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Numéro 125 Novembre • Décembre 2002

L’obligation de
résultats en éducation :
rendre compte ou
se rendre compte
Vie pédagogique, novembre-décembre
sommaire 2002 PARENTS ENGAGÉS : LA RÉUSSITE SCOLAIRE ET recherche en éducation
mot de la rédaction
QUEL APPORT AU LA TAILLE DES CLASSES
4 RENOUVEAU? par Christian Neveu et
Jean-Guy Blais
48
par Arthur Marsolais
Cet article propose une lecture de Cet article résume les résultats de
LA PERCEPTION NÉGATIVE la réforme en cours susceptible recherches traitant directement ou en abrégé
DES CAMARADES DE d’aider les parents à en saisir indirectement de l’effet de la taille
CLASSE À L’ÉGARD DES davantage le sens et la portée et,
conséquemment, pour le plus grand
des classes sur la réussite scolaire.
Les auteurs nous parlent aussi des
53
ÉLÈVES PRÉSENTANT effets positifs de la réduction du
bénéfice des élèves, d’accroître
DES DIFFICULTÉS DE leur désir d’engagement au regard nombre d’élèves par groupe sur
COMPORTEMENT : UN ces derniers, sur le personnel
outils et techniques
de l’école.
OBSTACLE AU SUCCÈS DE
NOS INTERVENTIONS? 8
enseignant et sur l’ensemble de
la classe. 55
par Nadia Desbiens et
Anne Desrosiers
Les auteures de cet article réflé-
14 lus, vus et entendus
chissent à la question de l’efficacité
des programmes de développement 56
d’habiletés sociales offerts aux
élèves en difficulté de comporte-
ment, et ce, notamment en prenant histoire de rire
en compte les effets de la perception
négative que maintiennent à leur
endroit les autres élèves de la classe.
58
5

dossier L’OBLIGATION DE RÉSULTATS EN ÉDUCATION :


16 RENDRE COMPTE OU SE RENDRE COMPTE
Le concept d’obligation de résultats appliqué au domaine de l’éducation est certes un des thèmes les plus
délicats et difficiles à traiter, compte tenu de sa complexité et des enjeux qu’il revêt aux yeux des différents
acteurs du système éducatif. Malgré cela, Vie pédagogique a choisi d’y consacrer le présent dossier afin d’offrir
aux diverses parties prenantes un ensemble de réflexions issues de l’expertise et de l’expérience de personnes
qui se sont engagées dans la recherche de sens à donner à ce concept et dans son application dans le milieu
scolaire.

L’OBLIGATION DE L’OBLIGATION DE DIRIGER ET RENDRE DES À L’ÉCOLE SECONDAIRE


RÉSULTATS, DE MOYENS RÉSULTATS : UNE COMPTES : STABILITÉ… SIEUR-DE-COULONGE :
OU DE COMPÉTENCES : OBLIGATION « PROFES- TRANSPARENCE… UNE RÉFLEXION
L’AFFAIRE DE TOUT LE SIONNALISANTE » COMPÉTENCES… CONCERTÉE ET UNE
MONDE OU L’AFFAIRE (REGARD D’AILLEURS) par Mireille Jobin DÉMARCHE COLLECTIVE
DE CHACUN? Entrevue avec Mme Lise Demailly POUR LA RÉUSSITE DES
par Claude Lessard Propos recueillis par
Monique Boucher
36 ÉLÈVES
par Adèle Gourd
17 28 AMÉLIORER SES
RÉSULTATS, OUI, 45
OBLIGATION POUR QUI? MAIS COMMENT?
RÉSULTATS DE QUOI? ENSEIGNER ET RENDRE par Luce Brossard LE PLAN DE RÉUSSITE
par Jacques Henry COMPTE DES RÉSULTATS : POUR UNE ÉCOLE EN
EST-CE MENAÇANT OU 40 ACTION!
24 STIMULANT?
par Marthe Henripin
par Esther Lemieux et Denis Dion
À L’ÉCOLE LA SOURCE :
32 LE PLAN DE RÉUSSITE 47
ET L’OBLIGATION DE
RÉSULTATS, UNE
DÉMARCHE QUOTIDIENNE
par Adèle Gourd

43
Numéro 125
Novembre-décembre 2002
Revue québécoise de développement péda-
gogique publiée par le Secteur de l’éducation
préscolaire et de l’enseignement primaire et
secondaire en collaboration avec la Direction
des communications et la Direction des
ressources matérielles.
Secteur de l’éducation préscolaire et
de l’enseignement primaire et secondaire
Ministère de l’Éducation
mot de la rédaction
600, rue Fullum, 10e étage
Montréal H2K 4L1
Tél. : (514) 873-8095
Télec. : (514) 864-2294
Courrier électronique :
vie.pedagogique@meq.gouv.qc.ca
OUI, MAIS SI…
SOUS-MINISTRE ADJOINT

L
Robert Bisaillon a réalité des difficultés, de disant cela, se méfier tout autant, même temps que de pré-

mot de
Vie pédagogique l’échec et du désengagement sinon encore davantage, de ce que voyance, afin de réduire la
DIRECTION
Monique Boucher scolaires d’un trop grand l’on croit être LA VÉRITÉ et savoir part de risque liée à l’action
COMITÉ DE RÉDACTION nombre de garçons est un sujet qui, apprécier l’apport dynamique de à venir. Au cœur de l’action,
Ghislaine Bolduc
Monique Boucher notamment ces derniers temps, fait l’incertitude dans nos prises de elle prendra place dans ce
Ginette Brisebois couler beaucoup d’encre et suscite décision. qu’on appelait autrefois la
Réjeanne Côté
Yvon Côté moult discussions et actions à En ce sens, je me permets en guise prudence, qui est souci cons-
Thérèse Des Lierres
Cyrias Fortin l’intérieur comme à l’extérieur de de suite et fin de ce mot de la rédac- tant de mesure en vue d’une
Nicole Gagnon l’école. Dans son numéro d’avril- tion, de partager avec vous un autre juste pondération du geste

la
Arthur Marsolais
Joanne Munn mai 2003, Vie pédagogique con- extrait du livre de M. Bourgeault posé et de ses effets, et
Marc St-Pierre
Manon Sénécal sacrera aussi à la question l’atten- que je citais précédemment. en temps utile, c’est-à-dire
Marthe Van Neste tion qu’elle mérite. Mais, compte
SECRÉTARIAT
[…] L’efficacité de l’action avant qu’il ne soit trop tard,
Josée St-Amour tenu de l’importance de ses consé- et sa justesse, son à-propos, les corrections de trajectoire
COORDINATION À LA PRODUCTION quences et malgré qu’elle dépasse
Michel Martel on aurait dit autrefois sa éventuellement requises.
DISTRIBUTION la seule responsabilité de l’école, rectitude, exigent la loyale Après l’action, la prise en
Lise L. Duchesne cette problématique presse le
SUPERVISION DE LA RÉVISION LINGUISTIQUE prise en compte des incer- compte de l’incertitude
Suzanne Vinet milieu scolaire de s’engager, entre titudes qui l’enserrent de prendra la forme d’une vigi-

rédac-
PHOTOCOMPOSITION TYPOGRAPHIQUE ET autres choses, dans la recherche et
PHOTOGRAVURE toutes parts en amont, dans lance critique de qui sait que
Composition Orléans la mise en œuvre de modèles orga- la décision prise sans qu’il son action, malgré les pré-
IMPRESSION nisationnels et pédagogiques sus-
Imprimerie L’Éclaireur soit jamais possible d’avoir cautions prises, aura des
PHOTO DE LA PAGE COUVERTURE ceptibles de corriger ou, du moins, en mains toutes les données effets non prévus et donc
Denis Garon
d’améliorer la situation. souhaitables; en son cœur non voulus, certes, mais
PUBLICITÉ
Donald Bélanger Certes, il y a urgence d’agir, et ce, même, compte tenu de la néanmoins néfastes, et qui
Tél. : (450) 974-3285
Téléc. : (450) 974-7931 malgré qu’il s’agisse d’une question complexité des situations se reconnaît malgré tout res-
Société canadienne des postes tout aussi complexe que controver- dans lesquelles elle prend ponsable des conséquences

tion
Envois de publications canadiennes
Contrat de vente no 40062502 sée et donc porteuse d’une large
Dépôt légal, bibliothèque nationale du Québec
place; en aval, dans ses con- des gestes posés ET respon-
part d’incertitude.
ISSN 0707-2511 séquences non seulement sable aussi, surtout, de
Les textes publiés dans Vie pédagogique sont Comme le rappelle d’ailleurs
indexés dans le Répertoire canadien sur imprévues, mais imprévi- prendre de nouvelles déci-
l’éducation et dans Repère. M. Guy Bourgeault, professeur à
sibles. Sans quoi, comme dit sions et d’entreprendre de
Les opinions émises dans les articles de cette l’Université de Montréal, dans son
revue n’engagent que les auteurs et non l’adage, l’aveugle qui guide nouvelles actions pour, s’ils
le ministère de l’Éducation. livre intitulé Éloge de l’incertitude,1
l’aveugle court à sa propre ne peuvent être éliminés,
Toute reproduction est interdite. Cependant, […] Toutes les décisions se
les étudiants et le personnel d’un établissement perte et l’y mène. réduire l’importance des
d’enseignement situé au Québec peuvent, prennent dans l’incertitude.
à des fins personnelles ou d’enseignement, Avant l’action, lorsque se effets négatifs de son action
reproduire la totalité ou une partie des articles Autrement, on ne décide pas.
prend la décision d’agir, et antérieure. […]
figurant dans la revue Vie pédagogique, à On prend acte simplement,
condition d’en citer la source, lorsqu’applica- de poser tel geste plutôt que Monique Boucher
ble. Toute autre reproduction, notamment à des après coup, de ce qui est
fins commerciales, nécessite l’autorisation tel autre, de faire telle inter-
du titulaire de droit. advenu. […]
vention jugée préférable à 1. BOURGEAULT, GUY.
On peut recevoir, gratuitement, au Québec, Aussi, bien qu’il soit légitime de «Éloge de l’incertidude»,
Vie pédagogique en écrivant à : toute autre, la prise en
DISTRIBUTION DE VIE PÉDAGOGIQUE
rêver d’avoir la bonne réponse Montréal, Éditions Bellarmin, 1999.
compte de l’incertitude se
Service de la diffusion avant de passer à l’action, il faut, et
Ministère de l’Éducation fera effort de prévision en
3220, rue Watt, bureau 101 je n’apprendrai rien à personne en
Sainte-Foy (Québec) G1X 4Z7
98-0808

VIE
4 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

LA PERCEPTION NÉGATIVE DES CAMARADES DE


CLASSE À L’ÉGARD DES ÉLÈVES PRÉSENTANT DES
DIFFICULTÉS DE COMPORTEMENT : UN OBSTACLE
AU SUCCÈS DE NOS INTERVENTIONS?
par Nadia Desbiens et Annie Desrosiers
RÉSUMÉ sources, seuls les élèves pour ment ne possèdent pas les habiletés de problèmes (réagir à une pro-
lesquels il est urgent d’intervenir sociales leur permettant d’être vocation, gérer la colère) et au

L
e présent article fait le

L point sur l’efficacité des


programmes d’entraînement
aux habiletés sociales destinés aux
sont formellement déclarés au mi-
nistère de l’Éducation du Québec
(Conseil supérieur de l’éducation,
2001).
acceptés à l’école ou ne savent pas
quand ou comment les utiliser
(Kauffman, 1997). De tous les
élèves en difficulté, ceux qui mani-
respect des normes relatives au
fonctionnement à l’intérieur d’un
groupe donné. De même, l’ensei-
gnement d’habiletés sociales parti-
élèves du primaire qui présentent
des difficultés de comportement. La Les enfants qui présentent des diffi- festent des problèmes de comporte- culières a pour but de diminuer la
participation des camarades de cultés de comportement éprouvent ment sont les moins populaires fréquence des comportements qui
classe à l’intervention comme agents une incapacité à s’adapter au con- (Desbiens et autres, 1998; 1999; nuisent aux relations interperson-
de renforcement y est présentée texte scolaire. Ces élèves gênent Royer et autres, 1997). nelles des enfants (hostilité, agres-
comme une initiative intéressante constamment le déroulement des ENSEIGNEMENT DES sivité, anxiété, etc.).
pour augmenter le transfert et la classes et respectent difficilement Plusieurs chercheurs ont évalué
HABILETÉS SOCIALES
généralisation des apprentissages les normes scolaires. Leurs diffi- ce type de programmes (Mathur et
EN MILIEU SCOLAIRE
sociaux. On y décrit le Programme cultés se manifestent par des com- Rutherford, 1996). Dans l’ensemble,
portements extériorisés, tels que Chez les jeunes présentant des les résultats sont prometteurs et
de promotion des habiletés sociales
l’agressivité, l’opposition, le refus difficultés de comportement, les montrent qu’un entraînement aux
et de coopération en classe, qui a
persistant d’encadrement et la per- déficiences observées dans leurs habiletés sociales permet d’améliorer
été expérimenté dans six écoles1
turbation de l’ordre scolaire, ou par habiletés sociales constituent une sensiblement le répertoire compor-
primaires. Les résultats obtenus
des comportements intériorisés, variable critique dans la réussite de temental des enfants. Les habiletés
montrent que, malgré un change-
tels que la passivité, la dépendance leur intégration scolaire. Les habi- et les comportements acquis en
ment dans le comportement des
et la dépression. Ces élèves vivent letés sociales sont habituellement situation d’entraînement ne se géné-
élèves en difficulté, les perceptions
également des relations sociales dif- définies comme des comportements ralisent toutefois pas toujours aux
négatives de la part des camarades
ficiles et peu harmonieuses avec appris qui sont socialement accep- autres environnements et ne se
de classe persistent et ont des consé-
leurs camarades de classe et leurs tables et qui permettent à un jeune maintiennent pas nécessairement à
quences négatives sur le programme
enseignants. Ils présentent égale- d’établir et de maintenir des rela- la suite de l’intervention.
d’intervention. La discussion porte
ment certaines lacunes sur le plan tions positives avec ses pairs et les Dans l’optique d’augmenter l’effi-
sur la mauvaise réputation des
sociocognitif, qui se traduisent adultes. Elles peuvent être consi- cacité de ce type de programmes,
élèves qui présentent des difficultés
notamment par une difficulté à dérées comme les ingrédients de certains chercheurs ont souligné la
de comportement et sur ses consé-
adopter la perspective d’autrui sur base pour acquérir une compé- nécessité de mettre en place des
quences au regard de nos interven-
les plans cognitif et affectif, une ten- tence sociale (Desbiens et autres., interventions impliquant les agents
tions en classe.
dance à agir sans réfléchir et sans 1998; Royer et autres., 1997; Walker, sociaux (parents, enseignants, pairs)
INTRODUCTION anticiper les conséquences de leurs Colvin et Ramsey, 1995). qui agissent directement sur la vie
La préoccupation du milieu scolaire actions, une propension à attribuer C’est dans cette optique que de ces jeunes. Ainsi, il est recom-
à l’égard des élèves qui éprouvent des intentions hostiles à autrui et à plusieurs programmes d’interven- mandé d’évaluer dans quelle mesure
des problèmes de comportement en réagir en conséquence, un faible tion ont été conçus au cours des ces agents de socialisation peuvent
classe s’est accrue au cours des raisonnement moral et des diffi- deux dernières décennies. Ces pro- améliorer le maintien et la générali-
dernières années. Parmi les éléments cultés à contrôler leurs émotions grammes visent essentiellement le sation des apprentissages effectués
ayant pu y contribuer, signalons le négatives (Dodge, 1993). Ces carac- développement de compétences chez dans un programme d’entraînement
nombre sans cesse grandissant de téristiques personnelles amènent les enfants et la réduction des com- aux habiletés sociales. Or, les pairs
ces jeunes. Au primaire, le nombre rapidement ces enfants à éprouver portements inadéquats. Les interven- constituent une source d’influence
d’élèves ayant des difficultés de des difficultés à l’école et à subir tions sont centrées sur la régulation sociale très importante chez les
comportement a triplé au cours des du rejet social. Le fait qu’ils ont des émotions et sur l’acquisition jeunes, et ce, dès les premières
quinze dernières années2, passant peu d’habiletés sociales apparaît d’habiletés sociocognitives, de stra- années de fréquentation scolaire.
de 0,78 p. 100 en 1984-1985 à d’ailleurs comme un élément parti- tégies d’autocontrôle et de résolu- C’est ainsi que les chercheurs et les
2,50 p. 100 en 1999-2000 (soit de culièrement déterminant dans leurs tion de problèmes (Cartledge et praticiens ont eu recours à la par-
4 170 à 14 145 en chiffres abso- difficultés à établir et à maintenir Milburn, 1995). L’entraînement aux ticipation des pairs pour améliorer
lus). Or, ces statistiques ne reflètent des relations sociales positives avec habiletés sociales vise donc à sus- la quantité et la qualité des interac-
que partiellement l’ampleur réelle les autres (Bullock, Gable et Ruther- citer les comportements associés à tions sociales chez les enfants en
du phénomène. Sur le terrain, les ford, 1996). De nombreuses études la coopération, aux habiletés de difficulté. Ce type d’intervention est
milieux scolaires confirment que, montrent en effet que les jeunes communication (s’affirmer, négo- fondé sur le postulat que l’enfant
par manque de temps et de res- ayant des difficultés de comporte- cier), aux habiletés de résolution

PÉDAGOGIQUE
5
développe ses habiletés et apprend d’école devaient accepter une ré- aux élèves des techniques de réso- une série d’analyses qui révèlent
par ses interactions sociales avec partition des classes au hasard afin lution de problèmes, des habiletés que les élèves ayant des difficultés
les pairs. La participation de pairs de respecter les impératifs du con- interpersonnelles et l’autocontrôle. de comportement se caractérisent
socialement compétents aux ateliers trôle méthodologique. Au total, neuf Les ateliers, animés par des étu- par un profil nettement plus négatif.
d’entraînement aux habiletés sociales classes de troisième année du pri- diantes diplômées, étaient offerts à Les analyses montrent que ces
favoriserait l’apprentissage de com- maire ont été assignées aléatoi- raison de deux heures par semaine élèves sont peu appréciés par leurs
portements sociaux adaptés tout en rement à une des trois conditions (deux ateliers de 60 minutes cha- pairs et davantage rejetés. Ces
fournissant un environnement plus de l’étude, soit : condition I - pro- cun), et ce, pendant dix semaines. jeunes sont perçus par les autres
naturel qui facilite le maintien et la gramme d’entraînement aux habiletés Les séances étaient intégrées à l’ho- élèves comme ayant de moins
généralisation des nouveaux com- sociales; condition II - programme raire de cours ordinaire et offertes bonnes habiletés sociales, mani-
portements (Carteldge et Milburn, d’entraînement aux habiletés sociales dans la classe. festant plusieurs comportements
1995; Mathur et Rutherford, 1996). et activités pédagogiques coopéra- Parallèlement aux ateliers d’ensei- sociaux inadaptés et ayant plus de
PROGRAMME DE PROMOTION tives; condition III - groupe témoin. gnement des habiletés sociales, les difficultés scolaires. Les résultats
Au total, l’échantillon comprenait classes du groupe expérimental II indiquent aussi que ces élèves sont
DES HABILETÉS SOCIALES ET
212 enfants (110 filles et 102 gar- participaient également à des acti- perçus par leurs compagnons
DE COOPÉRATION EN CLASSE
çons). Les enfants présentant des vités pédagogiques coopératives avec comme moins habiles sur le plan
Notre analyse nous permet d’esti- difficultés de comportement ont des pairs reconnus pour leurs com- sportif.
mer le bien-fondé des approches ensuite été ciblés selon l’un ou portements prosociaux, à raison L’évaluation faite par les enseignants
visant le développement des compé- l’autre des critères suivants : 1) l’en- d’au moins deux heures par semaine soulève aussi plusieurs différences
tences sociales, comportementales fant a officiellement été reconnu (quatre activités de 30 minutes). entre les deux groupes. Les élèves
et cognitives chez les enfants pour par l’école comme ayant des diffi- Ces activités étaient structurées de présentant des difficultés de com-
prévenir les problèmes de com- cultés de comportement lors de la façon à regrouper les élèves, de portement sont perçus par leurs
portement. Si l’on s’attarde aux déclaration de clientèle au minis- manière hétérogène, selon leur cote enseignants comme ayant de plus
enfants à risque dans le contexte tère de l’Éducation du Québec; de popularité et en tenant compte faibles compétences scolaires et
scolaire, nous devons concevoir des 2) l’enfant a été reconnu comme tel des préférences des élèves ayant des sociales. Ils se distinguent aussi des
interventions qui leur permettent de
par l’enseignant à partir d’une difficultés de comportement. Une élèves ordinaires par une conduite
mieux gérer leurs émotions, d’ajus-
procédure de dépistage systéma- attention particulière a été accordée sociale marquée par l’agressivité et
ter leurs comportements en fonc-
tique des difficultés de comporte- au jumelage des élèves afin que les la turbulence en classe. Quant à
tion des demandes formulées à leur
ment intériorisés et extériorisés, jeunes en difficulté soient associés à l’évaluation faite par les élèves rela-
endroit, de résoudre pacifiquement
adaptée du Systematic Screening des pairs prosociaux partageant des tivement à leur sentiment de com-
leurs conflits et d’éviter le rejet par
for Behavior Disorders (Walker et caractéristiques communes avec pétence personnelle, les résultats
les pairs. Dans cette perspective,
Severson, 1994). Parmi les 212 en- eux sur le plan des champs d’inté- n’indiquent aucune différence entre
il nous apparaît primordial d’inter-
fants de l’échantillon, 54 élèves ont rêt, comme les sports pratiqués, ou la perception des élèves ordinaires
venir directement auprès de ces
été reconnus comme présentant des ayant des amis communs. Puisque et celle des élèves en difficulté, ces
jeunes, dans la classe, et de prévoir
difficultés de comportement, soit ce mode d’enseignement comporte derniers se percevant aussi compé-
des modalités d’intervention inci-
21 filles et 33 garçons. Plusieurs un certain nombre de principes de tents que les élèves ordinaires.
tant les compagnons de classe à
données ont été recueillies avant la base qu’il est préférable d’appli- Ensuite, nous avons procédé à l’ana-
soutenir et à renforcer le change-
mise en œuvre du programme d’in- quer avec rigueur, les enseignants lyse de l’incidence du programme
ment de comportement chez les
tervention, en novembre (pré-test), responsables des groupes de cette de prévention en comparant les
élèves qui présentent dès les pre-
puis quelques semaines après la fin condition ont participé à une for- résultats obtenus par les classes afin
mières années du primaire cer-
du programme en juin (post-test). mation sur l’apprentissage coopé- d’évaluer l’efficacité du programme
taines difficultés de comportement.
Les élèves ont été évalués par leurs ratif. Au cours de l’expérimentation d’entraînement aux habiletés
Un programme de promotion des
habiletés sociales et de coopération pairs et leur enseignant selon plu- du programme, trois évaluations sociales et de vérifier dans quelle
en classe a donc été expérimenté sieurs aspects du fonctionnement ont permis de vérifier la qualité et mesure une stratégie impliquant les
avec le concours de la Commission social et scolaire. Des moyens per- l’intégrité relatives à cette compo- pairs augmente les effets de l’inter-
scolaire de la Jeune-Lorette, dans la mettant de mesurer l’acceptation et sante. À cette fin, les observateurs vention. À notre grand étonnement,
région de Québec. Ce programme l’appréciation par les pairs, le niveau ont effectué un retour sur les acti- les résultats obtenus à la suite des
visait l’amélioration du comporte- d’intégration sociale en classe, de vités avec l’enseignant, en discutant analyses statistiques n’indiquent
ment social des enfants ayant des même que le sentiment de com- des différents points à améliorer. aucune différence notoire entre les
difficultés de comportement, de pétence sociale ont également été RÉSULTATS groupes, à la suite de l’application
même qu’une meilleure intégration utilisés. du programme. Pourtant, aux dires
Tout d’abord, nous nous sommes
sociale dans la classe. PROGRAMME PARC des enseignants, les jeunes ayant
assurés que les élèves déclarés
participé au programme avaient bel
PLAN DE RECHERCHE Le programme PARC3 (Potvin et comme présentant des difficultés de
et bien amélioré leurs compor-
Avant d’amorcer le programme de autres, 1988) a été utilisé pour ensei- comportement montraient un profil
tements sociaux en classe. À cet
prévention, nous avons commu- gner les habiletés sociales aux six de fonctionnement scolaire et social
égard, une analyse de portée de
niqué avec six écoles de la région classes correspondant aux con- distinct de celui des élèves qui ne
l’effet (effect size) suggère effec-
de Québec situées dans un milieu ditions expérimentales I et II. Ce manifestaient pas de problèmes
tivement que le programme d’inter-
socioéconomique moyen. Pour par- programme comprend une série comportementaux (élèves ordi-
vention a permis une amélioration
ticiper à la recherche, les directions d’activités permettant d’enseigner naires). Nous avons ensuite effectué
modeste mais réelle chez les élèves

VIE
6 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

les pairs, les enseignants et les fronter l’indifférence ou la méfiance composantes d’une intervention sur
élèves en difficulté eux-mêmes. Or, de leurs pairs qui leur prêtent des le comportement des jeunes.
les perceptions d’une personne sont intentions hostiles et leur imputent Malgré le fait que nous avons indé-
étroitement liées à ses sentiments et la responsabilité des actes qui per- niablement amélioré notre compré-
à ses attitudes, qui fluctuent conti- turbent le fonctionnement de la hension des difficultés de compor-
nuellement selon les événements. classe. Dans ces conditions, on ne tement, beaucoup de chemin reste
Puisque les élèves qui manifestent peut obtenir l’effet d’enclenchement à faire en ce qui a trait à l’interven-
des difficultés de comportement se (entrapment effect) recherché par tion. La problématique des jeunes
trouvent bien souvent en conflit l’intervention. Alors que les nou- ayant des difficultés de comporte-

Photo : Denis Garon


avec les enseignants et les pairs, velles conduites sociales de l’élève ment est complexe, tout autant que
il est possible que la perception de en difficulté devraient susciter des les conditions nécessaires pour les
ces derniers à l’égard de ces élèves réactions positives dans l’entou- prévenir ou les atténuer. L’école a
se soit figée au point de rendre très rage, ce qui, en retour, assure le pour mission d’instruire et de socia-
ayant des difficultés de comporte- difficile tout changement de per- renforcement de ces comporte- liser les élèves. Pour certains jeunes
ment. En effet, bien que les élèves ception, et ce, en dépit d’un réel ments, les pairs ne semblent pas qui présentent des difficultés de
de l’échantillon ayant des difficultés changement de comportement de enclins à réagir positivement aux comportement, elle représente une
soient toujours perçus négativement l’enfant par l’entremise d’une inter- efforts de l’élève en difficulté. Sans chance unique de développer les
par les pairs et qu’ils présentent de vention éducative. un accueil favorable de la part des compétences nécessaires à leur
moins bonnes habiletés sociales, ils Le fonctionnement social de l’élève pairs, les nouveaux comportements réussite éducative. La mise en
obtiennent tout de même plus de est à l’origine de sa réputation sociaux ne peuvent se maintenir ni œuvre de projets éducatifs et de
nominations positives après le pro- sociale. De façon générale, on peut se généraliser à d’autres contextes. programmes d’intervention pour
gramme et leurs pairs estiment émettre l’hypothèse qu’après une Les résultats de cette étude montrent enseigner les comportements pro-
qu’ils ont amélioré leurs habiletés certaine période de temps la répu- à quel point les camarades de sociaux, la résolution de problèmes
de coopération. Les enseignants tation pourrait devenir un facteur classe doivent être considérés dans et l’autocontrôle sont indispen-
perçoivent également une améliora- indépendant du comportement im- le processus d’intervention auprès sables pour assurer la réussite
tion sur le plan des compétences médiat de l’enfant. Ainsi, en dépit des élèves présentant des difficultés éducative de ces élèves. Maintenir
scolaires et des habiletés proso- d’une amélioration du comporte- de comportement. Associer les ces jeunes à l’école, leur enseigner
ciales. De même, les jeunes ayant ment de l’élève en difficulté, la pairs à titre d’agents de renfor- des stratégies d’adaptation et leur
participé au programme estiment réputation établie contribuerait au cement semble être une stratégie permettre de développer des habi-
qu’ils ont augmenté leur compé- maintien des perceptions négatives pouvant s’avérer efficace. Toutefois, letés fonctionnelles, notamment sur
tence scolaire et ont une meilleure à son endroit. À cet égard, certaines nos résultats indiquent que les le plan social, doit demeurer une
perception d’eux-mêmes quant à recherches ont montré que les cama- processus d’exclusion sociale à l’in- préoccupation constante des agents
leur compétence athlétique. Il faut rades de classe tendent à percevoir térieur des groupes-classes peuvent d’éducation. Quant à la recherche,
toutefois noter que ces résultats, les comportements d’un compa- avoir des effets négatifs sur l’effica- sa contribution est essentielle à la
bien qu’ils soient encourageants, ne gnon et à y réagir différemment cité d’un programme d’entraîne- mise en œuvre d’une action con-
ressortent pas dans une analyse selon qu’il a une réputation positive ment aux habiletés sociales. Pour certée dans les milieux scolaires.
évaluative traditionnelle. ou négative auprès du groupe. développer et maintenir les compé- Les chercheurs doivent continuer à
Lorsque la réputation d’un enfant tences sociales chez les jeunes en se préoccuper de créer, d’expéri-
DISCUSSION est établie, un biais réputationnel difficulté, la participation du groupe- menter et d’évaluer des modèles
Devons-nous en conclure que le influerait alors sur la perception classe et de pairs compétents ne d’intervention adaptés à l’école afin
programme mis en œuvre auprès des pairs : le comportement négatif suffit pas. Par conséquent, nous que les jeunes présentant des diffi-
des élèves présentant des difficultés d’un élève aimé et apprécié par ses devons raffiner les modalités d’in- cultés de comportement puissent y
de comportement est un échec? Est- pairs sera minimisé par ceux-ci et tervention qui impliquent les pairs réussir.
ce à dire que ce type d’intervention considéré comme une petite faute et poursuivre nos recherches pour Mme Nadia Desbiens est profes-
est inefficace pour modifier le com- de parcours, alors qu’à l’inverse les approfondir nos connaissances sur seure adjointe au Département
portement social des élèves visés? pairs attribueront la responsabilité cette question. Les conclusions de de psychopédagogie et d’andra-
L’ambiguïté attenante au fait que et le blâme à l’élève peu aimé et peu cette recherche soulèvent aussi la gogie de l’Université de Montréal
leurs résultats n’indiquent pas de apprécié qui adopte ce même com- nécessité de diversifier les instru- et Mme Annie Desrosiers est
différences notoires entre les trois portement. ments utilisés pour évaluer les effets assistante de recherche à la
groupes suscite de nombreuses Dans un tel contexte, les élèves qui des programmes d’entraînement Faculté des sciences de l’éduca-
interrogations. participent à un programme d’in- aux habiletés sociales (évaluation tion de l’Université de Montréal
Un certain nombre de considé- tervention axé sur le développement reposant généralement sur des et enseignante à l’école secon-
rations méthodologiques semblent d’habiletés sociales semblent iné- mesures de perception des pairs et daire des Patriotes, à la Com-
nécessaires à la compréhension des vitablement assujettis aux jugements des enseignants à l’égard des élèves mission scolaire de la Vallée-
résultats obtenus. Dans le cadre de et aux attitudes négatives que les en difficulté) et sur l’importance des-Tisserands.
cette recherche, nous avons estimé camarades de classe entretiennent de mettre sur pied des mesures Références bibliographiques
l’incidence de l’intervention sur le à leur égard. Ainsi, lorsque ces plus fines fondées sur l’observation BULLOCK, L. M., R.A. GABLE et R.B.
comportement des élèves en diffi- jeunes tentent de mettre en pratique directe du comportement pour RUTHERFORD. Improving the Social Skills
culté en mesurant les perceptions of Children and Youth with Emotional/
les habiletés acquises lors d’ate- déterminer exactement la nature de Behavioral Disorders, Reston, Virginia,
de trois sources d’évaluation, soit liers, ils risquent d’être forcés d’af- l’effet que produisent les différentes Council for Exceptional Children, 1996.

PÉDAGOGIQUE
7
CARTLEDGE, G. et J. F. MILBURN. Teaching
Social Skills to Children and Youth :
Innovative Approaches, 3e éd., Massachusetts,
Allyn and Bacon, 1995.
PARENTS ENGAGÉS :
DESBIENS, N. et autres. « La réputation
sociale des élèves en difficulté de compor-
QUEL APPORT AU RENOUVEAU?
tement : impact d’un programme d’entraî- par Arthur Marsolais
nement aux habiletés sociales et de coopéra-
tion en classe ordinaire », Revue québécoise

D
D
epuis 1971, les parents rité absolue du premier cycle (1re et intellectuel relativement poussées
de psychologie, vol. 21, no 2, 2000.
DESBIENS, N. et autres. « Compétence so- volontaires et désignés par 2e années). La langue seconde a plus (autrement dit, moins les tâches
ciale, statut sociométrique et réseaux affilia- leurs pairs ont la parole de place qu’avant, dans les écoles scolaires s’accomplissent aisément
tifs des élèves en trouble du comportement : dans l’école. Depuis très peu d’an- avec un peu de mémoire, un peu
perspectives d’intervention à l’école », Science
de langue française. L’enseignement
et comportement, vol. 26, 1998, p. 107-127. nées, des parents engagés sont au de l’histoire et de la géographie de soumission et beaucoup de
KAUFFMAN, J.W. Characteristics of cœur d’un lieu décisionnel, le con- ouvre une fenêtre sur l’éducation routines!), meilleurs sont les ap-
Emotional and Behavior Disorders of
Children and Youth, 6e éd., Toronto, Merrill
seil d’établissement. Le « décision- civique et politique. L’éducation prentissages. Qu’on apprenne la
Pu. Co., 1997. nel » est-il décisif? A-t-il de quoi technique émerge pour la première géographie, la musique ou la mathé-
MATHUR, S. R. et R. B. RUTHERFORD. séduire et motiver? Et en plus, dans fois au primaire. Enfin, l’éducation matique, on apprend toujours plus
« Analysis of Literature on Social Competence
of Behaviorally Disordered Children and la vaste conjoncture de réforme et scientifique est inspirée par un pro- et mieux si la façon d’apprendre fait
Youth », dans L. M. BULLOCK, R. A. GABLE de renouvellement actuels… gramme retravaillé à fond. s’investir au mieux ce qu’on appelle
et R. B. RUTHERFORD, Improving the Qu’est-ce que des parents d’élèves Le programme d’études du pri- des capacités intellectuelles « géné-
Social Skills of Children and Youth with
Emotional/Behavioral Disorders, Reston, peuvent faire, pour profiter de la maire pris globalement est ambi- riques » (c’est-à-dire non particu-
Virginia, Council for Exceptional Children, réforme et en faire profiter le plus tieux à un deuxième titre : celui lières à une matière). Cela se traduit
1996. possible les jeunes? Telle est la par ce que la réforme appelle les
MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, Direction de
d’une contribution partagée et pla-
l’informatique, Déclaration des clientèles question centrale. Pour y répondre, nifiée des diverses matières à la for- compétences intellectuelles et mé-
scolaires 1999-2000, Gouvernement du il faut commencer par se familiari- mation dite personnelle et sociale. thodologiques. Elles sont qualifiées
Québec, 2000.
POTVIN, P. et autres. Programme d’auto-
ser avec la réforme et dépasser l’in- Cela était souhaité depuis les années de transversales parce que la pra-
contrôle, de résolution de problèmes et de formation trop fragmentaire, celle quatre-vingt, mais sans plus. Le tique pédagogique peut les solliciter
compétence sociale pour les élèves du qui laisse ambivalent. Que signifie programme du primaire orchestre partout.
primaire ayant des troubles du compor-
tement (PARC), 2e édition, Université du la réforme pour un parent d’élève maintenant cet objectif, en posant En deuxième lieu, toujours dans
Québec à Trois-Rivières, 1995. qui participerait volontiers au con- des domaines généraux de forma- la ligne de recherches amplement
ROYER, É. « Behavior Disorders, Suspension seil d’établissement s’il avait l’in- tion (réalités de la santé, de la reconnues, la réforme pousse, dans
and Social Skills : Punishment Is Not
Education », Therapeutic Care and formation lui montrant que sa sociabilité, de la sécurité, du mas- chaque matière, à approfondir
Education, no 4, 1995, p. 32-36. contribution est particulière- culin et du féminin, des rapports plutôt qu’à se disperser, et
ROYER, É. et autres. « Effet d’un programme ment intéressante et utile? Qu’en l’indice d’une excellente assimila-
d’entraînement aux habiletés sociales sur
aux autres, des choix d’études et
le comportement d’adolescents en difficulté est-il, d’abord, pour l’école primaire? de carrières, d’usage intelligent tion des connaissances est celui-ci :
au secondaire », Science et comportement, des médias) auxquels les diverses être capable de se servir de ces
no 26, 1997, p. 1-16. 1. GRANDS TRAITS D’UNE
WALKER, H. M. et H. H. SEVERSON. matières contribuent. Comme base connaissances et de les faire jouer
RÉFORME EN MARCHE
Systematic Screening for Behavior et amorce d’interdisciplinarité, il dans une situation partiellement
Disorders, Longmont, Co. Sopris West, 1994. AU PRIMAIRE
s’agit là d’un énorme pas en avant. nouvelle qui appelle leur appli-
Faire le tour des visées centrales de cation. Il s’agit donc de pousser
1. Les auteures tiennent à remercier
la réforme scolaire, c’est voir qu’elle L’ATTENTION AUX FAÇONS
M. Roger Delisle et M. Richard Tremblay, D’APPRENDRE au-delà d’un simple rappel, au-delà
de la Commission scolaire de La Capitale met l’accent sur des programmes de connaissances abstraites qu’on
(anciennement la Commission scolaire plus ambitieux, sur une assimilation La réforme parie sur une assimi-
de La Jeune-Lorette), de même que les lation plus approfondie des ne saurait pas utiliser. C’est cela que
élèves et les enseignants des écoles de La plus approfondie des connaissances, veut dire, par exemple, un pro-
Chanterelle, Château d’Eau, du Vignoble, sur un suivi de la progression plus connaissances. En cela, elle n’in-
vente rien : elle rentabilise les résul- gramme de mathématique axé sur
Notre-Dame-de-Fatima, Notre-Dame-des- patient et plus partagé et sur un
Neiges et Saint-Claude, qui ont accepté de tats de la recherche en éducation des compétences mathématiques.
participer à cette recherche. grand effort de réduction des échecs. Les programmes du primaire ont
2. Ces renseignements sont tirés du docu- Dans chaque cas, il y a des choses obtenus au cours des quinze à vingt
ment intitulé Déclaration des clientèles dernières années. Elle le fait à trois été retravaillés pour encourager à
à décider et à entreprendre par pousser jusqu’au niveau de la com-
scolaires 1999-2000 produit par la titres particuliers, que le vocabu-
Direction de l’informatique du ministère les enseignants avec la direction pétence, donc d’une capacité à
de l’Éducation du Québec. d’école, et il y a d’autres choses à laire technique n’aide pas toujours
3. Programme d’autocontrôle, de résolution à comprendre. On est ici sur le ter- mobiliser des connaissances, à les
de problèmes et de compétence sociale
décider là où les parents sont partie réinvestir et à les appliquer dans
pour les élèves du primaire ayant des dif- prenante à la décision, au conseil rain où se lient l’objet de l’appren-
tissage, qui relève du programme, une situation assez complexe pour
ficultés de comportement. d’établissement.
et la façon d’apprendre, d’ordre qu’on ne puisse pas se contenter
UN PROGRAMME D’ÉTUDES ÉTOFFÉ d’une réponse machinale. Il y a
pédagogique.
La réforme propose des pro- D’abord, la réforme réinvestit la donc, d’une part, des compétences
grammes plus ambitieux. Con- conclusion suivante de la recherche : transversales dont toutes les dis-
sidérons d’abord la situation au plus la façon de faire apprendre ciplines sont le terrain de mise en
primaire. Le décollage de tous les sollicite, met en jeu ou fait s’ap- jeu. Il y a, d’autre part, des savoirs
élèves en lecture devient une prio- pliquer des capacités de travail propres aux disciplines qu’on veut

VIE
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Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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à laisser jouer la compétence de extrêmement rentable pour les


l’équipe éducative de leur école élèves et c’est un beau défi pour
pour harmoniser les modes d’éva- une équipe d’enseignants. »
luation avec les programmes et La particularité de cette réforme est

Photo : Denis Garon


les pratiques pédagogiques. Les cir- qu’elle ne se limite pas aux change-
constances se prêtent à échapper à ments structurels et réglementaires
un très vieux problème de l’école, qui relèvent d’un ministère. En effet,
soit celui de réduire la portée des les changements seulement struc-
apprentissages, de les banaliser en turels ont souvent, dans l’expé-
approfondir jusqu’à un niveau de C’est pourquoi on découpe le pri- les alignant trop sur ce qui est très rience de trop d’États et de pays,
compétences disciplinaires. Le maire en trois cycles de deux ans. facile à tester et à évaluer. échoué à provoquer des améliora-
vocabulaire est mêlant, mais le fond Mais ce découpage n’est pas fait tions en profondeur à la base. Cette
2. LE SENS D’UN
est très solide. que pour structurer le programme réforme élargit l’espace profession-
ENGAGEMENT, AU PRIMAIRE
Un troisième élément de la réforme officiel. Il est surtout fait pour que nel de responsabilité et l’espace
COMME AU SECONDAIRE
est particulièrement intéressant des équipes d’éducateurs travaillant institutionnel de responsabilité. Elle
pour le primaire. C’est une piste au même cycle s’occupent en- La réforme s’appuie sur trois angles rompt avec une représentation
pédagogique qui contribue aussi à semble du suivi, de la détection des d’analyse et de conviction. Le pre- technicienne de l’enseignement, où
une assimilation plus approfondie difficultés qui se manifestent et mier est un discernement social : l’on se contenterait d’appliquer
des savoirs. Il s’agit, pour l’ensei- des remèdes à y apporter. nous vivons de plus en plus dans sans plus des consignes. Cela fait
gnante ou l’enseignant et pour la Le régime pédagogique prévoit que une société où la survie et l’épa- que certaines écoles auront plus de
conduite de la classe, de consé- le groupe d’élèves qui a commencé nouissement dépendent des con- difficulté que d’autres à se mettre
quences pratiques de deux convic- son premier cycle au primaire en naissances et des compétences. Ce en mouvement. Le facteur dominant
tions : apprendre exige une trans- septembre 2000 progressera vers le n’est plus un cas minoritaire, c’est sera sans doute de l’ordre de la
formation et s’appuie sur une secondaire sans redoublement, à de plus en plus une situation géné- perception. Si on voit la réforme
interaction. Apprendre du neuf cor- l’exemple de ce que font les élèves rale, et cela doit se répercuter dans comme une panoplie d’outils pour
respond très souvent à réarranger, à de pays comme la Norvège, la l’école. Le deuxième angle tient du avancer, dans la ligne de motiva-
re-trier ou à détruire partiellement Suède, le Danemark, l’Autriche ou diagnostic, sur une base générale : tions qui préexistent localement,
ce qu’on avait au préalable en tête. la Grande-Bretagne. Pour les autres nos écoles primaires, ou secon- c’est gagné. De toutes façons, que
L’esprit de l’enfant n’est pas une élèves, ceux qui ont débuté avant daires, ont telle et telle faiblesses, les motivations soient plutôt sociales
table rase, un lieu pour ainsi dire l’été 2000, la logique voudrait que les programmes de référence ont et communautaires, ou plutôt de
vide : ce qu’il acquiert déplace et l’on réduise au maximum le recours telle et telle carences, etc. Le type résolution de problèmes, ou
réarrange des représentations anté- au redoublement d’ici l’été 2007. troisième angle s’appuie non pas encore de type satisfaction et excel-
rieures; c’est une construction et C’est une mesure extrêmement sur l’analyse critique, mais sur une lence professionnelles, elles con-
une reconstruction perpétuelles. défendable au vu de toutes les vision du possible, une confiance vergent dans la même direction. Les
D’autre part, dans l’esprit de la recherches pertinentes. Elle n’a pas dans un potentiel d’amélioration. parents, et surtout les parents
réforme, on sort d’une image très eu la publicité qu’elle aurait méritée. Pour se mettre en marche sur le désignés dans un conseil d’éta-
individualiste et solitaire de ce qu’est Le suivi plus partagé de la progres- plan local, dans et autour de telle blissement, doivent sentir, appuyer
apprendre. En fait, on apprend des sion concerne particulièrement les école, on peut recourir dans des et cultiver la dynamique particulière
autres, on apprend avec les autres. enseignantes et les enseignants : proportions très diverses à l’un ou d’une école par laquelle celle-ci
C’est l’interaction qui marque la collaboration entre spécialistes et l’autre des trois axes de travail sui- s’approprie la réforme.
dynamique de l’environnement sco- titulaires, liaison entre eux et les vants. Un axe communautaire : Si, par contre, la réforme est perçue
laire. C’est pourquoi il y a aussi des intervenantes et les intervenants en comment faire mieux converger les comme une corvée, un fardeau sup-
compétences transversales d’ordre matière de grandes difficultés d’ap- ressources de l’école avec celles plémentaire, quelque chose qui
social : savoir coopérer avec d’autres prentissage, collaboration entre eux des familles et de ce milieu social s’additionne à côté du travail au lieu
est incontournable, et cela, pour tous et la direction. La Loi sur l’ins- chaque fois particulier? Ou bien de l’inspirer de l’intérieur, les
apprendre plus et pour apprendre truction publique confie à l’école le un axe de résolution de pro- chances de la faire servir au béné-
mieux. Entre professionnels, on soin de choisir la meilleure façon blèmes : reconnaissant lucidement fice des enfants et des adolescents
dira ici : s’appuyer sur une concep- de communiquer aux parents une les forces et les faiblesses de notre sont hypothéquées. Faire profiter
tion socioconstructiviste de la con- évaluation de la progression des école, comment allons-nous les les élèves de la réforme, ce n’est
naissance. élèves, aux étapes et en fin d’année. attaquer? Ou, enfin, une démarche pas de tout repos : c’est exigeant
C’est une zone sensible. On a vu de de consensus concret et opéra- pour les éducateurs. Mais le but de
LA RÉFORME ENTRAÎNE UN SUIVI
multiples résistances à des nou- tionnel en fonction d’un idéal, en la réforme n’est pas de changer
DE LA PROGRESSION PLUS PATIENT
velles façons de faire en ce qui se disant par exemple, entre éduca- pour changer! Il faut s’immuniser
ET PLUS PARTAGÉ
concerne les bulletins d’étape. Des teurs : « Ce n’est pas facile d’infuser jusqu’à un certain point contre les
Au primaire, elle change les temps largement le souci de compétences
forts d’examen sérieux et systéma- parents qui comprennent les ambi- réactions sceptiques ou carrément
tions de la réforme, et plus parti- intellectuelles et celui du processus défaitistes que suscite toujours et
tique des acquis. Puisqu’on travaille d’apprentissage et de l’habileté
sur des compétences, on prend le culièrement les parents délégués au inévitablement un tel projet autour
conseil d’établissement, ont intérêt méthodologique partout, mais c’est de lui.
temps de les assimiler vraiment.

PÉDAGOGIQUE
9
TRIPLE RÔLE D’UN PARENT DÉSIGNÉ des décisions d’ordre courant, les savants parlent dans ce cas d’une
Une mère, un père de famille, parents du conseil d’établissement « organisation apprenante », d’un
souvent poussés et encouragés par sont sollicités pour tester les actions cadre de travail où l’on progresse
d’autres parents, acceptent de envisagées. Celles-ci sont d’autant en apprenant, d’un environnement
devenir membres d’un conseil plus crédibles qu’un groupe mixte, professionnel où une partie de la
d’établissement. Ils acceptent donc tel le conseil d’établissement qui gratification vient de la conscience
d’avoir en tête le bien de tous les associe parents et éducateurs, les a qu’on a d’avancer.
élèves de l’école, au-delà de celui bien accueillies. Les parents désignés et volontaires
de leurs enfants. Comment se pré- Le troisième rôle est le plus enga- au conseil d’établissement ne sont
sente leur contribution? Quelle geant et le plus passionnant : c’est donc pas des gens qui jugent
couleur prend-elle dans le contexte la participation à quelques comme de l’extérieur, en position
de la réforme? décisions cruciales d’orienta- de surplomb, la conformité ou la
L’apport des parents qui siègent au tion et d’usage des moyens, non-conformité des pratiques de
décisions débattues mûrement, qui l’école aux impératifs de la réforme.

Photo : Denis Garon


conseil d’établissement est de trois
ordres, il me semble, dans des pro- exigent souvent un arbitrage pour Pourquoi? Parce que la réforme
portions variables. Le premier rôle concilier des points de vue et des n’est pas conçue pour cela. Comme
est un apport de coopération et intérêts divergents. C’est là le l’écrivait récemment Claude Lessard,
à la fois de reconnaissance. Ces domaine des priorités, des projets de l’Université de Montréal (« Le
parents symbolisent la disposition à particuliers, la substance de ce travail enseignant au quotidien », changements qui ont créé le conseil
collaborer de l’ensemble des pa- qu’on appelle le projet éducatif Vie pédagogique, février-mars 2001, d’établissement comme lieu de
rents, leur aptitude à dire « notre de l’établissement. Sur ce terrain, p. 8), la réforme ne propose pas un décision. Ces changements législa-
école », et non pas « votre école » les parents désignés partagent un blueprint, le plan archi-détaillé de tifs ont ouvert un potentiel d’initia-
aux éducateurs, comme si l’on était leadership avec les autres membres ce qu’il faut faire; elle constitue tive qu’on n’a pas fini d’exploiter.
dans des camps distincts. Ces pa- du conseil d’établissement. Par la plutôt un simple framework, un Ils changent en particulier le rôle
rents sont les premiers témoins des force des choses, c’est sous cet cadre indiquant les directions de du directeur ou de la directrice
projets, des efforts et du dévoue- aspect du rôle de parent désigné progression. On exécute un blue- d’école de deux façons. La direc-
ment de l’équipe éducative et ont que les façons d’entrer dans la print, on s’engage dans un frame- tion, en premier lieu, campe moins
la capacité de reconnaître les réforme en cours se présenteront work avec sa créativité et sa compé- qu’avant sur le terrain adminis-
membres de cette équipe, de s’y surtout. tence, en personne et en équipe. tratif et organisationnel et plus
référer et de les appuyer morale- Beaucoup d’écoles ont déjà entre- UN PROCESSUS QUI POSTULE qu’avant sur le terrain pédago-
ment. L’école ne recrute pas un pris des actions en suivant des DEUX AUTONOMIES gique et professionnel. En second
« fan club », bien sûr, mais la pro- pistes proposées par la réforme, La réforme s’appuie sur deux lieu, le directeur ou la directrice
fession enseignante fait partie des par l’usage occasionnel ou fréquent champs de responsabilité et d’ini- trouvent moins qu’avant la légiti-
professions d’aide, et l’éducation d’une pédagogie par projets, par tiative : celui de l’autonomie profes- mation de leurs décisions à la com-
est un bien collectif qui ne relève une didactique de la lecture qui sort sionnelle et celui de l’autonomie mission scolaire et, ultimement, au
pas de la catégorie des biens du manuel scolaire, par des pra- institutionnelle. conseil des commissaires, mais
marchands. La qualité de l’éduca- tiques de pédagogie coopérative qui Un suivi des élèves qui vise à plus qu’avant dans leur propre
tion scolaire repose en partie sur ouvrent sur l’éducation à la citoyen- réduire les risques d’échec, un cali- école et dans leur conseil d’éta-
l’engagement des éducateurs, un neté et sur le sens de la diversité bre plus ambitieux de programmes blissement.
engagement qui mérite d’être culturelle ou par des modes origi- poussant jusqu’aux compétences Cette évolution du rôle est extrême-
reconnu. L’appui parental est un naux de soutien pédagogique pour dans les diverses matières, l’infu- ment difficile. Les candidats et can-
atout pour la vie institutionnelle. les élèves qui « ont de la misère », sion dans l’ensemble des apprentis- didates ne se pressent pas aux
C’est donc un rôle symbolique, qui se sentent perdre pied. La forme sages d’une stimulation plus ferme portes pour assumer une direction
mais précieux, un rôle qui désa- du processus de changement est et plus explicite du potentiel intel- d’école, particulièrement au secon-
morce les méfiances réciproques. éminemment locale. L’école qui lectuel ou la prise en charge par- daire. Le personnel de direction est
Un second rôle consiste à légiti- décide d’entrer dans la réforme tagée d’éléments de la formation handicapé par la survivance d’an-
mer des choses bien préparées. prioritairement par l’un de ses personnelle et sociale sont amenés, ciennes façons de faire, par les
C’est à cet égard que le conseil aspects trouve dans sa décision une dans la réforme, sur fond de recon- héritages de décennies de centra-
d’établissement ressemble le plus à capacité de se mobiliser qui tiendra naissance de la compétence et de lisation, en même temps qu’on
un conseil d’administration. Les pour d’autres aspects qui viendront l’initiative des enseignants. On ne sollicite de lui un rôle neuf. C’est
décisions d’une certaine envergure successivement. L’équipe éducative les épelle pas : on s’en tient à un pourquoi les parents participant
doivent être soumises au conseil se fait confiance en s’appropriant framework, à un cadre de réfé- aux conseils d’établissement doivent
d’établissement. Légalement, elles tel ou tel trait prometteur. Cette rence mobilisant. être sensibles à l’appui et à la con-
doivent être acceptées par le con- confiance, réaliste, pas forcément L’espace accru de l’autonomie insti- fiance que requiert d’eux leur « agent
seil. Mais le trajet décisionnel com- euphorique mais vaccinée contre tutionnelle, pour sa part, trouve son principal », celui qu’on appelle en
mence ailleurs. La compétence des les messages défaitistes, est l’indi- fondement dans des changements anglais chief executive. Si, une fois
enseignants et de la direction a cateur numéro un de la capacité récents apportés à la Loi sur l’ins- une décision prise malgré des
joué. Concernant la grande majorité de changement. Les observateurs truction publique, précisément ces divergences ou des inquiétudes, on

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le harcèle constamment, on le con- tribuer mieux à répondre à ces d’organisation, commerciale ou jacente. Il en va de même pour
duira directement à l’épuisement préoccupations éducatives. Il y a là industrielle. Pour l’améliorer, la l’évolution inévitable des modes
ou au repli défensif. L’esprit critique une intention d’influence, légitime, renouveler ou la réformer, on a tiré d’évaluation. La classe, déjà au pri-
constructif est une richesse dans et naturellement alliée à la partici- essentiellement parti de moyens maire mais surtout au secondaire,
une équipe telle que le conseil pation à un conseil d’établissement. relevant de la gestion et de l’organi- sera de moins en moins le lieu où
d’établissement; le réflexe critique Mais la participation aux décisions sation. Le progrès se définit alors en chacun et chacune apprennent
qui surfe sur la frustration et la a une portée de contribution civique termes d’efficacité individuelle. La exactement la même chose en
méfiance est une plaie! ou citoyenne qui va au-delà de la mesure de la réussite réside pure- même temps que tous les autres,
DU CONSULTATIF AU DÉCISIONNEL : pure et simple défense des convic- ment et simplement dans le nombre serait-ce une toute petite chose! Le
CONTINUITÉS ET RUPTURES tions les plus respectables. de ceux qui réussissent, d’une part, défi de la réussite pour tous, c’est
Depuis une trentaine d’années, L’école n’est pas un morceau de et dans le degré qualitatif de leur que tout le monde progresse et
l’espace d’influence locale des ensei- l’État, elle est une institution sociale réussite, d’autre part. L’appui sur que la distance entre ceux qui
gnants et des parents dans l’école soutenue et orientée par l’État, et sa les facteurs typiques de toute ges- progressent plus et ceux qui pro-
tenait de la consultation, en grande vitalité dépend en partie de la con- tion peut aller, dans certains États gressent moins ne s’augmente pas
partie obligatoire. Ceux et celles tribution de la société civile. La pré- américains, jusqu’à des primes du fait de l’école; ce n’est pas que
qui répondent à la consultation se sence parentale au conseil d’établis- financières au rendement pour les tous et chacun arrivent exactement
trouvent dans une situation de mili- sement est un élément important de professeurs et les directions d’écoles au même point après 6, 9 ou 11 ans
tants, de personnes qui exercent l’enracinement de l’école dans la qui ont amélioré leur rang dans les d’école!
une pression pour que leurs con- société civile. Le corollaire de cela, palmarès. Ceci est crucial en particulier pour
victions et leurs idéaux se reflètent c’est que le parent qui assume cette Dans d’autres environnements na- les écoles de milieux économi-
davantage dans les décisions et participation dépasse le statut de tionaux et sociaux, on essaie de quement défavorisés. Selon une
les actions des autres. La réponse à porte-parole des parents comme conjuguer deux visées : d’une part ancienne conception, la justice
une demande de consultation a très groupe de pression en acceptant un l’efficacité des apprentissages et, voulait que chaque école, chaque
souvent comme caractéristique de rôle qui relève de la citoyenneté. d’autre part, la réduction des écarts classe et chaque élève disposent
remonter vers un plan plus général Dans un organisme décisionnel entre ceux qui apprennent plus exactement des mêmes moyens et
de responsabilité : celle de l’école, comme le conseil d’établissement, aisément et les autres. Le meilleur ressources, abstraction faite des
soit d’insister auprès de la commis- le parent participant, tout comme type d’école serait alors celui qui particularités et des besoins. Plus
sion scolaire pour obtenir des déci- le professeur participant, accepte n’accentue pas en cours de route récemment, l’on a accepté d’allouer
sions favorables à cette école par- d’appliquer son discernement à ce l’effet des facteurs sociaux initiaux plus de ressources scolaires dans
ticulière, mais aussi à toutes les qui est le meilleur pour les élèves d’inégalité de performance, qui tra- des zones et des quartiers moins
autres. Celle de « la base », soit et non pas pour ses commettants, vaille donc aussi dans une perspec- favorisés : perspective d’équité,
d’inciter le ministère de l’Éducation parents ou enseignants. tive d’équité. On n’aura pas les c’est-à-dire de justice plus propor-
et le gouvernement à agir dans le Il y a d’énormes gains potentiels mêmes réformes selon qu’on s’en tionnée. La réforme, à la différence
sens de tel idéal et de telles convic- pour les élèves dans la décentrali- tient à la première visée ou selon des cadres de référence antérieurs
tions. Accepter de passer d’un rôle sation partielle des décisions vers qu’on souhaite conjuguer efficacité très uniformes, pousse à dévelop-
consultatif, de conseiller, à un rôle les écoles dans le système scolaire et équité. per des pratiques d’encadrement et
de décideur, de coresponsable de public. Il y a aussi des gains pour La première ligne de pensée s’ac- de soutien pédagogique qui relient
décisions locales n’est pas facile. Il y les enseignants, dont le pouvoir corde avec une sensibilité impré- la visée d’équité et la visée d’effica-
a des gains et des pertes, des deuils. d’initiative gagne de la latitude. gnée de libéralisme. À la limite, elle cité. De ce fait, les parents étroite-
La principale différence réside dans Cependant, il y a aussi un certain pousse les écoles à choisir leurs ment associés à sa mise en œuvre
le rapport aux contraintes. « Co- deuil à faire, celui de la satisfaction élèves en attirant les familles par s’y trouveront d’autant plus à l’aise
décider » avec des professeurs et la morale qu’il y a à revendiquer de toutes sortes de projets particuliers. qu’ils n’adopteront pas une menta-
direction, c’est investir le plus clair l’extérieur, en position antagoniste, La seconde ligne de pensée relève lité de « consommateurs d’école »
de son effort et de son intelligence sans se soucier des contraintes. d’une sensibilité social-démocrate. qui parie sur la comparaison et la
dans l’espace de décision et d’ac- L’articulation entre eux d’un rôle de Elle appelle à comprendre que les rivalité entre les écoles.
tion que délimitent les contraintes, militance dans un groupe de pres- très bons élèves ne profitent 3. AU SECONDAIRE :
les limites de ressources et les règles sion légitime et d’un rôle de parti- pas moins d’une école très
L’HORIZON PROCHAIN
préétablies. C’est souvent moins cipation citoyenne aux décisions attentive aux élèves faibles que
D’UNE RÉFORME
moralement satisfaisant que de est beaucoup plus difficile à faire d’une école plus indifférente à
pour des professeurs que pour des ces derniers. L’entrée dans le vif de la réforme est
militer pour faire reculer les con- échelonnée dans le temps. On y est
traintes et les limites. La réforme parents. En contexte difficile, il faut Les positions de la réforme sur la
certainement persévérer contre progression par cycles au primaire, déjà au primaire. Pour le secon-
fait reculer certaines contraintes, daire, elle est un peu comme l’hori-
mais pas toutes. vents et marées. Les deuils ne sont sur l’absence de redoublement au
pas éternels! primaire ou sur la grande homogé- zon vers lequel on s’avance. Il reste
Nous venons à un conseil d’éta- un répit préparatoire. Dans ce temps
blissement parce que des choses CONJUGUER L’EFFICACITÉ ET L’ÉQUITÉ néité du curriculum au premier
cycle du secondaire assortie d’une d’apprivoisement, des parents ont-ils
nous tiennent à cœur, en tant que Dans certains environnements natio- quelque chose à apporter? S’il y a
parents, et parce que nous pensons naux et sociaux, on a volontiers pédagogie fortement différenciée
reposent sur cette conviction sous- lieu de bâtir déjà la capacité locale
que l’école peut contribuer, ou con- assimilé l’école à tout autre type

PÉDAGOGIQUE
11
compétences transversales d’ordre cours optionnels sont un banc d’es-
intellectuel. La capacité d’une intel- sai merveilleux pour des carrières
ligence adolescente à trouver l’in- possibles.
formation, à la traiter, la trier, à dis- Si l’on ne se prépare pas, l’offre
cerner le pertinent et le moins nécessaire de cours optionnels con-
pertinent, la capacité à enchaîner sistera à boucher des trous aux
les pourquoi des choses (donc coûts moindres. Penser, planifier et
expliquer et comprendre, plutôt préparer une offre très valable de
que simplement « savoir que ») et cours optionnels devrait s’appuyer
l’émergence d’une capacité critique sur les trois potentialités suivantes.
et auto-critique sont toujours en 1. La possibilité, d’abord, d’un
danger d’être sous-sollicitées. C’est deuxième cycle du secondaire

Photo : Denis Garon


particulièrement pour redonner du culturellement plus varié. Et
corps, de l’étoffe, de la substance, dans les arts, et dans les médias,
du panache même faudrait-il dire, et dans la technologie, et dans les
aux apprentissages du secondaire sciences de la vie, le modèle
que les compétences transversales actuel très homogène des études
de prendre des virages importants, jeu. Les contraintes inscrites dans d’ordre intellectuel et méthodolo- du deuxième cycle ne permet pas
quelle sorte de contribution des pa- les règles limitent et balisent l’es- gique sont mises à l’honneur, comme de pousser loin. Et que dire des
rents élus ou désignés par d’autres pace de la créativité et de la déci- c’est le cas dans l’enseignement langues vivantes, où nous jouons
parents peuvent-ils apporter dans le sion locale. Elles ne le suppriment secondaire et dans l’enseignement aux Américains, alors que nous
cadre d’un conseil d’établissement? pas. La réforme qui se prépare élar- collégial un peu partout en Occi- pourrions nous inspirer des
Au secondaire encore plus peut- git l’espace de latitude locale, dent. À ceux et celles qui réus- Hollandais, des Français, des
être qu’au primaire, l’appropriation par le régime pédagogique et par sissent déjà, il s’agit de ne pas pro- Allemands, des Anglais même!
locale de la réforme est exigeante les programmes en voie de prépa- poser un minimum banal et trop Bien des pays valorisent en effet
et complexe. Les changements ration. Du fait de la réforme, toutes aisé : qu’on leur propose au con- un apprentissage des langues très
réglementaires connus et les pro- sortes d’initiatives très valables traire un optimum, mobilisant sérieux.
grammes nouveaux à connaître pour les élèves deviennent pos- parce qu’exigeant, un menu qui les 2. La possibilité et l’urgence d’un
rendront possibles des priorités sibles. Ce serait illusoire et naïf de aide à repousser les frontières de deuxième cycle du secondaire à
actuellement fort problématiques, croire qu’elles sont garanties. Elles leur potentiel. très fort potentiel d’orienta-
mais ils ne les assureront pas de requièrent, pour se réaliser, un cer- 2. UN ESPACE DE CHOIX RESTAURÉ tion scolaire. Et il va de soi que
façon magique. Le plus pressant, à tain degré d’articulation dans la À la différence de la très grande le terrain des cours optionnels,
court terme, pour les parents con- démarche de changement d’une majorité des systèmes scolaires où tout n’est pas perdu si le
cernés, pourrait être la prise de école auquel le conseil d’établisse- d’Occident, notre régime pédago- choix s’avère décevant, à haut
conscience des lignes de progres- ment, avec ses parents, peut fort gique du secondaire avait réduit risque d’échec, s’y prête plus
sion rendues possibles, pour accom- bien contribuer. Quelles sont les radicalement l’espace des cours que celui des cours obligatoires
pagner et renforcer tout chemine- grandes lignes de progression qui optionnels du deuxième cycle, au communs.
ment institutionnel préparatoire. se dessinent à l’horizon pour le début des années quatre-vingt. La 3. La possibilité, enfin, de dessiner
Au secondaire, les traits caractéris- secondaire? J’énumère sept lignes réforme renverse la vapeur. Elle un deuxième cycle du secon-
tiques de l’organisation scolaire de progression parmi les plus évi- double pratiquement l’espace des daire moins exclusivement
déterminent et conditionnent beau- dentes, sans souci d’exhaustivité. cours optionnels. Sur les deux précollégial. Actuellement, le
coup ce qui est possible et ce qui ne Tout effort pour leur préparer le dernières années du secondaire, il y niveau d’obtention du diplôme
l’est pas sur le plan pédagogique. terrain, en 2003 et 2004, sera du aura bientôt l’équivalent de presque d’études secondaires à l’âge nor-
Les choix structurels sont extrême- plus haut intérêt. une année de cours optionnels. mal, soit vers 17 ans, plafonne
ment importants. Parfois on pense 1. UN PARI CONCERTÉ SUR LA Mais le choix des élèves dépend depuis des années à peu près au
qu’ils sont entièrement prédéter- STIMULATION INTELLECTUELLE entièrement de l’offre de cours de niveau d’accès aux études collé-
minés par trois ensembles de L’âge scolaire où il est le plus ten- l’école. Il y a ici un défi énorme giales (à peu de choses près,
règles : celles qui s’appliquent au tant de se « mettre au neutre », de d’organisation scolaire et de mobi- 60 à 65 p. 100 de chaque groupe
régime pédagogique, celles qui s’investir très en-deçà de ses capa- lisation du personnel enseignant. d’âge). Comment dessiner un
régissent le financement et celles cités comme élève, dans toutes les Dans les cours obligatoires, il y a deuxième cycle qu’une bonne
relatives aux conventions collectives écoles secondaires d’Amérique du toujours le filet de sécurité d’une portion des autres jeunes habi-
de travail. Si l’on croit cela sincère- Nord, est celui de 14 à 16 ou 17 ans. clientèle captive. Dans les cours terait avec profit et motivation,
ment, on se perçoit, dans la direc- Ce n’est pas particulier au Québec! optionnels, il faut de l’audace, un lorsqu’on décidera quelles
tion d’école et dans l’enseignement, Et la façon de plus en plus pra- marketing intelligent, la capacité de options offrir? Le défi d’aug-
comme des personnes qui appliquent tiquée de lutter contre la banalisa- faire sentir à ses élèves que cela menter la réussite que poursuit
des décisions prises ailleurs. Cela tion des apprentissages et la rituali- colle à soi (cours d’art, de langues la réforme se joue principale-
réduit l’intérêt de travailler à un sation et la superficialité du travail vivantes, de sciences humaines, de ment autour de ce sous-groupe,
conseil d’établissement. Or, il y a du scolaire est de porter attention aux technologie, etc.) et que certains qui repart du secondaire sans

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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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diplôme dans la situation actuelle. nel, l’école secondaire est un lieu À ce sujet, la mesure principale ments qui sollicitent d’abord la
Faut-il penser la cohabitation pour se découvrir, s’orienter en affi- qu’amène la réforme au secondaire compétence professionnelle des
pacifique sous le même toit d’un nant ses goûts et en exerçant ses est la suivante : cesser d’homogé- enseignants, mais l’appui et l’aval
deuxième cycle du secondaire talents particuliers. La réforme, néiser au maximum les apprentis- d’un conseil d’établissement n’est
relativement précollégial et d’un à l’égard de ces éléments plus per- sages jusqu’à la fin du secondaire jamais mal venu!
deuxième cycle secondaire rela- sonnels et plus centrés sur l’éduca- et centrer plutôt les apprentissages 7. MOINS RALENTIR LES ÉLÈVES
tivement préprofessionnel? Il faut tion que sur l’instruction comme essentiellement communs sur les Les élèves qui n’obtiennent pas le
rester à l’affût car, dans le sillage telle, propose de ne plus les mar- neuf premières années d’études. diplôme d’études secondaires dans
même de la réforme, il reste des ginaliser dans divers mini-cours Cela signifie, au deuxième cycle, de le régime pédagogique à l’ancienne
corollaires à explorer et à plani- spécifiques, mais de les intégrer favoriser des parcours d’études manière sont surtout ceux qui ont
fier à l’échelle de l’ensemble du dans l’entreprise d’instruire elle- plus diversifiés. Cela voudra-t-il doublé une fois au primaire et
réseau secondaire. même. Pour ce faire, elle cible très dire le maintien pur et simple du une autre fois au premier cycle du
3. UNE ALLIANCE précisément cinq facettes de l’édu- passage d’un contingent de jeunes secondaire. La réforme met en
INTERDISCIPLINAIRE POUR cation personnelle et sociale, des à la formation générale du secteur avant deux pistes d’action interre-
LA MAÎTRISE DE LA LANGUE « domaines généraux d’éducation », de l’éducation des adultes après liées : un suivi plus collectif des
On sait quels embarras, quels échecs qui trouveront des points d’ancrage 16 ans et le maintien de la possibi- élèves au fil d’un cycle comme le
aux études postsecondaires, quelles dans les divers cours, dans une lité de principe d’aller en formation premier cycle du secondaire, et
difficultés dans la carrière aussi, perspective très nouvelle d’interdis- professionnelle avec une partie l’évolution vers des pratiques péda-
engendre une capacité linguistique ciplinarité. seulement des unités de 4e secon- gogiques qui tiennent mieux compte
boiteuse, aussi bien dans l’expres- Les domaines généraux d’éducation daire? Peut-être. Ce n’est pas clair des décalages entre élèves pour ce
sion que dans la compréhension, peuvent fort bien inspirer toutes encore. Mais on peut espérer plus qui est des acquis scolaires. On a
rapide et fine, des sources écrites sortes d’entreprises et d’événe- et mieux dans le cadre de la 4e et de encore peu réfléchi à l’articulation
d’information les plus diverses, ments qui animent la vie scolaire et la 5e secondaire à l’école des jeunes, de tout cela, mais ce n’en est pas
y compris celle de l’Internet. qui constituent un espace privilégié justement du fait d’un espace très moins prioritaire. Là où il y a une
La réforme du secondaire introduit pour fraterniser et se solidariser. élargi de cours optionnels. Aujour- certaine concentration d’élèves à
la perspective d’une alliance inter- Ici, l’interdisciplinarité rejoint les d’hui, par défaut en quelque sorte, risques encore plus qu’ailleurs…
disciplinaire articulée et soutenue intervenantes et les intervenants des un très grand nombre de choix Pensons que, dans certaines zones
autour de la progression dans la services personnels, de l’animation d’orientation se fixent en cours résidentielles, on atteint difficile-
maîtrise de la langue d’enseigne- sportive et culturelle et du champ d’études collégiales. Ce serait aussi ment le taux d’un sur deux pour ce
ment, en faisant de celle-ci une de l’animation spirituelle et de l’en- rendre un grand service à ceux et qui est de l’obtention du diplôme
compétence transversale qui con- gagement communautaire. De même, celles qui vont vers des études d’études secondaires chez les gar-
cerne tous les enseignants et toutes dans l’esprit de la réforme, le souci longues que de les aider à choisir çons. Mais, ici comme ailleurs et
les matières. Ici aussi les études et d’assister les choix d’orientation davantage en connaissance de cause peut-être plus qu’ailleurs, la réforme
les recherches confirment le bien- scolaire et professionnelle doit entre les divers programmes collé- offre les grands traits d’un frame-
fondé de cette piste de changement : traverser l’ensemble des enseigne- giaux. Trop de détours finissent en work, d’un cadre de référence fort
c’est dans tous les domaines qu’il ments et de la vie scolaire. impasses. défendable. Où se traduira-t-il en
faut passer d’apprendre à lire à lire 5. ORIENTER ET AIDER 6. QUELQUES COURS COMMUNS blueprint, en plan d’action effi-
pour apprendre et qu’il faut s’ha- À S’ORIENTER AUTREMENT TOUT À FAIT NEUFS cace? Entre autres, dans la chimie
bituer à rédiger pour s’approprier Actuellement, le système scolaire Le programme d’études du secon- qui s’instaurera entre l’équipe
personnellement l’argumentation, incluant les universités, les cégeps daire ne s’étoffe pas seulement du éducative de l’école et son conseil
l’explication, le débat critique. et les centres de formation profes- côté des cours optionnels. Plusieurs d’établissement.
4. UNE PRISE EN CHARGE sionnelle munit moins de 50 p. 100 cours communs sont neufs. Ainsi, BÂTIR SUR L’ACQUIS
COLLECTIVE DE LA FORMATION des jeunes d’une qualification parti- l’ajout de six unités de français au
Il y a dans le réseau des écoles
PERSONNELLE ET SOCIALE culière en vue du marché du travail premier cycle ouvre certainement la
secondaires de multiples pistes de
Le métier d’élève, au secondaire, au sortir d’études poursuivies en porte à des ambitions plus élevées.
renouvellement déjà opérantes,
prépare déjà à une panoplie de continuité. C’est pourquoi l’on a Le choix d’élaborer un cours inté-
dont plusieurs rejoignent les préoc-
rôles sociaux dépassant de beau- inclus dans les missions de l’école gré de sciences et technologie sur
cupations de la réforme : des pro-
coup celui de travailleur le plus celle de qualifier, tout au moins de tout le premier cycle du secondaire
grammes déjà en grande partie
qualifié possible : rôle de membre conduire plus naturellement à des est un atout à la fois pour la cohé-
repensés autour de quelques com-
d’un ménage ou d’une famille et formations qualifiantes, soit univer- rence d’une année à l’autre et pour
pétences clés; l’attention renouvelée
responsable de ses proches, rôle de sitaires, soit techniques, soit dans une initiation scientifique subs-
à la qualité du processus d’appren-
consommateur avisé, responsable à les métiers. Augmenter le taux tantielle. L’étude de l’histoire, alliée
tissage grâce au courant de l’en-
l’égard de l’environnement qu’on général de qualification par les à l’apprentissage de la citoyenneté,
seignement stratégique; une percée
lèguera aux prochaines généra- études est un problème de système jouira d’une forte continuité qu’elle
certaine du travail coopératif entre
tions, rôle de participant et d’acteur qui ne concerne pas seulement n’avait pas, débouchant en 5e secon-
élèves, dans la ligne des compé-
dans les choix collectifs et la vie l’école secondaire, mais qui la con- daire sur la connaissance du
tences transversales d’ordre social,
politique. Sur un plan plus person- cerne aussi. monde contemporain. Bien sûr, il
et beaucoup d’autres choses encore.
s’agit là de virages et de remanie-

PÉDAGOGIQUE
13
La réforme ne disqualifie rien de
tout cela, elle s’appuie sur l’acquis.
Dans les écoles où une forte dyna-
LA RÉUSSITE SCOLAIRE
mique d’autorenouvellement est ET LA TAILLE DES CLASSES
déjà en place, la présente réforme par Christian Neveu et Jean-Guy Blais
ajoute des atouts dans le paysage
sans rien interrompre. INTRODUCTION justifier la mise en place d’une et la quantité de données accu-

L
Pour donner localement toutes ses es dernières négociations mesure comme la réduction de la mulées.
chances à la réforme, il faut, comme
parents, être attentifs à ce qu’elle
apporte de valorisation à la pratique
L entre le gouvernement du
Québec et les enseignants ont
abouti, selon plusieurs, à un règle-
taille des classes en vue d’améliorer
la qualité des apprentissages et de
favoriser la réussite?
Les résultats observés dans la foulée
du projet STAR confirment que la
réduction de la taille des classes à
un rapport de quinze élèves par
professionnelle. Pour apporter du ment satisfaisant. Nous pouvions LA « PREUVE » SCIENTIFIQUE
neuf et du meilleur aux élèves, lire à ce sujet dans le quotidien Le enseignant durant les premières
Les études sur la relation entre la
il faut qu’elle apporte du neuf Devoir que « …le gouvernement années d’école favorise les appren-
taille des classes et la qualité de
attrayant aux professeurs. La façon [embaucherait] davantage d’en- tissages et fait augmenter le taux de
l’apprentissage ne datent pas d’hier.
de travailler davantage en concerta- seignants et de professionnels et réussite scolaire (Finn et Achiles,
En effet, Blakes (1954), cité par
tion qu’appelle la réforme implique [accepterait] de diminuer sensi- 1999). De plus, la réduction est
Pate-Bain et ses collaborateurs
une transformation graduelle de la blement le nombre d’élèves dans encore plus bénéfique pour les
(1999a), a recensé plus de 267
culture professionnelle qui n’a rien les classes pour les premières élèves des minorités ethniques ou
études antérieures à 1950. Dans
d’aisé, mais qui fera d’autant mieux années du primaire » (22 dé- les élèves de milieux défavorisés.
une première analyse, il en a d’abord
son chemin qu’elle ne paraîtra pas cembre 1999). Le 26 janvier 1998, Enfin, une étude complémentaire
retenu 85 dont 35 étaient favorables
marginaliser la spécialisation disci- le président américain Bill Clinton nommée Lasting Benefits Studies a
aux petites classes alors que 18 ne
plinaire déjà acquise. Les perspec- avait annoncé quant à lui que le permis de constater, d’une part, que
l’étaient pas. Puis, il en a sélec-
tives interdisciplinaires ne sont pas gouvernement fédéral allait investir ces effets sont persistants et, d’autre
tionné 22 à valeur « scientifique »
une régression en-deçà de savoirs 1,2 milliard de dollars en sept ans part, que les élèves qui ont béné-
plus grande dont 18 favorisaient les
spécialisés consistants : ce sont des dans l’embauche de trente mille ficié des classes de petite taille
petites classes et 3 ne les favori-
voies de convergence qui enri- enseignants et ainsi réduire la taille durant leurs premières années sco-
saient pas. Glass et Smith (1978)
des classes durant les premières laires suivent plus souvent des
chissent les disciplines, qui les rap- ont pour leur part recensé 80 études
années d’école (de la maternelle à cours enrichis et se rendent aux
prochent de la motivation et de la effectuées entre 1892 et 1979 et
la 3e année). études supérieures dans une plus
vie des élèves. La réforme n’écarte leurs analyses ont permis d’illustrer
La réduction de la taille des classes grande proportion que les autres
pas, ne discrédite pas les pistes de la tendance selon laquelle la réduc-
et son effet possible sur la réussite élèves, surtout ceux qui font partie
développement déjà largement per- tion de la taille des classes, essentiel-
des élèves font depuis longtemps des minorités ethniques ou qui sont
ceptibles : elle en systématise et en lement en deçà de 15 ou 20 élèves,
l’objet de discussions entre diffé- issus de milieux défavorisés.
pousse un certain nombre. L’une aurait des effets positifs sur la réus-
rents acteurs du monde de l’éduca- Le projet SAGE (Student Achievement
des façons les plus efficaces d’ali- site scolaire. En fait, les conclusions
tion. D’une part, les enseignants et Guarantee in Education) par ail-
menter le défaitisme serait de la des travaux de Glass et Smith n’étant
les regroupements qui les repré- leurs, commencé depuis 1995 dans
représenter comme une opération pas très précises quant au nombre
sentent considèrent qu’il est clair l’État du Wisconsin, est probable-
de « table rase » : « on oublie tout et d’élèves, l’ordre de grandeur pré-
que les plus petites classes favo- ment le projet le plus important
on recommence »! senté ici n’est donc qu’approxi-
risent la réussite scolaire des élèves. actuellement en cours qui mette
matif. Ce qui est clair cependant,
LA FORCE D’UNE ALLIANCE D’autre part, les gestionnaires af- c’est que plus la réduction est grande
l’accent sur la réduction de la taille
Qui oserait dire encore des parents firment que la réduction de la taille des classes en vue de favoriser
et moins il y a d’élèves, plus la réus-
associés à un conseil d’établis- des classes augmente considéra- la réussite des élèves. Ce projet
site semble favorisée.
sement que leur rôle est décoratif? blement les coûts sans qu’il y ait de quinquennal implique aujourd’hui
Entre 1985 et 1989, une étude
Se proposer pour un conseil d’éta- bénéfices substantiels démontrés approximativement 10 000 élèves
portant le nom de « projet STAR »
blissement ou encore ne pas se (Hanushek, 1999). On affirme ainsi de 30 écoles. Semblable au projet
(de l’acronyme Student Teacher
défiler quand d’autres parents vous que réduire la taille des classes à un STAR quant à son étendue, le projet
Achievement Ratio) a été effectuée
y poussent, c’est fournir à toutes nombre d’élèves variant entre 15 et SAGE en diffère cependant quant à
dans l’État du Tennessee. Conçue
sortes de titres de la lucidité et de 20 apporterait une amélioration sa méthodologie et à ses méthodes
par une pléiade d’experts désirant
la persévérance à une alliance qui d’environ 2 p. 100 dans certaines d’évaluation. En effet, son objectif
mettre en œuvre une recherche
va loin, une alliance nouée dans matières pour un accroissement du premier est de faire augmenter le
expérimentale d’envergure, cette
l’esprit d’une société qui veut le financement de 57 p. 100 (La voie taux de réussite des élèves des
étude complète et bonifie les
meilleur pour ses enfants et pour de l’avenir, 1997). milieux défavorisés plutôt que de
recherches précédentes à plusieurs
ses jeunes. Mais, au-delà d’une rhétorique faire connaître l’effet de la réduc-
égards, c’est-à-dire en ce qui con-
M. Arthur Marsolais est membre intuitive ou idéologique sur le sujet, tion de la taille des classes sur la
cerne le contrôle scientifique (attri-
du comité de rédaction de Vie quelles sont les évidences scien- réussite scolaire. Ce projet, parce
bution des élèves et des enseignants
pédagogique. tifiques auxquelles un gouverne- qu’il n’a pas été possible d’attribuer
au hasard), l’étendue de la recherche
ment, une commission scolaire ou au hasard les enseignants et les
(étude touchant plus de 7 000 élèves,
une école peuvent se référer pour élèves, de garder les groupes d’élèves
329 classes, d’une durée de 4 ans)

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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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CONCLUSION M. Christian Neveu est direc-


Les recherches récentes menées sur teur adjoint du Centre d’inté-
le sujet confirment que la réduction gration scolaire et M. Jean-Guy
Blais est vice-doyen à la gestion

Photo : Denis Garon


de la taille des classes lors des pre-
mières années d’école (de la mater- et au développement de la
nelle à la 3e année) favorise l’ap- Faculté des sciences de l’éduca-
prentissage et fait augmenter le taux tion de l’Université de Montréal.
de réussite scolaire à court et à long Références bibliographiques
intacts d’année en année et de con- temps avec l’enseignant, plus terme, et ce, de façon plus accentuée BETTS, J. et J. SHKOLNIK. « The Behavioral
trôler systématiquement la taille des d’occasions de participer; il a en ce qui concerne les élèves de Effects of Variations in Class Size : The Case of
Math Teachers », Educational Evaluation
classes, est considéré comme une le sentiment d’être plus « repé- milieux défavorisés ou de cultures and Policy Analysis, Special Issue – Class
étude quasi expérimentale. rable », il adopte donc des com- minoritaires. De plus, cette même Size : Issues and New Findings, vol. 21,
Jusqu’à maintenant, les résultats portements plus appropriés; no 2, Washington, 1999, p. 193-213.
réduction aurait des effets positifs CLOUTIER, Mario. « Cadeau de Noël pour la
préliminaires de cette étude con- son rythme d’apprentissage est notables sur les enseignants (plus CEQ », Le Devoir, 22 décembre 1999.
firment ceux des études précé- respecté. de temps pour répondre aux besoins COMMISSION D’AMÉLIORATION DE L’ÉDU-
CATION DE L’ONTARIO. La voie de l’avenir.
dentes selon lesquels la réduction • Les effets sur l’enseignant : il a particuliers des élèves, plus de Rapport sur le temps d’apprentissage, le
de la taille des classes est avan- plus de temps avec les élèves; il temps pour approfondir la matière, nombre d’élèves par classe et l’affectation
tageuse. De plus, dans le projet a l’occasion de répondre plus plus de contacts personnels avec du personnel, Premier rapport de la Com-
mission d’amélioration de l’éducation de
SAGE comme dans le projet STAR, attentivement aux questions et l’élève, possibilité d’utiliser diffé- l’Ontario, Ontario, 1997, (http://eic.edu.gov.
les élèves des minorités ethniques aux besoins de ces derniers; rentes approches pédagogiques, on.ca).
(en majorité des Africains améri- il peut assurer un meilleur suivi; FINN, J. et C. ACHILLES. « Tennessee’s
moins de gestion de la discipline, Class Size Study : Findings, Implications,
cains) semblent avoir bénéficié il a plus de temps pour enseigner etc.), les élèves (attention plus sou- Misconceptions », Educational Evaluation
davantage de cette réduction. la matière, plus de contacts per- tenue, plus de temps avec l’ensei- and Policy Analysis, Special Issue – Class
Size : Issues and New Findings, vol. 21, no 2,
LES EFFETS POSITIFS sonnels avec l’élève; il a la possi- gnant, plus d’occasions de parti- Washington, 1999, p. 97-109.
bilité d’utiliser différentes ap- ciper, respect de leur rythme GLASS, G. et autres, School Class Size :
CONNEXES Research and Policy, Berverly Hills, CA, Sage
proches pédagogiques. d’apprentissage, etc.) et l’environ-
Les conclusions des trois études les • Les effets sur la classe : l’atmos-
Publications, 1982.
nement scolaire (meilleure atmo- HANUSHEK, E. « Some Findings From an
plus importantes, si différentes les phère y est meilleure, l’ambiance sphère, ambiance plus amicale, Independent Investigation of the Tennessee
unes des autres quant à leur con- plus amicale; les relations entre STAR Experiment and From Other
etc.).
ception et à leur méthodologie et les élèves et l’enseignant sont
Investigations of Class Size Effects »,
Les recherches évoquées ne nous Educational Evaluation and Policy
effectuées à trois époques distinctes, meilleures; plusieurs approches Analysis, Special Issue – Class Size : Issues
permettent cependant pas de sta-
convergent vers un même constat, pédagogiques sont possibles. and New Findings, vol. 21, no 2, Washington,
tuer sur le nombre exact d’élèves 1999, p. 143-163.
soit que des classes de taille réduite Nombreux sont ceux qui s’en- que devrait compter une petite classe MOLNAR, A. et autres. SAGE Third Year
favorisent les apprentissages et la tendent pour dire que ce n’est pas Report, 1998-1999 Result of The Student
« idéale » (vingt élèves? quinze
réussite scolaire. la réduction en soi qui favorise la Achievement Guarantee In Education
élèves?). Elles ne permettent pas (SAGE), Université du Wisconsin, Milwaukee,
Mais, outre le fait de favoriser l’ap- réussite mais plutôt ce qui se passe non plus de conclure que la réduc- 1999a, (http://www.uwm.edu/SOE/centers&
prentissage et de faire augmenter le dans les classes. Glass et ses colla- projects/sage/)
tion est plus avantageuse durant
taux de réussite, la réduction de la borateurs (1982) ont avancé que la
MOLNAR, A. et autres. « Evaluating the SAGE
les premières années d’école que Program : A Pilot Program in Targeted
taille des classes aurait d’autres succession et la combinaison des Pupil-Teacher Reduction in Wisconsin »,
durant les années subséquentes.
effets positifs. Glass et ses collabo- effets positifs observés chez les Educational Evaluation and Policy
En fait, nous savons que la réduc- Analysis, Special Issue – Class Size : Issues
rateurs (1982) ont classé ces effets enseignants, les élèves et dans l’en- tion de la taille des classes favorise and New Findings, vol. 21, no 2, Washington,
en trois catégories : les effets sur vironnement scolaire pourraient 1999b, p. 165-177.
les apprentissages et la réussite sco-
l’élève, les effets sur l’enseignant et être responsables d’un meilleur PATE-BAIN, H. et autres. Project STAR —
laire et qu’elle engendre des effets Class Size Research, Lebanon, Tennesse,
les effets sur les pratiques d’ensei- taux de réussite. Ainsi, la réduction positifs, à long terme de surcroît, et 1999a, (www.nashville.net/~heros/classsi
gnement. Dans le rapport du projet du nombre d’élèves influence ce zeresearch.htm).
cela semble suffisamment pertinent
STAR, nous retrouvons deux de ces qui se passe en classe, ce que l’en-
PATE-BAIN, H. et autres. Project STAR —
et important pour que certains gou- Tennessee’s K-3 Class Size Study, Lebanon,
catégories d’effets positifs : les effets seignant fait (son attitude avec les vernements envisagent sérieuse- Tennessee, 1999b, (www.nashville.net/~
sur les élèves et les effets sur les élèves) et ce que font les élèves ou heros/star.htm).
ment cette possibilité. Il ne faudrait STASZ, C. et B. M. STECHER. « Teaching
enseignants. Sans les avoir classés, ce qu’ils vont faire. Ce seraient donc cependant pas croire qu’elle est un Mathematics and Language Arts in Reduced
les chercheurs du projet SAGE ont ces différents processus qui influen- Size and Non-Reduced Size Classrooms »,
remède infaillible à l’échec sco-
également relevé certains effets de ceraient à leur tour les apprentis- Educational Evaluation and Policy Analysis,
laire, ni même qu’elle est la seule vol. 22, no 4, Washington, 2000, p. 313-329.
la réduction de la taille des classes. sages et les résultats scolaires. Pour solution pour favoriser la réussite WORD, E. et autres. The State of Tennessee’s
Ainsi, dans les études consultées, d’autres chercheurs, c’est l’augmen- Student/Teacher Achievement Ratio
éducative. Il importe donc d’être
on peut dire que les effets constatés tation du temps d’enseignement
(STAR) Project. Final Summary Report
vigilant et de mettre en œuvre tous 1985-1990, Lebanon, Tennessee, (www.nash
ont été sensiblement les mêmes et individualisé qui expliquerait les les moyens possibles pour favoriser ville.net/~summary.pdf).
nous les avons répartis de la façon résultats observés (Molnar et autres, ZAHORIK, J. A. « Reducing Class Size Leads
cette dernière. La réduction de la to Individualized Instruction », Educational
suivante : 1999a et 1999b; Zahorik, 1999; taille des classes est un moyen non Leadership, vol. 57, no1, New York, 1999,
• Les effets sur l’élève : son atten- Betts et Shkolnikm, 1999; Stasz et p. 50-53 (http://www.uwm.edu/Dept/CERAI/
négligeable d’y arriver, mais elle
tion est plus soutenue; il a plus de Stecher, 2000). sage.html).
n’est pas une fin en soi.

PÉDAGOGIQUE
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des lectrices et des lecteurs de
Vie pédagogique sur ce sujet.
À cet effet, les deux premiers articles
de la revue traitent : du concept
d’obligation de résultats lui-même,
des effets de la pression de l’obliga-
tion de résultats sur la production
desdits résultats ainsi que des assises
légales et des politiques en édu-

dossier cation qui s’inscrivent dans une


perspective de responsabilisation
accrue des écoles et du personnel

L’OBLIGATION Photo : Denis Garon


matiques purement pédagogiques
enseignant.
Un troisième article nous amène à
jeter un coup d’œil à l’extérieur du
qui lui sont habituelles et de consa- Québec pour voir un peu ce qui se
DE RÉSULTATS crer un dossier complet à un thème
aussi complexe que controversé et,
vit ailleurs en matière d’obligation de
résultats et de reddition de comptes.
il faut bien l’avouer, extrêmement Le traitement d’un tel thème devait

EN ÉDUCATION : sensible pour les diverses parties


prenantes.
La question est certes très légitime
également faire place aux points de
vue d’enseignantes et d’enseignants
ainsi qu’à ceux de directrices et de
et voici la réponse : directeurs d’écoles qui sont les
• Parce que la gestion des organisa- principales parties prenantes au
RENDRE COMPTE OU tions publiques et privées s’inscrit
de plus en plus dans une perspec-
dossier. Vie pédagogique a donc
demandé à quelques-uns d’entre
DOSSIER

tive d’imputabilité et de reddition eux de réagir à la perspective d’une

SE RENDRE COMPTE de comptes.


• Parce que l’autonomie profes-
sionnelle du personnel ensei-
application plus formelle du con-
cept d’obligation de résultats en
éducation.

A
A
ppliquée au monde de l’édu- tel principe a pour effet d’accroître gnant et la professionnalisation De plus, des personnes ou des
cation, l’obligation de résul- l’imputabilité des acteurs concernés. de l’enseignement ne peuvent se groupes de personnes engagées à
tats est certainement un des Au Québec, dans le domaine de conjuguer qu’à travers une volon- différents titres dans l’expérimenta-
thèmes les plus délicats et difficiles l’éducation, cela s’est traduit par, té et une capacité d’analyse des tion, l’implantation ou le suivi d’une
à traiter. D’ailleurs, si nous voyons entre autres choses, l’accroissement pratiques et des choix profession- démarche d’évaluation institution-
un peu plus aisément ce que ce de l’autonomie et des pouvoirs des nels ainsi que des résultats qui en nelle ont accepté de partager avec
concept peut recouvrir quand on établissements d’enseignement et découlent. Dès lors, on voit nous leur expérience, les conclu-
pense à la sphère des sciences de la du personnel enseignant. émerger de manière plus évidente sions qu’ils en dégagent et les pers-
nature ou à celle de la technologie, Si, en principe, les différents acteurs les liens qui se tissent entre la pectives d’avenir qu’ils entrevoient.
il en va tout autrement quand il s’agit du système éducatif sont d’accord reddition de compte – qu’elle soit Enfin, le dernier article du dossier
de celle des sciences dites sociales avec l’équation « pouvoir + auto- collective ou individuelle – et traite de la nature, de la fonction et
auxquelles appartient l’éducation. nomie = imputabilité = obligation l’acte pédagogique. de la démarche d’élaboration des
Pourtant, depuis la fin des années 70, de résultats », la définition de ce • Enfin, parce que le concept plans de réussite et des plans straté-
on voit sporadiquement émerger dernier concept et son applicabilité d’obligation de résultats en édu- giques que les écoles et les commis-
ce concept, mais avec chaque fois dans le domaine de l’éducation – et cation n’est pas univoque, qu’il sions scolaires sont respectivement
un peu plus d’emphase et d’insis- plus particulièrement dans celui de est encore objet de vives contro- tenues de réaliser.
tance. En effet, dans la foulée de la l’enseignement – ne sont pas pour verses et que l’adoption et l’appli- Bonne lecture!
recherche portant sur les modèles autant compris de manière univoque. cation d’une définition ou d’une Monique Boucher
de gestion des organisations et des C’est d’ailleurs une des conclusions autre risquent de comporter des
systèmes les plus efficaces et effi- qui se dégageait des propos tenus pièges importants qui pourraient
1. Vous pouvez avoir accès aux textes des
cients, les chercheurs ont fait un par l’ensemble des conférencières avoir des effets plus ou moins diverses conférences prononcées sur le
consensus certain sur le principe et des conférenciers invités à par- négatifs sur l’acte d’enseigne- sujet dans le cadre du colloque ci-dessus
de l’empowerment ou, dit autre- ticiper à un colloque sur le sujet en ment/apprentissage. mentionné en allant à l’adresse Internet
suivante : http://www.afides.qc.ca/COLLO
ment, sur l’importance de rappro- octobre 20001. Voilà ce qui a motivé le comité de QUES/EJC/CONFERENCES/conferences.
cher le pouvoir de décision du lieu D’aucuns se demanderont alors rédaction de la revue à vouloir ali- html
même de l’action. Cela étant, on peut-être pourquoi Vie pédago- menter dès maintenant la réflexion
comprendra que l’application d’un gique a choisi de s’éloigner des thé-

VIE
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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

L’OBLIGATION DE RÉSULTATS, DE MOYENS OU DE COMPÉTENCES :


L’AFFAIRE DE TOUT LE MONDE OU
L’AFFAIRE DE CHACUN?
par Claude Lessard

INTRODUCTION comme en témoignent les récentes

U
expériences avec les palmarès

U
n peu partout et de plus
en plus, il est aujourd’hui d’établissements.
question en matière de ser- Reconnaissons que l’éducation
vices publics d’obligation de résul- n’est pas seule à goûter à cette
tats. Cette expression charrie un médecine. Il s’agit en fait d’un
cortège de « concepts » et d’outils virage majeur de l’ensemble des
plus fréquemment utilisés dans le institutions publiques, comme en
monde des affaires qu’en éduca- témoigne la loi 82 sur l’administra-
tion : efficacité, efficience, rende- tion publique et sa modernisation.
ment, productivité, gestion de la M. Lucien Bouchard, alors premier
qualité, quête d’excellence, reddi- ministre du Québec, a été on ne
tion de comptes, imputabilité, éva- peut plus clair là-dessus dans le dis-
luation des institutions comme des cours inaugural de la 36e législature
acteurs, etc. de l’Assemblée nationale (3 mars
Quel choc pour un milieu scolaire 1999).
traditionnellement réfractaire à « Toute la fonction publique
l’évaluation et à la reddition de québécoise sera appelée à se

DOSSIER
comptes, et pour un système d’édu- réinventer... Nous comptons
cation dont la priorité au cours des lancer une profonde modernisa-
40 dernières années a été l’accessi- tion de la fonction publique qui
bilité à l’éducation pour le plus mettra l’accent sur la qualité des
grand nombre! Car au-delà de la services aux citoyens et sur l’at-
rhétorique managériale et des stra- teinte de résultats mesurables.
Photo : Denis Garon
tégies mises en place – qui méritent La réforme que nous proposons
à juste titre un véritable débat et donnera davantage de liberté
une appréciation rigoureuse des d’action à des gestionnaires
effets escomptés et des effets per- imputables. »
vers –, ce qui est en cause, c’est la M. Jacques Léonard, alors président
capacité du système éducatif de lablement fournies par le Ministère, C.S. Val-des-Cerfs, C.S. de Montréal, du Conseil du trésor et ministre
changer de cap et de viser non plus ainsi qu’un plan d’amélioration C.S. Marie-Victorin, pour ne pas les d’État à la fonction publique, souli-
uniquement l’accessibilité mais spécifiant des cibles quantitatives nommer) et un consortium d’éta- gnait pour sa part qu’« il est reconnu
plutôt la qualité de la formation du précises et un horizon temporel blissements anglophones avaient que la compétition qui résulte de
plus grand nombre. Et, en ce sens, déterminé (3 ans). Les plans de des projets et des réalisations en ce l’ouverture des marchés n’affecte pas
de se responsabiliser non plus réussite sont la suite logique de domaine et que le milieu de l’édu- uniquement les entreprises privées.
seulement par rapport à l’offre de l’évaluation institutionnelle. Rap- cation québécois n’avait pas attendu Elle affecte également les gouverne-
formation, mais aussi par rapport à pelons que dans le contexte des la rentrée 2000 et l’annonce des ments. Ainsi, le potentiel écono-
ses résultats. années 90 et de celui des compres- plans de réussite pour se mettre en mique d’un État ne dépend plus
La forme récente de cette respon- sions budgétaires, bon nombre mouvement dans ce domaine. uniquement de son secteur privé.
sabilisation, au Québec comme d’établissements d’enseignement Si les organisations scolaires con- Il dépend également du coût et de
ailleurs, est le plan de réussite. En s’étaient lancés dans des opérations naissent depuis un bon moment la la qualité des services publics. Il faut
effet, le ministère de l’Éducation du de planification stratégique et de planification stratégique et savent donc porter une attention particu-
Québec demande depuis trois ans à réingénierie, souvent appuyées sur construire des plans de développe- lière à la contribution économique
tous les établissements primaires et des processus d’évaluation insti- ment, elles doivent dorénavant réa- imputable au fonctionnement de
secondaires de lui soumettre un tutionnelle. Le Conseil supérieur de liser ces opérations au grand jour, l’État ». Selon lui, le nouveau con-
plan de réussite, sous la forme d’un l’éducation, dans son rapport an- le grand jour des conseils d’établis- texte rend impérieux la mise en place
document comprenant une analyse nuel 1998-1999 consacré à l’évalua- sement et des usagers en général, d’un nouveau cadre de gestion
de la situation, construite à partir tion institutionnelle en éducation, et celui des médias en particulier. combinant « écoute des citoyens,
d’indicateurs quantitatifs de rende- montre que des écoles, des commis- Il est clair que cette transparence qualité des services, recherche de
ment dont les valeurs ont été préa- sions scolaires (C.S. des Sommets, n’est pas toujours facile à vivre, la performance, transparence quant

PÉDAGOGIQUE
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aux choix stratégiques et quant aux daire, les écoles s’engagent à faire collaborer à tout effort sérieux tection, fondées sur des craintes et
réalisations, responsabilisation, passer le pourcentage de décro- d’amélioration de la réussite, celle- des peurs qui ne sont pas toujours
imputabilité devant les parlemen- cheurs de 26,9 p. 100 en l998-l999 ci conçue d’une manière large. faciles à nommer et à rationnaliser.
taires », bref, un « changement de à 22,8 p. 100 en 2002-2003 » Je voudrais, dans les paragraphes L’OBLIGATION DE RÉSULTATS
culture... d’une culture de gestion (meq.gouv.qc.ca/cpress/cpress qui suivent, réfléchir sur ce passage
DÉFINIE PRIORITAIREMENT
des processus à une culture de ges- 2001, 26-10-2001). Quant aux col- souhaité en éducation d’un accent
EN RÉFÉRENCE AUX
tion des résultats ». lèges publics, le taux d’obtention mis traditionnellement sur l’offre de
Dans le domaine de l’éducation, le d’un diplôme passerait d’ici 2010 formation à un accent plus pronon- APPRENTISSAGES DES ÉLÈVES
Sommet du Québec et de la jeu- de 61 p. 100 à 76 p. 100 (meq. cé sur la demande, des moyens aux OU L’OBLIGATION DE
nesse a permis d’établir un consen- gouv.qc.ca/cpress/cpress2001/c011 résultats, de l’entrée à la sortie du RÉSULTATS « PURE ET DURE »
sus sur l’objectif national consistant 005.htm, 26-10-2001). système, des ressources consenties Ce point de vue possède trois carac-
à atteindre une qualification de De leur côté, les syndicats d’en- aux compétences produites, etc. téristiques essentielles :
100 p. 100 des jeunes, en fonction seignants dénoncent « l’approche À cette fin, je vais m’appuyer essen- 1. Les apprentissages des élèves
des choix et du potentiel de chacun. étroite et compétitive adoptée par tiellement sur des idées émises lors sont mesurés par des tests, quan-
Pour atteindre cet objectif, les par- le plan Legault », une approche dite des derniers Entretiens Jacques- tifiés et comparés dans le temps
tenaires du Sommet se sont enten- « affairiste », mais n’en acceptent Cartier (automne 2000) portant et dans l’espace.
dus sur la nécessité d’un plan de pas moins les ingrédients essentiels sur l’obligation de résultats en édu- 2. Ces apprentissages sont aussi
réussite, élaboré par chacun des de la démarche proposée par le cation. Je voudrais suggérer des essentiellement d’ordre cognitif.
établissements d’enseignement, en Ministre. En effet, dans une fiche éléments de synthèse. J’ai donc 3. Les résultats souhaités sont défi-
collaboration avec les acteurs diffusée auprès de ses membres organisé mon propos autour de nis d’avance, en général d’une
locaux et en fonction des caracté- visant à soutenir les conseils d’éta- quatre pistes possibles. J’aborderai manière positive : tant de diplô-
ristiques socioéconomiques et blissement dans l’élaboration d’un ensuite ce qui m’apparaît être le més, X taux de réussite ou de
culturelles du milieu. plan local de réussite, la CSQ accepte principal enjeu. passage à l’ordre d’enseignement
Alors ministre de l’Éducation, « de procéder à une analyse de la suivant. Le consensus peut aussi
QUATRE PISTES POUR CERNER
M. François Legault a clairement situation de l’école relativement à la se formuler d’une manière néga-
L’OBLIGATION DE RÉSULTATS
indiqué que les plans de réussite réussite éducative, à partir des don- tive : il n’est pas acceptable que les
EN ÉDUCATION
DOSSIER

constituaient une priorité qu’on ne nées qui seront jugées pertinentes; écoles laissent partir tant d’élèves,
pouvait ignorer, et ce, dans la forme d’identifier des mesures suscep- L’obligation de résultats peut être que les collèges échappent tant
qu’il jugeait essentielle, c’est-à-dire tibles d’améliorer la réussite des définie de plusieurs manières. En d’étudiants au cours du premier
avec des cibles quantitatives et une élèves et de prévoir des modalités effet, elle peut être saisie : semestre ou que les universités
stratégie triennale claire pour lever d’évaluation de celles-ci; de fixer • en référence aux apprentissages diplôment si peu de leurs étu-
les principaux obstacles à la réus- des objectifs quantitatifs ou qualita- des élèves; diants inscrits au premier cycle.
site, cette stratégie devant être tifs, selon la mesure retenue; de • en tant que responsabilité d’un Il importe donc d’agir afin de
fondée sur une analyse serrée de la déposer un plan local à la commis- collectif de travail; corriger cette situation.
situation de chaque établissement. sion scolaire dans des délais • en rapport avec les moyens, pro- Dans sa forme la plus courante,
Il a attribué, à la rentrée scolaire raisonnables et selon l’approche cessus ou procédures de travail; cette obligation de résultats est
2000-2001, un budget supplémen- retenue par le milieu » (csq.qc.net/ • en fonction de la compétence soutenue par la diffusion publique
taire de 23 millions de dollars pour educat/edusoc/conseils/plans.htm, d’un enseignant moyen, compte des résultats des uns et des autres.
soutenir la mise en œuvre des plans 26-10-2001). Toutefois, la CSQ tenu de son expérience et de sa Elle se matérialise souvent dans des
de réussite. Son refus des premiers refuse « de fixer a priori des cibles formation. palmarès d’établissements secon-
plans soumis par les collèges ne mesurables en matière de non- Abordons chacune de ces pistes daires, collégiaux ou universitaires,
laissait aucun doute sur l’existence retard scolaire et de taux de diplo- ou portes d’entrée. Acceptons au de commissions scolaires, de sys-
d’une réelle volonté politique de mation; de comparer la situation départ qu’aucune n’est pleinement tèmes éducatifs provinciaux ou
voir l’ensemble du système éducatif de notre école à celle des autres satisfaisante et à l’épreuve de toute d’États nationaux. Sur le plan admi-
prendre les moyens efficaces mis à écoles; d’adopter une vision étroite contestation. Ce qui est recherché nistratif, elle peut être encouragée
sa disposition pour accroître la per- de la réussite basée sur la seule ici est ce qu’il est raisonnable et par des schèmes classificatoires
sévérance scolaire et la diplomation. mesure des taux de diplomation » juste d’attendre de l’école et de d’établissements (Chicago, l995),
Des plans de réussite présentés par (csq.qc.net/educat/edusoc/con celles et ceux qui la font. Ce qui suit des plans de réussite approuvés et
les commissions scolaires et accep- seils/plans.htm, 26-10-2001). La ne constitue pas une réflexion financièrement soutenus et divers
tés par le Ministre, il ressort que, si CSQ propose aussi un modèle d’un définitive et fermée. C’est un maté- systèmes d’incitatifs à la perfor-
en l998-l999 le retard scolaire à la plan local de réussite et suggère, à riau pour aider les uns et les autres mance, comme on en trouve aux
fin du primaire touchait 22,2 p. 100 partir d’une liste de facteurs identi- à s’approprier un concept qui se États-Unis et en Grande-Bretagne.
des enfants, soit plus d’un enfant fiés par la recherche comme liés à présente tout à la fois comme une Poussée à l’extrême, il peut s’agir
sur cinq, « sur la base des plans la réussite scolaire, un ensemble injonction forte, une prescription d’une pure obligation de résultats
reçus, les écoles se fixent l’objec- d’objets pouvant être intégrés dans précise et une pression légitime sur qui laisse dans le flou les moyens
tif ambitieux de faire passer ce un plan de réussite. En somme, tout le système d’éducation, ses unités et mis en place ou les processus
taux à 11 p. 100 seulement, d’ici en s’opposant à ce qui lui semble ses acteurs, et qui engendre chez activés, ou qui estime que tous les
2002-2003, soit une réduction de être une approche réductrice de plusieurs des réactions tout aussi moyens sont bons pourvu que « ça
50 p. 100. Par ailleurs, au secon- l’éducation, la CSQ se dit prête à fortes de rejet, de défense et de pro-

VIE
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2002
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marche » et que les résultats atten- davantage acceptée et valo-


dus soient au rendez-vous. risée. Certes, on observe, du
Trois critiques sont souvent formu- moins à court terme, une aug-
lées en réaction à cette centration mentation des rendements,
exclusive sur des résultats scolaires mais cela ne révèle-t-il pas
mesurés et quantifiés : surtout que les élèves ont
1. Il s’agit d’une vision réductrice appris à gérer la situation de
de l’école et des conséquences l’examen, le type de question
souhaitées de la scolarisation. La posée et le répertoire de
mission de l’école ne peut être réponses désirées, et que
uniquement assimilée à assurer l’école est totalement absor-
la réussite du plus grand nombre bée par cette logique de
à des épreuves uniques. L’école démonstration des apprentis-
existe certes pour faire apprendre sages faits?
les instruments de base et une Lorsque les palmarès placent
partie du patrimoine culturel de tout en bas de leur échelle du

Photo : Denis Garon


l’humanité, mais elle est aussi mérite des écoles à vocation par-
un lieu de développement d’une ticulière – l’École Vanguard, par
citoyenneté éclairée, critique et exemple, au Québec, ou les écoles
engagée; aussi, plusieurs finalités pour décrocheurs –, ou ignorent
de l’école, y compris des compé- certaines sous-populations au sein
tences intellectuelles supérieures épreuves uniques afin de ne aussi craindre une perte de d’autres écoles secondaires –
ou transversales, se mesurent pas faire baisser la moyenne solidarité et d’esprit de corps, comme les élèves sourds de
mal quantitativement ou ne se de l’ensemble ou d’accroître car la guerre de tous contre l’Ouest du Québec regroupés à
manifestent pleinement qu’à long le taux d’échec, ou, au con- tous pour les meilleurs élèves, l’école Lucien-Pagé, ou les
terme ou tardivement, après traire, investissent beaucoup les meilleurs professeurs et les 13 classes d’accueil du début du

DOSSIER
l’étape de la scolarisation dont d’énergie à « doper » pour meilleurs cadres scolaires secondaire à l’école Saint-Luc,
on cherche à connaître les effets l’examen les élèves « moyens » accroîtra la méfiance, la dis- etc. –, il est clair que les besoins
trop immédiats. qui peuvent faire une diffé- tance et le secret entre les de ces effectifs scolaires sont ainsi
2. Cette vision risque d’entraîner rence dans la réussite moyenne acteurs, sans oublier la ran- non reconnus et que le service
plusieurs dérives inquiétantes de l’établissement, tout en lais- cune des perdants et des lais- public qui leur est destiné n’est
(Demailly, 2000 : 8) : sant les plus « faibles » à eux- sés pour compte par ce jeu pas valorisé.
– des dérives éthiques : si la mêmes, etc. impitoyable. 3. L’obligation de résultats ne peut
pression sur les résultats est – des dérives concurrentielles – Des dérives curriculaires pas fonctionner sans obligation
trop forte et perçue comme entre des établissements, des (qu’exprime bien l’expression de moyens :
injuste, ou que les consé- classes, des professeurs et des anglo-américaine « teach the – dans la classe, tous les moyens
quences d’un échec appa- élèves : dans un système de test ») et pédagogiques (cer- ne sont pas bons pour qu’un
raissent difficiles à supporter, plus en plus compétitif, il est à tains besoins d’effectifs parti- jeune apprenne quelque chose :
alors les acteurs seront tentés craindre que les « meilleurs culiers risquent de ne pas être éduquer et instruire sont des
d’adopter diverses stratégies établissements » s’améliore- comblés, parce que les pren- tâches d’ordre éthique aussi
déviantes. Le monde commer- ront, écrémant toujours davan- dre en compte n’est l’objet profondément que d’ordre
cialisé du sport professionnel tage les « meilleurs » élèves, d’aucune reconnaissance spé- cognitif. L’acte d’enseigner
et des Jeux olympiques cons- alors que les autres établisse- cifique). Il est tout à fait prévi- comporte une éthique de la
titue un bel exemple de cette ments pâtiront, incapables de sible et parfaitement rationnel relation (comment traiter
dérive : les enjeux économiques conserver leur part de « bons » que les écoles accordent dans l’autre?) et une éthique de la
et politiques y sont tels, la élèves et de « bons » profes- un avenir rapproché – là où connaissance (comment par-
pression sur les athlètes est à seurs; ainsi, les écarts entre ce n’est pas encore déjà bien ler en construisant de la
ce point forte, que la tentation scolairement « riches » et sco- installé –, de plus en plus de vérité?) (Demailly, 2000 : 9).
de tricher, de se doper est dif- lairement « pauvres » s’ac- temps et de soin à la prépa- – sur le plan d’un système édu-
ficile à combattre. En éduca- croîtront inévitablement. Au ration de leurs élèves pour la catif, la notion de service pu-
tion, on constate déjà ici et là à Québec, il est à craindre que situation d’examen, le type blic impose des contraintes à
travers le monde, des compor- cette fracture recouvre à peu d’examen et les contenus qui la poursuite de l’efficacité et
tements de ce type : des écoles près complètement la distinc- risquent de caractériser les de l’efficience.
inventent des moyens de se tion public-privé au secon- épreuves nationales. Cela se Plus fondamentalement, et au-delà
« débarrasser » d’élèves faibles, daire et qu’elle soit donc, pour passe couramment dans les de ces trois critiques, une question
adoptent des pratiques de clas- une part très importante, pays et provinces anglo- se pose. Elle est ainsi formulée par
sement et d’orientation « sans essentiellement de nature saxonnes, là où l’obligation de Perrenoud (2000 : 4) : « Est-il pos-
risque », empêchent quelques socioéconomique. À l’échelle résultats est plus forte et où la sible et légitime d’exiger des résul-
élèves de se présenter aux du système éducatif, on peut culture de compétition est tats définis d’avance dans un métier

PÉDAGOGIQUE
19
donné? » Sa réponse peut être cibles quantitatives préétablies
résumée en ces termes : (Perrenoud, 2000 : 5).
Oui, il est possible et légitime d’exi- Mais convenir de cela revient-il à
ger des résultats définis d’avance, à dire et à accepter que toutes les
condition que : pratiques et tous les professeurs (et
1- le problème à résoudre soit tous les établissements) se valent? Les
purement technique, que les recherches sur l’effet-établissement1
finalités de l’action soient par- (Cousin, l993, l998; Reynolds et
faitement claires et que les pro- Creemers et autres, l996; Grégoire,
fessionnels n’aient d’autre tâche l990; Grisay, l989; Scheerens, 1992;
que de chercher les meilleurs Gewirtz, 1998; Gibson et Asthana,
moyens d’atteindre des objectifs 1998) et sur l’effet-maître (Wendell,
sans équivoque; 2000) sont concluantes et ne peuvent
2- l’action des professionnels ne être ignorées. D’ailleurs, elles con-
dépende que marginalement de firment à la fois le sens commun et
la coopération ou de la mobilisa- aussi une sagesse éducative sécu-
tion de personnes ou de groupes laire : certains établissements réus-

Photo : Denis Garon


indépendants de l’organisation sissent à faire une différence dans la
qui les mandate; vie de leurs élèves; dans certains
3- l’état des savoirs savants et pro- cas, la cohérence et la chimie y sont
fessionnels rende possible une plus grandes et avec des effets décu-
action efficace dans la plupart plés sur l’apprentissage; de même, arbitraire ni complaisant, on peut du discours pédagogique sur les
des situations rencontrées; certains enseignants ont une inci- donc prendre en compte raisonna- compétences transversales et l’in-
4- les situations qu’affrontent les dence réelle, plus importante que blement les résultats, « comme don- terdisciplinarité, l’importance accor-
professionnels de même niveau d’autres; il en est de même de cer- nées pertinentes dans un tableau dée aux partenariats communau-
de qualification soient sinon taines directions et de certains cadres clinique brossé par un expert capa- taires, tout cela requiert davantage
DOSSIER

identiques, du moins relative- scolaires. La recherche montre aussi ble de “ faire la part des choses ”, de concertation, de coordination et
ment comparables. que cet effet n’est pas uniquement de ne pas appliquer mécanique- d’intégration des actions indivi-
En éducation, on s’en doute, ces le fait de caractéristiques person- ment des “ normes de production ”, duelles et d’unités diverses. Les
conditions ne sont pas véritable- nelles, mais aussi et d’abord de mais d’assumer tranquillement le mesures de décentralisation admi-
ment remplies, du moins si les l’action professionnelle de l’ensei- fait que les enseignants ne sont pas nistrative cherchent à faire de
résultats sont jaugés à l’aune d’une gnant et de l’administrateur. interchangeables et que certains l’établissement un acteur plus
norme standard, indépendante du On ne peut donc faire complète- posent en moyenne des gestes plus autonome de son propre projet
contexte et identique pour tous les ment abstraction des apprentissages justes et efficaces que d’autres » éducatif, ce qui suppose qu’il déve-
établissements et pour tous les des élèves et refuser de s’intéresser (Perrenoud, 2000 : 6-7). loppe sa propre capacité de fédérer
praticiens. En effet, en éducation, à l’efficacité pédagogique d’un éta- L’OBLIGATION DE RÉSULTATS : les énergies des uns et des autres
les finalités et les objectifs sont blissement et d’un enseignant. On autour de priorités d’action con-
UNE RESPONSABILITÉ
nombreux, ambigus et contradic- peut par ailleurs tenter de répondre venues et mobilisatrices. Dans le
COLLECTIVE, ET NON PAS
toires; aussi, comme le rappellent aux questions suivantes : même ordre d’idées, le Conseil
constamment les pédagogues, l’ap- Dans les conditions de travail qu’il INDIVIDUELLE supérieur de l’éducation prône
prentissage ne se décrète pas; enfin, avait, avec des élèves qui étaient les Le collectif peut être l’équipe des depuis plusieurs années, pour les
les savoirs savants et professionnels siens, cet enseignant a-t-il fait, cette professeurs, l’équipe de direction, enseignants, un « professionnalisme
ne sont pas « consistants » et les année-là, ce qu’il était possible de l’établissement dans son ensemble, collectif ».
situations sont fort variées. faire dans l’état de l’art et de la un regroupement d’écoles, la com- La Centrale des syndicats du Québec
Suivant cette analyse, il faudrait science de l’enseignement et de mission scolaire ou toute autre par- adhère à cette conception du pro-
alors renoncer à toute vision techno- l’apprentissage? (Perrenoud, 2000 : tie du système éducatif. La question fessionnalisme, tout comme, ainsi
cratique de l’obligation de résultats, 5-6) ici posée est celle de la responsabi- qu’on l’a vu précédemment, elle
qui assignerait à chaque professeur Dans les conditions dont il a hérité, lité relative des unités d’un système reconnaît la valeur d’une certaine
(ou à chaque établissement) des avec les enseignants de son école et dans leur effort pour atteindre les forme d’évaluation institutionnelle.
résultats attendus, définis a priori, le personnel non enseignant à sa objectifs visés. C’est l’évaluation du rendement de
avant même que l’année et la for- disposition, cette année-là, ou au Ainsi, il y a actuellement une grande chaque enseignant que celle-ci
mation commencent, standardisés cours de son mandat, ce directeur insistance sur la coopération pro- refuse et craint, notamment à cause
ou du moins calculables en fonc- ou cette directrice d’école a-t-il ou fessionnelle et le collectif de tra- du risque d’arbitraire et du pouvoir
tion d’un certain nombre de para- a-t-elle fait ce qu’il était possible vail enseignant : l’introduction de qu’elle donnerait à la direction. Oui
mètres imposés ou convenus. Ou à de faire dans l’état de l’art et de la l’approche-programme dans les à une certaine responsabilisation
tout le moins, il faudrait recon- science de l’administration et de collèges, celle des cycles d’appren- collective et institutionnelle, mais
naître le caractère un peu magique la gestion? tissage dans les écoles primaires et non à son pendant individuel,
et gratuit voire arbitraire de toute Dans l’élaboration d’un jugement secondaires dans le cadre de la semble-t-elle prendre comme posi-
détermination et assignation de lucide, circonstancié, partagé, ni réforme curriculaire, la diffusion tion dans ce débat.

VIE
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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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Ici, deux remarques s’imposent : 2000), cela apparaît néanmoins sur une technologie médicale de 1. Une forme étroite et bureaucra-
1. Si le tout est potentiellement plus problématique : il n’est pas certain plus en plus complexe. Une partie tique, une ritualisation des com-
que la somme des parties, il n’est que nous puissions éliminer toute de la croissance des coûts de la portements des enseignants. Par
jamais indépendant des parties. ambiguïté et toute difficulté en cette santé est probablement due à cette exemple, à l’université, cela
Il importe donc d’évaluer le tra- matière. En bonne partie, parce que suspension du jugement médical pourrait se traduire ainsi : j’ai
vail des individus, notamment cette question est inextricablement autonome et à sa forte dépendance remis un plan de cours à mes
sous l’angle de sa contribution reliée à des rapports de pouvoir et à d’outils « indiscutables ». étudiants et discuté avec eux
au projet d’ensemble, de sa des logiques contradictoires. Dans l’enseignement, la situation clairement des travaux exigés,
dimension collective, tant dans le est différente : s’il est possible de je suis en classe les heures pres-
NON À L’OBLIGATION
registre relationnel que dans définir la faute professionnelle, il crites, j’accorde X heures de
DE RÉSULTATS, OUI À
le registre plus technique de n’est pas toujours aisé d’en démon- tutorat par semaine, je procède
L’OBLIGATION DE MOYENS, DE
la coordination des actions trer les effets, leur importance et en cours de semestre à une ou
(Perrenoud,). Il en va de même PROCESSUS OU DE PROCÉDURE leur caractère permanent. C’est deux sessions d’évaluation for-
des directions, des établisse- Cette conception de l’obligation d’ailleurs là la grande difficulté à mative, je remets les travaux
ments (écoles et collèges), des professionnelle se trouve en général laquelle doit faire face ces années- des étudiants dans des délais
regroupements d’écoles ou de dans les professions où une seule ci le Conseil pédagogique inter- raisonnables (disons 10 jours
collèges, des commissions sco- erreur peut avoir des conséquences disciplinaire du Québec dans sa ouvrables), etc. Il faudrait
laires. incalculables et où, donc, il faut tentative de convaincre les instances ajouter : je participe à quelques
2. Il faut aussi réfléchir à la part de réduire au minimum les risques, gouvernementales appropriées ainsi réunions de concertation avec
responsabilité qui incombe aux par exemple en médecine. On y que le Conseil interprofessionnel de mes collègues dans le cadre
autorités supérieures – le mi- arrive en standardisant les pra- la nécessité de mettre sur pied un d’une approche-programme et,
nistère de l’Éducation –, aux tiques, celles-ci étant en quelque ordre professionnel pour les ensei- lorsque cela est nécessaire, je
pouvoirs organisateurs intermé- sorte normalisées dans des proto- gnants, les ordres ayant dans la loi, mets l’épaule à la roue pour des
diaires – les commissions sco- coles précis et relativement rigides. pour principale raison d’être, la réformes de programmes. Pour
laires –, aux établissements pris Et si on déroge au protocole ou si défense du public contre l’incom- l’enseignement primaire et secon-
comme entités autonomes, et on le modifie, il faut être en mesure pétence et les abus professionnels. daire, le cahier de charges des
de se justifier devant ses pairs et ses

DOSSIER
enfin, aux enseignants en tant Or la question se pose : Quels dan- enseignants ainsi qu’un code
que professionnels. On pourrait supérieurs et assumer les consé- gers graves courent des élèves à se d’éthique pourraient répondre à
ajouter les parents et les élèves. quences de ses actes, car les erreurs retrouver avec un ou des enseignants cette obligation traduite en com-
N’a-t-on pas vu récemment des ou les écarts injustifiés sont sanc- « incompétents »? portements et en règles de con-
écoles américaines transmettre tionnés. Normalement, les proto- Comme C. Gauthier (2000) le sou- duite. Que ces comportements
aux parents un bulletin de leur coles ne sont modifiés que lorsque tient, l’incompétence pédagogique a soient appropriés et nécessaires
participation à l’encadrement des données de recherche incon- davantage à voir avec des « pat- est évident, mais épuisent-ils la
scolaire de leur enfant? S’il appa- testables fondent le changement et terns » de comportements, des question? Surtout, libèrent-ils
raît évident que les divers paliers que la solution de remplacement erreurs répétées et une incapacité l’établissement et l’enseignant du
du système éducatif ne sont pas a été éprouvée cliniquement. Les à se corriger, qu’avec une faute « reste »? Il me semble que poser
responsables et éventuellement protocoles dont il est ici question, précise et non répétée, dont les la question, c’est y répondre…
imputables des mêmes dimen- toutes choses étant égales, sont cen- conséquences peuvent être drama- On peut transposer sans trop de dif-
sions de l’action éducative – par sés incarner l’état des connais- tiques pour les élèves. L’erreur pé- ficultés ce type de raisonnement à la
exemple, les programmes sco- sances et de la recherche; ils incor- dagogique n’a donc pas en général direction des établissements et aux
laires ne sont pas pour l’essentiel porent les meilleures pratiques les mêmes conséquences qu’en cadres scolaires.
le fruit de décisions prises par (« best practices »). médecine ou qu’en cour criminelle. Cette forme d’obligation de moyens
l’établissement –, il n’en demeure Dans le cas de la médecine, si le Dan C. Lortie (l975) aimait répéter, est pour l’essentiel une stratégie
pas moins que ce que chaque patient meurt, le médecin ne sera dans son analyse du faible statut de défensive et protectrice. Paradoxa-
palier contrôle a des effets (pas mis en cause que si une faute pro- l’enseignement, que personne à sa lement, elle mène à un contrôle
toujours prévus ni voulus!) sur fessionnelle a été commise. La connaissance n’était mort de ne pas bureaucratique, réduit le métier à
l’activité des autres paliers et notion de faute renvoie à un man- savoir tel infinitif de tel verbe à tel une forme d’exécution de procé-
qu’il importe donc de distinguer quement sur le plan des processus âge! dures et de soumission à des règles,
la part d’autonomie relative – de diagnostic et de traitement. Historiquement, en éducation, l’obli- plus ou moins négociées. Les dan-
et donc de responsabilité – au D’ailleurs, du moins dans une gation de moyens a prévalu sur gers liés à cette approche sont bien
regard du fonctionnement qui Amérique du Nord friande de pour- l’obligation de résultats, comme en connus : irresponsabilité, routine,
tient à l’intégration à un système suites judiciaires et de résolution témoignent les rapports d’inspec- report de la faute sur l’autre
piloté par une autorité. des conflits par le canal judiciaire, tion d’autrefois, les consignes pré- (l’élève), impossibilité d’une res-
S’il y a lieu de mieux circonscrire la cette crainte de la faute profession- cises données aux enseignants, les ponsabilité collective et partagée;
nature et l’extension de l’obligation nelle donne lieu à une médecine manuels standardisés et les sys- régression de l’enseignement vers
de résultats, et donc la limite de précautionneuse, les médecins tèmes de sanctions homogènes. la prolétarisation et la dépendance
la responsabilité des enseignants appuyant leur diagnostic sur des Aujourd’hui, cette obligation de à l’égard de règles prédéfinies.
dans la réussite des élèves (Tardif, tests de plus en plus nombreux et moyens peut prendre deux formes :

PÉDAGOGIQUE
21
2. Une forme d’obligation de moyens outil de rattrapage dans certaines les leçons qui s’imposent. Il recon- lective et individuelle, elle ne peut
plus large et « professionnali- matières. naît que toute analyse de la situation se réduire à des moyens, mais doit
sante » : il s’agit alors de l’obliga- Dans l’évaluation des différentes l’inclut en tant que personne et plutôt se concevoir comme l’obli-
tion de se donner les moyens catégories de personnel comme des agent scolaire, qu’il ne peut s’en gation de construire et de bonifier
d’une action pédagogique réus- entités, l’obligation de résultats extraire, comme si les étudiants constamment sa compétence à
sie, tous les moyens, ceux qui implique qu’on s’intéresse au choix habitaient un monde – la classe – enseigner, en collégialité et en con-
relèvent des règles, méthodes et avisé des moyens et à l’analyse faite dont il serait absent. Les élèves et certation avec les autres inter-
techniques connues lorsqu’elles du fonctionnement et du travail les étudiants pardonnent beaucoup venants de l’école. Cela implique le
sont efficaces, et ceux qui passent effectué. Cette approche implique de maladresses et d’erreurs à un souci des effets de son enseigne-
par une stratégie originale et aussi qu’on procède à des bilans enseignant chez qui ils sentent l’au- ment sur les élèves, le devoir de
inventive, voire déviante, lorsque de compétences, en cherchant à thenticité de l’engagement propre- rechercher les meilleurs moyens et
les démarches standards sont répondre aux questions suivantes : ment pédagogique. stratégies disponibles, efficaces et
sans effet. Dans les situations rencontrées, me Ce souci pédagogique, on l’aura raisonnablement applicables, ainsi
On aboutit ainsi à la quatrième et suis-je donné des moyens suffisants, compris, est à la fois éthique et pra- que le partage avec les collègues
dernière entrée de l’obligation de adéquats de résoudre le problème, gmatique. Il suppose que l’ensei- des bons coups comme des moins
résultats : de faire face à l’obstacle? De façon gnement puisse être l’objet d’une bons coups.
plus générale, dans quel registre forme de rationalisation, celle qui L’obligation de compétences soulève
L’OBLIGATION DE RÉSULTATS
de savoirs savants, experts ou per- est propre aux métiers de l’humain toute la question des référentiels de
CONÇUE COMME OBLIGATION
sonnels, dans quel ensemble de res- (Tardif et Lessard, l999). L’obliga- compétences, de leur construction,
DE COMPÉTENCES, CELLE
sources, avec quelle prise de risque, tion de résultats en éducation est de leur reconnaissance et de l’éva-
QU’ON PEUT ATTENDRE D’UN quelle ouverture à des apports donc en définitive fortement asso- luation des compétences profession-
ENSEIGNANT MOYEN, COMPTE externes, quelle méthode, quelle ciée à un devoir de lucidité et de nelles. C’est une piste intéressante
TENU DE SON EXPÉRIENCE ET énergie et persévérance ai-je cher- régulation raisonnée de la pratique pour quiconque a à cœur la profes-
DE SA FORMATION DE MÊME ché les moyens d’affronter un pro- (Perrenoud, 2000). En ce sens, sionnalisation de l’enseignement;
QUE CELLE QU’ON PEUT blème professionnel? (Perrenoud, l’obligation de compétences est il me semble qu’elle pourrait per-
ATTENDRE D’UNE DIRECTION 2000 : 14). intrinsèquement liée à la profes- mettre de dépasser le couple
DOSSIER

ET D’UN CADRE SOUCIEUX Un pédagogue ne devient compétent sionnalisation des métiers de l’édu- moyens-résultats, en engageant
D’ATTEINDRE LES OBJECTIFS – ou véritablement pédagogue, car cation. l’enseignant à assumer la respon-
DE L’ÉTABLISSEMENT. en définitive, il s’agit-là d’une ques- En somme, pour les enseignants, sabilité des processus les plus sus-
tion d’identité – que s’il est attentif l’obligation de compétences com- ceptibles d’assurer l’apprentissage
La compétence apparaît ici comme
et s’interroge sur ce qu’il fait et sur porte un devoir d’attention aux effets et la réussite éducative de tous.
le fruit du développement dans l’ac-
les effets de ses actions sur ses des comportements pédagogiques : Dans cette vision des choses, l’en-
tion d’une capacité de résoudre les
étudiants, leur apprentissage (con- pour reprendre le titre d’un ouvrage, seignant est considéré comme un
problèmes de la pratique, en fonc-
naissance) et leur développement la question se pose, à savoir : J’en- spécialiste de l’intervention éduca-
tion de l’état des connaissances et
(habitus et valeurs). En ce sens, la seigne, mais eux, apprennent-ils? tive qui a le souci de la réussite de
des expériences tentées et connues.
pédagogie, avant d’être une réponse L’obligation de compétences im- ces élèves : il doit, à ce titre, être
Étroitement liée au développement
pratique, des procédés ou des plique aussi la reconnaissance formé aux processus d’enseigne-
professionnel, elle comporte les
savoir-faire, est un souci et une cen- d’une responsabilité individuelle ment/apprentissage que la recherche
capacités d’analyser avec rigueur
tration sur l’apprentissage et le par rapport à ce qui se passe immé- considère de nature à contribuer de
des situations complexes, d’iden-
développement, ou dit autrement, diatement dans l’acte éducatif, manière significative à la réussite
tifier des solutions pertinentes,
sur les effets réels, anticipés ou comme processus dans la classe et éducative de tous.
réalistes et conformes à l’état des
non, de l’enseignement dispensé. l’établissement (même si les autres Cela exige de faire évoluer des
connaissances et des expériences,
Il s’agit là d’une disposition fonda- ont aussi une part de responsabi- normes et des cultures profession-
de les mettre en œuvre, de les éva-
mentale, d’une orientation de base, lité). Elle comporte aussi l’obliga- nelles, celle de l’administration
luer et de les modifier.
d’une valeur essentielle. Elle com- tion de chercher la solution la plus comme celle des enseignants, de
Par exemple, pourrait être ainsi
mande à l’enseignant un devoir de appropriée ou de nouvelles façons sorte que la responsabilité du déve-
considérée comme « compétente »
lucidité et de détachement par rap- de faire quand les effets de l’action loppement professionnel et une
l’équipe du collège X qui décide de
port à ses actions et à ses inter- sont non désirables, ainsi qu’une pratique plus réflexive et partagée
s’attaquer au « syndrome du pre-
ventions, typique du professionnel. part prise dans les responsabilités deviennent des ingrédients courants
mier trimestre », qui analyse rigou-
Le praticien réflexif chevronné pos- collectives (au niveau de l’établisse- du métier et des leviers de sa pro-
reusement la situation, se mobilise,
sède cette intelligence de l’action, à ment) et de l’évolution du système fessionnalisation.
implante et évalue diverses solu-
la fois émotionnelle et cérébrale, éducatif. Cependant, il n’est pas certain que
tions, ou celle de l’école secondaire
cette capacité de lire une situation les orientations ici proposées soient
qui dépiste ses élèves à risque de CONCLUSION :
floue et mouvante, là où sont ses compatibles avec la pression actuelle
décrochage, qui met sur pied une UN PEU DE RUSE
étudiants et là où il peut les mener sur les résultats, l’impatience du
ou des cliniques pour des élèves en En somme, l’obligation de résultats
avec énergie et doigté. Il sait recon- public à l’endroit de l’école pu-
passe d’abandonner leurs études, et en éducation ne peut évacuer tota-
naître ses bons coups et ses erreurs blique et le besoin de rendements
qui utilise, entre autres stratégies, lement les apprentissages effectués
ou échecs, ne dramatise pas outre immédiatement améliorés, auxquels
l’enseignement par les pairs comme par les élèves; elle est à la fois col-
mesure ces derniers et sait en tirer prétendent répondre les approches

VIE
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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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managériales « affairistes » criti- communication dans le cadre des Entretiens


Jacques-Cartier, 2000.
quées par la CSQ. Il y a des tensions GEWIRTZ, S. « Can All Schools be Successful?
réelles entre l’accent mis sur des An Exploration of the Determinants of School
cibles quantitatives et une approche “success” », Oxford Review of Education,
vol. 24, no 4, 1998, p. 439-457.
qualitative de la réussite scolaire et GIBSON A. et S. ASTHANA. « School
éducative, entre une vision réduc- Performance, School Effectiveness and the
trice et une définition large de la 1997 White Paper », Oxford Review of
Education, vol. 24, no 2, 1998, p. 195-210.
mission de l’école, entre les plans GRÉGOIRE, R. Les facteurs qui façonnent
de réussite et la réforme curricu- une bonne école. Rapport d’une recherche
laire en cours, entre l’accroisse- bibliographique sélective et analytique, minis-
tère de l’Éducation du Québec, Direction de la
ment souhaité du rendement des recherche, 1990.
unités et la perte anticipée d’effi- GRISAY, A. Quels indicateurs d’efficacité
cience publique du système dans pour les établissements scolaires? Étude
d’un groupe contrasté de collèges « perfor-
son ensemble, et entre la reddition mants » et peu « performants ». Belgique,
de comptes et la professionnalisa- Université de Liège, Service de Pédagogie
tion de l’enseignement. Ces couples

Photo : Denis Garon


Expérimentale, 1989.
LESSARD, C. L’obligation de résultats en
sont en tension dans un champ de éducation : de quoi s’agit-il? Le contexte
forces structuré. québécois d’une demande sociale, une
Dans pareille situation, je crois rhétorique du changement et une exten-
sion de la recherche, Montréal, communica-
qu’il est alors nécessaire que les tion dans le cadre des Entretiens Jacques-
pédagogues et les administrateurs prometteurs et axés sur la réussite lieu au colloque sur l’obli- Cartier, 2000.
scolaires rusent avec certaines éducative de tous. Cela, je crois, est gation de résultats, tenu à LORTIE, D. C. School-teacher, a Sociological
Analysis, Chicago, University of Chicago
formes que prend ou que peut possible, d’autant que les contrats l’automne 2000, à Montréal, Press, 1975.
prendre cette obligation. Car les de réussite laissent une place à un dans le cadre des Entretiens PERRENOUD, P. Obligation de compétence
dangers qu’une transposition trop diagnostic local et permettent donc Jacques Cartier. Je remercie et analyse du travail : rendre compte dans
le métier d’enseignant, Montréal, commu-
mécanique d’une culture d’entre- aux établissements de construire les collègues dont les idées ont nication dans le cadre des Entretiens

DOSSIER
prise dans le monde de l’éducation leur propre définition de la situa- contribué à la synthèse par- Jacques-Cartier, 2000.
fait courir sont réels, tout comme les tion, de définir leurs propres fina- tielle présentée ici et dont j’as- PINAR, W.F. et autres. « Understanding : An
Introduction » Understanding Curriculum.
risques de fracture sociale liés aux lités et objectifs ainsi que les actions sume l’entière responsabilité. An Introduction to the Study of Historical
effets de palmarès mal construits. qu’ils estiment les plus en mesure and Contemporary Curriculum Discourses,
Un conflit, une forte contradiction d’améliorer la qualité de l’éduca- Références bibliographiques N.Y., Peter Lang, 1995.
ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC. Projet REYNOLDS, D. et autres. (Eds.). Making
entre une logique administrative de tion dispensée. La ruse ici consiste Good Schools : Linking School Effectiveness
de loi no 82, Loi sur l’administration pu-
l’efficience et les caractéristiques et à lire les contrats de réussite comme blique, sanctionnée le 30 mai 2000, éditeur and School Improvement, London,
les exigences d’un milieu véritable- un cadre, certes structurant, mais officiel du Québec, 2000. Routledge, 1996.
CHICAGO PUBLIC SCHOOLS. Trending Up. SCHEERENS, J. Effective Schooling :
ment éducatif, est certainement au relativement ouvert, et non pas Research, Theory and Practice. London,
Four-year Education Progress Report,
coin de la rue, tout comme la pres- comme des prêts-à-porter rigides et Children First, July 1995-August 1999, Chicago Cassell, 1992.
sion pour des rendements rapide- uniformes, et de s’en servir comme Public Schools, Office of Accountability. TARDIF, M. Les organisations de service
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION. public et l’obligation de résultats en édu-
ment améliorés est en contradiction un outil de développement de son cation : plaidoyer pour un principe de
L’évaluation institutionnelle en éduca-
avec un souci de réformes et d’in- établissement, en partenariat avec tion : une dynamique propice au déve- responsabilité limitée, Montréal, communi-
novations pédagogiques dans le les parents et les instances commu- loppement. Rapport annuel 1988-1999 sur cation dans le cadre des Entretiens Jacques-
l’état et les besoins de l’éducation, 1999. Cartier, 2000.
sens d’une plus grande variété des nautaires. Cela est possible, mais TYACK D. et L. CUBAN. Tinkering Toward
COUSIN, O. « L’effet d’établissement, cons-
pratiques d’enseignement! Un scé- exige un leadership qui relève le truction d’une problématique », Revue Utopia, A Century of Public School Reform,
nario tout à fait plausible est que la pari de l’autonomie de l’établisse- Française de Sociologie, vol. 34, 1993, Cambridge, Mass., Harvard University Press,
p. 395-419. 1995.
logique « industrielle » réduise à ment et des enseignants qui s’auto- WENDEL, T. « Creating Equity and Quality,
COUSIN, O. L’efficacité des collèges.
une peau de chagrin toute innova- risent (empowerment) à « prendre Sociologie de l’effet établissement, Paris : A Litterature Review of School Effectiveness
tion et toute transformation signi- le pouvoir » qui leur revient pour PUF, Éducation et Formation, Recherches and Improvement », Schools that make a
scientifiques, 1998. difference, SAEE Research Series # 6, BC,
ficatives et qu’au bout du compte, développer leur compétence à con- Canada, juin 2000.
CREEMERS, B., T. PETERS et D. REYNOLDS.
les inégalités scolaires et, par exten- tribuer à la réussite du plus grand (Eds.). School Effectiveness and School
sion, sociales et culturelles, s’ac- nombre. Improvement . Proceedings of the second 1. Entendons par effet d’établissement une
international Congress, Rotterdam, 1989. incidence dont la cause est à chercher
centuent. Pour celles et ceux qui M. Claude Lessard est titulaire dans la capacité de l’institution, et des
DEMAILLY, L. Enjeux et limites de l’obliga-
ont à cœur autre chose que le ren- de la chaire de recherche du tion de résultats : quelques réflexions à acteurs qui la composent, à se construire
dement à court terme des écoles ou Canada sur le personnel et les partir de la politique d’éducation priori- et à se mobiliser comme une entité col-
taire en France, Montréal, communication lective, et non plus comme une juxtapo-
le retour de l’école inégalitaire métiers de l’éducation à la sition de classes, d’heures de cours
dans le cadre des Entretiens Jacques-Cartier,
d’autrefois, s’impose donc la ruse, Faculté des sciences de l’éduca- 2000. indépendants et d’individus plus ou
c’est-à-dire des actions stratégiques tion de l’Université de Montréal. DEROUET, J.-L. École et Justice. De l’égalité moins isolés. Il est donc le fruit d’une
des chances aux compromis locaux?, Paris, action ou d’une coordination volontaire
qui, tout en composant avec l’iné- P.S. : Même s’il n’en constitue pas d’un établissement qui n’est pas que le
Éditions A.-M. Métaillé, 1992.
vitable reddition de comptes, une synthèse exhaustive, ce GAUTHIER, C. Les enjeux de l’obligation de produit d’effets de contexte et d’effets de
cherchent à sauvegarder des texte est largement tributaire résultats en éducation au regard du défaut composition.
espaces et des projets pédagogiques des échanges de vues ayant eu de performance des enseignants, Montréal,

PÉDAGOGIQUE
23
OBLIGATION POUR QUI? RÉSULTATS DE QUOI?
par Jacques Henry

A
dressée aux écoles, l’obliga- • Le savoir n’est plus un objet sacré eux-mêmes devient différencié, mance de l’entreprise, la réussite

A tion, relativement récente,


de se doter d’un plan de
réussite et d’en quantifier les prin-
auquel on accède par initiation
codifiée et ritualisée; c’est une
construction humaine, faillible et
sélectif, comparatif.
Cette visée nous apparaît légitime et
réaliste. Elle s’inscrit dans une
des élèves ne renvoie pas directe-
ment à la performance de l’école.
Pas plus que l’état de santé des
cipaux paramètres a non seulement perfectible, c’est un processus approche responsabilisante de la patients d’un hôpital ne renvoie
provoqué bien des remous dans les bien davantage qu’un résultat; gestion des ressources communes directement à la performance des
milieux scolaires, mais elle a créé • L’école est directement liée à la et fait appel au professionnalisme médecins. Dans ces deux cas, ces
un véritable choc culturel. Pour la société : elle est au service de du personnel enseignant et des indicateurs renvoient à la perfor-
première fois, les écoles se trou- cette dernière avant d’être au ser- directions d’école, dans la mesure mance des élèves ou des malades.
vaient confrontées à des concepts vice du savoir. Il s’ensuit : l’ouver- où le professionnalisme peut se Et ce n’est surtout pas à ceux-ci
hérités en droite ligne du monde de ture de l’école à des influences définir par le degré aigu de cons- qu’on fera une « obligation de
l’entreprise : taux de productivité, extérieures à elle-même (princi- cience et de contrôle du profes- résultats », et pour cause! Alors,
plan de croissance, contrôle de palement socioéconomiques); la sionnel sur son acte en fonction dans ce cas, obligation pour qui?
qualité, reddition de comptes et… participation de ces influences d’une finalité qu’il ne lui appartient La réussite scolaire d’un élève est
obligation de résultats. extérieures à la définition et à pas de définir, mais qui est inhé- bien un résultat, mais le résultat
Avant d’essayer de juger des mérites la production des résultats de rente à l’exercice même de sa pro- complexe d’un ensemble de variables
et des limites de l’opération « plans l’école; une « collectivisation » fession et que l’on trouve habituel- (la motivation de l’élève, l’influence
de réussite », il est sans doute utile de des résultats, des responsabilités lement précisée dans un code de de la famille, l’environnement
prendre conscience des changements et donc des obligations. déontologie. Or, l’absence actuelle socioéducatif et tutti quanti) par-
culturels qu’exige cette nouvelle Ainsi désacralisées, relativisées, d’un tel code de déontologie en mi lesquelles l’influence de l’école
obligation de résultats pour mieux recentrées sur leur milieu socio- éducation n’est pas le moindre (et particulièrement celle de l’en-
comprendre les résistances qu’elle économique, les écoles ne peuvent obstacle à la clarification des obli- seignant) ne figure que comme une
peut susciter ainsi que les dérives être toutes égales entre elles du seul gations de l’école. parmi d’autres, dont elle n’est pas
DOSSIER

auxquelles elle peut donner lieu. fait de l’identité du curriculum et du Si le projet est légitime, est-il réali- nécessairement la plus détermi-
Au-delà des difficultés métrolo- professionnalisme de leurs ensei- sable? En fonction de quels critères nante. Ces indicateurs de la réussite
giques que peut poser la quantifica- gnantes et de leurs enseignants. Le peut-on porter un jugement sur scolaire des élèves ne peuvent pas
tion des résultats lorsque ceux-ci discours égalitaire est depuis long- un établissement scolaire? Quelle être confondus avec les résultats de
reposent sur des processus com- temps un mythe remis en question valeur et quelle portée a ce juge- l’école : ils peuvent servir à éclairer
plexes, au-delà de la difficulté de dans les faits (il n’y a qu’à considé- ment? À quelles responsabilités un jugement porté sur l’école (et
départager les obligations lorsque rer les critères auxquels se réfèrent (et donc à quelles obligations) donc une obligation conséquente
ces dernières concernent des insti- les parents quand il s’agit de choisir renvoie-t-il? Dans quelle mesure destinée à ses artisans), mais ils ne
tutions et non pas des individus, il une école pour leur enfant ou les peut-il servir de levier à un pro- peuvent en aucun cas en poser les
faut d’abord se convaincre de la enseignants à l’époque des affecta- cessus d’amélioration et de dynami- fondements.
légitimité et de la praticabilité tions); on officialise maintenant le sation des pratiques? On voit donc qu’il est périlleux de
des visées ministérielles si l’on veut fait qu’il existe de bonnes et de L’OBLIGATION DE RÉSULTATS juger d’une école sur la base du
que les investissements considé- moins bonnes écoles, comme il en rendement de ses élèves. Le péril
Une entreprise est jugée d’après ses
rables d’énergie qu’elles exigent va de tout projet humain. s’accroît quand on regarde la qua-
profits, un joueur de baseball,
donnent, précisément, des résultats. Il ne s’agit donc plus, comme dans lité des résultats des élèves sur
d’après sa moyenne au bâton et une
Cette obligation formelle de résul- le passé, de s’interroger sur l’état lesquels on prétendrait fonder un
équipe de hockey, par son nombre
tats constitue une étape décisive de général de l’école québécoise. Cette tel jugement : résultats vieux de
de victoires. Bref, dans tous ces
ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler réflexion collective, enclenchée plusieurs années; résultats d’exa-
cas, on juge d’après les résultats,
une « désacralisation » de l’école. avec les États généraux sur l’éduca- mens par objectifs alors qu’on pré-
puisque ce sont les raisons d’être
Ce processus n’est pas nouveau, tion, se termine avec l’implantation tend développer des compétences;
respectives de l’entreprise, du frap-
mais il est maintenant sur la place de la réforme du curriculum. Il résultats qui, à l’exception des
peur et de l’équipe de hockey. Il est
publique. On ose alors dire que : s’agit maintenant de savoir quelles quelques programmes soumis à
très tentant d’appliquer ce raison-
• L’école coûte cher; en un temps écoles fonctionnent bien, lesquelles une épreuve unique, proviennent
nement à l’école, et de la juger, elle
de resserrement des ressources, éprouvent des difficultés et com- d’instruments de mesure divers et
aussi, selon ses résultats (qui en sont
elle n’est plus une dépense fixe, ment faire pour que les premières pas toujours comparables; résultats
réduits à la réussite de ses élèves,
incompressible et immuable : elle continuent et pour que les secondes provenant, dans leur expression, du
exprimée en nombre d’échecs,
fait désormais partie de la marge s’améliorent. Bref, tout comme en jugement de ceux qui sont juste-
en taux de persévérance ou en
de manœuvre économique d’une médecine, c’est une question de ment payés pour les produire. Et en
moyenne aux examens).
société qui veut en avoir pour son diagnostic, de prévention et de trai- supposant même que l’on puisse
L’ennui, c’est que si la « moyenne
argent et qui demeure libre de tement. Ironiquement, à l’époque améliorer la qualité des instruments
au bâton » renvoie directement à la
moduler ses investissements dans où l’évaluation des apprentissages de mesure en allant jusqu’à leur
performance du frappeur et les
ce domaine; individuels devient critérielle, le conférer une validité objective
bénéfices, directement à la perfor-
regard porté sur les établissements (c’était le rêve behavioriste qui a

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Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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sciences de l’éducation des univer- tion en termes d’objectifs suppose tion de processus (et non de résul-
sités, qui imposent à leur tour leur que l’on dispose de tous les moyens tat) fait partie intégrante de la déon-
propre test. Ce test universitaire pour l’atteindre et que l’on contrôle tologie de toute profession fondée
est ensuite disqualifié par les les déterminants essentiels à sa sur des heuristiques (les stratégies)
commissions scolaires qui, à titre réalisation. Sur cette base, on peut plutôt que sur des algorithmes (les
d’employeurs, imposent d’office la s’engager à atteindre un objectif, on procédures). Constatons que c’est
réussite de l’examen du Centre peut se rendre responsable de son clairement le cas en éducation.
d’évaluation du rendement en fran- atteinte et on peut se faire deman- Toutefois, l’analogie médicale ou
çais (CEFRANC) comme condition der des comptes sur la progression juridique ne tient pas sur toute la
d’embauche, alors que ce sont ces des moyens vers l’atteinte de cet ligne. Les actes du médecin ou de
Photo : Denis Garon mêmes commissions scolaires qui objectif. Un but, en revanche, qu’il l’avocat, tout professionnels qu’ils
ont vérifié, en 5e secondaire, la soit quantitatif ou qualitatif, on ne soient, sont hautement codifiés par
compétence en français de ces can- peut que le viser, le souhaiter, tra- la pratique de la profession, au
didats! Voilà pour la valeur de ces vailler et contribuer à son atteinte. point de devenir souvent des proto-
« résultats »… Il ne peut légitimer ni responsabi- coles. Ils sont, en effet, constam-
guidé les efforts des spécialistes de Est-ce à dire que les indicateurs lité, ni engagement ni donc obli- ment soumis aux tests de réalité que
la mesure en éducation pendant des quantitatifs de réussite des élèves gation. constituent, respectivement, l’état
décennies), on se heurte toujours à aux examens ne sont d’aucune uti- Alors, qu’en est-il de la réussite sco- objectif du patient ou le verdict du
la barrière du principe d’incerti- lité? Certainement pas. Ils sont laire dans une école? On aura com- tribunal. Rien de tel en éducation,
tude : on ne peut être vraiment sûr utiles comme signaux d’alerte, pris qu’il s’agit d’un but et non d’un où la confusion est institutionna-
que de ce qui n’est pas très impor- comme un élément, parmi d’autres, objectif. Son utilité mobilisatrice est lisée entre la fonction de prestation
tant. On se souviendra plaisamment du regard que l’on porte sur la réa- évidente et la progression de l’éta- des services et celle d’évaluation
de la réponse de Binet, créateur des lité scolaire, comme facteurs psy- blissement vers le but se traduit, dès des résultats : ces deux fonctions
premiers tests de Q.I., à qui l’on chologiques de motivation. Mais lors, en résultats scolaires. Ce qui sont en effet confiées à la même
demandait une définition de l’intel- il faut y renoncer, à notre avis, nous semble manquer cruellement personne : l’enseignant. Ajoutons,
ligence : « L’intelligence, c’est ce comme moteurs premiers des à la logique sous-jacente aux plans pour faire bonne mesure, que le
que mon test mesure », répondait- efforts d’amélioration de l’école et de réussite, ce sont de véritables médecin fait cause commune avec

DOSSIER
il. Qu’est-ce que la réussite sco- des pratiques professionnelles. objectifs, au sens où nous venons son patient et l’avocat, avec son
laire? N’avons-nous qu’une réponse LES BUTS ET LES OBJECTIFS d’en définir les termes. On ne le client. On ne saurait en dire autant
à la Binet à proposer? Oui, si l’on dira jamais assez : une école ne de l’enseignant envers ses élèves : à
Il est essentiel ici de faire une nette
poursuit dans cette voie, à notre peut contracter d’engagements et cause précisément de la fonction
distinction, même si elle est subtile,
avis sans issue, qui consiste à d’obligations (et ne peut donc être d’évaluation (et, ne nous le cachons
entre les buts d’une organisation
réduire la nécessaire imputabilité évaluée) que sur la base d’objectifs, pas, malgré le discours officiel, à
telle que l’école et ses objectifs.
de l’école aux seules statistiques qui et non de buts. Or les résultats sco- cause des besoins de sélection du
Un but est ce vers quoi tend l’effort
permettent d’établir des palmarès. laires, fer de lance de l’opération système scolaire et des employeurs),
de l’organisation, sans qu’elle en
Une « moyenne au bâton » ou des ministérielle, relèvent hélas des une distance doit être maintenue
contrôle tous les paramètres. Ainsi,
états financiers ne sont que l’ex- buts et non des objectifs. par rapport à l’élève à cause du fait
un corps de police peut avoir pour
pression normalisée de coups de Ces résultats scolaires sont l’outil que l’enseignant est à la fois juge
but de réduire le nombre de crimes
circuit sonnants ou d’espèces de désespoir sur lequel se rabattre (de la réussite scolaire de l’élève)
ou d’accidents (but quantitatif) ou
trébuchantes, dont la réalité est lorsque l’on a renoncé à avoir une et partie (du processus éducatif qui
d’accroître le sentiment de sécurité
facile à constater. La réussite d’un prise, ou même de simples infor- favorise ou non cette réussite). Tout
des citoyens (but qualitatif). On le
élève n’entre pas dans la même mations, sur les processus. Par le processus éducatif souffre de
voit, ce n’est pas la fameuse distinc-
catégorie et ne s’exprime pas de la conséquent, puisque l’école est un cette ambiguïté, culturelle plus que
tion « quantitatif-qualitatif » (qui a
même façon. lieu de production de processus structurelle, mais trop profondé-
pourtant alimenté tant de discus-
Il est d’ailleurs frappant de cons- bien davantage qu’un lieu de pro- ment enracinée sans doute pour
sions à l’occasion des plans de
tater à quel point le système sco- duction de résultats scolaires, il faut qu’il soit réaliste d’espérer y opérer
réussite) qui permet de dissiper la
laire se méfie, comme consomma- centrer ses obligations sur les pro- quelque changement.
confusion entre fins et moyens, buts
teur, des résultats scolaires dont il cessus, à moins de redéfinir les Finalement, signalons que, contrai-
et objectifs, processus et résultats;
est pourtant producteur. Sur le seul « résultats de l’école » comme dif- rement au médecin ou à l’avocat,
elle n’a, somme toute, qu’une
aspect de la maîtrise du français férents des résultats scolaires de ses dont les processus soigneusement
importance instrumentale.
que l’on exige des nouveaux ensei- élèves. Et dans ce cas, ce sont les consignés au dossier médical ou
Alors qu’un but est formulé pour
gnants, cette maîtrise supposément résultats de quoi? au procès-verbal s’effectuent dans
mobiliser l’action, un objectif est
validée par l’obtention du diplôme L’OBLIGATION DE PROCESSUS une « cage de verre », une certaine
formulé pour être atteint. Ainsi, un
d’études secondaires n’est pas culture professionnelle a rendu les
corps de police peut se fixer des On ne demande pas à un médecin
reconnue par les cégeps, qui im- enseignants réticents à rendre
objectifs, tels que réduire le délai de guérir ses patients, mais de les
posent leur propre test de français compte de leurs processus. C’est le
d’intervention après un appel d’ur- soigner; on ne demande pas à un
comme condition d’obtention du syndrome de la « fenêtre givrée ».
gence, accroître la fréquence des avocat d’obtenir l’acquittement de
DEC, test qui est ensuite totalement Désolons-nous que le système sco-
patrouilles ou informatiser ses son client, mais de lui assurer une
ignoré par les départements des laire, les médias et le public en
fichiers criminels. Poser une inten- défense pleine et entière. L’obliga-

PÉDAGOGIQUE
25
général leur fassent l’injustice de il nous semble urgent et fécond de visme que par la réflexion. Il est ne porte pas sur le bon objet. La
les juger sur les résultats de leurs s’atteler. urgent, croyons-nous, de dégager question « Dans quelle mesure est-ce
élèves; mais reconnaissons du Obligation de quoi? De résultats? des espaces de réflexion où les indi- que je juge satisfaisante ma gestion
même souffle que c’est souvent la Ce sont des feuilles. De processus? vidus, les équipes et les établisse- de classe? », par exemple, est plus
seule chose qu’ils laissent sortir de Ce sont des branches. De compé- ments auraient l’obligation, puisque profonde que « Dans quelle mesure
la salle de classe… Faute d’objec- tence? Nous arrivons au tronc. De c’est d’obligations qu’il est question le comportement des élèves de ma
tifs, on se rabat sur les buts. conscience? Voilà la racine. ici, de s’autoévaluer et de porter un classe est-il satisfaisant? ». La ques-
Les processus éducatifs (les façons jugement critique et diagnostique tion « Dans quelle mesure est-ce
de faire), puisque c’est sur eux et L’OBLIGATION DE CONSCIENCE sur leur propre action. À quand, que je favorise la réussite de mes
sur eux seulement que pourra COMME BASE DE par exemple, un portfolio profes- élèves? » est beaucoup plus inter-
porter toute obligation que l’on LA COMPÉTENCE sionnel pour les enseignants et pellante que « Dans quelle mesure
voudra imposer à l’école, ont un Jeter sur soi-même un regard cri- les directions des établissements? mes élèves réussissent-ils? » Et l’on
urgent besoin d’être précisés, clari- tique et sans complaisance est sans À quand le processus d’une authen- se pose beaucoup plus facilement
fiés et posés en termes d’objectifs à doute l’un des exercices des plus tique supervision axé sur le dévelop- celle-ci que celle-là, hélas!
atteindre, selon le sens que nous exigeants, mais aussi des plus pement d’une conscience réflexive À se centrer sur des résultats qui ne
leur avons donné ci-dessus; nous féconds. Cette métacognition de davantage que sur des préoccu- sont pas le produit exclusif de nos
nous inquiétons de voir que les type socratique est la condition pations de gestion administrative? seuls processus, on retombe dans
efforts actuels sur le plan du même de la compétence et du pro- À quand des politiques de perfec- la même ornière : la tentation de
développement institutionnel des grès professionnel, tout comme elle tionnement qui obligeraient à faire focaliser toute son attention sur les
établissements portent souvent bien l’est de l’apprentissage. Qu’elle précéder tout perfectionnement responsabilités des autres, soit
davantage sur les buts que sur les prenne la forme d’une analyse d’une analyse de besoins? À quand celles des élèves qui ne font pas
objectifs; que les redditions de réflexive des pratiques quand il des redditions de comptes dépas- d’efforts, des parents qui ne colla-
comptes et les rapports annuels s’agit des individus ou d’une évalua- sant le simple rapport d’activités? borent pas, de la direction qui « ne
devenus plus fréquents adoptent tion institutionnelle quand il s’agit À quand des plans d’action néces- met pas ses culottes » et du MEQ
plutôt le mode descriptif du rapport d’un établissement, c’est ce qui per- sairement appuyés sur un diagnos- qui ne finance pas suffisamment les
d’activités que le mode critique du met de dépasser le simple fonction- tic préalable? services nécessaires aux élèves. Ce
diagnostic et du jugement; et que nement pour assurer le développe- Malgré ses limites et son réduction- n’est qu’en renonçant à l’obsession
DOSSIER

les référentiels soient, dans les faits, ment, entendu comme le maintien nisme quantitatif, il faut reconnaître des résultats scolaires que l’on
si peu contraignants. Nous y revien- des acquis, la correction des lacunes que l’opération « plans de réussite » pourra se recentrer sur les proces-
drons dans un instant. et l’amélioration continue. est un pas dans la bonne direction sus que l’on contrôle, les seuls qu’il
Mais il faut d’abord établir que la Force est de constater que cette en créant précisément, pour les soit possible d’améliorer.
compétence de l’éducateur (et conscience de soi-même en action, écoles, un tel espace de réflexion. L’OBLIGATION DU REGARD
celle de l’apprenant, tout aussi bien qu’elle commence à être encou- Il est cependant à craindre, au vu
DE L’AUTRE
bien) comporte, au-delà de la ragée chez les élèves en apprentis- de ce qui s’est passé pendant leur
capacité d’accomplir des tâches élaboration en catastrophe lors de Lorsque l’on est soi-même à la fois
sage, est loin d’être répandue chez
complexes, une composante essen- l’automne 2000, que cette phase observateur et objet d’observation,
les enseignants en exercice. On
tielle qui relève de la conscience : passe beaucoup plus de temps, lors essentielle d’analyse réflexive ne l’image perçue n’est jamais par-
la conscience que l’on a de la des journées pédagogiques, par porte que sur les résultats scolaires; faitement fidèle. En effet, à cause de
portée et des limites de sa compé- et il est très clair que le suivi minis- la charge affective qui accompagne
exemple, à planifier ce que l’on va
tence est une condition sine qua tériel de ces plans de réussite ne cette observation, l’image obtenue
faire qu’à évaluer ce que l’on a fait :
non de l’exercice même de cette s’attachera qu’aux cibles quantita- comporte nécessairement des zones
ne nous étonnons plus que la pra-
compétence et de l’amélioration de tives, c’est-à-dire encore une fois aveugles, des « angles morts » qui
tique professionnelle générale soit
celle-ci, seule garantie de la qualité aux seuls résultats scolaires. L’effort ne peuvent être corrigés ou cou-
davantage caractérisée par l’acti-
des processus que cette compé- verts que par un miroir ou un
tence contrôle ensuite. Cette méta- regard extérieur. C’est le « test
compétence, si l’on peut dire, a de réalité » qui vient compléter,
besoin de trois conditions pour se enrichir, éclairer, corriger ou vali-
développer : l’analyse réflexive, le der le regard réflexif. Tout comme
regard de l’autre et des référentiels la vision binoculaire est la condi-
reconnus. C’est maintenant bien tion de la stéréoscopie (la capacité
connu dans le domaine de l’ap- de voir les objets en profondeur),
prentissage, et le nouveau Pro- c’est l’interaction du regard réflexif
gramme de formation de l’école et du regard externe qui permet
québécoise a précisément été cons- une perception juste des pratiques
truit sur ces bases pour l’élève. On professionnelles. Cette interaction
tarde cependant à transférer ce féconde ne peut s’effectuer en
Photo : Denis Garon

paradigme à l’enseignement et à milieu professionnel, selon nous,


l’éducation. C’est là que, à notre que dans le cadre d’un processus
avis, le bât blesse et c’est ce à quoi de supervision. Nous en sommes
fort loin dans nos écoles.

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Pour des raisons qui relèvent prin- la pratique, c’est une autre his- que du document de référence) et développement des compétences
cipalement, mais pas seulement, de toire). En fait, il faut arriver à tenir ne semblent pas voir l’urgence ainsi que des critères d’évaluation
la culture des relations de travail, le un discours similaire quant au juge- d’agir. De plus, même correct dans des actes professionnels. Signalons
concept de supervision a perdu son ment que l’on porte sur les éta- sa forme et dans son processus d’ailleurs que le besoin est le même
véritable sens depuis des années blissements et sur les enseignants et d’élaboration, le projet éducatif ne en ce qui concerne les autres caté-
dans nos milieux scolaires : on l’a le faire suivre de pratiques de peut jouer son rôle que s’il est gories de personnel des établis-
confondu avec des actions d’éva- supervision conséquentes. ensuite mis en œuvre et si on s’y sements et, au premier titre, les
luation administrative et de gestion L’OBLIGATION DE RÉFÉRENTIELS réfère régulièrement dans les directions d’école.
de personnel ou alors avec une opérations d’évaluation institution- Ce ne sont pas les travaux qui
La vision binoculaire ne fournit une
relation d’aide de type quasi théra- nelle et dans l’élaboration de leurs manquent en matière de profils de
image utilisable que si les données
peutique. Tant qu’on ne percevra plans d’action annuels. À cet égard, compétence. L’élément manquant
sont interprétées à l’aide d’un
pas la supervision comme le lieu c’est clairement aux établissements demeure l’officialisation d’un tel
référentiel unique. Le référentiel
privilégié d’exercice de la cons- qu’il incombe de se mettre à référentiel; or ce besoin, seul le
est le fondement de toute action,
cience réflexive du professionnel et l’œuvre. En incluant, dans la Loi de Ministère, en concertation avec les
puisqu’il définit ce qui est son objet
comme la condition nécessaire du l’instruction publique, l’obligation syndicats d’enseignants et les com-
et sa finalité, tandis que le plan n’en
développement de sa compétence, pour le conseil d’établissement de missions scolaires, peut le combler.
définit que les modalités. Il faut
il faudra faire le deuil d’une authen- voir à l’élaboration du projet édu- Cette visée nous ramène au vieux
revaloriser les référentiels dans
tique amélioration responsable des catif et d’évaluer sa mise en œuvre projet de création d’un ordre pro-
notre pratique scolaire, réaffirmer
pratiques. (articles 37 et 74) et en faisant fessionnel des enseignants et d’un
la primauté du quoi et du pourquoi
Cette prise de conscience suppose, à l’enseignant l’obligation de le code de déontologie. Il serait urgent,
sur le comment, subordonner l’effi-
assurément, une évolution significa- respecter (article 22 – 7), le Minis- à notre avis, que le Ministère réac-
cacité à l’efficience.
tive des mentalités. Pour les ensei- tère a fait sa part et peut difficile- tive ce dossier : on ne peut pas faire
Sur le plan national, le Programme
gnants, ce sera de parvenir enfin à ment aller plus loin. appel au professionnalisme des
de formation est évidemment, en
dépasser le réflexe syndical défensif Finalement, sur le plan individuel, enseignants sans la reconnaissance
matière d’apprentissage, le référen-
qu’il est normal d’avoir devant ce la supervision professionnelle ne officielle de ce statut professionnel,
tiel par excellence. Les efforts
que l’on perçoit, même si c’est faux, peut pas s’installer sur le mode assorti des droits et des respon-
doivent viser non seulement sa con-
comme une ingérence ou une intuitif, pas plus qu’elle ne peut se sabilités qui en découlent.

DOSSIER
naissance et son appropriation par
agression; pour les superviseurs, ce faire de façon ponctuelle. Elle doit L’OBLIGATION
tous les enseignants, mais aussi et
sera de se donner le temps, le aussi s’effectuer au regard d’un
surtout son omniprésence dans les Tout au long de ce texte, il a été
courage et les outils pour à la fois référentiel reconnu. Ce référentiel,
opérations d’évaluation et de plani- question d’obligation. Ce terme est
dépasser les considérations poli- ce serait clairement un profil de
fication. Ici, il faudra être vigilant maintenant culturellement connoté
tiques et garantir le sérieux, la séré- compétence de l’enseignant débou-
pour que les outils du comment et évoque la perspective déplaisante
nité et la crédibilité du processus. chant sur un code de déontologie.
(les manuels scolaires et les fameux d’être astreint à quelque chose
C’est ici, notamment, que la prise Le Ministère établit clairement
« projets ») ne viennent pas court- contre son gré. Il serait plus inspi-
en compte de faits, d’observations, (L.I.P., article 22 – 6) l’obligation
circuiter la fonction référentielle du rant de revenir à la signification
de données statistiques (et de… pour l’enseignant « de prendre des
Programme de formation de l’école étymologique du mot, c’est-à-dire
résultats!) permet de compléter la mesures appropriées qui lui per-
québécoise. Il est d’ailleurs curieux la création d’un lien. Étymo-
simple perception et de fonder un mettent d’atteindre et de conserver
de noter, parmi les obligations faites logiquement, le mot appartient à la
jugement éclairé, tant chez le un haut degré de compétence pro-
à l’enseignant par l’article 22 de même famille que « intelligence »,
superviseur que chez le supervisé. fessionnelle ». L’ennui, c’est que
la Loi sur l’instruction publique, « relation » et « diligence ». Cette
On le voit, ce n’est pas que les sta- cette compétence n’est définie nulle
l’absence ô combien significative obligation de compétence (et, au
tistiques de résultats scolaires, par part de façon officielle : une obliga-
de l’obligation de respecter le préalable, de conscience) pour
exemple, « ne veulent rien dire ». tion ainsi privée d’objet demeure
Programme. laquelle nous plaidons ne doit donc
Dans la mesure où celles-ci sont alors un vœu pieux sans effets con-
Pour ce qui est de l’établissement, pas s’inscrire dans le climat frileux
récentes, pertinentes et qu’elles ont crets. Entre les obligations très
c’est évidemment le projet éducatif et défensif de recherche de torts et
été obtenues de façon fiable, les générales de l’article 22 de la Loi
qui constitue le référentiel majeur de décrets administratifs, mais au
données quantitatives ont toutes (on n’y inclut même pas l’obliga-
(mais pas exclusif, puisque des contraire découler d’une approche
leur utilité, à la condition, cepen- tion d’évaluer les apprentissages!)
politiques locales jouent aussi un professionnelle responsabilisante, à
dant, qu’elles ne constituent pas et et le paramétrage presque tatillon
rôle référentiel). Malgré les efforts la mesure de l’engagement d’une
ne remplacent pas le jugement des conventions collectives, il y a un
faits récemment par de nombreux école envers ses élèves et sa com-
(sur le mode rétrospectif) et les espace actuellement vide qui pour-
établissements (les écoles pri- munauté, d’une part, mais aussi
objectifs (sur le mode prospectif). rait accueillir utilement une défini-
maires davantage que les écoles envers ses référentiels et ses objec-
Sur le plan de l’apprentissage, on a tion d’authentiques normes de com-
secondaires, toutefois) pour se tifs, d’autre part.
fait beaucoup d’efforts (dans le dis- pétence professionnelle. Autour de
donner un véritable projet éducatif, C’est la seule obligation, morale
cours tout au moins) pour faire ces normes pourraient s’articuler,
il faut constater que plusieurs avant que d’être légale, qui puisse
comprendre aux enseignants que en amont, de meilleurs programmes
écoles fonctionnent encore avec un avoir un sens et donner, peut-être,
l’examen ne doit pas constituer le universitaires de formation d’en-
ersatz de projet éducatif (à saveur des résultats.
jugement de l’enseignant, mais seignants et, en aval, des objectifs
publicitaire, fondé sur des valeurs M. Jacques Henry est consultant
seulement l’éclairer (même si, dans réels de perfectionnement et de
et tenant davantage du vœu pieux en gestion de l’éducation.

PÉDAGOGIQUE
27
L’OBLIGATION DE RÉSULTATS : UNE OBLIGATION
« PROFESSIONNALISANTE » (REGARD D’AILLEURS)
Entrevue avec Mme Lise Demailly
Propos recueillis par Monique Boucher

M
Lise Demailly — J’ai participé d’aide-accompagnement des établis-

M
me Lise Demailly est pro-
fesseure de sociologie à à une expérience d’audits de l’en- sements, y compris en matière d’aide
l’Université de Lille 1. Elle semble des établissements secon- à l’autoévaluation. Les enseignants-
a été associée à plusieurs travaux daires de l’Académie de Lille (512 coordonnateurs de ZEP1 ont été
de recherche sur l’évaluation de établissements). On m’a demandé amenés à participer à l’écriture du
politiques éducatives et a publié de porter un « regard extérieur » canevas d’évaluation et d’autoéva-
plusieurs ouvrages sur l’évaluation sur cette expérience, pour aider en luation des ZEP. Tout cela est assez
des établissements scolaires ainsi quelque sorte l’Académie à effec- innovant et intéressant. En revanche,
que sur la formation continue des tuer son autoévaluation. en ce qui concerne les Zones elles-
enseignantes et des enseignants. Il y V.P. — Le concept d’audits mêmes, les capacités de pilotage
a deux ans, elle participait à un appliqué au monde de l’édu- local restent faibles, surtout sur le
colloque organisé à Montréal par cation est assez méconnu au plan pédagogique.
LISE DEMAILLY
LABRIPROF de l’Université de Québec, vous serait-il pos- V.P. — Pourriez-vous nous
Montréal et l’Association franco- sible de nous le préciser présenté en privé au chef d’éta- donner quelques exemples
phone internationale des directeurs davantage et de nous faire blissement, puis en public au conseil des formes d’aide qui ont été
d’établissements scolaires (AFIDES). part, dans leurs grandes d’administration ou à la commis- offertes aux établissements?
Ce colloque proposait trois jours lignes, des conclusions ou des sion permanente. L.D. — Il s’agit, entre autres, de
d’échange d’idées et de réflexion suites de cette expérience? Tous les établissements de l’Acadé- visites d’aide, durant une demi-
sur le thème de – l’obligation de L.D. — Le mot « audit » n’est pas à mie ont été ainsi audités sur quatre journée, effectuées par deux
résultats en éducation –, thème non prendre avec une signification très ans. Cette expérience est aujour- membres du Groupe de pilotage
DOSSIER

seulement polysémique mais égale- particulière. Il avait été employé d’hui reprise, après une pause, car académique, à la demande des
ment des plus polémiques. pour éviter le mot évaluation qui elle est coûteuse en temps, en éner- établissements scolaires. La discus-
Lors de cet événement, Mme Demailly faisait peur aux chefs d’établisse- gie et en frais de déplacement. sion réunit en général le Directoire
a généreusement partagé sa lecture ments scolaires. La philosophie en L’expérience a été particulièrement du REP (huit personnes environ)
des enjeux et des limites de cette était de renvoyer à l’établissement intéressante pour les chefs d’éta- ou un groupe plus large; elle porte
nouvelle régulation normative à une image la plus précise possible blissement auditeurs qui y ont trouvé sur le contenu du contrat de réus-
partir des observations qu’elle a pu de ses dynamiques, de ses faiblesses, une vraie « formation ». site et sa mise en œuvre, à partir,
faire sur le terrain de l’Académie de de ses réussites, dans l’ensemble Plus récemment, j’ai travaillé sur d’une part, d’une demande formu-
Lille où elle a été associée, à titre de des domaines qui concernent la vie le management de la relance des lée à l’avance par l’établissement et,
chercheure, à l’examen des effets de l’établissement : pilotage, com- Zones d’éducation prioritaires (ZEP) d’autre part, à partir des questions
de l’application de la nouvelle poli- munication, vie scolaire, résultats (112 zones dans cette grosse aca- que se pose le groupe de pilotage à
tique éducative concernant les scolaires, qualité de la pédagogie et démie assez défavorisée sur le plan la lecture du contrat de réussite et
zones d’enseignement prioritaire de la prise en charge des élèves, social). Il s’agissait de voir si l’ac- des bilans d’étape.
(milieux socialement et économi- citoyenneté. Quatre auditeurs de tion de l’administration scolaire Ces réunions au style non hiérar-
quement défavorisés) dans cette statut différent (chef d’établisse- était efficace, c’est-à-dire comprise chique ont été appréciées et, à mon
région de la France. ment, cadre, inspecteur) étudient à la base dans les établissements et avis, ont été positives pour les éta-
De plus, elle a accepté, pour le plus d’abord toute une série de docu- pertinente par rapport aux pro- blissements.
grand bénéfice de nos lectrices ments envoyés par l’établissement. blèmes de l’éducation prioritaire. V.P. — Par ailleurs, à quoi
et de nos lecteurs, de répondre à Les enseignants sont « inspectés » Cette « relance » comprenait un attribuez-vous le fait que,
quelques-unes des nombreuses individuellement dans leur classe important appel au développement malgré ce qui semble être une
questions que soulève ce thème ou en équipe lors d’une réunion. de l’obligation de résultats et des nette amélioration du pro-
particulièrement complexe et sen- Les auditeurs préparent des ques- capacités d’autoévaluation des éta- cessus d’autoévaluation des
sible sur lequel Vie pédagogique a tions qu’ils se posent à propos de blissements scolaires. établissements scolaires, les
choisi de commencer à réfléchir l’établissement. Puis la journée Mon premier rapport a été assez capacités de pilotage local
dans le cadre du présent dossier. « d’audit sur place » consiste en une négatif car l’Académie avait déve- restent encore faibles, et ce,
Vie pédagogique — D’entrée série d’entretiens avec le chef loppé une évaluation-contrôle bu- surtout sur le plan péda-
de jeu, pourriez-vous résumer d’établissement, l’équipe de direc- reaucratique qui braquait les gogique?
l’objectif et le contexte de tion, les enseignants, des élèves, les équipes pédagogiques contre le L.D. — Ces deux faits ne sont pas
réalisation du projet auquel membres du personnel éducatif, projet et ne les aidait pas. contradictoires. L’autoévaluation,
vous avez été invitée à colla- administratif et de service ainsi que Mon second rapport est beaucoup elle aussi, a besoin d’être impulsée
borer ainsi que le rôle que des parents d’élèves. Les quatre plus positif au regard de l’action de de l’extérieur. Elle n’est pas spon-
vous y avez joué? auditeurs rédigent ensemble un l’Académie considérant que cette tanée. Il faut que ce soit l’académie
rapport d’une vingtaine de pages, dernière a mis en place des formes qui demande aux établissements de

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réaliser une autoévaluation, qui duellement ou est-ce une obli- est l’« usager » d’un service public jusqu’ici, surtout des contrô-
vienne les aider à la faire ou leur gation qui doit être assumée sous la responsabilité démocratique leurs de l’application de l’obli-
propose des outils à cette fin, qui en par l’ensemble d’une équipe- de la nation. Je sais, c’est très gation de moyens, tâche qui ne
discute avec eux après, etc. Sans école? « français » cette façon de définir doit pas disparaître, mais qui ne
l’intervention d’un regard extérieur, L.D — Les deux, évidemment. l’école dans des termes civiques. peut plus suffire à assurer la
l’établissement laissé à lui-même ne V.P. — Qu’est-ce qui fait Mais c’est une chose à laquelle je régulation du système scolaire).
se donne pas le temps de ce genre que l’obligation de résultats tiens. Je ne pense pas que l’obligation
d’action (il y a toujours plus urgent puisse être un facteur de dé- Je rectifie donc votre question ainsi : de résultats puisse se dévelop-
à faire) et les réunions de pilotage professionnalisation de la « Croyez-vous qu’il soit souhaitable, per sans une action d’accompa-
demeurent consacrées à la gestion, fonction d’enseignant ou, au mais aussi possible, que l’obligation gnement des établissements, des
aux finances et à l’organisation, contraire, qu’elle puisse être de résultats et, conséquemment, équipes et des enseignants sur
plutôt qu’à la pédagogie et à l’auto- source de développement per- celle de l’évaluation de l’action une base individuelle.
évaluation des actions en cours. sonnel et professionnel chez éducative en direction des élèves C) Il ne sert à rien, en effet, de par-
V.P. — Partant de vos observa- les enseignants? s’inscrivent progressivement dans la ler d’obligation de résultats si
tions sur le terrain, l’obli- L.D. — Si l’obligation de résultats culture de l’école? » on ne dispose pas d’outils statis-
gation de résultats appliquée est conçue comme incitative, si Oui, sans aucun doute, un profes- tiques et informatiques corrects
a l’école contribue-t-elle réel- l’obligation de résultats ne se limite sionnel de l’éducation devrait en qui permettent d’objectiver un
lement à l’accroissement de pas aux résultats scolaires, si enfin permanence analyser les effets de peu ce qui se passe sociolo-
la réussite des élèves? la construction des outils d’appré- son action, effets à court terme, à giquement, financièrement et
L.D. — Dans bon nombre d’éta- ciation de l’action est confiée aux moyen terme, à long terme. La pédagogiquement (sans les féti-
blissements, l’obligation de résultats équipes de pédagogues (avec l’aide réflexion à long terme est néces- chiser ensuite, car l’évaluation
ne fonctionne pas comme culture d’un regard extérieur), dans ce cas, sairement collective et implique est indissolublement quantitative
vivante. Une majorité d’enseignants l’obligation de résultats devient un l’engagement de l’État ou de la et qualitative). Naturellement,
et de chefs d’établissement restent outil de professionnalisation. nation (fabriquons-nous des chô- cela passe par une certaine
en effet attachés à l’obligation de Elle a les effets inverses de dépro- meurs? des adultes infantiles? des bonne volonté et une certaine
moyens, par exemple, employer les fessionnalisation si elle donne lieu a adultes intolérants? des illettrés en rigueur des chefs d’établisse-
« bonnes pratiques » qui ont été un contrôle bureaucratique, ou à nombre inacceptable? etc.). ment qui devront réunir et

DOSSIER
prescrites. Et donc, après, la faute une appréciation externe décul- La réflexion à moyen terme (études transmettre les données.
revient à l’élève paresseux ou mal turée (faite par un cabinet de con- de cohortes sur plusieurs années) V.P. — Pourriez-vous nous
élevé, ou à l’État qui a mal prescrit, sultants privés, par exemple), et si relève de l’établissement comme donner quelques exemples
si le but n’est pas atteint. elle ne porte que sur des résultats à collectivité et de la hiérarchie située des outils à la disposition des
C’est un système de pensée très des épreuves standardisées au lieu juste au-dessus. écoles françaises pour les
autoprotecteur pour les enseignants de porter sur l’ensemble des objec- Le court terme (de une heure à un aider à objectiver ce qui se
et les chefs d’établissement : il leur tifs de l’action éducative. an, pour aller vite) relève de l’en- passe sur les plans socio-
permet de diminuer le stress et la V.P. — Croyez-vous qu’il soit seignant seul ou des équipes péda- logique, financier et péda-
culpabilité devant le problème de souhaitable, mais aussi pos- gogiques restreintes. gogique?
l’échec scolaire. sible, que l’obligation de L’attention aux effets de l’action L.D. — L’IPES (indicateurs pour
Je pense que dans les établisse- résultats et, conséquemment, demeure une dimension essentielle le pilotage de l’établissement sco-
ments où l’obligation de résultats celle de l’évaluation des ser- de la compétence. laire) : c’est une batterie assez
fonctionne comme culture vivante, vices offerts aux élèves s’ins- Ce système exige de nombreuses lourde d’indicateurs pour chaque
on observe une amélioration effec- crivent progressivement dans conditions : établissement et pour la France
tive de la qualité de l’action éduca- la culture de l’école? Sinon, A) Probablement une certaine mo- entière. Quelques indicateurs seule-
tive : plus d’innovation, plus de pourquoi? Si oui, pourquoi et dification de la formation ini- ment sont rendus publics, les autres
mobilisation, un meilleur accord à quelles conditions? tiale des enseignants et des chefs étant à la disposition des établisse-
entre adultes pour lutter contre la L.D. — Je refuse le terme de « ser- d’établissement. Une réflexion ments ou des autorités.
violence adolescente, s’il y a lieu, vices offerts ». La relation éducative approfondie sur leur formation On peut signaler aussi les évalua-
une réaction beaucoup plus rapide n’est pas une relation de services. continue. tions « de masse » en français et en
devant les problèmes. Cette action Ce terme convient pour la relation B) Un renforcement (chez nous, en mathématiques qui concernent la
ne se traduit pas forcément par des d’affaires avec un coiffeur ou avec un France) du nombre d’inspec- totalité des élèves à deux reprises
résultats scolaires en français et en garagiste. L’élève n’est pas un client teurs (ou de personnels équi- au cours de leur scolarité et bientôt
mathématiques (c’est ce qui est ni un consommateur (il ne devrait valents) et de leurs missions à trois reprises. Ces outils natio-
mesuré en France), mais elle pro- en aucun cas être un client ou un d’évaluation formative (certains naux sont présentés sur le site du
duit des améliorations globales du consommateur). Il devrait être un enseignants ne sont visités en ministère de l’Éducation nationale.
rapport des enfants au savoir sco- coproducteur de l’action éducative, France que tous les sept ans) et Enfin, chaque région construit ses
laire (moins d’ennui, plus de il a sa place. L’éducation relève de d’accompagnement d’équipes, tableaux de bord.
curiosité) et à la vie scolaire (plus l’action publique (même si elle est plutôt que de contrôle. Ce qui V.P. — Le Québec dispose lui
de plaisir, moins d’incivilités). assurée par des acteurs privés, qui veut dire aussi une certaine aussi d’outils favorisant une
V.P. — L’obligation de résul- devraient être contrôlés de près par transformation de la formation lecture de la réussite scolaire
tats peut-elle être portée par la nation, sous la responsabilité du de ces inspecteurs ou person- des élèves qui prend en
chaque enseignant indivi- parlement, par exemple). L’enfant nels équivalents (qui étaient, compte leur origine sociale et

PÉDAGOGIQUE
31
géographique, mais comme
vous le dites si bien, cela ne
suffit pas : il faut aussi pré-
ENSEIGNER ET RENDRE COMPTE DES RÉSULTATS :
voir un accompagnement des EST-CE MENAÇANT
établissements, des équipes et
des enseignants. OU STIMULANT?
L.D. — Exactement. Il faut prévoir par Marthe Henripin
aussi d’autres modes de description
plus qualitatifs et plus diversifiés,

S
ix enseignants du primaire et au primaire qu’au secondaire, ils professeurs de 6e année seront-ils

S
car la qualité d’un établissement ne du secondaire ont accepté considèrent que l’équipe-école a tenus responsables de problèmes
se réduit pas à la qualité des résul- courageusement de « plon- également une part de responsabi- non résolus, pour certains élèves,
tats scolaires de ses élèves. ger » pour traiter de cette question lité dans les apprentissages faits par depuis la maternelle?
V.P. — Merci beaucoup, délicate et controversée encore peu chacun des élèves et que les direc- Ces questions et beaucoup d’autres
Madame, de nous avoir accor- intégrée dans notre culture et nos tions ont un leadership à assumer à ont été débattues au cours de la
dé cette entrevue un peu pratiques scolaires. Ces enseignants cet égard. journée. Pour bien situer le débat
spéciale puisqu’elle s’est entiè- viennent de différentes régions du Le problème qui se pose, selon les au départ, l’animatrice rappelle aux
rement déroulée par voie Québec et leurs écoles sont situées enseignants présents, ce n’est pas participants qu’au Québec, la Loi
électronique. C’était une pre-
dans divers milieux : moyen, défa- tant d’avoir à rendre des comptes, sur l’instruction publique a été
mière pour Vie pédagogique.
vorisé, très multiethnique, petite mais c’est plutôt la façon dont la modifiée dans la foulée des nou-
L.D. — C’était également ma pre-
ville francophone. Leur expérience reddition de comptes s’articule. velles connaissances sur la gestion
mière expérience du genre. Je vous
d’enseignement va de 5 à 35 ans. Certaines démarches utilisées dans des organisations selon lesquelles
remercie de m’avoir donné la
L’objectif de la journée était simple- une école ou au sein d’une commis- celles-ci obtiennent de meilleurs
« parole ».
ment de réfléchir ensemble, à partir sion scolaire peuvent rendre mena- résultats lorsque le pouvoir de
Les personnes intéressées à poursuivre leur de l’expérience de chacun et cha- çante et improductive cette « obli- décision est situé près du lieu de
réflexion dans ce dossier trouveront ci-après cune, sur ce que peut signifier, pour gation de résultats » qui pourrait
une liste de certains des ouvrages de
l’action. La loi donne maintenant
Mme Demailly sur le sujet. des enseignants, « rendre des pourtant mener à plus de créativité davantage d’autonomie et de res-
DOSSIER

« L’évaluation et l’autoévaluation des éta- comptes » et « être imputables de la sur le plan professionnel. ponsabilités aux écoles de même
blissements : un enjeu collectif. Le cas des réussite des élèves ». La position globale des participants
audits d’établissements scolaires de l’Aca-
qu’aux enseignants. Puis, pour
démie de Lille », Politique et management Bilan des discussions : les enseignants étant résumée, l’examen du dérou- amorcer la réflexion, l’animatrice
public, avril 1999. présents acceptent pleinement leur lement de la journée permettra de demande aux participants de réagir
« L’évaluation au cœur des luttes socio-poli- responsabilité individuelle dans suivre et d’illustrer le cheminement
tiques », Revue Tocqueville, vol. XX, no 2,
à l’équation suivante :
Paris, 1999. la réussite de leurs élèves et con- de leur réflexion pour démystifier la Autonomie professionnelle =
« Management et évaluation des établisse- viennent de la nécessité de rendre reddition de comptes, un objet de responsabilisation = imputabilité
ments », L’école, l’état des savoirs, sous la des comptes à ce sujet. Comme crainte pour plusieurs enseignants
direction de A. Van Zanten, Paris, éd. La
ou obligation de rendre des
Découverte, 2000. professionnels, ils croient qu’il est du Québec. comptes
Évaluer les établissements scolaires : enjeux, de leur responsabilité d’utiliser
expériences, débats, Paris, Éd. L’Harmattan, AU DÉPART : PLUS DE UN ACCORD GLOBAL :
les stratégies d’enseignement et les
1998. QUESTIONS QUE DE RÉPONSES LES ENSEIGNANTS ONT À
« Enjeux et limites de l’obligation de résul- moyens les plus adéquats possible
Dès les premières opinions émises, RENDRE DES COMPTES SUR
tats : quelques réflexions à partir de la poli- et disent avoir à rendre des comptes
tique d’éducation prioritaire en France », les questions fusent : l’obligation de LES RÉSULTATS DE LEUR
d’abord à eux-mêmes en réfléchis-
Allocution présentée lors du colloque L’obli- résultats s’adresse-t-elle seulement
sant sur leurs pratiques, avec la col- TRAVAIL PROFESSIONNEL
gation des résultats en éducation, organisé
à Montréal du 4 au 6 octobre 2000 dans le laboration de leurs pairs et de la aux enseignants dans leur classe? Cette équation semble à tous « accep-
cadre des Entretiens Jacques Cartier 2000 direction de l’école. Ils se recon- Comment l’interpréter quand, dans table et pertinente, en général et en
par le LABRIPROF de l’Université de Montréal un groupe, une bonne proportion
et l’Association francophone internationale naissent également à la fois la principe », car « elle peut accentuer
des directeurs d’établissements scolaires responsabilité de trouver des moyens des élèves présentent des difficultés le professionnalisme des prati-
(AFIDES). d’inciter les parents à collaborer d’apprentissage? Comment sont ciens ». « Que je sois un superen-
davantage à la réussite de leurs établis les standards pour juger des seignant ou un enseignant moyen,
1. Un coordonnateur de ZEP est un ensei-
gnant déchargé à mi-temps pour exercer enfants et celle d’amener les élèves résultats? Si chaque école définit ses je suis responsable du résultat de
un rôle d’animation de projets dans le
eux-mêmes à une plus grande auto- propres standards, un même élève mes élèves. » Cependant, il faut
Réseau d’éducation prioritaire, qui com- pourrait-il réussir dans une école
prend en général un établissement d’en- nomie dans leurs propres appren- tenir compte de la réalité de chaque
seignement secondaire et une dizaine et ne pas réussir dans une autre? milieu et de tous les éléments
tissages.
d’écoles élémentaires. Il peut être issu du Va-t-on tenir compte uniquement du contexte interne et externe de
premier ou du second degré. De même, incités par la réforme à
du rendement scolaire ou égale- l’école, car ils influent sur l’acte
collaborer à l’intérieur d’un cycle,
ment des autres composantes de la d’enseigner et l’acte d’apprendre et
les participants se montrent très
mission de l’école ainsi que des posent certaines limites à l’action
sensibilisés au fait qu’ils ne peuvent
efforts et des progrès des élèves? Au du professionnel, et donc à sa
plus travailler en vase clos et que la
primaire, dans certaines écoles, les responsabilité.
réussite des élèves constitue aussi
une responsabilité d’équipe. Tant

VIE
32 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Photos : Denis Garon
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

LES DIRECTIONS ONT


UNE RESPONSABILITÉ
DE LEADERSHIP ET
D’ACCOMPAGNEMENT
Les enseignants présents apprécient
d’avoir à rendre des comptes à
leur direction sur le rendement de
l’ensemble de leurs élèves et sur
les résultats obtenus à la suite des
CAROLE JOSEPH LORRAINE LORANGER-BOUCHARD PIERRE GIRARD
ÉCOLE PRIMAIRE MGR-MILOT ÉCOLE PRIMAIRE LÉONARD-DE-VINCI ÉCOLE PRIMAIRE LA SOURCE moyens mis en place pour aider ceux
COMMISSION SCOLAIRE COMMISSION SCOLAIRE DE COMMISSION SCOLAIRE DES qui ont des difficultés. « On regarde
DES BOIS-FRANCS MONTRÉAL DRAVEURS ensemble si d’autres moyens pour-
raient être utilisés. » Ils attendent,
de la part de la direction, leader-
ship, écoute et soutien pour amé-
liorer les choses. « Quand la moitié
des profs veut aller dans tel sens et
que l’autre moitié ne veut pas
bouger parce qu’elle a d’autres
valeurs, on vit dans l’école une
confrontation d’idées, de visions,
d’opinions et un déchirement. C’est
là qu’on a besoin d’un directeur
pour nous aider à décider. » Et si au
MARIE-JOSÉE MORIN LORI PARALOVO GHISLAIN HOTTE
ÉCOLE FLEUR-DES-NEIGES ÉCOLE SECONDAIRE HENRI- ÉCOLE LOUIS-JOSEPH-PAPINEAU
primaire, « un enseignant ne fait
COMMISSION SCOLAIRE DES BOURASSA, COMMISSION SCOLAIRE COMMISSION SCOLAIRE pas correctement sa préparation en

DOSSIER
LAURENTIDES DE LA POINTE-DE-L’ÎLE AU-CŒUR-DES-VALLÉES lecture, il faut que quelqu’un inter-
vienne pour le lui dire : “ Ta façon de
travailler était correcte il y a vingt
IMPUTABILITÉ INDIVIDUELLE mière personne à qui j’ai à rendre ment individuelle et ils précisent
ans, mais avec ce qu’on a découvert
DANS UNE PERSPECTIVE DE des comptes, c’est à moi-même. qui sont ceux et celles qui la par-
depuis, il faudrait que tu modifies
RESPONSABILITÉ DE CYCLE C’est d’abord moi que j’examine, tagent avec eux.
ton approche. ” » Cette supervision
ET D’ÉQUIPE-ÉCOLE
c’est moi-même que j’interpelle et
D’ABORD, IL FAUT UNE pédagogique est une tâche des
ensuite viennent les rencontres avec
Les enseignants présents consi- ÉQUIPE-ÉCOLE QUI SE TIENNE directions, mais « certaines n’ont
les collègues pour discuter tel ou tel
dèrent qu’ils ont à prendre les Selon les participants, l’idéal, pour pas le temps de venir s’asseoir pour
point. » En effet, dans la mesure où
meilleurs moyens pour aller le plus la réussite, est que toute l’équipe de te regarder travailler, te conseiller
elle engendre une réflexion sur les
loin possible avec les élèves qui professeurs entourant chaque sur les choses à modifier et t’outil-
pratiques, l’obligation de résultats
sont les leurs cette année-là. Pour y enfant se sente responsable. « Cette ler. Elles sont occupées dans leur
peut être « un levier et non un
parvenir, il leur faut bien connaître année, on s’est donné un projet bureau avec leur budget et plein de
marteau », ainsi que l’explique
les forces et les faiblesses de chaque d’équipe qui consiste à encadrer choses à faire et on ne les voit pas
un participant. « L’an passé, voyant
enfant et le niveau réel des élèves davantage les élèves, et cela se fait souvent. Par contre, sans venir dans
les résultats médiocres dans ma
classés dans telle année ou dans tel dans toutes les classes de l’école. nos classes, car certains enseignants
matière, j’ai pensé : “ La matière est
programme (mathématiques 436, Sécher les cours ou entrer “ gelé ” ne sont pas prêts à cela, plusieurs
imposante, mais peut-être que je
physique 416). Car « ce portrait de dans la classe le matin, ce n’est plus directions sont à l’écoute et savent
m’y suis mal pris. ” Je suis allé voir
départ permet de bien définir ce toléré et, ensemble, on a mis au comment on fonctionne, juste par
un de mes collègues qui m’a sug-
que chacun a à faire en classe et il point une procédure très rapide : les conversations qu’on a avec elles.
géré d’essayer quelque chose de
devrait être connu par l’équipe- les appels sont faits, les rencontres C’est une chance d’avoir une direc-
nouveau et, à la deuxième étape, les
école afin d’être pris en considé- avec les parents ont lieu rapidement tion qui se préoccupe de chaque
résultats ont été meilleurs. Rendre
ration lors de l’attribution des et, déjà, après deux mois, on cons- élève et à qui je peux dire : “ j’ai fait
des comptes à soi-même est essen-
ressources et de la reddition de tate une nette amélioration. » Dans ceci et cela et maintenant, j’ai besoin
tiel dans le processus d’améliora-
comptes ». Ce portrait permet aussi une école primaire, l’équipe au d’aide. ” »
tion et nous force à aller vers l’autre
à l’enseignant de bien doser ses complet s’est aussi donné comme
chercher de l’aide. » LES PARENTS ONT EUX AUSSI
exigences. moyen d’action, avec la collabora-
Après avoir reconnu que « les ensei- UNE PART DE RESPONSABILITÉ
Les participants soulignent égale- tion des parents, de ne rien laisser
gnants sont responsables de leurs DANS LA RÉUSSITE SCOLAIRE
ment l’importance de la pratique passer. Cette décision, qui a été
gestes professionnels, tout comme DE LEURS ENFANTS
réflexive qui leur permet d’aller prise collectivement, est plus facile
les médecins ou les ingénieurs », Les responsabilités des parents
chercher de l’aide auprès de leurs à maintenir que s’il s’agissait d’une
les participants soulignent que cette doivent être clarifiées par rapport à
pairs ou de la direction. « La pre- décision prise individuellement
responsabilité ne peut être seule-

PÉDAGOGIQUE
33
celles de l’enseignant. Au primaire, à les interpeller là où ils ont leurs ration avec des professeurs de En quatrième lieu, il faut considérer
« les parents ont à regarder si leurs intérêts ». On souligne également musique ou d’éducation physique, la structure et l’organisation mêmes
enfants font leur travail le soir et le l’importance de la gestion de classe ce qui permet de « valoriser ces de l’école, car celles-ci ont un
font bien, et s’ils ont leurs livres pour la réussite des élèves. Avec matières qui passent toujours après impact majeur sur l’enseignement
le matin pour que moi, je puisse certains groupes, la dynamique de et de mobiliser les élèves, car le tra- et sur l’apprentissage. Les partici-
travailler en classe ». Les partici- la classe est facile à établir : « Les vail scolaire prend alors un sens pants citent des exemples d’écoles
pants énumèrent différents moyens élèves se communiquent de l’éner- pour eux ». Dans une école pri- où des changements dans l’orga-
qu’ils utilisent pour entrer en con- gie et une espèce de joie d’ap- maire, on a voulu parler des enfants nisation ont été à l’origine d’une
tact avec les parents et les amener à prendre, ils se tiennent, s’entraident entre enseignants des trois cycles. nette amélioration des résultats des
collaborer à la réussite des appren- et s’encouragent tellement qu’ils Par exemple, les professeurs de élèves après deux ou trois ans
tissages, car cela ne va pas de soi, et peuvent aller beaucoup plus loin et 5e année ont demandé à ceux du seulement.
un bon nombre d’entre eux ont cela joue sur leur réussite. » Par 1er et du 2e cycle d’échanger avec La cinquième exigence : une école
besoin d’incitation et de soutien. contre, dans d’autres classes où il eux pour avoir un aperçu du chemi- imputable devrait revoir la gestion
L’un des enseignants dira, par est difficile d’établir une dynamique nement fait antérieurement avec tel de ses ressources en fonction de
exemple : « La présentation à son de groupe, la gestion de classe ou tel élève actuellement en 5e et l’analyse des besoins de tous les
parent, par l’élève lui-même, de son visant à amener les élèves à se res- pour savoir quelles actions avaient élèves présents dans l’école. Certains
portfolio, puis de son bulletin est un ponsabiliser est plus ardue, « car été tentées en 2e ou en 3e année. des participants ont été associés à
moment privilégié où je mets les ceux-ci ont à faire tout un appren- « Cela a amené des discussions avec l’élaboration de plans de réussite
choses sur la table et, dans le face- tissage à l’entraide et au travail col- des enseignants des autres classes à partir des besoins énoncés à la
à-face à trois, les choses se clari- lectif qui exige de l’enseignant le sur nos choix pédagogiques et sur fois par les enseignants et les pa-
fient tout de suite. » Un autre développement de compétences des façons de donner à temps à cer- rents consultés par questionnaire et
ajoutera : « Lorsqu’un enfant a des nouvelles ». tains élèves le bon coup de pouce et à partir des besoins des élèves ren-
difficultés sérieuses, une rencontre la joie des petits succès. » contrés dans les classes. L’une des
QUELQUES EXIGENCES
est organisée avec ses parents bien Une deuxième exigence est la stabi- écoles en est à son deuxième plan
CONCERNANT L’IMPUTABILITÉ
avant la fin de la première étape en lité de l’équipe-école qui permet de de réussite élaboré après une revue
INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE
vue d’examiner d’autres façons de développer une vision commune du des résultats du premier, « car on
DES ENSEIGNANTS
DOSSIER

fonctionner. » Un participant ex- but à atteindre et des moyens d’y voulait une continuité ». Dans une
prime sa préoccupation d’amener Selon les participants, la première parvenir. « Il y a quelques années, petite école qui n’a pas de plan de
parents et enfants à discuter de exigence est d’apprendre à se par- j’étais dans une école extraordi- réussite, on a fait preuve de flexibi-
l’école à la maison : « En début ler entre enseignants au bénéfice naire où l’équipe avait une vision lité : « On a agi autrement, réparti
d’année, j’inscris dans leur agenda, des enfants, ce qui suppose « une commune qui était connue autant les tâches et les sous autrement.
chaque semaine, des questions humilité, de la confiance dans les des enfants que des enseignants. Certains élèves ont été retirés tem-
touchant l’école : ton père et ta personnes et de la confiance dans Puis il y a eu fusion. Alors cela a été porairement de leur groupe pour
mère aimaient-ils l’école? Jusqu’en ses moyens ». Deux exemples par- le choc de deux cultures : il y a eu un enseignement d’appoint sur cer-
quelle année y sont-ils allés? Com- ticuliers sont illustrés. Dans une un flottement que les enfants ont taines matières, et sont restés dans
ment était la discipline?, etc. Et les école secondaire, deux professeurs senti aussi, et après trois ans, on a leur classe pour le reste. Pour les
élèves doivent me rapporter les qui enseignent des disciplines dif- pu rebâtir quelque chose de com- enfants ayant des difficultés d’ap-
réponses en classe. » Certaines férentes ont établi une telle commu- mun. » La stabilité d’une équipe prentissage, on souligne que, malgré
équipes-écoles vont chercher de nication. Ces enseignants ont parlé permet aussi une continuité dans une amélioration certaine de l’ac-
l’aide extérieure pour joindre les de leurs pratiques, de leurs élèves, les moyens. Par exemple, « une cès à des services complémentaires
parents. « Par les intervenants du et ils ont déterminé à quel moment entente sur les fiches de lecture dans plusieurs écoles désignées, il y
CLSC qui, eux, peuvent entrer chez chacun donnerait telle partie de la faite avec le prof de 5e est tombée, a encore trop de milieux où l’on
les familles démunies et inciter le matière afin d’éviter les redites et parce que cette année c’est un autre constate un saupoudrage insuffisant
parent à s’impliquer, on a réussi les pertes de temps. « Ma collègue enseignant qui est responsable de des ressources. » Et certains enfants,
cette année à aller un peu plus loin de français voyait la structure argu- cette classe ». pour lesquels le soutien orthopéda-
que l’an passé avec certains pa- mentative en mars, trop tard pour Le soutien à la gestion de classe est gogique ne donne pas de résultat,
rents. » outiller mes élèves pour la rédac- la troisième exigence. Les parti- auraient besoin d’une aide supplé-
tion de leurs rapports de labo en cipants soulignent qu’une fois le mentaire et ne l’obtiennent pas,
LES ÉLÈVES EUX-MÊMES ONT sciences. Elle a accepté de voir cette diagnostic de départ posé, plusieurs malgré les demandes répétées,
UNE PART DE RESPONSABILITÉ matière en début d’année scolaire. enseignants auraient besoin d’aide d’année en année, de leurs parents
QUANT À LEURS PROPRES Puis, nous avons travaillé conjointe- pour arriver à nommer et à expli- et de leurs professeurs. Si ces enfants
RÉSULTATS ment sur le rapport de labo et quer ce qu’ils ont fait, pour « mettre continuent à monter de classe
Les participants constatent que « res- maintenant, chacun peut corriger des mots sur les stratégies utilisées, chaque année sans une aide mieux
ponsabiliser les élèves n’est pas les mêmes rapports sous deux pour en parler aux autres sans adaptée, « ils ne pourront jamais
évident, car ils sont habitués à rece- aspects différents. Les sciences ont se sentir “ moches ” et “ pas bons ” avoir un moment de satisfaction
voir, à copier, à faire le minimum : ainsi fourni au français du sens et et pour être capables de dire pour- ou une petite gloire personnelle
c’est tout un paradigme à renverser. une possibilité d’application con- quoi cela a marché ou n’a pas à l’école ». Les participants se
Je leur demande : si tu es là, c’est crète et utile. » Les participants marché ». montrent également préoccupés
pourquoi? L’école devrait apprendre citent d’autres exemples de collabo- par les élèves « vites sur leurs

VIE
34 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

patins » qui auraient besoin de plus entend les comparaisons et les classe, alors que dans les faits, il L’OBLIGATION DE RÉSULTATS,
de défis. Un effet pervers de l’obli- commentaires, par exemple : a progressé. » DE MOYENS, DE COMPÉTENCE
gation de résultats ne serait-il pas c’est une telle qui enseigne dans De plus, il ne faudrait pas mesu- PEUT-ELLE PROFITER AUX
que l’école tendrait à laisser tomber cette classe cette année et elle n’a rer uniquement les résultats ENSEIGNANTS?
ces enfants en se centrant princi- pas réussi. » « scolaires ». « Car lorsqu’un
Les participants sont d’accord sur
palement sur ceux qui ont des diffi- Les enseignants s’attendent à ce groupe vit beaucoup de conflits,
le fait que même si cette obligation
cultés d’apprentissage? que les caractéristiques d’un l’enseignant a pu utiliser beau-
est menaçante, le personnel ensei-
Enfin, les participants se ques- milieu donné soient prises en coup d’énergie et de stratégies
gnant peut en tirer les bénéfices
tionnent beaucoup sur le pouvoir compte, faute de quoi un ensei- juste pour les amener à s’en-
suivants.
réel des directions d’école à l’égard gnant risque d’être à tort jugé tendre et à travailler, avec comme
L’obligation de résultats permet aux
des enseignants qui ne veulent pas incompétent. Par exemple, ex- aboutissement des résultats
enseignants d’élargir et d’affiner la
ou ne peuvent pas se remettre en plique l’un des participants, “ scolaires ” moyens. Et si ces
perception qu’ils ont de leurs élèves.
question ou encore qui ne veulent « dans la région administrative efforts de l’enseignant ne sont
« Cela nous oblige à les considérer
rien faire pour améliorer les où se trouve mon école, les sta- pas mesurés, il risque de voir sa
comme des individus, ce qui n’était
choses : « À quoi bon parler d’im- tistiques révèlent un taux de cote descendre. »
peut-être pas évident avant. Nous
putabilité s’il n’y a pas de consé- décrochage épouvantable. Mais b)L’obligation de résultats doit
sommes amenés à nous parler des
quences pour les enseignants, tant c’est aussi une région où beau- s’inscrire à l’intérieur d’une
enfants et de ce qui se passe pour
positives que négatives? » coup d’emplois sont offerts dans démarche planifiée et organisée
eux dans leur vie et pas seulement à
Les participants se questionnent les services et où le taux de chô- où des cibles ont été fixées avec
l’école. »
aussi sur le fait qu’en éducation il mage est faible, ce qui fait proba- chaque professeur. « Si la reddi-
Elle stimule l’école et chaque ensei-
n’existe pas, comme pour d’autres blement partie des causes du tion de comptes se fait quelques
gnant à se donner un portrait clair
professions, un ordre professionnel décrochage. Si le jeune savait mois après le début de l’année au
du niveau scolaire réel des enfants
ayant le mandat de protéger les qu’en décrochant il ne trouverait cours d’une rencontre avec la
qu’ils reçoivent. Chacun peut alors
clients. « Un tel ordre pourrait pas d’emploi, il resterait peut- direction dans le but de trouver
se fixer des objectifs réalistes con-
inciter la population à nous consi- être à l’école et se forcerait un ensemble des moyens, je ne vois
nus de tous, ce qui est sécurisant.
dérer davantage comme des pro- peu plus ». rien de menaçant à admettre que
Elle oblige à s’arrêter, à réfléchir, à

DOSSIER
fessionnels. » Les enseignants voudraient aussi j’ai de la difficulté avec certains
réévaluer le travail fait et à ne pas
que l’on tienne compte du retard élèves. Mais si l’on nous sort des
DEVOIR RENDRE DES COMPTES tenir pour acquis que la façon d’en-
important de plusieurs enfants. statistiques seulement en fin
SUR LES RÉSULTATS DES seigner d’une autre époque peut
« Dans la classe de mon fils, il n’y d’année en disant : “ voici ta
ÉLÈVES, EST-CE MENAÇANT perdurer.
a pas d’élèves moyens, mais feuille de résultats, tu as tant
POUR LES ENSEIGNANTS? Elle est une occasion, pour les ensei-
seulement un groupe d’élèves d’élèves qui échouent ”, c’est
Les participants sont unanimes sur gnants, de mieux préciser leurs
forts et un groupe important menaçant et c’est souvent injuste,
plusieurs points. Une certaine pro- stratégies d’enseignement et elle
d’élèves très faibles. L’ensei- parce qu’on a seulement le résul-
portion d’enseignants se sentent peut être « un outil et un levier
gnante va-t-elle être imputable de tat final et que tout le processus
menacés. Craignant d’être jugés exceptionnels pour plus de créa-
ne pas avoir su les amener tous à d’amélioration quotidienne de la
négativement, ils hésitent à recon- tivité ».
la réussite? » Et une participante réussite est mis de côté. » Les
naître que plusieurs élèves de leur Elle provoque et incite à se dépas-
ajoute : « Si l’an passé, j’étais participants refusent donc avec
classe ne réussissent pas : « Si tu ser, « car l’obligation de résultats
considérée comme un superprof insistance une reddition de
n’es pas trop sûr de tes moyens et nous force à nous poser des ques-
parce que j’avais un super- comptes qui serait faite « avec
que ton estime de soi est chambran- tions et, le cas échéant, à admettre
groupe, est-ce que je vais être l’œil du superviseur qui cherche,
lante, cela peut t’empêcher d’en qu’on a pu se tromper et à accepter
vue comme un moins bon prof à la fin, des poux toujours faciles
parler. » Avoir à rendre compte des autre chose ».
cette année parce qu’une partie à trouver et qui se contente de
résultats est menaçant aussi pour Elle peut être également « un mo-
de mes élèves de 3e est de niveau dire : “ vous êtes en deçà des
les enseignants qui ont une certaine teur pour la formation continue à
1re année alors que j’ai fait tout moyennes, vous n’avez pas réussi
rigidité et pour qui enseigner con- laquelle un pourcentage relative-
ce que j’ai pu? » telle chose, pas fait telle
siste à suivre le manuel de façon à ment élevé d’enseignants résistent;
L’obligation de résultats devrait chose ” ». Le quand et le com-
arriver à telle page, à telle date. parfois, elle incite à la formation
tenir compte des progrès faits ment ont une grande importance.
Mais pour l’ensemble des pro- par les pairs ».
par certains enfants. « Les chiffres c) Il faudrait que la reddition de
fesseurs, trois points principaux Enfin, elle peut aider à rentabiliser
finaux seuls ne traduisent pas la comptes porte aussi sur les
suscitent l’inquiétude. au maximum « l’utilisation du peu
réalité du groupe. L’élève de résultats positifs et non pas
a) Il ne faudrait pas se contenter de de sous qu’on a ».
niveau 1re année que j’ai reçu en seulement sur le pourcentage
la statistique brute qui engendre 3e et que j’ai amené au niveau fin d’échecs et le nombre de décro- MISES EN GARDE ET
la comparaison. « Un tableau de 2e a fait des progrès et je suis cheurs. « L’an passé, pour la AMÉLIORATIONS PROPOSÉES
nous arrive comparant les résul- fière de lui, mais cela n’est pas première fois, j’ai reçu de ma Afin que l’obligation de résultats
tats des élèves de 3e et de marqué sur le papier. Si je ne direction une lettre de félicita- soit une occasion de progrès pour
6e année des écoles de la région regarde que les statistiques, cet tions pour les bons résultats de les élèves qui sont dans les classes,
ayant le même profil, et on enfant est un boulet dans ma mes élèves à l’examen du MEQ. » les participants à la table ronde font

PÉDAGOGIQUE
35
certaines mises en garde et pro- action, pour que les résultats « ga-
posent quelques pistes d’améliora-
tion à l’intention de ceux qui l’ont
gnants » d’un bon nombre de réali-
sations faites dans les écoles et dans
DIRIGER ET RENDRE
conçue et qui veulent la mettre en les classes soient utiles pour d’autres DES COMPTES :
œuvre. qui vivent les mêmes situations
On souhaite pouvoir y aller pro- problématiques. On devrait diffuser STABILITÉ…
gressivement afin que les différentes partout les « petites » expériences
facettes de la réforme en cours, qui positives tentées dans les classes.
TRANSPARENCE…
est majeure, soient mieux intégrées
et mieux coordonnées : « Le nou-
Enfin, une réflexion de fond sur
le sens du mot « réussite » reste
COMPÉTENCES…
veau curriculum, la nouvelle éva- nécessaire, si l’on veut s’en donner TABLE RONDE DE DIRECTIONS D’ÉCOLE SUR
luation, les cycles, les plans de une interprétation commune. L’« OBLIGATION DE RÉSULTATS EN ÉDUCATION »
réussite, c’est tout un programme! » par Mireille Jobin
CONCLUSION
Les participants souhaitent que
Les six enseignants présents, qui
les dirigeants du système éducatif

D
ans la foulée des préoccu- compte ne saurait concerner le seul

D
ont manifesté une grande maturité
viennent voir sur place « dans pations qui caractérisent la personnel d’encadrement : « La red-
et une conception très profession-
quelles conditions et à quels coûts, mise en œuvre des change- dition de comptes doit être portée
nelle de leur fonction, vivent déjà la
pas seulement financiers, tout cela ments dans différents secteurs de par une équipe-école à l’intérieur
culture de la réussite, comme c’est
est mis en œuvre ». l’administration publique, il semble de laquelle la participation des
certainement le cas de bien d’autres
Des informations supplémentaires que se profile à l’horizon des insti- enseignantes et enseignants est
enseignants au Québec. Ils ont
seraient nécessaires sur cette obli- tutions scolaires québécoises une jugée prioritaire. »
retroussé leurs manches pour
gation de résultats qui apparaît orientation de la gestion que l’on L’obligation de résultats évoque
mettre en pratique avec des col-
encore un peu vague actuellement. désigne par l’expression « obliga- aussi pour certains une démarche
lègues de leur école, au bénéfice
Par exemple, seul le volet « ins- tion de résultats en éducation ». d’évaluation institutionnelle : si le
des enfants, des modes de fonction-
truire » semble faire l’objet d’un Bien qu’aucune définition officielle ministère de l’Éducation l’inscrivait
nement plus collectifs parfois
regard critique et d’une obligation, n’en ait à ce jour précisé la nature formellement dans une telle pers-
insécurisants. La table ronde se ter-
DOSSIER

comme si l’on n’avait pas à rendre et le déroulement, il y a intensifica- pective, on considère qu’il s’agirait
mine par trois rappels pressants de
de comptes sur la socialisation. tion de certains signes démontrant là encore d’une pratique qui exi-
leur part :
Pourtant, « aider les élèves de tous l’opportunité d’entreprendre une gerait d’être élaborée et mise en
Nous aimerions que l’on n’oublie
âges à sortir des conflits et à avoir première réflexion au regard de œuvre avec la participation indis-
jamais que les enfants sont les pre-
des comportements pacifiques peut cette thématique à la fois complexe pensable du personnel enseignant.
miers bénéficiaires de toutes ces
être une partie essentielle d’un plan et délicate. La table des directions soulève deux
initiatives.
de réussite ». En donnant la parole à sept directions interrogations de fond quant à
Nous soulignons que l’obligation de
Beaucoup d’écoute, d’appui et d’écoles francophones et anglophones l’émergence d’un nouveau concept
résultats est également une obli-
d’encadrement sont nécessaires du primaire et du secondaire ainsi d’obligation de résultats :
gation pour les intervenants de
pour que les enseignants, et même que des secteurs public et privé, • À qui faudra-t-il rendre des
l’ensemble de la structure scolaire.
les directions d’école, ne se sentent Vie pédagogique a voulu créer une comptes?
Nous sommes d’accord pour que les
pas menacés par la reddition de situation privilégiée de communica- • Quels seront les objets ou les cibles
enseignants rendent des comptes,
comptes. Car « l’obligation ne sera tion où chacun et chacune mettent de cette reddition de comptes?
mais il faut aussi que les respon-
profitable que si l’on sait encou- en commun ce que leur inspire une LES ASSISES DU QUESTIONNEMENT
sables des autres paliers du système
rager les efforts de celui qui fait un telle perspective et répondent aux M. Robert Céré souligne que le con-
d’éducation fassent de même à
petit pas, puis un autre, et maintenir questions de la rédaction. texte de la décentralisation et de
l’égard des responsabilités qui leur
cette flamme ». QUELS SONT LES l’accroissement des pouvoirs et
incombent.
Les normes administratives et responsabilités confiés aux écoles
Se centrer sur les résultats et plus COMMENTAIRES ET
syndicales, souvent paralysantes, peut servir d’assise à notre ques-
seulement sur les objectifs, c’est INTERROGATIONS QUE
devraient laisser plus d’espace à tionnement, laissant ainsi entrevoir
une culture nouvelle qu’il faut SUGGÈRE SPONTANÉMENT
la créativité des enseignants qui la problématique de l’imputabilité :
acquérir. Et un changement de cul- LA GESTION PAR RÉSULTATS?
cherchent des moyens d’améliorer « Puisque la décentralisation rap-
ture est une démarche qui demande D’entrée de jeu, Mme Francine
les résultats. On souligne aussi un proche la prise de décision du
de la souplesse, un ajustement des Pelletier affirme qu’elle ne saurait
problème de ratio qui empêche palier local, la personne qui prend
exigences, et surtout du temps. concevoir un modèle de gestion
d’innover, surtout lorsqu’un groupe les décisions est la personne impu-
« Parce que la réussite, ce n’est pas centré sur l’obligation de résultats
comprend beaucoup d’élèves table. Décentralisation et reddition
quelque chose de fini une fois pour sans l’associer à une politique d’éva-
faibles, par exemple. Les équipes- de comptes procèdent donc d’une
toutes, mais c’est quelque chose qui luation et l’intégrer à un processus
écoles devraient pouvoir choisir même logique de gestion; ainsi,
est toujours en mouvement. » de reddition de comptes. S’il s’agis-
leurs moyens en fonction de leur l’enseignante ou l’enseignant qui a
Mme Marthe Henripin est consul- sait de l’orientation retenue par
situation. la possibilité de choisir son maté-
tante en éducation. le ministère de l’Éducation, elle
Il serait important de financer de riel, ses méthodes et approches ou
la recherche du type recherche- précise que l’obligation de rendre

VIE
36 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

Photos : Denis Garon


ROBERT CÉRÉ SYLVIE CHÉNIER FRANCINE PELLETIER MARIE ROBERT
ÉCOLE SECONDAIRE MARIE-ANNE ÉCOLE DE L’ESCALADE ÉCOLE PRIMAIRE NOTRE-DAME- ÉCOLE SECONDAIRE SACRÉ-CŒUR
COMMISSION SCOLAIRE DE COMMISSION SCOLAIRE DES-VICTOIRES, COMMISSION COMMISSION SCOLAIRE
MONTRÉAL DES DRAVEURS SCOLAIRE DE MONTRÉAL VAL-DES-CERFS

DOSSIER
PATRICIA MOFFA ROBERT LABBÉ
CLAUDE POTVIN ÉCOLE SECONDAIRE LESTER-B. CENTRE ÉDUCATIF SAINT-AUBIN
ACADÉMIE LAFONTAINE PEARSON, COMMISSION SCOLAIRE COMMISSION SCOLAIRE DE
ENGLISH-MONTREAL CHARLEVOIX

ses façons d’évaluer est aussi im- puisque la mission éducative est de l’obligation de résultats : « Actuelle- dra des comptes ferait de ce nou-
putable. » conduire chaque élève vers le déve- ment, plusieurs indicateurs tradition- veau contenu.
Pour Mme Sylvie Chénier, l’obligation loppement optimal de ses potentia- nels sont disponibles : les résultats Pour la plupart des directions
de résultats sonne plutôt comme un lités, est-il cohérent que le Ministère des élèves en pourcentage; les taux d’école, les objectifs fixés en avant
appel à la recherche d’un coupable ne semble s’intéresser qu’à la de réussite aux épreuves uniques; par le Ministère sont clairs. De
à qui attribuer une faute. Par con- mesure quantitative des résultats la diplomation par commission sco- façon très succincte, il s’agit d’amé-
séquent, elle craint qu’il ne s’agisse des élèves? » laire et par école, après 5, 6 ou liorer la qualité des apprentissages
d’une stratégie antipédagogique LES CIBLES DE LA REDDITION 7 ans d’études au secondaire; les et d’augmenter la persévérance sco-
susceptible de générer une démoti- DE COMPTES retards accumulés en 1re secon- laire et la diplomation, bref d’assu-
vation plutôt qu’une adhésion aux Au sujet de ce questionnement, la daire (donc des données se rappor- rer la réussite éducative du plus
objectifs de réussite du plus grand majorité des participants perçoit en tant aux élèves du primaire); le grand nombre de jeunes. Rendre
nombre d’élèves : « Il y aurait avan- effet que le ministère de l’Éducation nombre de sorties sans diplôme; les des comptes n’est pas nouveau : la
tage à parler plutôt de corespon- évalue le réseau des écoles par le indices socioéconomiques, etc. planification annuelle, les plans
sabilité au regard des moyens à seul aspect du rendement des élèves. Quelles seraient donc les cibles de la d’action sur la réussite éducative,
mettre en place dans chaque école, M. Robert Labbé s’interroge quant reddition de comptes dans le cadre l’attribution d’allocations spéci-
compte tenu du projet éducatif et aux nouvelles données qu’il serait d’une obligation de résultats? » fiques, la mise en œuvre de poli-
des caractéristiques de la popula- possible de recueillir par l’utilisa- Et tous de s’interroger également tiques d’évaluation ou d’apprécia-
tion scolaire locale. À ce propos, tion d’un type de gestion axé sur sur ce que l’instance à qui l’on ren- tion du rendement du personnel

PÉDAGOGIQUE
37
comportent cette obligation et ont un profond malaise. Selon M. Labbé, services adaptés aux élèves en dif- la politique d’appréciation du ren-
permis le développement des habi- « le réseau scolaire fait l’objet de ficulté. dement du personnel ou des plans
letés relatives à ce processus. pratiques statistiques qui découlent Dans une autre école secondaire de d’action sur la réussite éducative,
ET L’ASPECT QUALITATIF? des approches normatives tradition- premier cycle, la statistique minis- les enseignants s’expliquent déjà
Comme plusieurs de ses collègues, nelles, alors que les milieux con- térielle a fait état de 100 p. 100 quant aux moyens, outils, approches
Mme Marie Robert déplore le fait sacrent de plus en plus d’efforts à d’élèves décrocheurs. La direction a et stratégies qu’ils et elles utilisent
que les conventions collectives et la l’adoption de mesures critérielles revendiqué la possibilité de s’ap- quotidiennement. » Au primaire,
structure financière des écoles ne d’évaluation ». D’autres ont remar- puyer sur ses propres statistiques cependant, on peut difficilement
viennent pas appuyer la logique de qué qu’il y a souvent, au secon- pour produire son plan de réussite parler de reddition de comptes
la décentralisation et de la respon- daire, de grandes variations dans éducative, alléguant que la métho- portant sur les résultats des élèves
sabilisation; de façon générale, on les caractéristiques des cohortes dologie utilisée (l’âge des élèves en comme tels, particulièrement dans
souhaite l’émergence d’indicateurs, d’élèves d’une année à l’autre; ces l’occurrence) ne pouvait être le le contexte de la mise en œuvre
de moyens et d’outils de nature différences sont à ce point sensibles seul facteur à considérer dans d’une réforme. Cependant, tous
qualitative qui serviraient à d’autres que, de l’avis de M. Céré on peut l’analyse du rendement des élèves conviennent que l’analyse des résul-
fins qu’à comparer les écoles entre d’ores et déjà formuler une pre- de son milieu. tats des élèves et la reddition de
elles ou à publier un palmarès des mière condition à l’implantation Mais il peut arriver aussi que l’on se comptes se sont développées et se
écoles dites performantes. d’un mode de gestion par résultats : réjouisse d’un scénario dans lequel pratiquent davantage en adaptation
Somme toute, les participantes et les cibles de l’évaluation doivent une école secondaire, à cause d’une scolaire.
participants se disent d’accord avec être étalées dans le temps. légère variation de ses résultats, ait Au secondaire, plusieurs affirment
la reddition de comptes, mais pas à Au primaire, on souhaite également gagné plus de 250 places dans le avoir les instruments nécessaires
n’importe quel prix : il faut éviter que le temps et d’autres facteurs palmarès provincial… pour obtenir auprès des enseignants
que la gestion par résultats ne vienne particuliers soient pris en consi- Les expériences de chacun et de les explications relatives au rende-
compromettre l’esprit d’équipe dération. À ce propos, Mme Chénier chacune témoignent de l’obligation ment de leurs groupes d’élèves.
laborieusement construit dans cer- s’interroge sur le fait que les de constituer ses propres statis- Dans ces cas, il existe, selon M. Céré,
tains milieux compte tenu des nom- épreuves uniques continuent d’être tiques plutôt que de se fier aux don- des conditions facilitantes : le titu-
breux départs à la retraite, de la administrées dans les écoles qui nées issues des instances supérieures. lariat, la constitution d’équipes de
DOSSIER

mobilité du personnel, etc.) et sur- sont au tout début de la phase d’im- Cet état de fait renforce la sugges- niveau, etc. Au primaire, les équipes-
tout, à la suggestion de Mme Robert, plantation de la réforme. tion précédente de M. Céré selon cycles issues de la réforme offrent
« …que le Ministère n’évalue pas QUELQUES FAUSSES NOTES… laquelle l’engagement des écoles déjà des perspectives intéressantes.
toutes les écoles sur une même base Les données statistiques tracent dans le choix des cibles de l’évalua- Mme Pelletier les considère comme
de réussite, tenant compte ainsi de souvent des portraits de la situation tion devrait être encouragé de même une mini-instance devant regrouper
la diversité des clientèles et des dont on peut douter du réalisme ou que l’étalement dans le temps des non seulement les enseignants mais
mandats pédagogiques de chacun dont on déplore les effets sur les sessions de mesure statistique, pour aussi les professionnels des services
des milieux; mentionnons, par parents. Par exemple, un établisse- autant que l’on maintienne l’utilisa- éducatifs et complémentaires.
exemple, la scolarisation des élèves ment d’enseignement privé scola- tion des outils actuels. Enfin, les M. Labbé signale les difficultés que
en ISPJ et leur intégration réussie risant plus de mille élèves est classé directions croient à la nécessité de pose le libellé de la tâche des ensei-
au monde du travail qui ne fait au dernier rang d’une région don- développer des instruments qui gnants dans la convention collective
l’objet d’aucune attention spéci- née : son taux de réussite est de portent sur les aspects qualitatifs actuelle : « La formulation qu’on y
fique alors que le calcul du taux 97 p. 100, alors que l’école qui de la réussite des jeunes et qui retrouve inscrit les attributions dans
d’obtention d’un diplôme des élèves obtient le premier rang, dans ce prendraient en compte les divers un cadre trop rigide, laissant ainsi
du secondaire régulier est large- même réseau, affiche un taux de facteurs qui conditionnent leur peu de latitude à la responsabilisa-
ment publié et commenté ». 100 p. 100 pour une population succès. tion et à la professionnalisation de
la fonction. »
La direction d’école est la seule d’environ 150 élèves. En analysant AU DÉBUT DE NOTRE
instance qui puisse donner du sens les causes de cet écart de 3 p. 100, Selon M. Potvin, il est plus difficile
ENTRETIEN, VOUS AVEZ FAIT
à toutes les dimensions de l’évalua- les intervenants ont cerné l’échec de de responsabiliser une équipe que
ALLUSION À LA PARTICIPATION
tion de son milieu, mais elle ne peut deux élèves à une épreuve unique. des individus au regard de leurs
INDISPENSABLE DES matières, de leurs groupes et des
être considérée comme le seul Pourtant, l’école avait porté publi- ENSEIGNANTS AU PROCESSUS
intervenant concerné par la reddi- quement durant une année un clas- résultats de leurs élèves : « L’impu-
DE REDDITION DE COMPTES. tabilité se conçoit individuellement
tion de comptes, étant donné le sement provincial qui ne rendait
cadre légal réglementaire actuel et pas compte des succès réels des
DOIT-ON COMPRENDRE QUE et la reddition de comptes devrait
l’éventuelle professionnalisation de jeunes qui la fréquentaient. VOUS PRIVILÉGIEZ UNE s’actualiser essentiellement auprès
l’enseignement. On signale aussi que les résultats IMPUTABILITÉ D’ÉQUIPE? de la direction pédagogique de
des élèves d’une école primaire CELLE-CI PEUT-ELLE SE l’école et non auprès du conseil
QU’EST-CE QUI RESSORT CONCEVOIR AUTREMENT d’établissement. »
classée l’an dernier parmi les plus
DE VOS EXPÉRIENCES
performantes ont chuté de 20 p. 100 QU’INDIVIDUELLEMENT?
PERSONNELLES RELATIVEMENT
pour l’année en cours. Hypothèse De l’avis de M. Claude Potvin,
À LA GESTION PAR RÉSULTATS? d’interprétation : l’école est deve- « … que ce soit par le truchement
En réponse à cette question, plu- nue un lieu où sont concentrés les de la supervision pédagogique, de
sieurs participants disent éprouver

VIE
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Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

QUELLES SERAIENT LES dès lors autorisés à penser que la tisme. Ces tâches sont habituelle- collègues et contribueraient assuré-
CARACTÉRISTIQUES D’UN mise en œuvre de la gestion par ment assumées par la direction de ment à introduire les nouvelles
PROCESSUS DE REDDITION résultats obéit à des considérations l’école qui les porte à l’attention des stratégies et approches qui seront
DE COMPTES « CORRECT »,
politiques plutôt que pédagogiques. enseignants en fonction d’un calen- officiellement mises en œuvre par
L’OBLIGATION DE MOYENS drier annuel de gestion qui varie la réforme, vers 2003. Outre le fait
C’EST-À-DIRE QUI
PAR RAPPORT À L’OBLIGATION d’un milieu à l’autre. Ce constat que cette tâche constitue en soi une
RESPECTERAIT À LA FOIS
DE RÉSULTATS n’exclut pas le fait que certains préparation pertinente à la fonction
L’OBLIGATION DU MINISTÈRE enseignants démontrent un grand de direction d’école (où le pro-
DE SUIVRE L’ÉVOLUTION DU
En ce qui a trait aux pouvoirs des
écoles, plusieurs directions sou- intérêt pour ce type de préoccu- blème de relève se pose déjà), tra-
SYSTÈME SCOLAIRE, LE RÔLE pation et entreprennent indivi- vailler en sous-équipe à la planifi-
haitent que l’on réfléchisse à l’obli-
DES COMMISSIONS SCOLAIRES, duellement de telles activités. Tous cation de l’évaluation et à l’analyse
gation de moyens plutôt qu’à
LES POUVOIRS CONFIÉS AUX l’obligation de résultats et que l’on affirment qu’on doit tendre vers cet des résultats des élèves, et ce, avec
ÉCOLES ET L’AUTONOMIE désigne des personnes qui exami- objectif et que la réforme peut être un pair chef de groupe, est consi-
PROFESSIONNELLE DES neront le concept de responsabilité vue comme un moyen privilégié d’y déré comme étant moins menaçant
ENSEIGNANTS? collective dans le milieu éducatif. parvenir. et plus professionnalisant au regard
De l’avis des participants, la pre- Cette recommandation formulée Plusieurs participants souhaitent d’une obligation de résultats.
mière étape d’un processus « cor- par Mme Chénier se justifie par le fait que chaque école se dote d’une D’autres moyens pourraient être
rect », au sens éthique du terme, que certaines directions estiment structure propre pour examiner les déterminants dans l’émergence
c’est de s’assurer qu’il résulte d’un être davantage responsables de problèmes, mais à leur avis, elle ne d’une culture de l’évaluation favo-
engagement des personnes concer- « tout mettre en œuvre » pour assu- devrait pas se limiter aux résultats risant ce nouveau type de gestion :
nées dès le stade de son élaboration rer la réussite des élèves, eu égard des élèves. « L’ensemble de la vie de la formation de groupes d’élèves
et tout au long de sa mise en œuvre. aux ressources humaines et finan- l’école doit être considéré, notam- fixes, le titulariat, l’attribution de
À ce propos, M. Labbé suggère que cières dont elles disposent et aux ment sa mission de socialisation », plus d’une matière aux enseignantes
le ministre de l’Éducation pourrait balises que constituent les conven- ajoute Mme Robert. Pour d’autres, et enseignants du secondaire, l’éta-
se doter d’une table multipartite tions collectives. Tous les partici- les journées pédagogiques offrent blissement de sous-équipes, etc.
regroupant des représentants des pants conviennent que la reddition d’intéressantes occasions d’échange « Dans ce dernier cas, il peut sem-
avec les enseignants lorsque leur bler qu’il soit plus facile d’assurer

DOSSIER
groupes concernés par l’obligation de comptes des cadres scolaires ne
de résultats : « Il faudra surtout peut englober tous les facteurs qui déroulement est planifié par niveau. la cohérence de l’action, avec de
éviter de développer un concept conditionnent les résultats des Quelques-uns privilégient également tels groupes, mais la prudence est
hors du lieu de son actualisation. » élèves. ces rencontres non seulement à la de mise, car ils peuvent générer
Ce nouveau concept doit être arti- Enfin, selon Mme Pelletier, « un pro- fin des étapes mais à tous les cycles parfois une dilution des respon-
culé de façon claire, prévoir pour cessus de reddition de comptes doit de 9 jours ou moins, selon le cas. sabilités individuelles », rappelle
les intervenants la possibilité de pouvoir s’appuyer sur le profes- Au primaire, on constate en général M. Potvin.
choisir des cibles, comporter des sionnalisme des enseignants qui que le fait, pour l’enseignant, de QUEL SERAIT LE PROFIL
balises d’interprétation et, à l’issue démontrent un intérêt certain pour s’interroger sur les performances
D’UNE DIRECTION D’ÉCOLE
de son déroulement, éviter toute améliorer les résultats de leurs de l’élève, de planifier et d’évaluer
APPLIQUANT UN PROCESSUS
référence à l’ordre des sanctions élèves, qui tiennent leurs connais- sa pratique pédagogique est systé-
matique lors du passage primaire- EFFICACE DE REDDITION DE
découlant des résultats obtenus. sances à jour et qui assument indi-
secondaire (élèves de 6e année) et COMPTES DANS LE CADRE
Devant la complexité d’un tel pro- viduellement leur développement
pour les EHDAA (élèves handicapés D’UN TYPE DE GESTION AXÉ
jet, il s’agit de ne pas tirer dans professionnel au moyen de la for-
ou en difficulté d’adaptation ou SUR L’OBLIGATION DE
toutes les directions à la fois, d’où mation continue ».
l’importance du choix des cibles de d’apprentissage). Les approches RÉSULTATS?
EXISTE-T-IL UNE « CULTURE retenues à l’égard des EHDAA (dans Plusieurs préféreront interpréter la
la reddition de comptes et des
DE L’ÉVALUATION » CHEZ la Loi sur l’instruction publique et question sous l’aspect de « condi-
délais à consentir pour atteindre les
LES ENSEIGNANTES ET dans les règlements de chaque com- tions gagnantes » ou facilitantes.
résultats anticipés (facteur temps),
tel que mentionné précédemment. ENSEIGNANTS DE mission scolaire) ciblent chaque Ainsi, quelques caractéristiques de
En résumé, la table des directions VOTRE MILIEU? jeune individuellement. fonctionnement ou encore certaines
reconnaît au ministre le droit d’im- Si, par culture de l’évaluation, on LE CHEF DE GROUPE : UN ATOUT cibles d’action de la direction sont
poser des orientations. « Pour ce entend le fait d’examiner en équipe « Au secondaire, l’émergence d’une perçues comme des moyens de
faire, il nous suffit d’évoquer que le les résultats des élèves, de s’inter- culture de l’évaluation au sein des favoriser et de soutenir le déve-
ministre de l’Éducation est lui-même roger sur les facteurs qui les ont équipes-écoles pourrait être faci- loppement d’une culture de respon-
imputable des activités éducatives conditionnés, de formuler des litée, par exemple, par le retour de sabilisation dans leur milieu.
du réseau scolaire québécois auprès hypothèses d’action, de les réa- ressources telles que les chefs de Selon Mme Chénier, « certains de ces
de la population qui l’a élu et auprès juster en cours de route et même de groupe », propose M. Céré. Ces moyens peuvent donner de bons
du parti qui lui a confié la direction dégager de cette activité systéma- enseignants, dont l’expertise péda- résultats dans une école donnée et
d’un ministère », rappelle M. Potvin. tique ses propres besoins de per- gogique a été dans le passé et pour- ne pas être efficaces dans une autre,
Toutes et tous insistent sur l’impor- fectionnement, de telles opérations rait être encore aujourd’hui recon- chaque établissement ayant, lui
tance de ne pas succomber à un prennent place dans leur école, nue par les pairs, pourraient mettre aussi, sa propre “ culture ” organisa-
sentiment d’urgence. Nous serions mais il ne s’agit pas d’un automa- leur expertise au service de leurs tionnelle ou collective ».

PÉDAGOGIQUE
39
Voici les principales idées mises en
relief par les participants et les
participantes au cours de cette table
AMÉLIORER SES RÉSULTATS, OUI.
ronde : MAIS COMMENT?
• Favoriser les projets qui contri- par Luce Brossard
buent à créer une identité forte
et à développer un sentiment

P
ourquoi pas en acceptant, mise en œuvre du projet dans nel répondent au questionnaire.

P
d’appartenance à l’école : soirée- tout d’abord, de jeter un l’ensemble de la Commission sco- Soixante-quinze pour cent des ques-
hommage aux élèves scolarisés regard sur son milieu afin laire. tions sont les mêmes que celles qui
antérieurement; affichage de pho- d’en cerner les forces et les fai- sont posées aux élèves. L’informa-
UN QUESTIONNAIRE
tos des enseignants ou des diplô- blesses, comme le font les nom- tion collectée porte sur les percep-
CONSTRUIT AVEC RIGUEUR
més de telle ou telle décennie; breuses écoles qui participent au tions des personnes par rapport
Animée par la préoccupation d’of-
dîner-causerie dont le conféren- projet d’évaluation de l’environ- aux diverses composantes de l’en-
frir aux écoles un instrument d’éva-
cier ou la conférencière serait un nement socioéducatif des écoles vironnement socioéducatif ainsi
luation de qualité qui les aiderait à
personnage public ayant fréquen- primaires et secondaires proposé que sur l’agir. Les faits permettent
prévenir les problèmes qui ont une
té l’école, etc. par une équipe de recherche de de pondérer les perceptions. Par
incidence sur la réussite des élèves
• Privilégier un mode de gestion l’Université de Montréal? L’objectif exemple, les élèves peuvent consi-
(violence, absentéisme, drogue,
qui responsabilise de petites de cette équipe, précise M. Michel dérer qu’il y a beaucoup de vio-
indiscipline, etc.) et à intervenir à
unités sur des objets précis de Janosz, directeur du projet1, pro- lence à leur école, alors que les
reddition de comptes (une école bon escient, l’équipe de recherche a
fesseur à l’École de psychoéduca- faits montrent qu’il y a très peu de
dans l’école). retenu trois composantes de l’envi-
tion de l’Université de Montréal et victimes. Modifier la perception des
• Encourager et négocier au besoin ronnement socioéducatif de l’école :
directeur scientifique du Centre de élèves en ce qui concerne la sécu-
la stabilité des équipes de direc- le climat scolaire, les pratiques
recherche et d’intervention sur la rité à l’école n’entraîne pas le
tion et des équipes-cycles chez les éducatives, les problèmes scolaires
réussite scolaire (CRIRES), est de même type d’actions que s’il y avait
enseignantes et enseignants. et sociaux. Le climat scolaire est
construire et de valider, en associa- vraiment beaucoup de victimes et
• Avoir une vision claire de ses examiné sous cinq aspects : le cli-
tion avec le milieu scolaire, deux qu’il fallait renforcer les mesures
mat relationnel, le climat éducatif,
DOSSIER

objectifs et s’assurer de l’adhé- versions (une pour le primaire et de sécurité.


sion et de la complicité de celles le climat de sécurité, le climat de
une autre pour le secondaire) d’un L’analyse des réponses fournit un
justice et le climat d’appartenance.
et ceux qui s’efforcent de les questionnaire qui permettrait à portrait de l’environnement socio-
Plusieurs catégories de pratiques
atteindre. l’équipe-école d’évaluer « le poten- éducatif avec ses zones de force et
éducatives sont explorées dont l’en-
• Comprendre le rôle des instances tiel éducatif de l’environnement de vulnérabilité, ainsi que des pistes
cadrement des élèves, l’accent mis
et le valoriser auprès des ensei- scolaire », autrement dit de voir d’action. Le questionnaire sert à
sur la réussite des élèves, le système
gnantes et enseignants. si le climat qui règne à l’école est évaluer la situation; il n’est pas un
de reconnaissance, la qualité de
• Jouer son rôle : indiquer la direc- favorable aux apprentissages sco- outil d’intervention à proprement
l’enseignement, le temps qu’on y
tion à suivre. laires et sociaux des élèves. parler, mais il peut susciter des
consacre, les occasions d’investis-
• Prendre position, se tenir debout. Nous ne connaissons pas le but visé réflexions et même des actions.
sement scolaire et parascolaire, la
• Avoir des valeurs et des croyances, par chacune des dix-huit écoles pri- Il peut être le point de départ d’un
participation des parents et le lea-
et en témoigner par ses gestes et maires et de la centaine d’écoles processus; il appartient à chaque
dership éducatif de même que le
son discours. secondaires engagées dans ce pro- école d’utiliser ou non l’informa-
style de gestion de la direction. Le
• Être constant, équitable, acces- jet, mais nous croyons que pour tion obtenue.
questionnaire permet d’explorer
sible, ouvert. certaines d’entre elles, répondre au Pensé d’abord pour le secondaire, le
deux types de problèmes, ceux qui
• Avoir une santé de fer et le sens questionnaire pourrait bien cons- projet de recherche a débuté en 1999.
relèvent de la scolarisation propre-
de l’humour. tituer le premier pas d’une démarche À l’automne 2001, 65 000 élèves
ment dite : indiscipline, motivation
• Faire preuve de leadership et de d’amélioration continue. C’est du et adultes d’une centaine d’écoles
et rendement, et ceux qui touchent
transparence, savoir prendre du moins ce que nous avons perçu secondaires de différentes régions
la socialisation en général : violence
recul et savoir dire non. dans les propos des personnes de la du Québec avaient été rejoints. La
entre élèves, entre élèves et ensei-
• Connaître ses élèves, son milieu, Commission scolaire Marguerite- version pour le secondaire est main-
gnants, entre élèves d’ethnies diffé-
ses dossiers, les problématiques Bourgeoys que nous avons eu le tenant définitive, alors que celle qui
rentes, consommation et vente de
de sa région. plaisir de rencontrer en compagnie a été adaptée pour le primaire a été
de M. Janosz. Il s’agit de Mme Viviane psychotropes2.
• Mettre à jour ses compétences. mise à l’essai en 2000-2001 dans
Au secondaire, tous les élèves
La rédaction remercie les directions O’Neill, directrice de l’école pri- dix-huit écoles de deux régions du
répondent au questionnaire et les
d’école qui se sont volontiers maire Paul-Jarry, à Lachine, de Québec. La validation des question-
résultats sont disponibles par éche-
prêtées à cet exercice d’anticipation M. Robert Daigle, directeur de naires se poursuit cette année dans
lon, alors qu’au primaire, seuls
et souhaite que leurs réflexions l’école secondaire Saint-Germain- une centaine d’écoles primaires de
les élèves de 4e, 5e et 6e année y
suscitent des discussions aussi de-Saint-Laurent, de M. Jean Cardin, diverses régions. Subventionné par
répondent et les résultats remis à
éclairantes dans tout le réseau sco- enseignant à l’école secondaire le Centre national de prévention du
l’école sont ceux de l’ensemble des
laire québécois. Émile-Legault, ainsi que de M. Denis crime, ce projet bénéficie égale-
élèves seulement. Tous les adultes
Mme Mireille Jobin est consul- Leclerc, psychoéducateur à l’école ment du soutien du ministère de
de toutes les catégories de person-
tante en éducation. Émile-Legault et responsable de la l’Éducation, de la Direction de la

VIE
40 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

santé publique de la Montérégie et des écoles ont aussi formé un l’opération était menée, ce qui ne timent d’appartenance. Selon Robert
de celle de Montréal-Centre ainsi comité de travail auquel participe pouvait que favoriser l’acceptation Daigle, « le fait d’agir rapidement
que d’autres organismes qui se un membre de chaque catégorie de sans réticences des résultats. après la réception des résultats a
préoccupent du développement personnel et parfois même un ou donné à l’équipe-école une erre
DES RETOMBÉES CONCRÈTES
social des jeunes3. une élève. d’aller qu’elle n’a pas perdue
Nous nous attardons ici à ce qui
L’idée de voir ses perceptions con- depuis ».
DES ÉCOLES QUI PRENNENT s’est passé dans les deux écoles
firmées ou infirmées par un moyen À l’école secondaire Émile-Legault,
LE RISQUE DE SE REGARDER secondaires parce que, au moment
objectif plaisait à Mme O’Neill. Ayant c’est plutôt l’amélioration du senti-
Qu’est-ce qui peut motiver des écoles de notre rencontre, le comité de
un service de garde à son école, elle ment d’appartenance qui a été rete-
à participer à un projet d’évaluation l’école de Mme O’Neill venait tout
appréciait grandement le fait que nue comme priorité. Aussi a-t-on
de ce type? À la Commission scolaire juste de recevoir les résultats et
l’enquête touche toutes les catégo- créé un comité « qualité de vie »
Marguerite-Bourgeoys, quatorze s’interrogeait sur la meilleure façon
ries de personnel. De plus, l’évalua- formé de représentants de tous les
écoles secondaires sur dix-sept et de les présenter à l’ensemble du
tion de l’environnement socioédu- groupes de l’école. Ce comité se
six écoles primaires l’ont fait libre- personnel. Il faut dire que l’infor-
catif pouvait favoriser la réalisation préoccupe de bonifier l’environ-
ment. Ont-elles été séduites par les mation qui ressort de l’enquête est
d’un autre projet auquel quatre nement sur plusieurs plans afin que
propos convaincants des concep- abondante et qu’il importe d’éviter
écoles de Lachine, dont la sienne, les élèves se sentent bien accueillis
teurs du projet ou y ont-elles vu une de submerger l’équipe de données
participent, puisque les quatre à l’école et qu’ils la perçoivent
occasion de développement à ne éparses. Ce ne sont pas nécessaire-
écoles en question ont décidé de comme leur école. On a ensuite mis
pas rater? Pour sa part, M. Daigle ment les résultats isolés qui sont
répondre au questionnaire. en place un système de reconnais-
affirme qu’il a été immédiatement intéressants, mais les schèmes qui
Quant à l’école secondaire Émile- sance et de valorisation des bons
intéressé par la démarche lorsqu’elle s’en dégagent.
Legault, qui reçoit les élèves de 3e, coups des élèves. Ainsi, chaque mois,
a été présentée aux directeurs et À l’école secondaire Saint-Germain-
4e et 5e secondaire, M. Jean Cardin les enseignants et les enseignantes
directrices d’école au cours d’une de-Saint-Laurent, élèves et person-
remarque que le projet arrivait à doivent s’arrêter, jeter un regard
de leurs réunions. Occupant depuis nel ont répondu au questionnaire
point puisqu’elle était justement sur tous leurs élèves pour désigner
à peine un an le poste de directeur en février 2000. Les résultats sont
dans une période de remise en ceux et celles qui se sont démar-
de l’école secondaire Saint-Germain- arrivés en mai et, immédiatement,
question. En effet, l’équipe-école qués par leurs efforts, leur cons-
de-Saint-Laurent, il s’était fait une le comité composé d’un représen-

DOSSIER
réfléchissait depuis quelques tance au travail, leurs résultats ou
idée de l’école, mais il n’était pas tant de chaque catégorie de person-
années sur sa façon de créer un leurs progrès. Les critères retenus
certain que tous partageaient sa nel a été formé et a insisté pour
meilleur climat éducatif, de sorte sont nombreux parce qu’on veut
perception et il jugeait qu’il serait présenter sans tarder les résultats à
que l’offre de tracer un portrait de souligner le travail d’un grand
avantageux que tous les adultes de l’ensemble du personnel. La déci-
l’école a été très bien reçue par le nombre d’élèves. Les élèves choi-
l’école fassent une même lecture de sion a alors été prise d’établir des
personnel réuni en assemblée géné- sis sont invités à rencontrer les
la réalité. Sa seule inquiétude por- priorités d’action avant la fin de
rale. On y a vu un outil qui pourrait membres de la direction qui ont
tait sur la confidentialité des résul- l’année. Aussi, en juin, le personnel
peut-être fournir des pistes pour ainsi la chance de reconnaître les
tats. Pour rien au monde, il n’aurait divisé en équipes a-t-il déterminé
améliorer la qualité de l’environ- élèves pour ce qu’ils font de bien et
voulu se retrouver devant un nou- les pistes qu’il voulait explorer en
nement. non seulement pour leurs compor-
veau palmarès des écoles. Sa petite août. L’équipe-école a choisi de tra-
Dans les deux écoles secondaires, tements inappropriés.
école, qui reçoit environ 425 élèves vailler à améliorer le climat de
les enseignants et les enseignantes Toujours dans l’optique de créer un
de 1re et de 2e secondaire, est située sécurité à l’école et a élaboré à cet
ont répondu au questionnaire au sentiment d’appartenance, l’école
dans un milieu fortement multicul- effet, au mois d’août, un plan d’ac-
cours d’une assemblée générale et Émile-Legault, en collaboration avec
turel. Cette inquiétude était d’ailleurs tion qui précisait des interventions
l’ont fait remplir par leurs élèves en les Fonds Jeunesse, ouvre ses portes
partagée par Mme O’Neill, qui dirige collectives pour améliorer la percep-
classe. À l’école primaire, pour évi- de 15 h 30 à 17 h et offre des cours
une école en milieu défavorisé. Les tion que les élèves ont de la sécurité
ter de créer des situations tendues de natation, d’animation de terrain
garanties de confidentialité qu’on en général, améliorer la sécurité
ou d’influencer les élèves, les ensei- de jeux, de premiers soins, de danse,
leur a données les ont satisfaits. En dans les lieux les plus probléma-
gnants et les enseignantes n’ont pas etc. Et ce n’est pas fini, parce
effet, comme l’indique M. Leclerc, à tiques et faire en sorte que l’élève
fait passer le questionnaire à leurs qu’après avoir effectué un sondage
part lui, à sa commission scolaire, sente que l’adulte s’impose en toute
propres élèves; ils ont changé de auprès des élèves, l’école entend
personne n’a en main les résultats circonstance. De plus, chaque
classe. Quant à eux, ils y ont répon- leur offrir des activités parascolaires
de toutes les écoles participantes. membre du personnel était invité à
du à l’école, une journée où la pendant la semaine de relâche et les
Lorsqu’il reçoit la compilation des y ajouter des actions individuelles.
directrice était absente et où la plu- journées pédagogiques. Plus encore,
résultats, il en fait l’analyse et pré- À la fin de l’année 2000-2001,
part des membres du personnel elle se propose d’inviter les élèves
sente à chaque école les données l’équipe a évalué l’effet de ses inter-
étaient présents; les autres l’ont fait de 5e et de 6e année du primaire à
qui la concernent. Chaque école a ventions et en a établi un bilan positif.
chez eux. L’équipe de recherche venir pendant les journées péda-
désigné un ou une responsable, Constatant les progrès accomplis,
souhaitait que, dans la mesure du gogiques participer à des activités
généralement une professionnelle l’équipe-école a voulu maintenir le
possible, le personnel réponde en animées par les jeunes de 4e et
ou un professionnel non enseignant, cap sur l’amélioration du climat de
même temps au questionnaire. 5e secondaire inscrits aux cours
pour coordonner l’opération, lequel sécurité pour ne pas perdre les ac-
Dans les trois écoles, les membres d’animation de terrain de jeux; elle
ou laquelle a reçu une formation quis en ajoutant, pour 2001-2002,
du personnel ont bien perçu la offre ainsi à ces derniers une occa-
d’une journée ou deux. La plupart des actions pour augmenter le sen-
rigueur et le sérieux avec lesquels sion de réinvestir leurs acquis et

PÉDAGOGIQUE
41
espère également modifier la per- bouillon est bon, le plan a des croyaient que le sentiment d’appar- Oui, en ce sens qu’il touche à la fois
ception quelque peu négative que le chances d’être meilleur. Jean Cardin tenance était fort parce que leur le primaire et le secondaire, et que,
milieu a de l’école secondaire. considère qu’un meilleur climat ne école est petite se sont aperçus que signe des temps sans doute, il met
Pour ces deux écoles secondaires, peut que favoriser la réussite des la réalité était quelque peu dif- davantage l’accent sur le diagnostic
les retombées du projet d’évalua- élèves. Lorsque ses élèves de l’adap- férente. Même si, au dire de Michel de problèmes graves : violence,
tion de l’environnement socioédu- tation scolaire arrivent en classe Janosz, de façon générale les résul- drogue, etc. Non, parce que comme
catif sont évidentes. La démarche perturbés par un conflit qui a eu tats ne suscitent pas de grandes sur- les autres instruments d’évaluation,
est bien engagée. Va-t-elle se pour- lieu à la récréation, il ne peut pas prises, il arrive que l’on fasse des il vise à tracer un portrait de la réa-
suivre? Et comment se situe-t-elle les mettre immédiatement au tra- découvertes étonnantes, comme lité qui peut être le point de départ
par rapport à l’ensemble des vail. Il doit prendre le temps de dis- l’ont montré les réponses des élèves d’une démarche collective d’amé-
demandes adressées à l’école? cuter des événements avec eux. qui trouvaient qu’on ne leur deman- lioration. Or, quel que soit l’aspect
Il est difficile de mesurer l’effet du dait pas assez de travail. sur lequel une équipe-école choisit
S’INSCRIRE DANS
climat de l’école sur la réussite des De plus, le questionnaire est utile de travailler, une telle démarche ne
LA LONGUE DURÉE
élèves, mais les acteurs de l’école parce que, n’étant pas menaçant peut qu’être bénéfique si elle se
Robert Daigle croit que la démarche semblent certains que son amélio- pour le personnel enseignant, il poursuit assez longtemps.
entreprise dans son école va conti- ration ne peut qu’être profitable en favorise une évaluation sereine. Nous savons toutefois que peu
nuer parce que les progrès sont classe. D’ailleurs, le fait que les Personne n’est pointé du doigt, sauf d’écoles ont utilisé les outils mis à
visibles et que le sentiment d’avan- plans de réussite demandés aux la direction qui doit être particu- leur disposition dans le passé. La
cer est bien présent. L’équipe-école écoles retiennent des indicateurs de lièrement solide pour accepter de conjoncture a-t-elle suffisamment
constate qu’elle a tout à gagner en
fin de parcours comme les résultats s’engager dans la démarche. Le changé pour que, cette fois, tous les
élaborant un plan d’action. Il ne
scolaires ou le taux de décrochage caractère confidentiel des résultats acteurs de l’école acceptent de se
craint pas d’affirmer que cette
rend souvent difficile l’établisse- assure que l’école ne sera ni com- pencher sur l’environnement socio-
démarche l’a même aidé, lui, comme
ment de liens entre ces plans et la parée ni classée. Comme le dit éducatif qu’ils offrent aux jeunes et
directeur, à mieux travailler à l’ap-
démarche d’évaluation de l’environ- Michel Janosz, « l’humiliation pu- cherchent ensemble la façon dont
propriation de la réforme parce
nement socioéducatif. Mais pour blique n’a jamais fait progresser ils pourraient le rendre meilleur?
que le chemin tracé par le travail
Viviane O’Neill, ces liens doivent personne ». On aime rappeler cette Il faut le croire puisque, comme on
collectif effectué pour bâtir un plan
DOSSIER

exister parce que son école, comme vérité lorsque les écoles ou le per- l’a vu, un grand nombre d’écoles
d’action a ouvert la voie et établi
d’autres, participent à plusieurs pro- sonnel enseignant sont en cause, ont bien voulu faire le premier pas
une façon d’aborder la réforme.
grammes de soutien dont celui à mais il serait bon de garder présent qui consiste à examiner sa situa-
Actuellement, un comité de pilotage
l’école montréalaise, ce qui suppose à l’esprit le fait qu’elle s’applique tion. Or, ne dit-on pas que c’est le
de la réforme constitué sur le mo-
de nombreux plans d’action. Le pro- aussi aux élèves. premier pas qui coûte le plus? Dans
dèle du comité du projet prépare le
jet éducatif, les plans de réussite, le Le questionnaire est également utile tous les milieux, et peut-être à
terrain, représente les membres du
programme de soutien à l’école non seulement parce qu’il permet l’école plus qu’ailleurs, s’engager
personnel et soumet le contenu à
montréalaise, les programmes pour d’intervenir pour redresser des dans une démarche de changement
l’assemblée générale. De plus, si le
contrer la violence, bref, toutes les situations problématiques, mais de ses pratiques requiert ce que
projet éducatif devait être réécrit,
actions menées à l’école doivent aussi parce qu’il contribue à pré- Philippe Meirieu a si justement
divers éléments des plans d’action
être cohérentes. Il en est de même venir une détérioration du climat. nommé « le courage des commen-
en feraient partie.
des actions qui découleront de Par exemple, si un élève pense qu’il cements »4.
Jean Cardin et Denis Leclerc, eux,
l’évaluation de l’environnement y a beaucoup de violence à l’école Mme Luce Brossard est rédac-
sont convaincus que l’école ne peut
socioéducatif de l’école. et que plusieurs jeunes possèdent trice pigiste.
plus reculer après ce qui a été
FAIRE UN PREMIER des armes, il risque de vouloir en
accompli. Il est possible qu’après 1. Le projet Questionnaire sur l’évaluation
apporter une pour se défendre, ce de l’environnement socioéducatif des
cinq ou six ans, les gens ne se PAS ENSEMBLE
qui ne fait qu’envenimer la situation. écoles primaires et secondaires (QES)
souviennent plus de l’origine de Nous avons demandé à nos inter- est codirigé par M. François Bowen avec
Enfin, et surtout, le questionnaire la participation de M. Roch Chouinard et
tout ce qui a été mis en place, mais locuteurs et interlocutrices s’ils
est utile parce qu’il permet à de Mme Nadia Desbiens, tous trois pro-
les acquis sont là pour rester, considéraient le questionnaire qui fesseurs au Département de psychopéda-
l’équipe-école de faire un premier
affirment-ils. leur a été soumis comme un outil gogie et d’andragogie de l’Université de
pas ensemble sur un chemin qui Montréal et membres du CRIRES.
Tant mieux si la démarche continue utile. Oui, ont-ils affirmé, parce que
n’est pas tout tracé, mais qui peut 2. Le modèle théorique sur lequel s’appuie
et si tous les aspects de l’environ- ce questionnaire leur fournit des le projet a été exposé par les chercheurs
déboucher sur une volonté de
nement socioéducatif de l’école renseignements dont l’école a tou- dans un article publié en 1998 : JANOSZ
changer la situation. Michel, Patricia GEORGES et Sophie
s’en trouvent améliorés. Cependant, jours besoin pour confirmer ou
Cela dit, cet outil est-il différent de PARENT. « L’environnement socioéducatif
comment situer les actions visant infirmer des perceptions ou pour à l’école secondaire : un modèle théorique
tous ceux élaborés depuis la vague pour guider l’évaluation du milieu »,
l’amélioration du climat de sécurité évaluer des actions. Par exemple,
d’évaluation institutionnelle qui a Revue canadienne de psychoéducation,
ou du sentiment d’appartenance Viviane O’Neill a pu constater que vol. 27, no 2, 1998, p. 285-306.
marqué les années 70 jusqu’à la
dans le paysage de l’obligation de les actions pour contrer la violence 3. Pour plus de renseignements sur le pro-
construction de l’Instrument d’au- jet, vous pouvez communiquer avec la
résultats? Vont-elles augmenter la mises en œuvre à son école depuis
toanalyse pour favoriser la réus- coordonnatrice de l’équipe de recherche,
réussite de l’élève? Pour Robert quelques années n’avaient pas don- Mme Christiane Bouthillier, par courriel
site à l’école secondaire qui a
Daigle, « le climat, c’est le bouillon né tous les résultats escomptés. Les (christiane.bouthillier@umontreal.ca).
couronné les travaux sur les bonnes 4. MEIRIEU, Philippe. La pédagogie entre le
dans lequel tout mijote »; si le enseignants et les enseignantes qui dire et le faire, Paris, ESF éditeur, 1995.
écoles des années 90. Oui et non.

VIE
42 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

À L’ÉCOLE LA SOURCE : LE PLAN DE RÉUSSITE ET L’OBLIGATION


DE RÉSULTATS, UNE DÉMARCHE QUOTIDIENNE
par Adèle Gourd

I
l suffit d’entrer dans l’école La À MI-CHEMIN DE LA DEUXIÈME

I
Source, de la Commission sco- ANNÉE : DES RETOMBÉES DANS
laire des Draveurs, d’échanger LA PRATIQUE PÉDAGOGIQUE!
avec quelques intervenants et d’as- Les enseignantes et les enseignants
sister à diverses activités pour vite nous disent que les liens directs
se rendre compte que l’engagement entre le plan de réussite et leur pra-
des enseignants et enseignantes, tique ne sont pas très évidents, mais
la détermination et le soutien de ils mentionnent que c’est davantage
l’équipe de direction et l’implica- la prise de conscience plus accrue

Photo : Denis Garon


tion du conseil d’établissement sont des besoins de réussite des jeunes
les premiers indicateurs de l’actua- qui les rend plus alertes face
lisation d’une démarche pour la aux apprentissages de leurs élèves.
plus grande réussite de ses quelque « Nous croyons être plus aux
DE GAUCHE À DROITE : DENIS BRAZEAU, MARIE LE BOURDAIS,
515 élèves. DANIÈLE CÔTÉ, CHANTAL GUÉRIN, RACHELLE LAPORTE ET PIERRE GIRARD. aguets tant de la réussite de nos
C’est d’ailleurs dans un climat À L’AVANT : MONIQUE BEAUDOIN ET CÉLINE LACROIX élèves que d’une réelle pratique
d’équipe que Monique Beaudoin, réflexive. » Il est également pos-
directrice, Denis Brazeau, Marie Le de l’équipe-école; mettre en place élèves en difficulté, souligne qu’il sible de faire quelques liens, ne
Bourdais et Pierre Girard, ensei- un comité ad hoc pour l’élabora- faut se donner le temps de s’appro- serait-ce qu’à partir de la motiva-
gnants, Chantal Guérin, technicienne tion du nouveau plan de réussite à prier le plan de réussite, de prendre tion des élèves dans les ateliers
au centre d’aide, Danièle Côté, partir de l’évaluation de chaque le temps de le vivre et de permettre inscrits à la marge de manœuvre,
orthopédagogue ainsi que Rachelle mesure du plan de l’année pré- aux mesures de rapporter les divi- ou encore, selon Pierre Girard, par

DOSSIER
Laporte, parent, ont présenté, tout cédente; soumettre la version préli- dendes. Selon Mme Beaudoin, il est l’intégration de la perspective du
au long de l’entrevue, une démarche minaire du plan pour commen- important de faire de la régulation projet de l’école orientante et par la
concrète ramenant à l’avant-scène taires au conseil d’établissement, au proactive, interactive et rétroactive consolidation de la formation ac-
le vécu pédagogique de l’école. comité des partenaires ainsi qu’aux et, tout comme il faut respecter le quise en enseignement stratégique.
À la lecture du plan de réussite de membres de l’équipe-école; enfin, rythme de l’élève, il faut aussi tenir
l’école La Source, on a nettement rencontrer l’équipe et effectuer compte de la cadence d’implanta- DES MESURES VARIÉES
l’impression que chaque élève qui quelques dernières corrections avant tion des mesures. Consciente de la quantité, de la
entre dans cette école y trouve, par de soumettre le plan pour obtenir diversité et de la richesse des
UNE PERSPECTIVE activités offertes à l’école La Source,
le biais des diverses activités, une l’approbation officielle du conseil
« PROFESSIONNALISANTE » Mme Beaudoin souligne que l’école
forme de garantie de plein dévelop- d’établissement et du comité des
Selon Denis Brazeau, le fait de mettre perçoit l’élève dans sa globalité et
pement, pour lequel toute l’équipe- partenaires.
par écrit les objectifs, les moyens que les différentes mesures tiennent
école sert de filet de sécurité! Cette UNE ÉVALUATION INTÉGRÉE et quelques indicateurs de perfor- compte à la fois de son développe-
organisation pédagogique a été mise
Mme Beaudoin précise que si les mance, est utile pour évaluer la ment intellectuel, personnel, social
en œuvre pour satisfaire à l’obliga-
critères quantitatifs mesurent bien démarche et l’atteinte des objectifs et physique. L’impact des mesures
tion de résultats inscrite dans le
les cibles et les taux, en ce qui con- proposés. Plusieurs de ces objectifs suivantes est en effet réel sur la
plan de réussite du ministère.
cerne plusieurs des mesures, il faut et moyens étaient présents aupara- motivation et le sentiment d’appar-
Mme Beaudoin souligne que le plan
toutefois s’appuyer sur l’observa- vant, mais ils étaient moins bien tenance des élèves à l’école et à la
établi pour 2001-2002 se définissait
tion et le vécu. Elle ajoute qu’il y a structurés. Selon Pierre Girard, la communauté :
en très grande partie par la recon-
également dans le plan de réussite structure du plan de réussite vient • les petits déjeuners servis tous les
duction des mesures mises en place
des objectifs à plus long terme et aider à préciser ce que l’on fait matins;
la première année. Il faut noter que
que tout n’est pas quantifiable. Elle déjà. Quant à Marie Le Bourdais, • le projet des grandes sœurs et
l’équipe de direction de l’école La
souligne que ce qui la rassure est le elle voit également le plan de réus- grands frères jumelés aux élèves
Source a été complètement renou-
fait qu’on se réajuste régulièrement site comme un outil qui permet de ayant des carences affectives ou
velée. Pour cette nouvelle équipe,
en corrigeant ce qui ne va pas. constater qu’on devient de plus en des problèmes d’adaptation;
l’élaboration du plan de réussite
L’évaluation se fait au quotidien, en plus compétent à différencier notre • le programme acti-récré, qui per-
était en quelque sorte une course
se demandant si l’on a observé pédagogie pour aider nos élèves. met à quelque seize jeunes de
contre la montre dont Mme Beaudoin
quelque chose de particulier et si Pour Denis, Pierre et Marie, la force développer le leadership, l’estime
rappelle les principales étapes :
l’on doit se réajuster. Cette façon de du plan de réussite de l’école La de soi, le sens des responsabilités et
présenter le processus d’élabora-
faire permet de constater les pro- Source, c’est d’être « leur plan », un fort sentiment d’appartenance;
tion du plan au conseil des ensei-
grès des élèves. Mme Danièle Côté, dans lequel ils se sentent vraiment • la mise en place du Comité des
gnants; recueillir des commentaires
orthopédagogue, particulièrement soutenus par la direction et les partenaires (CLSC, CHSLD, Ado-
auprès de l’ensemble des membres
préoccupée par la situation des parents du conseil d’établissement. jeune, St-Vincent-de-Paul, école

PÉDAGOGIQUE
43
Le Progrès, Caisse populaire, vaut-il la peine? Oui, nous disent les DES MESURES QUI Enfin, la troisième mesure qui donne
policier éducateur, conseiller enseignants! « Le plan d’action est RAPPORTENT de bons résultats est la révision des
municipal, etc.) qui se préoccupe un outil qui nous permet de mieux Selon Mme Beaudoin et les ensei- PIA aux huit semaines. Plusieurs
des problématiques de quartier cerner et évaluer notre intervention. gnants, trois mesures ont certes élèves utilisent déjà des stratégies
autant durant les heures de classe Nos plans d’action, revus aux huit un effet observable sur la motiva- de dépannage plus efficaces; d’autres
qu’à l’extérieur de l’école; semaines, nous permettent de suivre tion des élèves. La première est l’uti- ont réussi à développer des atti-
• le développement d’un centre de les progrès de nos élèves et de révi- lisation de la marge de manœuvre tudes et des comportements plus
la petite enfance; ser nos modes d’intervention. » par cycle, soit l’équivalent d’une positifs, ce qui accroît leur motiva-
• le club des devoirs, animé par Comme le souligne Mme Beaudoin, heure, chaque semaine ou toutes tion et multiplie leurs chances de
deux intervenantes d’Adojeune, le fait de constater un progrès repré- les deux semaines. Mis en place en succès.
après les heures de classe; sente un levier pour poursuivre vers septembre 2001, cet aménagement L’AMÉNAGEMENT DES
• le club des Petits Débrouillards. la réussite. Le suivi régulier, le sou- du temps sous forme d’ateliers CLASSES À AIRES OUVERTES
Mme Beaudoin reconnaît le carac- tien à l’enseignant et à l’élève, la favorise le transfert des connais- Huit enseignants et enseignantes du
tère essentiel de toutes ces activités collaboration et la communication sances dans différentes situations premier et du troisième cycle pré-
qui concourent à créer un milieu de entre les membres de l’équipe et les d’apprentissage. Les projets, aux- conisent une approche qui permet
vie dynamisant pour l’élève, mais enseignants sont certes les éléments quels participent également les spé- à une équipe de deux, trois ou
elle ajoute que certaines mesures clés de la réussite de cette mesure. cialistes, peuvent s’étendre sur une quatre enseignants de partager les
devraient avoir des incidences plus Pour la direction, compte tenu que semaine, un mois ou encore deux tâches auprès de deux ou trois
marquées à l’égard de la probléma- les élèves à risque représentent mois. L’aménagement des ateliers groupes d’élèves. Lors de ma visite,
tique du retard scolaire, notamment 30 p. 100 de l’effectif scolaire, cette relève entièrement de l’équipe-cycle. j’ai eu l’occasion d’assister à une
l’organisation des services aux mesure s’avère un bon outil et un Ainsi, orchestré par les 29 ensei- activité où trois enseignantes et un
élèves en difficulté. processus très riche, car on peut gnants et enseignantes de l’école La enseignant du premier cycle, soit
Danièle Côté et Chantal Guérin nous voir de mois en mois et d’une année Source, cet aménagement péda- Sylvie Blais, Sophie Sauvé, Josée
expliquent comment sont organisés à l’autre les acquis et les progrès gogique du temps apparaît déjà Bazinet et Denis Brazeau, se par-
ces services. Au départ, on a consti- des élèves ainsi que l’aide reçue, comme une source de motivation tageaient l’enseignement à trois
tué une équipe de base regroupant tout en offrant une information con- pour l’ensemble des élèves, tout en groupes multi-niveaux (au total,
DOSSIER

la directrice, l’orthopédagogue, la tinue aux parents. Mme Beaudoin permettant d’introduire la notion 72 élèves). Denis Brazeau souligne
technicienne du centre d’aide et la insiste également sur l’orientation des compétences transversales au
psychologue. Cette équipe a tenu, du centre d’aide, qui est d’inter- quelques points forts de cet aména-
troisième cycle. gement, dont la possibilité d’offrir
en début d’année, des rencontres venir autant auprès des familles La deuxième mesure est le projet aux élèves différents modèles d’en-
avec chaque enseignante ou ensei- qu’auprès des élèves. acti-récré. Comme nous l’explique seignants et personnes significatives
gnant afin d’identifier les élèves qui L’ENGAGEMENT DU CONSEIL M. Santo Mazzoleni, éducateur phy- et aux élèves à risque de deuxième
avaient des besoins particuliers et sique à l’école, ce projet vise le
D’ÉTABLISSEMENT année de s’intégrer aux élèves de
d’élaborer pour chacun de ces développement des compétences
derniers un plan d’intervention. Mme Rachelle Laporte, parent sié- première pour une leçon, ou l’in-
geant au conseil d’établissement, liées au leadership et à la coopéra- verse. Selon Sophie Sauvé, d’autres
C’est dans la foulée des nouvelles tion. De plus, il s’agit d’offrir aux
orientations des services aux élèves mentionne que plusieurs activités avantages sont le temps gagné à
qui découlent du plan de réussite enfants la possibilité de développer la préparation, l’élaboration des
en difficulté que de telles équipes un rapport dynamique avec leur
ont été mises en place et structurées ainsi que l’organisation particulière projets en équipe, la richesse des
des classes à aires ouvertes aug- milieu en devenant acteurs et non échanges pédagogiques et le sou-
en fonction de la philosophie de seulement spectateurs. À l’école
mentent la motivation, le partenariat tien de l’équipe, mais particulière-
chacune des écoles de la Com- La Source, seize élèves de la fin du
ainsi que le sentiment d’apparte- ment la plus grande motivation des
mission scolaire des Draveurs, en 2e cycle et du 3e cycle ont déjà reçu
nance des élèves. Mme Laporte sou- élèves. Mme Beaudoin croit que la
septembre 2000. À l’école La une formation spéciale leur permet-
ligne le travail important effectué beauté de ce projet, c’est que deux
Source, pour faire suite à l’élabora- tant d’animer des activités lors des
par les parents bénévoles lors des des enseignants peuvent travailler à
tion du plan d’intervention, chaque récréations. Au moment de ma
petits déjeuners et des levées de temps plein avec les élèves en diffi-
membre de l’équipe de base et visite à l’école, j’ai d’ailleurs eu
fonds. Elle ajoute également que culté et en même temps laisser filer
chaque enseignant concerné doit l’occasion d’assister à une acti-
des mesures du plan de réussite les élèves plus rapides et compé-
élaborer son propre plan d’action, récré, tout comme j’ai eu le plaisir
telles que l’utilisation de la marge tents avec le troisième enseignant,
lequel est révisé aux huit semaines. d’échanger avec Michael Dallaire et
de manœuvre en ateliers ou encore tout en respectant le rythme de cha-
Cette démarche représente, pour Francis Sabourin, élèves du 2e et du
le volet « team leader » de l’acti- cun. L’équipe de la direction de l’é-
chaque membre de l’équipe de 3e cycles, tous les deux « team
récré favorisent l’engagement des cole La Source estime donc que
base, quelque 170 plans d’interven- leader », animant un groupe d’élèves
parents. Selon Mme Beaudoin, l’école plus les modèles pédagogiques per-
tion et 170 plans d’action. Pour du premier cycle... des compétences
devra toujours faire un travail d’in- mettent de répondre aux besoins de
Danièle Côté, le plan d’action ainsi transversales en plein développe-
formation auprès des parents pour chaque élève, le mieux on con-
revu et ajusté régulièrement n’est ment et une situation d’apprentis-
les sécuriser et favoriser, pour la tribue à la réussite de tous.
pas statique mais dynamique. Ce sage des plus signifiantes... c’est le
plus grande réussite des élèves, Mme Adèle Gourd est consul-
processus de suivi des plans est une moins qu’on puisse dire.
la concertation entre l’école et la tante en éducation.
idée de Mme Céline Lacroix, direc-
trice ajointe de l’école. L’effort en communauté.

VIE
44 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

À L’ÉCOLE SECONDAIRE SIEUR-DE-COULONGE :


UNE RÉFLEXION CONCERTÉE ET UNE DÉMARCHE
COLLECTIVE POUR LA RÉUSSITE DES ÉLÈVES
par Adèle Gourd
C’EST À PARTIR DE LA NOTION c’est un devoir que l’équipe-école
D’OBLIGATION DE RÉSULTATS s’impose afin d’amener les jeunes
QUE L’ÉCOLE SECONDAIRE à prendre leurs responsabilités à
SIEUR-DE-COULONGE A PRIS, l’égard de leur réussite. Il y a ainsi
un engagement officiel de la part de
IL Y A DÉJÀ DIX ANS,
l’élève et le parent est également
L’ENGAGEMENT OFFICIEL
informé si l’élève ne fournit pas l’ef-
D’ASSURER UNE PLUS GRANDE fort attendu. Lors des périodes de
RÉUSSITE À TOUS SES ÉLÈVES récupération, l’enseignant est là

Photo : Denis Garon


n effet, certaines écoles ont

E
E élaboré un plan de réussite
à partir de constats et de
caractéristiques propres bien avant
DE GAUCHE À DROITE : LINDA PAQUETTE, CLAIRE CARLE,
pour l’élève. Selon M. Rivest, cette
attention particulière qui lui est
accordée est très signifiante et
représente en quelque sorte l’assu-
la mise en place des plans de réus- rance d’un accompagnement vers
DENIS ROSSIGNOL, LINDA GAUTHIER, YVON PATRY.
site du MEQ. C’est le cas de l’école À L’AVANT : JACQUES RIVEST, DIRECTEUR sa réussite. Quant aux enseignants,
secondaire Sieur-de-Coulonge, de leur présence à tour de rôle aux
la Commission scolaire des Hauts- comme leurs besoins. La tâche tié la mise en place de mesures lui périodes de récupération témoigne
Bois-de-l’Outaouais, où quelque demeure exigeante et l’on doit permettant d’assumer cette respon- de leur engagement à la réussite des
465 élèves et 33 enseignantes et rester vigilants, mais c’est particu- sabilité. élèves. De l’avis de toute l’équipe-
enseignants semblent bien avoir

DOSSIER
lièrement cette conscience de la DES MESURES DAVANTAGE école, ce système assez élaboré et
quelques longueurs d’avance dans réussite au quotidien chez les ensei- exigeant de récupération scolaire
la mise en œuvre de leur plan de CENTRÉES SUR L’ENCADREMENT
gnants qui fait la force de l’école. est assurément l’une des clés de la
réussite. Comme nous l’explique le DE L’ÉLÈVE QUE SUR LES
Se défendant bien d’avoir une école bonne performance des élèves de
directeur, M. Jacques Rivest, les modèle, Jacques Rivest nous dira APPROCHES PÉDAGOGIQUES l’école.
piètres résultats obtenus dans son simplement que c’est en cherchant À l’école secondaire Sieur-de- L’école a également établi un réel
école au début des années 90, et des pistes pour améliorer la réus- Coulonge, les mesures implantées climat d’étude lors de la ses-
cela malgré les efforts des interve- site de ses élèves qu’il a trouvé son il y a dix ans sont toujours en place. sion d’examens du MEQ, en juin.
nants, ont sonné l’alarme et suscité premier déclencheur, lors d’un ate- Il va de soi, nous dit Yvon Patry, M. Rivest explique que les ensei-
une réflexion qui a mené l’équipe à lier de formation sur la supervision conseiller pédagogique, qu’elles gnants étaient les premiers à dire :
se questionner et à chercher des pédagogique et le projet éducatif sont évaluées à la fin de chaque « Nous avons passé l’année entière
pistes qui permettraient d’améliorer offert par la firme DISCAS. Le déclen- année et ajustées au fil de l’expé- à les rendre responsables de leur
la réussite scolaire de l’ensemble cheur s’appelait Jacques Henry, rience des enseignants et ensei- réussite, nous avons investi toutes
des élèves. lequel par la suite s’engagea dans la gnantes de l’école. La mesure la plus nos énergies à les aider dans leurs
Aujourd’hui, les résultats aux exa- formation de toute l’équipe-école. importante est certes la période apprentissages, et dans les deux
mens du Ministère ainsi que le Cette équipe, déjà en démarche de de récupération : une période dernières semaines parmi les plus
cheminement scolaire des élèves réflexion, a d’abord revu son mode obligatoire, chaque jour, avant le importantes, l’école devient un
de l’école secondaire Sieur-de- d’évaluation dans le but d’obtenir dîner, à tous les niveaux et pour lieu de pique-nique plutôt qu’un
Coulonge pourraient faire l’envie de un meilleur équilibre entre l’évalua- tous les élèves assignés par leurs lieu d’apprentissage. » L’école a
nombreuses écoles secondaires. tion formative et l’évaluation som- enseignants. Comme l’explique donc mis en place une organisation
Cette école, auparavant classée mative. De cet exercice, M. Rivest M. Rivest, durant cette période, on qui souligne le caractère sérieux de
parmi les dernières de la province, nous le soulignera, a émergé tout offre un encadrement aux élèves la session d’examens. D’une part,
se retrouve maintenant dans le un projet d’école, commun à tous lorsqu’ils font leurs devoirs ou on tente de faire venir les élèves
peloton de tête des écoles pu- les enseignants. On brisait l’isole- qu’ils ont besoin de consolider un moins souvent, mais pour des
bliques. Toutefois, M. Rivest s’em- ment et on éliminait une démarche apprentissage ou de rattraper un durées plus longues. Par exemple,
presse de nous dire que, même si d’évaluation qui mettait plus de retard dans les matières de base, l’élève de première secondaire qui
bien des choses ont été accomplies, frein que d’élan. On venait de créer soit le français, les mathématiques a un examen le matin, en aura
il reste encore beaucoup à faire. une équipe d’enseignants autour et les sciences. Quant aux élèves également un l’après-midi. Tout en
Il ne faut surtout pas se contenter d’un projet. Dans cet engouement plus forts, cette période leur permet tenant compte des dates d’examens
de ces résultats et il faut être cons- de renouveau, l’équipe, consciente de préparer un examen ou d’ef- du ministère, les enseignants et
tamment aux aguets, car les élèves de l’importance de responsabiliser fectuer une recherche. M. Rivest ne enseignantes utilisent toutes les
changent d’une année à l’autre, tout l’élève à l’égard de sa réussite, a ini- cache pas que cette activité ne fait périodes entre les examens pour
pas la joie de tous les élèves, mais faire la révision de la matière de

PÉDAGOGIQUE
45
l’année ou encore pour mieux pré- projet collectif repose en bonne tout à fait dans une démarche déjà destinée aux décrocheurs potentiels
parer les examens à venir. Des partie sur la stabilité de son équipe. en place et en mouvement. Ces orien- offre aux élèves un plan d’orienta-
cours d’été sont aussi offerts, à tous Lui-même est d’ailleurs entré dans tations se sont simplement juxta- tion personnalisé respectant leurs
les niveaux, en français et en mathé- cette école en 1971 à titre d’en- posées à la philosophie existante du capacités. Cette mesure permet de
matiques. seignant et y est directeur depuis projet éducatif de l’école et les maintenir les élèves plus à risques à
De plus, un encadrement parti- 1986. Trois enseignantes et un moyens qu’elle emploie pour amé- l’intérieur d’une organisation mo-
culier est offert aux élèves de enseignant, soit Linda Paquette, liorer la réussite de ses élèves, et dulaire et d’un encadrement parti-
première secondaire, où pour Linda Gauthier, Claire Carle et Denis inversement. Le plan du MEQ lui a culier, où se retrouvent deux groupes
faciliter le passage du primaire au Rossignol, soulignent que les permis d’intégrer le tout dans un d’élèves âgés de 15 à 18 ans qui ont
secondaire, on fait en sorte que les mesures mises en place il y a déjà document plus structuré, contenant deux ans de retard. À ce jour, les
élèves aient moins d’enseignants à dix ans ont apporté essentiellement des données plus précises. Les 35 élèves qui y cheminent annuel-
rencontrer. En effet, les trois ensei- une meilleure communication, plus mesures mises en place durant les lement ont obtenu des résultats
gnants qui se partagent cette tâche de concertation ainsi qu’un plus années 90 et ajustées régulièrement positifs. Ces élèves réussissent géné-
mentionnent que, pour l’élève, il y grand respect entre les enseignants. ont été maintenues. M. Rivest sou- ralement leur troisième secondaire,
a ainsi un meilleur lien entre les Toutefois, le plus gros changement, ligne toutefois que l’apport positif certains obtiennent un DES et
matières. Pour Linda Gauthier, selon une des enseignantes, est de la mise en œuvre du plan de d’autres sont admissibles aux pro-
enseignante d’anglais et de géogra- le fait que toutes les personnes réussite du Ministère a certaine- grammes de la formation profes-
phie, ceci lui permet de rencontrer qui enseignent à un même élève se ment été de permettre d’obtenir sionnelle. Ce que l’on veut, c’est de
ses élèves huit jours sur neuf et par parlent davantage, et cela est le fruit avec plus de précision et de facilité les amener le plus loin possible et
conséquent de les connaître mieux. de la planification de la récupéra- le portrait du cheminement des les qualifier pour qu’ils entrent sur
« Cela devient plus facile pour tion à chaque niveau, qui a exigé élèves. Le directeur reconnaît égale- le marché du travail avec des outils
moi d’avoir un suivi dans les que les enseignants se rassemblent ment que le plan les a amenés à en poche.
deux matières que j’enseigne et planifient la récupération néces- réfléchir de nouveau et à faire l’exa- La préoccupation de la réussite de
et de faire l’intégration de ces saire pour chacun des élèves. Les men de la situation. Dans les faits, ces 20 p. 100 d’élèves amène l’école
matières », ajoutera-t-elle. Un autre enseignants font aussi valoir les les données du MEQ ont suscité à réexaminer la formule de type
avantage, nous mentionnera Linda avantages d’une petite école, où toute un questionnement au sujet des insertion sociale et professionnelle
DOSSIER

Paquette, enseignante de français et l’équipe connaît presque chaque 20 p. 100 d’élèves qui ne réus- des jeunes (ISPJ) pour certains
de FPS, « c’est que l’on peut mieux élève et la plupart des parents. sissent pas. D ’ailleurs, c’est parti- d’entre eux. La valorisation du sec-
cibler les problèmes et intervenir Tout comme les enseignants, les culièrement à partir de ces données teur de la formation professionnelle
plus rapidement ». parents du conseil d’établissement que la direction de l’école et son et des métiers semi-spécialisés,
Enfin, M. Rivest trouve important de participent au projet de réussite équipe se sont donné le mandat de porte d’entrée sur la réussite édu-
mentionner quelques autres mesures, de leur école. C’est d’ailleurs à la mieux exploiter les plans d’inter- cative pour plusieurs des élèves,
dont un meilleur contrôle des demande du conseil que l’école vention pour les élèves en difficulté. doit être intégrée au projet d’école
absences, des activités cultu- publie et distribue à tous les élèves Selon Yvon Patry, le travail est déjà orientante.
relles et sportives, le midi et et aux parents une brochure qui amorcé et, à bien des égards, on est Selon M. Rivest, la troisième secon-
après les cours, et le projet des décrit les services offerts et les allé plus loin dans la démarche daire constitue une étape cruciale.
entraidants, où douze élèves choi- activités, mettant particulièrement cette année que lors des années C’est l’année baromètre, et pour les
sis par leurs pairs deviennent des l’accent sur la formation et le milieu antérieures. On est plus structuré et 20 p. 100 d’élèves plus vulnérables,
personnes significatives à qui les de vie attrayant. Cette brochure on fixe des rencontres pour défnir on peut dire que c’est là que ça
jeunes peuvent se référer. donne autant aux élèves qu’à leurs le soutien que l’on peut apporter à passe ou ça casse. Il est important
parents le goût et l’assurance de la ces élèves et surtout pour voir de trouver un aménagement parti-
UN PROJET DE RÉUSSITE
réussite scolaire. Il faut croire que jusqu’où on peut amener chacun culier qui permettrait de tenir
PARTAGÉ PAR TOUTE
l’école jouit d’une bonne réputa- d’entre eux. Selon M. Rivest, c’est compte de cette réalité de l’école
UNE ÉQUIPE
tion, puisque 30 p. 100 de l’effectif particulièrement dans ce nouveau secondaire. En troisième année,
M. Rivest s’empresse de dire que le scolaire, éligible à l’enseignement contexte de réflexion que le projet il faut que les mailles du filet soient
leadership pédagogique de son en anglais, préfère l’école fran- de l’école orientante a été tout à plus serrées, car pour plusieurs
école est une entreprise bicéphale, cophone Sieur-de-Coulonge. Selon fait intégré au plan de réussite de d’entre eux, c’est un moment où ils
qu’il orchestre avec Yvon Patry, M. Rivest, il est évident que cette l’école, tout en représentant une peuvent décrocher. Il faut abso-
son conseiller pédagogique. Pour situation illustre l’intérêt des pa- porte d’entrée sur la réforme. lument garder ces élèves qui ne
Jacques Rivest, chacun a des forces rents pour une scolarisation en trouvent plus de sens et d’intérêt à
et il faut les maximiser. Il insiste PERSPECTIVES D’AVENIR :
français, mais on croit que le climat demeurer à l’école. M. Rivest croit
particulièrement sur sa super TROUVER DES SOLUTIONS POUR
scolaire et parascolaire, la vie étu- qu’il y aurait un avantage, tant pour
équipe d’enseignantes et d’ensei- AIDER LES 20 P. 100 D’ÉLÈVES
diante et l’engagement des ensei- l’élève que pour la société, à émettre
gnants, dont le travail incroyable et gnants y sont pour quelque chose. QUI NE RÉUSSISSENT à la fin de la troisième secondaire
l’engagement dans les mesures du TOUJOURS PAS un certificat attestant les capacités
plan de réussite en font le succès. L’APPORT DU PLAN DE L’école Sieur-de-Coulonge a depuis de base de chacun des élèves, tout
Il y a dans l’école un grand sen- RÉUSSITE DU MINISTÈRE plusieurs années mis en place des en permettant la poursuite des
timent d’appartenance à l’équipe. L’avènement du plan de réussite du mesures adaptées à ces élèves, mais études pour l’obtention d’un DES
M. Rivest croit que la réussite du Ministère en 2000-2001 s’inscrivait il faut faire plus. L’une des mesures ou d’un DEP.

VIE
46 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

UN PLAN DE RÉUSSITE « c’est que l’école se donne le entrer de plein pied dans la réforme. soit au cœur de ses apprentissages
INTÉGRÉ AU PROJET ÉDUCATIF mandat d’assurer à chaque élève En continuité avec les valeurs du et se sente de plus en plus respon-
Pour Jacques Rivest, l’objectif du une voie qui lui ouvrira une porte projet éducatif et conformément sable de ceux-ci.
plan de réussite, qui est en même sur le marché du travail ». M. Rivest aux principes qui sous-tendent la Mme Adèle Gourd est consul-
temps le projet éducatif de l’école, ajoute que tous les moyens seront réforme, l’équipe-école devra con- tante en éducation.
pris pour que l’école soit prête à tinuer à travailler pour que l’élève

LE PLAN DE RÉUSSITE POUR UNE ÉCOLE EN ACTION!


par Esther Lemieux et Denis Dion

D
epuis maintenant deux ans, nombre d’élèves d’entreprendre et il devrait fixer clairement les résul- pour créer des conditions favo-

D
les écoles du Québec éla- de réussir leur parcours scolaire. tats d’amélioration recherchés pour rables à la réussite éducative : les
borent des plans de réus- Le plan de réussite demeurera per- favoriser la réussite des élèves, par élèves eux-mêmes, les parents, les
site et se donnent un outil supplé- tinent et au diapason des besoins exemple sur un horizon de trois groupes communautaires, le milieu
mentaire pour réaliser une mission de l’école grâce à une évaluation ans. Ces objectifs sont accompagnés des affaires, les municipalités, etc.
que l’on pourrait résumer ainsi : continue, toujours en rapport avec d’un ensemble de mesures et de L’expertise du personnel travaillant
créer les conditions favorables à la l’évolution du projet éducatif de moyens susceptibles de lever les auprès des jeunes et, dans certains
réussite de chacun des élèves, selon l’école. Le plan de réussite sera donc obstacles et de créer les conditions cas, de chercheurs spécialisés en
leur potentiel. Dans la foulée des mis à jour annuellement en fonc- favorables à la réussite éducative éducation, constitue sûrement un
travaux que mènent en ce moment tion du cheminement de l’école, de tous les élèves. Dans un esprit atout dans la réussite de l’entre-
le ministère de l’Éducation et ses lequel sera notamment évalué grâce d’évaluation continue, le plan de prise.
partenaires du réseau, le plan de à des indicateurs qualitatifs et quan- réussite devrait aussi contenir des La cohérence des plans et la cohé-
réussite est appelé à devenir un titatifs déterminés par l’école et liés mesures d’évaluation de l’atteinte sion des actions sont certainement
instrument d’intervention qui pré- à la mission de l’établissement. De de ses objectifs. d’autres gages de succès : cohé-
cise des objectifs clairs et intègre cette façon, l’école pourrait tra- Par ailleurs, nous l’avons vu, les rence avec le projet éducatif de

DOSSIER
différentes mesures visant la réus- vailler dans les champs d’interven- plans de réussite s’inscrivent dans l’école et le plan stratégique de la
site éducative des jeunes. tion prioritaires et mettre en place une démarche d’ensemble. À cet commission scolaire et cohésion
UN VOLET IMPORTANT DANS les améliorations souhaitées. égard, leur contenu sera arrimé au des interventions à tous les niveaux.
plan stratégique de la commission Des mesures de soutien appro-
UNE DÉMARCHE GLOBALE ÉLABORER ET METTRE EN
scolaire, puisque ce dernier doit priées pourront aussi faciliter l’éla-
La démarche d’une école est glo- ŒUVRE UN PLAN DE RÉUSSITE
tenir compte des attentes du milieu boration et la réalisation des plans
bale, en ce que les différents aspects La mobilisation de l’équipe-école et et des besoins des élèves. de réussite. La commission scolaire
de son activité concourent à l’at- l’engagement de tous ses parte- Pour sa part, le ministère de l’Édu- a un rôle de première ligne à jouer
teinte d’un objectif principal : le naires sont des « ingrédients de cation fera une mise à jour annuelle à cet égard. Et le ministère de l’Édu-
succès des élèves. base » importants dans l’élabora- des indicateurs nationaux, en plus cation offrira du soutien aux com-
Il est donc évident que le plan de tion et la mise en œuvre du plan de de participer à l’encadrement de missions scolaires pour la mise en
réussite de l’école sera en cohé- réussite. la démarche globale de mise en œuvre de leur plan stratégique et
rence avec son projet éducatif, La direction de l’école exerce un œuvre des plans de réussite, dans des plans de réussite de leurs éta-
lequel incarne sa mission et reflète rôle de premier plan dans l’élabo- le respect des grandes politiques blissements.
sa situation particulière. Dans l’éla- ration, la réalisation et l’évaluation nationales en éducation. Ainsi, du plus haut niveau d’enca-
boration et la mise à jour du projet du plan. Elle devrait coordonner
POUR LA RÉUSSITE… drement jusque dans la classe, le
éducatif, l’équipe-école analyse l’analyse de la situation et établir soutien à la réussite éducative pren-
« l’état des lieux » en ce qui con- des liens entre le plan de réussite et DU PLAN DE RÉUSSITE
dra la forme de projets éducatifs
cerne, par exemple, la réussite des la révision périodique du projet Y a-t-il des conditions de succès
ambitieux et de plans de réussite
élèves et leur situation familiale, éducatif. Cette démarche sollicite d’un plan de réussite? La mobilisa-
efficaces. Tout cela pour donner à
ainsi que les caractéristiques de évidemment la participation du per- tion en est certainement une. La
l’élève les moyens de réussir.
l’école elle-même et celles de la com- sonnel de l’école, notamment les participation active du personnel de Mme Esther Lemieux est coordon-
munauté qui l’entoure. On dégage enseignantes et les enseignants et le l’école et des membres de la com- natrice des plans de réussite et
alors les forces des pratiques locales personnel professionnel, ainsi que munauté environnante permettra en M. Denis Dion est conseiller en
et les pistes d’amélioration. des parents. Par ailleurs, puisqu’elle effet de maximiser l’efficacité des communication au secteur de
Cette analyse de situation est tra- gère au quotidien les activités de moyens déployés. Et placé au centre l’éducation préscolaire et de
duite dans des intentions générales l’école, la direction devrait coor- de toute cette effervescence autour l’enseignement primaire et
visant à orienter l’action à entre- donner l’élaboration, la réalisation de sa réussite, l’élève n’en sera que secondaire du ministère de
prendre. Ces orientations sont par et la mise à jour annuelle du plan plus stimulé. l’Éducation.
ailleurs concrétisées dans un plan de réussite. Dans cet esprit, le plan de réussite
de réussite comprenant des objec- Que devrait contenir un plan de fera appel à la contribution de tous
tifs et intégrant les mesures rete- réussite? Puisqu’il doit être en les partenaires potentiels de la
nues pour permettre au plus grand cohérence avec le projet éducatif, commission scolaire et de l’école FIN
PÉDAGOGIQUE
47
recherche en éducation
LA RECHERCHE COLLABORATIVE EN MILIEU SCOLAIRE : LES CONDITIONS DU SUCCÈS!
par Pierre Lapointe et Pierre Pagé

recherche
L
a recherche trouve difficile- sionnel, alors que la culture scien- d’expériences et d’idées entre prati- collaboration entre les chercheurs
ment sa place dans les écoles. tifique s’active essentiellement à ciens du monde scolaire et cher- et les enseignants.
D’une part, les résultats des produire de nouvelles connais- cheurs universitaires. Ces efforts Un résumé de quatre communica-
études en éducation semblent avoir sances. La collaboration implique institutionnels visent ainsi, d’une tions offertes durant cette journée
souvent peu d’incidence sur les nécessairement qu’un terrain com- part, à combler le fossé entre la vous est présenté ci-après. Enfin,
pratiques d’enseignement. D’autre mun soit négocié afin de répondre à théorie (savoir savant) et la pratique les principales conclusions des
part, aux yeux de plusieurs ensei- ces attentes respectives. (savoir d’action) afin de créer de participants à la réunion plénière
gnants, les chercheurs universi- Plusieurs organismes nationaux nouvelles connaissances et, d’autre de ce colloque sont discutées afin
taires apparaissent déconnectés de d’aide à la recherche ont conçu part, à favoriser le développement de définir les conditions de réussite
la réalité scolaire. Alors que notre des programmes de subventions professionnel des enseignants. de la recherche collaborative en
société se préoccupe grandement à l’intention des chercheurs et En mai 2001, au Congrès de l’Asso- milieu scolaire.

en
de la réussite scolaire, il y a lieu des praticiens intéressés à faire des ciation canadienne-française pour M. Pierre Lapointe est profes-
d’examiner comment les cultures recherches en milieu scolaire sur l’avancement des sciences (ACFAS), seur au Département d’études
de la recherche et de la pratique des problématiques jugées priori- un colloque d’une journée a été en éducation et d’administra-
pourraient mieux s’arrimer en vue taires par la société civile. Ces condi- organisé pour faire état des déve- tion en éducation de l’Univer-
de former les citoyens de demain. tions structurantes visent notamment loppements récents en recherche sité de Montréal et M. Pierre
La question du développement de la à soutenir davantage les chercheurs collaborative au Québec. À cette Pagé est professeur-chercheur
recherche collaborative en milieu participant à des travaux portant occasion, des chercheurs ont pré- au Département d’études sur
scolaire a fait l’objet de plusieurs sur le développement et l’évaluation senté les résultats de travaux menés l’enseignement et l’apprentis-
débats durant la dernière décennie. des programmes d’intervention en dans le domaine de l’intervention sage de l’Université Laval.
Comme le souligne Desgagné (2001), milieu scolaire. Grâce à cette aide, éducative auprès des jeunes de

éducation
elle implique un échange de ser- ils peuvent expérimenter de nou- l’éducation préscolaire et du pri-
Référence
vices entre des participants venant veaux moyens pour assurer un maire. La discussion entre les par- DESGAGNÉ, S. et autres. « L’approche colla-
de cultures différentes et qui n’ont transfert efficace des connaissances ticipants a ciblé notamment le rôle borative de recherche en éducation : un nou-
pas à répondre aux mêmes finalités. auprès des intervenants directs. De de la recherche dans l’innovation veau rapport à établir entre recherche et
formation. » Revue des sciences de l’édu-
La culture scolaire se préoccupe même, ces initiatives permettent pédagogique et les conditions de cation, vol. 27, no 1, 2001.
surtout du développement profes- d’établir des réseaux d’échanges

LES COLLABORATIONS DE RECHERCHE EN ÉDUCATION :


NÉCESSITÉ POUR LA RECHERCHE ET POUR L’ÉDUCATION
par Manon Théorêt

O
n caricature parfois la rela- comme dans toute caricature, cer- Le terme collaboration implique car il s’agit selon nous de manières
tion entre la recherche uni- tains de ces traits tracent des con- une participation, à divers degrés, de faire la recherche plutôt que
versitaire et son utilisation tours reconnaissables du paysage certes, à la démarche de recherche, d’un type propre de recherche,
par les praticiens de l’éducation de la recherche et de la pratique en participation radicalement diffé- manières qui doivent autant à la
dans un rapport « trop–pas assez ». éducation et mettent en lumière les rente du consentement à devenir culture du domaine, à l’épistémolo-
De part et d’autre, on relève ainsi besoins réels des deux partenaires. objet de recherche ou à permettre gie des sciences de l’éducation qu’à
les torts de chaque camp en ces Avant d’aborder le terrain de la col- l’accès à des sujets de recherche. la méthodologie scientifique. Nous
termes : la recherche universitaire laboration, encore faut-il d’abord Ainsi, la recherche dite collabora- soutenons du même souffle que plu-
est trop abstraite, elle dure trop reconnaître que la recherche tout tive se présente comme une alterna- sieurs types de recherche peuvent
longtemps, elle arrive trop tard; le comme la pratique enseignante sont tive à une recherche plus tradition- être menés de manière collabora-
cadre de référence des praticiens multiformes, que l’on peut effectuer nelle, quoiqu’elle prenne aussi des tive. L’approche collaborative n’ap-
n’est pas assez développé, leurs une recherche en présence de pra- allures fort différentes selon les partient donc à aucun modèle parti-
choix et leurs décisions ne sont pas ticiens sans collaborer ou collabo- contextes. Pour cette raison, on culier de recherche.
assez appuyés et leur application rer avec eux sans qu’une démarche préférera le terme d’approche col- Trois expériences de recherche
des résultats des recherches n’est de recherche en soit l’enjeu, comme laborative de recherche à celui de récente alimentent notre réflexion
pas assez rigoureuse. Cependant, dans une formation, par exemple. modèle de recherche collaborative, sur les approches collaboratives.

VIE
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Vie pédagogique 125, novembre-décembre
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La première expérience a permis L’incitation provient ici d’une con- leur part. Le statut des praticiens Il demeure que le grand intérêt
d’effectuer une recherche évaluative certation ministérielle, par l’inter- dans ces collaborations de recherche des approches collaboratives de
sur les effets d’une intervention médiaire d’organismes subvention- semble aussi influencé par le type recherche en éducation se justifie
de mentorat qui visait à prévenir naires mais non du milieu scolaire, de recherche menée. La collabora- sans doute sur le plan de la validité
l’abandon scolaire (Théorêt, Garon bien que ce dernier partage la pré- tion n’implique pas que les ensei- et de l’utilité. Dans des questions de
et Hrimech, 2000). La recherche occupation. Cette recherche des- gnants deviennent des agents de recherche axées plus directement
évaluative en collaboration est une criptive nécessite un grand nombre recherche. Mais, dans la mesure où sur les problèmes signifiants, en
approche de recherche qui vise à de rencontres avec les directions le type de recherche, lui-même matière d’amélioration des cons-
augmenter l’utilisation des résultats d’école, les conseillers pédagogiques, déterminé par la question posée, truits à l’étude par la participation
de l’évaluation par les clients les enseignants de même que la exige des compétences méthodolo- des praticiens, d’amélioration de
(Brandon, 1998). Ici, l’évaluation rencontre d’un grand nombre giques complexes, la collaboration résultats parlants, de réduction des
des effets du mentorat, précédée d’élèves. Les acteurs sont les écoles, ne permet aux enseignants d’inter- délais de transfert des connais-
par une évaluation des besoins et une commission scolaire et les venir qu’à la mesure de leur exper- sances vers la pratique de même
par une évaluation de la mise en chercheurs universitaires. Le point tise méthodologique, tout comme qu’en matière de la réduction des
œuvre de ce type de mentorat, a été de vue des acteurs est réinvesti dans ce devrait être le cas pour les cher- tensions entre les deux grands
menée à l’instigation du groupe la production d’outils utiles aux cheurs qui interviendraient dans la partenaires, les approches collabo-
communautaire qui a entrepris l’in- praticiens. pratique. Plutôt que de prétendre ratives nous semblent une néces-
tervention. Elle mettait en relation La troisième expérience est une que plus la part de compétences sité, tant pour la recherche que
trois principaux acteurs : le groupe recherche-action collaborative qui méthodologiques est grande, moins pour l’éducation. Mais plus encore,
communautaire et ses mentors porte sur l’appropriation par des la collaboration est possible, nous ces approches contribuent à cons-
bénévoles, les écoles et leurs élèves, enseignants de la compétence « lire tendons à penser que peu importe truire des rapports plus fructueux
les chercheurs universitaires. Tous pour apprendre » (Théorêt et la complexité des compétences entre la recherche et la pratique,
partagent le même but en matière Cartier, 2001; Cartier et Théorêt, méthodologiques nécessaires pour rapports dont devraient bénéficier
de prévention de l’abandon sco- 2001). Ici, on parle d’une démarche répondre à la question de recherche, les principaux intéressés, c’est-à-
laire. La définition des objectifs de de recherche qui permet aux ensei- la définition des tâches dévolues dire les élèves.
recherche, l’élaboration du devis gnants d’améliorer le processus aux acteurs dans un tel cadre exige Mme Manon Théorêt est profes-
quasi expérimental, le choix des enseignement-apprentissage tout en toujours une concertation. Les trois seure à la Faculté des sciences
mesures convenant à ce type d’in- contribuant au développement de démarches illustrées prennent en de l’éducation de l’Université
tervention, présentés par les cher- leur profession (Sagor, 1992). La compte le point de vue des prati- de Montréal.
cheurs, sont discutés et négociés demande provient des directions ciens et mènent à l’adaptation des
entre les acteurs, jusqu’à l’obten- d’école et met en scène des groupes enjeux de la recherche, mais à des
tion d’un consensus. La répartition d’enseignants et des membres de la fins différentes selon la question de Références
des différents mandats de recherche, direction ainsi que des chercheurs recherche posée, qui oriente soit BRANDON, P.R. « Stakeholder Participation
for the Purpose of Helping Ensure Evaluation
de formation des mentors et de leur universitaires. Elle s’articule autour vers l’explication, par la preuve Validity : Bridging the Gap Between
jumelage avec les élèves à risque, des rencontres de travail assidues d’efficacité d’une solution, soit vers Collaborative and Non-Collaborative
les rencontres régulières entre les où les enseignants interagissent la description, soit vers un change- Evaluations », American Journal of
Evaluation, no 19, 1998, p. 325-337.
acteurs, l’interdépendance des ob- avec les chercheurs afin d’amélio- ment des pratiques. Sans minimiser
CARTIER, S. et M. THÉORÊT. Lire pour
jectifs de production de connais- rer leur pratique professionnelle en l’importance de la collaboration, apprendre : une compétence à maîtriser
sances pour l’université, de résolu- ce qui a trait à la compétence ciblée on voit bien ici que le type de au secondaire. Rapport de recherche pré-
senté au ministère de l’Éducation : Soutien à
tion d’un problème pour les écoles, et d’en faire profiter leurs élèves. recherche a autant d’importance que l’école montréalaise, 2001.
de légitimation pour le groupe Un certain nombre de constatations la manière de mener cette recherche. SAGOR, R. How to Conduct Collaborative
communautaire et le partage des émergent de la synthèse de ces trois Cependant, imprégnée de l’idée Action Research. Association for Supervision
and Curriculum Development, 1992.
bénéfices d’une telle recherche cas. On relève d’abord que les deux de collaboration, l’intention de
THÉORÊT, M. et S. CARTIER. Lire pour ap-
rendent l’entreprise collaborative. premières expériences sont centrées recherche se trouve modifiée dès le prendre : processus de changement chez
La deuxième expérience est une sur le développement des élèves, début du processus. Que la recherche les enseignants et enseignantes. Rapport
de recherche présenté au ministère de l’Édu-
recherche descriptive collaborative alors que la dernière porte autant collaborative mène plus facilement
cation : Soutien à l’école montréalaise, 2001.
sur les conditions scolaires favo- sur ce dernier que sur le dévelop- au développement professionnel THÉORÊT, M., R. GARON et M. HRIMECH.
rables au développement des com- pement professionnel des ensei- des enseignants, améliore leur pra- « Évaluation d’une intervention de mentorat
visant à réduire le risque d’abandon sco-
pétences en lecture chez les élèves gnants. À l’exception de la première tique et favorise les retombées posi-
laire », Revue canadienne de psycho-
du secondaire (Van Grunderbeeck, recherche incitée par les bénéfi- tives sur l’apprentissage des élèves, éducation, no 9, 2000, p. 65-86.
Théorêt, Cartier et Chouinard, 1999). ciaires, les deux autres demandes sont des conséquences très favo- VAN GRUNDERBEECK, N. et autres. Étude
longitudinale et transversale des condi-
Ce type de recherche vise à décrire sont extérieures aux principaux rables qui impriment peut-être tions favorables à la lecture au secondaire,
en intégrant le point de vue des acteurs. Finalement, on comprend des orientations nécessaires pour Projet de recherche, Document interne,
acteurs en cause, les relations qui que les bénéfices pour les ensei- l’éducation, mais ne rendent pas Faculté des sciences de l’éducation, Univer-
sité de Montréal, 1999.
existent entre les dimensions d’un gnants sont plus évidents dans les caduques les autres approches de
phénomène de la manière la plus deux derniers cas, avec cependant recherche.
complète possible (Legendre, 1995). un investissement plus grand de

PÉDAGOGIQUE
49
DÉFINITION DES PROFILS D’ADAPTATION SCOLAIRE DES ENFANTS
DE LA MATERNELLE ET PLANIFICATION DES SERVICES ÉDUCATIFS
par Pierre Lapointe et Richard E. Tremblay

Ainsi, les résultats de tous les élèves

L
a majorité des intervenants de la maternelle. À la dimension fonction de certaines caractéris-
en éducation reconnaissent Dispositions personnelles, les tiques personnelles ou sociales des de l’école aux dix facteurs de l’éva-
que la qualité des appren- facteurs Santé et bien-être per- élèves. Par exemple, on constate luation sont comparés aux résultats
tissages de l’élève, dès son entrée à mettent d’évaluer l’intégrité du déve- généralement que le profil d’adap- moyens de tous les élèves des écoles
l’école, constitue un facteur déter- loppement physique de l’enfant et tation scolaire des filles se distingue participantes. L’évaluation systéma-
minant dans la prédiction de son son degré de disponibilité dans la nettement de celui des garçons. En tique des élèves des 56 écoles sélec-
succès scolaire. Malheureusement, réalisation des activités de classe. effet, les enseignants jugent que les tionnées, répartis dans 148 groupes-
il n’existe pas d’instrument dont l’uti- La dimension Habiletés scolaires filles sont en meilleure santé phy- classes, fournit des critères de
lisation simple et générale pourrait recoupe quatre domaines de com- sique que les garçons, elles montrent référence communs selon lesquels
mesurer les habiletés des enfants de pétences ou de connaissances de un plus haut niveau d’habiletés sco- il est possible de comparer les
l’éducation préscolaire. L’utilisation l’enfant liés aux apprentissages sco- laires selon la mesure des facteurs caractéristiques des différents effec-
systématique d’un tel outil d’évalua- laires. Le facteur Communication Communication, Français et Ta- tifs du réseau scolaire de l’île de
tion faciliterait la détermination des précise le degré de maîtrise de la lents et elles sont jugées plus com- Montréal. Ainsi, par rapport aux
caractéristiques des clientèles visées langue parlée à l’école. Le facteur pétentes que les garçons selon élèves des autres écoles du réseau,
et donnerait aux milieux scolaires Français ou Anglais mesure, selon l’évaluation des facteurs Coopéra- on peut évaluer si les élèves d’une
la possibilité de mieux adapter la langue d’enseignement de l’éta- tif, Sociable et Turbulent. L’analyse école particulière sont plus ou moins
leurs services éducatifs aux besoins blissement, le degré de maîtrise des comparative des élèves « jeunes » bien préparés à entreprendre leur
de ces élèves. préalables à la lecture et à l’écri- (de 5 ans à 5,5 ans) et des élèves programme d’études du primaire.
En collaboration avec les écoles ture. Le facteur Mathématiques « âgés » (de 5,5 ans à 6 ans) montre Un rapport de recherche a été
intéressées, le Conseil scolaire de précise le degré d’habileté dans ce que les élèves plus vieux présentent remis aux directions et au per-
l’île de Montréal s’est associé au domaine de connaissances; le fac- un meilleur profil d’adaptation sco- sonnel enseignant de chaque école
Groupe de recherche sur l’inadap- teur Talents permet de vérifier si laire que les élèves plus jeunes. En participante pour présenter les
tation psychosociale chez l’enfant l’enfant montre des habiletés parti- effet, les élèves « âgés » ont des portraits-écoles et les faits saillants
de l’Université de Montréal (GRIP) culières dans des activités com- scores moyens qui sont nettement de l’expérimentation. De plus, une
pour réaliser un tel projet. Cette plémentaires, telles que le sport, plus élevés que ceux des élèves réunion d’information a été orga-
recherche avait pour objet : 1) d’ex- la musique et le dessin. Enfin, la « jeunes » à toutes les mesures nisée avec le Conseil scolaire de
périmenter un instrument pouvant dimension Compétences sociales de l’évaluation, sauf au facteur l’île de Montréal pour discuter de
évaluer les habiletés et les compé- recouvre aussi quatre facteurs liés à Turbulent. Ces résultats montrent ces résultats avec les enseignantes
tences des enfants de l’éducation la mesure de la qualité de l’intégra- que les enseignants constatent des et les enseignants de même qu’avec
préscolaire; 2) de déterminer les tion sociale de l’enfant dans son différences notables dans la qualité les responsables des services édu-
caractéristiques des effectifs des milieu scolaire. Ainsi, le facteur de l’adaptation scolaire des enfants catifs des commissions scolaires de
écoles des milieux défavorisés de Coopératif permet de juger du selon leur âge chronologique. Par la région. Au cours de cette ren-
l’île de Montréal; 3) d’expérimenter degré d’adaptation générale de l’en- ailleurs, l’analyse des données contre, ces intervenants ont été invi-
avec les écoles touchées l’utilisation fant aux règles et aux routines de la indique aussi que le degré d’habi- tés à poursuivre leur collaboration
de cet instrument de mesure dans classe. Le facteur Sociable précise letés et de connaissances des enfants avec les chercheurs pour examiner
une démarche d’organisation et si l’enfant montre des comporte- de l’éducation préscolaire varie en comment les données du portrait-
d’évaluation des services éducatifs. ments de soutien et d’aide à l’égard fonction de leur langue maternelle école peuvent être exploitées dans
Cette recherche collaborative est des élèves de la classe dans des situa- et du degré de défavorisation de une démarche d’organisation et
menée auprès de 1 482 enfants de tions de vie quotidienne. Le facteur l’école. D’une part, les élèves allo- d’évaluation des services éducatifs.
maternelle cinq ans dans 56 écoles Turbulent sert à mesurer la capa- phones apparaissent plus en diffi- En effet, il est important de juger
de l’île de Montréal. L’instrument de cité d’attention, le degré d’agitation culté que les élèves francophones; dans quelle mesure la disponibilité
mesure vise à évaluer les princi- motrice et la fréquence de manifes- d’autre part, les élèves des milieux de ces informations peut contribuer
pales sphères du développement tation de comportements d’agres- défavorisés obtiennent en général à réduire la complexité du dépis-
personnel de l’enfant pour juger de sion physique chez l’enfant. Enfin, des résultats plus faibles que leurs tage des élèves à risque, de la déter-
la qualité de sa préparation géné- le facteur Anxieux permet à l’en- pairs des milieux moins défavorisés, mination des priorités éducatives
rale à entreprendre le programme seignant de préciser si l’enfant et ce, aux trois dimensions de du milieu et de l’amélioration de la
d’études du primaire. Les résultats manifeste des émotions négatives l’évaluation. qualité de la réussite scolaire.
de cette évaluation effectuée par les ou adopte des comportements de L’évaluation des enfants de la mater- En conclusion, il a été possible de
enseignantes et les enseignants per- retrait social. nelle vise principalement à établir mettre au point un instrument d’éva-
mettent de distinguer trois dimen- L’analyse des résultats de l’éva- le portrait général de leurs forces et luation des enfants de la maternelle
sions principales dans le profil luation permet de différencier des de leurs faiblesses pour chaque qui est adapté aux réalités des écoles
d’adaptation scolaire de l’enfant profils d’adaptation particuliers en école, soit un « portrait-école ». de Montréal, et ce, en collaboration

VIE
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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

avec les professionnels de ce réseau l’ensemble des agentes et agents M. Pierre Lapointe est profes- laire de la Chaire de recherche
scolaire. Les renseignements four- d’éducation de mieux reconnaître seur au Département d’études du Canada sur le développe-
nis par le personnel de l’éducation les besoins des élèves et, ainsi, en éducation et d’administra- ment de l’enfant et professeur à
préscolaire, à l’aide de cet outil d’être en mesure d’agir le plus tôt tion en éducation et M. Richard l’Université de Montréal.
d’évaluation, devraient permettre à possible. E. Tremblay, M.R.S.C., est titu-

LES EFFETS DES MESURES D’ÉDUCATION PRÉSCOLAIRE SUR LES COMPÉTENCES


PSYCHOSOCIALES ET LE RENDEMENT SCOLAIRE DES ENFANTS DE MILIEUX DÉFAVORISÉS
DE MONTRÉAL – UNE APPROCHE LONGITUDINALE-EXPÉRIMENTALE
par Linda Pagani

C
e programme de recherche, de familles immigrantes, à statut réflexive (poser le problème, trou- en mesure d’améliorer la qualité de
mis en œuvre en 1997, porte monoparental et à très faible reve- ver des solutions, choisir la solution, leurs apprentissages.
sur l’évaluation du pro- nu. En réponse à cette préoccupa- faire un retour sur l’action) sont Puisque le programme de l’éduca-
gramme de l’éducation préscolaire, tion, nous avons évalué, de manière associées à un meilleur rendement tion préscolaire favorise principale-
c’est-à-dire des services de pré- plus spécifique, les effets du pro- des enfants en mathématiques. ment le développement des compé-
maternelle à demi-temps et de gramme sur les enfants dont la Les enfants non francophones tences verbales chez l’enfant, nous
maternelle à plein temps, offerts langue maternelle est autre que le semblent mieux adaptés sur le plan avons expérimenté, en collaboration
aux enfants venant des milieux défa- français, dont la famille est mono- comportemental dans les classes où avec les enseignantes et les ensei-
vorisés de Montréal. Des cher- parentale et qui sont reconnus l’enseignant a recours au travail en gnants de maternelle, un programme
cheurs (Richard E. Tremblay, Pierre parmi les plus pauvres. Les résultats petits groupes comme stratégie d’enrichissement en mathématiques
Lapointe et Robbie Case), des étu- de ces analyses permettent de d’enseignement (sauf lorsque les intitulé Bon départ. De plus, une
diantes (Julie Jalbert et Marie-Josée déterminer les caractéristiques des enfants sont jugés très actifs ou composante complémentaire de ce
Gauvin), des professionnelles enfants qui bénéficient le plus du agressifs). Ainsi, il est évident que programme a aussi été mise au
(Hélène Beaumont et Muriel programme et d’évaluer comment les enseignants adaptent leurs stra- point et expérimentée auprès des
Rorive) et plusieurs enseignantes et les effets de ce programme varient tégies d’enseignement pour amélio- parents. De même, nous faisons
enseignants ont participé à cette selon les caractéristiques pédago- rer la qualité des apprentissages. l’expérimentation de ce programme
expérimentation. En collaboration giques de l’enseignant. Le facteur « participation paren- auprès des enfants de prématernelle
avec la Commission scolaire de Dès leur entrée en classe de pré- tale » est étroitement lié à l’amélio- en tenant compte de la réforme de
Montréal et la Commission scolaire maternelle, les enfants non franco- ration des compétences verbales l’éducation en cours.
de la Pointe-de-l’Île, nous avons phones démontraient des résultats des enfants non francophones. Durant cette expérimentation, nous
évalué plus de deux mille enfants inférieurs à ceux des élèves fran- Les enfants de familles monopa- avons pris différentes initiatives afin
issus de familles pauvres de la région cophones, en mathématiques et à rentales qui entreprennent le pro- de faciliter la collaboration avec les
montréalaise. Les objectifs de cette la mesure des habiletés verbales. gramme de prématernelle semblent enseignantes et enseignants parti-
recherche étaient : (1) d’assurer À ce moment de l’évaluation, la plu- présenter davantage de problèmes cipants. La disponibilité des cher-
un suivi annuel auprès de quatre part d’entre eux parlaient à peine de comportement. Cependant, ces cheurs a été assurée aussi bien
cohortes d’élèves pour étudier le français. Les premiers résultats du comportements perturbateurs dimi- durant la formation des interve-
développement des enfants; (2) de suivi annuel des cohortes d’élèves nuent sensiblement au cours de nants qu’au moment de la collecte
déterminer les facteurs de risque et montrent que : l’année. De même, on observe chez des données. Nous avons invité le
de protection liés à l’acquisition des Les enfants non francophones se ces enfants une amélioration notable personnel enseignant à des sessions
compétences scolaires et sociales sont grandement améliorés au cours de leurs résultats en mathéma- d’information et à des mises à jour
chez l’enfant; (3) d’étudier les rela- de l’année scolaire. En fait, ils ont tiques. Enfin, on note que, pour les sur le développement des concepts
tions entre l’école et la famille; comblé le retard qu’ils avaient par enfants de ce groupe, l’utilisation mathématiques chez l’enfant. De
(4) d’expérimenter un programme rapport à leurs camarades de classe d’un cahier individuel dans lequel plus, nous avons constitué un comité
d’acquisition des préalables aux francophones. sont consignés les acquis obtenus et consultatif, formé d’intervenants
habiletés mathématiques en vue Les enseignantes et les enseignants les défis relevés, de même que le directs, en vue d’assurer l’élabora-
d’améliorer la qualité du rende- sont plus enclins à utiliser des stra- travail en petits groupes contribuent tion des programmes ainsi que le
ment de l’enfant dans ce domaine tégies pédagogiques innovatrices et à un meilleur rendement individuel choix du matériel didactique et des
au primaire. Ce dernier objectif a à offrir un soutien pédagogique aux à la fin de la maternelle. instruments de mesure.
été poursuivi grâce à une collabora- élèves non francophones présentant Les enfants des familles moins Voilà autant d’éléments qui peuvent
tion étroite entre les chercheurs et un retard d’acquisition des compé- pauvres bénéficient davantage de faciliter les collaborations entre les
le personnel enseignant. tences verbales. l’ensemble du programme de l’édu- chercheurs et le personnel ensei-
Au cours de la collecte de données, En situation d’apprentissage, l’utili- cation préscolaire que les enfants gnant engagé dans ce type de
les enseignantes et les enseignants sation d’une marionnette (pour des familles plus pauvres. Il appa- recherche. Notre étude avait pour
participant à l’étude ont exprimé favoriser les discussions, négocier raît clair qu’il faut intervenir sur le objet de mesurer plusieurs facteurs
leurs inquiétudes relativement au en groupe et enseigner des concepts) plan comportemental auprès des liés à la qualité de l’apprentissage
nombre considérable d’élèves venant et l’utilisation de la démarche enfants les plus pauvres pour être des élèves; aussi était-il nécessaire

PÉDAGOGIQUE
51
de bénéficier de l’expertise péda- fut une condition essentielle à sa des sciences, à l’École de psy- laire au Centre de recherche de
gogique des enseignants. Ainsi, l’en- réalisation. choéducation de l’Université de l’Hôpital Sainte-Justine.
gagement du personnel enseignant Mme Linda Pagani est profes- Montréal et chercheure titu-
dans cette recherche longitudinale seure à la Faculté des arts et

« JE PEUX RÉSOUDRE DES PROBLÈMES », UN PROGRAMME D’ÉDUCATION


SOCIOCOGNITIVE À LA MATERNELLE : LE DIALOGUE CHERCHEUR-ENSEIGNANT
COMME CONDITION ESSENTIELLE DE SUCCÈS
par France Gravel et Pierre Pagé

D
ans le contexte d’une ap- cette démarche de construction tiques éducatives des enseignantes souvent ce type de problème. On
proche collaborative, l’im- conjointe des significations qui sont et des enseignants, notamment peut donc penser que le programme
plantation du programme associées à la résolution des pro- en ce qui concerne le contrôle n’a pas la même incidence selon
d’éducation sociocognitive à la blèmes relationnels, l’enfant acquiert du comportement et la sensibilité le style de pratique éducative des
résolution de problèmes interper- graduellement la capacité de ré- aux besoins des enfants? Les enseignantes et des enseignants.
sonnels « Je peux résoudre des soudre lui-même les problèmes que résultats suggèrent que la mise L’expérience à laquelle a donné lieu
problèmes » (JPRP) est autant une lui posent ses relations sociales. Ce en œuvre du programme semble cette recherche suggère que l’éla-
activité de recherche qu’une acti- principe, issu du socioconstruc- avoir augmenté la sensibilité des boration d’une action concertée
vité de formation (Desgagné, 1997). tivisme, propose une vision du enseignantes et des enseignants repose sur un dialogue entre les
En conséquence, deux ensembles développement et de l’apprentis- qui ont expérimenté le pro- chercheurs et les enseignantes et
d’objectifs sont visés, soit ceux qui sage qui éclaire et oriente l’action gramme par rapport à celles et enseignants qui favorise l’élabo-
sont liés aux activités de produc- éducative vers des pratiques péda- à ceux qui ne l’ont pas expéri- ration conjointe des significations
tion de connaissances et ceux qui gogiques particulières (Vygostky, menté. L’importance accordée au relatives aux objectifs d’éducation
ciblent le développement des pra- 1978; Wertsch, 1991). Il accorde dialogue avec l’enfant a vraisem- et d’apprentissage visés par le pro-
tiques éducatives des participants. une grande importance au dialogue, blablement eu un effet sur cette gramme JPRP.
Le programme JPRP a été mis en à ce dialogue qui ne va pas seule- dimension, puisque pour dialo- Mme France Gravel est pro-
œuvre et évalué en 1998 et en 1999 ment de celui qui sait à celui qui guer adéquatement avec l’enfant, fesseure au Département des
dans 19 classes de maternelle de la doit apprendre, mais qui est aussi il faut être attentif à ce qu’il sciences de l’éducation à l’Uni-
région de Québec (Pagé et Gravel, engagé par l’élève, qui est co- pense et à ce qu’il ressent. versité du Québec à Rimouski
1998; 1999). L’une des idées cen- élaboré (Boisclair et Pagé, 1996). 2. Peut-on établir une relation entre et M. Pierre Pagé est profes-
trales de ce programme consiste à La compréhension qu’ont les ensei- les styles de pratiques éducatives seur au Département d’études
promouvoir l’acquisition par les gnants de l’esprit socioconstructi- des enseignantes et des ensei- sur l’enseignement et l’appren-
enfants d’un répertoire de stratégies viste du programme et le fait qu’ils y gnants qui mettent en œuvre le tissage à l’Université Laval.
diversifiées pour résoudre les pro- adhèrent impliquent l’adoption de programme et leur évaluation
blèmes relationnels auxquels ils pratiques éducatives démocratiques, des caractéristiques psychoso- Références bibliographiques
doivent faire face dans leur vie quo- ce qui est tout aussi important pour ciales des enfants? BOISCLAIR, A. et P. PAGÉ. « Classroom
tidienne. Ainsi, pour guider les le succès du programme que les Les résultats suggèrent que les éva- Dialogue », Applying Research to the
Classroom, vol. 14, no 3, 1996, p. 12-17.
enfants dans l’apprentissage du activités particulières qui y sont luations varient en fonction du type DESGAGNÉ, S. « Le concept de recherche
processus de résolution de pro- proposées. À cet effet, une attention de pratique éducative. Ainsi, les collaborative : l’idée d’un rapprochement
blèmes, il ne s’agit pas de leur dire particulière doit être portée à la enseignantes et les enseignants de entre chercheurs universitaires et praticiens
enseignants », Revue des sciences de l’édu-
QUOI faire en leur expliquant qualité des liens collaboratifs tissés style démocratique (un mélange cation, vol. 23, no 92, 1997, p. 371-393.
pourquoi, mais plutôt de leur entre les chercheurs et le personnel équilibré de contrôle et de sensibi- PAGÉ, P. et F. GRAVEL. Je peux résoudre
apprendre COMMENT réfléchir, afin enseignant durant la formation et lité) évaluent plus positivement les des problèmes : Volet maternelles. Manuel
d’éducation sociocognitive à la résolution
qu’ils puissent décider par eux- le processus de mise en œuvre. enfants à la fin de la mise en œuvre des problèmes interpersonnels pour les
mêmes quoi faire ou ne pas faire En effet, comme le succès du pro- du programme. En revanche, les enseignantes d’élèves de maternelle, Uni-
et pourquoi (Shure, 1992). Pour gramme est basé sur l’intériorisa- enseignantes et les enseignants de versité Laval, (Adaptation et traduction non
publiée de Shure, M.B. [2e version, 1999;
atteindre cet objectif, le programme tion par l’enfant de stratégies et de style permissif (un accent sur la 1re version, 1998]).
mise sur la technique de l’étayage valeurs transmises par son dialogue sensibilité au détriment du con- SHURE, M.B. I Can Problem Solve (ICPS) :
comme principe orientant les dia- avec l’adulte, le développement des trôle) voient moins de problèmes An Interpersonal Cognitive Problem Solving
Program (Kindergarten/Primary Grades),
logues adulte-enfant. Cette technique pratiques éducatives des adultes est extériorisés (agressivité, dérange- Champaign, IL : Resarch Press, 1992.
implique que l’adulte dirige le dia- au cœur même de la collaboration ment, manque d’autocontrôle, etc.) VYGOTSKY, L.S. Mind and Society, Cambridge,
logue de façon à favoriser l’intério- chercheurs-praticiens. avec le temps et les enseignantes et MA : Harvard University Press, 1978.
WERTSCH, J.V. Voices of the Mind : A
risation par l’enfant des étapes Nous traitons ici deux questions : les enseignants de style autoritaire Sociocultural Approach to Mediated
nécessaires au processus de réso- 1. Est-ce que l’expérimentation du (un accent sur le contrôle au détri- Action. Cambridge, MA : Harvard University
lution de problèmes. Au cours de programme influe sur les pra- ment de la sensibilité) relèvent plus Press, 1991.

VIE
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Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

CONCLUSIONS DU COLLOQUE
par Pierre Lapointe et Pierre Pagé
participants ont reconnu la néces-

L
e programme du colloque ment de la recherche en éducation. recherche sur le développement
visait non seulement à pré- Enfin, les commissions scolaires de l’enfant d’âge scolaire est néces- sité de bien définir les rôles com-
senter les résultats d’initia- doivent réserver une place de choix sairement lié à l’ouverture des muns, mais aussi les rôles exclusifs
tives récentes dans le domaine de la à ces enseignants experts dont la milieux de pratique, puisque l’école impartis à chacun des partenaires
recherche collaborative, mais aussi principale fonction devrait être constitue le lieu principal d’activité dans la réalisation des projets de
à cerner les conditions nécessaires d’assurer le développement des ser- pour tous les enfants. Comment recherche. En effet, la reconnais-
à la réussite de ce type de démarche, vices éducatifs. Sans la manifesta- les établissements d’enseignement sance des fonctions et des finalités
et ce, tant du point de vue scien- tion de cette volonté, les écoles sont peuvent-ils contribuer davantage à propres au chercheur et au prati-
tifique que de celui de la formation condamnées à perdre cette exper- l’avancement de ces connaissances? cien constitue une condition essen-
professionnelle. Les participants ont tise au profit des universités dont le Notamment par une participation tielle à la réussite des recherches
offert des exemples concrets d’ex- mandat principal n’est pas toujours plus active des enseignants aux collaboratives.
périences collaboratives entre cher- d’assurer l’innovation pédagogique. débats en cours sur la nature du M. Pierre Lapointe est profes-
cheurs et praticiens. Selon l’avis de Par ailleurs, la contribution des développement de l’enfant, et cela, seur au Département d’études
la majorité des participants, l’amé- chercheurs apparaît cruciale en ce à partir de leurs expériences pro- en éducation et d’administra-
lioration de la réussite des élèves qui concerne l’évaluation de l’im- fessionnelles et de leur capacité à tion en éducation de l’Univer-
constitue un objet majeur qui, à lui pact des interventions éducatives tenir compte de la complexité du sité de Montréal et M. Pierre
seul, justifie l’établissement d’une sur la réussite des élèves. En effet, comportement humain dans les Pagé est professeur-chercheur
collaboration entre les chercheurs tous conviennent de la nécessité situations d’apprentissage scolaire. au Département d’études sur
et les enseignants. pour les établissements scolaires de Durant la présentation des différentes l’enseignement et l’apprentis-
Comment concilier la recherche et faire appel à une expertise externe, communications de ce colloque, les sage de l’Université Laval.
l’enseignement? Voilà un défi de c’est-à-dire celle des chercheurs,
taille pour les écoles. Tout d’abord, dans leur démarche de reddition de
selon plusieurs, le ministère de comptes auprès de la population.
l’Éducation et les établissements Dans un esprit de collaboration, les
scolaires doivent démontrer de chercheurs pourraient ainsi parti-
manière plus évidente l’importance ciper plus activement à la réflexion
qu’ils accordent à la recherche en des enseignants sur leurs pratiques
éducation. Concrètement, il s’agit pédagogiques et s’engager davan- en abrégé
de mettre en œuvre les conditions tage dans leur démarche de forma-
nécessaires à l’établissement d’une tion continue.
véritable culture de recherche en Afin que cette culture de recherche PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET
milieu scolaire, et cela, afin d’offrir demeure vivante, il faut créer des APPORTS DE LA RECHERCHE
un soutien continu aux chercheurs événements qui permettent aux par Arthur Marsolais
et aux praticiens intéressés à colla- chercheurs et aux enseignants de se

en L
borer dans le but d’accroître la pro- rencontrer. Ainsi, l’organisation a recherche en éducation giques, congrès, conférences ou
duction des connaissances et d’amé- conjointe d’activités permettant les trouve-t-elle sa voie vers la lectures diverses, pour étayer une
liorer la formation des enseignants. échanges et la concertation demeure vie de l’école et vers ce qui se joie de communiquer qui doit
Dans cette perspective, les établis- une avenue à privilégier. En ce sens, passe dans la classe? Peut-elle quelque chose au fait d’« intuition-
sements scolaires doivent soutenir les participants ont discuté de dif- éclairer la pratique? La consolider? ner », au-delà de pratiques maîtri-
et valoriser la poursuite des études férents projets tels que la création La confirmer? L’aider à progresser? sées, leur « pourquoi »?
de 2e et 3e cycle chez les membres d’un centre de recherche collabo- La faire changer de façon nette? Une belle journée d’exposés et
de leur personnel. De plus, ils rative en éducation formé de repré- Peut-elle la rendre féconde, évolutive d’échanges d’idées tenue au congrès

abré-
doivent accorder une reconnais- sentants des organismes partenaires, et inspirée de telle sorte qu’une car- annuel de l’Association canadienne-
sance plus formelle à la formation l’établissement d’un observatoire rière d’enseignement, débouchant française pour l’avancement des
universitaire et professionnelle de national de recherche en éducation, parfois sur un rôle de conseil péda- sciences (ACFAS) (le 15 mai 2002,
leurs enseignants. Parallèlement, l’organisation de colloques théma- gogique ou de direction d’école, à l’Université Laval) s’est déroulée
les programmes de formation con- tiques, la mise en œuvre de pro- soit par excellence un trajet où l’on sur le thème de cette jonction,
tinue, développés en collaboration grammes de subventions spéci- n’a jamais fini d’apprendre et où loin d’être aisée, entre pratique et
avec le Ministère, doivent être fiques, etc. l’on jouit d’apprendre? Est-ce uto- recherche. Elle était organisée con-
davantage axés sur une mise en Dans une perspective différente, pique de croire que l’apport de la jointement par M. Maurice Tardif,
recherche peut dépasser l’ordre de l’Université de Montréal, et


commun des expertises entre cher- plusieurs participants rappellent
cheurs et praticiens pour l’avance- que l’avancement des travaux de des petits bonheurs que l’on trouve M. Ahmed Zourhlal, de l’Université
dans des moments de ressource- Laval. Le titre de la session, où
ment collectif, journées pédago- chaque mot est pesé, montre le

PÉDAGOGIQUE
53
souci à l’origine de la réflexion : nante, que les travaux sociologiques sique et conduits de concert, sur tation ou la démarche méthodique
« La dissémination des connais- hyperfonctionnalistes à la façon de plusieurs années, avec des parte- d’analyse n’ait plus tant lieu entre
sances issues de la recherche sur Bourdieu. Ces travaux avaient l’in- naires de différentes écoles. Elle a théories rivales mais entre l’acquis
l’enseignement : perspectives mul- convénient de traiter les enseignants souligné diverses conditions de réus- de départ peu explicite, la pratique
tiples et négociations entre les ac- comme des marionnettes incons- site d’un partenariat en recherche. et la construction d’un éclairage
teurs. » Pour faire brièvement écho cientes du sens vrai de leur action, La plus importante consiste proba- plus étoffé pour la pratique.
au travail exploratoire de cette jour- que seuls les intellectuels critiques blement en une diversité de tâches LES ATTENTES ET
née, nous nous arrêterons à la pouvaient détecter pour les clouer concrètes bien assumées, qui res-
LES INTERMÉDIAIRES
nouvelle figure de la recherche uni- au poteau d’infamie! Dans le camp pecte à la fois les attentes des pra-
La journée tenue à l’ACFAS sur la
versitaire, à des modalités originales opposé, humaniste, imprégné de ticiens et celles des chercheurs.
dissémination de la recherche a
de participation à la recherche et, pédagogie active et coopérative, on Du point de vue du rayonnement
aussi permis de mettre en commun
enfin, à l’analyse des attentes du prêtait peu attention aux recherches de ces recherches, la participation
les premiers résultats partiels d’une
milieu et des rôles des intermé- qui ne confirmaient pas les convic- des praticiens est certainement un
recherche du Centre de recherche
diaires. tions de départ, il me semble. La atout, et Mme Desrosiers a souligné
interuniversitaire sur la formation et
recherche universitaire, très imbue le rôle de relais tout à fait privilégié
LA FIN D’UN UNILATÉRALISME la profession enseignante (CRIFPE)
de quantification à l’américaine de l’association professionnelle
Il y a à peine dix ou quinze ans, la menée précisément sur ce thème.
de microphénomènes observables, propre au secteur de l’éducation
recherche éducative au Québec Elle a donné lieu à une enquête sys-
continuait son petit bonhomme de physique.
obéissait encore au schéma do- tématique menée auprès de divers
chemin. La revue Vie pédagogique De son côté, M. Arthur Gélinas, de
minant du travail universitaire : groupes d’usagers de la recherche.
a connu un incident qui témoigne l’Université du Québec à Rimouski,
un professeur-chercheur isolé, qui Mme Monica Cividini a d’abord pré-
bien de cette ère de recherche trop s’est arrêté moins à la diffusion des
cache soigneusement ses hypo- senté des réponses fournies par le
détachée. Ayant appris la conclu- résultats de la recherche qu’à la dif-
thèses et ses données pour éviter la ministère de l’Éducation, le Comité
sion d’une recherche largement fusion de la recherche elle-même,
piraterie, donne de temps en temps d’agrément des programmes de for-
subventionnée sur les difficultés en de la démarche de questionnement
au milieu de ses collègues, dans mation professionnelle en enseigne-
matière de mathématique des élèves comme telle dans des contextes de
l’une ou l’autre revue savante, des ment, le Conseil supérieur de l’édu-
d’écoles de milieux sociaux pauvres, pratique. La perspective mise en
conclusions qu’il resterait au prati- cation et de l’Association des cadres
au début des années 80, et fort dési- œuvre dans son cas est construc-
cien à appliquer, conclusions aussi scolaires. Mme Valérie Macaviney,
reuse de diffuser ses résultats, elle tiviste. Il s’agit moins de changer à
universellement valables et décon- pour sa part, a présenté le point de
s’était fait répondre par le professeur- partir d’un consensus reçu plus ou
textualisées qu’une découverte de vue des associations profession-
chercheur, pourtant déjà permanent : moins passivement d’une recherche
chimie. Quand, à la fin des années 60, nelles et M. Ahmed Zourhlal, celui
« Ces résultats paraîtront dans une venue d’ailleurs, que de faire émer-
on a choisi de ne pas restructurer la des universitaires.
grande revue américaine d’éduca- ger, d’exprimer, d’articuler le sens
formation des maîtres en écoles Il y a beaucoup de convergence
tion ou bien nulle part! » des pratiques. Le changement, s’il y
professionnelles à l’université, mais dans le discernement des difficultés
La recherche n’est plus ce qu’elle a lieu, viendra en plus. La démarche
plutôt en départements et facultés et des obstacles. Manque de temps
a été. Elle est affaire d’équipes, proposée et expérimentée par
comme ceux d’histoire, de mathéma- déploré et propension faible à la
de projets d’envergure, de liaisons M. Gélinas évite soigneusement la
tique ou de sociologie, par exemple, lecture; image d’un fossé entre
étroites avec les praticiens. Les résul- polémique. Réduire la diversité
c’était sans doute par économie, deux mondes, entre des langages
tats de la recherche se présentent des convictions n’est pas un objec-
car les écoles professionnelles ne trop différents; familiarité déficiente
aujourd’hui comme une contribu- tif; ce serait peut-être même un
tolèrent que très peu les amphi- des universitaires avec les milieux
tion à la démarche de « praticiens appauvrissement. Dans ce que l’on
théâtres de centaines d’étudiants. de la pratique; raréfaction déplo-
réflexifs » qui analysent et repensent appelle l’entretien constructiviste,
Cependant, ce faisant, on poussait rée, en milieu scolaire, de conseil-
leur pratique. En plus, la guerre un pont s’établit de l’implicite à
les professeurs dans la voie de cette lers et de conseillères pédagogiques
entre factions est à peu près éteinte, l’explicite. Quatre modalités d’ana-
recherche détachée, en surplomb, qui savent faire le pont entre la
le pluralisme ayant de plus en plus lyse entrent en jeu : description des
en quête non pas de partenaires et recherche et sa reprise en actuali-
droit d’être en éducation. pratiques, objectivation, analyse
d’interlocuteurs, mais de disciples sation professionnelle ou en pra-
DES RECHERCHES COMMUNES interprétative et, enfin, analyse de
et d’applicateurs. tiques inspirées et mieux fondées.
pertinence ou contextualisation.
Avant toutefois de déprécier une Deux ateliers ont mis en lumière des La journée de discussion s’est ter-
Qu’en est-il de la diffusion? En
décennie quasi perdue pour la stratégies de recherche qui relient minée par une table ronde où les
fait, il s’agit de la diffusion d’une
recherche, celle des années 70, organiquement les rôles des spé- participants et les participantes par-
démarche de recherche dans les
rappelons que ce fut, dans l’histoire cialistes universitaires de la recherche taient de l’expérience de revues
contextes de pratique. Il n’y a pas
scolaire, une décennie d’intransi- et des éducateurs engagés au quoti- connues pour traiter le sujet : la
de conclusion universellement trans-
geance et d’allégeance. On ne recon- dien dans les écoles. Mme Pauline revue Spectre de l’Association des
posable. Et le pluralisme n’est pas
naissait, dans le camp qu’avait séduit Desrosiers, de l’Université Laval, a professeurs de sciences du Québec,
un facteur d’immobilisme ou de
la ligne idéologique de l’école cen- présenté les conclusions de deux la Revue préscolaire de l’Asso-
paralysie pour peu que la confron-
sément au service de la classe domi- projets relatifs à l’éducation phy- ciation d’éducation préscolaire du

VIE
54 Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

Québec, la revue Québec français


et la revue Vie pédagogique. Ces
publications entretiennent certaine-
ment l’intérêt de leurs lecteurs pour outils et techniques
le champ de la recherche. Elles
montrent la voie vers une porosité
beaucoup plus grande, organique et
GÉNÉRATION-I : UNE NOUVELLE ÈRE D’INGÉNIEURS

outils
orchestrée entre milieux de pra-

L
es enseignants jouent un rôle vités proposées au programme Tout le matériel du projet Géné-
tique professionnelle et milieux de primordial dans la vie de d’études; ration-i sera offert gratuitement à
recherche. Comme ces revues s’ali- leurs élèves en raison de l’in- • des affiches présentant tous les partir de l’automne 2002. Les ensei-
mentent en particulier dans les con- fluence qu’ils exercent sur eux quant renseignements et toutes les direc- gnants peuvent entre-temps consulter
grès d’associations professionnelles, aux matières étudiées et au choix tives nécessaires permettant à la le site Internet (www.generation-i.ca)
on a souligné que les chercheurs de carrière. Et depuis longtemps, classe ou à une équipe d’entre- et envoyer un courriel aux organi-
universitaires gagneraient à y par- les professionnels de l’ingénierie prendre un projet donné à l’in- sateurs pour recevoir le guide des
ticiper beaucoup plus systématique- appuient leurs efforts. Ainsi, afin térieur d’un programme d’études orateurs.
ment. On a aussi mentionné que, en d’encourager les élèves du secon- particulier; Le comité directeur du projet se
cours de formation professionnelle daire à étudier les mathématiques • la grille du programme d’études, compose d’un grand nombre de col-
en vue de l’obtention du baccalau- et les sciences pour éventuellement qui énonce clairement les objec- laborateurs des secteurs du génie,
réat, les futurs enseignants et ensei- faire carrière en génie, ils ont déci- tifs d’apprentissage, les groupes de l’enseignement, de l’orientation

tech-
gnantes pourraient développer des dé de mettre en œuvre un projet d’âge visés et le bien-fondé d’un professionnelle, de la conception
habitudes de lecture du côté des mé- reposant sur le programme d’études programme d’études individuel de produits de carrière et des
dias et de revues qui présentent cou- en sciences. Ce projet, intitulé ou intégré; affaires étudiantes. Parmi les orga-
ramment des sources de recherche Génération-i - Une nouvelle ère • des feuilles de gestion de projet, à nismes représentés au sein du
contemporaine hautement pertinente d’ingénieurs (Generation-E – l’intention des élèves, pour assu- comité directeur, mentionnons l’As-
pour la pratique. A New Brand of Engineer), fournit rer le suivi de certains projets sociation des ingénieurs-conseils
La journée a fortement véhiculé la aux enseignants de la 3e à la 5e secon- définis et complets en soi. du Canada, le Conseil canadien des
perception d’un rapprochement daire une source de documentation Voici un exemple d’un de ces pro- ingénieurs, Développement des
potentiel entre enseignement et directement liée au programme jets : une équipe d’élèves doit con- ressources humaines Canada, le
recherche. De vieilles barrières très d’études en sciences de chaque cevoir, construire et mettre à l’essai Consortium canadien des carrières,
substantielles sont tombées. La pro- province ou territoire. un contenant capable de recevoir la Coalition canadienne des femmes
fessionnalisation qui reconnaît l’en- Cette initiative vise à orienter un un œuf et de le protéger d’une en génie, en sciences et en tech-

ni-
seignement comme pratique réflexive plus grand nombre de jeunes vers chute d’au moins deux mètres sur nologie, la Fédération canadienne
a tué la vieille disjonction théorie- des études en génie. Les élèves qui une surface dure. La forme du con- des étudiants et étudiantes en génie,
pratique. Cependant, pour qu’une s’intéressent à une carrière dans ce tenant est au choix des élèves, mais l’école secondaire de Fredericton,
alliance solide succède à des con- domaine doivent bien sûr être forts ses dimensions ne doivent pas la firme Golder Associates, le Groupe
tacts épisodiques ou trop localisés, en mathématiques et en sciences, dépasser 10 cm x 10 cm x 15 cm. SNC-Lavalin inc., la firme Giffels
il reste de grands pas à faire. Un mais ils doivent également démon- Les élèves peuvent utiliser les Associates Limited et la Faculté d’édu-
véritable système de communi- trer un penchant pour la recherche matériaux de leur choix, mais le cation de l’Université d’Ottawa.
cation robuste et fiable requiert, scientifique, une passion pour la seul matériau de renfort externe
comme le proposait le titre du col- résolution de problèmes, un res- permis est le ruban-cache. La trousse
loque, une aptitude à négocier avec pect pour les méthodes variées, présente quatre autres projets tout
des partenaires, en dehors de tout un enthousiasme pour le travail aussi stimulants.
schéma vertical d’information des- d’équipe et des aptitudes pour la

ques
cendante. prise de parole en public. La raison
M. Arthur Marsolais est consul- d’être de cette campagne repose LES CENTRES JEAN LAPOINTE POUR
tant en éducation. sur la nature de plus en plus com- ADOLESCENTS ET ADOLESCENTES
plexe et profonde des défis que notre
société est maintenant appelée à par Carole Champagne
relever.

L
es Centres Jean-Lapointe Une thérapie au Centre dure en
La documentation conçue à l’inten- pour adolescentes et adoles- moyenne de huit à dix semaines.
tion des enseignants comprend : cents sont des centres qui Le jeune est logé et nourri gratui-
• une lettre d’introduction; viennent en aide à des jeunes toxi- tement tout au long de son séjour.
• un aperçu du projet Généra- comanes âgés de 12 à 18 ans. Trois Les parents n’assurent que ses
tion – i, décrivant les étapes centres sont maintenant ouverts dépenses personnelles.
simples à suivre par l’enseignant au Québec afin de répondre aux Des thérapies de groupe et indi-
et sa classe pour intégrer les acti- besoins de plus en plus grandis- viduelles, des ateliers et plusieurs
sants en matière de toxicomanie. activités sont organisées dans le but

PÉDAGOGIQUE
55
d’aider le jeune à mieux se com- est donné quotidiennement au scolaire est de raccrocher chaque CENTRE JEAN-LAPOINTE
prendre et à cesser toute consom- centre. On y enseigne les trois ma- jeune à l’école et surtout de lui 950, rue de Louvain Est, bloc C
mation de drogues et d’alcool. Une tières de base (français, mathéma- redonner la confiance qu’il avait Montréal (Québec) H2M 2E8
équipe multidisciplinaire qualifiée tique, anglais) durant trois heures perdue en consommant drogues et Téléphone :
est là pour l’aider à cheminer tout chaque matin. Les élèves travaillent alcool. Montréal : (514) 381-1218
au long de sa thérapie. seuls et bénéficient d’un suivi indi- Les Centres Jean-Lapointe existent Québec : (418) 523-1218
Les commissions scolaires de vidualisé et ils poursuivent leur sco- pour redonner goût à la vie et pour Mauricie : (819) 229-2018
Montréal, de la Capitale (Québec) et larité là où ils sont rendus. Les cinq que les jeunes se sentent bien dans Mme Carole Champagne est ensei-
du Chemin-du-Roy (Trois-Rivières) classes du secondaire sont offertes. leur peau sans consommer. gnante au Centre Jean-Lapointe
offrent le programme scolaire qui Le but principal du programme Pour plus de renseignements : de Montréal.

lus, vus et entendus


tâche à accomplir, l’enseignant chologie cognitive et des neuro- du deuxième cycle du secondaire

lus, vus
BARTH, BRITT-MARI.
L’APPRENTISSAGE DE assure les élèves de leur droit à sciences sur la façon dont une per- que les étudiants de l’université et
L’ABSTRACTION, PARIS, l’erreur. Puis, il les guide dans la sonne apprend ou dont le cerveau même le grand public. Le langage
ÉDITIONS RETZ, 2001, 255 PAGES. découverte des attributs essentiels fonctionne. est accessible tout en étant rigou-
du concept en question, à l’aide Les pédagogues qui, comme l’au- reux. La présentation est à la fois
La nouvelle édition revue et aug-
d’exemples et de contre-exemples teure, se demandent comment ame- agréable et utilitaire, avec plus d’une
mentée de cet ouvrage, jugé « sti-
variés ainsi que de questions élu- ner les élèves à trouver du sens cinquantaine d’images d’archives,
mulant », « fondamental », « essen-
cidantes. Cette démarche essen- dans les contenus à apprendre, à d’extraits de documents historiques
tiel » par les pédagogues qui l’ont
tiellement socioconstructiviste est s’engager à fond dans leurs appren- et de nombreux encarts.
recensé au moment de sa parution
décrite simplement et abondamment tissages et à acquérir des savoirs Le volume est divisé en quatre par-
en 1987, arrive à point nommé. En
illustrée. Les exemples vont d’un pour la vie entière plutôt qu’à cher- ties et traite notamment des sujets
effet, la démarche pédagogique
concept imaginé pour les besoins cher à donner la bonne réponse à suivants :
proposée par Britt-Mari Barth pour
de la cause (une figure arbitraire) à l’école trouveront leur profit à la 1. Une définition de la démocratie,

et en
aider les élèves à construire des
un concept grammatical que les lecture de cet ouvrage riche à plus une classification des régimes
concepts cadre parfaitement avec la
élèves doivent apprendre : l’attribut d’un titre. politiques ainsi que les princi-
réforme en cours qui vise, entre
du sujet. En annexe, l’auteure Luce Brossard pales caractéristiques des démo-
autres, à rendre les élèves plus ac-
donne des exemples et des contre- craties occidentales.
tifs sur le plan intellectuel et à leur MERCIER, BENOIT ET ANDRÉ
exemples pour illustrer les concepts 2. Les fondements et l’histoire de la
faire acquérir un savoir durable. DUHAMEL. LA DÉMOCRATIE :
d’objectivité, d’opinion et de paral- démocratie occidentale, depuis
Rappelant une réflexion de Piaget : SES FONDEMENTS, SON
lélisme. Socrate. Ici, en plus de chercher
« Ce ne sont pas les matières qu’on HISTOIRE ET SES PRATIQUES,
Britt Mari-Barth ne cherche nulle- à comprendre la pensée philo-
leur enseigne que les élèves ne QUÉBEC, LE DIRECTEUR GÉNÉRAL
ment à esquiver les difficultés liées sophique derrière le concept,
comprennent pas, mais les leçons DES ÉLECTIONS DU QUÉBEC, 2000,
au choix du vocabulaire approprié, on décrit, schémas à l’appui, les
qu’on leur donne », l’auteure a 166 P.
au rythme des élèves, au dosage de différentes traditions démocra-
élaboré une démarche efficace Pareille synthèse de l’évolution de
la directivité ou à l’évaluation des tiques actuelles (parlementaire

tendus
pour assister les élèves dans l’ap- la démocratie de l’Antiquité à nos
apprentissages. Tout au long de et présidentielle) et les valeurs
prentissage de l’abstraction. Fondée jours n’avait pas encore été écrite.
l’ouvrage, elle donne des réponses qui les sous-tendent. Cette partie,
sur les travaux de Jérôme Bruner, Pas du moins dans une perspective
à des questions pratiques sans né- riche en extraits historiques,
psychologue américain renommé, éducative. Il fallait, jusqu’à la venue
gliger les solides fondements théo- constitue à elle seule la moitié du
la démarche requiert une prépa- de cet ouvrage, puiser toutes ces
riques sur lesquels elle s’appuie. livre.
ration minutieuse pour « rendre le informations ici et là, pour les
Elle offre aux enseignants et aux 3. Les pratiques démocratiques
savoir transmissible » et mise sur assembler avec plus ou moins de
enseignantes une démarche rigou- actuelles. On y traite du système
une interaction constante entre bonheur.
reuse et féconde qui favorise un électoral, du mode de scrutin,
l’enseignant et les élèves. Elle com- Bien que ce livre ait été conçu au
véritable travail intellectuel chez des partis politiques, des son-
porte trois phases : 1) observation, départ pour les cours de philo-
les élèves, les amène à construire dages, de la démocratie munici-
exploration; 2) clarification, vérifi- sophie au collégial, les besoins
ensemble le savoir, fait ressortir pale, du syndicalisme, des débats
cation; 3) abstraction, généralisa- auxquels il peut répondre sont plus
l’importance du processus dans publics, etc.
tion. Après avoir établi l’existence larges, couvrant des disciplines
l’apprentissage, met en œuvre une 4. L’avenir de la démocratie et les
d’un problème à résoudre (trouver comme l’histoire, la science poli-
conception du savoir fort éloignée problèmes actuels, notamment
l’idée que l’enseignant a en tête, tique et l’éducation à la citoyenneté
de la simple reproduction et tient dans un contexte de mondiali-
c’est-à-dire le concept) et précisé la et pouvant joindre autant les jeunes
compte des découvertes de la psy- sation.

VIE
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2002
Vie pédagogique 125, novembre-décembre
2002

Chacun de ces quatre chapitres est mais aussi les questions qu’elle sus- « Il n’est plus un récepteur passif vantes d’une situation d’exercice
ponctué de tableaux récapitulatifs cite. La deuxième section présente qui prend des notes en silence pour d’une compétence : « elle est com-
et d’exercices de synthèse qui faci- cinq scénarios didactiques élaborés les mémoriser par la suite. Il devient plexe, vise l’intégration des acquis,
litent l’alimentation de discussions par des chercheurs et des ensei- un membre actif d’un groupe d’ap- est significative, appartient à une
ou de débats. Sont regroupées à la gnants membres du Groupe de prenants où il assume certaines famille de situations, est discipli-
fin les dates importantes de l’his- recherche sur les objectifs et l’éva- responsabilités : il adhère au projet; naire et vise l’autonomie ». Afin que
toire de la démocratie au Canada et luation en classe d’histoire et qui ont il participe; il exprime ses interpré- les élèves puissent découvrir puis
au Québec. Ce livre de référence, été expérimentés dans des classes. tations; il apporte sa pierre à la intégrer les démarches appartenant
qui est distribué depuis peu dans La troisième section décrit divers recherche commune; il écoute les aux diverses familles de situations
les librairies par les Publications du outils pédagogiques (pour la plani- autres; il accepte qu’on questionne dans laquelle s’exercent les compé-
Québec, peut être considéré comme fication, l’évaluation ou d’autres ses arguments et qu’on les vérifie à tences, elles doivent être cohérentes
un incontournable pour qui s’inté- documents) susceptibles d’accompa- la source […] Il s’agit d’apprendre et facilement reconnaissables par
resse (et veut intéresser les autres) gner l’enseignant dans sa démarche ensemble, de vivre ensemble, de se ceux-ci.
à la démocratie et à l’éducation à la d’appropriation. comporter en citoyens solidaires où Au regard des compétences histo-
citoyenneté. Après avoir fait ressortir que les chacun participe à la résolution riques à faire construire par les
Michel Leclerc savoirs essentiels construits en classe d’un problème commun. » élèves, les choix du curriculum
d’histoire doivent être « non seule- Belle façon de saisir la dimension belge n’étant pas ceux du ministère
JADOULLE, JEAN-LOUIS ET ment connus mais surtout mobilisés sociale de l’apprentissage et l’im- de l’Éducation du Québec et la tra-
MATHIEU BOUHON (DIR.). et restés mobilisables », De Ketele portante fonction de l’histoire dans dition de l’enseignement de l’his-
DÉVELOPPER DES COMPÉTENCES
invite les enseignants à identifier l’éducation à la citoyenneté… toire étant aussi très différente dans
EN CLASSE D’HISTOIRE.
des familles de « situations pro- Dans leur texte sur les chances et les deux pays, il est difficile d’ap-
LOUVAIN-LA-NEUVE,
blèmes » dans lesquelles les élèves les interrogations de l’apprentissage précier l’approche proposée à
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN
peuvent mobiliser des connais- de l’histoire à l’heure des com- travers les exemples de scénarios
ET MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DE
sances historiques et en dégager les pétences, après avoir pris acte du d’enseignement. On peut par ailleurs
LA RECHERCHE ET DE LA FORMATION
caractéristiques principales afin de caractère souvent éphémère des avancer deux commentaires. D’une
DE BELGIQUE, 2001, 264 P.
pouvoir élaborer des scénarios acquisitions scolaires et de la fai- part, et les auteurs l’admettent eux-
Les publications sur l’enseignement d’enseignement-apprentissage pro- blesse des fondations de ces connais- mêmes, on a peine à voir, comme
de l’histoire sont rares et celles qui ductifs. De son côté, Britt-Mari Barth, sances, Jadoulle et Bouhon formu- cela est présenté, comment les élèves
sont consacrées au développement réfléchissant sur le rôle central des lent trois questions éminemment peuvent transposer ces « compé-
d’une approche par compétences concepts dans l’enseignement de didactiques : Comment amener tences » dans la lecture du réel
dans ce domaine le sont encore l’histoire, propose une approche l’élève à découvrir que les connais- social actuel et ainsi atteindre l’im-
davantage. Il faut donc, d’entrée de pédagogique « qui conduit à coor- sances apprises en classe d’histoire portante finalité d’éducation à la
jeu, souligner la parution de cet donner mentalement le mot, les constituent de véritables outils pour citoyenneté. D’autre part, alors que
ouvrage publié par l’Unité de didac- situations contextualisées et la défi- comprendre le passé et le présent? la maîtrise d’une démarche de pen-
tique de l’histoire de l’Université nition abstraite ». En travaillant avec Comment l’aider à établir des liens sée historique constitue une com-
catholique de Louvain. les élèves des « situations exemples » entre ce qu’il apprend et la société pétence mobilisatrice de savoirs
Rappelons d’abord que la Belgique, du concept et en leur permettant dans laquelle il sera amené à agir? pour lire la réalité sociale passée et
on l’aura deviné, est aussi à réfor- d’en dégager les attributs essentiels, Quels points de repère se donner, présente, sa fragmentation, telle
mer son curriculum d’histoire, que l’enseignant amène les élèves à dans le concret de la classe d’his- qu’elle est proposée, en quatre
le ministère de l’Éducation souhaite construire eux-mêmes ces outils de toire, pour outiller le jeune dans « compétences » distinctes (se poser
loger à l’enseigne d’une approche la pensée en s’en servant, donc en sa compréhension du monde ac- des questions, critiquer, synthétiser,
par compétences. Aussi les auteurs mobilisant les connaissances qui tuel? Tentant d’opérationnaliser communiquer), qui sont, à notre
proposent-ils aux enseignants de leur sont associées. Le contenu lié l’approche par compétences, après avis, des habiletés intellectuelles
leur pays un ouvrage de réflexion à l’histoire devient ainsi, sous la avoir rappelé que « savoir, c’est génériques, enlève beaucoup de
pour les soutenir dans l’appropria- lunette des concepts, non plus aussi mettre en œuvre une dé- signifiance, de pertinence et de
tion de ces nouvelles orientations. la finalité du cours mais le moyen marche… pour savoir », ils s’ap- cohérence au travail de la pensée
Le volume est divisé en trois sec- pour mettre en œuvre les compé- pliquent à définir ce que peut être en classe d’histoire. Les considéra-
tions : la première, consacrée aux tences visées. Conséquemment, une situation d’exercice d’une com- tions introduites sur l’importance
recherches sur la question, met à conclut Barth, « le rôle traditionnel pétence en histoire : « La complexi- déterminante de l’évaluation dans le
contribution Jean-Marie De Ketele, de l’enseignant change, de toute té de la tâche ne réside ni dans contexte d’une approche par com-
à qui nous devons quelques ouvrages évidence, et la relation pédagogique un savoir à redire […] ni dans un pétences y sont par ailleurs fort
sur les compétences, Britt-Mari également. Plutôt que d’exposer le savoir-faire ou un savoir à appliquer pertinents. Soulignons d’ailleurs
Barth, dont les travaux sur la cons- savoir pour qu’il soit mémorisé, il […] mais bien dans la nécessité que le même groupe de recherche
truction des savoirs et le dévelop- s’agit de le rendre accessible aux pour l’élève d’identifier puis de annonce la publication prochaine
pement des concepts sont bien élèves et de les outiller – en les mobiliser les ressources qui con- d’un ouvrage sur l’évaluation des
connus et les deux auteurs en titre accompagnant – pour qu’ils sachent viennent pour réaliser la tâche compétences dans le domaine de
du volume, qui tentent de faire s’en servir. » De la même façon, le demandée. » Ce qui les conduit à l’histoire.
ressortir les possibilités offertes par rôle de l’apprenant est aussi appelé énoncer les caractéristiques sui- Robert Martineau
cette nouvelle orientation didactique, à changer :

PÉDAGOGIQUE
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histoire de rire
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absurdes même, dont vous êtes les témoins dans vos classes ou dans l’école. Adressez vos envois à : Vie pédagogique, ministère de l’Éducation, 600, rue Fullum,
10e étage, Montréal (Québec) H2K 4L1. Sous la direction de M. André Laforêt, enseignant d’arts plastiques, les illustrations qui suivent ont été effectuées par un
élève du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.

« Regarde le beau lever de sommeil! »

Cristel Rossignol

Cristel Rossignol
« Il fait chaud, touche, mon dos est tout timide! »

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