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Revue des Études Anciennes

Clément Huart, La Perse antique et la civilisation iranienne


(collection L'évolution de l'humanité, section I, vol. 24), 1925
Georges Radet

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Radet Georges. Clément Huart, La Perse antique et la civilisation iranienne (collection L'évolution de l'humanité, section I, vol.
24), 1925. In: Revue des Études Anciennes. Tome 27, 1925, n°4. pp. 337-339;

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BIBLIOGRAPHIE

Clément Huart, La Perse antique et la civilisation iranienne


(collection L'évolution de l'humanité, section I, vol. 24).
Paris, La Renaissance du livre, 192ο; I vol. in-8° de xv-
295 pages, avec 35 figures dans le texte, une carte et
IV planches hors texte. Prix, 20 francs.
« Pour comprendre la vie iranienne », α dit James Darmesteter, « il
est plus sûr de partir du dedans que du dehors1. » C'est bien ainsi
que procède M. Clément Huart dans son ouvrage sur la Perse et c'est
ce qui donne à celui-ci sa nouveauté, sa valeur et son intérêt.
L'auteur — M. Henri Berr l'en loue justement — « n'est pas seulement
l'érudit qui déchiffre l'Orient; il est le voyageur qui l'a vu » (p. xv).
Il est l'observateur qui a renoué sur place la tradition glorieuse
d'Anquetil-Duperron. Cette compétence et ces ressources de l'orienta-
lisle, dont est formée l'armature de son livre, lui permettent, tout en
utilisant les témoignages grecs et latins, d'envisager la civilisation de
l'Iran, non de la périphérie européenne, mais du point de vue
national des peuples dont il retrace l'histoire, perspective qui,
répétons-le, est assurément la meilleure.
L'Introduction comprend deux chapitres destinés à nous fournir, le
premier, un bref aperçu de la géographie physique et des routes
commerciales; le second, un solide résumé de la question des
écritures et des langues ; écriture cunéiforme employée pour les
inscriptions des Achéménides, écriture pehlevie*, dérivée de l'araméen,
écriture dite zende, à l'aide de laquelle sont tracés les manuscrits de
l'Avesta. Aux écritures et aux langues, depuis longtemps connues,
qui se succédèrent durant plus d'un millénaire, s'ajoutent maintenant
celles qu'ont fait connaître les récents explorateurs de l'Asie centrale,
telles le sogdien et le tokharieri, mises si curieusement en lumière
par la fructueuse mission de M. Paul Pelliot.
Du préambule, nous passons au tableau historique. Il se divise en
trois parties, correspondant aux trois périodes de la vie politique
de l'Iran : médo-perse, parthe, sâsânide.
La première a pour caractéristique la fondation et l'organisation
d'un des plus vastes empires qui aient prétendu régir le monde.

1. Coup d'œil sur l'histoire de la Perse, p. 37.


ftev. Et. anc. aa
338 REYUE DES ETUOÈS ANCIENNES
A cette œuvre gigantesque se lie d'abord la figure de Cyrus, dont les
écrivains classiques ont fait « un type légendaire à la façon du
Charlemagne des romans du Moyen-Age » (p. 52). Mais le conquérant par
qui furent annexés tant de nations et de royaumes eut plus d'un
précurseur. Ce qu'il accomplit dans des proportions immenses avait été
réalisé déjà sur une zone limitée, par exemple avec Déjocès, à Ecba-
tane, lorsque celte ville, puissamment accrue, devint capitale : « son
nom de Hangmatana signifie lieu de réunion et paraît indiquer que
les clans, jusqu'alors épars, s'y rassemblèrent d'une façon plus
compacte » (p. 34). Voilà un des plus anciens modèles de groupement
commun ou « synoekisme», de place médiane ou « mediolanum »,
dont il soit question chez les Indo -Européens. Cyrus ne fit
qu'appliquer en grand le système. Mais sa domination eut beau agglomérer
les peuples; elle resta féodale: l'armée «se composait de troupes
feudataires levées par les chefs de tribus, soit parmi les habitants de
la Susiane, soit parmi les montagnards tels que les Bakhtiyari de nos
jours » (p. 5a).
Ce fut seulement avec Darius que l'administration perse, cessant
d'être patriarcale, devint centralisatrice. Le souverain, autocrate
absolu, était révéré comme un dieu et ce que « les peintres appellent
justement une gloire, le hvarenô de l'A vesta {farr du persan
moderne)», l'auréolait (p. 88). Tous ses sujets, hauts dignitaires
compris, « étaient considérés comme les esclaves (bandaka) du roi,
conception que nous avons vue se maintenir, jusque dans des temps
fort proches du nôtre, dans l'Empire ottoman, bâti, avant les
réformes du xixe siècle, sur le même modèle que la vieille monarchie
asiatique » (p. 88-89).
Détruit par Alexandre, l'Empire achéménide, après une éclipse de
moins d'un siècle, reparut, partiellement et sur le type féodal des
origines, avec les Parthes; mais la conquête grecque «avait marqué
l'Iran d'empreintes trop profondes pour que cette rénovation fût une
véritable régénération » (p. 129).
Il faut arriver aux Sâsânides pour assister à une reconstitution
systématique et à une refonte indigène des antiques traditions perses.
Les chapitres où M. Clément Huart résume l'histoire de la dynastie,
expose les principes directeurs et les organes constitutifs du
gouvernement, retrace la mêlée des religions et des sectes (mazdéisme,
manichéisme, hérésies chrétiennes, bouddhisme), dépeint les arts et
l'industrie, retrace enfin les origines de l'épopée iranienne, sont
particulièrement suggestifs et pleins de substance. On comprend mieux,
après les avoir lus, que les Arabes, « n'ayant rien connu de l'Empire
romain à son apogée et n'ayant comme point de comparaison que les
Grecs de Byzance, aient jugé assez favorablement le grand Empire
qu'une heureuse fortune leur avait permisse renverser » (p. 306).
BIBLIOGRAPHIE 339
La France tient en Perse, dans le domaine archéologique, une
situation prépondérante. Les fouilles de Suse, commencées par Marcel
Dieulafoy et continuées par Jacques de Morgan, le déchiffrement et
la traduction des textes en langue anzanite par le R. P. Scheil, la
récente exploration de M. Foucher dans l'ancienne satrapie d'Ara-
chosie, ce sont là autant de liens qui nous rattachent à l'Iran. On ne
saurait être trop reconnaissant à M. Clément Huart d'avoir si bien su
payer notre dette envers un noble pays.
Georges RADET.

P. Montet, Les scènes de la vie privée dans les tombeaux


égyptiens de l'Ancien Empire (Pablications de la Faculté des
Lettres de Γ Université de Strasbourg, fase. 2/i). Strasbourg,
Istra, iyî5 ; ι vol. in-8° de xvih-/Î2q pages, avec 48 figures
dans le texte et XXIV planches hors texte. Prix roo francs.
Notre meilleure source d'informations sur la vie privée des
riverains du Nil, ce ne sont ni les détails fournis par les écrivains
classiques, ni même les innombrables documents en langue
égyptienne que l'on a déchiffrés : ce sont les peintures et les bas-
reliefs qui décorent les tombeaux. Les scènes représentées dans les
mastabas et les hypogées de l'Ancien Empire, durant une période
d'environ cinq siècles, forment un répertoire à la fois très homogène
et singulièrement expressif : c'est, comme le dit si bien M. Pierre
Montet, « une véritable encyclopédie de l'Egypte au temps des
Pyramides » (p. ix).
A l'inverse de ce qui se passe ailleurs, un mastaba datant des IVe, Ve
ou VIe dynasties nous renseigne beaucoup moins sur les morts que
sur les vivants : « nulle part, il n'y a de tombe aussi peu funèbre. On
n'y voit aucun de ces génies de l'autre monde qui peupleront les
hypogées de la Vallée des Rois et qu'on dirait inventés pour
illustrer l'Apocalypse, mais seulement des hommes, des femmes,
des enfants, des animaux qui vont à leurs affaires ou s'amusent
de tout leur cœur » (p. vin). Telle est la souriante et délicieuse
imagerie qui permet de ressusciter les mœurs de la société memphite
depuis le règne de Snefrou jusqu'à l'époque des Pepi.
Un monument surtout aide à l'évocation : le tombeau de Ti,
découvert par Mariette à Saqqarah et qui reste jusqu'ici la plus
admirable des sépultures de l'Ancien Empire. M. Montet en préparait,
avec M. Daumas, la publication intégrale, quand éclata la guerre. Son
collaborateur, « qui avait entrepris ce grand ouvrage avec un si bel
enthousiasme et qui dessinait comme un Égyptien du temps des
Pyramides, ne devait pas revenir » (p. xvu). A défaut de l'édition

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