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2019

INFLUENCE DE LA PURETE DE L’OXYGENE


DANS LES DECOUPAGES SOUS EAU

FRANCIS HERMANS
Scaphandrier à la retraite
Mai 2019
Mes remerciements à OCTO Diving pour
l’assistance technique et la mise à disposition du
matériel nécessaire à la réalisation de ces tests ainsi
qu’Éric Delporte pour sa lecture attentive et à
Emmanuel Brisack et son équipe du chantier de la
Martinique pour leurs réactions rapides concernant
les paramètres des débits de consommation
d’oxygène

1
Résumé :

Que ce soit en surface ou sous l’eau, pour brûler et se transformer en oxyde de fer, un métal
(fer) a besoin d’un apport en oxygène pur. Afin d'obtenir une efficacité maximale, la plupart
des fabricants de matériel de découpage ainsi que certains manuels prédisent qu'il est
impossible de couper dès que la pureté de l'oxygène devient égale ou inférieure à 95%.

Est-ce un mythe ou une réalité ?

Introduction :

Le découpage à l’électrode thermique (également appelé ultra ou exothermique) est


actuellement le procédé le plus utilisé par les plongeurs-scaphandriers.
Pour rappel, il se fait à l’aide d’une petite électrode creuse dans laquelle on fait passer un jet
d’oxygène sous pression.
Ces électrodes sont généralement composées d’une fine enveloppe extérieure en métal ou en
cuivre dans laquelle est serti une série de fils métalliques dont un est composé d’un alliage
spécial ce qui permet lors de la combustion d’atteindre une température proche des 5500° C
(10000° F).
Pour fonctionner correctement, certains fabricants 1,2 de matériel de découpage et d’électrodes
ainsi que divers manuels 3,4 de découpage stipulent qu’il faut utiliser de l’oxygène avec un
degré de pureté au moins égal à 99,5 % car en dessous de cette valeur, l’efficacité ainsi que la
vitesse de découpage diminuerait d’environ 25% par pourcent d’impureté et par conséquent
prédise que le découpage devient impossible avec de l’oxygène égal ou inférieur à 95% de
pureté.
A première vue, cela peut sembler logique puisque pour bruler 5 grammes d’acier il faut
environ 10 litres d’oxygène (dioxygène) et donc si l’on diminue la quantité de molécules
disponible dans le flux sous pression, on va automatiquement modifier les paramètres de
combustion.
Mais est-ce que les valeurs mentionnées sont pour autant exactes ?
On peut se poser la question, et ce d’autant plus qu’en 2018 un collègue américain prétendait
que pour certain de ses découpages il diluait l’oxygène avec de l’air comprimé et découpait
alors avec un mélange O2 /N2 proche de 60/40.
Etant quelque peu sceptique, nous avons alors procédé en mai de cette même année à un
premier test de découpage en surface avec un mélange ne contenant que 70% d’oxygène 5 et à
notre grande surprise, les résultats étaient probants, puisqu’en surface ce faible pourcentage
d’oxygène permettait d’encore découper.
Bien entendu, les performances de découpage étaient bien en-deçà de celles obtenues avec de
l’oxygène pur, mais on pouvait dès lors se poser la question de savoir ce que ce degré de
pureté donnerait sous eau.
Cette année, grâce à l’assistance technique de la société belge OCTO Diving, divers essais de
découpage ont pu être réalisé avec pour but de vérifier si sous eau un mélange d’oxygène
appauvri pouvait encore découper.
La réponse se trouve dans les pages suivantes.

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Date des tests :
20 Avril 2019.

Lieu :
Cuve OCTO Diving à Gochenée.

Profondeur :
3 m.

Visibilité :
Bonne.

Epaisseur pièce de métal :


10 mm.

Intensité courant :
150 et 0 Ampères (Hot et Cold).

Pression oxygène :
7,3 bars.

Type d’électrodes :
Broco et deux électrodes européennes.

Longueur utilisée par électrode :


37 cm.

Mélanges de découpage :
O² pur, 95/5 et 75/25.

Technique de découpage :
Electrodes poussées et casque en avant de la coupe.

Expérience du scaphandrier en matière de découpage :


Très bonne mais n’avait plus plongé depuis 2013 ni découpé sous eau depuis 2005 et donc on
peut estimer qu’avec un peu plus de pratique les performances indiquées sur les graphiques
auraient été supérieures.

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RESULTATS

Avec l’oxygène pur :


 L’auteur a grillé une première électrode afin de se refaire la main avant de noter les
résultats de la seconde électrode.

Avec le 95% :
 L’auteur n’a pratiquement pas senti de différence de combustion au niveau de
l’électrode et /ou de l’acier par rapport à l’oxygène pur.

Avec le 75% :
 Découpe impossible avec le courant coupé (cold).
 Découpage pratiquement impossible avec les deux électrodes européennes.
 Découpe difficile et extinction fréquente de la flamme avec l’électrode Broco.
 Aspect de la coupe assez erratique.
 Dégagement en surface d’une fumée très blanche et très odorante en lieu et place des
fumées brunes classiques.

Avec le 70% :
 Non réalisé vu les piètres résultats obtenus avec le mélange précédent.

4
Graphique n° 1 : Longueur de coupe par électrode (la barre verte représente le test de 2018)

Longueur de coupe par électrode


50

45

40

35
longueur découpée (cm)

30 rod A hot
25 rod A cold

20 rod A surf.
rod B hot
15
rod C hot
10

0
100 95 90 85 80 75 70
Pureté oxygène

Graphique n° 2 :Long. de coupe par cm d’électrode (la barre verte représente le test de 2018)

Longueur de coupe par cm d'électrode


12

10
longueur découpée (mm)

8
rod A hot
6 rod A cold
rod A surf.
4 rod B hot
rod C hot

0
100 95 90 85 80 75 70
Pureté oxygène

5
Graphique n° 3 : Vitesse de coupe par seconde (la barre verte représente le test de 2018)

Vitesse de coupe par seconde


9

7
longueur découpée (mm/sec)

6
rod A hot
5
rod A cold
4
rod A surf.
3 rod B hot
rod C hot
2

0
100 95 90 85 80 75 70
Pureté oxygène

Graphique n° 4 : Cons. électrode par cm de coupe (la barre verte représente le test de 2018)

Consommation électrode par cm de coupe


70

60
consommation électrode (mm)

50

40 rod A hot
rod A cold
30 rod A surf.
rod B hot
20
rod C hot

10

0
100 95 90 85 80 75 70
Pureté oxygène

6
Graphique n°5 : Cons. O2 par cm de coupe (la barre verte représente le test de 2018)

Consommation O² par cm de coupe


150
140
130
120
110
consommation O2 (l/cm)

100
90 Hot rod A
80
Cold rod A
70
60 Surf. Rod A
50 Hot rod B
40 Hot rod C
30
20
10
0
100 98 96 94 92 90 88 86 84 82 80 78 76 74 72 70
Pureté oxygène

Graphique n°6 : Diminution performance de coupe

Diminution performance de coupe


100
95
90
85
80
éfficacité versus oxygène pur (%)

75
70
65
60
55
50 test result
45
40 cutting manual
35 Metallurgist
30
25
20
15
10
5
0
100 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90
Pureté oxygène (%)

7
A l’aide des graphiques on peut en fonction du degré de pureté, extrapoler les paramètres et
faire une estimation des consommables et du temps nécessaire à la réalisation d’une coupe
(voir exemple tableau n° 1)

Tableau n°1 : Prévisions sur une longueur de découpe de 10 m

Pureté Nb électrodes % Durée coupe (min) % Cons. O2 par %


(%) (u) en + en + coupe (l/cm) en +
99,9 26,3 19:50 11,6
99 27 2,66 21:05 7,94 12,6 8,6
98 28,6 8,74 22:31 14,41 13,6 17,2
97 29 10,26 24:09 23,53 14,6 25,9
96 30 14 26 33,33 15,6 35,5
95 32 21,67 28:14 44,3 16,6 42,2

Conclusions :
Comme on peut s’en rendre compte à la lecture des différents graphiques et du tableau, il est
toujours préférable d’utiliser un oxygène de grande pureté afin d’obtenir un rendement
maximum, mais la présence de quelques dixièmes de pourcent d’impureté dans l’oxygène
n’est pas susceptible de fortement modifier la découpe.
Si l’on fait par exemple une comparaison entre du 99,9% et du 98 % sur une coupe de 10
mètres on constate que la perte d’efficacité n’est pas très importante.
On constate également, que la courbe de régression annoncée par les fabricants d’électrodes
ainsi que dans les manuels ne correspond pas à la réalité qui apparait dans les divers
graphiques ainsi que dans le tableau.
De plus, les tests fait avec du 95% ont démontré qu’il n’y avait aucune difficulté à découper
avec cette teneur d’oxygène.
A titre de comparaison, la courbe de régression établie suite à des essais réalisés au
chalumeau découpeur faite par les métallurgistes7 a été ajoutée sur le graphique n° 6.
On constate qu’elle décroit plus rapidement que la courbe calculée d’après les tests.
Cette différence est due principalement à la différence de température de la flamme de l’outil
de coupe utilisé qui rappelons-le, pour un chalumeau découpeur est liée au gaz combustible et
ne dépasse généralement pas 3500 °C (6332 °F).
En ce qui concerne le découpage sous eau, on peut dire sans se tromper qu’une variation du
pourcentage de pureté sera plus rapidement ressentie lors de l’utilisation d’un chalumeau
sous-marin qu’avec des électrodes thermiques.
Enfin, ces tests on permit de constater que contrairement à ce que certains pensaient, la
profondeur d’eau et donc l’augmentation de la pression partielle de l’oxygène dans un
mélange appauvri n’améliorait en rien les performances de coupe par rapport à ce même
mélange en surface bien au contraire puisque dans le cas présent on a vu que la limite du
pourcentage d’oxygène permettant d’encore (difficilement) découper était de 75% alors qu’en
surface le 70% découpait encore (relativement) bien.
L’idée d’utiliser un mélange d’oxygène appauvri à grande profondeur n’est dès lors pas
exploitable.

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Références :
1
FACTORS AFFECTING QUALITY IN OXY-FUEL CUTTING
https://www.esabna.com/shared/content/upload/oxy-fuel-cutting-quality.pdf

2
BROCO / Underwater Cutting Products Operating Instructions
https://www.broco-rankin.com/linkservid/1B96F93A-F9B7-684A-
FCF63357F2539212/showMeta/0/

3
U.S. NAVY UNDERWATER CUTTING & WELDING MANUAL
https://maritime.org/doc/pdf/cut_weld.pdf

4
IOGP Oxy-arc underwater cutting recommended practice
https://www.offshore-europe.co.uk/__novadocuments/99578?v=635756647338970000

5
Exothermic cutting with poor oxygen
https://www.youtube.com/watch?v=zz5i_O4b73I&t=93s

6
Discussion on Steel Burning in Oxygen (from a Steelmaking Metallurgist's Perspective),
Flammability and Sensitivity of Materials in Oxygen-Enriched Atmospheres: Ninth
Volume, ASTM STP 1395, T. A. Steinberg, H. D. Beeson and B. E. Newton, Eds.,
American Society for Testing and Materials,
West Conshohocken, PA, 2000.
https://studylib.net/doc/18833405/discussion-on-steel-burning-in-oxygen#

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