ses “bonnes vies et moeurs” - se montrer une personne ne présentant pas de menace à la société
5. une expulsion d’un pays - reconduite à la frontière

31
Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1. Qu’est-ce qui est défini par le Code de la nationalité?
2. Qui peut être considérée comme Français de naissance ?
3. En quoi consiste le principe du “double droit du sol” ?
4. Comment l’enfant peut-il répudier la nationalité française si un de ses parents est étranger ?
5. Quels sont les prétentions légitimes, obligatoires pour acquérir la nationalité française?
7. Mettez en valeur les conditions dans lesquelles l’acquisition de la nationalité française est impossible.

B. L’Expression orale
1. Dites si la nationalité joue un rôle important dans la société actuelle.
2. Quels problèmes se posent devant les immigrés qui veulent acquérir la nationalité française?
3. Connaissez-vous le contenu du Code de la nationalité ukrainienne ? Comparez-le avec les idées du Code français et
commentez.

Comprendre la Corse
1 Il est, d’une façon générale, difficile d’analyser la situation politique, économique, culturelle, d’un pays ou
d’une région, sans faire référence à son histoire. Dans le cas de la Corse, c’est tout simplement mission
impossible! La Corse a une histoire différente de celle des autres régions françaises. En outre, c’est une île. Or
c’est un phénomène classique: une île vit davantage sa propre vie, les traditions pèsent plus et durent plus
longtemps, les évolutions sont plus lentes. Dans le cas de la Corse, cette singularité a toujours tenu - et tient encore
- une place considérable. Au point qu’à travers les années et même les siècles, on constate une incroyable
similitude dans les comportements et les habitudes rapportés par tous ceux qui, à un titre ou un autre (du haut
fonctionnaire qui rend compte à son administration aux auteurs de l’Antiquité), ont écrit sur l’île.

2 LA VIOLENCE
Même si c’est difficile à admettre, la Corse n’est pas dans la même situation que les autres régions
françaises. Dans l’ensemble, les sociétés méditerranéennes, bâties sur des modèles familiaux rigides, où l’on ne
badine pas avec l’honneur et les traditions, sont marquées par la violence. Ce trait est encore accentué en Corse par
l’Histoire: pendant des siècles, l’île a été soumise à de multiples invasions et colonisations, avec leur cortège
habituel de batailles, pendant la phase de conquête, puis de violences de la part du nouvel occupant pour asseoir sa
domination. Le recours fréquent à la violence, l’habitude de faire justice soi-même . faute d’avoir pu, pendant très
longtemps, se fier à la justice “officielle” - ont ainsi profondément marqué une île où un culte des armes se
transmet toujours de génération en génération. La vendetta, elle, a fait dans le passé des milliers de morts.

3 LE SYSTEME POLITIQUE
Là encore, les traits généraux des sociétés méditerranéennes se mêlent à l’histoire particulière de la Corse.
Le système politique tradtionnel, en Méditerranée, est ce qu’on appelle le clientélisme, autrement dit un système
bâti plus sur des réseaux de liens personnels que sur des convictions politiques. En Corse, cela s’est traduit par un
système de clans, dont l’origine repose sur la nécessité de faire corps pour se défendre contre les agressions
extérieures. Dans ce contexte, la solidarité du clan passe avant tout le reste, même si le péril extérieur a disparu. Ce
système, pérennisé et perverti, se traduit par un système de “faveurs” accordées par l’élu en échange des voix des
électeurs.

4 LES RELATIONS AVEC L’ETAT

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De nombreux observateurs pensent que la République n’a jamais vraiment trouvé sa place en Corse, malgré
des périodes, comme 1914-1918, où l’ensemble de la Corse participait intensément au sentiment national français.
Dans un entretien récent au Monde, Jean-Louis Fabiani, sociologue et ancien directeur des affaires culturelles de
l’île citait un article paru il y a dix ans dans la revue Etudes rurales, qui observait que l’attitude de
l’administration française en Corse a toujours été caractérisée par “un mélange désordonné d’autorité et
d’indifférence, d’interventionnisme et de laisser-faire, de trop plein et d’absence”. La conquête de la Corse s’est
faite par les armes. L’île est donc restée longtemps sous une surveillance particulière. Après sa pacification, l’Etat,
pour résumer, s’est toujours demandé par quel bout appréhender l’inextricable “problème corse”. La volonté de
développer l’île - à travers des plans d’actions économiques souvent mort-nés ou rapidement oubliés - a alterné
avec des périodes où Paris a semblé s’accommoder de son sous-développement, installant un système d’assistanat,
via les élus qui renforçaient ainsi leur pouvoir. Tout le monde y a trouvé son compte mais les effets à long terme
sont catastrophiques.

Les Clés de l’info. - février, 1997

Explications
A. Les connotations culturelles
2. une vendetta - coutume corse selon laquelle la poursuite de la vangeance d’une
offense ou d’un meurtre se transmet à tous les parents de la victime et
s’étend à tous les membres de la famille ennemie
3. un clientélisme - péj.: Fait, pour un homme politique ou un parti, de chercher à élargir
sa clientèle par des procédés plus ou moins démagogiques
4. un interventionnisme - doctrine préconisant l’intervention de l’État dans les affaires jusqu-là
réglées entre particuliers, mais sans modification radicale des structures

B. Le vocabulaire
1. une similitude - ressemblance
2. rigide - qui garde sa forme, ne se déforme pas
badiner - plaisanter avec enjouement
se fier à qch - accorder sa confiance
3. faire corps avec - ne faire qu’un, s’unir
pérennisé - immortel, durable
perverti - corrompu
de faveurs - de privilèges
4. appréhender - envisager
inextricable - qu’on ne peut démêler, très embrouillé

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelles sont les particularités de la Corse par rapport aux autres régions françaises?
2. Trouvez les arguments dans le texte qui expliquent pourquoi la Corse est marquée par la violence et le culte des
armes pendant toute son histoire.
3. Comment le clientélisme se traduit-il dans le système politique de Corse ? Expliquez le sens de l’expression “système
de faveurs”?
4. Commentez l’attitude de l’administration française à la Corse. Quelles sont les conséquences “du problème corse”
pour la France?

33
B. L’Expression orale
1. Par petits groupes, réfléchissez sur l’originalité des caractères et des moeurs de la population corse en vous référant
aux oeuvres littéraires étudiées, aux personnages historiques, aux films que vous avez vus. Mettez vos idées en
commun et discutez-les.
2. A votre avis, y-t-il des points communs entre le problème corse et le problème de la Crimée en Ukraine ? Que
savez-vous des tendances autonomistes de la population de Crimée ?

Un LYCÉEN très breton...


1 Tout commence en 1977 avec la création (légale) des deux premières classes Diwan (en breton: le germe),
à Ploudalmezeau et à Quimper. Une maternelle (laïque) où les professeurs enseignent en breton a une quinzaine
d’enfants. L’association Diwan est alors composée de quelques familles de militants régionalistes convaincus, et
désireux que leurs enfants soient parfaitement bilingues (breton-français).
2 Un programme lourd.
Non sans difficulté, l’association s’est progressivement développée un peu partout en Bretagne, au point
qu’aujourd’hui ce sont plus de 1400 élèves qui sont scolarisés dans les 24 établissements Diwan! Un tel nombre
impliquait la création d’un lycée adaptée. Ce sera fait l’an prochain, à Carhaix.
Pour les élèves, le programme est assez lourd: toutes les matiéres sont enseignées en breton, sauf
l’instruction civique, la technologie et les mathématiques qui sont en français. À partir de la 4-e, l’histoire et la
géographie de la Grande-Bretagne (6h) sont enseignées en anglais, ainsi que les sciences naturelles.
Pour Loïc, 14 ans, “pas de problème”. Il n’y a “qu’en math et en physique ou c’est un peu galère... je
comprends très bien les énoncés en français, mais j’ai un peu de mal à rédifer les ré ponses; les mots bretons me
viennent plus naturellement”. Malgré cette difficulté, Loïc est dans les premiers de sa classe.
L’expérience bretonne ayant fait la preuve de sa valeur, voici que les Corses viennent d’ouvrir un lycée de
ce type à Ajaccio. Et l’on parle déjà d’un lycée basque!

Les Clés de l’info. N° 247 - du 3 à 9 avril 1997

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Ploudalmezeau - chef-lieu de commune du Finistère sur la Manche
Quimper - chef-lieu du Finistère, anc. capitale du compté de Cornouaille, sur l’Odet, à
551 km à l’ouest de Paris; Évêché. Centre administratif et commercial
une école laique - école publique distribuant un enseignement neutre sur le plan confessionnel
une personne bilingue - qui use couramment de deux langues différentes dans le milieu où elle se
trouve
2. Carhaix ou Carhaix-Plouguer - chef-lieu de commune du Finistère. Foires. Industrie alimentaire.
une instruction civique - éducation, destinée à préparer les élèves à leur rôle de citoyen
Ajaccio - chef-lieu de la collectivité territoriale de Corse et du département de la
Corse du Sud, sur la côte ouest de l’île. Située sur une rade magnifique, la
ville est un centre touristique et commercial

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B. Vocabulaire
1. un germe - élément microscopique qui, en se développant, produit un organisme ;
une pousse ; une origine
laïque - qui est indépendant de toute confession religieuse
2. impliquer - engager, mettre en cause
civique - relatif au citoyen
c’est un peu galère - c’est difficile, fatiguant, pénible
avoir du mal à faire qch - avoir de la peine à faire qch

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. De quelle idée est née l’association scolaire de Diwan en Bretagne ? En quelles langues enseigne-t-on à ces écoles ?
2. Pourquoi, selon vous, l’expérience bretonne a-t-elle atteint une popularité étonnante et sert d’exemples à suivre aux
autres groupes de nationalité française ?

B. L’Expression orale
1. L’enseignement en langue maternelle est-il un problème d’actualité en Ukraine?
2. Pouvez-vous citer quelques établissements scolaires situés dans votre ville, où l’on enseigne en langue maternelle de
certains groupes éthniques?
3. A votre avis, quelle est la portée sociale de tels établissements en France ainsi qu’en Ukraine?

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III. CERTAINS ASPECTS DE LA SOCIETE FRANÇAISE

La société française des années 90


1 Vue de loin, par exemple d’un pays en voie de développement, la France apparaît comme une espèce de
paradis. N’est-elle pas le pays au monde le plus visité par les touristes? A mesure que l’on s’en approche,
apparaissent, ça et là, quelques tâches plus sombres qui ont pour nom exclusion, racisme, violences urbaines, etc...
Au point d’occulter ce qui en fait encore l’harmonie et l’originalité.
2 Quelques chiffres, tout d’abord, pour mieux cerner l’état de la France: au 1-er janvier 1995, la France
métropolitaine comptait 58 millions d’habitants, soit 248000 de plus que l’année précédente. Un taux
d’accroissement (0,43%) à peine à celui de l’Union européenne (0,3%) qui, elle, comptait 371,5 millions
d’habitants. Fait encourageant, le nombre de naissances, en recul depuis 1992, s’est quasiment stabilisé en 1994
à708000. Hors immigration, la France est donc le pays d’Europe dont la population a le plus augmenté l’an
dernier. Amorce de reprise démographique ou feu de paille? L’avenir le dira, largement conditionné par la crise
sociale qui couve et qui pourrait inciter beaucoup à revoir à la baisse le nombre d’enfants désirés.
3 Un spectre conditionne actuellement tous les autres: le chômage. Mal-être et tensions dans les quartiers en
difficulté, conflits dans les universités, la pluparts des grands problèmes dits de société sont conditionnés par la
raréfaction et la précarité de l’emploi. Chez les jeunes, le phénomène est particulièrement inquiétant: actuellement,
en France, deux chômeurs sur cinq ont moins de trente ans: l’alternance chômage-emploi précaire devient pour
une grande majorité le lot commun. Parallèlement, apparaissent, de plus en plus nombreux, des ilôts de grande
précarité: près de 2.200.000 personnes occupent des logements hors-nombre ou, plus simplement, vivent dans la
rue.
4 Inquiets, les Français observent cette réalité, ce tissu social qui, insensiblement, se délite. Ça et là
apparaissent de nouveaux comportements, sans doute plus liés à la crise qu’il n’y paraît: recul de l’âge adulte et
apparition d’une nouvelle période de la vie, intercellée entre la fin de l’adolescence et le début de l’indépendance
financière que procure un emploi stable; diminution du nombre de mariages; augmentation du nombre des familles
monoparentales et des familles recomposées. Tout se passe comme si, sous l’effet du chômage et de la crise
économique, il était aussi difficile de créer une nouvelle famille que de quitter sa famille d’origine.
5 En comparaison, à l’autre extrémité de la vie, la situation des retraités apparaît moins difficile,
essentiellement parce qu’ils disposent souvent d’un patrimoine de rapport. Il n’en reste pas moins que, les progrès
de la médecine aidant, le nombre de personnes âgées et très âgées ne va cesser de croître, posant du même coup de
redoutables problèmes de tous ordres. A l’évidence, bien qu’il soit encore trop tôt pour enmesurer les exactes
conséquences, la réforme de la protection sociale que vient d’annoncer Alain Juppé, devrait entraîner de profonds
bouleversements. Sur un autre plan, le développement des techniques de communication pourrait lui aussi, à
terme, modifier bien des habitudes et des modes de vie.
6 Dans un tel contexte, on voit poindre, de manière quelque peu disparate et ponctuelle, des tentatives
d’innovation culturelle et politique. Dans les banlieues, en particulier, loin des stéréotypes, apparaissent de
nouveaux langages, de nouvelles musiques, de nouveaux comportements de l’inspiration pluriethnique, beur en
particulier. Une manière de désaveu

pour tous ceux qui prétendent que l’intégration est impossible et que la seule manière de résoudre les problèmes
auxquels est confrontée la société française est de commencer par en exclure les immigrés.

Franck NOUCHI
(L’Express. N° 238 - décembre 1995)

36
Explications
A. Les connotations culturelles
2. La France métropolitaine - le territoire de l’Etat considéré par rapport à la France d’outre-mer
L’Union Européenne - Union politique, économique et monétaire de 15 pays prévue par le traité
de Maastricht du 7 février 1992
4. une familles monoparentale - une famille ne comportant qu’un seul parent
une famille recomposée - une nouvelle famille créée après le divorce
5. Alain Juppé - le premier-ministre de la France avant la dissolution de l’Assemblée
Nationale le 21 mai 1997
6. beur - verlan : arabe

B. Vocabulaire
1. exclusion (f): - élimination en marge de la société
au point de faire - être entièrement prêt à faire qch
occulter - dissimuler
2. cerner - préciser
couver - se préparer sourdement
3. mal-être (m) - malaise (f)
précarité (f) de l’emploi - caractère temporaire de l’emploi, qui n’est pas assuré
raréfaction (f) - diminution (f)
4. se déliter - se désagréger
5. patrimoine (m) de rapport - l’héritage familial dont on tire des revenus
désaveu (m) - dénégation (f), refus (m)

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Regardez le dessin et lisez le titre de l’article. Pouvez-vous formuler une hypothèse sur le sens général du texte qui
suit ?

2. Pourquoi la France apparaît-elle de loin, comme un paradis?

3. Quel est l’état réel de la France?

4. Quels groupes de population sont le plus touchés par le chômage et la précarité?

5. Quels sont les changements provoqués par la crise économique?

6. Revelez les arguments qui montrent que la situation des retraités apparaît moins difficile.

7. Comment le développement des techniques de communication peut, selon vous, modifier les habitudes et les modes
de vie des Français?

8. Qu’est-ce que ce texte nous apprend sur les nouvelles valeurs de la plupart des Français?

9. Quels détails du texte indiquent que certaines personnes ont mal à comprendre la société actuelle?

37
B. L’Expression orale
1.Quelles étaient vos hypothèses sur la société française avant la lecture du texte?
Coïncident-elles avec les idées du texte?

2. Pourquoi le problème du chômage des jeunes français est-il si grave?


Est-ce que les jeunes de l’Ukraine connaissent aussi ce problème?

3. Comparez les problèmes de la société actuelle française avec les problèmes sociaux de notre pays. Mettez en valeur
leurs particularités.

Les recentrés
1 Paradoxe: la bourgeoise a disparu, et pourtant elle est triomphante. Qu’est-ce que cela veut dire? Et bien,
tout d’abord, que les conceptions de bourgeoisie ou de prolétariat ne recouvrent plus une réalité sociale homogène,
c’est ce qui nous amène à la première affirmation: la bourgeoise a disparu. Et pourtant, elle est triomphante, car les
études menées par le Centre de communication avancée font apparaître un groupe social très important (51,4% de
la population française en 1982) que nous appelons les “recentrés” et qui structurent mentalités et comportements
autour des valeurs autrefois appelées “bourgeoises”.
2 Tout cela mérite explication. Les classes sociales traditionnelles - bourgeoisie, prolétariat, paysannerie -
ont éclaté en France dans le milieu des années 50. Il y a une trentaine d’années, en effet, la France a réellement
effectué son entrée dans le groupe de sociétés industrielles.
3 Cela s’est traduit par un développement accéléré de spécialisations, chacun détenant une parcelle de
savoir, de culture, mais perdant progressivement la connaissance du fonctionnement global du tout social.
Conséquence, les comportements et les mentalités ont fluctué au sein de grandes familles qui appellent de
nouvelles qualifications.

4 Nous en distinguons quatre. Les utilitaristes, ainsi nommés car, tel saint Thomas, ils ne croient qu’à ce
qu’ils voient. Ce groupe était largement majoritaire à la fin de la guerre: aujourd’hui, il connaît un déclin rapide et
ne représente guère plus de 14 % de la population. Il est constitué de retraités, de paysans ou d’ouvriers qui n’ont
pu s’adapter au changement social. Pour eux, le monde va trop vite, devient trop compliqué, aussi se replient-ils
sur eux-mêmes en se déconnectant de la vie sociale.
5 A l’opposé, les aventuriers. En nombre, ils sont actuellement aussi importants (14,3%) que les utilitaristes,
mais leur pouvoir est évidemment sans commune mesure. Sous cette étiquette, nous plaçons le jeune cadre
dynamique ou le technicien agressif, fonceur, ambitieux, individualiste. Ils croient dans la science, l’informatique,
la robotique, l’espace; veulent vivre vite, gagner beaucoup et dépenser plus encore. Ce sont des excessifs de la vie,
peu attachés aux traditions, n’ayant pas le sens de l’épargne, préférant les règlements brutaux aux négociations
lentes et courtoises. Ils sont à la fois néo-bourgeois par leur mode de consommation et anti-bourgeois par leur
mentalité. Ce groupe a connu un fort déclin ces dix dernières années sous le triple choc de mai 68, de la crise
économique et de l’arrivée de la gauche au pouvoir.
6 A leurs côtés, les décalés. Jeunes, moins de trente-cinq ans, habitant les grandes villes, ils ont suivi des
études longues et sont devenus professeurs, chercheurs, cadres, médecins, avocats. Mais, au contraire de leurs
aînés, ils récupèrent vers eux toute l’énergie qu’ils dépensent et s’efforcent de donner le minimum de temps et
d’argent au corps social. Pour eux le plaisir passe avant l’utilité, ils vivent dans le présent, sans envie de carrière;
la réussite, pour eux, est de réaliser sa passion. Ce groupe, nouveau, puisqu’il a émergé à partir de 1977, rassemble
près de 20% de la population; il est, on l’a compris, à l’opposé des normes bourgeoises.
7 Alors, où sont passés les bourgeois? Eh bien, les voici sous l’étiquette de recentrés. Groupe en forte
croissance, où l’on trouve pêle-mêle des vieux notaires de province et des jeunes instituteurs, de contremaîtres et
des riches paysans, des étudiants et des veuves argentées. S’ils appartiennent à toutes les catégories sociales, ils
ont en commun l’esprit de mesure, la volonté de s’installer doucettement et pour longtemps dans l’ordre et la
discipline. Ils disent que “Mieux vaut tenir que courir” et que “Charbonnier est maître chez soi”. Ils aiment les
choses concrètes, claires, rapides, les entreprises stables, les plans de carrière. Mais, grande caractéristique, ils
développent une mentalité d’assisté, formulent une demande sociale d’ordre, d’autorité et de sévérité. Ils sont
souvent chauvins, et c’est chez eux que l’on décèle des tendances au racisme.
8 Entre la bourgeoisie d’hier et celle d’aujourd’hui, la grande différence est que, dans le passé, la
bourgeoisie assumait un rôle social de tampon. Elle récupérait les aristocrates qui chutaient et accueillait les

38
paysans ou les ouvriers qui réussissaient leur percée sociale. Tout cela en allant de l’avant avec l’aventure
industrielle. La nouvelle bourgeoisie n’assure plus ce rôle. Repliée sur elle-même, elle veut préserver les avantages
acquis et aspire à une société de protection alors que la crise appelle changement, risque, innovation, imagination.

Bernard CATHELAT
(Le Monde, N° 0.3198 - 1995)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. utilitarisme - système de morale qui place dans l’intérêt particulier ou général la
règle de nos actions

Saint Thomas - le fondateur de l’ensemble de docrines théologiques et


phylosophiques, nommé “thomisme”
5. néo-bourgeois, adj. (souvent péj.) - relatif à la bourgeoisie, à sa manière de vivre, à ses goûts, à ses
intérêts, conservateur, bien-pensant
mai 68 - la période où la crise politique a dégénéré la crise sociale, marquée par
le refus de gaullisme et de tous les réglements et moeurs existant
jusqu’à ce temps-là
7. un chauvin - (du nom de Nicolas Chawin, type de soldat du I-er Empire, célèbre par
son entousiasme naïf). Péjor.: qui manifeste un patriotisme étroit, qui
admire trop exclusivement son pays
un racisme - idéologique fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les
groupes humains, les “races”; attitude d’hostilité systématique à l’égard
d’une catégorie déterminée de personnes
“Mieux vaut tenir que courir” - il faut garder ce que tu possède réellement et ne pas chercher quelque
chose d’inaccessible
“Charbonnier est maître chez soi” - dans sa maison chacun peut faire ce qu’il veut

B. Vocabulaire
3. détenir une parcelle de savoir - posséder un tout petit morceau
fluctuer - changer, varier
4. se déconnecter de qn, qch - se détacher
5. un aventurier - personne qui vit d’intrigues
fonceur - celui qui attaque, se jette impétueusement sur un autre
sans commune mesure - sans rapport
6. décaler - déplacer un peu de la position normale; avancer
7. un assisté - qui reçoit une aide
8. une percée - progrès spectaculaire, avancée

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Dites, quels changements de la structure sociale de la France sont intervenus et par quelles causes ils s’expliquent.
2. Nommez quatre nouveaux groupes sociaux et dites ce qui les distingue.
3. Commentez le comportement des utilitaristes.
4. Qui sont des aventuriers ?
5. Comment l’auteur caractérise-t-il les cadres français en les qualifiant de décalés ?
6. Quelles catégories sociales sont placées sous l’étiquette de recentrés ? Quel est leur credo de vie ?

39
7. Mettez en évidence le changement du rôle de la nouvelle bourgeoisie dans la société française.

B. L’Expression orale
1. En quoi l’article vous paraît-il intéressant?
2. Parlez d’une nouvelle conception de la réalité sociale en France.
3. Commentez la pensée de l’auteur: “La crise appelle changement, risque, innovation, imagination”.

Nouveaux socio-styles de vie française.


Premiérs modèles d’adaptation à la crise.
1 La crise est installée pour de longues années. “Voilà ce que pensent 80% des dix mille personnes
interrogées par le CCA. Qu’elles appartiennent aux 30% de Français aisés, aux 30% de smicards, de Mixtes et
autres personnes en situation précaire ou simplement à ces 40% de Français qui représentent les “classes
moyennes”. “C’est le fait marquant de cette étude 1995, expliquent les chercheurs du CCA, Mike Burke et
Bernard Cathelat. Nos concitoyens sont hantés par le peur et l’inquiétude, y compris les jeunes ménages, qui ont
une épouvantable image des banques et sont traumatisés par le spectacle du surendettement de leurs aînés de dix
ans. La méfiance croissante envers les grandes institutions, banques, assurances, médecine, magistrature, est
d’ailleurs générale dans toute l’Europe.
2 La démarche du gouvernement qui consiste à taxer l’épargne ne va donc en aucun cas relancer la
consommation, mais favoriser le vieux système du bas de laine, qui resurgit en période de crise. Le développement
du travail à temps partiel est ressenti comme un grignotage politique et non comme une amélioration des
conditions de vie. Les religions et les idéologies ne séduisent plus. On cherche désespérément des repères
universels, d’où la montée des notions d’éthique, de moralisme, de réforme. Les hommes sont plus touchés que les
femmes parce que les valeurs masculines ont été particulièrement malmenées depuis quinze ans.
3 La précédente étude du CCA remonte à 1990. L’expansion jetais ses derniers deux. Une forte proportion
de traditionalistes, riches ou pauvres, croyait que les fondements de la société et de leurs modes de vie étaient
suffisamment profonds pour que rien ne vienne les ébranler. A l’opposé, des ambitieux, des anticonformistes,
continuaient à croire qu’ils pourraient changer le monde.
4 Un groupe central avait fait son apparition, composé de (pardon pour notre langue) cocooners retranchés
dans leur confort et de networkers qui utilisaient à fond leurs réseaux. Soucieux de respecter les équilibres et de
rechercher le consensus, ils attendaient la crise. Ils se sont incarnés en quelque sorte dans la politique du
gouvernement Balladur.
5 Depuis, les Français n’attendent plus la crise, ils la vivent. Puisqu’ils sont convaincus qu’elle est installée
pour longtemps, ils s’y sont adaptés.
6 Mais ils organisent leur survie selon des schémas très différents. Le CCA a établi six stratégies de défense,
regroupées en trois familles. Les adaptés solitaires (surfers, survivors et “enracinés”) se retranchent dans leur
univers, ignorent la crise, ou en rejettent la faute sur les autres.
7 Les “prescripteurs” forment une catégorie à eux seuls. Préoccupés par l’éthique, ils veulent inventer
collectivement un nouveau modèle de société. Les micro-adaptés, enfin (“optimiseurs”, organizers) sont des
individualistes. des débrouillards, qui prônent le “chacun pour soi”.
8
LES “SURVIVORS”
23,3%. Fascinés par les jeunes d’argent télévisés, les survivors ont moins de quarante-cinq ans et
appartiennent à la France des banlieues et des exclus. Ils se croient les Rambos de la société. Pour eux, c’est une
jungle peuplée de tribus, qui se distinguent pat les marques, signes d’appartenance sociale. Nike est leur emblème.
Ils tirent parti de toutes les occasions, de toutes les faiblesses du systéme. Ils veulent prendre de l’avance sur les
autres. Pour cela, un seul moyen... économiser. Aujourd’hui, ce sont les rappers de Chanteloup-les-Vignes qui
parlent le plus d’épargne.

9
LES “ENRACINES”
22,7%. Il reste quelque chose du vieux fond paysan français à ces ruraux âgés, isolés, dépassés par une
société qui ne leur ressemble plus, qu’ils regardent, étonnés, à travers le lucarne déformante de la télévision. Ces
Français ne croient plus, pour la première fois depuis deux siècles, que le sort de leurs enfants sera meilleur que le

40
leur. Ils ne dépensent guère, possèdent un Livret A et sont très attachés à la présence humaine de leur banquier ou
de leur assureur, dont ils attendent une prise en charge.

10
LES “SURFERS”
18,4%. Insouciants, amateurs de combines, ce sont en général de jeunes urbaines diplômés. Ils ne
veulent pas voir les dysfonctionnements de la société. Certains n’hésitent pas à adopter des comportements à
risque. Pour ne pas voir la crise, ils s’évadent dans la réalité virtuelle, consultent Internet. Qu’est-ce qu’Internet?
D’abord une utopie, le mythe de l’omniscience qui a toujours tenté l’humanité. Le syndrome de la tour de Babel.
Les surfers se complaisent dans un monde ou l’information est hypertrophiée. Ils ont l’impression de tenir
l’univers à distance avec la technologie. Ils font partie des 30% qui se disent à l’aise financièrement, mais au fond
l’argent ne les intéresse pas. Infidèles aux marques, ils ne s’intéressent qu’au lancement de nouveaux produits.
Leur banque idéale? La banque directe.

11
LES “PRESCRIPTEURS”
17,7%. Cadres, professeurs, leaders d’opinion, ils sont conscients que la société manque de direction.
Leurs maîtres mots sont l’éthique, la réforme. Ils recherchent un certain ordre économique et social. Leurs finances
sont équilibrées: ils épargnent autant qu’ils consomment. Ils sont prêts à payer davantage de CSG et l’impôts si ces
mesures sont suivies d’un progrès social réel. Non par amour du prochain, mais parce qu’ils redoutent la
révolution. Ils croient à l’entreprise citoyenne mais ne font confiance ni aux banques ni aux assurances. Leurs
parents s’assuraient auprès d’un seul courtier, eux multiplient les contrats et les comptes en banque pour ne pas
être prisonniers. Ils sont méfiants vis-à-vis de la publicité. La communication qui leur est destinée doit être une
combinaison de relations publiques et de personnalisation de l’offre commerciale. Ils représentent plus de 35 % de
pouvoir d’achat.

12
LES “OPTIMISEURS”
8,1%. Ce sont des fonceurs et des commerciaux pour la plupart. Beaucoup de femmes. Ils ont un moral
d’acier, vivent dans une économie de chasse, habitent en banlieue, dans des immeubles modernes, sont endettés et
courent après les bonnes affaires: à eux les magasins d’usine, les soldes privés, les cartes “privilège”. Ils aiment la
publiicité et les reality shows. Ce sont des cigales. Ils aiment être informés, trouvent la banque directe un peu trop
moderne, mais attendent de leur banquier de la souplesse, des produits financiers sur mesure. Ils adorent les
services consommateurs.

13
LES “ORGANIZERS”
7%. Rigoureux et rigoristes, ils trouvent le monde trop compliqué. Jeunes cadres, plutôt de droite, ils
viennent des classes moyennes ou de la bourgeoisie de tradition. Ils passent leur temps à mettre au point des
stratégies. Seule la planification systématique évite les risques. Ils choisissent des produits solides et performants,
quitte à les payer plus cher. Ils aiment les encyclopédies, les assurances personnelles et veulent que leur banquier
prennent en compte leur éventuelle réussite future. En un mot, la banque doit être un partenaire.

Sophie HUMANN
(Valeurs Actuelles. - du 30.09.1995)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. CCA - Centre de communication avancée
smicard - celui qui reçoit le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de
croissance)

41
Mixtes - mariage mixte, entre deux personnes de nationalité, de race ou de
religion différentes
une magistrature - corps des magistrats de l’ordre judiciaire
2. un système du bas de laine - argent économisé (d’après la coutume de garder ses économies dans
un bas de laine)
3. un traditionaliste - vu. traditionalisme - système de croyances fondé sur la tradition;
attachement aux traditions
un anticonformiste - vu. non-conformisme - le refus des usages établis ou des opinions
reçues qui entravent le progrès ou font obstacle à l’originalité
d’expression
4. cocooners [kokune : r] - angl. : ceux qui recherchent un confort douillet, sans risque
networkers - angl. : ceux qui utilisent l’informatique
Balladur (Édouard) - homme politique français. Membre du Rassemblement pour la
République (RPR), ministre de l’Economie, des Finances et de la
Privatisation de 1986 à 1988, Premier ministre lors de la deuxième
période de cohabitation (1993-1995)
8. Rambo - un héros d’une série des films “Rambo”, “Rambo II”, “Rambo - le
premier sang”, etc. L’idéal d’une force masculine
Nike - du grec Victoire
Chanteloup-les-Vignes - commune de Ivelines, au N. de Poissy
9. Livret A - Livret de la caisse d’épargne
10. Les « surfers » [soerfoer] - angl. : pratiquant le surf, ctd porté par un phénomène
Internet - le mode d’accès aux informations
La tour de Babel - pyramide à étages de l’ancienne Babylone, que selon la Bible, les
hommes construisirent pour atteindre le ciel. Dieu punit leur orqueil en
créant la diversité des langues qui les a empêchés de se comprendre
11. CSG - Contribution sociale généralisée
13. un rigoriste - qui fait preuve de rigorisme - sévérité extrême dans l’interprétation et
l’application des règles de la morale ou de la religion

B. Vocabulaire
1. précaire - dont l’avenir, la durée, la stabilité ne sont pas assurés
hanter - fréquenter d’une manière habituelle, familière
être traumatisé - étre provoqué au traumatisme psychologique
2. taxer l’épargne - percevoir une taxe sur l’ensemble des sommes mises en réserve;
économiser
grignotage (m) politique - action d’attaquer, de prendre du terrain par usure
3. ébranler - mettre en danger de prise ou de ruine
7. prôner - vanter et recommander sans réserve et avec insistance
8. fasciné - captivé, charmé
prendre de l’avance sur qn - aller, se porter en avant
9. une lucarne - petite fenêtre
10. une omniscience - littér. état de savoir tout
11. un courtier - agent qui met en rapport vendeurs et acheteurs pour des opérations de
bourse et de commerce
12. être endetté - avoir des dettes
13. mettre qch au point - régler, préciser
performant - efficace
quitte à (Inf.) - au risque de

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quels sont les indices de la crise économique relevés par le sondage du CCA dans la vie quotidienne des Français?
2. Comment les Français s’adaptent-ils à la crise et quelles sont leurs stratégies de survie ?

42
3. Qui sont les « survivors » et quels sont leurs principes de vie ?
4. Parlez du comportement des « enracinés ». Quelle est leur attitude envers les changements dans la société ?
Qu’entend le journaliste par « la lucarne déformante de la télévision » ?
5. Comment des « surfers » cherchent-ils à s’évader de la réalité en crise ?
6. Quel modèle de société les « prescripteurs » veulent-ils établir ?
7. Quelle est la pensée du journaliste quand il compare les « opitimiseurs » avec les cigales ?
8. Etes-vous d’accord avec le crédo des « organisers » que seule la planification systématique évite les risques ?

B. L’Expression orale
1. A votre avis, lequel des groupes mentionnés dans le texte représente le mieux notre temps ?
2. Y a-t-il des points communs et des différences dans les stratégies de défense contre la crise économique et sociale en
France et en Ukraine?
3. Est-ce que les Ukrainiens manifestent de la confiance par rapport aux banques, aux assurances?
4. Quelle est votre attitude personnelle en ce qui concerne l’épargne en banque?

Les dangers du racisme “ordinaire”


1 Quand on parle de racisme on pense en priorité à ses formes les plus violentes, les plus extrêmes: la Shoah
qui a vu l’extermination de six millions de juifs dans les nazis, ou bien ce qu’on appelait les “ratonnades” au temps
de la guerre d’Algérie, c’est-à-dire des actes meurtriers à l’égard des arabes.
2 Mais il y a aussi des formes plus subtiles du racisme à l’égard aussi bien des jeunes, des vieux, que des
handicapés physiques ou des minorités. Ce sont des formes d’intolérance, de rejet. Elles se manifestent non par des
gestes violents mais le plus souvent par des paroles, des réflexions. On en a de multiples exemples tous les jours,
dans la rue, dans les métro, y compris entre les gens les plus démunis.
3 On a affaire au recisme ordinaire. Ce racisme-là on le découvre chez monsieur Tout-le-monde. C’est un
phénomène permanent mais qui est plus ou moins important selon les périodes. Par exemple, dans les années 30,
années de crise économique et politique, il y eut une montée en puissance de la xénophobie*, de el’ultra-
nationalisme* et de l’antisémitisme à peu près dans tous les pays d’Europe.
4 A l’heure actuelle, nous connaissons une crise économique importante avec la montée du chômage. Mais
également une crise des valeurs, avec une absence d’idéal. Tout cela nourrit ce racisme ordinaire, fait de rejet, de
mépris de l’autre. C’est une sorte de terreau, de fumier, qui prépare dans la banalité les esprits à accepter des
formes plus extrémistes.
5 Ce racisme-là est beaucoup plus dangereux qu’on pourrait le croire. Plus il se banalise, plus il devient
l’expression de tout un chacun. Sa prolifération représente une menace pour notre société. Il ne faut pas le prendre
à la légère. On ne peut en effet rester indifférent face à un tel phénomène. L’Histoire nous montre que faute de
réaction, de prise de conscience, des formes plus graves se sont développées par la suite.
6 Que faire face à un tel phénomène? Je crois aux vertus de l’éducation. Non pas avec des grands discours,
mais en faisant s’exprimer les gens, en les amenant à réfléchir, à s’interroger. Cela suppose un travail des
enseignants, qui doivent en particulier apprendre aux élèves à se tolérer. La famille, mais aussi les médias ont
également un rôle à jouer.

7 Plus on débattra, plus on dénoncera le racisme au quotidien, mieux on le combattra. La pire des choses,
c’est de rester muré dans ses certitudes, de laisse dire, de laisser faire. Sachons donc être vigilants.

Daniel ZIMMERMANN
(Les Clés. N° 242 du 27.02.1997 au 5.03.1997)

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Explications
A. Les connotations culturelles
1. la shoah - mot hébreu qui signifie « catastrophe », « extermination des Juifs par les
nazis »
la ratonnade - violences racistes exercées par des Européens contre les Nord-Africains

B. Vocabulaire
2. démuni - pauvre, malheureux
rejet (m) - exclusion
3. monsieur Tout-le-monde - tout un chacun
4. terreau (m) - terre riche en matières organiques
fumier (m) - engrais fermenté
5. prolifération (f) - développement, diffusion

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Sous quelle forme le racisme peut-il se manifester ?

2. Dans quelles périodes ce phénomène devient-il surtout important ?

3. Qu’est-ce qui nourrit le racisme dit « ordinaire » ? Quelle menace représente-il ?

4. Quels sont les moyens les plus efficaces, selon l’auteur de l’article, pour faire face à ce type de racisme ?

B. L’Expression orale
1. Etes-vous d’accord avec l’idée exprimée dans l’article que certains comportements des gens au quotidien puissent
avoir de graves conséquences ? Justifiez votre point de vue.

2. Quelles sont, selon vous, les tâches de l’enseignant pour éliminer le danger du racisme « ordinaire » ? Etes-vous
prêts à cette mission ?

3. Parlez de quelques leçons de l’Histoire montrant que le manque de réaction et de vigilance a été désastreux pour
l’Humanité.

Lisez à cette fin l’article ci-dessous portant suit sur le procès de Maurice Papon, haut
fonctionnaire sous Vichy, inculpé de l’extermination des Juifs et dites pourquoi l’opinion publique
française souhaitait que cet homme, déjà très vieux, fût jugé.

44
Les spectres de Vichy
L’éditorial de Jean Daniel

C’est pour dire aux peuples d’Algérie, de Bosnie, du Proche-Orient et de l’Afrique


des Grands Lacs que la France sait conserver la mémoire des crimes qu’il convient
d’instruire avec équité et fermeté le procès de Maurice Papon

Pourquoi ce regain d’intérêt pour l’affaire Papon? Parce que le procès de l’ancien secrétaire général de la
préfecture de la Gironde de 1942 à 1944 arrive en cour d’assises le 8 octobre? Sans doute. Mais pourquoi cette curiosité
avivée de l’opinion publique pour le comportement d’un haut fonctionnaire, sous Vichy, pendant l’Occupation, il y a
plus d’un demi-siècle?
Dans l’introduction de son dernier livre, l’historien Saül Friedländer observe: “Paradoxalement, les
événements de la Seconde Guerre mondiale semblent investir la conscience historique contemporaine avec bien plus
d’intensité qu’il y a quelques décennies... Il se pourrait, en fait, qu’en notre siècle de génocides et de criminalité de
masse beaucoup perçoivent l’extermination des juifs d’Europe comme le degré absolu du mal, l’étalon à partir duquel
doivent être désormais évalués tous les phénomènes de criminalité collective actuels.”
C’est en effet une explication. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne savent pas combien a duré longtemps le refus
de faire toute la vérité sur l’entreprise exterminatrice des nazis. Comme sur les complicités que cette entreprise avait
trouvées en France plus encore que dans les autres pays. Comme sur les comparaisons, enfin, que l’on pouvait faire
entre les totalitarismes soviétique et nazi. N’entrons pas dans les querelles qui opposent périodiquement sociologues et
historiens de chaque côté de l’Atlantique. Même les Américains ont mis longtemps avant de découvrir dans les archives
allemandes de quoi mettre en accusation des sociétés jusque-là épargnées, et d’étendre à d’autres personnes la
responsabilité de “crimes contre l’humanité”- autrement dit de crimes dont la peine est imprescriptible.
Tout cela ne suffit pas à expliquer la fascination pour la période de Vichy, telle qu’on peut en voir par exemple
les manifestations en cette rentrée littéraire dans deux beaux romans, “1941” de Marc Lambron (Grasset) et “la
Compagnie des spectres” de Lydie Salvayre (Seuil). L’un des héros de Lambron est Henri du Moulin de Labarthète,
truculent chef de cabinet du Maréchal. L’un des héros de Lydie Salvayre est le Maréchal lui-même, que sa famille
appelle tout le temps”le Maréchal Putain”. Nous avions eu l’an dernier l’événement Modiano. Dans tous les pays
d’Occident, le phénomène est aussi important ou presque. Et les réalisations, à la télévision et au cinéma, qui ont pour
cadre la période de l’Occupation ne se comptent plus.
Ce M. Maurice Papon, j’ai déjà écrit ici ce que l’on pouvait penser de son affaire. Je me suis fait le théoricien
du pardon non par sentiments humanitaires ou religieux mais parce que seul, selon moi, le criminel peut donner sa
réalité au crime. La justice des hommes est relative. Le repentir des accusés est un absolu. J’ai souhaité que Maurice
Papon, par l’expression de regrets sincères sur son comportement pendant deux années de sa vie, pût nous donner
l’occasion d’éviter une condamnation qui après tant d’années ne peut pas s’adresser au même homme. Ce qui me gène
dans l’imprescriptibilité, c’est que le vieillard condamné n’a plus rien à voir avec le jeune homme criminel.
Mais voilà, Maurice Papon s’est pris pour le capitaine Dreyfus victime d’une machination, au point qu’il s’est
dit qu’il voulait mourir dans la peau du personnage que d’incroyables circonstances bordelaises lui ont permis
d’incarner. Loin d’éviter son client à une certaine humilité, l’avocat Jean-Marc Varaut assène que “le rôle de Papon fut
analogue à celui des délégués de l’Union générale des Israélites de France à Bordeaux et bien moindre que celui du
chef de camp de Drancy et de ses cadres juifs français”. Ce qui constitue la méthode de défense la plus horriblement
oblique qui ait jamais été utiliisée. Papon avait le choix entre la soumission et la liberté. Les autres entre l’horreur et le
suicide. Le premier a fini dans la peau d’un ministre. Les seconds dans les camps de la mort.
C’est pourquoi les analyses les plus pénibles et en même temps les plus covaincantes sont celles qui
démontrent les mécanismes d’une imposture. Bras droit du commissaire de la République Nommé par de Gaulle, plus
au moins blanchi par un juri d’honneur, soutenu avec fougue par Jacques Chaban-Delmas, intégré dans l’histoire de la
Résistance grâce aux services rendus une fois que certains résistants se fussent installés dans leur carrière, Maurice
Papon arrive à être successivement préfet de la Corse, préfet de Constantine, préfet de police, député, puis tout
simplement ministre du budget dans le gouvernement de Raymond Barre, sous la présidence de Giscard D’Estaing.
Cela est digne du roman de Jean-François Deniau “Un héros très discret”. Après avoir étudié une nouvelle fois
ce dossier, cette vie, ce destin, je ne désire nulement que, cinquante ans après, M. Maurice Papon purge une peine
quelconque. Mais, ne serit-ce que pour qu’il soit bien entendu en Algérie, au Rwanda, en Bosnie, en Tchétchénie et en
Israël qu’il y a bien des crimes imprescriptibles et que la mémoire des peuples en garde un souvenir, je souhaite que la
peine soit prononcée et qu’elle ait été pédagogiquement justifiée par le déroulement des audiences.

45
Le Nouvel Observateur, n° 2228

L’évolution des mœurs alimentaires

I. Pourquoi les Français deviennent


végétariens
1. La psychose de la vache folle serait- elle le simple révélateur d’un phénomène beaucoup
plus ancien, profond, tenace- que par ailleurs elle contribue à accélérer? Toutes les études
le montrent: dans beaucoup de pays développés, dont la France, la désaffection pour les
viandes de boeuf et de veau remonte à une bonne quinzaine d’années. Et ne parlons pas de
la viande de cheval, qui avait déjà presque complètement disparu des étals en 1990. Le
mouton, lui, avait semblé résister, bénéficiant même d’un certain report de consommation.
Mais c’est fini : le voici entraîné à son tour dans la Berezina de la viande rouge. Aux
dernières nouvelles, et puisqu’il faut bien proposer des alternatives à son appétit, le cochon
et les volailles sont à la hausse, ainsi que le poisson. Mais pour combien de temps?
Car quelque chose s’est cassé dans nos habitudes alimentaires. Les 10 et 11 octobre, les Xes Entretiens
de Belley, dont le thème était cette année “Les interdits alimentaires”, consacraient une table ronde à cette
question : “Devenons-nous végétariens?” Ce fut pour constater d’abord que “le capital sympathie du végétal
progresse auprès du consommateur”. Et que l’incontestable réduction de consommation des aliments carnés est
très inégalement répartie dans la population : “Elle est plus marquée dans les classes supérieures et moyennes,
parmi les plus diplômés, ainsi que dans les jeunes générations.”
2. Il s’agit en tout cas d’une tendance lourde, comme on dit, ancrée pour longtemps dans l’évolution des
moeurs, non pas d’une mode passagère; Et ce refus de la viande accompagne souvent, chez les mêmes, la montée
d’autres interdits, comme ceux de l’alcool, du tabac, des conserves, du sucre raffiné, des poulets de batterie, et
même des produits surgelés. Autrement dit, ce qui semble rejeté en bloc, c’est un mode de consommation basé
sur une production industrielle jugée de plus en plus suspecte. Qu’on se le dise : nous voulons du na-tu-rel!
Les chercheurs réunis à Belley ont tenté d’élucider les causes de cette évolution, en analysant une série
d’études de l’Insee et divers panels de consommateurs. Une constatation saute aux yeux, qui n’étonnera personne
: cette désaffection pour la viande correspond d’abord à un souci de santé. En effet, 66% des échantillons
interrogés citent en premier une préoccupation sanitaire. Car la viande, pense-t-on, c’est la graisse, c’est le
cholestérol, c’est le risque d’absorber de vilaines hormones clandestines incorporées au veau. Alors, forcément,
en ajoutant une bonne dose de vache folle dans ce tableau, on frise la catastrophe. Il y a aussi des motifs
religieux, culturels ou sentimentaux. Jamais un hindou ne touchera à une vache sacrée. Et nous mangeons
beaucoup moins de lapin depuis que cette charmante bestiole est devenue un animal de compagnie. De même, la
désaffection pour la viande de cheval (maigre et pleine de vertus diététiques) avait accompagné le changement de
statut de cet animal, passé du rang de grossier outil de travail à celui de dieu du stade.
3. Et puis, même si la bête n’évoque rien du tout dans son inconscient religieux, culturel ou poétique, le
mangeur supporte de moins en moins l’idée qu’elle ait pu souffrir.
Avec les légumes, et leur petit côté “la terre, elle, ne ment pas”, on n’est pas tenu d’éprouver pareils
scrupules : autant qu’on puisse le savoir, la carotte ne souffre pas beaucoup lorsqu’on la coupe en rondelles, ni la
patate lorsqu’on l’ébouillante toute vivante avant de l’écraser sauvagement pour en faire de la purée. C’est
pourquoi le végétal est furieusement tendance. Les grands chefs s’en mêlent, et tandis que Bernard Loiseau se

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lance avec un enthousiasme récent dans les repas sans viande, des pot-au-feu de petits légumes, truffes du
Périgord à la graine de blé et autres raviolis de tomates à l’effilochée, d’endives fleurissent sur les tables étoilées.
Michel Rostang (son restaurant parisien est noté 16/20 au “Gault-Millau”) déclare : “Le boeuf? On y reviendra
un jour”, ce qui est une façon de l’enterrer pour un bon bout de temps...

Fabien GRUNIER
Le Nouvel Observateur, 1998

II. Tourner le dos aux tournedos


Ceux qui font rimer restaurant avec végétarien
4. La viande. Cela fait si longtemps qu’il ne s’en est pas payé une bonne tranche. Une vraie, à l’ancienne,
bien épaisse, persillée et grillée. Aujourd’hui, l’idée d’en porter un morceau à sa bouche lui paraît presque
louche. Il ne serait plus se servir de son gosier pour avaler cette chose aussi embarassante à mastiquer qu’une
langue étrangère. Il n’est pas capable d’expliquer pourquoi, un jour, il a tourné le dos aux tournedos. Cela s’est
fait comme ça. A dire vrai, il n’a jamais rompu brutalement avec cette chair-là. Simplement, il s’en est détaché
peu à peu, sans y prendre garde, sans le vouloir, comme on perd ses cheveux ou des touffes de mémoire. Et
pourtant, voilà que ce soir, à l’heure de dîner, assis à la table d’un restaurant végétarien, les dents humides, il se
prend à rêver d’un bon T-bone. D’une carne poêlée, au poil, et à point. Ce qui a brusquement réveillé en lui le
désir de la chair? Le menu “désincarné” que l’on vient de lui coller sous le nez.
5. Cette prose de maraîcher déchiré lui soulève proprement l’estomac de colère : “Entrées: Pour que chantent les
oiseaux (salade au crottin de chèvre chaud). Pour que dansent les cigales (salade de tomates à la tête). Douceur
pour une dame blanche (caviar de carottes, ail, coriandre). Rêve de soie (fromage de soja qualité soie garni de
crudités). Hantée par le temps (gratin d’épignards et menthe). Douceur et tendresse (gratin d’épignards et
mozarella). Vent des collines (gratin d’épignards et champignons). Appel au soleil (gratin d’aubergines et
tomates).” Il regarde autour de lui et, dans la lueur des bougies à la carotte, ne voit que zen, calme et sérénité. De
la cheminée de ses souvenirs d’enfance, il se sent remonter l’odeur grésillante des côtes grillées en été. Il tourne
la page de la carte et découvre l’énoncé de cette “spécialité” qui l’achève : “Assiette végétarienne : plat équilibré
et digeste composé d’une céréale entourée de légumes, d’une légumineuse, d’une algue et d’une crudité.” Bien
sûr qu’il a en vie de mordre; Surtout lorsque, pour accompagner ces “haïkus” verdoyants, il se voit proposé
d’intrépides infusions de thym, de romarin, de sauge ou de lavande. Son voisin, qui affronte vaillamment un
“Vent des collines”, lui dit : “Depuis que je mange bio, je me sens en harmonie avec mon corps et en paix avec
les autres. Ce bien-être-là vient des profondeurs de la terre. Vous voyez ce que je veux dire?” Bien sûr qu’il voit.
Tout le monde voit. Au point que même les brasseries qui ont toujours nourri leurs arrondissements avec des
quartiers de viande se mettent aujourd’hui à snober les lipides pour pimenter leurs cartes de navarins de radis à la
sauge et au soja.
6. Ou de quelque chose comme ça. “Vous ne finissez pas votre Douceur et Tendresse?” Si, il va le terminer,
son gratin. Le ronger jusqu’à l’os. En fait, il aime bien avoir des légumes dans son assiette à condition qu’on ne
lui prenne pas la tête, qu’on ne lui explique pas que le bonheur est dans le pré, que le salsifis pacifie et que le
poireau bio rend beau. En réglant sa note- assez salée pour du légume esseulé-, il songe que bientôt, dans les
restaurants, après les “espaces fumeurs”, on va délimiter des “zones carnées”, de sauvages territoires réservés aux
grands viandards. C’est dans le désordre des choses. Il ramasse ses affaires et quitte l’antre du gratin comme il
fuyait jadis le catéchisme. En courant.

Jean-Paul DUBOIS
Le Nouvel Observateur, 1998

Explications
1. désaffection (f) - perte de l’attachement
2. ancré - enraciné
panel (m) - échantillon de personnes pour une enquête
d’opinion
3. ravioli (m) - plat de pâte farci de viande hachée ou de légumes

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4. tournedos (m) - tranche de filet de boeuf à griller
carne (f) - viande d’une mauvaise qualité
menu (m) désincarné - menu sans plat de viande
5. zen (m) - le dépouillement
sauge (f) - plante aromatique
lipide (m) - nom savant des corps gras
6. salsifis [salsifi] (m) - plante potagère à une longue racine charnue
gratin (m) - plat cuit au four
antre (m) - caverne (pour une bête fauve)

Interaction avec le texte


1. Après avoir lu les deux textes ci-dessus, parlez des nouvelles tendances alimentaires apparues dans la vie
quotidienne des Français. Comment s’expliquent-elles ?

2. Qu’est-ce que signifie pour les Français être végétarien ? Avoir une bonne santé ou bien tout simplement suivre la
mode et ainsi manifester l’appartenance à une couche sociale supérieure ?

3. Est-ce qu’en Ukraine apparaissent les mêmes tendances et les suivez-vous aussi ? Parlez de vos expériences de
régime alimentaire.

4. La lecture du second texte laisse une impression de plaisanterie, d’humour. Relevez et appréciez les moyens
linguistiques qui servent à rendre cette tonalité.

Le bonheur est au marché


(Une éthnologue fait ses courses)
On trouve de tout sur les étals de Provence. Des couleurs, des tomates, des poivrons,
des olives, des truffes... Mais surtout de la sociabilité. Un produit d’avenir
* * *
1 Tout le monde sait qu’il y a dans l’acte d’achat bien autre chose qu’une évaluation rationnelle du coût, de
l’utilité ou de la rareté. Si les économistes, perdus dans leurs graphes et leurs modèles, se prennent à l’oublier, les
publicitaires sont là pour le leur rappeler: leurs sports nous parlent d’amour, d’enfance, d’ailleurs, rarement
d’argent. A cette partie immergée de l’iceberg marchand, Michèle de La Pradelle vient de consacrer une enquête
éthnologique d’une grande finesse de pensée et d’écriture, qui vous entraînera bien plus loin que la Provence, au
centre du mystère où s’engendre le lieu social, dans ce mélange d’illusionnisme et d’enfantines illusions,
d’innocence et de complicité qui nous permet d’entrer dans la danse des relations quotidiennes.
2 Pour s’introduire au coeur du mystère social, il a suffi à Michèle de La Pradelle de passer un grand nombre
de vendredis sur le marché de Carpentras et d’ouvrir grand les yeux et les oreilles. Les jansénistes de la recherche
austère et rébarbative ne manqueront pas de ricaner devant le choix d’un “terrain” aussi parisianiste, qui devient
pendant les mois d’été une extension du 6-e arrondissement. Et ils auront tort. La présence touristique n’a pas
dénaturé ce marché où rien au demeurant n’est naturel, pas même les produits vendus comme tels. Elle ne fait qu’y
renforcer les effets de mise en scène. Le désir d’authenticité du touriste ou du vacancier qui vient se délecter des
couleurs et des saveurs des marchés de Provence n’est ni plus factice ni plus illusoire que la recherche du meilleur
prix ou du meilleur produit du client local.
3 Les chaussettes ou les collants réputés plus solides qu’on vient acheter en fouillant dans un déballage en
vrac sont proposés au même prix (et même marque) au présentoir du supermarché local. Le jambon exquis (car de
fabrication “maison”), qu’on vient acheter tous les vendredis à l’étalage d’un forain croulant de produits
“régionaux”, provient du même fournisseur que celui des charcutiers installés en ville. Les tomates fraîchement

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cueillies, le melon gavé de sucre par le soleil de Provence n’ont pas poussé entre l’estragon et l’asphodèle dans
quelque jardin des alentours. Ils ont été achetés au marché d’intérêt national d’Avignon, comme ceux qu’on trouve
sous Cellophante dans tous les supermarchés.
4 Les habitants de Carpentras, fidèles au marché du vendredi, savent bien que les jardins aromatiques, les
collines d’oliviers, les chèvres broutant la garrigue ont disparu depuis longtemps, et que les campagnes
avoisinantes sont devenues des usines à fruits et légumes de plein champ desservant la France entière. Mais,
comme les touristes, ils rêvent au paradis perdu d’une Provence éternelle, celle de Mistral et de Giono, c’est-à-dire
d’une Provence imaginaire. Et chaque vendredi ils la font renaître, le temps d’un marché, en participant à la mise
en scène de la vente en plein air.
5 Car comme au théâtre, où les spectateurs aussi doivent avoir du talent, tout le monde, acheteur comme
vendeur, a son rôle à jouer dans la comédie du marché. L’accent chantant, le plaisir de se faire apostropher par le
marchand contribuent, avec le subtil négligé des étalages, à donner un éclat magique au produit recherché.
Amoncellements de fruits aux couleurs contrastées, chiffonnages des vêtements entrassés pour faire vibrer leurs
reflets satinés, misérabilisme étudié dans la présentation des produits censés incarné la quintessence de la
provençalité pour mieux en souligner l’authenticité: une fée Carabosse est passée par là pour exalter en nous les
plaisirs de l’achat.
6 Mais il y a un autre marché, relégué au coin du marché, que le promeneur non averti a peu de chances de
remarquer. C’est pourtant le marché aux truffes le plus important de France. Le produit vendu y est authentique. Et
il est local: la région de Carpentras est la première de France pour la production truffière. La mise en scène ici est
néanmoins des plus minimalistes. Les producteurs qui ont apporté leur précieuse récolte dans des sacs plastiques
sont placés en cercle. Au signe d’ouverture du marché, les courtiers entrent dans l’arène. On montre discrètement,
on regarde en silence, on susurre un prix et la transaction est conclue.
7 Dans une analyse brillante qui deviendrai vite un texte d’anthologie, Michèle de La Pradelle montre en quoi
ce marché est le contrepoint de l’autre. Dans le premier, il fallait romancer le produit et l’acte d’achat pour
déguiser leur banalité et leur standardisation grandissante. Dans le marché aux truffes, il s’agit au contraire de
désenchanter un produit précieux avant de l’échanger. Tout se passe comme si deux rites opposés, l’un
d’envoûtement, l’autre de désenvoûtement, se donnaient rendez-vous le vendredi à Carpentras pour accomplire le
miracle du marché. Mais enchantés ou désenchantés, ces produits ne sont peut-être pas les marchandises les plus
rechercheés. Ce que les clients (et les marchands) viennent acheter en priorité au marché, c’est de la sociabilité. En
réalité ils ne l’achètent pas, ils l’inventent ou plutôt la reinventent tous les vendredis pour la consommer sur place.
(...)
Le marché de Carpentras n’est pas une survivance du passé. C’est une solution d’avenir.

André BURGUIERE
(Le Nouvel Observateur. 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Le Bonheur est au marché… - allusion à la comptine “Le bonheur est dans le pré cours-y vite, cours-
y vite. Il va filer”. La comptine se termine par “Il a filé”.
2. Janséniste - personne d’une vertue austère et parfois excessive
Carpentras - sous préfecture du Vaucluse. 25 500 habitants (les Carpentrassiens).
Cultures fruitières
3. Marché d’intérêt national - MIN : Centre d’un commerce important
4. Mistral (Frédéric) - écrivain français d’expression occitane. Artisan de la renaissance de la
(1830-1914) langue provençale

Giono (Jean) - écrivain français. Il a exalté la vie rustique de haute Provence


(1895-1970) (“Regain”)
5. misérabilisme - tendance littéraire et artistique caractérisée par un goût morbide pour
la représentation de la misère humaine
feé Carabosse - vieille femme révêche, d’aspect rébarbatif
6. transaction - contrat par lequel les parties terminent une contestation ou en
préviennent une autre moyennant un prix ou des consessions

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réciproques

B. Vocabulaire
1. un étal -table où l’on expose les marchandises dans les marchés publics
2. rébarbatif - désagréable
ricaner - rire à demi de façon méprisante ou stupide
factice - qui est faux, imité; qui n’est pas naturel
3. en vrac - pêle-mêle, en désordre
un forain - marchand qui s’installe sur les marchés et les foires
exquis - qui est d’une délicatesse recherchée, raffinée
4. un garrigue - terrain aride et calcaire de la région méditerranéenne
brouter - manger l’herbe
5. un amoncellement - entassement, accumulation
6. relégué - maintenu dans un endroit écarté
le courtier - personne qui met un produit à la disposition de la clientèle
7. romancer - présenter sous forme d’un roman
un envoûtement - fascination, séduction

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelle impression l’article vous laisse-t-il ? Analysez à cet effet son titre.
2. En quoi consiste le vrai sens du marché d’après l’auteur de l’enquête éthnologique ?
3. Relevez les termes qui montrent que ce marché est un théâtre d’illusion.
4. Décrivez le marché aux truffes. En quoi est-il le contrepoint du marché aux légumes et aux vêtements ?

B. L’Expression orale
1. Parlez de l’atmosphère regnant sur le marché de Carpantras en mettant en valeur la citation de l’auteur : “ce que
les clients (et les marchands) viennent acheter en priorité au marché, c’est de la sociabilité”.
2. Comparez avec le marché ukrainien. Est-ce qu’il existe un phénomène d’esprit marché chez les Ukrainiens?

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IV. L’ASPECT POLITIQUE ET ECONOMIQUE DE
LA FRANCE D’AUJOURD’HUI

Cinq dissolutions en 39 ans


1 Depuis 1958 et la naissance de la V-e Republique, l’Assemblée nationale en a été à sa cinquième
dissolution. La première, décidée par le général de Gaulle alors président de la République, est intervenue le
octobre 1962. En mai 1968, au lendemain de la révolte étudiante, il dissoudra à nouveau. François Mitterrand, élu
président de la République en mai 1981 dissout l’Assemblée alors dominée par les partis de droite. Au début de
son second septennat, il prendra une décision semblable le 14 mai 1988. La dernière dissolution a été annoncée par
le président de la République Jacques Chirac le 21 avril 1997. Il a voulu que les Français se prononcent sur les
changements qu’il entend mener jusqu’à la fin de son mandat. Cette fois les élections sont devenues favorables à la
majorité parlementaire de bords opposés.

(Les Clés de l’actualité. N° 250, 1997)

Cohabitations dangereuses
2 Un mois après la nomination de Lionel Jospin à Matignon, la troisième cohabitation ne ressemble guère aux
deux autres, mais, comme les deux précédentes, elle s’inscrit déjà dans la perspective de la future élection
présidentielle, en 2002... ou avant. C’est bien cette échéance que Jacques Chirac a en tête quand il intervient dans
la recomposition de la droite. L’exercice est périlleux pour l’hôte de l’Elysée. Le futur président du RPR, Philippe
Séguin, situe son action en référence à M.Chirac, affaibli par le résultat de la dissolution, qu’il veut protéger des
affaires de la cohabitation; mais il se place aussi en chef de l’opposition, voire en candidat virtuel à la présidence
de la République. L’UDF se met en concurrence avec le RPR tant pour le leader-ship de l’opposition que pour la
future élection présidentielle.
3 De son côté, M.Jospin bénéficie encore de l’avantage d’une victoire inattendue et inédite. Mais pour le
premier ministre, également candidat virtuel à l’Elysée, la cohabitation n’a rien d’un long fleuve tranquille. Dans
sa majorité “plurielle”, chacun fait entendre sa différence. Les difficultés risquent aussi de venir du Parti socialiste,
qu’il qualifiait, mardi 1-er juillet, d’”axe central” de sa majorité. M.Jospin a été obligé, au lendemain de la
fermeture de l’usine Renault de Vilvorde, dans laquelle certains de ses amis voient, après l’adoption du pacte de
stabilité au conseil européen d’Amsterdam, un nouveau reniement de ses engagements électoraux, de rappeler son
parti au devoir de solidarité.
4 En moins de vingt mois après son retour à la tête du PS, M.Jospin avait réussi à imposer son autorité au
point de faire croire, parfois, que les courants étaient en hibernation, avant de conduire tout le monde à la victoire.
Mais il n’est pas dans la situation de François Mitterand en 1981, quand celui-ci l’avait choisi pour tenir le parti, en
le protégeant de son autorité. Déjà, il peut mesurer que son éloignement de fait de la direction du PS - le choix de
François Hollande comme premier secrétaire délégué préfigurant celui de son successeur - conduit certains de ses
critiques à renouer avec leur goût des querelles internes.
5 M.Jospin ne doit pas seulement cohabiter avec M.Chirac, avec sa majorité plurielle ou avec... Laurent
Fabius à l’Assemblée nationale. Il doit cohabiter avec un PS qui veillera au respect de ses engagements tout en
s’autorisant plusieurs lectures de ces derniers. Hier sur l’Europe ou sur Renault, demain sur France Télécom ou sur
le contrôle des licenciements, le PS ne sera pas “inerte”. M.Jospin, qui affirment “négociera sa route” mais “ne se
laissera pas dévier de son but”, devra compter avec un PS qui profitera de son éloignement pour s’affirmer. Il
devra donc veiller à ce que le futur congrès de Brest, en novembre, ne se transforme pas en congrès de Rennes bis,
un congrès qui avait alors condamné le PS à la défaite de 1993.

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(Le Monde. - jeudi 3 juillet 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. dissolution (f) - acte par lequel le Président de la République française met fin,
avant le terme légal, au mandat de l’Assemblée Nationale
septennat - mandat septennal du Président de la République française
2. cohabitation (f) - polit : Coexistence, dans un pays au régime présidentiel, d’un
chef de l’Etat et d’un Premier ministre élus par des majorités
politiquement opposés et qui partagent le pouvoir
matignon - siège du gouvernement et du premier ministre français
l’Elysée - Palais de la résidence du Président de la République
Philipe Séguin - homme politique
l’UDF - l’Union pour la démocratie française, parti qui se situe au
centre droit crée en 1978 par Giscard d’Estaing
le RPR - rassemblement pour la République parti de la droite,
traditionnelle, l’heritier du gaullisme, fondé sous la forme
actuelle en 1976 par Jacques Chirac
4. le PS - le Parti socialiste, créé en 1969
François Hollande - aujourd’hui premier secrétaire du PS
5. Laurent Fabius - homme politique français a occupé les postes des Ministres, du
Premier Ministre, du Président de l’Assemblée Nationale de
1988 à 1992, a été élu secrétaire général du PS en 1992-1993
France Télécom - compagnie qui en France gère les télécommunications

B. Vocabulaire
2. un leader-ship - angl : commendement
4. en hibernation - en état de torpeur
le secrétaire délégué - à qui est transmise par délégation une fonction avec pouvior
d’agir

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Comment pourrait-on expliquer les causes des dissolutions de l’Assemblée Nationale en France
de ces 39 dernières années ?
2.
Pour quelles raisons est-ce que le Président Jacques Chirac a procédé à la dernière dissolution
(en avril 1997) ?
3.
Le clivage droite-gauche constitue une dimension historique fondamentale en France. Est-il encore pertinent ?
Justifiez votre réponse en commentant les titres de deux articles. Précisez le sens du mot « cohabitation ».
4.
Pouvez-vous précisez à quelles forces politiques appartiennent le président et le premier ministre français ?

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5.
Dans quelle perspective la cohabitation actuelle s’inscrit-elle ?
6.
Quelles sont les stratégies du Président et du Premier ministre dans leur activité politique ?

B. L’Expression orale
1. Regardez l’image qui illustre l’idée de la cohabitation et quelles conclusions peut-on en tirer ?
2. Etudiez les illustrations portant sur le paysage politique en France et commentez les résultats
aux élections législatives en 1981 (après la dissolution du parlement par François Mitterand) et
en 1997 (après la dernière dissolution du parlement par Jacques Chirac).
3. Lisez les deux textes qui suivent « Les trois atouts de la gauche » et « Si l’audace
l’emportait… » et mettez en valeur l’idée que la cohabitation et l’entente nationale de la gauche
et de la droite en France s’inscrivent bien dans la construction d’un nouvel ensemble européen.

Les trois atouts de la gauche


On n’imagine pas, a priori, plus mauvaises conditions pour une victoire. La gauche, d’abord, n’était pas prête.
Elle n’était, lorsque Jacques Chirac a dissous l’Assemblée, qu’à mi-parcours des discussions sur ce que devrait être sa
politique. Les objectifs étaient fixés, les moyens et le rythme de leur réalisation ne l’étaient pas. Les finances publiques
et les comptes sociaux, en second lieu, sont en si mauvais état que la marge de manoeuvre, pour plusieurs mois au
moins, est dramatiquement étroite.
La gauche, pour l’immédiat, n’a pas d’immenses espoirs à vendre, et l’on ne peut donc pas exclure que les
ambitions de Jean-Marie Le Pen se réalisent. Si le Front national a choisi de jouer et s’accentuer la défaite de la droite,
c’est en effet parce qu’il table sur un échec du gouvernement Jospin. Il pourrait alors se présenter en seule véritable
alternative, progresser encore, attirer à lui une part de la droite et, pour la première fois, prétendre au pouvoir.
Le danger est là. Triomphe ou pas, l’heure n’est pas à l’euphorie. Elle n’est pas non plus, pourtant, au
pessimisme car Lionel Jospin bénéficie, dans le même temps, de trois grands atouts. Le premier est que les Français
n’attendent pas de lui de miracles. Ils lui font crédit, au contraire, de sa prudente modestie. Après que François
Mitterrand leur eut promis de “changer la vie” et Jacques Chirac de “réduire la facture sociale”, ils savent aujourd’hui
que, pour relever le défi des nouvelles concurrences et de la mondialisations économique, la France doit à la fois
s’adapter et faire l’Europe. Ils savent désormais que, pour éviter que cette mutation ne se fasse sauvagement, à la
Margaret Thatcher, il faut l’organiser non seulement dans la concertation et l’équité sociales mais aussi dans la
longueur. C’est avant tout pour cela qu’ils ont, par leur vote, souhaité contraindre les sommets de l’Etat - un président
de droit et un gouvernement de gauche - à donner le premier exemple de cette concertation. Le deuxième atout de
Lionel Jospin est que l’ampleur de sa majorité et la débandade de la droite peuvent lui permettre de rendre cette
cohabitation avec Jacques Chirac non pas éternelle mais constructive. Ou bien ils perdront l’un et l’autre, et la France
avec eux. Ou bien ils réussiront ensemble en fondant cette étape sur une volonté, au demeurant commune, d’enraciner
l’Europe politique dans l’Europe monétaire et de réformer la protection sociale avant que la faillite n’ait eu raison
d’elle.
Le troisième atout du nouveau Premier ministre est, enfin, que le vent tourne en Europe. L’ère des blocages
libéraux est révolue. Après la Grande-Bretagne, la France passe à gauche. Il y a de bonnes chances que l’Allemagne
suive dans un an et demi. D’ores et déjà, en obligeant la Bundesbank à réévaluer ses stocks d’or pour lui donner de la
marge budgétaire, Helmut Kohl affirme la nécessité de faire primer l’ambition politique sur la rigueur statistique. Le
balancier aujourd’hui se déplace. Soudain replacée au centre gauche, l’Europe politique et sociale prend un nouvel élan
C’est là la meilleure carte de Lionel Jospin.

Bernard GUETTA
(Le Nouvel Observateur. N° 1700 - du 5 au 11 juin 1997)

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Si l’audace l’emportait...
La France a besoin de se refonder. Une cohabitation constructive le lui
permettrait
* * *
Des trois issues possibles, la seule bonne - une cohabitation constructive - est aussi la moins probable. C’est tout
le problème de ces élections dans lesquelles la gauche comme la droite s’en tiennent mécaniquement à des partitions
obligées. Epouvantail communiste d’un côté, statu quo de l’autre à France Télécom et à Air France, tout cela a un goût
d’avant-hier et dispense chaque camp de vraies propositions. C’est ce théâtre d’ombres qui explique la morosité de la
campagne et le scepticisme des Français.
Ce n’est pourtant pas une raison de croire qu’il n’y aurait rien à espérer de cette dissolution. Il faudrait au
contraire pouvoir dire haut et fort que la France et l’Europe ont aujourd’hui des objectifs prioritaires, unificateurs et
mobilisateurs à défendre, qu’il est temps de s’y mettre et qu’il n’est pas inconcevable que Lionel Jospin et Jacques
Chirac puissent, demain, le faire ensemble. Il n’est en effet pas seulement souhaitable qu’un contrat de législature
vienne en juin, comme le désirent au fond d’eux-mêmes les Français, lier la gauche et le président de la République.
C’est également réalisable car il se trouve qu’au-delà de ses fluctuations et de la diversité de sa majorité, Jacques Chirac
incarne cette partie de la droite qui, comme la gauche, croit en l’Etat et au volontarisme.
Cette droite n’est évidemment pas la gauche. Elle en diffère totalement par son histoire, sa culture, sa base
sociale. Mais comme la gauche, et contrairement aux libéraux, cette droite-là veut venir maintenir un Etat fort,
instrument à la fois d’une volonté politique et de la nécessaire médiation entre le capital et le travail.
Cela fait toute la différence entre elle et les tenants du laisse-faire, pour lesquels seules comptent les régulations
par l’offre, la demande et le profit - par le jeu d’un marché auquel l’Etat ne devrait imposer aucune règle. Le grand
enjeu de la période, la vraie bataille ne sont plus entre partisants et adversaires des nationalisations. Le problème n’est
plus de savoir si l’Etat doit ou non avoir des participations industrielles. Il est de savoir si l’on veut et peut encore faire
exister un Etat qui, au nom des intérêts collectifs, du long terme et de la solidarité sociale, puisse imposer des règles au
marché.
Le choix, autrement dit, est entre deux capitalismes. Pour les Européens, il est donc aujourd’hui entre deux
Europes. D’un côté, il y a l’Europe politique, celle où la primauté resterait à la décision politique, à l’exercice de la
démocratie et non pas à la seule puissance du capital et d’une banque centrale. Cette Europe-là, celle qui veut
reconstituer au niveau européen une puissance publique à même d’arbitrer et de vouloir, ne serait pas en elle-même une
Europe de gauche. Comme toute démocratie, elle serait alternativement de gauche et de droite, plus ou moins sociale,
plus ou mois ouverte au mouvement. L’Europe politique ne s’oppose ainsi pas à une Europe “de droite” mais à l’Europe
libérale. Pour les libéraux, l’Europe ne doit être en effet qu’une zone de libre-échange dans laquelle la puissance
décuplée du marché achèverait de défaire la puissance des Etats nationaux, auxquels ils ne serait pas question de
substituer un Etat européen. (...)
Une chance historique s’offre à l’Europe. Cette chance, la France peut la saisir ou la briser, la porter en
s’unissant sur cette priorité ou la laisser passer en se perdant dans des batailles secondaires. Si l’audace de l’entente
nationale l’emportait demain, si nous transposions en France cette convergence européenne, si les grands partis avaient
le courage de valoriser leurs objectifs communs au lieu de les nier, la politique en serait revalorisée; la France
retrouverait une ambition et un espoir; l’extrême-droite reculerait au lieu de prospérer sur la stérilité des faux
affrontements.
La France n’a pas seulement besoin de l’Europe pour se projeter dans un nouvel ensemble capable de peser sur
la scène internationale. Elle a aussi besoin d’un acte refondateur, auquel elle aspire.
C’est l’occasion, mais cela ne peut pas plus se faire dans l’impasse d’une cohabitation conflictuelle que dans
l’affrontement - celui d’une droite laissée à ses tropismes libéraux et d’une gauche ramenée à sa culture d’opposition.
La France, tout l’indique, veut l’entente. Il suffirait que la gauche la lui promette pour être portée au pouvoir. Il suffirait
au président de la refuser pour tout.

Bernard GUETTA
(Le Nouvel Observateur - du 15 au 21 mai 1997)

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La politique générale du gouvernement français
Les députés de l’Assemblée Nationale de la France ont voté la confiance au
gouvernement de Lionel Jospin par 297 voix contre 252. Le premier ministre, dans
sa déclaration de politique générale, a proposé quarante-cinq mesures-clés, dont une
hausse du SMIC de 4% une revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire portée
de 420 à 1600 francs, la suppression des allocations familiales pour les foyers dont le
revenu mensuel dépasse 25000 francs.

I. LES ALLOCATIONS FAMILIALES SONT PLACEES SOUS PLAFOND


DE RESSOURCES
Le premier ministre a annoncé, jeudi 19 juin, que les allocations familiales seront désormais versées sous
conditions de ressources, et qu’elles ne bénéficieront plus qu’aux ménages à revenus modestes ou moyens. M.Jospin a
précisé que les allocations familiales (650 francs pour deux enfants, 1500 francs pour trois, etc.) seront, après le vote
d’une loi, versées sous conditions de ressources inférieurs, à 25.000 francs par foyer, afin d’en réserver le bénéfice aux
familles qui en ont effectivement besoin. (...)
Jusqu’à présent, ces allocations étaient accordées à toutes les familles à partir du deuxième enfant - une
exception en Europe, où tous les pays octroient une aide dès la première naissance. En revanche, les caisses versaient
d’autres prestations sous conditions de ressources (allocation de parent isolé, aides au logement, allocation de rentrée
scolaire, etc.).
En modifiant un système qui prévalait depuis 1945, le gouvenement a poussé à son terme une logique à l’oeuvre
depuis les années 70: il ne s’agit plus d’inciter les couples à avoir des enfants, mais d’accueillir ces derniers dans les
meilleurs conditions possibles.
De familiale, la politique est devenue sociale. M.Jospin a aussi confirmé la création d’une assurance-maladie
universelle, mise en chantier par l’ancienne majorité, et le transfert progressif de la cotisation-maladie des salariés sur
une contribution sociale élargie à l’ensemble des revenus, y compris financiers, qui pourrait prendre au moins trois ans.
Le ministre de l’emploi et de la solidarité, Martine Aubry, estime que cette opération donnera du pouvoir
d’achat, notamment aux salariés modestes, et que ce mode de financement pénalisera moins le travail. (...)

II. TRENTE-CINQ HEURES DE TRAVAIL PAR SEMAINE


Avec la reprise de la croissance, c’est dans la hausse maîtrisée des salaires, la réduction négociée du temps de
travail et la révision de la législation sur les licenciements économiques que se trouve, selon le premier ministre, une
bonne partie des remèdes au fléau du chômage (12,8% de la population active).
L’augmentation de 4% du SMIC, moins importante que certains attendaient, est un premier signe de cette
absence de précipitation érigée en méthode de gouvernement. Conjuguée à la forte revalorisation de l’allocation de
rentrée scolaire, elle permettra, selon le ministre de l’emploi et de la solidarité, Martine Aubry, d’injecter 10 milliards
de francs dans l’économie dès la rentrée. Dans les mois qui viennent, elle pourrait être complétée par un premier
transfert de la cotisation-maladie sur la CSG, donnant ainsi un nouveau surcroît de pouvoir d’achat.
La réunion, en septembre, de la conférence nationale sur l’emploi, les salaires et la durée du travail sera le
véritable rendez-vous du premier ministre avec les réalités sociales. C’est à l’issue de cette première conférence que
Mme Aubry doit déposer un “projet de loi-cadre sur les trente-cinq heures”, qui comporterait aussi des mesures pour
limiter les recours abusifs aux heures suplémentaires et développer le temps partiel choisi. M.Jospin souhaite ramener la
durée légale du travail de trente-neuf à trente-cinq heures avant la fin de la législature.
Le programme de sept cent mille emplois pour les jeunes, d’une durée de cinq ans et payés au moins au SMIC,
constitue un autre levier. Les aides de l’Etat, financées par la suppression de dispositifs peu efficaces, doivent, selon
Mme Aubry, permettre de soutenir la création d’emplois répondant à des besoins existants et encore sans réponse, “mais
aussi de faire émerger de nouvelles activités” qui, à terme, pourraient se passer de subventions. M.Jospin a demandé un

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recensement immédiat de ces potentiels “dès les prochains jours”, souhaitant que les premiers contrats pour les jeunes
soient signés à l’automne.

III. LE REEXAMEN DES LOIS SUR L’IMMIGRATION


ET LA NATIONALITÉ

(...) M.Jospin a présenté l’immigration comme une “réalité économique, sociale et humaine” à maîtriser. L’idée
d’une ouverture des frontières n’est donc pas à l’ordre du jour. L’heure reste au “contrôle” de l’immigration, non plus
au nom de la protection d’une identité menacée, mais “en affirmant les intérêts de la personne”. Le “réexamen
d’ensemble” des lois sur la nationalité et l’immigration se justifierait ainsi par la nécessité d’adapter des flux
inéluctables aux possibilités d’accueil de la France - ce qui n’est pas nouveau - , mais aussi aux besoins d’une économie
engagée dans la compétition internationale, ce qui est considéré comme tabou depuis l’arrêt officiel de l’immigration de
main-d’oeuvre, 1974.
(...) Certes, les reconduites à la frontière et les expulsions continueront “sans défaillance”, a laissé entendre
M.Jospin. Mais la maîtrise des flux devrait davantage passer par une double politique préventive: lutte contre le travail
clandestin, et couplage de la politique de coopération avec la maîtrise des flux d’entrée. Ainsi, l’embauche de jeunes
chômeurs pourrait être rendue plus rentable que le recours au travail “au noir” au moyen d’exonérations de charge.
Quant au rapprochement immigration-coopération, il pourrait consister à conditionner le versement de l’aide
française à la bonne volonté des pays de départ en matière de réadmission des expulsés, à négocier un nouveau statut
pour les étudiants, et à concentrer l’aide au développement sur les zones d’émigration vers la France. (...)
Jean-Michel BEZAT,
Philippe BERNARD
(Le Monde, le 21 juin 1997)

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Nommez les mesures-clés du redressement économique proposées par le gouvernement français.
2. Essayez de définir le système de prestations sociales en France.
3. Quel est l’objectif de la modification du système d’allocations familiales? Relevez les arguments qui prouvent que
“de familiale, la politique est devenue sociale”.
4. Quelles sont les remèdes au fléau du chômage, selon le premier ministre?
5. Quels sont les objectifs du projet de loi-cadre proposé par Martine Aubry?
6. Quel est le but du réexamen des lois sur la nationalité et l’immigration?

B. L’Expression orale
1. Lesquelles des mesures économiques proposées par le gouvernement français vous paraissent elles les plus
importantes? Pourraient-elles être utiles pour le redressement de l’économie ukrainienne?
2. Pouvez-vous parler du système des allocations familiales en Ukraine?
3. Commentez la thèse de M.Jospin que l’immigration en France est une “réalité économique, sociale et humaine à
maîtriser”. Est-ce que l’Ukraine connaît aussi un problème d’immigration ?

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L’impôt sur les sociétés
1 AUDIT. Les deux magistrats de la Cour des comptes, chargés de réaliser un
audit des finances publiques, ont remis lundi 21 juillet à Lionel Jospin leur
rapport. LES DEFICITS PUBLICS, selon cette étude, sont en 1997 sur une
pente de 3,5% à 3,7% du produit intérieur brut (PIB), soit une dérive de 34,4 à
51,4 milliards de francs par rapport à l’objectif de 3% de déficits fixé par le
traité de Maastricht. UN PLAN DE REDRESSEMENT des finances publiques
a aussitôt été annoncé. D’un montant de 32 milliards de francs, il comprend
deux volets: 10 milliards par le biais d’économies et de ponctions sur certains
établissements publics, et 22 milliards de majorations fiscales.

* * *

2 LA MAJORATION exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés que le gouvernement a annoncée doit
rapporter 22 milliards de francs au budgets de l’Etat en 1997 et 1998. Selon le ministère des finances, cette mesure
a l’avantage de ne toucher que les entreprises qui font de bénéfices, à la différence d’un relèvement de la
cotisation vieillesse, qui aurait frappé toutes les entreprises, quels que soient leurs profits. Pour le gouvernement,
l’aisance financière des entreprises est telle que la mesure ne devrait pas avoir d’effet pervers. La capacité de
financement des sociétés (c’est-à-dire ce qui leur reste après impôts, dividendes et investissements, pour se
désendetter ou opérer des placements financiers) était négative de 149,2 milliards de francs en 1990; puis elle s’est
redressée pour devenir positive de 134,7 milliards de francs en 1996.
3 La mesure gouvernementale comprend plusieurs volets, dont voici le détail:
- La hausse sera provisoire. Le gouvernement a décidé d’appliquer une majoration exceptionnelle de
15% à l’impôt sur les sociétés. Jusqu’à présent, l’impôt sur les sociétés était assorti d’un taux de 33,3%, auquel
s’ajoutait une surtaxe de 10% décidée en juin 1995 par le gouvernement d’Alain Juppé, soit un taux effectif
d’imposition de 36,6%. La nouvelle hausse de 15% va donc venir en complément, portant le taux effectif
d’imposition à 41,6%. Mais, dans l’esprit du gouvernement, il ne s’agit que d’une mesure temporaire, applicable
en 1997 et 1998. M.Strauss-Kahn a annoncé qu’en 1999 un reflux serait engagé, la majoration exceptionnelle étant
abaissée de 15% à 10%.
4 Le gouvernement admet que cette hausse aura pour effet de placer la France parmi les pays européens où le
taux de l’impôt sur les sociétés est le plus élevé. Mais il en va de l’impôt sur le sociétés comme des autres impôts:
la fiscalité française se distingue par des taux élevés s’appliquant à une assiette étroite. En clair, le taux est élevé,
mais l’impôt rapporte peu. Le ministère des finances fait ainsi valoir que l’impôt sur les sociétés équivaut
actuellement à 1,6% de la richesse nationale, contre 2,5% aux Etats-Unis ou 2,8% en Belgique.
5 - Les PME ne seront pas concernées. La majoration de 15% ne s’appliquera qu’aux entreprises qui font
plus de 50 millions de chiffre d’affaires par an. Autrement dit, selon le gouvernement, environ 80% des entreprises
ne seront pas touchées par la mesure. Cette réforme devrait donc avoir pour effet indirect de créer trois taux
d’imposition différents pour les entreprises. Les petites entreprises qui sont sous les plafonds de bénéfices fixés par
la réforme prise par Alain Juppé, et qui font moins de 50 millions de francs de chiffre d’affaires, resteront
imposées à 19%. Les petites entreprises qui sont au-dessous de ces plafonds de bénéfices mais en dessous de la
barre des 50 milllions de francs de chiffre d’affaires continueront d’être imposées au taux de 36,6%. Et le nouveau
taux effectif de 41,6% ne jouera provisoirement que pour les plus grosses enrteprises.
6 - La taxation des plus-values des entreprises est majorée. Jusqu’à présent, ces plus-values à long terme
des entreprises étaient imposées à un taux dérogatoire de 19%. Estimant que, dans la conjoncture économique
actuelle, cette disposition n’avait plus de justification, le gouvernement a décidé de réintégrer ces plus-values dans
l’assiette de l’impôt sur les sociétés. C’est donc le même taux d’imposition qui jouera, assorti des mêmes
majorations exceptionnelles. Dans l’esprit du gouvernement, cette disposition n’est pas provisoire. Elle devrait
rapporter à elle seule près de 5 milliards de francs, les 17 autres milliards étant fournis par la majoration
exceptionnelle.

57
Laurent MAUDUIT
(Le Monde. - mardi 22 juillet 1997)

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. En quoi consiste le Plan de Redressement des finances publiques?
2. En vous référant au texte, trouvez les arguments en faveur de la majoration de l’impôt sur les sociétés.
3. Quel sont les délais prévus pour l’exécution de cette mesure?
4. Quels pourrant être les effets de la majoration fiscale?
5. Quel est l’objectif de réintégration des plus-values des entreprises dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés?

B. L’Expression orale
1. Argumentez la nécessité de la réforme fiscale en France et commentez sa mise en oeuvre?
2. Préparez un exposé sur le système fiscal en Ukraine.

Pourquoi le Midi a mal à la France


1 Crise du système politique, corruption, déchirement du tissu social, montée de la
xénophobie: la société méridionale souffre au fond des mêmes symptômes que la
société française. Mais ils se manifestent ici avec plus de violence qu’ailleurs. En
voici les raisons.

* * *

2 3
Une région plus âgée... ... aussi colorée
Un habitant de la région Provence-Alpes-Côte Contrairement aux fantasmes les plus répandus,
d’Azur (Paca) sur 4 a moins de 20 ans (24,7% il n’y a proportionnellement pas plus
contre 26,1% pour la France entière). En revanche, d’étrangers dans le Midi que dans le reste de la
la région et le soleil rendent les vieux jours plus France. 300.000 étrangers vivent en Paca, soit
doux: les plus de 65 ans représentent près de 18% un peu plus de 6% de la population (chiffres de
de la population (contre 15% au niveau nationale). 1990). La proportion est la même dans le Var et
La palme revient au département des Alpes- dans les Bouches-du-Rhône.
Maritimes, où jeunes et vieux sont presque à
égalité: 22% de moins de 20 ans et 21% de plus de 4
65 ans. Conséquence logique: on meurt plus du côté ... plus riche
d Ni (11 5 dé è 1 000 h bi )
58
de Nice (11,5 décès pour 1.000 habitants) La région Paca compte un peu plus d’un million
qu’ailleurs en France (9,5%). Et la région est mieux de contribuables assujettis à l’impôt sur le
pourvue en personnel médical que le reste du pays: revenu. En 1995, 16807 d’entre eux étaient
380 médecins et 554 infirmières pour 100.000 soumis à l’impôt sur la fortune et ont rapporté à
habitants (contre 289 et 463 au niveau national). l’Etat 579 millions de francs. Ce qui place la
région en deuxième position pour l’ISF, après
l’Ile-de-France et devant Rhône-Alpes. La
région se situe également en deuxième position
en ce qui concerne les salaires, derrière l’Ile-de-
France: le salaire annuel moyen y est de 118300
francs net.
5
...moins industrialissée
En Paca, près de 8 actifs sur 10 (contre 68% en France)
travaillent dans des activités de services, et ce n’est pas près
de changer: de 1990 à 1994, près de 73.000 entreprises
tertiaires ont été créées ou réactivées. Seuls 3% des
Provençaux travaillent dans l’agriculture, et 12% dans
l’industrie (contre 20% au niveau national).

6 7
...mais plus touchée par le chômage ...et par la délinquance
La plaie de la région s’appelle chômage. Près de La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est celle où
15,1% de la population est à la recherche d’un le taux de criminalité global est le plus élevé. En
emploi (contre 12,6% au niveau national). Un 1995, les services de police et de gendarmerie ont
chiffre qui cache des disparités importantes: les constaté 409.000 crimes et délits, soit 92 infractions
Bouches-du-Rhône et le Var sont les plus touchés, pour 1000 habitants, quand le taux de criminalité
les Hautes-Alpes relativement épargnées. national est de 63 crimes et délits pour 1000
Principales victimes: comme ailleurs, mais un peu habitants. Avignon conserve son titre de ville la
plus qu’ailleurs encore, les femmes (17%, contre plus “criminelle” de France, avec 180 infractions
14% au niveau national) et les moins de 25 ans pour 1000 habitants (chiffre de 1993). Mais la
(près de 29%, contre 27%). criminalité aurait tendance à diminuer (- 7,12%
entre 1994 et 1995), et plutôt plus vite que la baisse
nationale (- 6,5%). Le vol est, comme ailleurs,
l’infraction la plus largement constatée (70%). 30%
des proxénètes incarcérés en France le sont en Paca.

Isabelle MONNIN
(Le Nouvel Observateur. N° 1666 - du 10 au 16 octobre 1996)

Explications
A. Les connotations culturelles
4. - impôt de solidarité sur la fortune
ISF
5. un tertiaire (opposé à primaire, - secteur économique comprenant toutes les activités non
secondaire) directement productrices de biens de consommation
(commerces, administrations, services)

B. Vocabulaire
3. un fantasme - idée, imagination suggérée par l’inconscient

59
4. un contribuable - personne qui paye des impôts
assujettir à - soumettre à
6. une disparité - une dissemblance
épargné - ménagé
7. un délit - toute infraction à la loi
une délinquance - ensemble des crimes et des délits considérés sur le plan social
une infraction - violation d’un engagement, d’une loi qui est frappée d’une
peine

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Pourquoi la Paca est-elle considéré comme une région la plus âgée que les autres?
2. Quelle est la vraie plaie de la région? Quels départements sont les plus touchés par le chômage?
3. En vous aidant du texte, mettez en évidence la gravité du problème de la délinquance dans le Midi.
4. Quelles sont les causes du mal du Midi ?

B. L’Expression orale
1. A quoi associez-vous la Midi de la France?
2. Qu’est-ce que vous pensez de la xénophobie? Est-ce une vraie plaie de la société? Dans quelle mesure ce problème
touche-t-il aussi l’Ukraine?
3. Comparez les problèmes sociaux du Midi avec ceux de l’Ukraine. Mettez en valeur leurs particularités.

Les hausses du mois de janvier


PRESTATIONS SOCIALES
Les prestations familiales sont revalorisées de 1,1% au 1er janvier. L’augmentation rétroactive de 0,85% pour
l’année 1995, rendue obligatoire par un arrêt du Conseil d’Etat, sera appliquée au cours du premier semestre 1998.
Le revenu minimum d’insertion (RMI) augmente de 1,1% au 1er janvier, passant à 2429,42 francs par mois
pour une personne seule et à 3 644,13 francs si l’allocataire a une personne à charge.
L’allocation de solidarité spécifique (ASS), versée sous certaines conditions aux demandeurs d’emploi qui ont
épuisé leurs droits à l’assurance-chômage, est augmentée de 2% au 1er janvier, avec effet rétroactive au 1er juillet 1997.
Elle passe de 74,01 francs par jour à 75,49 francs, au 1er janvier (2 345 francs par mois environ). Une seconde
revalorisation de 1% interviendra au 1er juillet 1998 (76,24 francs).
Pensions vieillesse : le régime de base des retraites et le minimum vieillesse augmente de 1,1%. Le minimum
vieillesse passe de 41 197 francs à 41 651 francs par an, pour une personne seule au 1er janvier. Elle passe pour un
couple de 73 906 francs à 74 720 francs, pour un couple (6 226, 66 francs par mois). Il n’y a pas de revalorisation des
retraites complémentaires.
Autres prestations : les pensions d’invalidité, rentes d’accident du travail, allocations aux adultes handicapés,
indemnités journalières maladie et accidents du travail sont également augmentées de 1,1%.
Sécurité sociale : le plafond mensuel de la Sécurité sociale passe de 13 720 francs à 14 090 francs, soit une
hausse de 2,7%.

TAXES
La redevance télé pour un poste noir et blanc passe au1er janvier de 445 francs à 471 francs. Pour un poste
couleurs, elle passe de 700 francs à 735 francs.

60
Les timbres fiscaux pour la carte nationale d’identité passent de 150 francs à 160 francs, pour le passeport de
350 francs à 400 francs, pour la carte de séjour des étrangers de 200 francs à 220 francs, les droits d’examen du permis
de conduire passent de 200 francs à 250 francs; la pénalité libératoire pour les chèques impayés passe de 120 francs à
150 francs.
Les tabacs : l’augmentation moyenne des tarifs des cigarettes sera 3,7% à compter du 5 janvier.
La taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est relevée uniformément de 8 centimes le litre (soit une
hausse de 9,65 centimes à la pompe), quel que soit le carburant, essence ou gazole, à compter du 11 janvier. Pour le
GPL et le gaz naturel véhicule, elle diminue de 8%.

Le Monde. - Lundi 5 janvier

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Quelles sont les prestations sociales qui existent en France ? Trouvez leurs équivalents en
langue ukrainienne.

A. L’expression orale
1.
De quoi témoignent les hausses des prestations sociales en France au début de 1998 ?
2.
Les hausses des prestations sociales vont de paire avec les
augmentations de certains tarifs et des prix. Qu’est-ce que vous en
pensez ?

61
V. LA FRANCE ET L’UNION EUROPEENE
Les grands chantiers
La consruction européenne s’accélère. Après avoir franchi plusieurs étapes, avec notamment la ratification en
1992 du traité de Maastricht confirmant l’Union économique et monétaire, les pays membres abordent une nouvelles
phase cruciale. En premier lieu la réforme des institutions de l’Union européenne (UE). Elle est rendue nécessaire
depuis l’arrivée en 1995 de trois nouveaux pays, la Suède, la Finlande et l’Autriche, qui ont fait passer l’Union
européenne de douze à quinze pays membres.
Une conférence intergouvernementale (CIG) a été lancée l’an dernier. Elle devrait s’achever lors du sommet
d’Amsterdam (Pays-Bas) en juin prochain. Au menu des discussions: l’accueil de nouveaux pays au sein de l’UE, une
réforme des mécanismes de décision au sein des institutions européennes et la mise en place de la monnaie unique. Une
étape très importante avec l’arrivée de l’euro qui devrait remplacer progressivement les monnaies nationales à partir de
1999.
Troisième grand chantier: l’élargissement de l’Europe. De quinze aujourd’hui, l’UE pourrait passer à vingt-sept
pays au début du siècle prochain. Douze pays frappent à la porte: la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, l’Estonie, la
Lituanie, la Lettonie, Chypre, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie.
Un tel élargissement soulève cependant bien des difficultés. D’abord parce que l’accueil de nouveaux pays
oblige à une refonte quasi complète du système européen et de ses procédures de fonctionnement. La question de
l’élagissement divise par ailleurs les Européens. Des États membres estiment que les petits pays, notamment, sont loin
d’avoir un niveau économique suffisant pour être admis. Certaines opinions publiques redoutent l’afflux d’une
immigration incontrôlée de populations attirées par le haut niveau de vie existant dans l’EU. Autant d’éléments qui
risquent de freiner la création d’une grande Europe.

(Les Clés de l’actualité. N° 252, du 8 au 14 mai 1997)

Explications
Traité de Maastricht - le traité sur l’Union Européenne signé en 1992 à Maastricht comme
une nouvelle étape de l’intégration européenne. Il a prévu une union
économique et monétaire ainsi qu’une politique étrangère et une défense
commune
Institutions de l’Union Européenne - Le Parlement européen (Strasbourg), Le Conseil de l’Union
Européenne (Bruxelles), La Comission européenne, La Cour des
comptes, Le Comité des régions (Bruxelles)
l’euro - une nouvelle monnaie unique européenne, appelée ainsi lors du
Conseil européen de Madrid les 15 et 16 décembre 1995 et lancée le 1
janvier 1999
une conférences intergouvernementale - un forum de négociations entre gouvernements en dehors du cadre des
(CIG) procédures et des institutions de l’Union
Interaction avec le texte
1.
Quelles étapes les pays d’Europe Unie ont-ils déjà franchies ?

2.
Quelles sont les trois grands chantiers de l’Union Européenne à l’heure actuelle ?

3.
Combien d’Etats membres vont rejoindre l’Union Européenne à terme ?

4.
A quels problèmes est lié l’élargissement de l’Europe ?

62
Les critères à respecter
1 L’ensemble des quinze pays européens ne pourront pas adopter la monnaie unique dès le 1-er janvier 1999.
Le traité de Maastricht impose aux gouvernements des États membres deux conditions principales.
Chaque année, le gouvernement d’un pays présente un budget qui comprend deux parties: les recettes et les
dépenses.
Les recettes sont constituées essentiellement par toutes les taxes que l’Etat va prélever au cours de l’année
et par l’impôt sur le revenu payé par les citoyens. Les dépenses sont constituées par le “train de vie de l’État”,
c’est-à-dire le versement des salaires des fonctionnaires, et les sommes allouées aux différents ministères:
agriculture, sport, travail, culture, éducation, équipement, défense, etc. qui les utiliseront dans leur secteur.
2 Pour faire un bon budget, il faut que les recettes et les dépenses soient équilibrées. Chose assez aisée
lorsque l’économie va bien. Chose bien plus difficile lorsque l’économie va mal, ce qui est le cas en ce moment
pour la plupart des pays de l’UE. Avec plus de dépenses que de recettes, le budget se trouve déséquilibré: c’est le
déficit public.
3 Le premier critère à atteindre est de ne pas dépasser un déficit public équivalent à 3% du produit intérieur
brut * (PIB).
S’il y a un déficit public, le gouvernement est obligé d’emprunter de l’argent pour faire face à ses dépenses.
Si, de plus, cette situation se reproduit d’année, les déficits s’accumulent pour créer une dette publique. Or, le
second critère à respecter pour pouvoir adhérer à la monnaie est une maîtrise de cette dette publique qui ne doit
pas dépasser 60% du PIB.
4 Dette publique et déficit public sont donc très liés. Dans des conditions de croissance économique
normales, l’augmentation du PIB d’une année sur l’autre permet, en général, si le déficit public est limité à 3%, de
maintenir la dette publique en desous de 60% du PIB.
Après s’être mis en conformité avec ces critères, les États doivent les respecter d’année en année, c’est-à-
dire se conformer au “pacte de stabilité”. Les gouvernements devront donc mener une politique budgétaire très
rigoureuse. S’ils ne respectent pas les critères, ils pourront être sanctionnés par de fortes amendes.

Les Clés de l’actualité, N° 252 - du 8 au 14 mai 1997

Explications
1. prélever les taxes - percevoir une certaine somme sur un total
une recette - total des sommes d’argent reçues
3. Produit intérieur brut (PIB) - somme des valeurs ajoutées realisées sur le sol national
4. la croissance économique - développement de la production
être sanctionné par de fortes amendes - être puni par une sanction
une dette publique - ensemble des sommes dues par l’Etat

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Quelles sont les conditions économiques nécessaires pour participer à la monnaie unique ?
2.
Quel esl le taux de réference établi pour le déficit public annuel et pour l’endettement public de chaque participant
de l’euro ?

63
3.
Quelle politique budgétaire des pays de dotant d’une monnaie unique doivent-ils suivre ?
4.
Regardez le schéma du déficit budgétaire de 1997 et commentez la situation des Etats membres. Lesquels d’entr’eux
n’étaient pas conformes aux critères de convergence et donc ne pouvaient pas adopter dès le 1 janvier 1999 la
monnaie unique ?

LES CRITERES DE MAASTRICHT


Prévisions pour l’année 1997

Déficit public (en %) Dette publique (en %)


Autriche 3,0 73,3
Belgique 2,9 127,2
Danemark 0,4 70,4
Finlande 1,7 60,2
France 3,2 56,6
Allemagne 3,4 63,2
Grèce 5,7 104,5
Irlande 1,1 76,0
Italie 3,7 122,9
Luxembourg Pas de déficit 6,8
Pays-Bas 2,3 76,0
Portugal 2,9 67,6
Espagne 3,4 68,9
Suède 2,5 78,5
Royaume-Uni 3,7 56,5

B. L’Expression orale
Que pensez-vous du processus de la convergence économique des pays ? Cache-t-elle aussi des
incovénients ?

L’Europe: “Oui, mais peut mieux faire”


1 Comment les jeunes voient-ils l’Europe, quels sont leurs espoirs et leurs craintes? Qu’en attendent-ils pour
leur propre avenir? Un sondage réalisé par l’Ifop (Institut français d’opinion publique) pour les “Clés de
l’Actualité” auprès des 13-18 ans montre d’abord qu’il sont dans l’ensemble pro-européens. Ils ont une image
plutôt positive de cette Europe, mais ils s’interrogent sur son avenir, ils ne sont pas convaincus du rôle concret que

64
peut jouer l’Union européenne (UE) dans leur vie quotidienne.
2 Ils considèrent que l’Europe a encore des progrès à faire. Ainsi ils expriment la volonté de voir une Europe
démocratique, en paix, surtout sans chômage, accueillante pour les populations opprimées mais aussi puissante sur
le plan mondial.
Reste que pour une majorité d’entre eux - 59% - l’Europe est un sujet éloigné de leurs préoccupations. Une
sorte d’indifférence qui peut paraître étonnante de la part d’une génération pour laquelle l’Europe risque demain
de jouer un grand rôle.

3
Ce qu’ils savent de l’Europe
L’Europe, ils connaissent. 61% des jeunes interrogés affirment être plutôt bien informés à son sujet. Les
réponses varient néanmoins selon l’âge, mais également selon le sexe. Ainsi les 13-14 ans sont plus nombreux à se
déclarer bien informés (65%) que les 17-18 ans (56%).
L’essentiel des informations provient de deux grandes sources: la télévision qui arrive largement en tête
(71%) devant l’école (53%). Les autres moyens d’information, comme la presse écrite, la radio ou encore les
parents, sont beaucoup moins cités.

4 À noter que l’école joue un rôle nettement plus important que la télévision chez les filles et, d’une façon
générale, chez les plus jeunes. Ceux-ci estiment d’ailleurs que c’est l’école qui les informe le mieux.
À travers les informations, les 13-18 ans se font une certaine idée de l’Europe. Pour 71%, elle est riche et
puissante. Ils sont moins nombreux pour affirmer que l’Europe a une véritable identité et, surtout, 54% considèrent
qu’elle n’est pas efficace. Un jugement, donc, plutôt sévère.
5 Pour l’ensemble des jeunes interrogés, l’Europe est avant tout une Union économique, seule une minorité la
considère comme une union politique. Les plus âgés sont sur ce plan nettement plus réalistes: une majorité (64%)
estime en effet que l’Europe est avant tout une union économique, alors que 30% seulement des 13-14 ans sont de
cet avis.

6
Ce qu’ils en attendent
Même si l’Europe leur semble parfois loin de leurs préoccupations, ils en attendent beaucoup. D’abord pour
la France: 70% estiment que notre pays a plus à gagner à la construction européenne qu’à y perdre.
C’est pouquoi, une forte majorité exprime le souhait de voir se construire une Europe puissante au plan
économique. 57% des plus âgés estiment que l’existence de l’Europe peut permettre un développement de
l’économie et donc de leur niveau de vie futur.
7 La crainte du chômage est forte chez les plus jeunes comme chez les plus âgés. 97% considèrent d’ailleurs
que la réduction du chômage en Europe doit être la priorité numéro un. Une forte majorité (93%) estime aussi qu’il
faut mieux défendre les droits des salairiés et les lois du travail.
Sur certaines questions, les 13-14 ans apparaissent nettement plus pro-européens que leurs parents et
même que leurs aînés. Une majorité d’entre eux pensent qu’il faudrait créer un supergouvernement (65%) contre
seulement 58% chez les 17-18 ans. Ils estiment que ce serait un moyen de donner plus de pouvoir et une plus
grande efficacité à l’Europe.

8
Les valeurs à défendre
L’Europe doit défendre certaines valeurs. Une majorité de jeunes (60%) - quels que soient l’âge et le sexe -
estime que l’Europe a un rôle important à jouer pour la défense de la paix dans le monde ainsi que pour la défense
des droits de l’homme. Ils sont ainsi 90% à se prononcer pour la création d’une force de paix pouvant intervenir
lors de conflits. En revanche, l’aide aux pays en voie de développement ne recueille que 36% d’opinions
favorables. Et 15% seulement des jeunes interrogés estiment que la promotion de la démocratie dans le monde doit
être défendue par l’Europe.

9
Travailler en Europe
L’idée de travailler ou d’aller étudier dans un autre pays de l’Union européenne séduit une majorité de
jeunes Français. 68% d’entre eux envisageraient de s’expatrier. Mais seulement 37% disent être “tout à fait” prêts
à le faire. L’âge apparaît déterminant. Les 17-18 ans aspireraient plus facilement à l’étranger (78%), contre 54%
des 13-14 ans. Les plus âgés, consients des difficultés existant sur le marché du travail en France - plus de 700.000
jeunes sont actuellement sans emploi - pensent que l’Europe pourrait leur offrir demain des opportunités d’emploi.

65
Michel HEURTEAUX
(Les Clés de l’actualité. N° 252 du 8 au 14 1997)

Explications
un opprimé qui subit une oppression
avoir des progrès à faire se développer, progresser
la réduction action de diminuer la dimension
la priorité qualité de ce qui vient, passe en premier dans le temps

la promotion de la démocratie accession à un rang social supérieur


s’expatrier quitter la patrie pour s’établir ailleurs, émigrer

une opportunité caractère de ce qui est opportun

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Que peut-on considerer comme sources d’information pour les jeunes ?
2. Relevez les arguments cités dans le texte qui montrent que l’image de l’Europe chez des jeunes est plutôt positive,
mais que leur jugement de l’état actuel de l’Europe est assez sévère.
3. Quels sont les aspirations des jeunes Français liés à l’Europe et à leur vie future dans la société européenne ?
4. Quelles sont les valeurs à défendre selon les jeunes Français?
5. Pourquoi les jeunes Français ne rejettent-ils pas l’idée de travailler dans un autre pays de l’EU ?

B. L’Expression orale
1. En réfléchissant sur l’avenir, pouvez-vous accepter l’idée de l’intégration de l’Ukraine dans la société européenne ?
2. De quelle manière l’Europe peut influencer votre propre vie ?
3. Quelle est votre attitude envers la possibilité de travailler dans un autre pays ? L’accepteriez-vous ?
4. Voyez- vous quelques avantages au marché européen du travail?

De la CECA à l’Euro
1 La création d’une monnaie unique européenne, l’euro, constitue une nouvelle étape de la construction
européenne.
Le 9 mai 1950, naissait la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), réunissant six pays:
la France, l’Allemagne de l’Ouest, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie. Le contenu de l’Accord

66
portait sur le développement d’une collaboration industrielle dans les secteurs minier et sidérurgique entre ces six
pays, seulement cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
2 En 1979, le Système monétaire européen est institué pour stabiliser la valeur des monnaies européennes
entre elles. Leurs taux de change* ne peuvent varier qu’à l’intérieur d’une marge déterminée. Ceci afin
d’empêcher en particulier la spéculation* sur les monnaies, qui coûte très cher aux pays dont les monnaies sont
affaiblies. La création d’une unité monétaire commune, l’écu (ancêtre de l’euro) intervient la même année.
3 La construction d’une Union économique et monétaire européenne démarre en 1998. Ses dernières étapes
sont prévues dans le traité de Maastricht, avec en particulier le passage à la monnaie unique. Par le même traité, la
Communauté européenne se transforme en 1993 en Union européenne.
Selon les promoteurs de l’euro, le passage à la monnaie unique constitue la dernière pierre de la
construction économique de l’Europe, synonyme de stabilité politique et de paix sur le Vieux Continent.

Les Clés. – 1997

Explications
1. l’écu - l’ancienne pièce de cinq francs en argent
2. un taux de change - rapport établi entre deux monnaies
une spéculation - l’opération financière fondée sur les fluctuations du marché
une marge - l’espace entre certaines limites
3. promoteur (m) - personne qui donne la première impulsion

Interaction avec le texte


1.
Quelle organisation a été le précurseur de l’Union Européenne d’aujourd’hui ? Sur quelle
intégration reposait-elle ?
2.
Quelle a été la portée de la création du système monétaire européen en 1979 ? Quel était son objectif final ?
3.
Quelle est la contribution du traité de Maastricht au processus de l’intégration européenne ?
4.
Que signifie « Union économique et monétaire » ?

L’Euro, sonnant et trébuchant


1 L’Italie pourra-t-elle y participer, la Grande-Bretagne le voudra-t-elle? D’un côté, la théorie, les doutes et
les atermoiements. De l’autre, un compte à rebours rigoureux: l’euro, sous forme d’espèces sonnantes et
trébuchantes, commence à voir le jour. Le processus industriel de la fabrication des pièces vient d’être lancé, avec
d’énormes contraintes techniques. “Si fortes qu’elles interdisent pratiquement toute accélération de la mise en
service de l’euro, affirme Emmanuel Constans, directeur des Monnaies et Médailles, un service au budget
autonome du ministère des Finances. Nous allons frapper 6,5 milliards de pièces au cours des trois prochaines
années, soit une production à plein régime de 7 millions par jour”.

67
2 Telle est la contrainte du scénario adopté en décembre 1995 par le Conseil européen de Madrid: tous les
Européens pourront effectuer leurs achats avec des nouveaux billets et des nouvelles pièces, à partir du 1-er janvier
2002; ils y seront contraints six mois plus tard, lorsque le franc sera retiré de la circulation. Cette année-là, 3,5
milliards d’euros et de cents (nom de l’unité de base, le centième de l’euro) seront encore frappés pour reconstituer
les quelques 10 milliards de pièces qui circulent en France - le nombre total de pièces en Europe atteindra le
chiffre astronomique de 70 milliards. Il s’agit donc là d’une opération de grande envergure, ne serait-ce que sous
les aspects industriels et commerciaux.
3 La conception et la fabrication des euros a donné lieu a des empoignades terribles, où les intérêts se mêlent
à l’affectif. Chaque pays avait ses spécificités. La France a accepté de dépenser 50 millions de francs pour cuivrer
les flancs des pièces de 1,2 et 5 cents. Les Allemands ont eu de la peine à adopter des pièces bicolores (1 et 2
euros), plus difficilement falsifiables, à l’image de notre pièce de 10 francs. Il a fallut résoudre la quadrauture du
cercle en créant des pièces à la fois acceptables par tous et bien identifiables, donc différentes des monnaies
existantes. “L’irrationnel était partout”, résume un négociateur. C’est d’ailleurs pourquoi, à la différence des
billets, émis par la Banque centrale européenne, les pièces continueront à relever des gouvernements nationaux. Le
traité de Maastricht est ainsi dans le froit-fil d’une tradition qui date de l’époque où les pièces étaient en or et
valaient plus cher que les billets: la fabrication des billets était déléguée aux banques, mais celle des pièces -
chargées de plus de symboles - restait au coeur des Etats.
4 C’est pourquoi les cents et les euros auront une face commune dans tous les pays européens - avec leur
valeur -, l’autre face étant spécifique à chacun d’entre eux. Là encore, pas de temps à perdre, Le 17 juin dernier, la
France a lancé un concours ouvert à tous pour décider du dessin de la face nationale et pour faire des propositions
à un jury européen pour la face commune. Pour la face française, un jury présidé par Jean Arthuis, ministre des
Finances, vient de faire son choix parmi les 1.240 dessins reçus. Les projets de trois artistes ont été retenus, dont le
plus vieux, Joaquin Jimenez (pièces de 1 et 2 euros), est àgé de 41 ans et dont le plus jeune, Laurent Jorio (pièces
de 10, 20 et 50 cents), né à Bouaké en Côte d’Ivoire, n’a que 24 ans. Pour la face commune, les dessins seront
sélectionnés par le Conseil européen des ministres en juin.

Airy ROUTIER
(Le Nouvel Observateur. - mai 1997)

Explications
1. un atermoiement - remise à un autre temps
un compte à rebours - le compte exacte de dépenses
2. contrainte - une nécessité
frapper une monnaie; une frappe - produire une empreinte sur une pièce de métal
3. une empoignade - discussion violente
se mêler à l’affectif - provoquer les entiments
un blanc d’une pièce - une partie latérale

Interaction avec le texte (Lisez également le texte suivant)


A. L’analyse des idées
1.
Quel délai a été prévu pour le processus de fabrication d’une nouvelle monnaie?
2.
Pourquoi la conception de l’euro a-t-elle provoqué tant de discussions parmi les pays?
3.
De quelle tradition s’inspire le traité de Maastricht pour la fabrication euros?

B. L’Expression orale
68
1. Qu’est-ce que vous savez du changement de la monnaie en Ukraine? Comment ce processus a-t-il touché différents
groupes sociaux?
2. Vous voudriez peut-être savoir concrètement comment les Français vont vivre trois années de transition à l’euro ?
Voici quelques relevés du guide pratique pour s’y retrouver (à voir le texte suivant).

L’euro, mode d’emploi


- Comment va s’effectuer le passage à l’euro?
Le passage du franc à l’euro se fera en deux étapes essentielles. Le 1-er janvier 1999, l’euro deviendra la
monnaie unique européenne. Le 1er janvier 2002, les pièces et les billets en euros remplaceront la monnaie nationale.
On pourra toutefois continuer à utiliser les pièces et les billets en francs jusqu’au 1er juillet 2002. Ces trois années
seront nécessaires d’abord pour fabriquer une énorme quantité de billets et de pièces mais aussi pour modifier le
système informatique des banques et des entreprises.

- Comment vont se présenter les pièces et les billets?


A partir du 1er janvier 2002, l’euro sera présent dans notre vie quotidienne sous forme de pièces et de billets.
Ceux-ci, communs à l’ensemble des pays participants seront au nombre de sept, pour des valeurs de 5,10,20,50, 100,
200 et 500 euros. Huit pièces seront émises: 1, 2, 5, 10, 20, 50 cents (un centième d’euro, que l’on pourra appeler
centime), 1 et 2 euros. Elles comporteront une face commune - Europe des Quinze- et une face nationale. Ces pièces et
billets seront utilisables dans tous les pays européens ayant adopté l’euro.

- Comment va-t-on assurer la fabrication des billets et des pièces ?


Pour remplacer la monnaie actuelle, la France va devoir fabriquer d’ici 2002 près de 3 milliards de billets et 11
miliards de pièces. La fabrication et le stockage seront assurés par la Direction des Monnaies et des Médailles qui
dépend du ministère de l’Economie et des Finances. La frappe des pièces proprement dite sera assurée par l’usine de
Pessac (Gironde) au rythme de 12 milions de pièces par jour. La production totale- près de 26 000 tones- représentera
trois fois le poids de la tour Eiffel.

- Quand pourra-t-on faire ses courses en euros?


Jusqu’en 2002, le franc restera utilisé pour les transactions courantes. Dès le 1er janvier 1999 cependant, chacun
pourra ouvrir un compte à sa banque en euros. Les cartes de crédit permettront de retirer des euros dans les distributeurs
automatiques et d’effectuer des paiements en euros; il sera possible d’avoir un carnet de chèques en euros et de
l’utiliser. Au 1er janvier 2002, l’euro deviendra la seule monnaie: tous les prix seront en euros dans les magasins, les
banques, les administrations... Les revenus (salaires, retraites) seront payés en euros.

- Comment va-t-on convertir les prix en euros?


La valeur sera fixée définitivement le 1er janvier 1999 par les gouvernements euopéens, par rapport à chacune
des monnaies nationales. On saura alors combien l’euro vaut de francs français ou de marks allemands. Aujourd’hui
l’euro vaut environ 6,50 francs. Si l’on retient ce taux de 6,50 francs, une paire de chaussures à 343 francs vaudrait 52
euros et 77 cents.
Reste que l’introduction de la monnaie européenne va nous obliger à jongler avec les chiffres après la virgule.
Comment retrouver en effet l’équivalent en francs d’un prix affiché en euros? Le ministaire de l’Economie et des
Finances a prévu de mettre à la disposition des consommateurs des calculettes qui permettront d’obtenir la conversion
des euros en francs ou des francs en euros.

- Comment va-t-on payer à la caisse ?


De 1999 à 2002 les paiements en espèces continueront à s’effectuer en francs. Les pièces et
les billets en euris seront mis en circulation en janvier 2002.
Les paiements par carte bancaire ; chèque, virement, pourront être effectués en francs ou en
euros.
69
Conseil pratique : Un procédés simple pour avoir une idée de la valeur des francs en euros :
ajouter la moitié de la valeur en francs et divisez le total par dix.
ex. : 100 F = 100 F + 50 = 150:10 = 15 Є
- Quel affichage pour les prix ?
Obligatoire : afficher les prix en francs jusqu’en janvier 2002.
Facultatif : affichage des prix en euros son usage se généralisera progressivement.
- Dans quelle monnaie va-t-on payer à l’étranger ?
Dans la zone euro, les payements en espèces se feront avec les billets du pays, en attendant
l’introduction des billets et des pièces en euros à partir de 2002.
En revanche, à partir du 1 janvier 1999, on peut payer avec sa carte bancaire internationale
dans la monnaie du pays, on en euros, si le commerçant l’accepte.
L’euro facilitera les échanges dans les 11 pays et supprimera les frais de change.
Hors zone euro, l’achat de devises s’effectuera selon leur parité avec l’euro (et non plus avec
le franc).
L’Euro. Guide pratique 1999-2000

70
VI. LES PROBLÈMES DE LA FAMILLE

Les mutations de la famille


1 Curieuse famille, tout de même. Alors que se multiplient les signes d’un trouble profond, elle apparaît plus
que jamais comme la valeur de référence, au plan individuel comme au plan collectif. Pour certains, cela impose
que soit restaurée la famille traditionnelle telle qu’elle est supposée avoir existé. La réalité ne leur donne pas
raison. Les nouvelles organisations familiales qui s’ébauchent actuellement sont multiples, mouvantes, éclatées et
elles tournent résolument le dos aux modèles anciens. En fait, ce ne sont pas les valeurs familiales qui sont en
crise. C’est l’insititution familiale qui ne parvient plus à trouver sa place. Impossible, dès lors, de s’en remettre
exclusivement à une structure qui n’est plus capable d’être, sous sa forme classique, au centre de toute
organisation sociale.
2 La montée des divorces, l’accroissement des naissances hors mariage, les recompositions familiales
constituent autant de symptômes d’un brouillage général des repères qui s’instille aussi dans les familles
“classiques” avec l’apparition d’un nouveau modus vivendi entre parents et enfants et l’accroissement des
difficultés que rencontrent les adolescents pour s’insérer dans la vie professionnelle. L’allongement de la durée de
vie et les traces laissées par la dégradation de la situation de l’emploi contribuent à remodeler les rapports entre
générations.
3 Ces phénomènes, s’ils ont indiscutablement débouché sur une crise de la représentation parentale en
général (et paternelle en particulier), ne doivent pas faire oublier que des moyens nouveaux de gagner en
indépendance sont apparus. Même si ces occasions imposent, notamment aux femmes, des contreparties souvent
difficiles à assumer. Ambivalents et survenant dans une société en crise, les bouleversements de la famille
suscitent, logiquement, davantage d’inquiétudes que de motifs de réjouissance. L’ancien modèle disparaît, mais le
nouveau, multiforme, n’a pas encore imposé sa cohérence.
4 Ces flottements se traduisent par la recherche de nouveaux équilibres. Les juristes cherchent à forger de
nouveaux droits de l’enfant et à redéfinir l’autorité parentale dans un contexte inédit et les pouvoirs publics
s’efforcent, non sans tâtonnements, à utiliser de manière plus efficace la manne de la politique familiale.

Jean-Michel NORMAND
(Le Monde. Dossiers et documents. - 29.02.1995)

Explications
1. la valeur de référence - la valeur primaire, importante
cela impose - cela oblige à accepter, cela fait croire
ne pas donner raison à - ne pas être d’accord avec
s’ébaucher - prendre forme
mouvant - changeant
valeurs familiales - valeurs ayant rapport à la famille
s’en remettre à - donner confiance à
2. s’instiller - pénétrer
modus vivendi (lat) - manière de vivre, mode de vie
s’insérer - trouver place
3. une contrepartie - un avis contraire (ici: un incovénient)
imposer sa cohérence - montrer son sens logique
4. ces flottements - cette incertitude, ces perturbations
forger - inventer, créer par l’imagination
l’autorité parentale - l’influence exercée en commun par les père et mère, ou à défaut
par l’un des deux, jusqu’à la majorité ou l’émancipation d’un
mineur

71
non sans tâtonnements - non sans hésitations
la manne - le bienfait inattendu

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelles sont les connotations de l’expression « les mutations de la famille »?

2. Quels sont les symptômes de la crise de l’institution familiale à l’heure actuelle ?

3. Comment manifeste le nouveau modus vivendi entre parents et enfants?

4. Quels phénomènes sociaux, contribuent à remodeler les rapports entre les générations?

5. Pourquoi, selon l’auteur, les bouleversements de la famille suscitent-ils de l’inquiétude?

6. Comment remerdie-t-on à la situation ?

B. L’Expression orale
Y a-t-il des ressemblances avec la situation de la famille ukrainienne ?

Naissances des années 90


1 Intensification de la surveillance prénatale, fréquence accrue des déclenchements
d’accouchements, péridurales plus nombreuses: ces dernières années, les pratiques médicales
liées aux naissances se sont profondément modifiées.

2 Primipares, parturientes, multipares: autant de noms techniques attribués aux futures mères par les
spécialistes de la mise au monde. Un vocabulaire qui souligne la médicalisation de l’accouchement, mise en
lumière par l’enquête La naissance en France en 1995 (1), réalisée conjointement par le Service des statistiques,
des études et des systèmes d’information, la Direction générale de la Santé et l’Inserm. Un travail dont la mise en
parallèle avec la précédente enquête, réalisée en 1981, met en lumière d’importantes évolutions.
3
Une meilleure surveillance
Entre 1981 et 1995, le nombre des visites prénatales a sensiblement augmenté. Aujourd’hui, plus de 73 %
des futures mères se présentent au cours de leur grossesse à au moins sept visites (chiffre fixé par la
réglementation dans le cas de grossesses normales); elles n’étaient que 43% en 1981. Bien que devenues rares, les
grossesses non suivies continuent d’exister: on estime leur nombre à 1 500 par année, soit 0,2% des futures
naissances.
4 Les échographies sont elles aussi plus systématiques: désormais, la moitié des futures mères subissent cet
examen à deux voire trois reprises, nombre recommandé par la Conférence de consensus de 1987. Le taux des
parturientes n’ayant subi aucune échographie durant leur grossesse est tombé à 0,3% contre 18% en 1981!
Les préparations à l’accouchement attirent elles aussi plus de futures mamans: en 1995, 65% des primipares
et 22% des multipares ont suivi ces séances, contre respectivement 51% et 18% quatorze ans plus tôt.
5 Les pratiques liées à l’accouchement ont, elles aussi, évolué. Entre les deux périodes de référence, le
pourcentage des déclenchements est passé de 10 à 20%. Cette tendance à la hausse est encore plus nettement
marquée pour les péridurales, utilisées aujourd’hui pour 49% des naissances; contre 4% en 1981. Dans le même
temps, les anesthésies générales ont diminué, passant de 14 à 5%.
6 Le pourcentage de césariennes est passé de 11 à 16 %, celui des acouchements par voies basses opératoires
de 11 à 14%. Deux données qui soulignent la volonté du corps médical de maîtriser autant que possible
l’accouchement.

72
(1) L’enquête a été effectuée sur un échantillon de 13 631 enfants, soit toutes les naissances enregistrées en
France entre le 30 janvier et le 5 février 1995.
7
Les mères des années 90
Les femmes qui ont accouché en 1995 étaient plus âgées, plus diplômées et vivaient plus souvent seules que
les parturientes de 1981. Entre 1981 et 1995, la proportion des accouchées de moins de 25 ans est passée de 39 à
21%, celle des 30-39 ans de 24 à 38%.
Les naissances hors mariages ont connu une forte augmentation, passant de 12% à 39%. Même évolution à
la hausse, quoique moins prononcée, pour le taux des mères vivant seules qui atteint désormais 7%, contre 5% en
1981.
Sur cette période, le niveau d’études des mères s’est, lui aussi, nettement amélioré: en 1995, 33% des
accouchées ont le baccalauréat, contre 13% en 1981. Le nombre des parturientes ouvrières a baissé, alors que dans
le même temps, celui des employées et des cadres a augmenté. Parallèlement, la part des femmes au foyer a
diminué.

MGEN - janvier 1997

Explications
A. Les connotations culturelles
Accouchement, surveillance de la grossesse, c’est gratuit en France. Les femmes reçoivent des
allocations prénatales, si elles font suivre leur grossesse.

B. Vocabulaire
1. un déclenchement d’accouchement - un accouchement stimulé par un médicament
2. une péridurale - une anesthésie régionale par une injection dans l’espace
épidurale (contraire à une anesthésie générale)
primipare - se dit d’une femme qui enfante pour la première fois
contrairement à une multipare
parturiente - femme qui accouche
l’Inserm - Institut National de la santé et de la recherche médicale,
organisme créé en 1964, en remplacement de l’Institut national
d’hygiène qui a pour fonctions l’étude des problèmes sanitaires
du pays, l’orientation de la recherche médicale et le conseil du
gouvernement en matière de santé
6. une césarienne - une opération spéciale en cas d’accouchement difficile
7. femme au foyer - épouse qui tient sa maison et qui n’est pas salariée

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quels sont les progrès réalisés ces dernières années en matière de surveillance prénatale ?
2. Faites le portrait des mères des années 90.

B. L’Expression orale
1. Qu’observe-t-on en Ukraine en matière de surveillance prénatale ?

73
2. En vous référant aux données du texte “Les mères des années 90”, comparez le portrait social des mères françaises et
des mères ukrainiennes.

Crise du mariage
1 N’en déplaise aux défenseurs des traditions, le mariage n’a plus la cote. En 1993, seules 255 200 unions ont
été célébrées en France métropolitaine, soit 6 % de moins que l’année précédente. Ce nombre, le plus faible du
siècle en dehors des périodes de guerre, s’est stabilisé en 1994 autour de 254 000, selon des données encore
provisoires rendues publiques vendredi 10 mars par l’Insee, alors que les personnes en âge de convoler, en
particulier les 20-30 ans, appartiennent à des générations nombreuses. Ce qui donne la mesure du désintérêt pour
cette institution.

2 La tendance est générale: on se marie moins dans l’ensemble de l’Union européenne, excepté en Grèce et au
Luxembourg, mais la France paraît avoir accentué le phénomène, avec un rythme de diminution (4% par an de
1990 à 1993) beaucoup plus rapide qu’en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas ou au Danemark.
3 Une timide reprise de la nuptialité s’était esquissée de 1988 à 1990, mais “elle n’a pas résisté à la crise
économique et au chômage qui compromet l’installation des jeunes couples”. On se marie également de plus en
plus tard. L’âge moyen du premier mariage continue de s’élever (28,7 ans en moyenne pour les hommes et 26,6
ans pour les femmes). Par rapport à 1983, les hommes et les femmes attendent trois ans de plus avant de
“régulariser” leur union. En 1993, 125 700 jeunes de moins de 25 ans ont franchi le pas. Ils étaient trois fois plus
nombreux en 1980.
En fait, l’âge de la première union est étroitement corrélé à la situation économique: les mariages unissent
des personnes de plus en plus jeunes durant les périodes d’expansion économique et sont retardés lorsque les
temps sont difficiles.
4 Célibat définitif
Le revirement est très rapide. Ainsi, le premier choc pétrolier marque un renversement de tendance. Avant
1973, le premier mariage intervient de plus en plus tôt pour se stabiliser à 24,4 ans pour les hommes cette année-là.
Depuis, il se produit de plus en plus tard... ou jamais. Aujourd’hui une femme de 35 ans sur cinq est célibataire et
15% des femmes de 40 ans ne sont pas et ne se sont pas mariées. Celles qui sont nées en 1943 n’étaient que 9%
dans ce cas au même âge. “Même si l’on peut s’attendre à des régularisations sur le tard d’unions hors mariage
de longue durée, un nombre croissant de femmes devraient rester définitivement célibataires”, note l’Insee.
5 Les statisticiens ont donc inventé le terme de “célibat définitif”, qui désigne ceux qui ne convoleront jamais
en justes noces. Toutefois, cette notion est floue, car elle recouvre à la fois les célibataires, les couples non mariés
qui gardent chacun son domicile.
Enfin, l’union libre touche désormais toutes les classes sociales et tous les âges, et l’enfant n’entraine plus
une “régularisation” systématique. En 1992, une naissance sur trois intervenait hors mariage.
Michèle AULAGNON
(Dossiers et documents. - 11 mars 1995)

Explications
1. n’en déplaise à - même si cela soit contrarié (iron.)
n’avoir plus la cote - ne pas avoir la valeur, ne pas être populaire
une union - le mariage
Insee - Institut national de la statistique et des études économiques,
organisme public chargé de la publication des statistiques
françaises et de diverses enquêtes et études, notamment en
matière de conjoncture économique
âge de convoler (iron.) - âge de se marier. Ex.: convoler en justes noces, faire un mariage
légitime
donner la mesure de - montrer pleinement

74
3. la nuptialité (taux de nuptialité) - rapport du nombre de mariages d’une année à l’effectif moyen
de la population
régulariser - rendre conforme à la loi
franchir le pas - se décider à faire une chose
4. un célibat - état d’une personne qui n’a jamais été mariée
revirement - changement brusque et complet dans les opinions, dans la
manière d’agir d’une personne ou d’une collectivité
5. sur le tard - à un âge avancé
convoler en justes noces - faire un mariage légitime
flou - vague, mal déterminé
l’union matrimoniale - l’union par mariage; ant.: l’union libre; l’union hors mariage ;
ant.: concubinage

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Sur quelles données l’auteur s’appuie-t-il en affirmant que le mariage en France n’a plus la cote?
2. En vous référant au texte, relevez les causes du recul de la nuptialité.
3. Quel est l’âge moyen du premier mariage aujourd’hui? De quoi dépend-il directement?
4. Qu’appelle-t-on “célibat définitif”?

B. L’Expression orale
1. Pouvez-vous dire que la crise du mariage apparait comme phénomène universel?
2. Quel est l’âge moyen du premier mariage en Ukraine? De quoi dépend-il?

Mariages moins nombreux et plus tardifs


1 La remontée du nombre des mariages amorcée en1988 a connu un fléchissement en 1991: 280 200
mariages ont été prononcés, soit 6 900 de moins qu’en 1990. Un chiffre toutefois supérieur à ceux de 1989 et
1985. Cette situation, soulignée dans une étude de l’INSEE, n’a rien d’exceptionnel en Europe. On enregistre une
chute encore plus grande des unions en Allemagne (12% de baisse en 1991 sur 1990). Le mouvement a même été
amorcé en 1990 en Suède, et dans presque tous les pays du sud de l’Europe. Les Français prisent de plus en plus
l’union libre, qu’ils aient ou non des enfants. En 1990, 1,7 million de couples non mariés ont été recensés, soit un
couple sur huit au lieu de un sur trente-cinq en 1968. Conséquence: la part des naissances hors mariage croît
toujours depuis vingt ans et dépasse 30% de l’ensemble des naissances en 1991 (entre 7% en 1970): 70 000
enfants ont assisté au mariage de leurs parents en 1991, soit 3,7% de plus qu’en 1990.
2 D’une façon générale, les Français se marient de plus en plus tard. Jamais l’âge moyen au mariage n’a été
aussi élévé depuis 1945: vingt-six ans pour les femmes et vingt-neuf ans pour les hommes. Chez les divorcés, 83
000 personnes se sont remariées en 1991 contre 85 000 en 1990. C’est la première fois que la courbe des
remariages baisse depuis 1984, malgré une population de divorcés en hausse jusqu’en 1987. Les mariages mixtes,
en revanche, gagnent du terrain: 33 000 en 1991 contre 30 600 en 1990. Les ressortissants d’Afrique,
principalement du Maghreb, sont les plus concernés avec 50% des unions mixtes. Les mariages avec des
Européens diminuent (33% des unions mixtes contre 59% il y a dix ans).

Chriatiane CHOMBEAU
(Dossiers et documents. - 15 décembre 1997)

75
Explications
1. amorcée - commencée
une chute - une baisse brutale
2. le mariage mixte - le mariage entre deux personnes de religions, de race et nationalité
différentes
gagner du terrain - avancer (ant.: perdre du terrain)
3. priser - estimer, apprécier
recenser - dénombrer, inventorier des personnes, des choses

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Que se passe-t-il dans les autres pays européens en ce qui concerne le mariage ?
2. Quelle est la tendance en ce qui concerne les mariages mixtes ?

B. L’Expression orale
Tâchez de trouvez les données statistiques concernant la situation
de la nuptialité en Ukraine, comparez-les avec celles en Europe et
parlez des tendances qui se manifestent dans ce domaine.

La cohabitation en vogue
1 Le développement de la vie en couple sans mariage (cohabitation) est un des phénomènes majeurs de
l’évolution des moeurs depuis vingt ans, le nombre de mariage n’ayant cessé de baisser chaque année de 1972 à
1987. La cohabitation s’y est en partie substituée: sauf chez les plus jeunes, si l’on ajoute mariés et non-mariés, on
retrouve en 1986 dans chaque tranche d’âge des proportions de couples “les proches” de celles rencontrées en
1970 avec les seuls mariages. Cette cohabitation, cependant, conduit souvent au mariage: au bout de dix ans 61,5%
des “cohabitants” se sont mariés. A ce terme, d’ailleurs, 2,6% des cohabitants des années 1968 à 1982 ne se sont
pas mariés, ou n’ont pas eu d’enfant.
2 Mais la probabilité de se marier comme d’avoir un enfant décroît avec le temps: 25% des cohabitants se sont
mariés au cours de leur première année de vie commune et pratiquement autant au cours des deux années
suivantes; 9% ont eu un enfant dès la première année, 8% au cours des deux années suivantes et 4% seulement par
la suite. A l’inverse, la cohabitation avant le mariage devient sinon la règle, du moins très répandue, puisque, selon
les âges, 50% à 60% des nouveaux mariés ont déjà vécu ensemble auparavant. Mais ce n’est pas une garantie de
stabilité: au bout de dix ans, 30% des couples de cohabitants se sont séparés, les uns (20%) pendant la
cohabitation, les autres après s’être mariés. De même, 15,6% des mariages aboutissent à une rupture lorsqu’ils ont
été précédés d’une cohabitation et 12,3% s’ils ne l’ont pas été.
3 Globalement, la cohabitation tend aussi à reduire la fécondité en retardant les premières naissances: la
“descendance finale” des femmes de trente-cinq ans n’est que de 1,81 en cas de passage par la cohabitation,
contre 2,06 en cas de mariage direct. Mais le mariage représente toujours une rupture dans les comportements à cet
égard: le taux de fécondité s’accroît très fortement chez les cohabitantes lorsque celles-ci se marient. Par ailleurs,
en 1989, selon le rapport, le taux de fécondité général, à 1,81 enfant, n’a guère changé par rapport aux années
précédentes et reste inférieur au taux de renouvellement des générations. Cependant, il suffit pour un léger
accroissement de la population (0,42%), en raison d’une structure par âge favorable (un nombre encore important
de jeunes). Avec les immigrants, évalués à cinquante mille, nombre “hypothétique” et vraisemblablement sous-
estimé selon le rapport, on arrive à une progression de 0,51%.

76
4 Dans la plupart des pays européens, on constate une baisse de fécondité, y compris en Europe orientale, où
elle demeure cependant plus élevée en général. Mais plusieurs pays à basse fécondité “connaissent depuis
plusieurs années un certain regain”: Danemark, Luxembourg, Norvège, et surtout Suède. Dans ce dernier pays,
l’indice de fécondité remonte depuis 1985 et dépasse aujourd’hui le chifrre de deux enfants par femme, par suite
de l’arrêt de la baisse de la fécondité chez les plus jeunes et d’une remontée après vingt-cinq ans.

Guy HERZLICH
(Dossiers et documents. - 29 décembre 1992)

Explications
1. une tranche d’âge - une période d’âge
des cohabitants - personnes en concubinage
2. la fécondité - faculté de se reproduire (contr. stérilité)
4. un regain - un retour, un relancement

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. La cohabitation avant le mariage, qui devient la règle, est-elle une garantie de stabilité?
2. Quelle tendance peut-on observer dans le phénomène de la cohabitation par rapport à la fécondité?

B. L’Expression orale
Pouvez-vous parler du phénomène de la cohabitation dans la société ukrainienne? Est- elle
acceptée par toutes les couches sociales?

Enfants “naturels”
1 Avec 30% de ses enfants nés hors mariage, la France se situe au second rang des pays de la Communauté
européenne, assez loin tout de même du Danemark où près de la moitié des enfants naissent de couples non
mariés. En vingt ans, la situation de l’enfant naturel a complètement changé en France. Hier, il était marginal,
habitait le plus souvent la région parisienne ou les très grandes villes, et son père ne le reconnaissait que rarement.
Aujourd’hui, près d’un enfant sur trois naît hors mariage, un peu moins des deux tiers sont reconnus par leur père,
et leur répartition sur le territoire français est beaucoup plus harmonieuse.
2 Il faut toutefois noter que la proportion des pères reconnaissant leur enfant varie en fonction de la catégorie
socioprofessionnelle de la mère. Le plus fort taux de reconnaissance se trouve quand la mère est cadre, le plus
faible, quand la mère est sans activité. Or c’est dans cette catégorie qu’il y a le plus fort nombre d’enfants naturels.
Les distinctions entre les naissances d’enfants naturels et les naissances légitimes s’estompent: qu’elles soient
mariées ou non, les femmes ont des enfants de plus en plus tardivement et même la répartition saisonnière des
naissances hors mariage (pic en juillet) tend à se rapprocher de celle des autres naissances (pic en mai). Ce qui fait
dire que les naissances hors mariage semblent être l’aboutissement d’un projet délibéré, alignant les couples non
mariés sur le modèle traditionnel de la famille.

77
Christiane CHOMBEAU
(Dossiers et documents. - 14 avril 1992)

Explications
1. enfant naturel - né hors mariage (contr.: enfant légitime)
reconnaître un enfant - affirmer par un acte juridique être le père ou la mère d’un enfant
2. le plus fort taux de - le plus grand nombre de

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.

A quelle place dans la Communauté européenne se situe la France


en ce qui concerne le taux des enfants naturels?
2.

Est-il possible de constater une évolution dans la situation de ces


enfants dans la société française?
3.
Quelle est la situation de l’enfant naturel selon la classe socio-professionnelle des parents?

B. L’Expression orale
Parlez du problème des enfants nés hors mariage en Ukraine.

1 million de familles recomposées


1 L’idée d’un foyer unique qui réunit les membres du groupe est caduque. Il existe désormais plusieurs
domiciles, et le terme de famille va désigner un réseau de foyers que relie la circulation d’enfants de couples
séparés.
Ces familles “en kit” sont de plus en plus nombreuses. L’Insee estime leur nombre à 661 000 sur la base des
données recueillies lors du dernier recensement de 1990. Or ce mode de calcul sous estime largement le
phénomène, car il ne comptabilise que le couple, marié ou non, qui vit avec un enfant né de l’union précédente de
l’un des deux conjoints. Les statisticiens privilégient donc l’une des deux moitiés du couple précédent, la mère le
plus souvent, puisque dans neuf cas sur dix c’est elle qui obtient la garde de l’enfant après un divorce ou une
séparation. Comme, dans le même temps, on sait que les hommes “recomposent” une famille plus facilement que
les femmes le nombre de foyer concernés par ce phénomène peut être estimé à près d’un million. Au total, 20%
des familles ne correspondent plus au traditionnel schéma du couple qui élève tous ses enfants et seulement ses

78
enfants. Un foyer sur cinq...
Un phénomène récent

Le phénomène est massif, mais il est aussi récent. On est bien loin du XVII-e siècle, lorsque près d’un
mariage sur trois était un remariage consécutif au veuvage, ou du début du XX-e siècle, lorsqu’un divorce pour
faute permettait à une seconde union de “réparer” la première. Le phénomène de la recomposition est la
conséquence en droite ligne du grand bouleversement, depuis les années 70, que représente l’augmentation des
divorces. Ceux-ci concernent un couple sur trois en France, dont un sur deux en région parisienne. Aujourd’hui, un
mariage sur quatre est un remariage pour au moins un des époux. Mais cette fin du couple conjugal n’entraîne pas
la fin du couple parental. Les parents conservent des liens en exerçant leur rôle vis-à-vis d’un enfant dont ils n’ont
pas forcément la garde. Point d’orgue de cette évolution, la loi du 8 janvier 1993 dispose que l’autorité parentale
partagée est la norme en cas de divorce et limite toute procédure d’adoption par le beau-parent à une adoption
simple.
On reste père ou mère quelles que soient les circonstances. Même si la traduction de ce principe dans la
réalité n’est pas évidente. Un enfant sur quatre seulement voit son père tous les quinze jours, un sur trois une fois
par mois, un sur trois n’a plus de relations avec lui.

Dossiers et documents. - 20 mai 1995

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Mettez en évidence “l’évolution des moeurs” dans la société actuelle. De quel phénomène récent l’auteur parle-t-il?
Qu’est-ce qu’une famille recomposée ?
2.
Est-ce que le divorce désigne la fin du couple parental? Quelle modification juridique est intervenue récemment ?

B. L’Expression orale
1. Quels problèmes psychologiques et sociaux voyez- vous dans la vie d’un enfant pendant et après le divorce de ses
parents?
2. Le problème de la recomposition familiale existe-t-il en Ukraine?

Hommes, nourrices d’avant-garde


Encore très minoritaires, les mecs-nounous imposent leur différence

1 Faire garder son bébé par un homme? Cela commence à se faire: depuis le 1-er janvier 1993, la profession
d’assistant maternel leur est officiellement ouverte. Mais ils sont encore rares. Six à Paris, et, en moyenne, de zéro
à deux par département. C’est peu en regard des 130 000 femmes nourrices. Selon le dernier recensement de
l’Insee, le métier d’”assistante maternelle, gardienne d’enfants” présente le plus fort taux de féminité: 0,3%
d’hommes, moins que chez les employés de maison (1,8%) et les secrétaires (2,4%).
“Celle qui gardait les enfants, la nourrice, était aussi celle qui les allaitait: un rôle qui n’était pas
interchangeable. L’homme qui s’occupe du jeune enfant qui n’est pas le sien est même considéré par la société
comme un peu suspect”, constate Roger Téboul, psychiatre et ethnologue. Corinne Regnier se souvient du jour où

79
elle a annoncé que la nounou de son fils serait un homme. “Il est étudiant?” “Il est vieux, alors?” “Est-ce qu’il a
des enfants au moins?” “Il est marié ?” Michel Vialich, assistant maternel, n’était ni vieux, ni étudiant. Au bout
de quinze jours, quand la dixième mère de famille a tourné les talons, il a failli tout arrêter... Depuis, il a gardé plus
d’une vingtaine d’enfants, âgés de 1 mois à 6 ans. Les professions de la petite enfance ont les caractéristiques de
beaucoup de métiers féminins: faible reconnaissance, absence de carrière, bas salaires... Le chômage a certes
déclenché des vocations, mais les équipes qui délivrent les agréments dans les mairies se méfient un peu d’un
choix de dépit. “Bien sûr, le chômage peut aussi encourager une femme à devenir assistante maternelle. Mais
c’est un métier précaire. On ne peut pas en vivre les premières années, et difficilement ensuite. Ce n’est pas
vivable pour un homme qui a une famille à nourrir. Je me souviens d’un jeune homme qui n’a pas hésité une seule
seconde quand il a trouvé un autre boulot. Et c’est normal...”, explique une assistante sociale de la Protection
maternelle et infantile (PMI). La première année, un assistant maternel gagne 2 300 à 2 800 francs par mois.
2 Certains hommes accueillent des enfants une fois retraités, souvent dans le sillage de leur femme. Pierre
Renault, 64 ans, sa carrière derrière lui, décide d’aider son épouse, qui garde trois enfants. Obtenir l’agrément
paraît plus facile: la présence féminine rassure. Car si personne ne remet en cause l’intérêt de la mixité dans les
modes de gardes collectifs, le discours change quand il s’agit de permettre à un homme seul de garder des enfants.
“Les entretiens de motivations sont souvent plus serrés”, poursuit l’assistante sociale.
“Quant j’ai repris le travail, Enguerand avait 2 mois et demi. Je n’avais pas envie qu’il soit trop couvé,
bridé par une femme trop maternante. Je pense qu’il y avait aussi la crainte d’être mise en concurrence tous les
soirs avec une autre. Je n’aurais pas très bien supporté ses conseils ou ses remarques. Avec un homme, c’est
différent”, dit une maman.
3 Les soins, les jeux, les rapports avec les parents ne sont pas copiés sur les attitudes féminines. Benoît
Levasseur, puériculteur, est le seul directeur de crèche municipale à Paris. Et l’un des rares en France. La surprise
passée, les parents s’habituent. “On sait depuis longtemps que le père et la mère ne s’occupent pas de leur enfant
de la même manière. Entre des professionnels, masculins ou féminins, les différences s’atténuent car ces gestes ont
fait l’objet d’un apprentissage précis. Mais il y a, de toute façon, des styles dissemblables”, dit-il . “Entre un
homme et une femme, l’enfant expérimente toujours des voix, des pilosités, des volumes musculaires différents”,
renchérit le professeur Jean Le Camus, directeur du laboratoire “psychologie du jeune enfant” à l’université
Toulouse-Le Mirail. “Je suis célibataire, je ne vis pas avec son père et je ne voulais pas qu’Orélia ne soit élevée
que par des femmes”, explique une autre mère. Le nombre croissant de famille monoparentales a contribué à
éclairer d’une manière différente l’absence des hommes dans le domaine des modes de garde. Selon Michel
Vialich, les assistantes sociales dirigent souvent vers leur enfant. Un atout dont ces hommes jouent avec prudence.
“Une présence masculine d’accord, un substitut, non”, dit Benoît Levasseur.
4 C’est dans les crèches parentales, animées par les parents eux-mêmes, que les enfants ont le plus de
chances de côtoyer un homme. L’embauche d’un professionnel est obligatoire, et les parents recrutent souvent des
éducateurs de jeunes enfants, où on trouve quelques hommes, et des objecteurs de conscience. “Comment parler
de “socialisation” si les deux bases de la société, l’homme et la femme, n’y sont pas représentées? Chez nous, les
candidats ont forcément un atout supplémentaire”, dit Nathalie Gayet, responsable d’une association de crèches
parentales.

Nina LAVERGNE
(Nouvel Observateur, 1998)

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.

En vous aidant du texte, relevez les caractéristiques générales des


professions de la petite enfance. Quelles sont les possibilités pour une
femme qui travaille de faire garder ses enfants ?
2.

Quelle est l’attitude générale des gens envers l’homme comme


assistant maternel? Ont-ils confiance en lui?

80
3.

Par quelles motivations les femmes sont-elles guidées quand elles


choisissent un homme pour garder leur enfant?
4.

Recherchez l’idée-clé de l’article et exprimer votre opinion là-


dessous.

B. L’Expression orale
1. Quels sont les stéréotypes concernant le métier d’assistante maternelle en Ukraine ?
2. Est-ce qu-il y a des changements dans le mode de garde des enfants en Ukraine à présent ? De quel ordre sont-ils ?
Parlez de la situation des crèches et des jardins d’enfant dans votre agglomération.

Le mariage est la dernière grande aventure


1 Le mariage est un état qui n’intéresse plus personne si ce n’est quelques prêtres”-, raillait en sont temps
Louise de Vilmorin. Avait-elle tort? L’autre jour me sont tombés sous les yeux des chiffres édifiants: si la
proportion de femmes françaises encore célibataires à trente ans était de 12% en 1970, elle était passée à 38% en
1994! Âge moyen au premier? Vingt-sept ans pour les femmes, vingt-neuf ans pour les hommes. Quelle
prudence... Il faut bien dire que l’aventure est devenue périlleuse, puisqu’un mariage sur deux à Paris, un sur trois
en France, s’achève par un divorce. A-t-on envie de s’embarquer sur la mer des noces sans les rames? Prendrait-on
un avion qui vous laisserait une chance sur deux de survivre? Hormis quelques exceptions heureuses.
2 Les deux époux sont riches. Il s’agit donc d’un mariage d’amour”, écrivait autrefois la journaliste Janet
Flanner, tout porte désormais au scepticisme nuptial. Cela peut même devenir un objet de réjouissance
ethnologique. L’une des choses les plus amusantes dans les mariages d’aujourd’hui, c’est la tête de ceux qui y
assistent. Quels que soient les doutes intimes qu’ils conçoivent sur les chances de durée de l’union, cette
prémonion ne pèse rien devant la cécité euphronique des jeunes mariés et de tous ceux qui, convaincus avec
Samuel Johnson que le mariage marque le triomphe de l’espoir sur l’expérience, en remettant dans l’allégresse
sonore, sortent leurs tam-tams et leurs bornes de brume, de sorte que l’on arbore aussi son propre tam-tam pour
taper encore plus fort de tout le monde. Lorsque, trois ou sept ans plus tard, on apprend que le divorce vient d’être
annoncé, on éprouve l’amer sentiment du sous-stupeur floué. Sans parler du dépit secret des collatéraux, qui
retrouvent au mont-de-piété ou sur la cheminée du nouveau concubin les cadeaux qu’ils avaient amoureusement
choisis. Banqueroute! Forfaiture! Remboursez! Le mariage contemporain? Une étrange institution qui tient de la
démocratie élective en ses débuts et du renversement de dictature à sa fin. D’abord on croque la fève; ensuite on se
dispute la galette. Marcel Jouhandeau nous avait prévenus: “Les hommes naissent libres et égaux en droit.
Seulement par la suite, il y en a qui se marient”. Tout cela n’est guère encourageant. Par les temps qui courent, un
couple qui dure est volontiers classé monument historique. On le soupçonne d’héroïsme sournois, détenteur de
martingales secrètes qui permettent d’affronter un voyage qui tient du Monopoly et du train fantôme, avec passage
des quarantièmes rugissants, évitement de divers trous d’air et autres pièges à tigres. Il y a désormais des Loick
Peyron de la longévité conjugale, des Autissier des noces d’argent. Ces gens-là sont suspects. Là où les notables
des films de Chabrol, dans les années 70, levaient un oeil offusqué sur la liaison maudite du dicteur avec la femme
du notaire, c’est aujourd’hui le couple durablement marié qui devient du dernier subversif. Il est donc temps
d’inviter les plus séditieux, les plus anticonformistes, les plus brûlants des jeunes gens de ce pays à un choix
révolutionnaire, pareil à celui de la Convention face au roi, de Fidel Castro face à Batista: qu’ils se marient.
Chamfort disait que le mariage est un état trop parfait pour l’imperfection de l’homme. Les vrais conquérants de
l’impossible sont là.

Marc LAMBRON

81
(Figaro, n° 11 - le 18 janvier 1997)

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.

Retrouvez une phrase qui, a votre avis, résume l’idée principale


de l’auteur. Argumentez votre choix.
2.
Relevez le lexique et les images qui se rapportent à l’aventure. Comment l’auteur s’en sert-il ?
3.
Comment pouvez-vous définir la tonalité du texte ?

B. L’Expression orale
Exprimer votre avis en ce qui concerne la portée du mariage.

Mariage:
70% des Français adorent aller à la noce!
Vive la noce! Vive la mariée, jamais trop belle et de préférence en longue robe blanche, avec un voile, mais
pourquoi pas aussi un chapeau, et peut-être même une jarretière mise à prix, aux enchères, pour participer à l’envol du
jeune couple vers le soleil. Vive le petit pincement de coeur le matin dans l’église, les retrouvailles familiales, la tante
Gabrielle, “bon pied bon oeil”, et l’oncle Edmond, échappé des “grosses têtes”. Vive la ronde des amis, des cadeaux, de
la bonne chère, de la ripaille, la musique et les danses jusqu’au matin! Ouf! qu’on se rassure, et les résultats de notre
sondage sont bien là pour le proclamer: en cette fin de siècle parfois morose, malgré l’effritement de la famille, le déclin
de la pratique religieuse, l’éclatement géographique et l’essoufflement inquiétant des tirelires, rien n’a vraiment changé
et le mariage apparaît toujours comme l’une des grandes occasions de faire la fête! Un mariage, de deux choses l’une,
ou l’on y est invité ou c’est vous-même qui l’organisez. Le premier cas est le plus simple, il suffit de s’y rendre le coeur
habillé. Or, à moins de quarante mois de l’an 2000, c’est une très bonne nouvelle, sept Français sur dix (68% des
réponses) affirment aimer “faire la noce”, et les retraités traînent un peu les pieds. Professionnellement, ce sont
largement les ouvriers (81%), immédiatement suivis par les agriculteurs (79%), qui, éternels tenants des bonnes vieilles
traditions, apparaissent comme les plus “grands noceurs”, tandis que les cadres et les “professions intellectuelles” se
font un peu tirer l’oreille (16% disent apprécier modérément les flonflons). Pour l’anecdote, alors que ce grand jour ne
suscite guère de vrai clivage entre sensibilités de gauche et de droite, on remarquera toutefois que les électeurs du parti
communiste se singularisent par un esprit chagrin: 14% affirment ne pas aimer du tout la fête. Une noce est tout d’abord
l’ocassion de retrouvailles, et parmi les choses qu’elles apprécient particulièrement dans un mariage, 59% des personnes
interrogées placent en tout premier la possibilité de “revoir des gens qu’elles avaient perdus de vue”. Cela est surtout
vrai pour les plus de 25 ans, alors que les 18-24 ans - on ne s’en étonnera pas vraiment - sont largement responsables de
la deuxième place accordée à l’”ambiance de fête” (57% des suffrages) au hit-parade des bonnes choses attendues.

Madame Figaro, n° 12 - 18 janvier 1997

82
Explications
A. Les connotations culturelles
« Les grosses têtes » - titre d’une émission satirique de la télévision

B. Vocabulaire
une enchère - dans une vente, offre d’un prix supérieur à celui qu’un autre propose
bon pied, bon oeil - attention! (стережись!)
la grosse tête - celui qui est gonflé du sentiment de sa propre importance
la bonne chère - une nourriture
une ripaille - un grand repas (vieilli)
morose - qui est d’une humeur sombre et chagrin, peu actif économiquement
un effritement - affaiblissement, perte de valeur
une tirelire - bîte; objet creux, muni d’une fente par laquelle on glisse l’argent
qu’on veut économiser
traîner les pieds
se faire tirer l’oreille - s’obstiner, se faire demander,prier
un flonflon - fam.: refrain de chanson populaire et musique qui s’y rapporte
un clivage - distinction entre deux groupes selon un certain critère
un suffrage - vote, voix données en matière d’élection

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Quels sont les plaisirs que procure la noce ?
2.

Quelles motivations poussent les gens à faire ou ne pas faire la


noce? Est-ce que ces choix sont propres à tous les pays, à toutes les
sociétés?
B. L’Expression orale
1. Qu’est-ce qu’une la noce pour vous?
2. Où vont vos préférences : noce au village ou en ville? Pourquoi ?
3. Décrivez une noce ukrainienne.

83
Listes de marige: tout ce qui a changé
C’est devenu un véritable phénomène de société et un
marché en pleine expansion. Services de table et
orfévrerie ont toujours le vent en poupe, mais on offre
aussi des voyages et même des oeuvres d’art. Par Isabelle
Tasset.

À première vue, un certain classicisme semble encore l’emporter: grands magasins et arts de la table connaissent
toujours un franc succès. Rien de tel qu’un magasin où on est sûr de tout trouver. “Et 80% des listes sont constituées de
services de table et d’orfévrerie”, indique Thierry Cousin, du Printemps. Même chose au Bon Marché. Pourtant, les
choses bougent. Tout d’abord, la deuxième liste opère une montée en force. Liste coup de coeur, elle est souvent
l’occasion de se faire vraiment plaisir. Même s’il s’agit souvent d’arts de la table ou de décoration. “On constate un net
engouement pour des objets plus personnalisés, plus culturels”, souligne-t-on chez Articurial qui propose des assiettes,
des verres, des tapis... tous conçus par des peintres ou des sculpteurs. Les boutiques des musées se défendant bien
également avec de nombreuses reproductions ou créations originales.
Autre possibilité: ouvrir une liste chez un antiquaire pour vous faire offrir de la porcelaine ancienne ou des
couverts en argent massif. “Comptez de 18 000 F à 25 000 F pour un service de cent pièces et de 15 000 F à 18 000 F
pour soixante-dix verres Lalique ou Baccarat”, indique Élisabeth Danenberg, installée au Louvre des antiquaires.
Ancienne, la porcelaine de Sèvres est en effet moitié moins chère. Bien sûr, d’autres préféreront la modernité de The
Conran Shop ou de Maison de Famille. Ou des pièces anciennes grâce à l’équipe de New Liste qui simplifie l’accès à la
salle des ventes de Drouot. “Les futurs mariés nous indiquent la commode d’époque ou la tapisserie qu’ils cherchent.
Dès qu’elle passe en vente, ils vont la voir et, si elle leur convient, nous l’achetons pour eux”, explique Véronique de
Janvive. Mais veillez à ce qu’il tienne une comptabilité précise des dons... Autre tendance nouvelle: les listes
comportent de plus en plus de dépenses autrefois financées par les parents ou les mariés. C’est le cas du voyage de
noces.
Mais certaines listes réservent parfois de vraies surprises. “Comme ce couple, qui a mis treize pages de livres de
poche sur sa liste!” note Catherine Pansier, aux Galerie Lafayette. Ou ce passionné d’équitation qui souhaitait que le
Printemps lui fournisse un cheval... Ou encore ces jeunes mariés qui ont versé la totalité de leur liste à une association
caritative. “En revanche, il arrive qu’on nous demande d’exposer les cadeaux le jour du mariage comme le voulait la
tradition, mais nous le déconseillons”, avoue Thierry Cousin.
Côté donateurs, des comportements assez traditionnels persistent. Dans le hit-parade des cadeaux les moins
populaires, les couteaux arrivent en tête (ça coupe), puis viennent les fourchettes (ça pique), les verres (ça casse), le
ligne de toilette (trop intime), la table à repasser (pas très sexy bien que très utile)... “Souvent, les gens tiennet à faire un
cadeu qui leur plaise aussi à eux. À défaut, ils font un cadeau hors liste”, indique Thierry Cousin. Un phénomène de
plus en plus courant, semble-t-il. “Beaucoup préfèrent aussi offrir un bel objet plutôt que trois assiettes, et certains
insistent pour repartir avec leur cadeau sous le bras pour être sûrs que les mariés ne le changeront pas pour autre
chose”, précise Catherine Pansier. Mieux vaut donc prévoir une liste des plus lagres... Les mariés s’en tiennent-ils à leur
liste? Tout d’abord il y a les couples pressés qui optent pour la liste type fournie par tous les grands magasins,
remettant leur choix définitif à plus tard. Puis il y a ceux qui n’osent pas inscrire leur coup de coeur sur la liste de peur
de choquer tante Gertrude et qui jettent finalement leur dévolu sur le service Rosenthal dernier cri. Enfin, il y a ceux qui
en profitent de réduction sur l’ensemble des achats accordés par la Samaritaine, au lieu des traditionnels 5%. Auxquels
s’ajoutent des réductions spéciales sur certains articles. À noter également, le service de conseil mis en place par Le
Bon Marché et les Galeries Laffayette. Pas question pour eux d’organiser votre mariage, mais simplement de vous aider
grâce à de bonnes adresses en tout genre: traiteur, coiffeur, cours de valse... avec jusqu’à 15% de remise sur les
prestataires conseillés par Le Bon Marché. Si vous vous installez à l’étranger après votre mariage, sachez que le
Printemps vous livre à l’autre bout du monde, et qu’il s’occupe des formalités de douane et se charge d’assurer la
marchandise. Enfin, pour ceux que le mariage angoisse, mais qui viennent d’emménager ensemble, il existe une liste
“Premier Toit” au Printemps qui peut être ouverte au moment de la pendaison de crémaillère!

Madame Figaro. - le 18 janvier 1997

84
Explications
A. Les connotations culturelles
Le Louvre des antiquaires - ensemble de beaux magasins d’antiquités en face du Louvre
Printemps, Bon Marché, Lafayette, - grands magasins luxueux
Samaritaine
Lalique et Baccarat - objets en ctistal de grands prix
une liste de mariage - ensemble de cadeaux sélectionnés par les futurs époux, parmi lesquels
parents et amis peuvent choisir pour les offrir lors du mariage
un faire-part - lettre annonçant une naissance, un mariage, un décès
un pragmatisme - attitude de celui qui s’adapte à toutes les situation, qui est orienté vers
l’action pratique
un traiteur - professionnel qui prépare des plats à emporter ou les livres à domicile
un prestataire - personne, collectivité qui vend des services à une clientèle
une association caritative - une associations qui a pour objet de dispenser aux plus démunis une
aide materielle ou morale
une conjoncture - ensemble des éléments qui déterminent la situation économique,
sociale, politique, démographique à un moment donné
l’Hôtel Drouot - les ventes aux enchères de très beaux objets (très chers)
pendaison de crémaillère - fête pour inaugurer la maison
B. Vocabulaire
une orfévrerie - objets fabriqués de métaux précieux, argent et or principalement
(vaisselle de table, objets de toilette, etc.)
avoir le vent en poupe - être dans une période favorable
opérer - accomplir, effectuer
un engouement - goût très vif et soudain pour qch
une équitation - action, art de monter à cheval
un donateur - personne qui fait un don
persister - s’obstiner; demeurer ferme, constant dans ses décisions
opter pour - choisir entre plusieurs possibilité
jeter son dévolu sur qn, qch - fixer sur son choix sur qn, qch

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Quelles sont les problèmes des futurs mariés lorsqu’ils déposent leur liste de mariage ?

2.
Quels sont les problèmes des donateurs vis-à-vis des listes de mariage des futurs époux ?
3.
Quels types de services les grands magasins proposent-ils aux futurs époux et aux futurs
cohabitants ?

85
B. L’Expression orale
1. Décrivez le processus des préparatifs à la noce en Ukraine.
2. D’après quels critères choisit-on les cadeaux de mariage et comment les offre-t-on ?

86
VII. LES FRANÇAIS ET L’EMPLOI

L’accès a l’emploi
1 Chaque année, depuis des décennies et pour encore de nombreuses années, plus de 700 000 jeunes se
présentent pour la première fois sur le marché du travail. Dans des conditions de plus en plus difficiles: ces
nouveaux candidats à l’emploi se heurtånt à la lourde cohorte. tout aussi importante, de ceux du même âge, qui
attendent déjà; neuf mois après, plus de 45% sont encore inscrits au chômage.
Une situation inquiétante dont on se demande combien de temps elle pourra durer sans devenir explosive.
2 D’où cela vient-il? La situation a-t-elle des chances de se redresser dans les années à venir? Pourra-t-on
éviter que ce premier contact avec la vie active ne se traduise par un gâchis de compétence et d’énergie?
Il faut éviter toute réponse pessimiste, mais pourtant il serait malhonnête de ne pas reconnaître que la
situation est excessivement préoccupante.
3 Le contexte est implacable:
- face à une augmentation régulière et importante de la population active, les perspectives de création
d’emplois restent ténues;
- qui plus est, trop de jeunes arrivent encore sur le marché du travail avec une préparation professionnelle
insuffisante ou inadéquate, une mauvaise connaissance des métiers existants et une démotivation marquée, tandis
que nos structures sociales et économiques restent marquées de rigidités qui permettent mal l’adaptation
indispensable au redressement.
4 Et il n’est pas sûr que, face à ce diagnostic, les solutions mises en oeuvre ou envisageables, quelles que
soient leur variété et leur intensité, puissent être rapidement opérantes.

(Le Monde, 9 janvier 1998)

Explications
2. un gâchis - un désordre, une perte
3. être ténu - être fin, minci (ici: problématique)
implacable - irréparable
une rigidité - une inflexibilité
4. opérant - effectif

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelle situation les jeunes doivent-ils faire face au moment du premier contact avec la vie active?
2. Quelles sont les facteurs sociaux qui aggravent les difficultés de l’accès des jeunes à l’emploi?

B. L’Expression orale
1. A partir des informations contenues dans l’article comparez la situation des jeunes Français et des jeunes Ukrainiens
au seuil de la vie active.
2. Vous terminez vos études à l’Université et vous racontez à une amie qui habite Paris la nouvelle vie professionnelle
et sociale qui vous attend.

87
Emploi : questions- réponses
Y a-t-il eu destruction du travail en France depuis vingt ans?
2 Transformation, plutôt. Actuellement, le secteur des services représente 69,5% des emplois, soit 15,27
millions de personnes employées, un chiffre qui n’a cessé d’augmenter, année après année, indépendamment du
chômage (+ 4,6 millions de postes en vingt ans). En revanche, les statistique montrent que le nombre d’emploi
dans l’industrie a constamment diminué depuis 1975: 8 millions de postes il y a vingt ans, 5,22 millions en 1996
(respectivement 38% et 26% de la population active). Le recul de l’agriculture, qui est séculaire, se poursuit: elle
employait encore plus de 2 millions de personnes il y a vingt ans, et un million tout juste aujourd’hui (de 10% à
4,6% de la population active). En net, les services ont plus que compensé les pertes des autres secteurs.
L’augmentation de la population active de 3,25 millions de personnes (+ 14,5%) explique en partie la croissance
du chômage en France.
3 L’emploi est-il devenu plus précaire?
Dans les années 80, le contrat à durée indéterminée (CDI) a progressivement cessé de devenir la norme. De
nouveaux statuts précaires ont vu le jour comme les contrats à durée déterminée (+363 000 entre 1983 et 1993),
l’intérim (+62 000), les stages (+371 000), les contrats emploi-formation pour les jeunes, etc. Le développement
de la précarisation a coïncidé avec le développement du tertiaire et la montée en puissance des femmes sur le
marché du travail. Ce sont surtout les femmes actives (une sur quatre) qui travaillent à temps partiel.
4 Qu’est-ce qu’un travailleur à temps partiel involontaire?
Les travailleurs à temps partiel involontaire sont ceux qui souhaiteraient travailler à plein temps mais qui,
pour des raisons économiques, effectuent un nombre d’heures restreint. Cette catégorie représentait près de 8
millions de personnes en 1993. En France, les hommes appartenant à cette catégorie de salariés représentaient
1,7% de la population active âgée de 16 à 64 ans, et les femmes 7,5%.
5 Qu’est-ce qu’un “travailleur découragé”?
L’expression “travailleur découragé” désigne une personne qui souhaiterait travailler, mais ne cherche pas
d’emploi parce qu’elle pense qu’il n’y en a pas pour elle. En 1993, on dénombrait 4 millions de travailleurs
découragés dans les pays de l’OCDE, dont plus des deux tiers étaient des femmes. En France, les “travailleurs
découragés” sont pour la plupart au RMI.
6 Y a-t-il inégalité des sexes devant le chômage?
Au sein de chaque catégorie professionnelle, les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes,
mais l’écart tend à s’atténuer avec le niveau de diplôme: il atteint 6 points chez les non-diplômés, contre 1 point
chez les diplômés du supérieur en 1993. Pour une profession donnée, c’est le sexe le moins représenté qui est le
plus touché par les licenciements. En règle générale, le chômage masculin semble particulièrement sensible aux
aléas de la conjoncture: il atteint le niveau du chômage féminin en période de récession et décroît plus vite que le
chômage des femmes en période de croissance.

(Le Monde, 14 janvier 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. une préretraite - retraite anticipée avant l’âge légal
3. le tertiaire - le secteur économique incluant services, commerce, transports
assurances communication
5. être au RMI - toucher le Revenu minimum d’Insertion si les ressources sont
inférieures au seuil de pauvreté (2 000 F par mois)
6. la période de récession - relentissement de l’activité économique
la période de croissance - état de l’économie se manifestant par l’augmentation du produit
national brut

88
B. Vocabulaire
1. s’insérer sur - s’introduire
la classe d’âge - période d’âge
2. en net - en somme
3. l’emploi précaire - à mi-temps
l’Intérim - travail temporaire
un licenciement - un renvoi du travail
un aléa - une risque

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Dites, quelles sont les tendances de la transformation de l’emploi en France d’aujourd’hui?

B. L’Expression orale
1. A partir des données figurant dans le document étudié vous commentez chaque réponse et vous comparez l’état des
choses en France et en Ukraine.

La croissance et l’emploi
Pendant trente ans l’expansion soutenue a entretenu le plein emploi en France. Mais
de puis vingt-cinq ans, rien ne va plus. Le chômage se développe et la pensée
économique traditionnelle est défaillante. Analyse.
1 Quand l’économie s’enrhume, l’emploi tombe malade. Depuis la fin des Trente Glorieuses, belles
années de la reconstruction d’après-guerre où la machine économique en croissance moyenne de 5% par an
assurait le plein emploi, la France a découvert la crise: des croissances plus irréguliìres et surtout plus
faibles.
Ce qui a provoqué l’apparition d’un chômage devenu omniprésent: 2% de la population active en
19173, 11,5% aujourd’hui...
2 Surtout, toutes les tentatives pour endiguer cette hausse ont échoué. Que la croissance s’amollisse et la
hausse du chômage bondit. Que la croissance se renforce comme en 87, 88 et 89 (avec une pointe à 4,3% en
88) et la hausse se tasse. Mais ne s’inverse pas durablement. Quoi qu’aient pu assurer toutes les promesses
de circonstance.

La barre des 3%
3 Ainsi tout faiblissement de conjoncture se traduit rapidement par des pertes d’emplois. Mais la
réciproque n’est hélas pas toujours vraie : on ne sait toujours pas en France créer significativement de
l’emploi au moindre frémissement de croissance, comme d’autres pays développés, en particulier les Etats-
Unis.
Il faut ici au moins 3% de croissance pour maintenir l’emploi. Donc franchir la barre des 3% pour
commencer à en recréer. Au dessous, l’emploi s’effiloche, jusqu’à se détruire très fortement dès que la
croissance tombe en panne, voire recule de 1% comme on a pu le constater en 93.
D’où vient le chômage, quelles étranges relations, fortement négatives dans un sens et trop peu
positives de l’autre, entretiennent donc croissance et emploi?
4 L’analyse économique distingue en fait deux types de chômage qui requièrent deux types de

89
traitement différents. Un chômage dû à un manque de demande, ou chômage keynésien (du nom de
l’économiste John Maynard Keynes): les travailleurs ne trouvent pas d’emplois, les entreprises pouvant les
embaucher manquent de débouchés pour produire davantage.
Deuxième type de chômage, le chômage dit classique, au sens de la théorie classique (il y a toujours
équilibre entre l’offre et la demande), dû à un manque de rentabilité du capital à mettre en oeuvre: les
travailleurs ne trouvent pas d’emplois, les entreprises produisant en quantités inférieures à la demande
potentielle du fait du manque de rentabilité des investissements à opérer pour produire davantage et donc
embaucher. Ce qu’accentue encore la concurrence étrangère.

Relance ou... baisse des taux?


5 De quel chômage souffrons-nous donc depuis “la crise”? D’un chômage keynésien qui pourrait avoir
comme réponse une grande relance économique (programme de grands travaux, plan Marshall, distribution
de pouvoir d’achat aux ménages, etc.) pour retrouver une croissance par une stimulation de la demande et
créer des emplois? Ou d’un chômage classique qui se résorberait grâce à des taux d’intérêt très bon marché,
permettant d’assurer plus facilement la rentabilité du capital et donc d’inciter les entreprises à investir puis à
embaucher?
Sans doute des deux à la fois.
6 Pourtant l’une et l’autre des deux voies ont été tour à tour tentées. Sans grand résultat, hélas.
Vraisemblablement d’abord parce que d’autres sources de chômage, insuffisamment prises en compte,
interfèrent lourdement. (...)
Ensuite encore parce que la discipline monétaire et budgétaire imposée par les critères de
convergeance de Maastricht limite les possibilités d’expérience de relance à grande échelle.
Enfin et surtout également parce que, si les grandes théories fonctionnent parfaitement sur le papier,
elles se heurtent à la réalité humaine qui est au coeur du système et qui amplifie les phénomènes: pour peu
que la conjoncture se dégrade, le consommateur prend peur et épargne au lieu de consommer. Ce qui
affaiblit encore la demande et accélère la hausse du chômage. Sans dire que le vieillissement de la
population et les produits de toujours meilleure qualité dans nos pays développés calment naturellement les
fringales de consommation qui s’étaient développés ces dernières décennies...

(Le Monde, 10 janvier 1998)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. les Trente Glorieuses - la période d’après guerre jusqu’aux années 70
le plein emploi - emploi total de la main-d’oeuvre disponible dans le pays (sur le
modèle des Trois Glorieuses 27, 28, 29 juillet 1830 qui ont mis
fin au règne des Bourbons)
4 John Maynard Keynes (chômage - économiste anglais de la période de la crise économique le 1929
Keynésien) qui préconisait le déficit budgétaire pour relancer l’économie

B. Vocabulaire
1. défaillant (e) - qui devient faible
2 endiguer (fig.) - une crise, un chômage: empêcher, enrayer
se tasser - diminuer de volume, se serrer
3 franchir la barre des 3% - dépasser le niveau
s’effilocher (ici: fig.) - s’amincir, s’user, devenir rare
4 requérir - demander, réclamer
embaucher - donner
5 se résorber - disparaître
les fringales - désirs, faim irrésistible

90
Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1.
Quels sont rapports de la croissance économique et de l’emploi? Qu’entend-on par la barre de
3%?
2.
Quelles sont les racines et les sources du chômage ?
3.
Expliquez la différence entre les deux types de chômage mentionnés dans le texte. De quel
type de chômage souffre l’économie française aujourd’hui?
4.
Quelle est le comportement des consommateurs aux périodes de crise économique et quelles
en sont les conséquences?

B. L’Expression orale
En vous référant aux idées du texte étudié, commentez le droit des hommes de tous les pays -
le droit à l’emploi.

La Haute-Normandie assiste impuissante


à une hémorragie de ses emplois
Dans l’Eure et la Seine-Maritime, plans sociaux et fermetures de sites
1
se multiplient, tandis que le chômage atteint un taux de 15,1%. Des
entreprises fragiles sont touchées, mais aussi des unités performantes. Les
élus démunis face aux stratégies des groupes
2 Rouen
de notre correspondant
“Série noire dans l’industrie”, comme le souligne en titre un hebdomadaire régional, ou malheureuse
conjonction de calendriers, sans coordination? Les premières semaines de 1997 sont catastrophiques pour la
Haute-Normandie. Les menaces qui pesaient sur les sites industriels dont personne n’ignorait la fragilité se
sont transformées en péril immédiat: fermetures, mises en liquidation, réductions d’effectif... Ce processus
semble échapper à tout contrôle local.
3 L’automne 1996 avait vu s’accumuler les nuages sur le fabricant de prêt-à-porter pour enfants Ozona
(212 salariés), à Yvetot, et sur la construction navale aux Ateliers et Chantiers du Havre (800 salariés). On
savait que la sous-traitance automobile mettrait en application la politique de réduction des coûts imposée
par les constructeurs. En décembre, une note de la Banque de France de Rouen fondée sur les
“appréciations” des chefs d’entreprise ne laissait planer aucun doute: l’érosion des effectifs devrait être
accentuée “par d’importants plans sociaux annoncés en janvier, alors même qu’il n’y a plus de projets
d’embauche significatifs”.
4 Le premier coup de tonnerre a éclaté à Evreux (Eure) avec l’annonce soudaine de la fermeture
complète de l’usine Valeo, où sont fabriqués des feux de signalisation pour l’automobile. Le groupe a décidé
de regrouper ses activités sur les sites de Sens (Yonne) et de Mazamet (Tarn). Raison invoquée

91
“Sauvegarder la compétivité de l’activité et des emplois en France, diminuer les coût et renforcer la
spécialisation des sites”.
5 Le cas Valeo illustre l’impuissance des acteurs locaux, élus, syndicats, pouvoirs publics. Les salariés
ont appris la disparition programmée du site d’Evreux en regardant la télévision. La promesse de mutations
dans d’autres usines du groupe n’a pas tempéré, bien au contraire, leur colère, car “ils [les dirigeants]
savent très bien que beaucoup ne suivant pas”, prévoit Gillet Morin, délégué CGT. Luc Tinseau,premier
maire-adjoint (div.g.) d’Evreux (50 000 habitants), est “scandalisé” par une décision qui, dit-il, “repose sur
des considérations capitalistiques dignes du XIX-e siècle”. Il fait les comptes: supprimer 350 emplois, c’est
“rayer de carte l’équivalent d’un village de mille habitants. Sans parler de la perte de 8 à 10 millions de
taxe professionnelle”.
6 Le maitre du Havre a, lui aussi, fait ses comptes. Si le chantier est fermé et ses 800 salarités licenciés,
au-delà du choc psychologique ce sont 800 millions de francs de recettes fiscales pour les collectivités
locales qui vont s’envoler. Le sursis accordé pour honorer la commande ne règle pas pour autant le sort de
l’industrie navale havraise.
7 “VOLATILITÉ INQUIÉTANTE”
Les métallos syndiqués à la CGT illustreraient-ils une Haute-Normandie à la structure industrielle
archaïque à l’heure de la mondialisation? Les performances du groupe Valeo écartent cette analyse. Et si la
“série noire” de l’hiver 1996-1997 contient son lot de défaillances d’entreprise en éternel sursis (textile ou
agro-industries), elle a pris de court, comme pour ATOHAAS, filiale d’Elf-Aquitaine (120 salariés touchés
sur 320) à Gisors, CarnaudMetalbox à Grand-Quévilly, la Société des moteurs électriques de Normandie,
filiale de l’Américain Tecumseh à Barentin (111 salariés sur 630). Antoine Rufenacht, qui parie sur 2
milliards d’investissements en 1997 pour la Basse-Seine, reconnaît que “la volatilité des emplois industriel
est inquiétante”.
8 Dans chaque cas, des plans sociaux sont mise en oeuvre avec un appel constant des pouvoirs publics
“à l’imagination et la responsabilité”. Les salariés de Vallourec, à Déville-lès-Rouen, pensaient en avoir
fait preuve en montant, en collaboration avec la direction départementale du travail de la Seine-Maritime, un
dossier de réduction du temps de travail appuyé sur les nouveaux dispositifs législatifs pour éviter la
suppression de 85 emplois. Mais, depuis six mois, d’assignation en référé, les délégués du personnel
s’épuisent dans une guérilla juridique avec leur direction.
A la fin de 1996, la Haute-Normandie comptait 112 000 demandeurs d’emploi, soit un taux de
chômage de 15,1%, avec des pointes à 17,3% au Havre et à 18,3% à Fécamp. Les demandeurs inscrits
depuis plus d’un an représentent près de 39% du total. A ce jour, les menaces qui pèsent sur les entreprises
de la région toucheraient entre 4 000 et 5 000 emplois.

Etienne BANZET
(Le Monde. - 4 février 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
1. « la série noire » - ici : allusion à une collection de romans policiers très noirs
L’Eure; la Seine Maritime - les départements de la région administrative de la Haute-
Normandie
4. Evreux - Centre départemental (Eure)
5. une taxe professionnelle - impôt direct qui est perçu à l’occassion d’une activité
industrielle ou commerciale et qui a remplacé en 1975 la patente
7. la CGT - Confédération générale du travail, première organisation de
syndicat, crée en 1895 qui est aujourd’hui la plus importante
centrale syndicale française, membre de la Fédération syndicale
mondiale
à la mondialisation - l’intégration économique dans les structures mondiales
Elf-Aquitaine - une des plus grandes compagnies industrielles française de
pétrole

92
B. Vocabulaire
1. une hémorragie des emplois (fig.) - une perte importante, des emplois
des entreprises fragiles - mal assurées instables
des unités performantes - des entreprises stables, capables de résultats élevés
un site - implantation industrielle
2. une série noire - une suite de malheurs
une mise en liquidation - la fermeture complète d’une entreprise
3. la sous-traitance - le travail confié par l’entrepreneur principal à un sous-traitant
des effectifs - nombre des personnes d’une entreprise
5. des acteurs locaux - des dirigeants du pouvoir local
tempérer la colère - atténuer, modérer la colère
être scandalisé par - être indigné par
6. le sursis - un délai à l’exécution d’une obligation
7. une volatilité - transformation du corps solide ou liquide en état gazeux (ici:
disparition des entreprises, leur fermeture)
prendre de court - soudainement, à l’improviste
8. monter un dossier - élaborer un dossier
d’assignation en référé - par ordonnance à comparaître en justice

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Qu’est-ce qui a provoqué “une série noire” dans l’industrie de la Haute-Normandie pendant
l’hiver 1997 ?
2.
Les intérêts des salariés s’inscrivaient-ils dans les stratégies des compagnies industrielles
regroupant leurs activités et entraînant les fermetures des sites?
3.
Quel devrait être le rôle des pouvoirs locaux face à cette tempête catastrophique et pourquoi
se sont-ils avérés impuissants?
4.
En vous appuyant sur les faits du texte, nommez les sites industriels de Haute-Normandie
touchés par la crise de l’emploi en 1997. De quoi la fermeture des entreprises de Haute-Normandie
mençait-elle l’économie nationale ?

B. L’Expression orale
1. Regardez la carte analytique et dites ce qui a permis au journaliste de conclure sur le péril des entreprises de la
région.

2. Faites la présentation de la région industrielle de Zaporojié et parlez de ses problèmes.

93
Élection des “prud’hommes”
Les salariés et les employeurs élisent cette semaine
leurs représentants aux Prud’Hommes
1 Les élections prud’homales viennent de se dérouler partout en France. Un peu plus de 15 millions de
salariés et 1,5 million d’employeurs étaient appelés à voter. Objectif: désigner leurs représentants - prés de
15 000 au total - aux conseils de Prud’hommes.
Les Prud’hommes, créés par Napoléon 1-er en 1806, forment une juridiction spéciale chargée de juger
les conflits individuels entre salariés et patrons. On compte aujourd’hui 282 conseils de Prud’hommes;
chacun d’entre eux est composé pour moitié de représentants élus de salariés et d’employeurs.

Un véritable tribunal
2
Cette instance fonctionne comme un véritable tribunal, les juges émettent des avis, prononcent des
condamnations. Un salarié qui considère par exemple qu’il a été licencié sans motif sérieux peut s’sdresser
au conseil de Prud’hommes qui examinera le litige.
Le nombre des affaires traitées aux Prud’hommes chaque année est en moyenne de 200 000. Plus
de la moitié des litiges concernent des licenciements, 27% sur des problèmes de salaires.
Ces élections professionnelles se déroulent tous les cinq ans. Plus de 60% des salariés et 75% des
employeurs ne s’étaient pas déplacés pour aller voter lors du dernier scrutin en 1992.
3 Reste que ces élections représentent un enjeu important, en particulier pour les cinq grands syndicats
tels que la CGT (Confédération générale du travail), FO (Force Ouvrière), la CFDT (Confédération
française démocratique du travail), la CF-CGT (Confédération française de l’encadrement-CGT) et la CFTC
(Confédération française des travailleurs chrétiens). Elles permettent en effet à chacun d’entre eux de
mesurer, au niveau national, leur audience réelle auprès des salariés.

Michel HEURTEAUX
(Les Clés, N° 280. - décembre 1997)

À SAVOIR

Les prud’hommes en chiffres


Il y a 15 000 conseillers. Le nombre des affaires traitées par les prud’hommes a
augmenté de 10% au cours des 10 dernières années, pour atteindre près de 166
500 en 1996. 50% des affaires concernant des licenciements abusifs, 40% des
problèmes de salaire, 2% les conditions de travail, 2% la contestation de sanctions
disciplinaires, 6% des affaires diverses. Le délai moyen avant jugement d’une affaire
soumis aux prud’hommes est de 9,4 mois.

Explications
A. Les connotations culturelles
1. Un Prud’homme - Conseil juridique compétent pour juger les différents entre
employeurs et employés.
Dérivations: prud’homie
prud’homal

94
B. Vocabulaire
2. le litige - procès, contestaion en justice
3. un enjeu - une mise
une audience - une réception
Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1. Qu’est-ce que ce texte nous enseigne sur les garanties des droit des salariés français?

2. Parlez de la composition et des fonctions des Prud’hommes

3. Comment naissent les conflits entre le patronat et les salariés?

B. L’Expression orale
1. Quels sont les avantages des Prud’hommes pour les salariés ?
2. Quels sont les avantages et les incovénients des Prud’hommes pour les syndicats ?

Les routiers sont fatigués


1 Le conflit des chauffeurs routiers qui a congestionné la France du 18 au 29 novembre 1996 a été la première
véritable grève des salariés de la route. En 1992, les pouvoirs publics avaient fait face à une fronde de petits
patrons propriétaires de leur camion, partis en rébellion contre le permis à points. Ce premier conflit avait
débouché sur un contrat de progrès, signé en novembre 1994 par les organisations patronales et par deux syndicats
(CFDT et FO). Déjà dérogatoire au droit commun - qui fixe la durée légale de travail à 39 heures par semaine -,
cet accord stipulait que le temps de travail devait être plafonné à 240 heures par mois, soit 60 heures par semaine.
Il n’était, en outre, appliqué que par un tiers des entreprises de transports. La quasi-totalité des camionneurs
passent beaucoup plus de temps sur les routes, en particulier les artisans propriétaires de leur véhicule.
2 Le mode des routiers, soumis à une très forte pression de la concurrence internationale, est en effet un milieu
très éclaté et très peu syndiqué: 35 000 entreprises emploient plus de 200 000 salariés, et 75% de ces entreprises
ont moins de cinq salariés. Elles acheminent pourtant plus de 68% du trafic de marchandises. Les rémunérations,
elles, varient. Un chauffeur qui rentre chaque jour à son domicile touche en moyenne 8 870 francs brut par mois,
tandis que le conducteur absent plus de 4 jours gagne 12 100 francs par mois. Ces chiffres masquent cependant de
grandes disparités dans les profession. Artisans routiers et salariés de très petites entreprises atteignent parfois à
peine le SMIC.
3 A l’issue du conflit, les camionneurs ont obtenu des avancées sur deux points essentiels: la cessation
d’activité à 55 ans et le paiement de toutes les heures travaillées. Jusqu’à présent, les temps de services liés à la
marchandise (chargement, déchargement...) étaient payés au forfait, et non sur la base du temps réel, et le temps
passé à attendre un nouveau chargement n’était pas pris en compte. Le gouvernement doit prochainement prendre
un décret pour encadrer tous les temps passés par les routiers au service de leur entreprise mais non rémunérés
(repos, repas, etc.). Sur les retraites, un accord signé par les syndicats et le patronat prévoit le départ à cinquante-
cinq ans pour les chauffeurs ayant vingt-cinq ans de conduite, avec 75% du salaire brut (soit 92% du net), et en
contrepartie l’embauche d’un jeune pour compenser chaque départ. Le patronat a aussi recommandé aux
entreprises de verser aux salariés une prime exceptionnelle de 3 000 francs avant fin mars.
La durée mensuelle du temps de travail doit passer à 230 heures (ou 56 heures sur une semaine isolée) à
partir du 1-er janvier 1997. Dans le cadre d’une éventuelle harmonisation européenne, elle devrait passer à 200
heures par mois.

Dossiers et documents, N° 250 - 1997

95
Explications
A. Les connotations culturelles
1. permis(m) de pointe - permis de conduire constitué d’un certain nombre de points qui
peuvent être retranchés selon une infraction correspondante (entré
en vigueur en 1992)
La CFDT - le syndicat de salariés “Confédération française démocratique du
travail” se situe plutôt dans la mouvance du parti socialiste
FO - le syndicat “Force ouvrière”, séparé de la CGT en 1947. Son
influence est surtout importante dans le secteur tertiaire
3. être au forfait - être payé d’une somme stable à la base d’une convention
le salaire brut - correspond à la rémuneration prévue dans un contrat de travail

le salaire net - est le salaire que perçoit réellement le salarié après déduction
des diverses cotisations sociales

B. Vocabulaire
1. A retenir:
• un chauffeur routier; un routier; un
camionneur
congestionner - bloquer
une fronde - une révolte
plafonner à - atteindre une limite maximale
2. être syndiqué - faire partie d’une organisation syndicale
la disparité des salaires - une différence
3. obtenir des avancées - obtenir des avantages
encadrer tous les temps - encaisser toutes les heures de travail pour les rémunérer

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Quelles étaient les causes principales des grèves des routiers en 1992 et en novembre de
1996? Quelles étaient les exigences des routiers?
2.
Caractérisez le monde des routiers du point de vue de sa structure, des services et de
rémunérations.
3.
Sur quoi a débouché le dernier conflit entre les camionneurs et le gouvernement? Parlez de
toutes les avancées obtenues par les routiers.

96
B. L’Expression orale
1. En vous référant aux idées du texte dites comment peuvent être réglées les relations employeur-employé et
notamment les conflits de travail. Est-ce que le droit de grève des salariés est inscrit dans la Constitution française?
2. Qu’est-ce que vous pensez de la grève comme de la forme de résolution des conflits? Est-elle toujours souhaitable?
3. Quelle place occupe la grève dans la vie économique en France et en Ukraine?

♦ Demain vous serez au marché du travail. Dans les textes qui suivent vous
trouverez quelques conseils dont vous pourrez vous servir comme candidat à
l’emploi

Un candidat à l’embauche
1 Et si, pour évaluer un candidat à l’embauche, il fallait tout simplement le voir à l’oeuvre? Cette réflexion de
bon sens inspire le développement, récent en France, d’une technique d’aide au recrutement venue des Etats-Unis:
l’assessment. Autrement dit, la “mise en situation”.
“Les tests de personnalité posent la question: qui est le candidat? Cette méthode, au contraire, repose sur
l’idée que la bonne question est plutôt: comment fait-il?” explique Jean-LUC Chaouch, directeur du cabinet
spécialisé Optimhom. Du coup, le candidat est “testé” en grandeur réelle, selon des situations proches de ce qu’il
connaîtra s’il obtient le poste. Installé dans un”vrai” bureau avec un ordinateur et un téléphone, le postulant va
devoir, pendant quelques heures, jouer le rôle qui lui est proposé.
2 Au menu, pour commencer, le traitement d’une corbeille-courrier. Il s’agit de contenter les clients, de
résoudre des problèmes internes, d’assurer le règlement des factures... Mais ce n’est pas tout: le cobaye va aussi
devoir accueillir, successivement, un client mécontent, un supérieur exigeant et un collaborateur inquiet. Chacun
est joué par un consultant du cabinet, et l’entretien se déroule sous surveillance vidéo.
“Comme dans le théâtre classique, il y a unité de temps, de lieu et d’action, insiste Jean-Luc Chaouch. C’est
crucial au regard de la pertinence de l’exercice: tout ce qui se passe dans la journée est en rapport direct avec
l’activité professionnelle”. Bref, ça ressemble à une journée de travail simplement un peu plus agitée qu’à
l’accoutumée.
3 “L’assessment garantit finalement une objectivité que ne peut atteindre une procédure classique”, juge un
responsable du recrutement des Banques populaires, qui a adopté la méthode. “Pour apprécier un pilote d’avion,
on le met sur un simulateur de vol, enchaîne un autre adepte. Nous faisons pareil: ce qui nous importe, c’est le
comportement dans la situation de travail. Un point c’est tout”.
D’abord utilisée par les entreprises anglo-saxonnes, notamment Rank Xerox, qui en fut la pionnière, la
méthode séduit de plus en plus des sociétés françaises. Mais, coûteuse, elle reste encore le plus souvent réservée
aux postes de haut niveau hiérarchique.

Le Point, N°1268 - 4 janvier 1997

Comment décrocher un emploi?


1
D’accord, il y a le chômage. D’accord, on est cent à postuler pour le même
poste et cent à posséder le même profil ad hoc. N’empêche. Tous les jours des
sociétés recrutent, tous les jours la presse fourmille d’offres d’emploi, tous les
jours quelqu’un signe un contrat d’embauche. Donc, il y a forcément un poste fait

97
pour nous quelque part. Il suffit de le repérer et de mettre le paquet pour le
décrocher. En un mot, il suffit de faire la différence.
Réussir le premier contact

Première chose à se mettre dans la tête avant un entretien: vous ne démandez pas un emploi, vous offrez votre
2
compétence à une entreprise. Jouez gagnant(e) dès le premier coup de fil à la secrétaire de votre éventuel futur
patron. Redoutable, la secrétaire! Un mot de travers, un manque de politesse à son égard, trop d’insistance... et vous
voilà pré-catalogué(e) par la principale intermédiaire entre vous et “lui”. Alors qu’un petit mot favorable de cette
éminence grise au boss peut vous faire gagner des points. Le jour J. si vous êtes convoqué(e) à 10 h, ne fixez pas un
autre rendez-vous à 11 h 30. Prévoyez un laps de temps suffisant entre deux entretiens d’embauche pour éviter le
stress du retard.

Qui a dit “l’habit ne fait pas le moine”?

Votre compétence est une chose. Mais ce n’est pas tout et vous savez bien qu’on va aussi vous juger sur votre
aspect extérieur. “Certains se refusent à l’admettre, remarque Corine Massoué, conseil en recrutement chez
Alexandre Tic, et se présentent en jeans-T-shirt pour un poste de responsable”. À tort. On s’attard aussi sur la tenue
3
et ce qu’elle peut révéler du candidat. La règle générale: sobriété et discrétion. “Au final, on ne doit pas effrayer
mais on ne doit pas se faire oublier”.
Le meilleur truc: un vêtement basique auquel vous ajouter votre touche personnelle, un détail ou un accessoire
qui vous distinguera du troupeau. Ayez une attitude de retenue (ce qui ne veut par dire de recul), tenez-vous droit(e)
mais sans raideur, les épaules et les bras ouverts et non recroquevillés sur la poitrine.

Ne leur mettez pas le couteau sous la gorge!

Attention aux phrases qui peuvent être interprétées comme un chantage: “j’ai une proposition plus alléchante
ailleurs”, dans l’espoir d’une rallonge côté salaire. Cela aura l’effet d’un boomerang: “Allez-y”, vous répondra-t-on
en substance. Ou exiger une réponse sous quarante-huit heures, sous prétexte qu’on n’attend que vous chez un
concurrent. Si l’on vous dit “Foncez”, vous serez bien avancé(e)! Si tel est le cas, dites-le de façon habile; laissez
entendre au cours de l’entretien que vous avez d’autres pistes.
4

GRAPHOLOGIES:
HALTE AUX TRICHEURS!
La graphologie est très courue en France! Et de nombreuses sociétés y ont recours pour confirmer un
5
choix de candidats. Pas de panique pour autant et pas de tricherie non plus! Les graphologues ne s’y
trompent pas.

LE PIED À L’ÉTRIER... VOTRE C.V.


Lui seul vous permettra de décrocher un rendez-vous. C’est dire son importance. Alors attention, ne soyez pas...
6 Le distrait: oublie d’indiquer son numéro de téléphone.
Le mégalo: “ne cherchez plus, j’arrive”.
La suicidaire: “séparée, trois enfants en bas âge”. De quoi basculer illico dans la pile “non”.
Le torturé: à la fin de la cinquième page, on n’a toujours pas compris ce qu’il a fait.
L’éclectique: études poussées tous azimuts, assorties d’une vingtaine de stages divers et variés. Mais pourquoi
postule-t-il pour un emploi de comptable, au juste?
Le familial: avec photo 24 x 36 autour du sapin de Noël.
La pin-up: avec photo en maillot de bains à Palavas-les-Flots.

98
Comment les Français voient l’avenir
Demain, quels métiers?
1 Quels sont les emplois pour demain? Cette imterrogation hante la société française confrontée à un chômage
important. Pour répondre, il faut d’abord observer la tendance actuelle du marché de l’emploi dans l’agriculturte,
l’industriel et les services.
Pour ces deux premiers secteurs, la chute du nombre d’emplois date de plus de vingt ans. Elle devrait se
poursuivre. À l’opposé, les poids lourds de la création d’emplois se trouvent pour l’essentiel dans les services. Non
seulement ceux-ci représentent déjà trois emplois sur quatre, mais en outre les 4/5 des créations d’emplois
concernent aujourd’hui les services aux entreprises (du gardiennage aux métiers de consultants) et aux particuliers
(de la restauration à la santé).

Savoir-faire
2 Et demain? Dans l’industrie, par exemple, les emplois ne dispraîtront pas totalement. Non seulement parce
que les technologies de pointe ne remplaceront jamais tous les hommes mais surtout parce que les entreprises
auront toujours besoin de main-d’oeuvre pour apporter un savoir-faire. Ce ne sont pas les secteurs où les
techniques sont les plus utilisées qui sont nécessairement les plus rentables, mais ceux où elles sont les mieux
utilisées.
3 Cependant, affirmer qu’il faut former les jeunes à des emplois hyper-qualifiés liés à l’utilisation des
nouvelles technologies est faux. Les emplois du futur ne seront pas forcément plus qualifiés, ils exigeront un plus
grand professionnalisme. En ce sens, les entreprises seront amenées à rechercher des emplois à “matière grise”,
notamment des ingénieurs et des techniciens, capables d’innover, de réagir rapidement.
4 De même, dans les services, l’avenir est aux emplois qui apportent un “plus”, c’est-à-dire une qualité de
prestation, un respect des délais, un service après-vente, etc. En un mot, une qualité de service. Demain, on ne sera
plus forcément comme aujourd’hui salarié à plein, dans une seule et même entreprise. On pourra exercer
simultanément plusieurs activités, plusieurs métiers auprès de plusieurs employeurs ou clients.

Bien se connaître
5 Mais alors comment se préparer à ces métiers de demain? “En apprenant à apprendre” bien sûr, mais pour
cela il faut bien apprendre quelque chose. Les formations très généralistes ont leurs limites. À l’inverse, un
approfondissement dans un domaine très précis ne doit pas être découragé. Au contraire! Soit il apporte un
débouché immédiat, comme c’est le cas des formations aux métiers manuels ou de l’artisanat, méprisés à fort. Soit,
si la spécialisation n’offre pas directement de débouchés, elle permet aux jeunes de devenir polyvalents et
d’acquérir un professionnalisme facilement transférable à d’autres métiers.

Dans tous les cas, l’orientation devra tenir compte de trois composantes: ce que l’on est, ce que l’on souhaite
et ce qui est possible. Il faut donc bien connaître ses talents pour les utiliser plus tard sur le marché du travail.

Clès de l’Actualité, N° 327 - octobre 1997

99
VIII. FORMATION ET ÉDUCATION

Profs, qui sont-ils?


Une enquête menée chaque année par la direction de l’évaluation de la prospective (DEP) du Ministère de
l’Education Nationale fournit nombre d’indications permettant de dessiner une radiographie du professeur de collège
ou de lycée public. Ils étaient 355 300 en fonction de l’année scolaire 1992-1993. Les femmes sont majoritaires: 55,5%
des enseignants du second degré sont de sexe féminin. Elles sont en position dominante surout en histoire-géographie
(76,6% de femmes), en langues (74%), en économie-gestion (72%), en sciences naturelles (65,5%) et dans les
disciplines artistiques (60%), minoritaires dans les disciplines technologiques, en philosophie, sciences physiques ou
sciences économiques et sociales. La plupart des enseignants du second degré sont certifiés (40,7%), 16% sont
professeurs d’enseignement général des collèges (PEGC), 8% sont agrégés. Un enseignant du second degré sur dix est
professeur spécialisé du technique; 6,7% sont adjoints d’enseignement. La répartition par type d’établissement varie
selon le grade: les agrégés exercent majoritairement en lycée (82%), alors que le nombre de certifiés est à peu près
équivalent en collège et en lycée (82%).
Les plus de cinquante ans (21,6%) sont plus nombreux que les moins de trente ans (13,6%). C’est en musique,
sciences économiques et sociales et en génie électrique que l’on trouve les plus fortes proportions de jeunes, à
l’inverse des sciences naturelles et des sciences physiques, où plus d’un enseignant sur quatre a plus de cinquante ans.
Un enseignant sur dix en moyenne travaille à temps partiel. Les non-titulaires représentent
8% du total des enseignants du second degré. Cette proportion varie selon les disciplines: faible en
sciences physiques (2%), arts plastiques (3,2%), histoire-géographie (3,6%) ou sciences naturelles
(3,8%), elle dépasse 13% en philosophie, musique, biotechnologies-santé, économie-gestion et
génie civil, et concerne à peu près un enseignant sur cinq en génie électrique. Les académies de la
Réunion, d’Amiens, de Créteil, ainsi que la Corse, sont celles qui comptent les plus fortes
proportions de non-titulaires (celles aussi qui rencontrent le plus de difficultés de recrutement).

Le Monde de l’Education, n° 212.

Explications
A. Les connotations culturelles
un enseignant certifié - professeur titulaire du C. A. P.E.S. (certificat d’aptitude au
professorat de l’enseignement du second dégré), du C.A.P.E.T.
(certificat d’aptitude au professorat technique)
un enseignant agrégé - personne reçue à l’agrégation (au concours de recrutement des
professeurs du lycée et de certaines disciplines universitaires)

un enseignant non-titulaire, - un enseignant qui n’a pas passé le concours et qui ne fait pas encore
un non-titulaire partie de l’Education Nationale

B. Vocabulaire
radiographie du professeur (ici fig.) - une caractéristique complète des professseurs à la base d’une étude
scientifique
une répartition - une distribution
un génie électrique - ensemble des connaissances et des techniques concernant la
conception, la mise en oeuvre et les applications de procédé, de

100
dispositif, de machine propre à une domaine de l’électricité
un génie civil - le métier d’ingénieur

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelle est la place des femmes dans l’enseignement secondaire ?
2. En quelles disciplines les proportions des jeunes sont-elles les plus fortes ?
3. Quelles sont les Académies qui ont des difficultés de recrutement et pourquoi ?

B. L’Expression orale
1. Y a-t-il suffisamment d’enseignants spécialistes dans les écoles d’Ukraine ?
2. Relevez quelques points communs entre les professeurs en France et en Ukraine.

L’Etat finance le privé


L’Etat finance 65,5% des dépenses de l’enseignement privé et les collectivités territoriales en paient 11,4%. Au
total, l’argent public couvre donc plus des trois quarts des dépenses des écoles, collèges et lycées privés sous contrat
avec l’Etat. La régime juridique des interventions financières de l’Etat et des collectivités territoriales pour les
établissements d’enseignement privé est composé d’un ensemble de textes legislatifs complexes qui distinguent deux
sortes de financement : dépenses d’investissement et dépenses de fonctionnement.
En matière d’investissement : l’article 69 de la loi Falloux (15 juin 1850), qui demeure donc en vigueur après la
décision du Conseil constitutionnel, dit que “les établissements libres peuvent disposer des communes, des
départements ou de l’Etat un local et une subvention sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses”.
La loi Bourg-Broc modifiant la loi Falloux, adoptée le 15 décembre 1993, puis annulée en partie par le Conseil
constitutionnel, le 13 janvier dernier, donnait plus de liberté aux collectivités locales en matière d’investissement en
faveur du privé. Dans les faits, l’article 69 de la loi Falloux ne concerne plus que les collèges et les lycées privés
d’enseignement général.
En effet, les enseignements techniques et agricoles relèvent d’autres lois (Actier et d’autres), qui ne fixent
aucune limite aux subventions publiques. Les écoles primaires, relevant de la loi Goblet (30 octobre 1986), se voient,
par contre, interdire toute subvention publique.

Les dépenses de fonctionnement


Actuellement, l’enseignement catholique, qui représente 95% de l’enseignement privé sous contrat, se taille, en
vertu de la loi Debré du 31 décembre 1959, une part de 34 milliards de francs dans le budget de l’éducation nationale
pour son seul fonctionnement, alors qu’il scolarise 17% des élèves, et plus précisément : un écolier sur six, un collégien
et un lycéen sur cinq. 81% de ces crédits sont consacrés à la rémunération des 126 400 enseignants.

Le deuxième poste budgétaire, le “forfait d’externat”, calculé sur la base du coût d’un élève externe du public,
représente 4 milliards de francs. Le protocole d’accord signé par Max Cloupet et Jack Lang, le 13 juin 1992, visait à
régler 1,8 milliard de francs d’arriérés sur ce même forfait et à financer la formation des maîtres du privé pour 1,5
milliard de francs.

Le Monde de l’Education
février, 1996

101
Ce que paient les familles
1 Le coût pour les parents par trimestre est très divers, pouvant aller de la quasi-gratuité pour des écoles
primaires rurales à plusieurs milliers de francs dans les grandes villes. Dans le Morbihan, comme dans beaucoup
de départements catholiques de l’Ouest, les tarifs trimestriels de scolarité vont de 40 à 150 francs pour la
maternelle, de zéro à 160 francs en primaire, de 65 à 450 francs au collège et de 300 à 500 francs au lycée. Ainsi, à
Romagné, en Ille-et-Vilaine, village sans école publique, l’ecole Sainte-Anne demande aux parents la modique
somme de 86 francs par trimestre. A Paris, les tarifs varient selon le quartier et la notoriété de l’établissement.
L’Ecole alsacienne, école privée laїque, demande pour le trimestre d’un externe, de la maternelle à la terminale,
une somme unique de 3 770 francs, et si celui ci veut déjeuner à la cantine, ses parents devront verser 2500 francs
de plus. Son voisin, Stanislas, l’un des établissement catholiques les plus cotés, pratique des tarifs par niveau
d’études: 2 280 francs le trimestre en primaire, 2 775 francs au collège et 3069 francs au lycée.
2 De même, les frais de scolarité trimesteriels d’une élève de troisième coûteront environ 2660 francs dans le
très chic établissement de jeunes filles De-la-Tour, du seizième arrondissement, mais seulement 746 francs à
Sainte-Elisabeth, collège et lycée situé dans le quinzième.
3 Un grand nombre d’établissements catholiques jouent la carte de la solidarité familiale. Ainsi, à Rennes,
Saint-Vincent propose, de la maternelle aux classes préparatoires, une grille allant de 370 à 820 francs par
trimestre, chacun choisissant en toute liberté le tarif correspondant à ses possibilités et à sa volonté d’entraide.

4 Saint-Michel-de-Picqus, dans le Val-de-Marne, demande une contribution de 1500 francs par trimestre de la
maternelle à la terminale, mais propose 50% de réduction pur le troisième enfant et la gratuité à partir du
quatrième.
5 Enfin les cantines coûtent en moyenne de 10 à 20 francs de plus par jour que dans le public. Selon les
responsables de l’enseignement privé, cette augmentation se justifie par le manque de contribution des collectivités
locales et par les frais de surveillance et d’études aux heures du déjeuner.

Le Monde de l’Education, N 212

Explications
A. Les connotations culturelles
1. L’enseignement est gratuit le Public. Ce texte se réfère au coût de l’enseignement dans le Privé. Les parents ont
le choix.
2. L’Ecole Alsicienne est une des meilleures écoles privées (tendance protestante).
3. L’Ecole Stanislas – école prestigieuse catholique.
4. Le 16-e arrondissement de Paris – le quartier chic.

B. Vocabulaire
1. la quasi -gratuité -presque gratuité
la scolarité - fait de suivre régulièrement les cours dans un établissement
d’enseignement
la modique somme - une somme d’argent peu importante, de faible valeur

la notoriété - la réputation

coté - estimé, apprécié, réputé


2. les frais - le prix, le coût
3. jouer la carte de qch - s’engager à fond dans une option, un choix; parier
verser - payer, remettre de l’argent

102
4. la contribution - un coût, des frais
5. des collectivités locales - les onstitutions du pouvoir local

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1.
Par quoi s’explique les variations du coût des études dans les établissements privés ?
2.
En vous référant au texte précédent « L’Etat finance le privé », expliquez les difficultés
rencontrées par les écoles privées.
3.
Comment fait-on pour aider les familles nombreuses ?
4.
Pouvez-vous expliquez pourquoi on parle beaucoup des écoles privées de Bretagne ?

B. L’Expression orale
Commentez la privatisation des études en Ukraine.

Foulards et laïcité
Interdire l’accès aux cours aux élèves portant un foulard, n’est-ce pas faire
l’économie d’une réflexion sur les enjeux nouveaux de l’éducation?

N ous avons été éduqués dans l’esprit de tolérance et de laїcité cher à l’école républicaine. Nous avons vécu nos

années de scolarité au milieu de camarades de classe d’horizons multiples, tant sur le plan social que religieux. Nous,
athées, nous, pratiquants ou non-pratiquants, avons regardé avec envie nos camarades catholiques partir en retraite pour
leur profession de foi pendant que nous assistions sagement aux cours. Nous avons vu nos camarades juifs pratiquants
venir en classe certains jours, coiffés de leur kippa. Nous avons mangé du poisson tous les vendredis à la cantine...
Aussi ne parveneons- nous pas à comprendre pourquoi quelques jeunes filles coiffées d’un foulard constitueraient une
menace pour l’ordre scolaire, alors même que les signes distinctifs les plus variés, religieux ou non (tressés, T-shirts à
slogans, médaillons religieux, pin’s, kippa, croix, etc.), attestant des appartenances culturelles les plus diverses, sont
tolérés dans la plupart des cas et n’offrent pas l’occasion de débats à l’échelon national.
A-t-on le droit d’exclure ainsi une catégorie d’élèves de l’obligation scolaire, au nom de la laїcité, sans
contrevenir aux principes mêmes de celle-ci? N’est-ce pas plutôt faire l’économie d’une réflexion sur les enjeux
nouveaux de l’éducation, en cédant du terrain à l’idéologie sécuritaire du moment qui tend à désigner trop souvent les
mêmes (immigrés ou enfants d’immigrés) comme responsables des tensions sociales?
Peut-on, de bonne foi, prétendre rendre service à des enfants de douze ou treize ans, en ne leur laissant le choix
qu’entre désobéissance au père et exclusion de l’école? N’est-ce pas, en un sens, faire le jeu des véritables intégrismes,
qui s’accomoderaient tout à fait de voir les jeunes filles exclues de l’école, enfermées à la maison?

103
Car, si par un travail lent et patient, l’école ne parvient pas à leur faire abandonner le foulard,
il n’en demeure pas moins qu’une fois adultes et mères, elles auront acquis, en fréquentant l’école
publique, l’ouverture d’esprit nécessaire pour laisser le choix à leurs propres enfants. L’enjeu réel
de la laїcité n’est-il pas de répondre, sans discrimination, aux besoins de formation et d’éducation
de tous les jeunes?

Rafaële LE DU
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE.
ASSOCIATION POUR LE METISSAGE
DES ARTS ET DES CULTURES (PARIS).

Explications
A. Les connotations culturelles
l’école républicaine - référence culturelle à Jules Ferry qui a fondé l’école laїque, obligatoire
et gratuite (III République). Il a fait des lycées pour les filles
l’obligation scolaire - devoir de fréquenter l’école
un integrisme - tendance des groupes religieux qui se réclament de la seule tradition et
veulent maintenir l’intégrité de la doctrine
une profession de foi - affirmation faite par qn en public concernant sa foi réligieuse

foulard musulman
kippa juif (pour les hommes)

B. Vocabulaire
éduqué - élevé, formé
athée - qui nie l’existence de Dieu
attester qch - en être la preuve irrefutable, démontrer
contrevenir aux principes - les violer, les négliger
de bonne foi - avec loyauté
un enjeu - ce qu’on risque de gagner ou de perdre

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Quelle conception des Français ont-ils de l’école républicaine ?

2. Quelle était autrefois la réaction des étudiants athés devant les traditions des Juifs et des catholiques pratiquants?

3. Relevez quelques signes distinctifs d’appartenance culturelle et commentez-les.

B. L’Expression orale
Comparez la place des religions en France et en Ukraine.

104
Les douze droits de l’enfant
Le comité français de l’Unicef énumère les douze droits de l’enfant de la façon
suivante:

1. - “Je peux rêver, j’ai la liberté de penser. J’ai aussi le droit d’aller à l’église ou à la
mosquée ou au temple... de pratiquer ma religion.

2. - J’ai le droit d’aller à l’école, d’avoir accès aux connaissances qui me permettront
de mieux comprendre et embellir le monde.

3. - Enfant refugié, j’ai le droit aux mêmes protections et soins que tous les autres
enfants.

4. - J’ai aussi la possibilité de dire non. J’ai le droit de donner mon avis.

5. - C’est ce que les grands appellent mon intérêt supérieur qui doit guider toutes
décisions des Etats, des communautés, de mes parents.

6. - J’ai le droit d’avoir des parents, naturels ou adoptifs, de pouvoir bénéficier de


leur amour et de leur protection.

7. - J’ai le droit de savoir qui je suis, qui sont mes parents, quelle est ma nationalité.

8. - A tout âge de la vie, j’ai droit à une alimentation suffisante, la plus convenable et
équilibrée, pour grandir harmonieusement.

9. - Je ne dois pas être enrôlé dans l’armeé et, s’il y a la guerrre, je dois être protégé et
soigné.

10.- Tout le monde doit me protéger contre les brutalités mentales, physiques, contre
toutes formes d’exploitation.
11. - J’ai le droit de chanter, de danser... de jouer, de développer mes dons pour ùon
plus grand bonheur.

12.- J’ai le droit de bénéficier de soins réguliers.”

(Les Clés, 1997)

105
Explications
A. Les connotations culturelles
la mosquée - l’édifice culturel de l’islam
l’UNICEF - United Nations International Children Emergency Fund - organe de
l’ONU, crée en 1946, spécialisée dans l’aide à l’enfance

B. Vocabulaire
réfugié - se dit d’une personne qui a quitté son pays ou a fui une région pour des
raisons politiques, réligieuses, raciales ou pour échapper à une
catastrophe
enrôler - inscrire sur les rôles de l’armée

Interaction avec le texte


En relation avec les textes sur la famille (chapitre VI) discutez les articles 4, 6 et 7.

Lycées:
La course aux bons établissements
Plus d’un quart des familles ayant un enfant scolarisé ont obtenu une inscription dans un établissement public ou
privé éloigné de leur domicile. En clair, cela signifie qu’un Français sur quatre déroge au principale de la «carte
scolaire» qui oblige théoriquement les enfants d’un même secteur géographique à se rendre dans l’établissement le plus
proche. Les raisons de cette fuite? Principalement le souci d’inscrire son enfant dans un lycée réputé (57% des
motivations), où dominent les enfants de classes aisées et d’origine française. Qui déroge ainsi? Principalement les
milieux favorisés (professions libérales, cadres) dans 39% des cas. Et les enseignants (34%), l’esprit «sportif» est
absent de cette course: 1/4 seulement des familles écrivent à l’inspection académique pour demander une dérogation
officielle. Les moyens détournés sont fréquents, comme le choix d’une option rare (hébreu, grec, etc.) dispensée par
quelques établissements huppés et la sollicitation directe du proviseur du lycée convoité. Seules 2% des familles
interrogées avouent recourir à des pratiques douteuses telle que la fausse domiciliation, mais la réalité pourrait être bien
différente.

Marie BARDET, Les Clés, n° 248 - avril 1997

Explications
A. Les connotations culturelles
la carte scolaire - c’est l’Académie qui décide quelle école l’enfant fréquentera selon
l’adresse des parents
la profession liberale - profession ayant pour objet un travail d’ordre intellectuel et dont la
rémunération ne résulte pas d’un contract de travail
le cadre - membre du personnel exerçant des fonctions de direction ou de

106
contrôle dans une entreprise ou une administration
le Hébreux - langue sémitique parlée autrefois par les Hébreux et actuellement en
Israel
un proviseur - fonctionnaire de l’enseignement chargé de l’administration d’un lycée

B. Vocabulaire
déroger à qch - ne pas se conformer à une prescription, à un principe directeur
aisé (e) - qui a une certaine fortune
la dérogation - un réglement qui admet quelques exceptions
les moyens détournés - les moyens indirects
huppé - qui appartient à un haut rang, à la noblesse
recourir à qch - demander aide à qch, qn
une fausse domiciliation - donner une fausse adresse
« l’esprit sportif » - l’honnêteté

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. Pourquoi un Français sur quatre refuse-t-il la carte scolaire ?
2. Quel est le souci principal des familles quand il s’agit de la scolarisation de leurs enfants?
3. A quels moyens les parents ont-ils recours pour inscrire leur enfant dans un bon lycée?

B. L’Expression orale
Observez-vous la course aux «bons établissements» en Ukraine. Qu’en pensez-vous ?

Enquête:
les circuits de l’élite
Le phénomène de l’élitisme qui tend à concentrer dans quelques lycées la crème des élèves n’est pas purement
parisien. Il est présent dans toutes les villes de France. A Toulouse par exemple, le gratin des lycées se répartit entre
trois établissements du centre-ville: Ozenne, Saint-Sernin et Pierre de Fermat. Dans l’enquête de l’Education nationale,
ils apparaissent comme très sélectifs et affichent de bons, voire très bons scores au bac (Pierre de Fermat culmine avec
99% de réussite).
Suivant le principe de la carte scolaire, tous les élèves du centre-ville devraient s’y retrouver. Or on s’aperçoit
que ce sont surtout les meilleurs élèves du centre, mais aussi de la périphérie qui intègrent ces lycées. Deux explications
à cela. D’une part, l’existence d’une filière de la réussite qui va de la «bonne» école primaire au «bon» lycée en passant
par le «bon» collège. Pour intégrer ce circuit il n’est pas indispensable d’habiter en centre-ville (pas de carte scolaire
pour le primaire), seulement d’être bien informé. «Après, ça roule tout seul» commente le proviseur de Pierre de
Fermat, René Chausseray. A condition autrefois d’être un bon élément, car sinon, c’est la porte. René Chausseray se
défend d’interdire le redoublement «je n’en ai pas le droit» rappelle-t-il, mais il convient que «certains élèves se
découragent et nous quittent». D’où la réputation de compétition et de travail acharné qui colle à la peau de cet
établissement doté de classes préparatoires.
Rattraper le train en marche est possible mais coûteux puisqu’il implique un déménagement en centre-ville où
les loyers sont très élevés. Autres possibilités, illégales celles-là mais utilisées: louer une adresse à un habitant du centre
(prix: 500 francs par mois). Certains parlent encore de la possibilité d’acheter un faux bail à des agences immobilières
peu scrupuleuses (prix: 1 000 francs pour 3 ans).

107
Conséquence de ce système: un lycée polyvalent comme celui du Mirail, quartier populaire de Toulouse, a du
mal à retenir ses bons éléments. Même si on est encore loin du ghetto, une telle situation renforce les inégalités sociales
entre les élèves. Et surtout, elle remet en cause la notion «d’égalité des chances», principe de base de l’école publique.

Marie BARDET
Les Clés, n° 248 - avril 1997

Explications
A. Les connotations culturelles
l’élitisme -système favorisant les meilleurs éléments d’un groupe aux dépens de la
masse; politique visant à la formation d’une élite
un ghetto - lieu où une minorité vit séparée du reste de la société; milieu réformé
sur lui-même, condition marginale
Bac - Baccalauréat, diplôme de fin d’études secondaires
l’école primaire, le collège, le lycée - les trois établissements (degrés) de l’enseignement jusqu’au Bac
les classes préparatoires - ce sont des classes qui se trouvent dans les lycées après le Bac et qui
préparent
B. Vocabulaire
la crème de - ce qu’il y a de meilleur en fait de
un gratin - l’élite, les personnes les plus en vue d’une société, d’un
milieu
afficher de bons scores - annoncer des bons résultats
intégrer - faire entrer dans un ensemble plus vaste, incorporer,
inclure
un bon élément -un bon élève
un redoublement - fait de redoubler une classe
acharné - fait avec fougue, ardeur
doter - fournir un équipement, pourvoir
impliquer - avoir pour conséquence logique ou inéluctable
un bail - contrat par lequel un bailleur donne la jouissance d’un
bien meuble ou immeuble pour un prix et un temps
déterminé

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
En vous référant au texte précedent, « La course aux bons établissement », expliquez les deux
possibilités qu’ont les parents pour déjouer la carte scolaire à Toulouse.

B. L’Expression orale
1. L’égalité des chances des élèves est-elle assurée aux écoles publiques d’Ukraine ?

2. Possédons-nous des écoles pour les élites? A votre avis, quelles sont leurs particularités?

108
TEXTE COMPLEMENTAIRE :
Réformer l’accès aux Grands Corps de l’Etat
Plutôt que l’ENA, c’est le système de sélection des élites qu’il convient de remettre en cause, en remplaçant la
«tyrannie du diplôme» par une évaluation sereine de l’efficacité des serviteurs de l’Etat.

En dénonçant le «règne des énarques», l’opinion, les médias et certains hommes politiques s’en prennent à un
bouc émissaire, paravent d’une réalité beaucoup plus ancienne et beaucoup plus fondamentale, à savoir le système de
production des élites dirigeantes en France. La société française a sous-traité depuis le 19 siècle la sélection de ses élites
au système de formation, dont le sommet est constitué de quelques écoles hyper-hiérarchisées, spécialisées dans la
formation de dirigeants généralistes, et non de professsionnels de telle ou telle activité. A cet égard, l’ENA n’a fait que
chausser les bottes de l’Ecole polytechnique, toute-puissante avant-guerre. Le fondement de ce système est l’octroi du
monopole de l’accès aux grands corps de l’Etat (les corps techniques pour l’X, les corps administratifs pour l’ENA) à
ces écoles. Le système ne concerne donc pas la totalité de l’ENA, mais «une école dans l’école», celle où se recrutent
les grands corps. Sans ce monopole, l’ENA serait une école comme une autre, comme Sciences-Po ou HEC par
exemple. La critique ne doit pas se tromper de cible. Ce qui est en cause, c’est le système de recrutement des grands
corps, et non l’école elle-même.
Contre la «tyrannie du diplôme»
Toute société a besoin d’une élite dirigeante. Tout le problème est de savoir comment elle est produite. Si l’on
caricature à outrance, on peut distinguer trois systèmes très contrastés de production des élites. Le premier fonctionne
essentiellement à la reproduction sociale. C’est celui qui dominait avant 1945: les grands corps administratifs cooptaient
leurs membres: pour entrer à l’inspection des finances ou au Quai d’Orsay, il fallait passer par un grand oral en habit et
en gants blancs, devant un jury composé de membres du corps. Il s’agissait alors de prouver une appartenance sociale à
partir de questions posées sur des contenus académiques purement formels, de vérifier que le candidat «faisait bien
partie du même monde» que le corps qu’il souhaitait rejoindre. L’ENA a été justement crée pour y substituer un second
modèle, basé sur la méritocratie scolaire, à l’image de ce qui se faisait à l’école en France mais que l’on pourrait
appeler de ses voeux, c’est sur l’évaluation des mérites et des capacités déployées lors de son activité professionnelle.
La critique adressée à l’ENA est en effet la manifestation d’une part grandissante de la société contre ce que l’on
pourrait appeler «la tyrannie du diplôme», base de «l’élitisme républicain», et selon laquelle l’examen réussi»une fois
pour toutes» suffit à légitimer une carrière. Si on n’a pas réussi pendant son enfance, on ne peut plus réussir dans la vie.
IL n’y a pas de place pour une seconde chance. C’est ainsi que par sélections successives, le système scolaire extrait
d’une génération de 700 000 personnes 70 d’entre elles, qui formeront la partie de chaque promotion de l’X et de l’ENA
qui accéderait aux grands corps.
Il est vrai que la formation généraliste dispensée dans ces écoles présente de nombreux aspects positifs, en
termes de développement de la personnalité et des capacités d’analyse. Mais il ne s’agit pas d’une formation
véritablement professionnelle, liée aux activités que le diplôme aura effectivement à exercer. Tout se passe comme si
nos élites se préoccupaient fort peu, pour elles-même, de la «qualification», de la fameuse «adéquation de la formation
à l’emploi» qu’ils exigent des autres!
Un CIP pour les énarques?
La critique est cristallisée sur l’ENA pour trois raisons: premièrement l’apaisement du conflit idéologique droite-
gauche a déporté la critique sociale des «dirigeants dominants» vers un conflit «haut-bas», opposant la «société» à ses
«élites»; deuxièmement, la critique de l’Etat réputé «inefficace» par rapport à l’entreprise qui serait un modèle
d’efficacité (ce qui reste à prouver), s’est également répandue; troisièmement, le «pantouflage» s’étant beaucoup
développée dans les années 80, les salariés ont vu avec indignation les «énarques» s’emparer, souvent avec
incompétence du pouvoir dans les grandes entreprises. Ainsi, l’opinion publique a conçu le sentiment que la
«consanguinité» entre les élites administratives, politiques et économiques la privait de tout débat sérieux. Aujourd’hui,
une transformation radicale du système de production des élites semble aujourd’hui souhaitée, et souhaitable. Il n’est
pas besoin pour l’accomplir de «fermer l’ENA», de créer une troisième voie, ou une nouvelle école. Il faut d’abord ôter
à l’ENA et à l’X le monopole de l’accès aux grands corps. Il est en effet absurde, pour s’attaquer à la tyrannie du
diplôme, de commencer par dévaloriser les DUT en dénonçant la surdiplômie: on ne peut que créer l’impression que
les plus diplômés ne cherchent en réalité qu’à protéger leurs propres positions, ou celle de leurs héritiers. Il faudrait en
réalité créer un CIP ... pour les énarques et les X! C’est-à-dire commencer la transformation par le haut. L’opinion
publique ne serait pas hostile à une dévalorisation du diplôme...à condition que l’on commence par les plus élevés
d’entre eux et que l’on propose à la place du diplôme d’autres modes d’évaluation et de progression de carrière. Sans
quoi, on échouera comme ont échoué les entreprises qui, en mettant en place un système d’évaluation de leurs cadres,
ont continué à recruter leurs dirigeants dans les grands corps de l’Etat, vidant ainsi leur initiative de toute signification.
Une telle réforme ne peut en effet se concevoir que si se met en place dans le même temps un nouveau système de
sélection basé sur l’évaluation de la compétence professionnelle manifestée au cours de son activité. Par exemple,

109
pourquoi ne pas imaginer que ne seraient recrutés dans les grands corps que les fonctionnaires qui auront prouvé, au
cours des dix premières années de leur carrière, une exceptionnelle efficacité? Si l’on se contentait de gérer les carrières
en posant seulement la question de l’efficacité, ce serait déjà le début d’une révolution. Mais à vrai dire, on ne voit pas
porquoi ces élites remettraient en question un système qui vise avant tout à leur garantir l’impunité!

Michel BAUER et Bénédicte BRTIN-MOUROT


Le Monde de l’Education. - juin 1995

Université: c’est reparti


1 A la fin octobre, 1 547 000 étudiants ont pris le chemin de l’université. Ils sont 8000 de moins qu’en
1996, année où s’est amorcée une décrue des effectifs. Un contexte plutôt favorable pour les nouveaux inscrits,
qui devraient tous trouver place (assise) dans les amphis.
2 Sur le contenu des études aucun bouleversement n’est en vue. Les grandes lignes de la réforme Bayrou,
engagée sous l’ancien gouvernement Juppé, continuent de s’appliquer en se généralisant à toutes les universités
(certaines avaient pris du retard). Ces mesures concernent le tutorat (prise en charge des nouveaux étudiants par
leurs aînés), la semestrialisation (organisation des études en unités d’enseignement par semestre) et le nouveau
contrôle des connaissances par système de capitalisation (l’étudiant garde le bénéfice des notes supérieures à la
moyenne) et de compensation (calcul d’une moyenne générale sur l’ensemble des épreuves).

Echanges européens
3 D’autres chantiers ouverts par la réforme Bayrou sont en revanche suspendus jusqu’en 1998. Parmi ceux-
là, les stages diplômants (aussi appelés unités d’expérience professionnelle en entreprise) et la redistribution de
l’aide sociale aux étudiants. D’autres sont carrément enterrés, comme le projet de création d’une filière
technologique à l’université. Le ministre Claude Allègre a d’autres priorités : développer la formation continue
des adultes à l’université et ouvrir cette dernière sur le monde, en renforçant les échanges aves l’Europe. Un
système de prime pédagogique pour un étudiant allant suivre une année d’études à l’étranger pourrait voir le jour.

M.B.
(Le Monde, décembre 1997)

Explications
A. Les connotations culturelles
2. la réforme Bayrou -la réforme de l’enseignement supérieur lancé par le ministre de
l’Education Nationale de la France dans le gouvernement de droite,
dirigé par Alain Juppé
3. Claude Allègre - le ministre de l’Education Nationale du gouvernement Jospin

B. Vocabulaire
1. une décrue des effectifs - une baisse du nombre réel composant un groupe
s’amorcer - se réaliser , commencer à se réaliser

110
Interaction avec le texte
A. L’analyse des idées
1. Quel est le nombre des étudients inscrits à l’Université en 1997 ?
2. Quels sont les grands points de la réforme de l’enseignement supérieur lancée par Bayrou et appliquées par
Allègre?
3. Quelles sont les projets introduits par Claude Allègre ?

B. L’Expression orale
1. Quels seraient les avantages d’échanges France – Ukraine dans le domaine de l’enseignement supérieur ?
3. Etes-vous au courant des objectifs et des réalisations concrètes du Programme Européen « Tempus »?

TEXTE COMPLEMENTAIRE :
Fragil état de grâce universitaire
Le consensus qui a accueilli l’annonce par François Bayrou de sa réforme de l’université s’apparente, par bien
des aspects, au concret de louanges qui avait d’abord salué le projet de réforme de la Sécurité sociale à l’automne 1995.
Quelques semaines plus tard, la France se retrouvait paralysée par l’un des mouvements sociaux les plus durs depuis
1968. Un tel risque menace-t-il le ministre de l’éducation nationale?
Alors que les étudiants passent leurs examens partiels ou sont en vacances, M.Bayrou peut savourer les
compliments, unanimes dans la majorité, y compris au RPR, qui vantent l’habileté politique de sa méthode. Mercredi,
en conseil des ministres, elle lui a valu les félicitations du président de la République. De la part de Jacques Chirac,
premier ministre en 1986, qui dut affronter la tempête du rejet du projet de loi Devaquet-Monory, le compliment n’est
sûrement pas affecté.
Les décisions annoncées par M. Bayrou forment l’ossature de la réforme que le chef de l’Etat et le premier
ministre attendaient: nouvelle organisation des premiers cycles, création d’une allocation sociale d’études, ouverture
vers la professionnalisation avec les stages de «première expérience» en entreprise... Il ne manque plus que la filière
technologique et professionnelle, qui sera mise en chantier dans les prochaines semaines, pour parachever l’édifice. Est-
ce à dire que ce catalogue de mesures suffira à résoudre les difficultés de l’Université? Depuis que les effectifs étudiants
ont doublé en une quinzaine d’années, l’Université est affrontée à deux défis. La longue crise de l’automne 1995 avait
relevé le paysage sinistré de jeunes établissements ayant subi de plein fouet l’afflux des nouveaux bacheliers. Un plan
de rattrapage, adapté dans l’urgence, a depuis contribué à réduire les écarts en locaux et en personnels.
L’Université n’est pas seulement submergée par le nombre. Une multitude de rapports ont diagnostiqué un mal
plus insidieux: l’inadaptation des structures et des formations pour des catégories d’étudiants jugés, par euphémisme,
mal préparés. En clair, l’échec, notamment dans les premiers cycles, synonyme de gâchis humain et financier, reste un
des fléaux du système. Son traitement aurait dû inspirer des meusures nouvelles et radicales. Parce qu’elles résultent
avant tout d’un compromis avec les syndicats d’étudiants et les «doyens» de faculté, les propositions de M. Bayrou
risquent de se révéler insuffisantes.
En instituant en «semestre initial» d’évaluation dans des groupes simplifiés de disciplines, en renforçant le
tutorat, en ouvrant des passerelles de réorientation avec les IUT et les BTS, M. Bayrou généralise un ensemble de
mesures instituées dès 1992 mais restées à l’état expérimental. Il veut cette fois l’imposer à des filières qui avaient cru
devoir s’en exonérer, tel le droit.
Mais dans son projet, le ministre de l’éducation a soigneusement évité de réviser le contenu des formations et des
programmaes. Cette tâche était pourtant essentielle après la réforme du baccalauréat, dont personne, à l’Université, n’a
mesuré l’impact. Le ministre a-t-il laissée passer une chance de s’attaquer aux racines du mal?

Michel DELBERGHE
Le Monde. - samedi, 8 février 1997

111
IX. LES JEUNES ET LA SOCIÉTÉ

L’adolescent, modèle des années 90


Une enquête nationale faite auprès de 13 000 jeunes révèle leur malaise: stress, troubles psychologiques, prise de
tranquillisants... tout comme leurs parents. Pourtant, c’est en famille qu’ils sont bien. Analyse et entretien avec Marie
Choquet, auteur de l’enquête sur les adolescents.

J
eunes, qui êtes vous? Pour le savoir, l’institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm) a mené
une enquête dans les lycées et les collèges auprès de 13 000 jeunes de 11 à 19 ans. Dans l’ensemble les
adolescents vont bien: 83% disent être “heureux et bien portants”, et 70% affirment avoir une vie familiale
agréable.

Heureux, mais stressés


Mais ils disent par ailleurs être mal dans leur peau: un jeune sur deux est fatigué, stressé par l’école. Ils souffrent aussi
de malaises psychologiques: près d’un sur quatre est même angoissé. Pour se soigner, ils sont aussi de plus en plus
nombreux à prendre des tranquillisants (près d’un jeune sur cinq). Un nombre important d’entre eux avoue avoir des
idées suicidaires- 23% des adolescents- et l’enquête semble montrer une augmentation des tentatives de suicides, en
particulier chez les filles qiu apparaissent les plus vulnérables à l’angoisse.
Quant à l’école, elle est loin de faire l’unanimité: 50% seulement des lycéens et des collégiens s’y plaisent, un tiers se
plaint de la surcharge de travail, près d’un jeune sur huit “sèche” régulièrement les cours.

Les Clés: Votre enquête révèle une inquétude, un mal de vivre chez beaucoup de jeunes. Comment expliquer ce
phénomène?
Marie Choquet: Plusieurs facteurs permettent de comprendre le ou plutôt les malaises des jeunes. On voit bien
apparaître deux types de malaises: soit ils sont mal à l’aise dans leur environnement direct, avec les copains, l’école,
dans leur famille, ou bien ce malaise peur provenir d’angoisses personnelles liées à l’adolescence elle-même.
Ces malaises s’expriment par des troubles psychologiques: coups de déprime, cauchemars, tentatives de suicides. Tout
cela peut déboucher sur un usage accru de médicaments. Les jeunes ne se sentent pas bien, ils vont voir le médecin qui
leur prescrira des tranquillisants, comme pour les adultes.

Près d’un jeune sur quatre pense au suicide. Peut-on parler d’une augmentation des tentatives de suicides? Les idées de
suicide ne sont pas nouvelles dans la jeunesse. Ce qui est nouveau, c’est l’augmentation du nombre de tentatives de
suicides qui concerne plus de 6,5% des jeunes interrogés. Mais il est difficile de se faire une idée précise sur
l’augmentation réelle des tentatives, car seulement un quart des “suicidants” sont hospitalisés à la suite d’une tentative.
Ce qui est aussi nouveau, c’est un passage à l’acte plus facile. Il ya une certaine banalisation du geste, on parle
beaucoup du suicide, quand on a envie de faire quelque chose on le fait plus facilement, il y a moins de résistances,
moins de tabous.

Les filles vont moins bien que les garçons. Pour quelle raison?
Sur de nombreux points, les filles sont différentes des garçons dans leurs comportements. Elles ont aussi plus souvent
des troubles du sommeil, de l’appétit et, en plus, elles cumulent les risques pour leur santé en fumant plus. Elles sont
aussi plus sujettes à l’angoisse, à la dépression. Les tentatives de suicides sont aussi plus fréquentes chez les filles- 8%-
que chez les garçons (5%).

Pourtant, la famille continue de jouer un rôle important...

La famille conserve en effet beaucoup d’importance pour les jeunes. Cela va à l’encontre de ce qu’on croit parfois. En
réalité, dans leur immense majorité, ils se sentent bien dans leur famille. Même s’il peut y avoir des conflits avec les
parents, ils demeurent les interlocuteurs privilégiés, surtout en ce qui concerne les questions de scolarité et de santé.

Propos recueillis
par Michel Heurteaux

112
(in “Les clés de l’actualité” n° 108)

Interaction avec le texte


1. Pourquoi l’inquiétude et le mal de vivre marquent-ils si gravement le comportement et la vie des
jeunes à l’heure actuelle ?
2. Quel est le rôle de la famille pour la santé morale et physique de l’enfant ? Lisez à cette fin le
texte suivant « Une enquête de l’INSERM sur le comportement des adolscents » et commentez-
le.
3. Relevez le lexique qui se rapporte à l’état psychologique de l’enfant et faites le portrait général d’un jeune Français.
4. Que pouvez-vous dire de la santé physique et morale des adolescents en Ukraine ?

Une enquête de l’INSERM sur


le comportement des adolescents

Quand la famille va...


Une enquête épidémiologique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), réalisée
en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, est rendue publique. Cette étude nationale sans précédent- 12
391 collégiens et lycéens de 186 établissements scolaires de France métropolitaine ont été interrogés- confirme les
évolutions des modes de vie des adolescents constatées lors de précédents travaux de moindre ampleur. Elle bat en
brèche l’idée selon laquelle les facteurs sociaux présideraient à l’émergence des conduites à risques.
ES LOISIRS. 83,2% regardent “souvent” la télévision; 60,3% font du sport en dehors de l’école (soit un total de
cinq heures et demie de sport par semaine en moyenne); 44,5% vont souvent au cinéma; 44,1% lisent”fréquemment”;
42,7% jouent à des jeux vidéo et 21,2% font de la musique. 67,9% des 11-18 ans ont de l’argent de poche (194 francs
par mois en moyenne). 21,5% d’entre eux vont au café, 17,9% en boîte de nuit et 19,7% traminent dans les rues : ces
habitudes concernent plus les garçons que les filles, et plus les adolescents des zones rurales que ceux des milieux
urbains. Un jeune sur deux dit se sentir seul- un sur quinze fréquemment- et les filles plus que les garçons (8% contre
5%).
LE RECOURS AU SYSTEME DE SOINS. La majorité des jeunes interrogés (94,2%) a consulté un
professionnel de santé au moins une fois dans l’année. La moyenne des consultations se situe à six par an et par élève.
On observe, par rapport aux données de 1988, une augmentation du recours au médecin généraliste (70% en 1988
contre 74,8% en 1993) et au spécialiste (15% avaient consulté un ophtalmologiste en 1988 contre 22,3% en 1993 et
17% un dermatologue contre 21,1% actuellement). 43,4% ont vu l’infirmière scolaire, 13,8% un kinésithérapeute, 9,4%
un gynécologue, 6,7% l’assistante sociale, 6,5% un pédiatre, 5,2% un alergologue ou un pneumologue, et 4% un
psychologue ou un psychiatre.
La majorité des jeunes en difficulté consultent plus que les autres contre 11% en ville et sont scolarisés dans
l’enseignement profesionnel (36% des garçons en lycée professionnel contre 30% des garçons en lycée d’enseignement
général). Les étrangers ou les jeunes d’origine étrangère boivent moins (39%) que les jeunes Français (56%).
TABAC: 77,8% des adolescents ne fument pas, 7,8% fument occasionellement et 14,5% fument
quotidiennement, dont 8,4% au moins dix cigarettes par jour. Les élèves de LP fument plus (48%) que ceux des LEGT
(34%) et les lycéennes fument plus que les lycéens (24% des filles contre 22% des garçons en LEGT et 37% des filles
contre 34% des garçons en LP). L’âge moyen de la prmière cigarette se situe à 13,1% ans chez les adolescents et à
13,5% ans chez les adolescentes.

113
DROGUES: 85,3% n’ont jamais pris une drogue, 6,1% en ont expérimenté une ou deux fois, 3,2% en ont pris
entre trois et neuf fois et 5,4% au moins dix fois. Le cannabis vient en tête des drogues expérimentés (11,8%, dont 15%
de garçons contre 9% de filles), la cocaïne concerne 1,1% des jeunes et l’héroïne 0,9%. 5% ont par ailleurs déclaré
avoir déjà inhalé un solvant ou de la colle (6% de garçons contre 3% de filles), et 1,8% avoir déjà pris des
hallucinogènes (2,7% de garçons contre 1% de filles). La proportion de consommateurs réguliers (au moins dix fois)
représente 40% des fumeurs de haschich ou de marijuana. Parmi ces jeunes ayant fait l’expérience de substances
illicites, 88% sont des consommateurs d’alcool et 67% de tabac. “La consommation de drogue des adolescents
scolarisés est peu liée à la situation sociale et scolaire, indique l’étude, les jeunes de tous lieux et de tous milieux
peuvent être concernés.”
LE SUICIDE. 76,6% ne pensent jamais au suicide, 23,4% ont des idées suicidaires, 9% pensent souvent, et, une
fois sur deux, passent à l’acte. 6,5% élèves ont déjà fait une tentative de suicide dans leur vie (1,8% en ont fait
plusieurs) et 1,3% ont été ensuite hospitalisés. Ce faible taux est, selon l’enquête, comparable aux données
internationales. Par extrapolation, l’enquête évalue. 75 000 le nombre d’adolescents hospitalisés pour tentative de
suicide. La prévalence des tentatives semble particulièrement préoccupante chez les garçons de moins de treize ans et
chez les filles originaires d’Afrique du Nord.

Larecce FOLLEA
Le monde, jeudi 26 mai 1994

Drogue:
Les adolescents mélangent tout
L es “cocktails” drogues-alcool-médicaments font florès. Le dernier rapport de l’Observatoire français des
drogues et des toxicomanies, publié le 16 décembre, s’inquiète d’un accroissement des “poli-toxicomanies”, notamment
parmi les adolescents. Si les consommations d’alcool et de tabac tendent à diminuer chez les onze à dix-neuf ans, “la
recherche d’ivresse a sensiblement augmenté”, indique l’OFDT: 40% de cette classe d’âge consomme
occasionnellement de l’alcool (la bière arrive en tête, devant les alcools forts) et 12% en boit régulièrement. Les
fumeurs quotidiens représentent 14% des onze à dix-neuf ans et 17% d’entre eux ont pris des médicaments
psychotropes (somnifères, tranquillisants, antidépresseurs, etc.) au cours de l’année. Les filles en usent plus que les
garçons, et l’âge est un facteur aggravant: à dix- huit ans, l’usage de psychotropes concerne un tiers des filles.
Chez les plus jeunes, 92% de ceux qui ont fait l’expérience d’un produit stupéfiant sont aussi amateurs
d’alcool et de tabac. Les “poly- usagers” occasionnels représentent 1,2% des onze à treize ans et 21% des plus de dix-
huit ans; 12% des adolescents ont déjà fumé du canabis. Au total, sept millions de Français disent d’avoir goûté au
moins une fois une drogue au cours de leur vie, et dans 90% des cas du haschisch.

Le Monde, n° 250 - janvier 1997

Interaction avec le texte


Commentez les conduites à risques des adolescents français et mettez en lumières les facteurs
sociaux qui en sont la cause.

114
Chez nous aussi
Selon le BIT, la pratique du travail des enfants tend à se répandre en Occident, notamment dans les petits ateliers de
sous-traitance. Il suffit d’aller à 160 kilomètres de Paris...

Les soupçons sont nés avec l’installation des Asiatiques à Troyes: “ces gens-là” font travailler leurs enfants. Un
jour, une institutrice aurait amené une machine à coudre en classe. Pour un test qui s’avéra révélateur: les seuls enfants
à savoir utiliser l’outil étaient ceux qui s’assoupissaient en classe. Des techniciens de maintenance des machines à
coudre sont parfois amenés à se rendre dans les immeubles des cités pour installer ou réparer le matériel. Dans les
appartements, ils auraient vu des choses...
Une enseignante dont l’école accueille les enfants d’un de ces quartiers à forte population asiatique constate:
“Certains élèves sont très fatigués en classe. Jusqu’à s’endormir carrément. Souvent, ils ont peur de nous dire pourquoi
ils sont si fatigués. Une petite fille m’a expliqué qu’elle devait se lever la nuit pour donner le biberon à son petit
neveu.” Les adultes étaient trop affairés pour pouvoir s’occuper du bébé. La fillette était par ailleurs la seule de la
famille à parler le français. Elle servait d’intermédiaire entre le donneur d’ordres et ses parents attelés aux machines.
D’autres, collégiens, justifient parfois leurs absences par un “je devais travailler pour aider mes parents”. La limite
entre le simple coup de main donné par l’enfant et le véritable travail, interdit par la loi, est floue.
Les inspecteurs du travail de l’Aube s’intéressent de près au travail clandestin. Au cours de leurs descentes, ils
n’ont jamais trouvé d’enfants au boulot.”Le fait le plus choquant qu’on ait vu, ce sont quatre mineurs dont un bébé
endormis au fond d’un atelier, un dimanche après-midi, pendant que les adultes travaillaient, raconte Edouard Inès,
directeur adjoint à la Direction du Travail. Cela dit, il se passe peut-être des choses plus graves chez les gens, mais il
nous est très difficile d’entrer dans les domiciles.Nos moyens de contrôle sont très réduits.” Même constat du côté des
services de protection de l’enfance: pas facile de savoir précisément ce qui se passe dans l’intimité des familles.
Asiatiques ou pas.
Car les temps ont changé, le travail retourne à la maison. A Troyes, la bonneterie et le textile ne sont plus aussi
florissants qu’avant: 15 000 emplois ont disparu, des usines ont fermé, d’autres tentent de survivre. A tout prix. On
délocalise ou on tente de serrer les coûts au maximum. La tradition du travail à domicile, payé à la pièce, permet
flexibilité et productivité. Pour vivre, il faut produire toujours plus, c’est mathématique. Alors les machines ont été
installées dans les appartements déjà surpeuplés des grands ensembles. Et toute la famille, enfants compris, est parfois
mise à la contribution.
La course folle à la concurrence avec des pays qui ignorent tout de nos acquis sociaux expose la France, comme
d’autres pays occidentaux, à un formidable retour en arrière. Un tout récent rapport du Bureau international du Travail
confirme la tendance: des enfants travaillent à l’Italie, au Portugal, mais aussi aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Ils
ne constituent évidemment qu’une infirme minorité des 250 millions de mineurs qui triment dans le monde, mais le
phénomène est significatif, selon Michel Barton, du BIT: “Partout où il y a de l’immigration clandestine et du travail
de sous-traitance à domicile, on peut être certain que des enfants travaillent. Parce qu’il faut bien manger.”
Agriculture, textile, hôtellerie, commerce, bâtiment ou mécanique: presque tous les secteurs économiques emploient ces
petites mains pour des salaires de misère. Début octobre, la police italienne a découvert treize adolescentes dans un
atelier près de Bari. La plus jeune avait 14 ans. Elles travaillaient dix heures par jour et étaient payées 350 à 1 000
francs par mois.

Isabelle MONNIN
Le Nouvel Observateur. - 21-27 Novembre 1996

Explications
A. Les connotations culturelles
- Bureau International du Travail
BIT
sous-traitance - exécution, par un artisan ou un industriel, d’une fabrication ou
d’un traitement de pièces pour le compte d’un autre industriel, le
donneur d’ordres, conformément à des normes ou plans imposés
par celui-ci

115
B. Vocabulaire
s’avérer - se révéler, apparaître
s’assoupir - s’endormir doucement, à demi
attelé - qui accomplit une tâche pénible et généralement de longue
haleine
floue - vague
clandestin - qui fait en cachette, en secret
une descente - action qui vise (à) la vérification des identités ou les besoins de
l’enquête
une intimité - vie privée
payer à la pièce - en proportion du travail réalisé
grand ensemble - groupe important d’immeuble d’habitation bénéficiant de
certains équipements collectifs
infime - très petit, minime
trimer - fam. : Travailler dur, se donner beaucoup de peine

Interaction avec le texte


A. L’analyse des idées
1. De quels enfants s’agit-il ?
2. Quelles sont les observations des enseignants en classe ?
3. A quoi a servi la machine à coudre ?
4. Quelles sont les difficultés rencontrées par les inspecteurs du travail ?

B. L’Expression orale
Comment le phénomène de travail clandestin se manifeste-il en Ukraine ?
Quelles catégories socio-professionnelles sont les plus touchées par ce problème ?

Un ethnologue aux 4000


Comment vivent les gamins de La Courneuve
Pendant deux ans, David Lepoutre a observé les petits durs d’une cité de la banlieue parisienne. Aujourd’hui, il
fait ce constat déroutant: leur code d’honneur ressemble à celui d’aristocrates d’autrefois, verlan en plus.

Chaque fois qu’il le rencontre, et cela dure depuis qu’il a emménagé il y a des semaines, Samir, un de ses élèves
lui pose la même question, l’air abasourdi: «T’habite aux 4 000, David?...»
Samir, c’est un petit dur de 4 000, le trop célèbre de la Courneuve. Vid’da, c’est David Lepoutre, ethnologue. Au
début de ce siècle, ce métier vous conduisait dans un trou perdu de la jungle pour y étudier la structure familiale des
tribus primitives. Aujourd’hui on peut être ethnologue et choisir d’aller observer une cité de La Courneuve, à dix
minutes de la gare du Nord, en Saint-Denis... Une autre aventure.
David Lepoutre a choisi les 4 000. Au début, il comptait étudier la violence adolescente dont la presse fait
régulièrement état. Gangs, rodéos automobiles, délinquance.. Il était bien décidé à mouiller son maillot d’ethnologie sur
le terrain: de nos jours, dans sa discipline, on pratique «l’observation participante». On ne regarde pas les gens vivre en
prenant des notes, on vit comme eux. Alors il a loué un studio dans la cité. Il a eu l’embarras du choix, lorsqu’il s’est
présenté à l’office HLM. On ne se bouscule pas pour loger aux 4 000 . «C’est un des endroits, raconte-il, à côté
desquels je passais avant sans les voir. Un lieu où l’on ne veut pas penser que les gens puissent vivre...»

116
Il a vécu deux ans. A sa fenêtre, dans les cages d’escalier, dans les terrains vagues ou sur les parkings, il a
observé. Deux ans à parler avec les petits durs qu’il rencontrait chaque jour dans l’un des trois collèges qui scolarisent
les ados des 4 000 (il y enseignait l’histoire et la géo), à les regarder vivre, à tenter de comprendre leur univers.
Pour David Lepoutre, le premier contact avec cet univers qu’il croyait connaître un peu a été un choc. Choc de
la confrontation avec la pauvreté d’abord. Aux 4 000, la moitié des gens ne possèdent pas de voiture, si déglinguée soit-
elle. «Ils ont une très forte conscience d’être pauvres et d’habiter un endroit destiné aux plus bas pauvres.» Choc du
mélange aussi. Aux 4 000, plus de 70 nationalités coexistent. Officiellement, selon le dernier recensement, la cité
accueillerait 28% d’étrangers. Ce qui ne rend guère compte de la diversité ethnique qui caractérise ce coin de banlieu.
Les fiches des collèges comme celui où enseignait- et enseigne toujours David Lepoutre en donnent une meilleure idée.
Ceux qui viennet «d’ailleurs», DOM-TOM compris (Magreb surtout, puis Afrique noire), représentent 85%. Restent
15% de «Français de souche», comme on dit.
Rien n’est simple aux 4 000, et le livre de David Lepoutre en apporte la preuve. Aiment-ils ou détestent-ils leur
cité, ces jeunes ados? C’est un mélange d’amour et de haine qu’on entrevoit au fil des pages. Les espaces publics sont
dévastés, toutes les vitres des halls d’entrée cassées depuis longtemps, on balance les ordures par les fenêtres, on pisse
dans les cages d’escalier, on s’oublie dans les ascenseurs. Qui, on? Au début de son enquête, Lepoutre pensait trouver
les coupables chez les quelques marginaux ou associaux des 4 000. Jusqu’au jour où il a découvert que les lycéens
brillants, des sportifs de haut niveau, des ados avec des projets d’avenir plein la tête se laissaient ainsi aller. «Les
habitudes de la cité», lui ont-ils expliqué. Pourtant c’est leur lieu. Ils le trouvent chaleureux. Il est pour eux chargé
d’histoire . Lepotre cite Bourdieu pour expliquer ce qui paraît si difficilement explicable: «Le quartier stigmatisé
dégrade symboliquement ceux qui l’habitent, et qui, en retour, le dégradent symboliquement...» Ce désordre social
serait en fait selon les sociologues de Chicago, un «ordre écologique». Si l’on peut dire.
David Lepoutre raconte longuement - et c’est d’une lecture fascinante - les modes de vie de ces jeunes
adolescents, ces composantes de la culture de rue qui peuvent sembler si aberrants pour des adultes de bon sens.
Culture de la tchatche, de l’apparence, de la frime, du défi, de l’affrontement tant physique que verbal, de la-toute
petite-délinquance, qui est souvent, elle aussi, une forme de frime... On trouve tout aux 4 000, comme dans beaucoup
de cités difficiles de France. Sauf, note David Lepoutre, l’usage de la drogue, pratiquement inconnu ici chez les moins
de 16 ans qu’il a côtoyés et longuement fait parler.
Mais notre ethnologue ne se borne pas à raconter. Il a fini par trouver un sens à ce désordre apparent, à cette
anarchie parfois joyeuese, parfois tragique. Il a fini par comprendre qu’aux 4 000 un code unique s’imposait à tous ces
gamins insupportables , aux comportements apparemment absurdes. Il a réalisé que tous ces gosses obéissaient au fond
aux règles strictes d’une société à honneur. Pas si éloignées, verlan mis à part, de celles qui régissaient la vie de nos
jeunes aristocrates il y a quelques siècles.
Après 16 ans les choses changent: c’est l’entrée au lycée ou en BEP pour l’immense majorité de ceux des 4 000.
Là-bas comme ailleurs, l’école fait son boulot. On commence à penser métier, avenir, intégration à la société adulte. On
change de look, de langage, de réflexes, et surtout de valeurs. On voit des gamins qui ne parlaient que verlan pratiquer
tout à coup un français hyper-châtié. Les «nique ta mère» et d’autres vannes sont d’un coup perçues comme des
«blagues de minots», et les bagarres rituelles laissées aux générations montantes.

Gérard PETITJEAN
Le nouvel observateur - mai, 1997

Rapper la vie dans la cité


Exprimer sa révolte avec des mots choisis, qui riment avec poésie, c’est le défi lancé par des ateliers d’écriture de rap
aux jeunes des cités.

«La malaise pousse les frères à byznesser, tu sais, la France est touchée d’un cancer localisé, la misère n’est pas
qu’aux infos télévisées, qu’est-ce tu dis? On n’entend pas, demain ça ira mieux, qui croit encore à ça? regarde dans les
banlieues, ça tousse déjà, éclabousse les Royas, tous on y passera, qui restera?»
Rencontres.
Comme Sofien Abi, 16 ans, une dizaine de jeunes de la banlieue toulousaine se rencontrent, chaque mercredi
après-midi, pour participer à un atelier d’écriture de rap organisé par l’association Droit de cité et la Fnac. «Mon texte
s’intitule «Nés dans le creux.» Il évoque la position inconfortable des enfants d’immigrés victimes à la fois du chômage
et du fossé entre leurs origines et la culture française.» Autre thème sensible qui a inspiré Jean Mulangu, 16 ans: la

117
politique de la Ville et ses promesses non tenues. «Je suis inquiet pour les basfonds, défonce tous ces boufons, ces gars
sans foi qui fondent notre présent, sur une route sans issue (...) un enclos, sans clôture, ma cité aire de culture, confonds
pas mon quartier avec une réserve.»
Cancres à l’école, où la plupart végètent des classes-parking, les apprentis rappeurs s’imposent ici une discipline
inhabituelle. Assis autour d’une table où trônent des dictionnaires, ils cherchent leurs rimes, vérifient une orthographe
et corrigent leur syntaxe avec la complicité de «Mo» et «Bonis», les animateurs. Aux dires de ces derniers, les jeunes
progressent énormément.
Quelle mouche les a piqués? «L’envie de trouver leurs marques dans la société, de s’ouvrir des horizons grâce à
la musique», explique Catherine Chabas de la Fnac. Une sorte de combat pacifique avec les armes de la poésie. C’est
pourquoi la librairie, qui prête ses locaux aux rappeurs toulousains et à leurs frères lyonnais, marseillais et parisiens, a
intitulé ces ateliers «Prose combat», du nom du deuxième album du pape du rap français: MC Solaar
Au travail d’écriture s’ajoute celui de la voix: les adolescents apprennent à dire leurs textes « a capella » (sans
soutien musical) ou « à les sampler » (sur un fond musical) en maintenant le juste flow (débit) et le bon tempo (rythme).
Ils découvrent ainsi le plaisir d’être non seulement écoutés mais entendus: leurs idées, pour une fois, passent la rampe.

Marie BARDET
Les Clés, n° 279 - décembre 1997

Explications
la FNAC - magasin où l’on vent tout le matériel informatique et qui essaie de
faire beaucoup de social
des classes-parking - une métaphofe pour dire que les étudiants peuvent faire leurs
études mais qu’ils ne trouveront pas forcément du travail

Interactions avec le texte


A. Analyse des idées
1. Comment se déroule une séance d’écriture de rap ?
2. A qui est-elle destinée ?
3. Par qui est-elle organisée ?
4. Quel bénéfice en escompte-t-on ?

B. L’expression orale
Y a-t-il une place pour le rap en Ukraine ?

118
TEXTES COMPLEMENTAIRES :
Les boys bands:
la fine fleur du mâle

La fine fleur du mâle


Recette: Prenez des mecs plus qu’ultra, à beaux pectoraux. Ajoutez du rythme en
boîte. Mélangez. Vous obtiendrez les tops du Top.

L
e Père Noël a distribué à toutes les filles de 8 à 15 ans qui raffolent des chansons à l’eau de rose de drôles de
Ken (le fiancé de Barbie)- vivants et grandeur nature. Un tiers prince charmant, un tiers Chippendale, un tiers
concurrent pour radio-crochet amateur, ces faux-vrais mannequins s’agitent demi-nus à la télévision. C’est la
dernière folie du show-biz! Vous sélectionnez sur casting quatre inconnus mignons et bien bâtis; vous les
habillez de blanc ou de noir, selon l’effet voulu (angélique ou diablotin); vous leur faites enregistrer un morceau ultra
rythmé et totalement inoffensif conçu par vos soins; vous les rebaptisez de prénoms américains; secouez bien les
chemises à jabots pour qu’elles s’entrouvrent sur les musculatures dorées: si vous avez réussi votre coup, vous voilà à la
tête d’un”boys band” à succès, de ceux qui se bousculent en tête des hit-parades anglais, allemands ou français.
On les appelle des boys, comme de vulgaires danseurs de music-hall. Le cheptel est impressionnant :Worlds
Apart, Boyzone, Backstreet Boys ou Caught In The Act sont quelques-uns des groupes fabriqués de toutes pièces par
des producteurs astucieux et cyniques. La France s’est mise, elle aussi, à élever du boy en batterie : G Scuad, 2 Be 3,
Alliage (lancés par Glem, maison de production de Gérard Louvin, directeur des variétés de TF1) ne sont, on le
subodore, que les précurseurs d’une vogue en pleine expansion au pays de Brassens et de Barbara. Car, si l’on y songe
un instant, c’est fou ce que cette nouvelle mode peut avoir comme avantages : elle réduit la fracture sociale et le
chômage des jeunes, les boys n’étant généralement pas des fils à papa, mais des gars de province ou de banlieue,
d’origines diverses, qui vivotaient de petits boulot; elle occupe des jeunes gens bientôt désoeuvrés pour cause
d’abandon du service militaire; elle prend à contre-pied le sexiisme (au tour des garçons d’être des objets!); elle apporte
une solution à la crise. Comme le dit si bien Bobby Smart, directeur de promotion d’Alliage: “Quand on constate la
morosité de la jeunesse, on a envie de leur apporter quelque chose de beau et d’aseptisé. Ils se diront ensuite :
“Pourquoi ne pas devenir vedette, moi aussi?”.
Si la France vient juste de s’aligner sur ses voisins, l’idée du groupe préfabriqué n’est pas franchement neuve.
Il suffit de remonter aux années 60 et aux Shangri-Las, découverts par George Morton, aux Crystals ou aux Ronettes,
produits par Phil Spector, pour retrouver la même sulfureuse alliance créateur-créature. A une seule différence près : ces
formations musicales étaient exclusivement féminines, tradition oblige. Il faudra attendre le début des années 90 et le
sacre de Take That, le premier et le plus flamboyant des boys bands (sa séparation en 1994 provoquera hystérie
collective et suicides chez les fans) pour que le mâle soit, lui aussi, calibré pour vendre du rêve... et des pectoraux.
Ne croyez pas cependant que le job de biy soit une sinécure. Commercialisés comme des savonnettes (parfois
même sponsorisés par une marque), astreints à des séances de travail interminables (danse, chant, photos, télés,
essayage de shorts, signature d’autographes), interdits de vie privée (officiellement, ils doivent rester célibataires),
contraints au politiquement correct (pas question de choquer leur très jeune public), les pauvres chouchous en voient de
toutes les couleurs. En plus, leur espérence de vie est très limitée. “Ils arrivent à 18 ans. A 22 ans, ils sont finis”, assure
l’ineffable Bobby Smart. Ça tombe bien : après Noël, les filles adorent casser leurs jouets.

Juliette COPE
Télérama, n° 2452

119
Lettres à un jeune électeur FN
A Poitiers, des jeunes ont pris la plume dans le cadre de «Scoop en stock»

«Contre le Front National et ses idées courtes, soyez dans vos journaux vigilants et offensifs , pédagogiques et
mordants! Aidez à la multiplication des journaux autour de vous! » Par l’édition «Scoop en stock» toutes la equipes
ont été invitées à imaginer «une lettre ouverte à un jeune électeur du Front National». Trois missives ont été primées
par les organisateurs: on les publie en tête de la sélection qui suit.

France (il faut barrer le F et le N)


D’abord je te remercie: je vois que tu sais aimer défendre tes opinions. C’est bien ainsi! Si, si je t’assure, c’est
bien. Le silence, c’est la soumission ; voilà pourquoi je t’écris. Dis toujours ce que tu penses, penser ce n’est plus être
esclave, et c’est déjà être libre. Ce serait malheureux pour un jeune de ne pas penser. Ta jeunesse est ta force. Ta force
est ta jeunesse. Sois jeune...pas con. Je m’explique: veux-tu être un singe et ne pas évoluer? Remonte tout arbre
généalogique , et tu trouveras à un moment différentes origines. Alors, tu pourras être un homme.
OK, vote FN, et n’écris plus , puisque l’ecriture est d’origine égyptienne.
OK, vote FN, et ne compte plus , puisque les chiffres sont en partie arabes.
OK, vote FN, et ne parle plus, puisque la langue française à des origines grecques, latines et emprunte des mots
anglais, italiens, arabes. Lorsque tu bois de l’alcool, sais-tu qu’«alcool» est arabe? Non! Tu ne le savais pas?
Maintenant, tu le sais: on sème sa culture avec des graines étrangers et étrangères.
OK, vote FN, et tue ta culture, tue ce qui fait toi...tue-toi. Mais sais-tu ce qu’est la tactique du bouc émissaire?
C’est de s’attaquer à quelqu’un alors qu’il n’est pas le réel ennemi, le vrai problème dans la société... C’est nous-même.
C’est plus facile de dire que c’est les autres. Tu l’as compris: c’est lâche, n’est-ce pas? Et tu es jeune, pas lâche, NON?
P’tit Louis (Amiens)

Peut-être surtout la haine du soi...


C’est beau la jeunesse, c’est l’époque de l’insouciance et des romances...dans les livres, les films. Pour toi, pour
nous, c’est surout celle du chômage et du sida, de galères et de la haine... La haine des parents, des profs, des autres
finalement, puis peut-être surtout la haine du soi. L’amour fait partie de toi, la haine on te l’a inculquée, doucement,
surnoisement, parfois brutalement, et tu l’as acceptée peut-être comme ta seule maîtresse... Si tout va mal c’est
forcément la faute de quelqu’un; ceux qui gouvernent notre pays te disent que non, que c’est à cause du contexte
économique intérnational, du capitalisme, du socialisme, de l’Europe qui s’installe.. Trop facile! Ces notions abstraites
ne sont que des leurres, les vrais coupables seraient alors tous ces gens qui nous ressemblent si peu, ces étrangers, ces
immigrés... Ils vivent dans ton pays, te méprisent, t’agressent, volent ta part d’une galette déjà bien sèche. Et là, tu ne te
dis pas... trop facile? Tu crois vraiment que renvoyer 1 ou 2 millions d’immigrés dans des pays où ils sont étrangers
plus encore qu’ici résoudra tes problèmes ? Que faire le malheur de millions de personnes t’apportera le bonheur? Je ne
veux pas le croire. Pourquoi? Parce que moi j’aime.... Je m’efforce d’aimer les gens, et si cela n’arrange pas tous mes
problèmes, ça rend ma vie un peu plus belle.
Ta haine, c’est toi qu’elle détruira. Ta haine, elle ne passera pas, jamais.
Mélissa Nachtigal, pour le journal Récidive (magazine de l’IFP)

En ton âme et conscience


Comment te convaincre toi, embrigadé dans un parti démagogue sans risquer de rentrer dans ce schéma de
pensée? On peut t’expliquer par A+B que tout ce que dit ton parti n’est que vent... Mais là on perd notre temps.
J’auraus envie de te rappeler ce qu’a pu donner le régime fasciste et nazi durant la dernière guerre. Mais l’Histoire ne
sert pas de leçon. On vous promet monts et merveilles, et après le flop total. Ton parti comme beaucoup d’autres
utilise cette méthode qui en vaut bien d’autres. Mais crois-tu dans le plus profond de ta conscience qu’une fois au
pouvoir, il réglera tous tes problèmes? Si tu es au chômage, il te trouvera peut-être du travail. Mais tu n’auras que le
droit de faire tes 40 heures de travail hebdomadaires pour un 4 000 francs bien tassé et tu fermeras ta gueule. Car
pas question de te rebeller sinon c’est la schlague.
A notre époque, où l’on voit des millions détournés par des hommes politiques et d’affaires plus ou moins
véreux, où des millions de personnes se retrouvent sans travail, je comprends ta révolte. Personellement, je pense que la
solution FN n’est pas la bonne. Je ne trouve pas non plus de solutions dans les partis politiques actuellement influents.
Mais la démocratie est notre seule issue, sinon c’est le chaos! Alors, t’as le choix: en ton âme et conscience, médite
ces quelques mots . Moi, je préfère me lever le matin en homme libre de mes pensées et de mes actes, plutôt que de

120
marcher au rythme de la matraque, dicté par un Etat totalitaire. Pour terminer, je citerai un homme célèbre: «Aimer-
vous les uns les autres.»
Journal Historix
La nausée
Je t’écris d’une contrée: ne la recherche pas sur un atlas, tu ne la trouveras pas. Ni à l’est ni à l’ouest. Ni en
Orient, où le soleil naît, ni en Occident; qui l’assasine quotidiennement. Ni à gauche ni à droite.
Non, je suis nulle part ou ailleurs. Un ailleurs qui serait noir d’Afrique, jaune flamboyant dAsie, rouge de ces
peaux trop souvent dénigrées et blanc d’un blanc qui aujourd’hui a honte de l’être. Symphonie de couleurs que j’ai
emportée avant mon départ, pour me souvenir de tous ces visages.
Je pense parfois à mon ancien pays. De là où je suis, je le vois devenir unicolore, fade jusqu’à l’écoeurement.
La nausée, c’est sans doute ce que j’ai ressentie en te lisant . Innocemment, tu m’affirmes que tu votes FN. J’ai
longuement cherché ce qui se cachait derrière ce sigle. J’ai songé à Farfouille Numérique. Avais-tu ouvert une
entreprise d’ordinateurs? Puis j’ai appris ce qui se cachait derrière ces deux lettres maudites. Laisse-moi te dire que tu
es Foutrement Nullissime! Les mots disparaissent. Aucun ne sera assez fort pour te convaincre. Alors, je joins à ma
lettre cette palette de couleurs que je gardais précieusement. Regarde-la. Peinturlure-toi! Laisse-les t’imprégner.
Bertrand, Julien J.
(journal Scoop & coups, Evreux)

Mon frère, tu as réussi à me convaincre...


La France est un pays d’immigrés, ils grouillent. Et si on les virait? Si on arrêtait le massacre des embryons
(noirs exclus)? Et si on épurait l’art de ses parasites? Si on avait, enfin, tous de beaux yeux bleus? Allez, clonons les
Aryens! Le rêve d’Aldous Huxley est à portée de main... On pourrait vivre dans le meilleur des mondes possibles. Le
seul monde légitime. Notre France, ce jeune patriote, retrouverait le chemin de ses églises, redeviendrait française, ne
ferait plus rougir ceux qui l’ont défendue au péril de leur vie. Et nous honorerons la mémoire de nos valeureux
ancêtres, qui auront fini de se retourner dans leur tombe. La jeunesse serait pure, blanche, si blanche!
Tu m’as convaincu! Je ne formulerai pas ces souhaits dans mes pires cauchemars. Je ne veux pas qu’on me
laisse seul avec des Français ...
Nathalie et Delphine, Sorbonne (s) nouvelles

Cher frère
Bon, je t’appelle ainsi, car j’estime que l’on est de la même race, la race humaine.
Nos regards se sont croisés, j’ai l’impression que tu fuis le mien. Je te dis: «Buvons!» tu me réponds, mais tout
en étant mal à l’aise.
Je veus discuter avec toi, mais tu refuses en prétextant le manque de temps.
Alors, je commence à me poser des questions: qu’est-ce qui a changé ton comportement, car, avant, je te voyais
joyeux et, aujourd’hui, tu es isolé. Es-tu victime de certaines idées? Es-tu influencé par certains courants? Je t’ai
rencontré en bas de ton HLM grisâtre. Pour toi, c’est la galère! Pas de chambre à toi, pas de boulot avec ton CAP, peu
de fric donné par tes parents quand des fins de mois sont difficiles. Je t’ai trouvé intelligent. Ne te laisse pas piéger
pas des arguments simplistes développés par des gens qui n’en rien à faire de toi.
(Le Pen tous les soirs dans son logement.)
On te dit: «la France aux Français». Tu dois aimer la France. Moi aussi, je l’aime; mais pour autre chose: ses
paysages, son accueil, sa terre d’asile aux parfums colorés de mélanges.
Quelles que soient ta couleur ou ta provenance, nous sommes tous frères et fiers de l’être. Ne l’oublie surtout
pas!
Signé QUOI? de Chartes
Libération - avril 1997

L’abécédaire du Séjours au Pair


Plus qu’un simple emploi, le séjour au pair revêt aussi un intérêt linguistique et culturel. L’étudiant(e) consacre
désormais une partie de son temps à des cours de langues, pratique du sport, etc. En témoignage, l’expérience
d’Isabelle qui nous livre tous les trucs pour être la perle des séjours au pair.

•Age requis. 18 à 25 ans mais certains organismes acceptent des candidatures de jeunes filles jusqu’à l’âge de
30 ans.

121
•Agence. Le placement au pair s’effectue souvent par l’intérmédiaire d’agences ou d’associations. Mais ce
placement peut évantuellement se faire sur la base d’un accord individuel avec la famille.
•Isabelle (22 ans, 12 mois dans New Jersey, fille au pair de deux enfants de 3 et 5 ans) témoigne: «Pour être
certaine de vivre pleinement son séjour, mieux vaut ne pas être timide et réservée mais au contraire curieuse et avoir le
sens des contacts. Regardez la télé, louez des films, pour vous emprégner de la culture du pays. Tâchez de nouer des
liens. Notre cercle d’amis était composé de dix nationalités différentes, principalement européennes. Nous nous
retrouvions dans un bar fréquenté par la plupart des jeunes filles au pair de la ville. Aujourd’hui, nous essayons de
nous revoir. C’est magique, je n’aurais jamais cru que l’on puisse forger des liens aussi forts que ceux que nous
entretenons. Profitez bien de vos week-ends libres. Louez par exemple, une voiture à 4 ou 5 pour visiter le pays. Le
coût des transports sur place n’est pas excessif».
•Baby-sitting et tâche ménagères. La jeune fille participe aux petits travaux ménagers (en Europe, pas aux
USA) et doit s’occuper des enfants. «Même si c’est une excellente experience , ayez conscience que cela représente
près de dix heures de travail quotidien et, malgré tout, quelques contraintes comme ranger les affaires des enfants, les
laver, les changer», précise Isabelle.
•Cours. En règle général, vous aurez la possibilité de suivre des cours de langues. En Europe, les frais de
scolarité restent à votre charge. Ils sont obligatoires pour les séjours en Irlande. En revanche, aux USA, les familles sont
astreintes à reverser 500$ pour financer les activités sportives, culturelles ou linguistiques, de leur jeune fille au pair.
•Départ toute l’année: 1 an, 6 mois, l’été. En Europe, les séjours au pair ont une durée minimale de 6 mois,
pendant l’année scolaire. Aux Etats-Unis, vous vous engagez pour une année complète. Certains organismes proposent
des séjours d’été aux USA et dans certains pays d’Europe (Aspect, Contact, Expériment, Mary Poppins, NAPP...).
D’autres vous proposent de prolonger votre séjour d’un mois en «touriste» (13e mois aux USA: Aspect, Au Pair
Contact International). Votre billet d’avion, payé dans la plupart des cas aux USA par votre famille d’accueil, tiendra
compte de ces dates.
•Frais d’inscriptions. Ceux-ci oscillent entre 300 et 1200F selon les organismes. Certains organismes ne
prennent aucun frais pour les séjours aux USA. D’autres organismes peuvent exiger une caution de 2000F environ,
remboursée à l’issue du séjour, ceci afin d’éviter des retours précipités des jeunes filles au pair avant le terme de leur
contrat.
•Fumeur (se): s’abstenir! Il est en général très difficile de placer les accros du mégot!

Haute Normandie., n° 21 - mai 1997

Voyages: Infos pratiques


Les bons plans pour partir
En train
Profitez des avantages de la carte Inter-Rail et visitez toute l’Europe ou adoptez les coupons Euro Domino Jeunes pour
voyager gratuitement dans l’un des 27 pays de votre choix + 25% de réduction sur le trajet pour s’y rendre.

En avion
•Le kiosque Air France vous permet de profiter des soldes régulières émises dans la plupart des agences de voyage.
•Council Travel propose à tous les étudiants et jeunes, des tarifs préférentiels sur vols secs et circuits partout dans le
monde. Possibilité de composer son voyage à la carte.

En bus
Eurolines constitue la référence pour traverser l’Europe en bus: plus de 1500 destinations au départ de plusieurs villes
en France.

Réductions
•Il est utile de posséder la carte internationale des Auberges de jeuness car elle permet d’accéder à moindres frais aux
6000 auberges de jeunesse implantées à travers le monde.

122
•N’oubliez pas de prendre votre carte d’étudiant intérnationale! La carte ISIC vous fait bénéficier des réductions
offertes aux étudiants autochtones: hébergement, transport, loisirs.

Haute Normandie, n° 21 - mai 1997

123
X. SCIENCE AU SERVICE DE L’HOMME

L’avènement de nouveaux outils


1 Du téléphone portable au télétravail,
les grèves semblent favoriser l’essor des nouvelles technologies.

Les téléphones portables? Un veritable boum. Les visioconférences? Idem. Le systeme


D? Evidemment. Les Parisiens de l’est qui travaillaient à l’ouest sont ainsi restés chez eux avec
un micro-ordinateur ou ont “squatté” des postes plus près de leur domicile. A recenser
l’ensemble des initiatives prises en matière d’organisation du travail pendant les trois semaines
qui ont paralisé la France, on imagine bien qu’il pourrait en rester quelque chose.
2 Quantitativement, il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur du phénomène et de ses
suites, même si beaucoup des opérateurs intéressés par les prolongements commerciaux
possibles ont lancé des études statistiques pour en savoir plus. L’histoire, d’ailleurs, plaide en
faveur de cette hypothèse selon laquelle les grèves accélèrent les mutations technologiques.
Comme le rappelle Alain Maurice, rédacteur en chef du magazine Télétravail: “En 1936, le
Front populaire avait contribué a lancer le télex, fortement utilisé dans les rédactions
parisiennes. Les grèves de 1986, cinquante ans plus tard, mettaient le fax sur orbite. Pendant
la guerre du Golfe, c’est la visioconférence qui a conquis ses premières lettres de noblesse.
1995 pourrait être l’année du télétravail et d’Internet, dont les chiffres d’abonnement ont
fortement augmenté pendant la grève”.
3 Sans augurer de l’avenir, il semble clair en tout cas que les états d’esprit aient muri et
que les événements de la fin de l’année “aient permis de faire prendre conscience
concrètement à un public élargi des avantages ou des inconvénients des nouvelles technologies
d’aujourd’hui”, explique Emmanuel Mignot, expert sur les questions de télétravail. Il est vrai
que certains chiffres sont éloquents: 40% de francs supplémentaires rien que pour les appels sur
Bibop, plus 50% pour SVP Itinéris qui permet d’obtenir des informations sut le trafic routier et
de réserver les taxis. “C’est tout simple, mais les gens coincés dans les bouchons ont pu
continuer à travailler, explique-t-on chez SFR. Du coup, ils ont compris que le téléphone
portable, qui garde encore malgré tout l’image d’un outil élitiste, est tout à fait opérationnel”.
4 VISIOCONFERENCES
Même analyse pour les réunions à distance par téléphone ou par écran visuel. France
Télécom indique ainsi une progression de 50% de réservation pour les conversations
téléphoniques à plusieurs, avec des pointes à mille réservations par jour. Beaucoup
d’entreprises ont opté en plus pour le confort de l’image: plus 45% pour les réservations de
liaisons multisites et plus 32% pour les locations de studios effectuées par les entreprises qui ne
sont pas encore equipées en interne.
5 “Il est un peu tôt pour savoir ce qui restera de cette communication de crise, explique-t-
on à France Télécom EGT, d’autant que nous sommes au ccarrefour de plusieurs phénomènes:
la grève certes, mais aussi des baisses de prix et, depuis six mois, un comportement de plus en
plus mature vis-a-vis de l’ensemble de ces outils. Aucun doute que les événements de décembre
ont certainement aidé à lever les dernières réticences”.

6 L’utilisation des ordinateurs portables à domicile est plus difficilement quantifiable.


Chez les specialistes, on la confirme sans aucune hésitation: “Un salarié IBM peut se connecter
124
où qu’il soit dans le monde et donc avoir accès à ses fichiers personnels et à une messagerie”,
rappelle-t-on auprès du constructeur informatique. La grève a permis de tester une fois de plus
ces capacités.” Des réflexes habituels finalement pour celles des entreprises françaises qui
appartiennent au club encore fermé (250 000 à 500 000 salariés concernés) des télétravailleurs.
Mais le mouvement a dû faire des émules, on devrait le savoir plus précisément d’ici quelques
mois. Une maturation face à des nouvelles technologies, c’est finalement le constat le plus
partagé.

Marie-Beatrice BAUDET
(Le Monde. Dossier. - 17 janvier 1996 )

Explications
A. Les connotations culturelles
1. la grève de la fin de l’année 1995 qui a paralysé tous les transports parisiens
squatter (angl) - occuper illégalement un local vacant.
[skwαte] La personne concernée est nommée “squatter”
[skwαtoe:r]
2. Le Front populaire - le mouvement national antifasciste de 1936.
La Guerre du Golfe -le conflit armé de 1990 entre l’Iraq et Koweit, à cause du
problème pétrolier, qui a entrainé les opérations militaires
contre l’Iraq de la coalition avec les Etas-Unis à la tête
3. Bi-Bop - téléphone mobile, destiné aux citadins, utilisable à
domicile (base domestique) ou dans une entreprise
(autocommunicateur sans fil). ( syn.: un combiné, un sans-
fil)
SVP Itinéris - Réseau numérique de communication par radiotéléphone
ouvert depuis 1992 qui fonctionne à la base des cartes
d’identification personnalisée sur le réseau et qui couvre
90% de la population.
4. France Télécom - Le système national de télécommunication par satellite à
côté d’autres systèmes de communication très perfomants
comme les fibres optiques ou le cable sous-marin TAT-8

B. Vocabulaire
1. un télétravail - travail à distance
2. plaider - opter pour, se prononcer en faveur de
la visioconférence - la conférence par écran ou par téléphone
3. augurer l’avenir - presager
4. des liaisons multisites - les liaisons par le reseau d’Internet
5. lever les réticences - ne pas taire qch, en parler
6. une maturation - une idée faite, jugée comme sûre

125
Interaction avec le texte
1. Quels sont les événements qui accélèrent l’apparition de nouvelles technologies ?
2. Qu’entend-on par la notion de “télétravail”?
3. Lisez également le texte « Les leçons de l’embouteillage » et commentez l’influence de la grève
sur le développement du travail à distance.

Les leçons des embouteillages


1 La région Ile-de-France, en partenariat avec la RATP, souhaite développer
les bureaux de voisinage afin de diminuer les temps de transport

CETTE fin décembre 1995, Michel Giraud a pris sa plus belle plume. “Le conseil régional
d’Ile-de-France a décidé d’apporter son soutien au développement du travail à distance dans
notre région”, écrivait-il, s’adressant aux 225 maires des villes franciliennes de plus de 9 000
habitants en leur demandant s’ils seraient intéressés par l’opportunité d’un tel projet dans leur
propre ville.
Bien évidemment, le président de la région avait, comme tout un chacun, pu mesurer les effets
catastrophiques de la grève des transports publics et les monstrueux embouteillages qui en
découlèrent sur les voies d’accès à la capitale. D’où, pour Michel Giraud, l’opportunité de tirer
la leçon des grèves et de raviver le dossier somnolent du télétravail, facteur, comme il l’écrit,
d’”une diminution significative des déplacements, assorti de gains de productivité pour les
entreprises”. Cet appel aux maires ne se veut pas purement incantatoire.
2 Michel Giraud précise, en effet, que le développement du travail à distance, ainsi réactualisé
par la paralysie des transports, s’apuiera en région Ile-de-France sur les bureaux de voisinage.
Qu’est-ce à dire? Il s’agit d’un lieu de travail - également appelé bureau satellite - qui permet
“à des salariés d’entreprises ou d’administrations d’exercer leur tâche à distance tout en étant
reliés à leur organisation”.
“La grève des transports a eu l’inconstestable mérite de faire évoluer le concept des bureaux
de voisinage” se réjouit (presque) Philippe Dorin, directeur du Catral (agence régionale pour
l’aménagement du temps), organisme créé en 1996 et place auprès du coseil régional. Peu
connue du grand public, mais seule structure en son genre en Europe, l’agence a notamment
pour mission de réfléchir et de proposer des solutions régionales concernant globalement
l’aménagement du temps (temps de travail, temps scolaire, temps de transport, travail à
distance...).

SATELLISATION
3 Une réflexion qui pourrait être toute théorique si elle ne devrait bientôt déboucher sur des
applications. Les bureaux de voisinage en Ile-de-France (“Le Monde Initiatives” de 14
novembre) ne sont plus tout à fait des chimères. Le 21 octobre dernier, la région, le Catral et la
RATP ont en effet signé une convention afin de “faciliter la mobilité urbaiane” des 67% de
Franciliens qui travaillent dans une autre commune que celle de leur lieu de résidence. Deux
sites expérimentaux ont été retenus: la gare de Denfert-Rochereau à Paris et le complexe

126
d’échange de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) où les entreprises, grâce à la télématique,
pourront délocaliser une dizaine de postes de travail destinés en particulier à leurs
commerciaux. “D’ici deux ans, estime Philippe Dorin, nous espérons disposer d’un potentiel
d’une quarantaine de sites principalement implantés sur le réseau du RER. Ces sites seront des
communautés de travail à part entière dans lesquelles les salariés ne seront pas
psychologiquement déconnectés de leurs entreprises, ce qui constitue le plus grand des
obstacles du travail à distance”.
4 Le fait que la RATP dispose d’un réseau de fibres optiques largement sous-exploité n’est pas
étranger à cette avancée. Par ailleurs, il paraît acquis que le conseil régional, dans le cadre de sa
politique des locaux d’activités, financera ces bureaux à hauteur de 25%, voire 40% si un
contrat de ville était signé.
Une manière d’inciter les entreprises à “éclater” un certain nombre d’activités extra muros et de
décongestionner ainsi la capitale. “Ces bureaux ne pourront fonctionner que s’il existe un
tiercé gagnant, souligne le directeur du Catral. L’entreprise devra y trouver son propre intérêt
en matière d’efficacité économique. L’individu y trouver bénéfice en termes de qualité de vie.
La collectivité tout entière en retirer des avantages grâce à une meilleure gestion du temps”. Si
l’on sait qu’il s’effectue chaque jour 21 millions de déplacements quotidiens en Ile-de-France
et que, selon une étude Cofremca, 73% des Franciliens ont le sentiment d’”être contraints par
le temps”, les bureaux de voisinage peuvent apporter un élément de solution.

Jean MENANTEAU
(Le Monde. - le 17 janvier 1996)

Explications
1. RATP - Réseaux Autonome des Transports Parisiens
3. Franciliens - les habitants de l’Ile-de-France
RER - Réseaux Express Régional

Télémédecine utilisée, diagnostic assuré


1 Le CHU de Rouen s’est doté d’un système informatique révolutionnaire: la
télémédecine. Un système qui recèle bien des avantages et qui pourrait également s’étendre
dans toute la France et l’Europe. Des écrans et un téléphone vous permettent de communiquer
avec un collègue niçois ou un professeur américain. But de la manoeuvre, assurer un diagnostic
qui s’avère délicat à établir. Les services utilisateurs (l’anatomie pathologique, la radiologie,
l’hématologie, la médecine des urgences, la dermatologie, etc) s’appuient sur une image qui est
envoyée instantanément à des spécialistes. La réponse est immédiate et permet de soigner des
lésions ou des tissus avec promptitude. Un tel système, malgré les apparences, n’est pas
onéreux: 150 000 francs, un prix qui devrait tenter les médecins dont les disciplines s’appuient
sur l’image.

L’Essentiel, n° 21. - mai 1995

127
Explications
CHU - Centre Hospitalier Universitaire (comme : CHR –Centre
Hospitalier Régional)
onéreux - cher

Interaction avec le texte


1. En quoi consiste la Télémédecine ?
2. Quels sont ses avantages ?

TEXTES COMPLEMENTAIRES :

L’horison multimédia
Demain, le monde sera “forcément multimédia”. Le mot est dans tous les discours des
constructeurs de matériel informatique, des fabricants, de logiciels, des géants de la communication,
des politiques... Sans que personne, finalement, ne s’entende sur une definition.
Qu’est-ce donc que le multimédia? Le concept est né de la rencontre entre la télévision et le
micro-ordinateur. Desormais, les possibilités de ces deux machines peuvent etre réunies, et on peut
donc avoir accès sur un même écran à des données écrites, audio, visuelles, ou informatiques.
L’applicftion la plus simple de ces nouvelles techniques fait intervenir le CDROM. C’est un
disque comparable à un disque compact habituel, mais sur lequel on peut enregistrer l’equivalent de
400 disquettes informatiques traditionnelles. Grâce à un lecteur de CDROM connecte à son micro-
ordinateur, l’utilisateur, passionné de musique, par exemple, peut écouter l’oeuvre d’un grand
musicien, consulter des documents sur sa vie, regarder l’enregistrement d’une de ses symphonies
jouée par un grand orchestre, ou suivre la partition.
Dans l’avenir, d’autres perspectives devraient s’ouvrir encore plus largement. Grâce au
téléphone et au cable, l’utilisateur pourra de son bureau se connecter sur des banques de données
éléctroniques contenant une multitude d’informations. Ce sont les fameuses “autoroutes de
l’information”. Car toutes ces informations circulerent deja aux cables en fibres optiques sur des
reseaux dont la mise en place coute extrêmement cher.
Les constructeurs informatiques et les concepteurs de programmes comptent évidemment
beaucoup sur le développement multimédia pour accroitre leurs ventes auprès du grand public.
C’est en effet grâce a lui que leur marge de progression est la plus importante. Certains prédisents
même qu’il représentera 75% de leur chiffre d’affaires d’ici l’an 2000. Pour le secteur informatique,
le multimédia apparait donc comme l’eldorado de demain.

128
La petite boîte qui va tuer l’ordinateur
• Elles ont pour nom Web TV, NC ou Pippin. Bon marché, peu encombrants et
facilles d’emploi, ces terminaux branchés sur le téléviseur risquent de sonner le
gras du micro-ordinateur et du CD-Rom.

1 Jusqu’à présent multimédia rimait avec CD-Rom, avec microordinateur puissant et avec méga,
voire gigaoctets de mémoire. Bref, un “outil” coûteux et d’utilisation délicate, réservé aux
passionnés d’informatique. Mais, aujourd’hui, le multimédia entre dans une phase de profond
bouleversement, qui devrait conduire à court terme à la disparition des CD-Rom, des gros
disques durs, et à la mort du micro-ordinateur lui-même! Cette révolution s’appelle le “tout en
ligne”.
Les premier appareils arrivent sur le marché. Ils ne contiennent aucun logiciel, ni aucune
donnée; ils sont reliés à un ordinateur central (centre serveur) qui stocke les informations.
Ainsi, chez le particulier, le téléviseur familial devient moniteur, et la chaîne hi-fi sse charge de
restituer le son. Relié à une ligne téléphonique, le nouveau terminal multimédia est un simple
boîtier, comparable à un magnétoscope équipé d’une télécommande!
2 Cette nouvelle conception du multimédia a permis d’abaisser le prix du terminal (entre 2
000 et 5 000 F, soit cinq fois moins cher qu’un micro-ordinateur). A cette fin, les constructeurs
l’ont équipé d’une élétronique relativement fruste. S’il ressemble à un ordinateur, ce n’est pas
un vrai ordinateur: sans son modem - qui sert à échanger des données numériques sur le réseau
téléphonique -, il ne peut fonctionner. Lorsqu’on l’allume, il compose automatiquement un
numéro d’appel qui le connecte à un gigantesque ordinateur (le centre serveur) où il “pioche”
les données dont il a besoin. Jeux, logiciels, images, son ou films, qui demandent
habituellement d’énormes quantités de mémoire, ne font que transiter dans l’appareil.

Henri-Pierre PENEL
(Science et Vie, n°950 - novembre 1996)

Internet: un danger pour la démocratie?


1 C’est événement. Pour la première fois, les citoyens de tous les pays peuvent avoir accès à des
informations et des images en dehors de tout contrôle étatique, préfigurant une sorte de système
nerveux planétaire autonome. Du coup, certains dirigeants prennent peur: la “psychose
Internet” règne sur l’Australie, qui cherche à en interdire l’accès sur son territoire afin d’éviter
la “perversion” de sa jeunesse. La CIA, pour sa part, vient de mettre en service un centre de
contrôle des communications Internet.
2 A l’opposé, la Chine compte utiliser cet extraordinaire vecteur de propagande à couverture
mondiale. Pratique courante sur ce réseau. Il faut dire que la “faune Internet” est pour le moins
éclectique: les comptes rendus des centres de recherches les plus célèbres voyagent en
compagnie d’images pornographiques, de propagandes intégristes ou nazies, de pirates en
“voyage touristique” dans les bases de données confidentielles, sans parler des conversations de
129
mafiosi... Internet devient-il le réseau de l’interdit?
3 Pas encore. Mais nous sommes bien loin de l’image idyllique de l’autoroute de l’information
propre en nette, présentée récemment à Paris par Bille Gates, président de Microsoft. Si de
telles déviations sont possibles, c’est parce que les créateurs d’Internet ont souhaité une totale
liberté de circulation de l’information par la mise en place d’une structure sans hiérarchie. Un
ordinateur quelconque, aussi modeste soit-il, peut “tutoyer” la plus puissante des machines sans
avoir à en demander l’autorisation à quiconque. Absence de hiérarchie qui a une furieuse
tendance à conduire à l’anarchie...
4 De plus, juridiquement, Internet est un “réseau fantôme”, sans câble ni responsable. Seuls des
réseaux déjà existants furent interconnectés. Impossible d’attaquer les propriétaires en justice
pour une information qui a transité par leur intermédiaire sans qu’ils en aient eu connaissance
et qui, de plus, a suivi un parcours aléatoire. La “ filature Internet” n’a donc rien d’aisé.
Cette constation a conduit les Etats-Unis à former des policiers des auturoutes de l’information,
les “cyberflics”, pour lesquels micro-ordinateurs portables, modems et logiciels de scrutation
remplacent motos, menottes et carnets à souche. Alors, Internet, une réelle menace pour la
démocratie?

Science et Vie, n 932 - mai 1995

La puce sort de la carte


1 Intégrées jusqu’à présent dans de petites cartes en plastique, munies
d’une bande magnétique, les puces vont bientôt pouvoir être utilisées
seules. Une simplification, mais aussi un risque d’espionnage intensif de
la vie privée.
En 1975, Roland Moreno invente la carte à puce. Ensuite tout est allé très vite. La petite pastille
de cuivre n’en finit pas d’exciter l’imagination des techniciens: stationnement automobile,
retrait d’argent dans les banques, accès aux entreprises... En tête du hit parade mondial, la carte
téléphonique représente 151 millions d’unités comsommées en 1992, contre 353 millions en
1995 selon les prévision. En France, 21,1 millions de carte bancaires étaient en service l’année
dernière.

Une nouvelle tendance

2 Mais la puce ne pouvait en rester là. Tendance remarquée au salon “Cartes 93”, réunissant les
professionnels fin octobre à Paris: la puce prend sa liberté. Elle sort de la carte. Pour cela, on
utilise un principe bien connu en physique: l’induction électrique. On glisse dans le “lecteur de
carte à puce” une bobine de fil qui, parrcourue par un courant électrique va créer un champ
magnétique. Il suffit d’y faire entrer la puce pour que le lecteur réagisse. Ainsi, la puce à
induction communique à distance (de quelques centimètres à plusieurs mètres suivant la taille
des bobines).
3 Ordicam, une société française spécialisée dans cette technologie prévoit un tas d’applications:
“En région parisienne 120 000 poubelles sont déjà équipées de puces”, explique Jacques
Legoux, responsable commercial. Bientôt, les camions bennes seront munis de lecteurs pour
identifier automatiquement les poubelles, les peser et leur attribuer un volume d’ordures afin
130
d’ajuster les taxes de ramassage. Plus on fera de déchets, plus on paiera... Ordicam travaille
également avec l’Institut technique du gruyère à Rennes pour identifier des meules de fromage
de 80 kg. Objectif: les puces permettent de savoir d’où vient la meule, quand et avec quel lait
elle a été fabriquée.
Au parc zoologique de Thoiry (Yvelines), une puce injectée sous la peau des zèbres permet
d’identifier chaque animal. D’autres servent au peage des autoroutes, au démarrage de voitures
sans clés de contact...
4 Mais, la discrète présence d’une puce, dans une voiture, un badge ou tout autre objet d’utilité
courante, pourrait permettre par exemple aussi à un employeur de connaître en permanence la
position géographique de ses employés. Finies, les haltes à la machine à café ou aux toilettes.
Possible également de rechercher où se trouve une voiture dans une ville, où est le cartable de
tel écolier... Un risque d’”espionnage” de la vie privée, que nient les industriels, mais qui
intéresse au plus haut point policiers, militaires et industriels...

Jérôme TOURNIER
* La carte à puce à microprocesseur comme la carte bancaire
est un véritable ordinateur miniature incrusté dans un rectangle
de plastique.

Cinq minutes avant l’orage...


1 • Grâce à de nouveaux “outils” extrêmement performants, les
météorologistes sont aujourd’hui capables d’annoncer une perturbation
cinq minutes avant qu’elle éclate. Un avantage décisif pour un grand
nombre de métiers.
Le temps qu’il fait, qu’il fera, celui qu’on espère ou qu’on redoute, est le sujet favori des
conversations. Non sans raisons: la météo est à coup sûr l’élément qui régit le plus
profondément l’activité des hommes. Si la bourrasque menace., on ne se lance pas dans la vaste
opération de montage d’une grue. Et on bâche rapidement les cours de tennis en terre battue...
On détourne les avions de Roissy à Orly, ou vice versa, et on suspend à la hâte les dangereuses
opérations de transfert de carburant.
Les prévisions météo à long terme, qui ne donnent que des tendances, restent, pour l’instant,
limitées à cinq jours environ en raison de l’insuffisance des moyens de calcus informatiques.
En revanche, on peut désormais prévoir le temps qu’il fera dans quelques heures à peine.

EN FRANCE; LA FOUDRE TUE 50 PERSONNES PAR AN

2 Les outils de prévision immédiate progressent en effet à pas de géant: l’heure et la durée d’un
coup de vent, de la pluie, d’un orage peuvent être décelées dès que ces perturbations se
forment. Cela permet de protéger les installations d’une manifestation - concert ou compétition
sportive-, de la retarder, voire de l’annuler.
Les prévisionnistes météo disposent d’outils, récemment développés - Météorage, SAFIR et
ASPIC (voir plus loin) -, qui leur fournissent une précision de cinq à six minutes, à l’échelle de

131
2 à 4 km.
C’est un atout considérable quand on sait que la foudre frapperait en France entre 700 000 et 1
million de fois par an (le dernier record enregistré date du 28 juillet 1994: plus de 74 000
impacts en une journée). Chaque année, elle causerait la mort d’une cinquantaine de personne
et serait à l’origine d’une partie importante des incendies de forêt.
3 Moins perceptibles et moins chiffrables, mais peut-être encore plus importants, sont les dégâts
provoqués par les surtensions, qui se propagent le long des lignes d’alimentation électrique sur
plusieurs centaines de kilomètres (jusqu’à 500). Ces perturbations peuvent engendrer des arrêts
intempestifs, des dysfonctionnements, des destructions de matériel, qui se traduisent pour les
entreprises, par un manque à gagner et par des pertes chiffrées en centaines de millions de
francs. Chaque année, les compagnies d’assurances enregistrent plus de 20 000 sinistres, EDF
constate la détérioration de 50 000 compteurs électriques et France Télécom des dégâts évalués
à plus de 400 millions de francs.
Premier outil de détection précoce, Météorage n’intéresse pas seulement les prévisionnistes
météo; chacun peut y avoir accès par munitel (3617). Le service concerne tous les secteurs de
l’économie: industriels, agriculteurs, collectivités locales, etc. Le principe de localisation
repose sur l’utilisation d’un réseau de seize stations de détection des ondes électromagnétiques
qui se propagent dans l’atmosphère.

Science et vie, n° 950 - novembre 1996

Votre vie et comportements: consommation qui


rassure (Propos recueillis par Philippe BLANCHET)
1 Quels sont les thèmes qui font vendre?
La famille reste le thème numéro un, ainsi que le terroir. Redécouvrir le passé, la cuisine des
grands-parents, c’est une façon de se rassurer. Mais tout cela est très mouvant. Actuellement, le
“terroir” se vend. Du coup, tout est terroir. La grande distribution incite par exemple des
producteurs régionaux à proposer des produits qui sont fabriqués sur place, mais qui ne sont pas
pour autant du terroir. La consommation use les idées à la mode, jusqu’à nous en écoeurer.
C’est ce qui explique ses soubresauts.
2 On dit volontiers que le consommateur est aujourd’hui plus raisonnable. N’est-
ce pas un peu démago?
Non, je ne crois pas. Le consommateur est bien plus “raisonneur” que par le passé. Plus sélectif
et moins impulsif. Disons plutôt que ses achats d’impulsion ne se font plus dans la même
catégorie de prix. Le dialogue entre le client et le vendeur est en train de changer. Le
consommateur découvre son pouvoir et en joue. Les grèves de décembre dernier ont fourni à
certains un prétexte pour dépenser moins à l’occasion des fêtes de fin d’année. L’occasion était
trop belle: “Je n’ai pas eu le temps, je n’ai pas pu...” Un vrai joker.

3 S’il fallait choisir les produits emblématiques des années 90, lesquels
désigneriez-vous?
J’en prendrais deux: le yaourt LCI et l’huile d’olive. Le premier, hyper-high-tech, se veut
scientifique, testé en hôpital, etc. Il est présenté comme un produit de santé d’une radicale

132
nouveauté. L’huile d’olive, dont la consommation explose depuis quelques années, renvoie, à
l’inverse, à l’image du produit basique qui évoque le terroir, et à toutes sortes de références
plus on moins immatérielles: l’écologie (personne ne veut savoir que la culture de l’olivier
utilise une quantité phénoménale de pesticides!), la santé, les pays méditerranéens, la religion
même... bref, une certaine permanence au temps. Ces deux produits, très différents,
symbolisent la consommation fondée sur la “rassurance”.

4 A-t-on une idée des produits qui symboliseront la consommation de demain?


La consommation sera au service de l’individu qui veut aller de l’avant, au service de ce que
j’appelle le “consommateur entrepreneur” , un consommateur qui a dépassé le stage passif de la
“rassurance”. La frontière entre l’espace professionnel et l’espace privé va avoir tendance à
s’estomper et les produits de consommation de demain iront de l’un à l’autre de ces deux
domaines. On va consommer les objets qui permmettent de construire soi-même son parcours.
Le micro-ordinateur va dans ce sens (alors que la console vidéo fait encore partie de l’univers
de “rassurance”). Ce basculement va être plus vrai encore avec le développement du fax
domestique et du téléphone portable, deux vrais objets emblématiques de la consommation de
demain. Ce sont les produits d’un individu qui ne veut plus s’isoler, qui veut préserver sa
liberté entière tout en restant en relation avec les autres.

5 Ces produits, qui vont favoriser le télétravail, ne risquent-ils pas d’engendrer à


nouveau un compotement hyper-individualiste?
Non, le télétravail, tout comme le téléphone, ne fabrique pas de l’isolement. Au contraire. En
revanche, il va poser de nouvelles questions aux entreprises. Comment, par exemple, le
syndicalisme va-t-il évoluer?

Quand va-t-on passer de cette consommation de trouille à celle, beaucoup plus


dynamique, du consommateur entrepreneur?
Le véritable retour à la confiance résultera de la capacité à se donner de nouveaux points de
repère. A quel moment ce changement s’opérera-t-il? Sans doute pas avant l’an 2000. C’est un
cap. Un symbole: il suffit d’observer le comportement actuel de certaines sectes vis-à-vis de
cette date. L’an 2000 nous tétanise. Nous fonctionnons avec des repères, et celui-là est très fort.
L’insistance avec laquelle on a parlé de la “fin d’une époque” au moment de la mort de
François Mitterrand prouve ce besoin de repères. Le franchissement de ce cap risque par contre
de nous mettre dans une logique de rebond, d’initiative, de relance.
Philippe BLANCHET
L’EDJ. - du 4 au 10 avril 1996
Explications
1. « terroir » - tout ce qui se rapporte à la terre, à la vie à la compagne avec de
fortes connotations affectives et positives
2. être démago - faire plaisir à tout le monde pour qu’on ait une bonne opinion
de vous
un joker - dans le jeu de cortes une carte qui sauve toutes les situations
3. hight-tech - haute technologie
5. la trouille - la peur
tétaniser - donner une nouvelle énergie

133
Interaction avec le texte
1. Quelles sont les étapes de la consommation d’aujourd’hui et de demain ?
2. Commentez les produits emblématiques des années 90 et relisez à cette fin le texte « Le bonheur
est au marché » (Chapitre III)

1 Internet supermarket
2 30 000 commerçants de tout pays proposent voyages, cassettes vidéo,
actions, voitures, etc. Leurs clients? L’humanité entière, à condition qu’elle soit
branchée. La France s’accroche encore au Minitel. Pour combien de temps?
Florence est amoureuse. Deux jours avant la Saint-Valentin, alors qu’elle est en voyage
d’affaires aux Etats-Unis, elle réalise soudain qu’elle n’a rien prévu. Pas de problème: elle
connecte son ordinateur portable au Web, le réseau convivial d’Internet, localise le site Marché
de France... et achète une boîte de chocolats qu’elle paie avec son numéro de carte de crédit.
Jean-Luc la recevra à Paris, le jour des amoureux. Roman à l’eau de rose? Non: anecdote vécue
d’une cyberyuppie. Aux Etats-Unis, où plus de 40% des foyers américains sont équipés d’un
micro-ordinateur, le commerce électronique est entré dans les moeurs. Plus de 7 millions
d’Américains achètent leurs billets d’avion sur le Net (la moitié des cybertransactions concerne
les voyages, selon le cabinet d’études Jupiter), leurs CD-Rom, leurs livres, leurs cassattes vidéo
ou leurs ordinateurs. On y trouve aussi des actions boursières, des voitures, des fleurs, des
sauces mexicaines, des cerfs-volants et des chapeaux pour chiens! Inexistants il y a cinq ans,
les sites marchands sont déjà 30 000. Et les ventes mondiales sur Internet pourraient passer de 6
milliards de francs en 1996 à ... 200 milliards en l’an 2000, selon l’Association française de
Télématique et de Multimédia (Aftel). De la finance au tourisme, de la grande distribution à
l’immobilier, aucune profession n’échaperra au cybercommerce, qui bouleversera la vente au
détail et par correspondance, mais également les lois du marketing et de la publicité!
3 “En France, le démarrage est lent, mais la progression est inexorable, estime Gaël de
Kertanguy, directeur général de Globe Online, l’une des principales cybergaleries
commerciales françaises, avec une douzaine de boutiques virtuelles et plus de 4 000 transaction
déjà enregistrées. Avant la fin de l’année, 300 à 500 sociés tévendront des biens ou des services
sur le Web”. La France est un cas à part: elle est déjà championne mondiale de l’achat en ligne
avec le Minitel. Ses 16 millions d’usagers ont généré l’an dernier plus 16 milliards de francs de
recettes de connexion et quelque 10 milliards de francs de vente par correspondance. La
question est donc de savoir si le Minitel est un atout pour le passage sur Internet - la clientèle
est habituée à pianoter pour satisfaire ses désirs, avouables ou non -, ou bien un handicap.
Pourquoi passer de la bonne vieille télématique hexagonale vers le réseau multimédia
planétaire? D’autant que ni les vendeurs ni France Télécom, à court terme, n’y ont intérêt. Les
communications sur Minitel coûtent cher, et les serveurs en prennent une partie pour eux. Avec
lui, ont fait payer les clients qui entrent dans le magasin virtuel, même s’ils repartent sans rien
acheter!
4 Mais justement parce qu’il est coûteux, lent et franco-français, le Minitel date. La forte
progression du parc de micro-ordinateurs (la France compte aujourd’hui 400 000 branchés au
Web) et la banalisation des systèmes de paiement sécurisé, jusqu’ici balbutiants, devraient
134
accélérer le transfert. “1997 devrait être l’année charnière”, pronostique Olivier Baelde, de
Marché de France. L’achat en ligne a en effet des avantages indéniables. Pour le client, la
boutique est ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans avoir à se déplacer. Les
modalités de recherche sont pratiques, on dispose d’un large éventail de choix, de la possibilité
de s’assurer de la disponibilité des articles et de comparer leurs prix. Quant au vendeur, il a un
accès direct à “60 Millions de consommateurs” dans le monde entier. “Internet atténue le
pouvoir des grandes marques, juge Jacques Platz, qui vend des cosmétiques sur le Web. Il nous
met presque à égalité avec les gros laboratoires, dont certains, d’ailleurs, ont fait des sites
assez minables”.
5 Le marchand a aussi la possibilité de modifier en permanence son catalogue, la faculté
d’observer les comportements d’achat de ses clients, de dialoguer avec eux, de lancer des offres
personnalisées. “Tout l’intérêt du magasin électronique, explique un expert américain, c’est
qu’il permet de créer le type d’émotion susceptible de déclencher l’achat, article par article et
surtout client par client!” Un rève de directeur du marketing... A tel point que les possibilités
d’espionnage des habitudes d’achat des consommateurs devront probablement être bridées pour
ne pas se traduire en viol de leur vie privée! Côté vendeurs, les pionniers français du
cybercommerce sont le plus souvent de petits entrepreneurs jeunes, passionnés, enthousiastes
(voir encardré). Les seuls grands groupes installés ayant une certaine expérience d’Internet se
trouvent dans la VPC - en particulier les Trois Suisses et Redoute, qui réalisent déjà 20% de
leur chiffre d’affaires sur Minitel.

Le Nouvel Observateur. - 15 mai 1997

Explications
2. la Saint-Valentin - fête des amoureux
3. Minitel - Petit Terminal d’ordinateur distribué gratuitement aux
abonnés du Téléphone vers les années 80. On peut y acheter
les billets de train, d’avion, de théâtre. On peut faire de
téléachats. On s’inscrit à l’université, aux concours. On y
trouve les resultats des examens et des concours.
héxagonal - Héxagon, autre façon de désigner la France
5. V.P.C. - vente par correspondance (Magasins : Les Trois Suisses, La
Redoute)
Interaction avec le texte

1. Pourquoi les Français sont-ils encore attachés au Minitel ?


2. Quels sont les avantages du téléachat par Internet ?

135
Les jeux sur Internet
Internet est la plus grande “salle de jeux” du monde.
Chaque jour des milliers de joueurs s’y retrouvent pour
s’affronter dans des aventures fantastiques ou des jeux
de rôle homériques... Visite guidée.

1 Les jeux sur CD-Rom font fureur. Internet ne pouvait ignorer le phénomène et a réagi
avec un atout de taille: la possibilité de jouer à plusieurs sur le réseau. Une trentaine d’adresses
proposent des listes de jeux d’aventure, de rôle, de science-fiction... En s’envoyant des
messages, les joueurs se mettent d’accord pour tel ou tel jeu et la partie commence, à condition
de posséder la version commerciale du jeu ou de payer quand c’est nécessaire.
2 Que les réfractaires à la langue de Shakespeare se rassurent, il est possible de jouer en
français. Les services en ligne offrent cette possibilité à leurs abonnés. AOL a ainsi lancé une
chaîne entièrement dédiée aux jeux. Elle est divisée en quatre catégories: Action,
Stratégie/Réflexion, Simulation/Sport et Jeux de rôle. Idem pour Compuserve qui propose une
vingtaine de jeux vidéo (renseignements: 0 801 63 81 31).
3 Mais le plus étonnant est sans doute le jeu que viennet de lancer Canal + et Cryi
Interactiv: le “2-e Monde”. C’est le coeur de Paris reconstitué en images de synthèse 3D. Tout
y est: la tour Eiffel, l’Arc de triomphe, Notre-Dame, les rues... Pour devenir citoyen du 2-e
Monde, il faut acheter dans le commerce le CD-Rom où sont stockés les décors. Pour entrer, il
suffit alors de se connecter à Internet puis de cliquer sur l’icône CD-Rm du jeu.
4 Premier travail: donner nom et vie à l’un des 40 avatars (personnages) que vous pouvez
enfanter. Chaque avatar dispose d’un appartement de 400 m² que vous décorez à votre goût. En
ouvrant la porte, vous vous retrouvez dans les rues de Paris, vides de voiture. Pas de pollution
dans le 2-e Monde. Pour se déplacer, il suffit d’actionner les flèches du pavé numérique. Pour
les longs trajets, la téléportation permet de passer en un éclair de Notre-Dame à la tour Eiffel.
5 Là, vous rencontrez des avatars animés par d’autres joueurs connectés. Au gré des
promenades, vous liez de nouvelles amitiés, découvrez les boutiques virtuelles, achetez le
journal du 2-e Monde. Dans votre appartement, vous recevez vos amis ou vos conquêtes. Un 2-
e Monde sans drague et sans amour n’aurait pas de sens!

Yves RIVOAL
Les Clés, n° 248 - du 10 au 16 avril 1997

Explications
2. AOL - America On Line
5. la drague - tout jeu amoureux : chercher les filles, chercher les garçons

Interaction avec le texte


1. Comment se déroule la vie d’un citoyen du 2-e Monde ?
2. Imaginez la vie d’un ou deux (ou plus) avatars que vous auriez crées à Paris. (Visites, activités).

136
TEXTE COMPLEMENTAIRE :
Branché, c’est pesé!
5,690 kg: c’est le poids de l’équipement portable de l’homme
moderne... Pour communiquer, le cerveau ne suffit plus,
il faut aussi des muscles!
1 Le techno-chevalier est arrivé! Et, s’il veut être à la hauteur (au poids, devrait-on dire),
l’homme branché devra être... costaud. Ainsi, s’il acquiert tout l’équipement portable mis à sa
disposition aujourd’hui. il lui faudra porter, pour écouter mélodies et mélopées, une radio-
bracelet de 100g - 1, un baladeur de 200g - 2, un lecteur de CD portable (“discman”) de 300 g -
3, un baladeur DAT numérique de 500g - 4, discman numérique de 300 g -5 et un baladeur
enregistreur minidisque (numérique) de 300g 6. Pour rêver en 16/9, un camescope pèse
environ 800 g - 7, et un vidéodisque portable, 820 g - 8. Pour figer les souvenirs, un appareil
photo numérique pèse 500 g - 9. Pour dialoguer avec bonne-maman de chez les Papous ou
l’inverse, un téléphone portable GSM pèse environ 300 g - 10, et un badgeur (Tam-Tam, par
exemple), 90 g - 11. Pour ne jamais se perdre, un GPS (Global Positioning System) pèse 350 g
- 12. Pour relever des défis, un “game-boy” pèse 250 g - 13. Pour ne rien oublier, un agenda
électronique pèse 480 g - 14. Et, pour travailler en tout lieu, un “bureau portable” pèse 400 g -
15.
En tout, 5 kg et 690 g - l’équivalent d’une antique machine électrique, ou le quart du
poids d’une armure du XV-e siècle!
Etant donné que la plupart de ces objets n’existaient pas il y a seulement cinq ans, si les
années à venir sont aussi prolifiques en équipements portables que les années passées, le
techno-chevalier du XXI-e siècle devra aller se faire adouber dans les salles de musculation.

Science et vie, n° 950 - novembre 1996

137
XI. MÉDIAS DANS LA SOCIÉTÉ

Médias dans la société: l’ère du tout communiquant.

La France est entrée dans l’ère du tout-communiquant. La télécommunication c’est-à-dire la transmission


d’informations à distance par l’intermédiaire du téléphone, de la radio, de la télévision hértzienne, avait déjà pris
depuis quelque quarante ans le relais des anciens médias: livres et journaux. Mais, depuis dix ans, de nouveaux
équipements se propagent: télématique, micro-ordinateurs avec logiciels, magnétoscopes, télévision par câble, fibres
optiques...
Un million et demi de Français travaillent dans la communication. C’est un domaine créateur d’emplois: en dix ans, le
nombre de places a été multiplié par 3,9 dans les sociétés de service informatique, par 4,4 dans les télécommunications.

La société rêvée
Les téléfilms reflètent-ils notre vie? Ou bien sont-ils le pur produit des fantasmes de leurs auteurs? La sociologue
Sabine Chavlon-Demersay a regardé la bagatelle de 70 téléfilms centrés sur des «problèmes de société». Elle a fini par
découvrir que, quel que soit le sujet, les téléfilms étaient tous construits autour de la même problématique. A savoir:
puisque les mariages ne tiennent pas le coup et que les familles se recomposent, il faut aller jusqu’au bout et voir
comment vivre dans une société où les relations ne seraient plus institutionnelles et contraignantes mais librement
consenties.
«Si on regarde les téléfilms concernant les enfants, constate Sabine Chalvon-Demersay, on s’aperçoit qu’ils peuvent
être formulés dans ces termes.» Ils décrivent un monde dans lequel les parents choisissent leurs enfants («Bébé coup de
foudre», «Le garçon qui ne dormait pas»), les enfants choisissent des parents de remplacement («L’amour fou», «Une
maman dans la ville»), les conjoints se choisissent entre eux et se délaissent systématiquement («Regarde-moi quand tu
me quittes», «Assedicquement vôtre»), les enfants élisent les nouveaux conjoints de leurs parents («Un nounou pas
comme les autres», «La révelation») ou le parent qui les gardera («Papa et rien d’autre», «L’homme de la maison»).
Evidemment, ce modèle électif nécessite, pour fonctionner, quelques contorsions. Ainsi, lorsque les couples se séparent,
le partenaire délaissé n’a-t-il droit ni au chagrin ni aux protestations: à lui, puisque c’est la règle du jeu, de se
débrouiller pour trouver un nouvel amour! Ainsi, lorsqu’ils sont les héros d’une fiction, les vieillards sont-ils toujours
délicieusement adorables! Parce que c’est la condition sine qua non pour se faire «adopter» («Le clandestin», «La dame
du lieudit»).
«La seule solution pour que les adultes puissent vivre leur vie, explique Sabine Chalvon-Demersay, est en effet de
montrer comment les personnes âgées sont tendres et douces, restant ainsi sur le marché des liens électifs, et comme les
enfants sont grands.» Quitte à infantiliser les parents et «parentiser» les enfants. On voit même des enfants conduire
une voiture! Des enfants qui, fréquemment, vivent seuls avec leur père (l’absence de la mère ne posant pas de
problème): situation marginale dans la réalité, mais plus riche à explorer dans les scénarios!
Le modèle de la société élective, on le voit, a ses limites et certaines fictions nous suggèrent que les choses ne se
passent pas toujours si bien, que les séparations sont douloureuses, que les personnes âgées risquent la solitude, que les
enfants ne sont pas capables d’exercer la responsabilité qu’on leur impose. Impasse! Et tentative, dans certains
téléfilms, de restaurer la primauté du lien biologique. On voit même des enfants quitter sans hésitation leurs parents
adoptifs pour rejoindre des parents biologiques resurgis sans préavis du passé.
D’où la spécificité et l’interêt d’une fiction comme «L’instit». Victor Novak, le héros, renonce, lui à l’idée que tous les
intérêts sont compatibles. Il taille, il tranche, il juge. «Tout en prenant acte des transformations actuelles et en suggérant
qu’elles sont largement positives, il rappelle que les enfants ne sont pas responsables des erreurs de leurs parents, que
ceux-ci ont le droit d’être libres, mais que les enfants ont droit à leurs parents.»
L’essentiel du succès de «L’instit» est que tout en prenant appui sur les mêmes inquiétudes que celles exprimées dans
les autres téléfilms, il propose des solutions, rassure, définit un nouveau cadre et des repères clairs.

Christine RIGOLLET

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Le Point, n° 1269 - 11 janvier 1997

Explications
„Assedicquement vôtre“ du - Sigle: caisse de solidarité alimantée par les cotisations des employés et des
ASSEDIC employeurs (pour le chômage)

Interaction avec le texte


A. Analyse des idées
1. Cherchez la phrase qui résume le propos du texte.
2. Comment les téléfilms reflétent-ils l‘image de la famille recomposée?
3. Quelles sont les limites du rêve et de la réalité?
4. Relisez les textes sur la famille (ch. VI) pour mieux percevoir l‘idée du texte étudié.

B. Expression oral
Avez-vous vu des téléfilms ukrainiens qui reflètent les rélalités de la famille ukranienne? Parlez-en.

La violence à l’écran en question


La violence est présente depuis longtemps sur les écrans, depuis le début du cinéma américain en passant par les
westerns. Mais il est incontestable que les images dégoulinant d’hémoglobine sont aujourd’hui de plus en plus
nombreuses.
Suffit-il de tirer la sonnette d’alarme, d’accuser Hollywood ou les producteurs? Faut-il se contenter de dénoncer ces
films parce qu’ils exercent une influence néfaste sur les plus vulnérables, autrement dit les adolescents?
Plutôt que de ressasser la vieille polémique sur les effets des images violentes, mieux vaut se demander ce que ces
scénarios nous enseignent sur notre bizarre relation à la violence. A titre d’exemple, arrêtons-nous sur le dernier film de
Mathieu Kassovitz, «Assassins», qui montre la montée en puissance de la violence au fil de trois générations de tueurs.
La première, incarnée par Michel Serrault, est celle du professionnel qui tue calmement , proprement. La deuxième
génération l’est par un personnage joué par Mathieu Kassovitz qui a la tête embrouillée par les images de violence vues
à la télévision. Il apprend à se servir d’une arme, mais ne sait guère l’utiliser, il commet des bavures. Lui-même prend
sous sa protection un jeune qui incarne une troisième génération: celle qui passe son temps à jouer aux jeux de guerre
sur son écran de télévision. Ce dernier finira par se rendre à l’entrée de son école pour y provoquer un véritable
carnage. Morale de cette histiore: lorsque la transmission entre générations fait défaut, elle débouche sur une violence
déréglée, sans limites, que l’on observe dans beaucoup de films. La principale question que pose l’ exacerbation de la
violence sur les écrans aujourd’hui est donc celle d’une certaine banalisation du spectacle de la violence des images.
Ce qui panique aujourd’hui, c’est qu’elle ne répond a priori à aucune règle ou logique. Ces images apparaissent
d’autant plus fortes qu’elles mettent en scène une «violence gratuite».
Mais, alors, pourquoi chacun se satisfait-il de regarder ces débordements de violence? On en vient à s’interroger sur ses
propres comportements.
Cette brutalité à l’écran fait penser à une certaine violence de notre société qui s’exprime à travers des faits divers ou
des catastrophes. Mais ces fictions ne représentent aucune réalité, car cette violence des images est, dans la plupart des

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cas, beaucoup trop exagérée pour être réelle. Ces images permettent au public de ne pas affronter un monde extérieur
perçu comme agressif. En fait, plus on dévore des yeux cette violence, plus on se protège de celle, diffuse et
paniquante, qui traverse la société.

Olivier MONGIN
Les Clés, n° 275 - novembre 1997

Explications
hemoglobine - le sang, au cinéma
Michel Serrault - très grand acteur français
une bavure - une erreur, génévalement violente
violence gratuire - sans motif

Interaction avec le texte


A. Analyse des idées
1. Quel est le thème du film „Les Assassins“?
2. Qu‘est-ce que le film tend à prouver?
3. Comment explique-t-on le goût du public pour la violence à l‘écran?

B. Expression oral
Partagez-vous l‘opinion exprimée dans le texte ?

Il n’y a plus d’enfants


La télévision a puissamment contribué au brouillage des frontières qui séparaient hier le monde de l’enfance et le
monde de l’adulte.

De toutes les questions que l’on s’est posée quant aux effets de la télévision sur les enfants, la plus pertinente, sinon la
plus courante, est sans doute celle de la disparition progressive des oppositions entre univers de l’adulte et de l’enfant.
Et cela pour une raison toute simple: le petit écran a mis fin à une complicité entre parents et éducateurs, visant à tenir
l’enfant à l’écart de ce dont les adultes étaient persuadés que cela ne regardait qu’eux-mêmes (la sexualité, les conflits
familiaux, l’argent, la politique, la guerre, etc.). Parce qu’ils ne peuvent plus contrôler l’information qui parvient à leur
progéniture, les secrets des adultes, ironique retour des choses, ne sont plus que secrets de Polichinelle.
Dans une civilisation du livre, l’instruction familiale et scolaire reposait ainsi sur un principe presque paradoxal: il
s’agissait en effet au moins autant de transmettre que de garder secret: «Tu sauras cela quand tu seras plus grand.»
Tenus volontairement à l’écart de l’univers des adultes qui jouaient devant eux leur rôle d’adultes, privés d’accès aux
coulisses, les enfants ne recevaient d’information qu’après censure parentale ou magistrale. Leurs lectures étaient le
plus souvent prescrites. Chaque foyer avait son cabinet noir, chaque bibliothèque son enfer.
Accessible à tous, la télévision met fin à cette conspiration du silence. Ce qui se chuchotait lorsque les enfants étaient au
lit, journaux télévisés, films, feuilletons et plus encore «reality shows» le dévoilent maintenant avec complaisance. On
ne peut même plus tenir secret le plus important des secrets: le secret lui-même. Annoncer que «l’émission que vous

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allez voir est réservée à un public averti» est le plus sûr moyen d’attirer l’attention sur ce que l’on voudrait cacher et
plus encore sur le fait qu’on a des choses à cacher.
Il nous faut donc reviser la conception que nous avons de l’enfance, ne serait-ce parce que les enfants n’ont plus de
nous l’image que nous croyons encore devoir et pouvoir leur donner: celle-ci est aujourd’hui aussi crédible que les
histoires de cigognes et de choux. Les inusables clichés-le village global, la retribalisation du monde-ont au moins ceci
de vrai: tout ou presque se passe désormais sous le regard de tous, par télévision interposée. Ainsi, l’enfant enfantin
n’aura peut-être été qu’une parenthèse historique. Il pourrait n’en rester bientôt qu’une sorte de conte pour adultes: il
était une fois....
Paul BEAUD
Le Monde de l’Education: - juin 1995

Explications
il n‘y a plus d‘entants - une expression-type soit pour admirer ce que fait l‘enfant, soit pour se
scandaliser de ce que font les enfants
une progéniture - descendant enfant (sens ironique)
enfer à la bibliothéque - une pièce où l‘on cache du grand public les livres précieux, érotiques
„reality shows“ - les gens racontent à la télévision leur propre histoire
le village global - le monde qui est un village
la retribalisation du monde - la division du monde en tribus

Interaction avec le texte


A. Analyse des idées

1. Que deviennent les frontières entre enfants et adultes?


2. Quel est le rôle de la télévision dans cette transformation?

B. Expression oral
Avez-vous observé les mêmes phénomènes en Ukraine?

Ma cité va tchatcher
Tout l’été, une radio itinérante se balade dans les quartiers chauds. Et initie les jeunes aux joies du micro. Ambiance, à
Chambéry.

1 Quelques tours grisâtres, épuisées de soleil, sur fond de montagnes bleues. Des barres plantées à deux pas des
forêts, en plein coeur de la Savoie... Vous êtes à Chambéry-le-Haut. Une cité plutôt calme, sans fureur ni
vacarme, mais pas vraiment gaie. C’est là que Selma Schnabel et Patrick Buret, de Partenaire Radio, ont installé
leur studio temporaire. Avec une poignée de jeunes de 14 à 18 ans, ados rappeurs et mini tagueurs, ils ont monté
une station: Chamber Hip-hop, rapidement transformée par les jeunes animateurs en «Chobberi pôôôôp...
Yeaaaaahh».
Sa particularité? Elle n’émet que pendant cinq jours. Cinq journées durant lesquelles les jeunes prennent le
micro, font les infos et maîtrisent la sono. Pas le temps de s’attarder plus longtemps. Car la station chambérienne
n’est qu’une étape. L’une de facettes de cette radio itinérante créée pour l’été.
2 Cette station éphémère et changeante trimbale, depuis la mi-juin et jusqu’à la fin octobre, son studio portatif de

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cité en cité. Dans chaque ville, une fréquence temporaire, accordée par le CSA, permet la diffusion sur la zone
concernée. Et de Bordeaux à Marseille, de la Goutte d’or à Fort-de-France, c’est à chaque fois la même volonté:
diffuser le maximum d’informations sur le sida, favoriser le dialogue dans les quartiers difficiles. «En faisant
participer le maximum de jeunes, en les formant à la technique radio», ajoute Selma Schnabel, qui assume-avec
Patrick Buret pour la technique-les fonctions d’animatrice-rédactrice en chef-journaliste-grande soeur de ces
«ateliers radiophoniques» de l’éphémère.
3 A Chambéry, ils sont une dizaine de gamins à se relayer à l’antenne.Un petit groupe de minots rigolards, dont le
plus âgé n’a pas 18 ans. Des durs des bacs à sable, mi provoc’ mi sourires, craquants, qui parlent au micro
comme ils rappent. Phillipe, immense sourire et mini dreadlocks, anime l’émission du matin: «Debout, les
fainéants! Sur Chamber Hip-hop, on vous met le feu dès le p’tit déjeuner!» Entre deux titres de rap, il mime
l’épuisement, ravi de jouer les stars: « C’te radio c’est la lèrga [la galère]. On ouvre l’antenne à 10 heures ,
mais on doit tous être là à 9 heures pile.» A ses côtés, Ryad; petit sosie de Nagui, corrige: «Ehhh, z’y va, joue
pas les bouffons! Tu disais tout à l’heure que tu aurais bien voulu qu’ça dure tout l’été.» Phillipe hoche la tête et
rigole. Animateur, ce matin, il préparera ensuite le débat de l’après-midi avec les élus locaux. «Notre objectif est
qu’à la fin de la semaine tous les jeunes aient joué plusieur rôles: reporter, présentateur, mais aussi monteur et
chroniqueur», indique Selma Schnabel.
4 Au menu de la petite station: du rap (beaucoup de rap!), mais aussi une bonne dose de tchatche: les problèmes
du quartier, des interviews de rappeurs locaux et, surout, de nombreux témoignages, débats et reportages
consacrés au sida. Selma Schnabel explique: «Quel que soit le sujet abordé, nous cherchons toujours à faire la
guerre aux clichés sur la banlieue. Nous voulons prouver, le temps d’un été, que les cités, ce ne sont pas que les
pitbulls et les bagnoles qui crament...»
Après Bordeaux, Marseille et Chambéry, la station itinérante a rejoint Nice, puis Perpignant. Elle sera à Paris,
dans la quartier de la Goutte d’or, début septembre... «La quasi-majorité des quartiers où nous passons nous
réservent un très bon accueil. Les gosses sont ravis, et leurs parents écoutent la radio», se réjouit Dominique
Guihot, fondateur et directeur de Partenaire Radio. Songeant déjà à l’année prochaine, il rêve de mettre sur pied
plusieurs stations de cités qui émettraient pendant tout l’été. Des antennes qui, au fil du temps, pourraient
s’installer et diffuser leurs programmes tout au long de l’année. Comme une nouvelle chance pour la radio de
proximité, comme un rayon de soleil pour les quartiers en difficulté.

Dorothée TROMPATENT
Télérama; n° 2482 - 6 août 1997

Explications
1. tchatchez (tchatche) - mot d‘Afrique du Nord: bavarder, parler
2. CSA - Comité Supérieur de l‘Audiovisuel
trimbler - porter d‘un endroit à l‘autre
la Goutte d‘or - un quartier à Paris qui est maintenant principalement habité par des
Maghrébins et des gens d‘Afrique noire
Fort-de-France - ville des DOM-TOM
3. un minot - dans le Midi: un enfant
craquant - très mignon
4. des pitbulls - chiens dressés à la violence, qui sont interdits maintenant en France et
qu‘on trouve dans les Cités
bagnoles qui crament - voitures qu‘on incendie

Interaction avec le texte


A. Analyse des idées
1. Quels sont les clichés qui caractérisent les Cités?
2. Quelles activités propose-t-on aux jeunes des Cités dans le domaine de la radio?

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3. Quels sont les menus de cette radio?
4. Quels sont les avantages de ces activités?

B. Expression oral
Connaissez-vous de expériences similaires en Ukraine? Décrivez-les.

D’une certaine manière…


Pourquoi les experts en communication qui prospère à l’ombre du politique ne se préoccupent-ils jamais du langage lui-
même?

Il arrive qu’à la radio la langue de bois devienne, pour l’auditeur, une vraie souffrance. On ne dit pas cela au nom d’une
maniaquerie de grammairien ou d’académicien courroucé. Non, c’est le simple auditeur qui parle, celui que finit par
asphyxier le vide dont résonnent toutes ce expressions proliférant dans la phraséologie journalistique ou politicienne. Si
cet étourdissant jacassin, au bout de compte, nous trouble à ce point, c’est qu’il est le messager du rien, l’alibi d’une
absence. Au secours!
Pourquoi donc tous ces experts en communication qui prospère à l’ombre du politique ne se préoccupent-ils jamais du
langage lui-même? Ils le devraient. Au lieu de s’obnubiler sur les plans médias, il faudrait qu’ils admonestent leurs
employeurs respectifs en les mettant en garde contre cette ruine insidieuse du discours. Pourquoi? Parce que tout
citoyen finit, tôt ou tard, par l’intérioriser, fût-ce à son insu. Le discrédit de la classe politique n’est peut-être pas sans
rapport avec cet appauvrissement de la sémantique dont elle use et abuse. Veut-on quelques exemples? Pour cette
rentrée, on note un retour en force de l’expression «faire en sorte que». Martine Aubry, sauf votre respect, n’articule
jamais une seule phrase sans proclamer son ardente et peu déchiffrable volonté de «faire en sorte que». Manière
commode mais avantageuse de laisser claquer le très sonore «en sorte», tout en enrobant d’un flou savant le verbe
«faire», c’est-à-dire l’essentiel. Robert Hue, quant à lui, se livre à la même dérobade, mais en utilisant plutôt la formule
très Place-du-Colonel-Fabien «créer les conditions de». C’est fou ce qu’au PC on crée de conditions! Dans le pire des
cas, les deux formules sont aboutées l’une à l’autre, pour former une sorte de programme commun syntaxique
carrément hallucinatoire. Cela donne cette phrase rebus, propre à réjouir Raymond Devos: «Nous allons créer les
conditions pour faire en sorte que» Mamma mia!
Autre façon de dissimuler une indigence de contenu: truffer son discours de l’obsédant «d’une certaine manière». A la
radio, Serge July, pour ne citer que lui, est devenu le recordman olympique de ce gimmick respiratoire. Répéter «d’une
certaine manière» trois ou quatre fois par minute, c’est réclamer le bénéfice de l’approximation; c’est faire du flou
conceptuel une stratégie oratoire; c’est s’emmitoufler avec coquetterie dans sa propre indécision. Ce que je vous dis
n’est pas tout à fait exact, mais un peu tout de même, sans l’être complètement, etc. Bref, «d’une certaine manière tout
se passe comme», et tutti quanti. Pour dire les choses autrement: ni vu ni connu je t’embrouille...
La variante plus narcissique du même jingle grammatial, c’est l’exaspérant «j’veux dire», dont Guillaume Durand ou
Michel Field sont devenus les virtuoses. Le «j’veux dire» possède le double avantage de réintroduire l’ego dans chaque
phrase (toujours ça de pris!) et - surtout - de laisser planer une imprécision bien utile. Si «j’veux dire», ce n’est pas tout
à fait ce que je dis réellement, ça l’est quand même un peu. Vous ne m’attraperez donc pas.
La même tricherie verbale peut prendre une forme plus insidieuse encore en pastichant le célébrissime parler-vrai
rocardien. Il suffit de faire précéder chaque phrase d’un retentissant «moi» ou «moi je».On reconnaîtra là l’eloquence
très spécifique d’un Marc Blondel, dont l’égocentrisme ingénu vous colonise n’importe quel espace sonore en trois
secondes. Mais Lionel Jospin lui-même s’abandonne volontiers à ce «moi», utilisé comme préfixe et comme fanfare. Il
correspond à une manière de soulignage sonore, à une claque langagière, destinée à réveiller l’attention de l’autre en lui
laissant accroire qu’on s’apprête à lui dire des choses considérables...
Nous voilà bien! Moi, j’veux dire que, d’une certaine manière, nous devrions faire en sorte de créer les conditions d’une
... cure de silence

Jean-Caude GUILLEBAUD
Le Nouvel Observateur. - septembre 1997

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Explications
langue de bois - manière de parler par clichés sans rien dire
jacassin - du verbe: jacasser, parler comme les singes, qui rappelle le titre d‘un livre
sur la langue de bois
admonester - conseiller (ironie)
Martine Aubry - ministre de la Solidarité Sociale
Robert Hue - chef du fil communiste à l‘Assemblée
Place-du-Colonel-Fabien - Siège du PCF
Raymond Devos - amouseur, artiste très fort pour les jeux de mots
Serge July - un journaliste politique
jingle - angl.: un bruit incessant
Guillaume Durand et Michel
Field - présentateurs de télévision renommé
Marc Blondel - Secrétaire général du Syndicat FO

Interaction avec le texte


A. Analyse des idées
1. Comment pourrait-on expliquer le discrédit de la classe politique?
2. Quelle est la stratégie de la langue de bois?
3. Relevez les mots, les expressions, les images qui montrent que la langue de bois est tout le contraire du parler vrai?
4. Analysez l‘humour et l‘ironie du passage.

B. Expression oral
Avez-vous constaté les effets de la langue de bois chez les politiciens ukrainiens?

TEXTES COMPLEMENTAIRES:

Pub: attention, piège!


La publicité est partout: à la télévision, à la radio, sur les murs de nos villes, dans nos journaux. On la juge
envahissante, inutile, ou au contraire distrayante, véritable outil moderne de communication. Alors pour ou contre la
pub? «Les Clés» a demandé leur opinion à deux experts. Cette semaine, François Brune, enseignant et écrivain, estime
que la publicité est source de gaspillages, qu’elle cherche à imposer aux consommateurs l’image d’un bonheur
artificiel. Dans des «Clés», Jacques Séguéla, célèbre publiciste, défend la pub, car il y voit un moyen de
communication créatif, parfaitement adapté au monde actuel.

On dit que la publicité est synonyme de liberté. C’est faux. Le système publicitaire est impérialiste. Il s’impose partout
par la force de l’argent (affiches, boîtes aux lettres, revues, sports, etc.). Il pénètre par effraction dans nos cerveaux
(coupures de films). Il étend son empire sur la presse, puisqu’elle dépend de la publicité pour survivre. La publicité est
aussi le moyen, pour les grandes firmes, d’étouffer les petites: les campagnes des mauvais films à «gros budgets» font
ignorer l’existence des bons films aux moyens modestes. La publicité est une arme, dont le public est la victime.

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On dit que la publicité «informe». C’est faux. Au sens propre, le mot «publicité» a bien ce sens: faire connaître ce qui
est d’intérêt public. Mais voyez la réalité: comparez l’énorme volume occupé par les pubs dans les médias et le peu
d’informations objectives que vous en tirez sur les produits! La publicité ne cherche pas à informer, mais à vendre. Elle
n’éclaire pas le public, elle flatte ses désirs inconscients; elle le manipule.
On affirme aussi que la publicité favorise la «vie économique». C’est encore faux. Les publicités servent avant tout les
marques, non l’utilité de l’économie. Elles poussent au gaspillage, ou sont inutiles (à quoi sert la concurrence entre les
diverses marques d’essence?). Il est d’ailleurs prouvé que l’augmentation du pouvoir d’achat aide bien davantage la
consommation que toutes les publicités réunies.
On dit que la publicité favorise le bonheur, en offrant des modèles d’existence que chacun peut atteindre, par
l’acquisition des mille et un produit «qui facilitent la vie». C’est faux. Ces modèles ne sont jamais atteints, puisque la
course aux nouveaux produits est infinie.
En vérité, ce que favorise la publicité, c’est la surconsommation de ceux qui ont déjà les moyens de consommer, au
détriment des milieux défavorisés qui peinent à satisfaire leurs besoins élémentaires (logement, nourriture, habillement,
etc.). Quel peut être l’effet de la pub sur les SDF? En répandant partout les images «heureuses» de modes de vie dits
«supérieurs», la publicité accroît le sentiment d’exclusion des pauvres. Censée apporter la «joie de vivre», elle ne fait
qu’attiser la frustration.
Quant au mode d’existence vanté par le pub, il est lui-même fondamentalement décevant. Faire croire que le bonheur
est dans la consommation, que le rêve peut s’acheter, qu’il suffit de «s’éclater» avec des produits comme on «s’envoie
en l’air» avec des drogues, c’est répandre une grande illusion dont beaucoup sentent confusément le mensonge. Ils
savent bien que ces images sont fausses, qu’il n’y a pas de vraie joie sans participation de l’intériorité, ni de vraie
convivialité sans générosité. Mais ont-ils le loisir d’en prendre totalement conscience?
Bien de jeunes restent esclaves des modèles publicitaires parce que ceux-ci les empêchent de découvrir, au fond d’eux-
mêmes, leur idéal personnel de vie authentique.

François BRUNET
Les Clés, n° 269 - septembre-octobre 1997

Alcool et publicité
La loi du paradoxe

Les cigarettes connaissent déjà toutes les astuces permettant de contourner les interdictions, en déployant des trésors
d’imagination. Et si, la publicité pour le tabac se faisait, en apparence, discrète, elle en devenait paradoxalement
d’autant plus omnipotente, insidieuse. Les univers du sport et du voyage (du tourisme) en particulier, ayant réussi à
conférer au tabac, par la seule magie d’images et de noms de marques, une aura d’air pur, de saine évasion,
d’héroisme... De la même façon, il nous semble apercevoir bien davantage encore de réclames pour des boissons
alcoolisées depuis que la loi est entrée en application. Certes, à l’instar des cigarettes, celles-là avaient dû apprendre à
composer avec l’obligatoire et sempiternelle mise en garde: «L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez
avec modération.» La formule se glissant dans un coin de l’affiche, ou de l’annonce sur une page de journal ou de
magazine, d’abord en se dissimulant, en se faisant quasiment introuvable. Mais, là encore, les publicitaires ont su faire
contre mauvaise fortune bon coeur. Qu’à cela ne tienne! Une célèbre marque de cigarettes avait déjà montré la voie,
arborant en lettres dominant toute la page: «Fumer provoque des maladies graves»; narguant ainsi la loi avec un zèle
consistant à exploiter son énoncé jusqu’à en faire son propre léitmotiv, l’instrument de sa promotion. Ainsi, l’alcool,
ragaillardi, ne chercha plus à dissimuler l’embarrasante formule. Au contraire! Pourquoi négliger une garantie de bonne
conscience, d’intentions nobles, offerte à si bon prix?
Ainsi, la mise en garde vient désormais orner, encadrer joliment l’annonce par des mots rassurants qui, bien souvent,
permettent seuls de comprendre d’emblée que nous sommes devant une publicité vantant les vertus du vin, de la bière,
du whisky, du pastis ou de quelque autre liqueur. Là encore, la nature reprend ses droits, et nous est rappelé que c’est
d’elle, et de la fertile générosité de la terre que nous viennent ces enivrants mais toniques nectars. Lesquels, en outre, se
font fort d’évoquer les joies de la convivialité qu’ils génèrent. «Consommez avec modération»... Certes. Pourtant, a-t-on
déjà vu une publicité invitant à la modération, voire à l’abstinence? Et l’incitation peut s’en trouver, de fait plus
éloquente encore, persuasive, qu’un interdit rode, insinuant le risque et, du même coup, l’attrait de celui-ci. Car le
problème induit par l’alcool réside précisément, hélas!, dans son abus. Or, qui n’a jamais constaté que plus l’on cherche
à convaincre une personne «portée sur la boisson» de s’abstenir de toucher au «dernier verre», accablant celui-ci de tous
les dangers d’une cigue, plus personne entendra le contraire et sera d’autant plus tentée d’ingurgiter le verre maudit, et

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d’autres encore. Un proverbe dit, en substance, que l’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Mais l’être humain est
un animal qui présente l’étrange particularité de boire sans soif... Et, inéxorablement, sommeille en chacun de nous
l’enfant qui refuse, s’oppose; par principe-même s’il doit y perdre au change.

Pierre EDELMANN
(FDM)

Télépathie sans fil


Portatif, ou portable, le poste sans fil, ou «sans-fil», fait fureur. S’agit-il d’abolir les obstacles que dressent le temps,
l’espace? Eternelle utopie qui nous tenaille, comme celle d’évoluer librement dans les airs, attisée par les miracles
technologiques. Décidément, l’invention de Graham Bell, destinée à nous simplifier la vie, se ferait-elle envahissante?

Plus de vingt-cinq mille Parisiens sont aujourd’hui adaptés du BiBop, le téléphone de rue mis en service dans la capitale
par France Télécom depuis mai 1993, et qui permet à chacun d’être équipé de sa propre cabine téléphonique de poche; à
condition de se trouver dans le périmètre d’une zone d’appel, équipée de bornes radio signalisées sur la voie publique
par des bandeaux ou affichettes vert, blanc et bleu. Dernier snobisme en vigueur? Il faut désormais marcher, conduire,
manger en conversant non plus seulement avec notre entourage immédiat mais avec qui de droit, quand bon nous
semble, à l’autre bout du sans-fil et parfois du monde. Au café, au restaurant, des solitaires prennent un verre ou se
sustentent en compagnie d’un invisible et, pour nous, inaudible convive. Ou bien des personnes accompagnées dînent
avec l’un mais discutent avec l’autre, faisant fil de leur interlocuteur pourtant apparement privilégié puisque
physiquement présent. Ou encore, l’on croit apercevoir au coin de chaque rue de mystérieux policiers ou espions
échangeant, l’air entendu, des messages confidentiels autant que décisifs, comme si planait tout à coup sur la ville la
menace d’une catastrophe.
Déjà, grâce à un système de haut-parleurs qui dispense de tenir le combiné, certains automobilistes ont l’air de se parler
à eux-mêmes, souriant, riant aux éclats ou s’énervant tout seuls au volant de leur voiture. Mais téléphonent-ils vraiment,
ou bien font-ils semblant? La question nous effleure quelquefois, au spectacle de ces «communicateurs» à tout crin, qui
évoquent tellement les enfants croyant tromper leur monde tant ils sont convaincus, oubliant qu’ils jouent, de la réalité
du rôle d’adulte qu’ils s’inventent.
La maîtrise du temps, pourtant à jamais illusoire, insensée, s’inscrit plus que jamais comme l’apanage des riches et des
puissants. Plus les distances sont éludées par le jeu de la vitesse, la rapidité des déplacements et l’instantanéité des
communications, plus le pouvoir semble augmenter, s’afficher. Est-ce pour cela que l’usage du sans-fil donne l’air
d’être indispensable, d’appartenir à une société d’initiés qui savent avant tout le monde et décident du sort de celui-ci?
A l’illusion de posséder le temps s’ajoute peut-être celle d’abolir l’absence, de vaincre à jamais la solitude qui
cependant s’installe davantage, inéluctable, seulement canalisée, faussement apprivoisée par le jeu d’une réalité
virtuelle, parallèle, que la technologie invente et qui, croyant nous libérer, nous enferme.D’ailleurs, et ça n’est pas le
moindre paradoxe de la «téléphomanie», l’on constate à l’usage que plus une personne est équipée de manière à être
joignable partout et à tout instant, plus il s’avère difficile de la joindre, comme si la technique, maligne, s’ingéniait à
fomenter des obstacles à ce qu’elle rend, théoriquement, possible.

Pierre EDELMANN
(FDM)

146
Laissez-moi un message

L’absence indésirable
Longtemps redouté à cause de la froideur de son accueil, le répondeur téléphonique est aujourd’hui entré dans les
habitudes des Français. Désormais, chacun - ou presque - a appris à parler dans le vide, ou plutôt à s’adresser aux
autres en leur absence.

Le téléphone avait ouvert la voie à...... la voix. Par-delà les distances, il abolissait la frontière que le temps du courrier,
du voyage, installe entre les êtres. Etrangement, il arriva un moment où cet étonnant outil parut ne plus pouvoir
supporter ni admettre l’absence d’interlocuteur. Le répondeur inventait alors une présence par délégation, tendant une
oreille muette à un message qu’il invitait vivement à lui confier. Le temps fut long, avant que les timides, voire les plus
audacieux adeptes du téléphone, parviennent à s’adresser au silence, sachant que chaque mot, hésitation ou
balbutiement y demeureraient imprimés.
L’on s’habitua; même ceux que le téléphone effrayait encore, par la force des choses et afin, surtout, de ne pas être
écarté du monde des vivants qui désormais communiquaient ainsi. Et chacun de s’empresser, dès lors, de se munir du
précieux secrétaire, obéissant au doigt et à l’intonation. La course était ouverte, à qui posséderait le plus sophisitiqué
de ces engins, tels ceux qui permettent une interrogation «à distance», offrant d’être toujours virtuellement présents.
Mais là, une difficulté nouvelle apparut, insoupçonnée: avant d’exposer les autres aux affres de la bande magnétique, il
faut soi-même s’y soumettre, exercice moins aisé qu’il n’y paraît. D’aucuns bravent leurs inhibitions, s’excusant
presque de se croire importants, d’avoir l’air si sûr d’exister malgré leur absence. D’autres, ravis de l’aubaine, jouent
les décontractés sachant vivre avec leur temps, concoctant d’interminables ou incomprehensibles messages, chaque
jour modifiés, rendus parfois inaudibles par un fond sonore tonitruant ou une musique attendue, convenue.
Enfin, beaucoup précisent qu’ils ne sont pas là, tandis que leur voix enregistrée l’atteste, en effet. Ou bien craignent-ils
que l’on devine leur présence, dissimulée derrière cet écran, comme une vitre sans tain qui filtre le bon grain de
l’ivraie?
En réalité, cette pratique fort décriée au début-l’usage du répondeur «hors absence»-, désignée comme une trahison,
fut adoptée finalement sans scrupule par nombre de travailleurs à domicile qui éliminent ainsi les bavards intempestifs
ou les indésirables réclamant...leur commande. Ils font le mort; à l’instar de chanceux dont la secrétaire annonce
invariablement, selon l’identité du demandeur, qu’ils sont «en rendez-vous à l’extérieur» et donc inatteignables.
Ensuite, il faut affronter les critiques que l’interlocuteur, vengeur, se fera plaisir de formuler avant tout autre propos;
jugeant le message sinistre, agressif, ou d’un humour plutôt lourd, trop long, fastidieux, voire ridicule. Mais ce prétendu
complément indispensable du téléphone est entré dans les moeurs-au point que ceux qui n’en sont pas pourvus passent
pour des originaux, des suspects, comme hier ceux qui obstinément dédaignaient l’usage personnel d’une ligne
téléphonique. Et l’on en vient à échanger, à s’inviter à dîner, à se fixer rendez-vous par messages interposés sans
jamais se parler dans un temps partagé.
Mais les couples, qui vivent ensemble mais s’activent loin l’un de l’autre, se retrouvent ainsi, à l’heure dite, par le jeu
de la machine qui enregistre les mots véhiculés par la magie troublante du câble ou des ondes.

Pierre EDELMANN
(FDM)

147
Pour ou contre Internet à l’école
Pour
Maxime Wack, maître de conférence en informatique à l’Institut polytechnique de Savenans (Belfort), responsable de
nombreuses manifestations européennes inter-écoles sur Internet.

Voici quelques années, on utilisait des «règles à calcul». Leurs utilisateurs rejetaient les calculettes. Aujourd’hui, plus
personne n’utilise la fameuse règle. On est dans la même situation avec Internet. Comme à chaque fois qu’un nouvel
outil apparaît, certains en ont peur.
Sur Internet, l’utilisateur peut aller librement choisir les informations dont il a besoin. Il est seul maître à bord. Mais
Inernet n’isole pas . Au contraire, c’est un facteur formidable de sociabilisation, puisqu’il appelle à communiquer avec
les autres, quel que soit leur pays, leur nationalité ou religion.
Pour qu’Internet joue pleinement son rôle formateur, il faut que cet outil soit disponible dans toutes les classes, un peu
comme il y a un dictionnaire dans toutes les classes. Ce qui fait du tort à Internet, c’est que l’on a trop médiatisé l’idée
de «surfer», «vagabonder»..... Ceci est une utilisation ludique. L’école doit développer une utilisation responsable et
professionnelle de cet outil.

Contre
Robert Redeker, professeur de philosophie.

Internet véhicule une certaine vision du monde et une certaine conception de l’homme, que ses partisans occultent. Ces
personnes cherchent à faire croire qu’Internet est à la fois un outil comme les autres, dans le prolongement des autres
outils, l’outil idéal. Or, Internet n’est pas neutre, il institue un maillage planétaire et est un instrument qui avale son
utilisateur, qui devient lui-même un élément de ce maillage.
L’école républicaine est une institution dont le but est d’élever chaque enfant au statut de citoyen libre. Elle n’est pas
faite pour adapter l’élève à la société telle qu’elle existe, le préparer à un métier, mais au contraire pour que sa
personnalité se forme dans l’étude de ce qui, du point de vue de l’utilité, ne sert à rien: les humanités. Brancher les
écoles sur Internet serait une rupture de contract républicain. Le résultat serait de fabriquer des individus disponibles
pour la consommation et le travail, employables, prisonniers de l’idéologie d’Internet. L’idéologie mercantile d’Internet
et l’idéal scolaire s’opposent. Il y a contradiction entre fabriquer des internautes et former des citoyens.

Jean-François COLLINOT
«Les Clés», n° 269 - septembre-octobre 1997

Simple comme un coup de bip


Crées à l’origine pour des professionnels, les «pagers» ont été annexés par les ados qui trouvent là un moyen de
communication rapide et bon marché. A l’abri des oreilles adultes.

Je te Tatoo, tu me Tam Tam, on se Kobby. Depuis six mois, nos enfants se bipent à tout va. Le bon veil Alphanage,
miniaturisé et «relooké» jeune, a glissé des poches des professionnels au cartable des collégiens et étudiants. Ils
expédient et reçoivent des messages 24 heures sur 24. En classe, en boîte, au café ou dans tout autre lieu insolite.Tam
Tam, du groupe Générale des eaux, qui vend ses «pagers» au rythme de 800 par jour, a opté pour la réception en toutes
lettres. Avec Tatoo, de France Télécom, qui fête ses 300 000 utilisateurs, principalement chez les jeunes, on ne
communique que par chiffres; de même avec le Kobby numérique de Bouygues. Outre le classique numéro de
téléphone qui s’inscrit à l’écran et qui de toute évidence est une invitation à rappeler, on peut établir une
communication chiffrée-un petit mode d’emploi livré avec le Tatoo porte-clé commercialisé par Swisphone donne des
exemples de code (mais évidemment, chacun peut à sa guise inventer son propre «langage»).
Ainsi, on n’hésite pas à se «420» sur un coup de tête, pour s’entendre dire que finalement «510» . Traduction: «Je te
quitte», envoie l’un; «Je m’en fiche», rétorque l’autre. Mais on peut aussi, inquiet, demander «104» et recevoir rassuré

148
un tranquille «117». Entendez qu’à la question «Où es-tu?», la réponse est: «A la maison». L’exemple n’est pas anodin.
Il en est de ces drôles de messagers qui ravissent les plus jeunes comme des téléphones portables auxquels s’agrippent
les plus âgés: personne ne sait où l’autre quand il appelle. Cette communication nomade et volatile est à l’image de
notre mode de vie. Jamais ici, déjà là-bas, toujours en route.
Libres de nos actes et de nos mouvements, électrons libres, épris d’individualisme, nous ressentons d’autant plus le
besoin de joindre l’autre et d’être joints. Et c’est ainsi que la boulimie de communication débouche sur ...l’angoisse de
la solitude: je fais ce que je veux, je n’ai de comptes à rendre à personne, mais je veux qu’on me sollicite, j’ai besoin de
dire ce que je fais. A mon clan. Les jeunes «pagistes» tissent leurs propres voies de communication, à l’abri des
oreilles adultes.
Avec leurs «go-between» éléctroniques, les adolescents n’ont plus besoin de monopoliser le téléphone familial, organe
de liaison du groupe des copains et copines. Court-circuité, ce point de rencontre et symboliquement parental, devient
pratiquement inutile. Le «pagiste» reçoit ses informations en direct, qu’il soit dans sa chambre, à la cuisine ou ailleurs.
S’il a besoin de rappeler, la communication sera plus courte et se terminera généralement par un «de toute façon, je
t’envoie un message».
Les parents sont d’abord soulagés: ils peuvent enfin disposer de leur ligne téléphonique et ne servent plus de
standardistes à leurs enfants. Mais très vite, ils réalisent qu’ils perdent un certain contrôle sur leur progéniture. Qui ne
demande d’ailleurs que ça. Ainsi, pour se rassurer, les parents, un rien inquisiteurs, envoient-ils à leur tour quelques
«602» ou «116»: «Fais attention», ou «Je t’attends». Se sentent-ils pour autant traqués? Curieusement, la réponse est
non. «Nous laisser un message sécurise nos parents. On n’est pas obligés d’y répondre et, en cas d’urgence, c’est très
pratique. Et puis, ils ne savent pas où nous sommes, ce n’est pas vraiment de la traque», affirme Frédéric Russo,
président du bureau des élèves de l’Institut supérieur de Commerce de Paris. Au fond, Tatoo et ses frères sont ce qu’il
reste du lien familial dans une société de plus en plus éclatée. Comme le note Paul Virilio, «enfants et parents se
mettent à distance pour s’aimer encore, dans une nouvelle dialectique affective où l’on aime son lointain et non son
prochain.»
Ces émissaires de poche sont le fin du fin pour une tranche d’âge qui ne peut s’offrir un téléphone portable. Coût de
l’appel: 0,74 franc, le prix d’une communication normale. A part l’investissement de départ, 600 francs environt
(généralement payés par des parents), Tatooistes, Tam Tamistes et Kobbystes n’ont aucun frais d’abonement et ne
paient évidemment pas les messages qu’ils reçoivent. Mais plus encore que le prix, ou leur côté pratique, ce qui fait le
succès des «pagers» auprès des ados, c’est qu’ils signent l’appartenance à un clan. Tatoo ne s’y est pas trompé qui,
avec son slogan «Gardez le contact avec votre tribu», base toute sa publicité sur ce lien tribal- et vital-qu’entretiennent
les adolescents en proie à une insécurité affective croissante «Ils rejettent en bloc tous les adultes. Parents, profs,
hommes politiques sont à leurs yeux disqualifiés. Ils règlent leurs problèmes entre eux, explique Joel-Yves Le Bigot,
PDG de l’Institut de l’Enfant. Les radiomessageries leur permettent d’entretenir des liens permanents et rassurants avec
ceux qu’ils ont choisi.» Le bonheur c’est simple comme un coup de bip.

Colette MAINGUY
Le Nouvel Observateur - novembre 1996

149
XII. La France sur une semaine (Revue de
presse: 2-7 février 1998)

Activités
Dans ce chapitre sont présentées les premières pages des journaux français datant du 2 au 7 février 1998:
FRANCE-SOIR, NORMANDIE, LE MONDE et LE CANARD ENCHAÎNE.
Etudiez attentivement les chapeaux, les titres et les sous-titres, les textes des articles et les images et essayez
de présenter la vie de la France et des Français sous ses aspects variés à un moment donné de notre temps.

150
SOMMAIRE
Avant – propos 1

I. L’image de la France et des Français


L’image de la France dans le monde. Les stéréotypes 3
Le changement socio-culturel du dernier quart de siècle 7
Le français, langue universelle 9
Le français dans le monde 11
La politique linguistique de la France 11
Le français, image d’un peuple 13
Lettre de Monsieur de Voltaire à monsieur de Tovazzi 15
L’Ukraine vue de la France 16

II. Certains aspects de la nation française


L’immigration sans racisme ni tabous 19
Quinze ans de lois sur l’immigration 21
France clandestine 25
Une nouvelle loi sur l’immigration 26
La délocalisation, substitut à l’immigration 28
Code de la nationalité 30
Comprendre la Corse 32
Un lycéen très Breton 34

III. Certains aspects de la société française


La société française des années 90 36
Les recentrés 38
Nouveaux socio-styles de vie française 40
Les dangers du racisme ordinaire 43
Les spectres de Vichy 45
L’évolution des moeurs alimentaires:
Pourquoi les Français deviennent végétariens 46
Tourner le dos aux tournedos 47
Le bonheur est au marché 48

151
IV. L’aspect politique et économique de la France
d’aujour’hui
Cinq dissolutions en 39 ans 51
Cohabitations dangereuses 51
Les trois atouts de la Gauche 53
Si l’audace l’emportait... 54
La politique générale du gouvernement français 55
L’impôt sur les sociétés 57
Pourquoi le Midi a mal à la France 58
Les hausses du mois de janvier 60

V. La France et l’Union Européenne


Les grands chantiers 62
Les critères à respecter 64
L’Europe: “Oui, mais peut mieux faire…” 64
De là CECA à l’Euro 66
L’Euro, sonnant et trébuchant 67
L’Euro, mode d’emploi 70

VI.Les problèmes de la famille


Les mutations de la famille 71
Naissances des années 90 72
Crise du mariage 74
Mariages moins nombreux et plus tardifs 75
La cohabitation en vogue 76
Enfants “naturels” 77
1 millions de familles recomposées 78
Hommes, nourrices d’avant-garde 79
Le mariage est la dernière grande aventure 81
Mariage: 70% des Français adorent aller à la noce 82
Listes de mariage: tout ce qui a changé 84

VII. Les Français et l’emploi


L’accès à l’emploi 87
Emploi: questions-réponses 88
La croissance et l’emploi 89
La Haute-Normandie assiste impuissante
à une hémorragie de ses emplois 91

152
Les élections des “prud’hommes” 94
Les routiers sont fatigués 95
Un candidat à l’embauche 97
Comment décrocher un emploi? 97
Comment les Français voient l’avenir.
Demain, quels métiers 99

VIII. Formation et éducation


Profs, qui sont-ils? 100
L’Etat finance le privé 101
Ce que paient les familles 102
Foulards et laïcité 103
Les douze droits de l’enfant 105
Lycées: La course aux bons établissements 106
Enquête: les circuits de l’élite 107
Réformer l’accès aux Grands Corps de l’Etat 109
Université: c’est reparti 110
Fragil état de grâce universitaire 111

IX. Les jeunes et la société


L’adolescent modèle des années 90 112
Une enquête de l’INSERM sur le
comportement des adolescents 113
Drogue: Les adolescents mélangent tout 114
Chez nous aussi ... 115
Un éthnologue aux 4000 116
Rapper la vie dans la cité 117
Les boys bands: la fine fleur du mâle 119
Lettres à un jeune électeur FN 120
L’abécédaire du Séjours au Pair 121
Voyage: Infos pratiques 122

X. Science au service de l’homme


L’avènement de nouveaux outils 124
Les leçons des embouteillages 126
Télémédecine utilisée, diagnostic assuré 127
L’horizon multimédia 128
La petite boîte qui va tuer l’ordinateur 129
Internet: un danger pour la démocratie? 129
La puce sort de la carte 130
Cinq minutes avant l’orage 131

153
Votre vie et comportements:
consommation qui rassure 132
Internet supermarket 134
Les jeux sur Internet 136
Branché, c’est pesé! 137

XI. Médias dans la société:


l’ère du tout communiquant
La société rêvée 138
La violence à l’écran en question 139
Il n’y a plus d’enfants 140
Ma cité va tchatcher 141
D’une certaine manière 143
Pub: attention, piège 144
Alcool et publicité 145
Télépathie sans fil 146
Laissez-moi un message 147
Pour ou contre Internet à l’école 148
Simple comme un coup de bip 148

XII. La France sur une semaine


(Revue de presse : 2-7 février 1998) 155

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