LES MINES DE LA MESETA MÉRIDIONALE ET DU HAUT ATLAS OCCIDENTAL 229

5.7- Azegour, gîte métasomatique à Cu, Mo, W (Haut Atlas occidental) /

Azegour Cu-Mo-W Metasomatic Deposit (Western High Atlas)
H. IBOUH1, M. HIBTI2, A. SAIDI2, A. TOUIL2

Points clés : La mine d’Azegour correspond à des skarns
développés dans les carbonates cambriens sur le flanc
oriental d’un granite hercynien. Ces skarns sont minéral-
isés en cuivre, molybdène et tungstène.
Highlights : The Azegour mine corresponds to skarns de-
veloped in the Cambrian limestones of the eastern enve-
lope of a Variscan granite. The skarn mineralization
includes copper, molybdenum and tungsten.
Localisation : La mine se situe à 65 km au SW de Marra-
kech. On y accède par une route sinueuse de 15 km à par-
tir du village d'Amizmiz (fig. 5.7.1). GPS : N 31°08’59’’,
W 8°18’14’’, alt. 1500 m.
1
Université Cadi Ayyad, Faculté des Sciences et Techniques, Département de Géo-
logie, Labo. Géo-Sciences et Environnement, Bd A. Khattabi BP 549, 40000 Gué-
liz Marrakech. E-mail : h.ibouh@uca.ma
2
Université Cadi Ayyad, Faculté des Sciences et Techniques, Département de Géo-
logie, Labo. Géoressources et Environnement (URAC 42), Bd A. Khattabi BP 549,
40000 Guéliz Marrakech. E-mail : m.hibti@gmail.com ; a.saidi@fstg-marra-
kech.ac.ma,touil@fstg-marrakech.ac.ma
Substances exploitables : Cuivre, molybdène, tungstène
Etat et historique : Mine fermée depuis 1971, mais sus-
ceptible de réouverture prochaine. C’est l’une des plus
anciennes mines du Maroc. A l’époque moderne, les tra-
vaux sur le gisement d’Azegour ont débuté dès 1920,
menés par les sociétés des mines Beni-Aicha et Entifa,
qui ont cédé leurs permis à la Société minière de Falta en
1930, qui à son tour les cède à la Société Le Molybdène
(Heim, 1934). C’est en effet le molybdène qui a été ex-
ploité entre 1930-1946, avec une moyenne annuelle de
200 t/j de concentré à 85% de MoS2. Les réserves deve-
nant insuffisantes (évaluées à 500 000 tonnes de minerai
à 0.2%), le molybdène fut abandonné au profit du cuivre
découvert dans le site depuis 1941. Durant la période
d’exploitation du cuivre, jusqu’en 1971, 535 000 tonnes
ont été extraites, donnant 28 000 tonnes de concentré à
27% du cuivre. Le tungstène, quant à lui, fut découvert
dans la mine d’Azegour en 1950, une usine de traitement

FIG. 5.7.1 : Localisation du gisement d’Azegour sur un extrait de la carte routière du Maroc au millionième (Michelin).
FIG. 5.7.1 : Location of the Azegour mine on the Michelin road map, scale 1/1 000 000.
230 NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9

fut installée mais les résultats restèrent insatisfaisants.
Ainsi 60 tonnes à 44% du WO3 ont été extraites, alors
que les réserves estimées étaient de 300 000 tonnes à
0.2%. Suite à l’épuisement des réserves en cuivre et les
teneurs décevantes du tungstène et du molybdène, la
mine fut définitivement arrêtée le 30/9/1971. Durant sa
période d’activité, la mine d’Azegour a produit au total
900 000 tonnes de minerai à teneur moyenne de 1,4 à
2,8% Cu, 0,2 à 0,7% MoS2 et 0,35 WO3.
Après la fermeture, le BRPM a encore poursuivi des re-
cherches importantes jusqu’en 1996 (Anonyme, 1996). Un
permis de 16 km2 a été repris par Ouiselsat Mine depuis
2004, puis vendu en Mars 2011 à l’explorateur minier ca-
nadien Maya Gold and Silver www.mayagoldsilver.com.
Cadre géologique : La mine se situe dans le flanc nord du
Bloc paléozoïque du Haut Atlas occidental, dans la zone
subatlasique septentrionale (fig. 5.7.2). Le secteur miné-
ralisé appartient à l’enveloppe d’un pluton granitique (gra-
nite et diorite quartzique) calco-alcalin (Amenzou &
Badra, 1996) ou alcalin (Aït Ayyad, 2000) intrusif dans des
séries plissées et métamorphiques d’âge cambrien et or-
dovicien (zone centrale de la chaîne hercynienne de Me-
seta occidentale ; voir vol. 1, p. 86 et suivantes). Plus pré-
cisément, la mine est localisée dans l’auréole de méta-
morphisme thermique du granite d’Azegour, à la base de
la zone d’injections filoniennes granitiques (fig. 5.7.2).
L’ensemble est recouvert en discordance par la série cré-
tacée-tertiaire subatlasique (fig. 5.7.3 A). Le Trias et le
Lias sont absents, probablement du fait de l’érosion du Ju-
rassique supérieur-Crétacé inférieur, bien identifiée en Me-
seta sud-occidentale (cf. vol. 8, circuit C14, pp. 67-69).
Description du gisement : Les skarns minéralisés sont dé-
veloppés dans les formations du Cambrien inférieur cal-
caire (kic, fig. 5.7.2), partie supérieure de l’étage où des
bancs de calcaires à archéocyathes sont interstratifiés dans
les termes volcano-détritiques, par ailleurs dominants. On
notera l’importance des formations volcano-détritiques et
pyroclastiques de composition calco-alcaline (tufs et
brèches dacitiques à andésitiques, grauwackes) aussi bien
dans le Cambrien inférieur que dans le Cambrien moyen
(km) de la région.
Ces formations cambriennes sont structurées en bandes
subméridiennes. Le plissement hercynien y est intense, de
direction NNE-SSW. Il est daté du Namuro-Westphalien

FIG. 5.7.2 : Extrait de la carte géologique du Maroc au 1/100 000, feuille d’Amizmiz (Labriki, 1996). kic/v/st : Cambrien inférieur calcaire/volcanique/schisteux ; kmsm/so :
Cambrien moyen, schistes et grauwackes verts/schistes et orthoquartzites ; ors : Ordovicien, schistes bioturbés, grès ; hv : Viséen gréso-pélitique; Hγ : granite hercynien ; Hfγ :
filons granitiques ; n2-3 : Crétacé inférieur continental ; n4-6 : Barrémo-Albien, marnes blanches ; c1 : Cénomanien, marnes versicolores ; c2 : Turonien, calcaires ; c3-6 : Sé-
nonien : grès et marnes rouges ou vertes, calcaires ; e4 : Eocène moyen, calcaires coquilliers et marnes blanches.
FIG. 5.7.2 : Excerpt of the geological map of Morocco, scale 1/100 000, Amizmiz sheet (Labriki, 1996).
 LES MINES DE LA MESETA MÉRIDIONALE ET DU HAUT ATLAS OCCIDENTAL
dans toute cette partie de la chaîne (cf. vol. 1) et s’est dé-
veloppé ici en condition de métamorphisme de faible degré
(faciès des schistes verts), avec formation d’un clivage
schisteux de plan axial, parallèle à la stratification et à fort
pendage est (Labriki, 1996 ; Aït Ayyad, 2000).
A proximité du granite, une zone de métamorphisme ther-
mique (auréole de contact, schistes tachetés à cordiérite)
apparaît sur une épaisseur de plus d’un kilomètre : c’est
dans cette auréole que se situent les skarns minéralisés
(fig. 5.7.3 C). Le système de filons granitiques (pegma-
tites, aplites) associés à l’intrusion se développe plus lar-
gement, jusqu’à 5 km du toit du granite. La mise en place
du granite a été datée par la méthode Rb-Sr à environ 270
231
FIG. 5.7.3 : A) Vue de la mine d’Azegour (regard vers le
nord-ouest) ; B) Echantillon de molybdénite en paillettes
dont la concentration se fait en bordure des roches volca-
niques cambriennes ; C) Cristaux de grenat andradite bien
individualisés dans les skarns ; D) Echantillon de grena-
tite, très abondante dans le district d’Azegour ; E) Chalco-
pyrite, principale minéralisation cuprifère concentrée sur
la bordure des roches carbonatées ; F) Echantillon de py-
roxénite (diopside-hédenbergite) qui forme une carapace
entre les roches carbonatées et les grenatites ; G) Fluorine
blanche à violette ; H) Plis de fluage dans les calcaires au
contact du granite d’Azegour ; I) Wollastonite en masse fi-
breuse, dans les skarns au contact du granite d’Azegour.
Echelle : 10 cm (4 inches). A-G : clichés A. Soulaimani.
FIG. 5.7.3 : A) View of the Azgour mine, looking north-west-
ward ; B) Lamellar molybdenite sample from a concentra-
tion close to Cambrian volcanics ; C) Andradite garnet
crystals well developed in the skarns ; D) Grenatite sam-
ple, very abundant in the Azegour district ; E) Chalcopy-
rite, main Cu mineralization found close to the carbonates ;
F) Pyroxenite sample (diopside-hedenbergite) forming a
shell between the carbonate and grenatite rocks ; G) White
and violine fluorite. H) Disharmonic folding of the Cam-
brian limestones in contact with the granite ; I) Wollas-
tonite from fibrous mass within the skarns against the
Azegour granite. Scale : 10 cm (4 inches). A-G : Courtesy
A. Soulaimani.
Ma (Mrini et al., 1992), ce qui daterait du même coup la
minéralisation de l’Autunien. On doit considérer cet âge
comme provisoire, en attendant des datations U-Pb zir-
con plus robustes. Un âge carbonifère supérieur, entre
290-280 Ma, est plus vraisemblable par comparaison
avec le massif du J. Tichka, peu au SW (Gasquet et al.,
1992), et mieux en accord avec le caractère syntectonique
du granite (Lagarde, 1987 ; Aït Ayyad et al., 2000). No-
tons que sur le plan géochimique, les analyses ont mon-
tré aussi le caractère hyperalumineux du granite, avec
une oxydation intense probable pendant les dernières
étapes de refroidissement, ce qui explique sa couleur rose
(Aït Ayyad et al., 2000).
232 NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9

Dans l’ensemble du gisement, les corps minéralisés se pré-
sentent sous forme de lentilles, amas ou stocks liés le plus
souvent aux grenatites et aux calcaires métamorphiques (fig.
5.7.4). Un métamorphisme métasomatique est à l’origine des
skarns et de leurs minéraux silico-carbonatés tels que la schee-
lite, la wolframite, la wollastonite et l’idocrase. Les idocrasites
et les grenatites (fig. 5.7.3 D) à grossulaire et dupracite mi-
néralisées en béryllium, souvent faiblement radioactives, for-
ment des « colonnes » allongées suivant la direction des
calcaires métamorphiques, du côté où ces calcaires sont voi-
sins des roches volcaniques. Ces colonnes peuvent coïncider
en partie avec des colonnes faiblement minéralisées en mo-
lybdénite, ou être indépendantes. La forme exacte de ces co-
lonnes n’a pu être établie. La wollastonite forme localement
des amas ou filons de « wollastonitite » où les cristaux, très
purs, atteignent des longueurs décimétriques (fig. 5.7.3, photo
I) ; ces amas dépendraient d’intensification locales du flux
thermique (Berrada et al., 2011).
Le cuivre, quant à lui, se présente sous forme de chalco-
pyrite, bornite, chalcocite et cuivre gris. Il se rencontre au-
tour du granite et hors de l’auréole du métamorphisme. Le
plomb et le zinc sont sous forme de galène et blende dans
la zone de Tizgui et la mine d’Azegour. Le fer se mani-
feste dans la zone de Toulkine dans des roches à silicates
calciques (Hannich, 2002).
Minéralogie : Elle est dominée par l’assemblage molybdé-
nite (fig. 5.7.3B), chalcopyrite (fig. 5.7.3 E), scheelite et py-
rite et chalcopyrite intimement liée à des amphiboles,
pyroxènes et grenats (Zerhouni, 1988). On note de rares in-
clusions de galéno-bismuthinite dans la chalcopyrite et de
très petites concentrations de bismuth natif, accompagné
d’un peu de bismuthinite dans des filonnets de calcite tardifs
comportant aussi des minéraux de nickel, d’argent, de co-
balt, d’uranium (Von der Weid , 1941 ; Permingeat, 1957 ; El
Amrani, 1984). A quelques kilomètres au nord d’Azegour
(Tiguelilt), dans la même bande de calcaires cambriens qu’à
Azegour, un petit amas de mispickel, avec chalcopyrite, mar-
cassite et pyrrhotite, est relativement riche en bismuth natif
(Permingeat, 1954). La fluorine, peu développée, est locali-
sée à Azegour, particulièrement dans les lentilles de grena-
tites au sein des calcaires métamorphiques proches du
granite. Elle est associée avec la scheelite et un peu de pyrite
(Permingeat, 1957). Dans ce gisement, on remarque la pré-
sence de quelques « colonnes » de tactites à pyrite, à côté des
colonnes à scheelite et chalcopyrite similaires à celles à gra-
phite de Sidi Bou-Othmane (Jebilet ; voir vol. 8, circuit C15).
Le béryllium a été découvert dans le gisement d’Azegour
(Agard, 1965 ; Agard et al., 1966 ). Les plus fortes ano-
malies sont systématiquement liées à une variété d’ido-
crase, la dupracite, de couleur brune ou vert foncé,
présentant une notable teneur en fer dans le réseau où le
béryllium serait dispersé. Les teneurs vont jusqu’à 0.6%
de BeO pour les variétés les plus ferrifères.
Interprétation génétique : Les gîtes métasomatiques
comme ceux d’Azegour correspondent à une importante
classe de gisements formés par déplacement d'éléments au
sein d'un fluide de haute température percolant dans la
roche. Il s'agit de phénomènes associés aux intrusions gra-

FIG. 5.7.4 : Coupe de la mine passant 200 m au nord du village d’Azegour, d’après Permingeat (1957). Une structure en plis serrés d’axe sub-
méridien se laisse deviner dans le Cambrien. Les lentilles minéralisées se placent dans une masse de grenatites entre calcaires purs et schistes,
la molybdénite est la plus proche du granite, la sheelite est plus écartée et la chalcopyrite au contact des calcaires.
FIG. 5.7.4 : Cross-section of the mine 200 m north of Azegour Village, after Permingeat (1957). Tight N-trending folds appear in the Cambrian
formations. Mineral lenses are contained in the grenatite mass between the pure limestones and the schists, with molybdenite close to the gran-
ite, sheelite a little bit farer and chalcopyrite next to the limestones.
 LES MINES DE LA MESETA MÉRIDIONALE ET DU HAUT ATLAS OCCIDENTAL
nitiques et affectant particulièrement les roches carbona-
tées. Les roches qui en résultent sont constituées de sili-
cates calciques, fréquemment à Al, Fe, Mg ou Mn, à grain
grossier, formées par remplacement métasomatique, es-
sentiellement siliceux, de roches carbonatées au contact
d'un intrusif. Un skarn minéralisé diffère d’une zone mé-
tamorphique de contact ordinaire par son caractère sou-
vent discordant (avec des bandes monominérales
localement discordantes sur le litage) et un enrichissement
en Fe-Mn et en volatils (Kwak, 1987). Les gisements po-
lymétalliques de ce type sont désignés comme « type
CRD » (Carbonate Replacement Deposits).
Un gisement analogue est décrit environ 15 km à l’est
d’Azegour ; il s’agit du gisement de Tighardine à caractère
polymétallique (Alansari et al., 2009). La minéralisation
est dominée par la galène, la sphalérite, la chalcopyrite, le
cuivre gris, la pyrrhotite, la pyrite et des minéraux d’argent.
La minéralisation se présente sous forme de lentilles dis-
continues, qui jalonnent une faille normale à composante
décrochante dextre, de direction N20 et de pendage 45°NW.
Les lentilles minéralisées sont localisées à la base d’une
barre dolomitique située au-dessus des pélites noires d’une
série d’âge cambrien inférieur. La partie supérieure (amont)
de ces lentilles minéralisées est dominée par la barytine à
laquelle s’associent localement les sulfures, le quartz et les
carbonates. Selon Alansari et al. (2009), la mise en place de
la minéralisation est contrôlée par deux facteurs : un facteur
tectonique, suggéré par la mise en place le long d’une faille,
et un facteur magmatique, dans la mesure où la minérali-
sation apparaît contrôlée par une intrusion granitique ca-
chée au-dessous du gisement.
Remerciements : Les auteurs expriment leurs remercie-
ments au Pr. A. Michard pour sa collaboration active à la
mise au point de cette fiche, et au Pr. H. Ouanaimi pour sa
lecture critique et ses remarques.
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PAO : Omar BELFKIRA
omarbelfkira@gmail.com