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est-elle souhaitable ?
Dossier complémentaire
Aussi bien la notion de « durable » renvoie à une vision étriquée :à la théorie
grise de Hegel, immobilisée dans des plans rationnels sans l’imagination de la vie,
se heurte à l’aporie fondamentale : le monde est changement, le monde est souci, le
processus de génération / dissolution emporte les personnes et les idées, les nations
et les espèces, et celles-ci disparaissent après avoir alternés sans une trêve les âges, de
paix, d’ouverture, de culture, et les âges de fer, de guerre, de destruction.
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Avril 2008 Géostratégiques n° 19 - L’avenir géostratégique de la puissance indienne
Aux limites des affirmations géopolitiques la paix par le magistère impérial : pax
romana mongolica, soviatica, américana… Au prix d’évidentes contraintes militaires
et policières, fiscales et bureautiques culturelles et linguistiques, un pouvoir non
central mais supérieur fait régner la paix entre les composants de l’empire et assure
leur protection à l’encontre de l’extérieur. Le risque demeurant l’unilatéralisme po-
litique et idéologique de l’ethnie, de la classe dominantes.
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
collégial repose soit sur la proportionnalité relative des forces et la prise en compte
des intérêts vitaux en présence : C’est du XVII au XVIIIe siècle la « balance des
puissance » : Grand Dessein de Henri IV et Sully en ses économies royales (1631),
la guerre de la France contre l’Espagne aurait permis d’établir en Europe quelques
puissances principales qui eussent maintenues l’ordre entre les puissances secon-
daire et auraient fait front commun contre le Turc. Le couteau de Ravaillac (fut-il
téléguidé ?) détruisit ce projet de guerre réorganisatrice sur cette balance des puis-
sances reposait aussi le Projet de paix perpétuelle entre les potentats de l’Europe (1713)
de l’abbé de Saint-Pierre prévoyant une cour d’arbitrage jouant à la fois comme une
assurance mutuelle et une dissuasion réciproque, projet dont se gaussa Voltaire dans
son poème sur la Tactique (1773).
Aux limites des élaborations de l’histoire : la paix par les (ré) interpréta-
tions adoucissant les amertumes des anciens ennemis. C’est le jeu des repentances
cultivant les anachronismes
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Avril 2008 Géostratégiques n° 19 - L’avenir géostratégique de la puissance indienne
Doctrinaire d’une guerre limitée ultra mécanisée, Liddell Hart estime que l’idée
de mettre la guerre « hors la loi » en la traitant comme « un mal isolé» nie le fait
qu’elle « n’est que le stade éruptif auquel aboutit une maladie de la paix .Elle est
la fièvre non le microbe »-D’ou sa condamnation de la formule clausewitzienne
« la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » ; car c’est une
folie d’employer un tel instrument alors que personne n’est capable de le manier
intelligemment1.
En dialectique Mazarin avait déjà répondu ; de bello pax : « de la guerre sort
la paix ». Mais laquelle ? Paix de compromis ou diktat du vainqueur ? Condition
impérative : le maintien de la paix ne peut être assuré que par la menace dissua-
sive d’une guerre « juste », ou l’effectivité d’une guerre rétablissant un équilibre
« juste » : traité de Paris, 1259, par lequel Saint Louis victorieux rend à Henri III
d’Angleterre certaines provinces reconquises.
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
Sermon sur la montagne (« si l’on te frappe sur une joue… ») en considération du
maintien de l’ordre social.
Tertullien le montaniste souhaite que le soldat chrétien apprécie les ordres se-
lon sa conscience (De corona). Origène l’émasculé estime que pour la défense de
l’empire le chrétien doit être un « combattant spirituel » (Contre Celse). Ces esprits
extrêmes furent considérés comme non orthodoxes, mais au IVe siècle encore re-
connu père et docteur de l’Eglise, Saint Basile de Césarée admet la légitimité du
service militaire mais refoule pour trois ans l’admission de son exécutant au sacrifice
de l’Eucharistie (la Communion).
Les conditions de la guerre juste sont telles : Que la cause soit légitime, que la
violence soit proportionnée au dommage subi, que la contrainte soit effectuée par
une autorité légale, que la violence exercée ne soit pas supérieure à celle subie. D’où
la double conséquence : les croisades seront argumentées comme une légitime re-
conquête, et au XIIIe siècle Saint Thomas d’Aquin « le docteur angélique » énonce
ses opinions sur la guerre dans son traité sur la vertu théogale, la charité, qui estime
le châtiment infligé à l’Autre pour son propre bien comme une sorte de correction
fraternelle.
Alors surgissent les ambigüités de la guerre juste. Les Grecs déjà, Platon comme
Aristote avaient distingué entre la guerre « policée », ordonnée opposant des cités
hellènes, et les guerres déréglées contre les Barbares. En d’autres termes les pratiques
– et les lois – de la guerre varient selon l’appartenance ou non à telle système de
civilisation. La distinction réapparait au fil des siècles pour certains d’entre eux an-
ciens soldats des guerres de la révolution et de l’empire, les généraux de la conquête
de l’Algérie (Bugeaud, Randon, Valée…) reconnurent l’impossibilité de maintenir
des règles du droit de la guerre et du droit des gens européens contre les guerres des
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Avril 2008 Géostratégiques n° 19 - L’avenir géostratégique de la puissance indienne
Dés lors des causes et modalités de la guerre juste sont subjectivisées, puisque
c’est l’actant lui-même qui évalue leur définition et leur mise en œuvre. Comment
dès lors statuer sur la légitimité de l’autorité belligérante ? Selon le droit internatio-
nal abriant, le gouvernement français au début de la rébellion du FLN était « légal »
et reconnu. Quand le GPRA acquit-il sa propre légitimité, et l’action « policière »
des forces de l’ordre se mutât-elle en opération de guerre, en guerre ressentie comme
juste par un nombre considérable d’Algériens revendiquant leur indépendance ?
Ainsi, la notion de guerre juste recèle une antinomie. D’une part, elle tend à
modérer des conflits à l’intérieur d’une civilisation : trêve olympique suspendant les
conflits entre cités grecques durant la période des jeux, trêve, «paix de Dieu pro-
gressivement imposés par l’Eglise médiévale restreignant l’époque (temps des fêtes
liturgiques chrétiennes) et la durée (jour de la semaine) pendant lesquels les hostili-
tés demeurent autorisées. En revanche, cette notion tend à accentuer l’intensité des
conflits, des chocs entre civilisations, s’idéologisant, elle tend à prendre les caractè-
res de la guerre sainte. Elle s’argumente sur les fois et les passions, elle a suscité les
notions modernes dans leurs formulations, de guerre préemptive ou préventive, de
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, de guerre d’agression et d’atteintes
à la sécurité collective. Elle repose sur des séries de conventions internationales et
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
La paix durable peut elle reposer sur une vision anthropologique profonde ?
Le nouveau Cynée ouDiscours des occasions et moyens d’établir une paix générale,
et la liberté du commerce par tout le monde, telle fut l’après les guerres de religion,
l’espoir apporté par Emeri Cruce à « l’Hercule français, Louis le juste », le jeune
Louis XIII .Plus qu’une organisation des relations internationales Cruce tente de
consolider la paix dans en morigénant la nature humaine. Il dénonce la vanité
de l’honneur des armes, « vaillance vulgaire » qui doit être borné à combattre les
fainéants, les dissidents hérétiques trop éloquents (Arius et Mahomet, Luther et
Calvin) et les « sauvages » démunis de raisons. Chaque prince étant institué en
sa souveraineté par la divine Providence doit se garder de soutenir les révoltes qui
s’envoyèrent contre d’autres princes, et renoncer à convertir à sa foi ses divers peu-
ples. Il donne en exemple le Grand Seigneur (ottoman) qui accorde sa protection
aux quatre religions : musulmane, chrétienne, juive, païenne. Il estime que si le
sultan turc imposait la paix entre les principaux souverains voisins (rois de Perse,
de Tartarie…) et que fassent de même les deux grands souverains chrétiens, l’Em-
pereur et le roi de France, alors eux-mêmes pourraient s’accorder, et se perpétuerait
une « Paix universelle », base d’un commerce élargi et d’une libre circulation favo-
risée par l’aménagement des voies navigables : rivières et nouveaux canaux. Cette
bonne gouvernance serait contrôlée par un Conseil des ambassadeurs qui siègerait
à Venise, cette grande république étant équidistante entre les diverses parties de
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l’Europe et le Levant. Mais 1621 commence l’une des plus sanglantes guerres euro-
péennes la guerre de Trente ans…
La mesure évoquait elle la règle talmudique selon laquelle les propriétés fonciè-
res doivent être redistribuées tous les cinquante ans ? La guerre froide se mettait en
place –mais qu’était-il survenu par la Seconde Guerre mondiale ?
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
1962 : c’est l’année des deux K : le cas américain, Kennedy, contraint le K sovié-
tique, Khrouchtchev à rapatrier ses missiles hors de Cuba. Ces deux K paraissaient
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Ainsi à l’espoir d’une paix durable établie par raison éthique se superpose, ou
s’oppose, la paix durable établie par équivalence matérielle, par l’équilibre de la
terreur, la MAD, la Destruction mutuelle assurée. Certes la guerre froide ne fut pas
sanglante en affrontement central des deux Grands, mais elle ne contrôla pas les
guerres locales dans les zones grises « aux marges ». Enfin, la coexistence pacifique
entre les deux Blocs fut-elle effectivement due à la peur réciproque engendrée par
la certitude de l’apocalypse, ou par le jeu contingent de la classique balance des
puissances entre l’Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie ? On ne saurait prouver
que la paix qui en Europe a été durable depuis 1944 est due uniquement à l’exis-
tence des arsenaux nucléaires. A-t-elle au moins interdit l’intervention de l’Ouest
dans les insurrections des démocraties populaires : Berlin, Budapest, Prague ? Il a
fallu attendre l’essoufflement de l’URSS dans la guerre soviético-afghane face à la
contestation polonaise et à la course au perfectionnement des missiles balistiques «
la guerre des étoiles » pour entrainer l’implosion de l’URSS et le retour violent des
guerres des Balkans dans leurs fragmentations ethniques.
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
Dès lors la guerre jouerait comme un coagulant social et patriotique. Alors sur-
git un doute : l’éviction de la guerre ne perturberait-elle pas les fonctions qu’elle
remplit pour le « bien » des sociétés ? L’espèce humaine étant (avec les rats) l’une des
très rares espèces animales à s’entretuer, la « paix totale » après les « guerres totales »,
est*elle vraiment désirable ?
Dès lors la paix, pourquoi pas ? Mais à condition de trouver les processus qui
remplaceront les fonctions que remplit la guerre.
Autrement dit, comment compenser les dégâts collatéraux de la paix ? Les sociétés
postmodernes peuvent-elles être post-guerrières ? Et ce ne sont pas de simples « jeux
de paix » remplaçant les kriegspils, mais de vastes substitutions nécessitant de longues
et difficiles transitions. D’où les innombrables controverses sur les possibilités techni-
ques et financières du passage d’un état de lutte de classes à un état de bien être social
(social welfare) ; du passage d’un état de « paix armé » à des « armées sans armes » ;
du transfert des budhets militaires vers ceux de la conquête spatiale et de l’écologie,
du remplacement de la fonction malthusienne de l’affrontement sanglant éliminant
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les jeunes mâles en surnombre selon le polémologue Gaston Bouthoul par la contra-
ception et l’avortement, ou à l’inverse par des procréation in vitro maintenant des op-
tions démographiques, ; du maintien des balances commerciales et du plein emploi
non plus par les « marchands de canon » ou le « complexe militaro-industriel » mais
par des transferts de technologie ; de l’accélération des connaissances scientifiques
par les savants patriotes durant les guerres et leur mise en garde (la lettre d’Einstein à
Roosevelt sur les enjeux de l’explosion atomique), des progrès chirurgicaux- avec à la
limite la tentation satanique, la chosification de l’être humain pour accélérer le pro-
grès de la médecine : le docteur nazi Mengele où l’unité japonaise expérimentant des
prisonniers vivants. Enfin par le replacement des jeux de sang des stratégies de mort
par des compétitions sportives. Vespasien a t’il édifié le Colisée pour, par les combats
de gladiateur, rappeler aux citoyens légionnaires l’inexorabilité de la lutte, ou pour
combler la populace « de pain et de jeux » ? Asservissement lent du citoyen de dé-
mocratie représentative dans l’uniformisation du citoyen selon Tocqueville envers le
consommateur plongé dans un état stationnaire ténacité, un esclavage subtil. Mais
est ce la guerre elle-même qui est en cause, ou sa propre préparation, sa virtualité ne
serait elle pas déjà un moyen de sa substitution aux « dangers » de la paix ? Celle-ci
suppose que l’on peut relâcher l’effort d’armement car les impératifs de la défense
exigent la continuité, la surenchère perpétuelle en matière d’innovation scientifique
et technique, hors considération d’utilité sociale immédiate, et de rentabilité à long
terme. D’autre part, cette perpétuelle « recherche et développement » en faveur des
forces armées permet une projection géopolitique sur la planète. Enfin, à l’heure où
la mondialisation commerciale tend à accroitre la contradiction majeure bloquant le
citoyen entre ses deux fonctions : salarié voulant gagner plus, consommateur vou-
lant payer moins, les dépenses publiques peuvent servir de palliatif au libre jeu de la
concurrence, donc aux risques de délocalisation. Or aucun des moyens précités ne
semble être apte à réaliser de tels rééquilibrages sociaux, scientifiques et budgétaires.
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
tional portant secours aux soldats blessés ou prisonniers, et aux populations victi-
mes de la guerre : la Croix Rouge (1863). Son but n’était pas d’empêcher la guerre
mais d’humaniser son déroulement. Il reçut le premier Nobel de la paix en 1901.
A l’initiative de Nicolas II se mettait en place les conventions de la Haye. Depuis
1945, ont fleuri d’innombrables Centres et Instituts de recherche sur la paix, face à
la détresse de la personne humaine et à la massification de la mort. Ils ont engendré
des processus censés s’opposer, et même prévenir la progression stratégique « nor-
male », c’est-à-dire l’escalade de la violence décrite par Pufendorf et Clausewitz.
- Avant le conflit : prévenir : détection précoce, alerte rapide, protection des
minorités exposées.
- Durant le conflit : réagir par militaire, humanitaire, mercenaire.
- En fin de conflit : apaiser : administration internationale, justice réorganisée,
policiers « civils » pour réinstaurer les flux commerciaux et l’ordre public évite que
la guerre ne se dissocie pas en criminalité : désœuvrement des jeunes, corruption
des politiques. Donc, désarmer les forces locales, préparer le désengagement des
forces internationales. Mais en de nombreuses régions s’impose leur maintien ou
l’impossibilité de s’extraire.
- A l’échelle géopolitique : reconstruire : réintroduire le perturbateur dans l’équi-
libre des nations le retour des Bourbon à la chute de Napoléon. Cas particulier :
en 1945, l’Allemagne et le Japon et leur capitulation sans conditions. Donc leur
vacuum juris autorisaient une substitution de philosophie politique et de mécanis-
mes constitutionnels, et la poursuite des dirigeants de guerre devant des juridictions
internationales (Milosevic le Serbe) ou nationales (Saddam l’Irakien).
- A l’échelle psychologique et morale : oublier ? Non en histoire mais en ressen-
timent : réconciliation, réintégration. Au-delà des feuilles de routes éphémères et
des agendas pour la paix des secrétaires généraux de l’ONU se mettent en place de
plus lourdes institutions tentant d’articuler ces aspects contradictoires. Le « parte-
nariat mondial »pour la prévention des conflits armés faisait déjà appel à la société
civile affirme le rôle de la « Genève internationale » (Croix Rouge, Bureau Quaker,
ONG ». Au-delà de New York latérale à l’ONU. une commission indépendante in-
ternationale d’intervention et de souveraineté des Etats(CIISE) a été créé en 2001.
Une « commission de la consolidation de la paix » a été créé en 2005, mais elle
n’est que consultative et ne réunit encore que 31 Etats. La tâche de ces commis-
sions est d’œuvrer en faveur de la restructuration et de la transition vers un régime
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Des siècles d’affrontements engendrent parfois des habitudes qui orientent les
politiques. Les Grecs et les Perses, Sparte et Athènes, Rome et Carthage, la France
et l’Angleterre, la France et l’Allemagne : en ce cas la paix ne revient qu’au chan-
gement de système géopolitique, la Perse n’a pas conquis la Grèce, la puissance
terrestre, Sparte, a battu la puissance maritime, Athènes, Rome a détruit Carthage,
la France n’a pas été absorbée par la royauté anglaise mais n’a pu lui disputer l’em-
pire des mers, la France a résisté aux Habsbourg puis s’est heurté à l’expansion
des Hohenzollern jusqu’à l’effondrement réciproque des deux puissances en 1945.
C’est donc au niveau de la philosophie de l’histoire que se situe l’apaisement des
adversaires inexpiables parce qu’ils constituent des machines politiques et guerrières
et reposent sur des sociétés homogènes et organisées, étatisées, patrie contre patrie,
front contre front. Aussi bien, en real politik, une paix durable entre nations ne
s’établit qu’en deux hypothèses.
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Paradoxes : une paix durable est-elle souhaitable ?
- La paix par renonciation de l’un des adversaires : un pays abandonne ses ambi-
tions, moyennant certaines compensations. Ainsi, après les guerres révolutionnaires
et impériales, la France renonce à disputer l’empire des mers à l’Angleterre, et accep-
te de ne plus poursuivre ses frontières naturelles, la rive gauche du Rhin. Mais elle se
lance dans la conquête de son second empire colonial en pactisant avec son ancien
ennemi, l’Angleterre (Fachoda) et son nouvel ennemi, l’Allemagne (Agadir).
- La paix par la réconciliation. Mais celle-ci ne peut guère intervenir que lors-
que les deux adversaires ont déjà atteint le fond de la déréliction. La France et
l’Allemagne en 1945. La proposition peut-elle être transposée dans l’actuel Proche-
Orient ?
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en place des arbitrages basés sur l’aveu proféré par les oppresseurs de la vérité de leurs
actes d’oppression, de torture, qui leur évitera une sanction, mais permettra aux vic-
times et à leur famille d’être reconnue dans leur dignité. Ce sont les comités Vérité
et Réconciliation institués par l’évêque Desmond Tutu à la fin de l’Apartheid en
Afrique du Sud, ou après la dictature militaire en Argentine. Au-delà apparaît la juri-
diction : tribunaux pénaux internationaux consacrés aux conflits de l’ex-Yougoslavie
(la Haye), du Rwanda (Arusha Houtu - Tutsi) et de la Sierra Léone (La Haye).
Lois déclaratoires, stipulant que tel fait s’est objectivement produit : (loi affir-
mant la réalité d’un génocide arménien pour l’Etat ottoman en 1915, disparition,
loi Tobira déclarant la traite atlantique crime contre l’humanité, refus de la loi sur
les éventuels aspects bénéfiques de la colonisation).
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Loi indemnisatrice : ainsi pour la loi espagnole de mémoire en faveur des vic-
times du franquisme et de toute la guerre civile. L’indemnisation doit-elle être la
marque objective de la reconnaissance de la victimisation ?
Une paix durable est-elle voulue ? Elle se heurte aux prémisses de l’anthropologie
négative ; tout être vivant doit s’affirmer par rapport aux autres même s’il réduit
ses intérêts prédateurs. Les humains vivent en communauté, de la famille à la na-
tion, qui ne peuvent pas ne pas être en permanente compétition. Donc, au-delà des
non-violents purs postulant l’amélioration indéfinie dans le futur, de la psychologie,
de la physiologie humaines, les réalistes ne croient pas à une paix perpétuelle qui
engourdirait le dynamisme humain. Certes, ils rejettent la volonté de puissance, la
sélection eugéniste, la glorification de la violence génératrice des vertus morales et
des expressions géopolitiques prônée par les révolutionnaires armés ou les généraux
pangermanistes du IIe Reich. Mais ils estiment que la possibilité d’un conflit favorise
la tonicité et le dépassement de l’esprit humain. Selon eux, l’éventualité d’une guerre
réelle, si elle ne se réalise pas, maintient la diversité des groupes, des sociétés et des
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familiaux, la souffrance humaine : les Misères de la guerre selon Callot, les Désastres
de la guerre selon Goya. Mais au point de vue macro-politique, contre une agression
totale, le maintien à tout prix de la paix peut n’être qu’une reculade qui rendra plus
dure la lutte pour éviter l’asservissement. La dialectique est sans fin…
Dès lors comment croire les invocations à la paix devant les mouvements pa-
cifistes Si vis pacem, para bellim, proclament les réalistes, Si vis pacem, para pacem,
rétorquant les non-violents, les hippies « faites l’amour, pas la guerre », les citoyens
du monde, « Si tous les gars du monde voulaient se donner la main ». Et commente le
poète philosophe Valéry « il n’y aurait de paix véritable que si tout le monde était
satisfait ». Dans ses Regards sur le monde actuel (grandeur et déclin de l’Europe).
Réflexion profonde, ironie facile ou lamentable lapalissade ?
Une paix « non durable » ne serait certes pas souhaitable, mais on peut rêver
d’une paix dynamique mêlant des variables d’ajustement (du style : rebus sic stanti-
bus, clause de révision…) et la sincérité palliative des sous-entendus : la diplomatie
transparente de Wilson face à l’absurde souvent de l’Onu. ce qui débouche sur les
trois anciennes dialectiques. Anticiper les mutations en période calme, aménager les
transitions en période de faibles tensions, aux fins de prévenir les catastrophes qui
emplissent les cimetières.
Notes
1. Lettres de Basil Liddell Hart à Lloyd George d’avril 1929, cité en ses Mémoires, Fayard, 1970,
p. 277. Il reproche à Lloyd George un acharnement à la guerre, que Churchill pousserait
jusqu’à l’inconditionnel surrender.
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2. Voir nos ouvrages collectifs, De la Dégradation du Droit des Gens dans le Monde Contemporain,
Paris : Anthropos Economica, 1981. Terrorisme et Culture, Paris : Cahier de la Fondation
pour les Etudes de Défense Nationale, 1981. Extraits en « Terrorisme et politique », Revue
Politique et parlementaire, N°87, mars-avril 1982, p.75 ; Défense et Histoire, Lettre du CEHD,
N°21, septembre 2004.
3. Discours aux électeurs de la circonscription Staline à Moscou, 9 février 1946 dans l’après
victoire pour une « paix durable », éd sociales, 1949, p13.
4. Scheler, L’idée de paix et le pacifisme, Aubier, 1953. La bombe atomique et l’avenir de l’Homme,
1958, Buchet Chastel, 1963. Hesse, Le Jeu des perles de verre, 1963, Jürgen, l’Etat universel.,
5. Jean Paul Charnay, éd., ouvrage collectif, Le Bonheur par l’empire ou le Rêve d’Alexandre,
Anthropos Economica, 1982.
6. La Paix indésirable, Rapport sur l’utilité des guerres, 1967, trad française, Calman Levy,
1968.
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