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L’Agence régionale du patrimoine PACA a EN EXPLORANT À L’ÉCHELLE NATIONALE les “retombées” écono-
été chargée par le ministère de la Culture de miques et sociales du patrimoine, c’est à un très complexe tra-
mener une étude nationale sur les apports vail d’évaluation que s’est attelée l’Agence du Patrimoine en
sociaux et économiques du patrimoine. Les Région PACA. La mesure du “retour sur investissement” des
chiffres présentés ci-dessous, établis au 1er crédits publics en faveur du patrimoine montre en effet com-
janvier 2007, concerne 42 644 monuments bien la culture se dérobe à une approche linéaire et causale – et
historiques et sites protégés, dont 13 344 donc à une argumentation simpliste : le patrimoine ne rapporte
monuments classés, 28 623 monuments ins- directement que peu (à part quelques recettes directes de billet-
crits, auxquels il faut ajouter 1 207 musées de terie) et ne participe que de manière biaisée (‘‘induite’’) au
France et annexes, 34 musées nationaux, 124 marché du travail (à part quelques emplois de guides, de gar-
villes bénéficiant du label “Ville d’art et d’His- diens de musées et de fonctionnaires spécialisés). Son apport
toire” et 97 secteurs sauvegardés. La conclu- principal est toujours diffracté : le patrimoine – et la culture en
sion est limpide : la richesse culturelle de ce général – tisse un réseau de savoirs, d’échanges, d’attractivité
patrimoine n’a d’égale que la richesse écono- et de vitalité tant communautaire qu’individuelle qui favorise
mique et sociale qu’elle génère. Elle mérite l’emploi, la richesse, l’autonomie des territoires et le bien-être
donc pleinement de bénéficier du soutien des des personnes et des groupes. C’est une part de cette irrigation
pouvoirs publics. On notera enfin qu’il s’agit générale du tissu social que démontre magistralement cette
de la première étude nationale de ce type étude, chiffres à l’appui, faisant ainsi la preuve de la légitimité
et de la nécessité des crédits publics pour ce domaine de la
culture qui apparaît trop souvent comme un poids alors qu’il est l’une des
conditions nécessaires d’un envol des politiques culturelles publiques.
Révélation contre a priori. « Le patrimoine bâti est sation d’événements (12,5 millions d’euros). A ces
encore trop souvent perçu comme une charge que postes majeurs de rentrées financières, il faut ajouter,
les sociétés riches peuvent à la rigueur assumer par outre les recettes liées aux visites guidées et audio-
supplément d’âme ou par prestige, mais coûteuse et guidées, 138,9 millions d’euros « d’autres recettes »
sans valeur économique », écrit Philippe Joutard, pré- bénéficiant principalement à quelques sites majeurs,
sident de l’Agence régionale du patrimoine PACA. comme des locations pour des tournages de films,
C’est pourtant tout à fait inexact, car les richesses des droits photographiques ou encore des “petits
économiques et le bien-être social sont étroitement trains”…
liés à cette dimension de la réalité culturelle qui « ne Au total, les recettes directes s’élève à 521 millions
peut être délocalisée et donc résiste à la logique de la d’euros, plus du double de l’investissement de l’Etat
mondialisation ». Sans compter « qu’on ne sera pas (227 millions d’euros). De manière plus précise, dans
grand prophète en prévoyant la persistance, pour ne la mesure où l’Etat ne finance l’entretien du patrimoine
pas dire le progrès, de l’attrait du patrimoine bâti » et qu’à hauteur de 30 à 50% – les collectivités y contri-
donc l’accroissement sans terme de ses bienfaits. buent pour environ 500 millions d’euros (voir encadré
C’est bien économiquement que le dynamisme lié page 4) –, on peut estimer que les seules recettes direc-
au patrimoine est le plus saisissant. Rapportant plus tes épongent jusqu’à 70% les dépenses publiques.
de 21 milliards d’euros par an, la richesse générée
par le patrimoine « est plus de vingt fois supérieure Grâce aux retombées économiques indirectes du
à ce qu’il mobilise comme dépenses publiques d’in- patrimoine, en revanche, chaque euro public dépensé
vestissements de la part des collectivités territoriales rapporte 20 euros – soit plus de 20,5 milliards d’euros !
comme de l’Etat ». Le détail de lignes budgétaires analysées pour mesu-
rer au plus près ces retombées économiques indirectes
Socialement aussi, le patrimoine mérite le soutien
est sans doute la donnée la plus intéressante de cette
public car il représente plus de 500 000 emplois, des
étude. Bien évidemment, des choix ont été faits (et
emplois qui, de surcroît, « sont pour la plupart d’en-
les auteurs, appelant de leurs vœux d’autres travaux,
tre eux hautement qualifiés et porteurs de valeurs
insistent sur la difficulté que représente la mesure de
associées (historiques, pédagogiques, citoyennes…)
cet impact indirect). Mais ces choix sont clairs et tra-
contribuant fortement au renforcement des identités
duisent avec force la transversalité des apports écono-
culturelles ». Ainsi, soutenir le patrimoine, c’est sou-
miques du patrimoine.
tenir des professionnels aux savoirs et savoir-faire de
haute volée et donc contribuer à entretenir et élever le - Le chiffre d’affaires (CA) du tourisme patrimonial
niveau d’intelligence et de technicité de notre société représente à lui seul 15,5 milliards d’euros. Ici, le
(des compétences qui, par ailleurs, s’exportent très plus gros “poste” est l’hébergement (26%), suivi
bien, à la différence du monument patrimonial). par les transports (20%) et l’alimentation (20%).
Les retombées économiques directes du patrimoine - Le CA des métiers de la restauration des bâtiments,
sont essentiellement générées par la billetterie, soit, c’est-à-dire « le volume et la structure des dépen-
en 2007, 258,7 millions d’euros (dont 69% en Ile-de- ses des entreprises engagées dans le secteur de la
France). Autres recettes directes : l’exploitation d’une restauration du patrimoine », s’élève à 5,1 milliards
librairie-boutique (92,4 millions d’euros) et l’organi- d’euros. Ici, le détail s’avère assez complexe, car
Dans une étude sur “les dépenses culturelles des collec- Dépenses des Départements
tivités locales en 2006’’ (mars 2009), le Département des
- Conservation et diffusion du patrimoine : 54% des dépen-
études, de la prospective et des statistiques (DEPS) de
ses culturelles globales, soit 634,3 M€ (10,8 € par habi-
ministère de la Culture fournit des données précises sur
tant), dont 55% en investissement.
l’engagement financier des pouvoirs locaux pour le pa-
- Musées : 150 M€ (2,6 € par habitant), dont plus de 70% est
trimoine sur l’année 2006 (entretien du patrimoine et mu-
consacré en fonctionnement
sées, mais aussi bibliothèques et archives). On regrettera
juste l’absence de données pour les communes de moins - Entretien du patrimoine : 247,7 M€ (4,2 € par habitant),
de 10 000 habitants. Quelques chiffres. dont 71% sont destinés à l’investissement.