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Jean-Louis Chiss

Christian Puech

Signe et langue : idée, projet, point de vue sémiologiques


In: Langages, 26e année, n°107, 1992. pp. 6-27.

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Chiss Jean-Louis, Puech Christian. Signe et langue : idée, projet, point de vue sémiologiques. In: Langages, 26e année, n°107,
1992. pp. 6-27.

doi : 10.3406/lgge.1992.1637

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1992_num_26_107_1637
J.-L. Chiss
Ecole Normale Supérieure de Fontenay-St Cloud. URA CNRS 381
Chr. PUECH
IUFM/Université de Dijon. URA CNRS 381

SIGNE ET LANGUE : IDÉE, PROJET,


POINT DE VUE SÉMIOLOGIQUES

II ne sera pas question ici à proprement parler de faire l'histoire de la sémiologie ou


de la sémiotique, pas même de restituer un fragment, une séquence, dans cette histoire.
Notre propos s'inscrit dans la perspective définie dans certains travaux antérieurs sur
la linguistique structurale naissante, la thématisation de l'écriture dans les théories qui
en sont issues, les représentations d'elle-même que cette linguistique a construites, celles
de son histoire et de ses prospectives, bref, ce qu'il nous est arrivé de nommer son (ses)
horizon(s) de projection l.
Dans ce cadre, l'idée sémiologique, l'idée de sémiologie semble bien offrir un point
de vue privilégié à l'observateur soucieux de décrire une situation complexe dont les
enjeux (une définition de la généralité en linguistique, une détermination des rapports
réciproques de la linguistique et d'une science générale des signes, une prise en compte
de la dimension culturelle de la linguistique, une projection imaginaire et/ou program
matique de son devenir, de son articulation aux autres disciplines de l'homme, une
représentation de sa scientificité et de ses limites, etc.) sont historiquement constitués
et dont, dans le même temps, l'historicité est souvent déniée.

Identité de la sémiologie et histoire des théories du langage

Les critiques récentes du structuralisme des années 60/70 notent volontiers le fait
sans en tirer toutes les conséquences : le paradigme sémiologique s'est imposé un
moment sous couvert d'une « rhétorique de la fin » 2 qui emportait d'autant plus
facilement l'adhésion qu'elle s'appuyait sur une conception de la « rupture » aussi
radicale que sommaire. Parce que la sémiologie se voulait commencement absolu dans
l'ordre polémique, son histoire (de Saussure et Peirce en remontant par Locke jusqu'aux
stoïciens), ne pouvait être qu'une redécouverte, un itinéraire de reconnaissance

1. Cf. J. L. Chiss et Chr. Puech 1987a et b, 1989 et, dans les travaux récents du G.R.H.I.L., « Extension
et limites des théories du langage », J. L. Chiss et Cl. Normand éds, Histoire, Epistemologie, Langage, t. 11 —
fascicule II — 1989.
2. Cf. V. Descombes, 1983 et T. Pavel. 1988. Le chapitre 5 du premier ouvrage (« A l'enseigne du signifiant
émancipé ») entend exclusivement par « sémiologie » une « philosophie sémiologique » qui, certes, procède des
enseignements de Saussure et de la linguistique mais est considérée hors de toute perspective historique. Dans
le second, le thème récurrent de l'illusion (à dissiper par hygiène intellectuelle) affaiblit une thématique (celle
de la modernisation) historiquement intéressante si on la met en relation avec le mouvement des idées de la fin
du XIX " siècle et le contexte d'apparition de la « première » sémiologie « moderne » en Europe. Auroux et
Delesalle (1990) mettent bien en évidence, à partir des figures de Bréal et de Lady Welby, les enjeux qui se sont
noués à cette époque autour de l'existence d'une sémantique linguistique et la véritable ligne de fracture qui
se constitue entre l'idée d'une « science du sens » et celle d'une science des signes. L'idée, contemporaine de celle
de sémiologie, de linguistique générale, vient encore avec Saussure compliquer cette configuration où la notion
de « généralité » devient un enjeu de pensée de premier plan... et pour longtemps.
finalement rassurant puisqu'au service de la modernité la plus évidente, la plus
immédiatement légitime. Le passé n'était convoqué que comme caution du présent, et
la question était moins de restituer un parcours historique, de mettre à jour une
historicité de l'idée sémiologique, que de s'efforcer de retrouver sa consistance à partir
de ses caractéristiques actuelles. Bref, c'est surtout l'autonomie (toujours plus ancienne
qu'on aurait pu le penser, plus radicale que ne le laisseraient penser les revendications
des disciplines contemporaines, mieux établie que ne le laissent penser les critiques de
la modernité...) de la sémiotique / sémiologie, qui faisait l'enjeu de ce type d'histoire.
Dans cette mesure même, on tendait plutôt à éviter qu'à poser le problème
historique par excellence : celui de la stabilité / permanence / identité de l'objet dont on
fait l'étude quand on rapproche sous le nom de « sémiologie » les théories du signe des
stoïciens, la « sêmeiotikê » de YEssai sur l'entendement humain de Locke et The meaning
of meaning de Ogden et Richards, etc. L'homogénéisation diachronique de la sémiolog
ie / sémiotique a sûrement d'abord eu pour fin (et moyen à la fois) la postulation d'une
homogénéité synchronique qui n'avait plus à chercher dans « l'histoire » qu'un recours,
une garantie, un « supplément d'origine ». Chercher au contraire à restituer une
épaisseur diachronique à l'idée sémiologique présente immédiatement une difficulté
majeure que S. Auroux (1979) a nettement mise en évidence à propos du XVIIIe siècle :
« Si la sémiotique existe, cela implique l'existence d'une forme de connexion
minimum entre les termes qu'elle prend pour objet.
Pour l'homme du XXe siècle, habitué (peut-être provisoirement) à voir les traités
linguistiques s'ouvrir sur une définition du signe, il semble tout naturel de chercher
cette connexion dans le rapport que les objets de la sémiotique ont tous au
phénomène du signe et de la signification (...)
Mais comprendre ce qu'est la science des signes, implique que l'on sache ce qu'est son
objet. Or, paradoxalement, le XVIIIe siècle donne peu de définitions de ce qu'il
entend par signe » (p. 21).
Si le XXe siècle semble de ce point de vue incomparablement moins avare en définitions
du signe, cela signifie-t-il que la détermination de l'objet de la sémiologie/sémiotique en
soit radicalement facilitée ?
Et d'ailleurs, dans quelle mesure l'homogénéisation diachronique de la sémiologie ne
recouvre-t-elle pas une opération beaucoup plus complexe que la simple et banale quête
de légitimité : une projection / idéalisation de l'idée de science qui tantôt s'appuie sur la
linguistique pour décliner ses titres, tantôt s'en démarque pour lui conférer un (F)
horizon (de scientificité) qui lui manquerait constitutivement. Cette histoire serait alors
plus longue, plus complexe et différenciée que ce qu'on peut imaginer a priori, et l'on est
en droit de se demander, en particulier, si ce qui vaut, en ce qui concerne la définition
du signe, pour le XVIIIe siècle comme « par défaut », ne vaut pas pour le XXe comme
« par excès » ?
« Si, aux yeux de certains, elle sert à désigner (au XVIIIe siècle) « une science », la
notion de signe n'apparaît donc pas suffisamment constituée pour fournir le point de
départ à des théories dont les concepts et les théorèmes se déploieraient conformé
ment à sa définition initiale » ( Auroux, 1979, p. 22).
Sans doute, au XXe siècle, les définitions du signe donnent-elles lieu à des théoriserions,
conceptualisations plus nombreuses et consistantes dont les noms de Saussure, Peirce et
Morris constituent les principaux repères ; mais, dans leur diversité même, leur relative
incompatibilité ou incommensurabilité si souvent mesurées et commentées (de la
sémantique de Bréal à la science des significations de Lady Welby, de la sémantique de
Darmesteter et Bréal, à la sémiologie de Saussure, de cette dernière aux sémiotiques de
Peirce, Ogden et Richards, Ch. Morris, de la sémantique logique à la sémantique
linguistique... etc.), font-elles autre chose que reconduire, selon un autre style dont les
modalités demandent justement à être précisées, une exigence et une impossibilité à la
fois.

L'exigence serait celle d'une science fondamentale et totalisante par vocation,


susceptible de rendre compte de la totalité du champ culturel à la fois dans la diversité
de ses aspects (les signes) et dans l'homogénéité de ses manifestations (le signe). Dans
les versions les plus rigoureuses de ce projet, c'est le concept de sémiosis qui a la charge
de marquer, à son plus haut degré de généralité, le fait même du signe, ou plutôt, son
principe constitutif, sa dynamique indéfiniment productive :
« La sémiosis est l'opération qui, en instaurant une relation de présupposition
réciproque entre la forme de l'expression et celle du contenu (dans la terminologie de
L. Hjelmslev — ou entre le signifiant et le signifié (F. de Saussure) — produit des
signes (...) » (Greimas et Courtes 1979, p. 339).
Diversité du produit sémiotique, unité de « l'opération » sémiotisante instauratrice,
instituante, dont la définition ne dit pas si on peut l'attribuer à un sujet ou si on doit
plutôt l'imputer à un champ anonyme, une sorte d'agent (opérateur, instaurateur) sans
nom ni visage ni autre matérialité que celle d'une opérativité sans limite : le concept de
sémiosis, dans sa généralité même, porte ici, nous semble-t-il, le poids d'une histoire à
demi implicite. Cette histoire, souvent présentée dans les termes de l'alternative
signe / être, sémiologie / ontologie, met moins en cause à notre avis les systèmes
sémiotiques constitués que la valeur même de l'idée sémiologique ou sémiotique, son
mode d'apparition, au sens où l'enracinement de cette idée est moins disciplinaire dans
une acception étroite du terme qu'il n'est requis, au-delà des frontières disciplinaires,
par l'impossibilité de cantonner la productivité indéfinie de la sémiosis dans un domaine
strict et de concilier l'exigence de totalisation et celle de scientificité.
Exigence et impossibilité, donc, impossibilité (relative) inscrite sans doute dans le
fond d'une exigence dont le caractère spéculatif ne peut être tenu à distance que par la
mise en avant d'un modèle de scientificité, d'un idéal positif de la science, à toute
épreuve : celui de la linguistique structurale, dût-il être infléchi, dépassé et approfondi
pour remplir sa véritable mission, ce que montrent bien les projets sémiologiques,
pourtant largement différents, de Prieto, Buyssens, Greimas et Barthes. Réciproque
ment, l'idée sémiologique fournit à la linguistique structurale l'horizon dont elle peut
ressentir le besoin. Elle le lui fournit d'abord par la mise en perspective de ses
procédures formelles les plus efficaces, dans la mesure où le point de vue sémiologi
que / sémiotique reconduit le linguiste au signe (seule entité positive de la langue selon
Saussure), en faisant sans doute de la sémantique la discipline charnière dont le statut,
plus ou moins confortable, plus ou moins stabilisé, commande les rapports de la
linguistique et de la sémiologie (cf. la distinction sémantique / sémiotique chez
Benveniste, la Sémantique structurale de Greimas, les rapports complexes de la
sémantique de Bréal et de la sémiologie saussurienne, la différence, même, entre une
sémiologie continentale inspirée de la linguistique, et une sémiotique de type américain,
inspirée par la logique et la pragmatique).
D'une certaine manière — et les Notes manuscrites de Saussure comme le Cours,
lorsqu'il s'agit de préciser le mode d'être sémiologique spécifique des signes de la langue,
le confirment largement — l'idée sémiologique ramène le linguiste structuraliste au plus
près du paradoxe constitutif de sa pratique, de l'efficacité de son formalisme : le
paradoxe de l'arbitraire du signe comme « non-rapport » du signifiant et du signifié.

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L'arbitraire du signe et l'idée sémiologique

Là encore, la brutale franchise de cette forme sémiotique par excellence qu'est le


Dictionnaire précise bien les choses, sans omettre de rappeler les développements plus
argumentes et bien connus de Benveniste :
« Le terme d'arbitraire est assez imprécis dans la théorie saussurienne où il désigne
le caractère non fondé, immotivé, de la relation réunissant le signifiant et le signifié,
et constitutive du signe linguistique (...) S'il n'existe aucune relation causale ou
« naturelle » entre le signifié « table » et le signifiant « table », il est impossible, en
revanche, du point de vue du fonctionnement de la langue (ou d'une sémiotique
quelconque), de ne pas reconnaître l'existence d'une relation nécessaire (E. Benven
iste) — ou présupposition réciproque (L. Hjelmslev) — entre le signifiant et le
signifié, relation appelée fonction sémiotique (L. Hjelmslev) dont l'établissement (ou
sémiosis) définit en premier lieu l'acte de langage » (Greimas et Courtes 1979, article
« Arbitraire », p. 18, nous soulignons) 3.
Toute l'ambivalence de l'idée sémiologique vis-à-vis d'une théorie de la langue, d'une
linguistique autonome, transparaît bien à notre sens dans cet argumentaire où la
relativisation — dans un sens peu saussurien (les auteurs ne mentionnant à aucun
moment, d'ailleurs, la notion « d'arbitraire relatif » si importante dans le Cours) — de
l'arbitraire saussurien vient, d'une part, garantir une continuité des signes non-
linguistiques aux signes linguistiques (là où Saussure chercherait plutôt la spécificité du
linguistique comme tel) et, d'autre part, transférer une propriété fondamentale du signe
(linguistique comme non-linguistique), à une sorte de « fonction herméneutique » des
sujets (individuels et collectifs), analogue, parallèle et / ou complémentaire de la
fonction sémiotique, là où Saussure cherchait plutôt à tempérer le principe sémiologique
général (absolu) de l'arbitraire par la prise en compte d'un phénomène linguistique
spécifique : l'arbitraire relatif, la relation des deux axes syntagmatique et paradigma-
tique, la valeur. C'est sans doute que sémiologues / sémioticiens et linguistes (la
frontière n'est pas étanche), confirment, en lui donnant en quelque sorte une valeur
rétrospectivement prophétique, le caractère circulaire des indications quant aux
définitions respectives de la sémiologie et de la linguistique que l'on trouve chez
Saussure.
On se souvient en effet du texte du Cours que confirment les Sources manuscrites :
d'un côté,
« II est évident aussi que la langue n'embrasse pas toute espèce de système formé par
les signes. Il doit donc exister une science des signes plus large que la linguistique
(système de signes :) maritimes, des aveugles, des sourds-muets et enfin le plus
important : l'écriture elle-même ! » (II R 12 = CLGD/E p. 46).
Mais de l'autre côté, système sémiologique le plus répandu et le plus complexe, la langue

3. Ces remarques concernent la « nécessité logique » du lien du signifiant et du signifié ; les auteurs
développent ensuite les aspects de sa « nécessité sociale » : Saussure se contredirait en affirmant à la fois le
caractère arbitraire du signe linguistique et son caractère social. On retrouve ici l'argumentaire « classique »
depuis la parution du Cours et les premiers comptes-rendus : si la langue est une convention, les signes qui la
composent ne sauraient être arbitraires, toute convention supposant une convenance dans son principe même.
Quant à la distinction dans les degrés d'arbitrarité opérée par Saussure (et explicitement signalée par lui comme
différence de nature du signe linguistique d'avec les autres types de signes et d'institutions), les auteurs du
Dictionnaire prennent soin de l'imputer, non aux signes eux-mêmes, mais à l'interprétation des signes,
c'est-à-dire au « sentiment » ou à « l'attitude qu'une communauté ou qu'un individu entretiennent à l'égard
des signes qu'ils utilisent ». Il s'agit donc là — concluent Greimas et Courtes — de faits « métasémiotiques »,
et non sémiotiques.
offre toutes les caractéristiques d'un modèle, d'un « patron » qui présenterait pourtant
avec les autres systèmes une différence de nature plus que de degré ; ce que les Sources
consignent à leur manière :
« Mais la langue se distingue de plusieurs manières au sein des institutions sociales.
On peut la rapprocher des institutions juridiques, rituelles, etc. ; elles aussi se
développent de manière un peu analogue. Mais ces institutions ne concernent que
certains individus à certains moments ; aucune autre que la langue n'est livrée à
tous, demande que chacun y ait sa part, son influence » (D7 = CLG/E : 273).
L'insuffisance de la notion de convention, avec ce qu'elle suppose de consensus
« raisonnable » ou rationnel, la critique sur ce point de Whitney et de l'assimilation de
la langue à une institution « analogue » aux autres institutions, aboutissent bien chez
Saussure à une définition moins sommative que restrictive de la sémiologie. Comme le
soulignent les Sources Manuscrites à plusieurs reprises, l'intégration « sémiologique » de
la linguistique dans un ensemble plus vaste de sciences (psychologie, sociologie,
économie, psychologie sociale...) ne pourra se faire que si émerge le socle commun à
partir duquel elles deviendront commensurables : la valeur. L'oubli de cette dimension
projective / réformatrice de l'idée sémiologique chez Saussure, les malentendus innomb
rables concernant la notion d'arbitraire produiront sans doute, plus que la lettre du
Cours, le premier moteur de « l'aventure sémiologique », de son histoire.

Quoi qu'il en soit, le principe sémiologique par excellence, l'arbitraire du signe,


condense, semble-t-il, tous les paradoxes de l'idée sémiologique, en commençant
a) par celui d'une « science » distincte, qui engloberait la linguistique à qui elle
emprunterait pourtant son « patron » ; en poursuivant par
b) celui d'une sémiosis qui se confond avec l'arbitraire du signe sans en épuiser
toutes les dimensions, puisque ce dernier relèverait finalement du sentiment, de
l'attitude individuelle ou collective, dont l'analyse revient à un point de vue métasé-
miotique, (mais le point de vue métasémiotique est-il radicalement distinct du niveau
sémiotique proprement dit ?) ; pour culminer
c) dans la formulation d'une exigence (comprendre le lien qui, dans les faits de
langue, unit le son et le sens) qui risque de faire de la langue un objet sémiologique
« sans analogue » plutôt qu'un modèle véritable.

Selon des styles épistémologiques différents, il nous semble qu'on peut suivre le
destin de ces trois difficultés dans la postérité linguistique saussurienne, au point de se
demander si l'idée de sémiologie n'est pas, sur le versant proprement linguistique,
surtout un point de contradiction, ou, à tout le moins, de tension et de recouvrement
des tensions (quel sort pour le sens ?) et sur le versant proprement sémiologique (Prieto,
Buyssens, Barthes, Greimas), le développement d'un métadiscours périlleux toujours
travaillé par le désir de rompre avec ce qui le fonde (le thème toujours reconduit de
« l'autonomie » de la sémiotique). Cette hypothèse, qui situe l'idée de sémiologie en deçà
du projet et de l'épistémè sémiologique dont elle détermine aussi le sens, renvoie à trois
questions principales complémentaires :
1) Qu'est-ce qui distingue, historiquement, l'idée d'une science générale des signes,
articulée à une conceptualisation (linguistique) de la langue, d'une philosophie de la
culture elle aussi attachée à la thématisation de la langue, philosophie de la culture qui
a pu se manifester au XXe siècle chez Cassirer ou, dans un tout autre contexte, chez M.
Merleau-Ponty à un moment historique où l'existence d'une science du langage ne
pouvait être ignorée ?

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2) Qu'est-ce qu'un projet sémiologique qui se réclame de la positivitě, de l'autono
mie? Comment pense-t-il son rapport à la linguistique et son « autonomie disciplinai
re
», en fonction de quelle représentation de la science ?
3) Enfin, qu'est-ce que l'épistémè sémiologique et dans quelle mesure est-elle
inauguratrice ? Quels types de rapports entretient-elle avec ce avec quoi elle
prétend / veut rompre (philosophie, linguistique, philologie...) ?
La réponse à ces questions que nous essayons seulement ici de préciser, de
circonscrire, met en cause deux problèmes très étroitement liés entre eux et que nous ne
séparons pas véritablement, tant il nous semble que la coupure (la typologie des
sémiologies / sémiotiques) passe moins entre la nature philosophique de certains projets
généraux et la nature scientifique d'autres projets de sémiologie régionale, qu'entre des
sémiologies linguistiques ou philosophiques d'une part, et des sémiologies à vocation
« autonome » de l'autre, les deux également attachées au prestige du statut de
scientificité.
Le premier problème concerne l'émergence même de l'idée d'une science générale des
signes et son contenu dont la linguistique constituerait — sur le modèle saussurien non
réduit — à la fois le « patron » et le modèle. Le second concerne la réorganisation des
disciplines impliquées dans l'émergence d'un champ sémiologique, et la place occupée
par la linguistique (sa place et sa forme, sa « problématique de soi » 4, en somme) dans
ce champ.

L'encyclopédisme sémiologique dee linguistes

Si on réserve, par provision, la spécificité de la construction greimasienne (sûrement


la plus importante et influente en France), il semble que c'est chez Benveniste et
Jakobson que l'héritage saussurien (si on entend bien par là la définition paradoxale des
rapports linguistique / sémiologie qu'il lègue), s'exprime de la manière la plus parlante
en illustrant les deux problèmes mentionnés à l'instant et en confirmant l'importance
d'une idée sémiologique distincte du projet et de l'épistémè sémiologique. Symétrique
ment, les deux linguistes illustrent sans doute le fait que la linguistique est devenue, au
cours des années 50 et 60, un enjeu philosophique de toute première importance, comme
s'il s'agissait pour eux de refléter / confirmer « l'inquiétude philosophique » de l'époque
dans une semi-conscience théorique, tout en poursuivant leurs propres fins 5.

4. L'expression appartient à Judith Schlanger (1979, p. 14) et désigne la manière dont une problématique
spécifique (scientifique, disciplinaire) communique avec l'ensemble du champ culturel sans cesser de s'appar
tenir en propre :
« Dans sa dimension culturelle, une problématique est une problématique de soi. Autant que de comprendre
ce qui est directement en cause, il s'agit de se formuler et de se situer ».
Il nous semble que la sémiologie relève deux fois au moins d'une telle dualité : une première comme objet dans
la mesure où sa première tâche est toujours de se définir ; une deuxième comme métalangue (et, plus
généralement, comme « passion » du niveau « meta »), dans la mesure où, dès le Cours, et de manière constante
ensuite, son émergence est toujours pensée à la fois comme modernisation / réorganisation de toute la
configuration des sciences de l'homme, et pôle de « réorientation » de la linguistique.
5. The Encyclopedic Dictionary of Semiotics de T. A. Sebeok (1986) réserve à l'article Semiotics, une place
relativement importante aux relations de la eémiotique et de la linguistique (p. 912 sq.) mais tend, surtout, à
reconstruire l'histoire de la sémiologie / sémiotique comme celle d'une marche sinueuse mais sûre vers
l'autonomie.
« By the late seventies then, that is, within half a decade, the linguistic model, the « archetype »... for
semiological inquiry » experiences a stark shift in its hierarchical position among related sciences. Sebeok's
sobering characterization of linguistics as being « alias semiotics » signals the turning point » (p. 912).
C'est sans doute que — mais cela n'est pas dit — la promotion du modèle génératif a, à titre de conséquence

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• Chez R. Jakobson, le point de vue disciplinaire est incontestablement privilégié
en particulier dans le Rapport destiné à l'Unesco sur les grandes tendances de la
linguistique, rédigé en 1970 (Jakobson 1970-1973). La sémiotique y apparaît nettement
comme le carrefour qui permet, au sens propre, de s'orienter dans l'épistémè contemp
oraine, à partir de la linguistique dont l'auteur tient d'ailleurs d'emblée à rappeler,
contre une certaine doxa de l'époque, l'origine très ancienne. La perspective encyclo
pédique est alors nettement affirmée, ainsi que l'analogie avec le domaine des sciences
de la nature :
« On s'est demandé si « l'admirable collaboration interdisciplinaire » qui unit entre
elles les sciences naturelles peut valoir aussi pour les sciences de l'homme (...) Cette
incertitude semble remonter aux premières tentatives de classification qui ne
tenaient pas compte de la science du langage. Cependant si la linguistique est
précisément choisie et utilisée comme point de départ d'un classement provisoire des
sciences de l'homme, c'est qu'un tel système fondé sur les principales affinités des objets
classés trouve des bases théoriques solides » (1970-1973, p. 26 ; nous soulignons).
Si l'on ne peut exclure que le genre auquel appartient le texte pousse Jakobson à forcer
le trait, on ne peut s'empêcher non plus de penser qu'il poursuit, avec cette perspective
encyclopédique, autorisée par le projet sémiotique, une démarche inaugurée très tôt par
le collègue genevois de Saussure, A. Naville (1901) qui, le premier, prenait acte de
l'émergence de l'idée sémiologique, dans la perspective explicite d'une classification des
sciences :
« M. F. de Saussure insiste sur l'importance d'une science très générale, qu'il appelle
sémiologie et dont l'objet serait les lois de la création et de la transformation des
signes et de leur sens (...) Comme le plus important des systèmes de signes c'est le
langage conventionnel des hommes, la science sémiologique la plus avancée c'est la
linguistique ou science des lois de la vie du langage » (chap. 5, p. 104).
C'est de manière systématique que Jakobson reprend ce thème de la classification des
sciences et l'articule à celui de la classification des signes et systèmes sémiotiques : de
l'écriture aux systèmes « idiomorphes » (qui se rapportent indirectement au langage),
en passant par les langues artificielles ; ou bien, du particulier vers le général,
c'est-à-dire du groupe des disciplines sémiotiques proprement dites vers les disciplines
de la communication, une continuité essentielle ordonne les différentes sciences de
l'homme. D'abord parce que
« Le rapport entre le langage et les autres types de signes peut servir de premier
critère de classification » (1973, p. 28) ;
ensuite parce que l'extension et la compréhension de la notion de communication
permet de rendre compte aussi bien de l'anthropologie sociale, de l'économie que de la
linguistique et de la sémiotique elle-même. La sémiotique apparaît alors au moins
autant comme une dimension des pratiques et pensées humaines que comme une
discipline aux frontières nettement établies : elle s'approprie en particulier la connais
sancedes mythes dans un geste qui s'autorise aussi bien de l'ethnologue Cl. Lévi-Strauss
que du linguiste Saussure, le Saussure des Légendes cité par Jakobson d'après Godel
(1957) :
« II est vrai qu'en allant au fond des choses, on s'aperçoit dans ce domaine, comme
dans le domaine parent de la linguistique, que toutes les incongruités de la pensée

involontaire, « libéré » la sémiotique de son complexe originaire :


« With the maturation of the discipline of semiotics, however, the singular glory of linguistics begins to
assume the characteristics of a burden... » (ibid.).

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proviennent d'une insuffisante réflexion sur ce qu'est l'identité ou les caractères de
l'identité lorsqu'il s'agit d'un être inexistant comme le mot ou la personne mythique
ou une lettre de l'alphabet qui ne sont que différentes formes du SIGNE au sens
philosophique ».
Mais le rapport aux sciences de la nature n'est pas, chez Jakobson, qu'analogique. S'il
guidait tout à l'heure l'effort pour repenser l'unité articulée des sciences de l'homme, il
sert aussi, dans la troisième partie de l'exposé, à situer la linguistique comme science
sémiologique par excellence sur l'axe dichotomique nature / culture dont « l'extrême
complexité » est soulignée (p. 47). C'est sans doute que le point de vue encyclopédique
implique une puissance intégrative considérable, qui tend vers la totalisation exhaust
ive,sans pouvoir toutefois se couper de son fondement : une théorie du signe
linguistique (une théorie linguistique du signe), du biface, qui risque d'en limiter la
portée, les ambitions, et pose en tout cas le problème de l'existence et du statut des
systèmes de signes « naturels ».
Si l'on veut se convaincre de ce que cette dernière question n'est pas marginale dans
les projets sémiologiques et qu'elle constitue sans doute l'un des points de démarcation
principaux aux limites de la distinction technique entre les différents types de signes, les
différentes manières de concevoir la « sémiosis », et les conceptions philosophiques plus
ou moins explicites et assumées, il suffit de rappeler que la sémiotique de Peirce, par
exemple, refuse de réduire son domaine de départ à une théorie du signe verbal. Le signe
n'est plus alors l'unité minimale de signification, et toute chose, tout phénomène, même
le plus complexe est susceptible de devenir signe pour peu qu'il entre dans un processus
sémiotique, c'est-à-dire rencontre l'interprète qui le réfère à une autre réalité que
lui-même. Du même coup, ce qui chez Jakobson relève d'une intégration encyclopédi
que des disciplines relève plutôt chez Peirce d'une puissance d'imposition philosophique
liée à la conception triadique du signe qui est la sienne, et se confond avec une puissance
d'élucidation du sens dont l'exploration relève d'une véritable anthropologie
philosophique 6.
On comprend encore dans cette perspective la véritable délectation éprouvée par T.
Sebeok, ardent défenseur de la zoosémiotique, pourfendeur de « l'anthropocentrisme »
de la sémiologie de R. Barthes, à citer ces lignes de Ch. Morris sur Peirce, non sans avoir
auparavant rappelé l'admiration de Ogden et Richards pour le sémioticien américain :
« Sa classification des signes (celle de С S. Peirce), son refus de séparer complètement
le procès de signe chez l'homme et chez l'animal, ses remarques, souvent subtiles, sur
les catégories Linguistiques, son application de la sémiotique aux problèmes de
logique et de philosophie, et la rigueur habituelle de ses observations et distinctions
font de ses études en sémiotique une source de stimulation intellectuelle qui a peu
d'égal dans ce domaine » (Morris, 1971, cité dans Seboek, 1979, p. В 10, nous
soulignons).
Après avoir fait part de sa « chance » historique — celle d'avoir pu assister et participer
successivement aux enseignements de Morris, puis de Jakobson, « qui se sont influencés
mutuellement » — T. Sebeok fait le bilan de ce qui lui semble être le seul résultat
véritablement incontestable des recherches sémiotiques du XXe siècle, soulignant ainsi
l'une des lignes de fracture les plus profondes du domaine :

6. « Si dee signes sont reliés entre eux, quelle que soit la façon dont ils le sont, le système qui en résulte
constitue un signe ; ce qui fait que, résultant d'un grand nombre de connexions provenant ďappariements
successifs, un signe fréquemment en interprète un autre, à condition toutefois qu'il soit « marié » à un troisième
signe. (...) Ainsi, la pensée d'un groupe social est un signe ; et le corps entier de toute pensée est un signe si on
suppose que toute pensée est plus ou moins reliée à d'autres » (1904, MS 1476 ; cité par N. Everaert-Desmedt,
1990).

13
« Le mouvement en faveur d'une définition de la pensée sémiotique dans le cadre
biologique et anthropologique d'une théorie de l'évolution représente cependant, à
mes yeux, la seule tendance originalement neuve et effectivement holistique du
XXe siècle dans ce domaine... » (in A. Helbo, 1979, p. В 12).
Quoi qu'en dise T. Sebeok, il nous semble que la quête encyclopédique de Jakobson est
à la fois moins cohérente et plus complexe que cette intégration pure et simple de la
sémiotique à la « naturalité ». Cette complexité oriente en tous cas son exposé (1970/73)
vers trois opérations principales :
— mettre en évidence le mixte indécomposable d'inné et d'acquis qui préside à
l'acquisition de la parole chez l'enfant et à l'émergence de la faculté de langage chez
l'homme ;
— tirer tous les bénéfices analogiques possibles des développements de la génétique
de pointe de l'époque à propos du concept de code génétique pour enraciner l'aptitude
sémiotique humaine au cœur même de la « première manifestation de la vie » 7 ;
— conclure enfin par un artifice rhétorique à peine visible (après ces sommets) sur
l'importance de la linguistique et clore un itinéraire amorcé avec des considérations sur
la science du langage, par un développement sur le langage de la science.
« La science étant en fin de compte une représentation linguistique de l'expérience,
l'interaction entre les objets représentés et les instruments linguistiques de la
représentation exige, quelle que soit la discipline considérée, un examen préalable de
ces instruments » (1973, p. 66).
A ce degré de généralité, le point de vue sémiotique, qui se confond avec « toute
représentation linguistique de l'expérience », peut-il trouver une limite quelconque et
n'y va-t-il là « que » de « l'élargissement de la portée des opérations analytiques et
synthétiques » de la linguistique comme l'affirme Jakobson en conclusion ?

• La rigueur de Benveniste n'échappe pas tout à fait à cette sorte de « dérive


océanique » qui conduit à envisager la possibilité d'une anthropologie sémiologique
généralisée dont la linguistique serait l'axe principal. Et, d'ailleurs, les philosophèmes
des deux linguistes saussuriens ne se répondent-ils pas en écho, au plus près de l'idée du
rôle-pilote de la linguistique dans les disciplines de l'homme ? Sans multiplier des
citations redondantes et (assez) bien connues, on ne peut que constater, chez les deux
linguistes, une convergence de vues en ce qui concerne à la fois — et encore une fois —
la double nécessité d'élargir le domaine de la linguistique et celle de ne rien céder sur la
spécificité de son objet.
BENVENISTE : « Quant à la place du sémiotique, je crois que c'est un ordre
distinct qui obligera à réorganiser l'appareil des sciences de l'homme (...) On connaît
les tentatives qui sont faites actuellement pour organiser en notions certaines
données qui relèvent de la culture, de l'homme et de la société, grâce à la propriété
de signification dont nous essayons de dégager la nature et le domaine » (1974,
p. 238).
« La langue est nécessairement l'instrument propre à décrire, à conceptualiser, à

moléculaire et le patrimoine verbal, condition nécessaire de la tradition culturelle » (1973, p. 55).

14
interpréter, tant la nature que l'expérience, donc ce composé de nature et d'expé
rience qui s'appelle la société » (ibid. p. 97).
JAKOBSON : « II est évident que le langage est un élément constitutif de la culture
mais, par rapport à l'ensemble des phénomènes culturels, son rôle est celui d'une
infrastructure, d'un substrat et d'un véhicule universel » (1973, p. 35).
La facilité consiste à ne considérer ces déclarations que comme l'expression d'une
« doxa » structuraliste sans véritable intérêt autre que documentaire sur une époque
d'illusions (heureusement) révolue : c'est, globalement, le point de vue adopté par les
critiques que nous évoquions au début de cet article. On peut penser, au contraire, que
s'exprime ici l'aboutissement d'une histoire dont les principaux intéressés ne se savent
pas nécessairement porteurs. Chez Benveniste, en effet, le thème « structuraliste » par
excellence du rôle-pilote de la linguistique dans les sciences humaines, la nécessité d'une
« sémiologie de deuxième génération », reposent sur la conviction que « le niveau
signifiant unit l'ensemble des sciences humaines » (1974, p. 38). Le thème « encyclopé
dique », chez lui, s'exprime de manière plus éloquente encore que chez Jakobson dans
le prolongement d'une véritable « méditation fondamentale » de nature quasi ontolo
gique — présente dès 1963 — sur l'incidence de la « fonction symbolique » dans
l'appréhension de la « condition humaine ». Système symbolique fondamental, le
langage en effet
« dévoile une des données essentielles, la plus profonde peut-être, de la condition
humaine, c'est qu'il n'y a pas de relation naturelle, immédiate et directe, entre
l'homme et le monde, ni entre l'homme et l'homme » (1969, p. 25/26).
L'assignation d'un « niveau proprement sémiotique » passe ici par l'affirmation d'une
« anti-nature » qui renoue bien sûr avec un fonds philosophique très ancien, commun
ique avec la détermination de la condition humaine comme « échappement » inspirée
des sciences humaines « rénovées », et dont on trouve une version développée dans la
philosophie de Merleau-Ponty 8, mais implique surtout une prise de position particu
lièrement nette à l'égard des sémiotiques constituées. C'est le cas, de manière très
cohérente, vis-à-vis de la sémiotique peircienne, mentionnée et écartée dans un même
mouvement par Benveniste, car « en ce qui concerne la langue, Peirce ne dit rien de
précis ni de spécifique » (1974, p. 44) 9. Ici encore, et plus nettement que chez Jakobson,
l'axe nature j culture, le statut des « signes naturels », fournissent bien la ligne de
partage entre une sémiologie « d'origine » linguistique et une construction sémiologique
qui cherche, d'emblée, à fonder son autonomie au plus près de la rationalité des sciences
de la nature, en n'hésitant pas à conférer à nouveau aux sciences de la vie le rôle
fondateur / organisateur que le point de vue sémiologique de Saussure visait justement
à leur contester.

Dans cette mesure, l'insistance de Benveniste sur la spécificité du système symbol


iquequ'est la langue n'est plus seulement ici de principe ou de conviction : elle ne se
comprend que dans le fil des travaux du continuateur de Saussure et des difficultés
grandissantes qu'il rencontre dans le domaine des analyses proprement linguistiques, et
tout spécialement dans le détail des analyses de la liaison forme / sens qui polarisent son

8. Cf., en particulier, dans Signes, « Le philosophe et la sociologie ». Pour une mise en perspective plus
développée : Puech, 1985 (repris dans 1987) ; l'importance de la figure du philosophe en ce qui concerne
l'invention et la propagation du paradigme structuraliste a été très largement recouverte et déniée dans la
période du « structuralisme généralisé » triomphant.
9. Cf. au sujet des rapports Benveniste / Peirce, J. Réthoré 1986, « Benveniste lecteur de Peirce », in
Angewandte Semiotik, 5, OGS, Wien.

15
intérêt 10. Chez Benveniste, l'idée de sémiologie ne « s'ajoute pas » en effet au travail
proprement linguistique qui consiste à dégager la signification de relations formelles
intra-linguistiques : elle se confond plutôt d'abord avec ce travail même, travail qui
implique de ne jamais se satisfaire d'une simple description extérieure du fait
linguistique, mais de s'élever ensuite jusqu'à la compréhension de « la structure intime
du phénomène », c'est-à-dire, sa signification n. C'est la prise en compte très saussu-
rienne de ce point de vue sémiologique sur la langue qui se transforme, ensuite, en
liaison étroite avec le développement des analyses originales du linguiste concernant le
statut de « l'homme dans la langue », pour s'élargir jusqu'à l'idée intégrative d'une
sémiologie « généralisée » « de deuxième génération ». Le prix de cet élargissement,
c'est le brouillage de plus en plus évident des repères, des limites de « l'interne » et de
« l'externe » 12, du sens de la notion de « système » au profit d'une conceptualisation
certes embryonnaire mais bien présente de la totalité du champ culturel :

« C'est le pouvoir d'action, de transformation, d'adaptation qui est la clé du rapport


humain entre la langue et la culture, un rapport d'intégration nécessaire » (1969,
p. 24 ).

La célèbre distinction entre sémiotique (la linguistique « interne » de Saussure) et


sémantique (prise en compte du sujet, de la référence, de la socialite, bref, de
« l'externe ») ne concentre-t-elle pas de la manière la plus éloquente ce double
mouvement qui enracine l'idée de sémiologie au cœur même de l'analyse linguistique
pour chercher ensuite la solution des difficultés qu'on y rencontre dans un « ailleurs »
englobant ? Ainsi, la sémiologie se constitue-t-elle en un véritable « point de fuite »,
dans tous les sens de l'expression, de la linguistique.
« Intégrer », « totaliser », « fonder » : l'idée de sémiologie exprime d'abord le
sentiment paradoxal du linguiste vis-à-vis de sa discipline ; plus son autonomie s'affirme
dans la mise en œuvre de procédures spécifiques et plus le besoin d'un fondement
ultime, d'une compréhension étendue, se fait ressentir dans un mouvement de
dépassement et d'intégration à la fois. La sémiologie remplit alors (dans cette projection
« idéelle » qui n'atteint pas encore le statut de « programme », de « plan ») la fonction
d'une représentation épistémologique, d'une « présentation de soi de la discipline » où,
ce qui fonde (la scientificité de la linguistique), et ce qui est fondé (l'extension sans
limite de la sémiologie), peuvent échanger subrepticement leurs rôles.
Selon un axe de symétrie parfait, ce double jeu se vérifie si l'on porte attention aux
entreprises (à certaines d'entre elles) qui revendiquent le statut, en tous cas le titre, de
sémiologies j sémiotiques.

10. Cl. Normand (1989) a mis en évidence cette relation étroite des analyses linguistiques, de leur genèse,
de leur contradiction croissante avec la présence, l'insistance grandissante, l'élargissement, aux dimensions
d'un océan sans rivage, de l'idée de sémiologie. Cf. également Emile Benveniste aujourd'hui, Actes du colloque
international du CNRS, 1983, Tours.
11. « Le langage a pour fonction "de dire quelque chose". Quel est ce quelque chose en vue de quoi le
langage est articulé et comment le délimiter par rapport au langage lui-même ? Le problème de la signification
est posé » (1954/1969, p. 7 ; nous soulignons).
12. Cf. Cl. Normand 1989, p. 163 : « Or cette opposition signifiante, qui n'est signifiante que parce qu'elle
est opposition, c'est celle-là même que la théorie métalinguistique s'acharne à dépasser par une intégration
toujours plus large de l'externe dans l'interne ».

16
Une sémiologie d'inspiration saussurienne ?

Mais s'il faut déjà concevoir l'histoire d'une discipline comme une « histoire des
problèmes » 13, à quelle « surproblématisation » a-t-on affaire quand il s'agit de suivre
le destin d'un projet, le devenir d'une idée, la transformation d'un point de vue ou d'un
horizon ? Certes, il s'expose des positivités concernant la sémiologie et la sémiotique
sous la forme — nous le remarquions précédemment — du dictionnaire (Greimas et
Courtes, 1979 et 1986, bien sûr, mais aussi Sebeok, 1986), de l'encyclopédie (Prieto,
1968), du « quasi-atlas » (Helbo, 1979), de l'introduction (Mounin, 1970 ; Courtes,
1976), des « Eléments » (Barthes, 1964), mais, dans le même temps et parfois au sein des
mêmes ensembles, s'expriment des perspectives et des exigences, des ouvertures et des
perplexités auxquelles correspond souvent la forme de l'« essai » ou des « essais »
(Prieto, 19756 ; Greimas 1970 et 1983, Buyssens, 1943). Il peut ainsi s'agir d'essayer
littéralement de réaliser une intention profonde, un « vœu » explicite, celui de Saussure,
comme c'est clairement le cas chez Barthes et Buyssens : quelles que soient ses
considérables oppositions internes, la « sémiologie d'inspiration saussurienne » apparaît
alors dans le champ de la tradition linguistique contemporaine, dessinant un espace à
géométrie variable suivant le jeu des filiations et paternités à partir des « fondateurs »
et « refondateurs ».
C'est alors le lexique du déplacement, de la redistribution, de la reformulation qui
sert d'opérateur à la mise en relation des conceptualités saussurienne et hjelmslevienne :
gestion heuristique par « Hjelmslev et le post-hjelmslevisme formalisant » (Parret et
Ruprecht, 1985, p. XXV) d'une partie de l'héritage saussurien (« la langue est un
système de différences »), ce qui impliquerait une « lecture » non-substantialiste du
Cours et des Sources Manuscrites, à l'opposé de celle que symbolisent, de manière
maintenant topique, les noms de Jakobson et Martinet (cf. Parret et Ruprecht, op. cit.,
reprenant la distinction de Derrida devenue « classique » sur les deux lignées « phono-
logiste » et « algébriste » de la linguistique européenne du XXe siècle) ; version réduct
ricede cette gestion chez Barthes (1964, p. 94) :
« Hjelmslev n'a pas bouleversé la conception saussurienne de la Langue / Parole,
mais il en a redistribué les termes d'une façon plus formelle » ;
version maximaliste qui sauve, par provision, le « mot » de l'un mais consacre le
dispositif de l'autre :
« Hjelmslev, tout en gardant le terme de Saussure, le dote d'une signification
précise : il entend par « sémiologie » la méta-sémiotique scientifique dont la
sémiotique-objet n'est pas scientifique : de la sorte, il exclut du domaine de la
sémiologie, d'une part, les sémiologies connotatives, c'est-à-dire les langages de
connotation, et, de l'autre, les méta-sémiotiques qui ont pour sémiotique-objet des
sémiotiques scientifiques (les langages logiques, par exemple) » (Greimas et Courtes,
1979, article « Sémiologie »).
Cette consécration installe un nouvel héritage :
« La théorie du langage, présentée par L. Hjelmslev, peut être considérée comme la
première théorie sémiotique cohérente et achevée : elle a été un facteur décisif dans

13. C'est du moine ce qu'affirme P. Judet de la Combe pour la philologie : « Si elle se conçoit comme une
histoire des problèmes, une histoire de la discipline peut se donner comme tâche première d'exhumer sous la
masse des productions scientifiques relatives à une question particulière les différents types de construction de
l'objet, utilisés de manière implicite le plus souvent, et, pour rendre compte des « conflits d'interprétation »
entre écoles ou même entre les philologies des divers pays, de mettre à nu la logique de leurs compatibilités ou
incompatibilités » (1990, p. 36).

17
la formation de la sémiotique en France » (Greimas et Courtes, 1979, article
« Glossématique »).
Dans la duplication du commentaire, c'est alors la référence saussurienne qui se trouve
définitivement éloignée :
« C'est A. J. Greimas qui transforme la conception stratificationnelle du sens en une
conception transpositive du sens. On est déjà bien loin de la vue fixiste d'un Saussure
où la sémiosis était conçue comme une « toile d'araignée » idéale de relations
synchroniquement données » (Parret et Ruprecht, 1985, p. XXV).
On confirme bien, à travers ce très bref aperçu de stratégies discursives autour du
couple Saussure / Hjelmslev, que, parce qu'elle est toujours une aspiration et un projet,
la sémiologie (ou la sémiotique) redouble les difficultés inhérentes à la genèse des
théories du langage : sans « méta-savoir fondateur ou catégoriel irréfutable », signe
d'une « Krisis permanente » (Parret et Ruprecht, 1985, p. XXIII et XXIV), elle
circonscrit moins des objets qu'elle n'élargit des horizons, restant « à édifier » (selon le
premier mot de Barthes 1964, p. 92) sans doute à chaque étape de ce que le désir de
cumulativité scientifique persistera à appeler son « développement ». Mais qu'il faille
sortir de ce « cercle vicieux » (Barthes, ibid.) où il s'agirait d'exposer du savoir non
constitué est, depuis longtemps, apparu comme une nécessité, au risque que la
trajectoire vers la totalisation ne compromette la consistance des entrées et prémisses...

Du point de vue sémio(phono)logique à la totalisation : Prieto

On sait, à partir des travaux constitutifs et réflexifs de L. J. Prieto, que si l'on s'en
tient à la position d'un champ dit « sémiologie d'inspiration saussurienne », il convien
drait de distinguer la sémiologie de la communication (représentée essentiellement par
Buyssens et lui-même) et la sémiologie de la signification (à laquelle Barthes aurait
attaché son nom). Une troisième sémiologie, de « la communication artistique » (Prieto,
1958, repris dans Prieto, 1975a, p. 115 sq.), emprunterait ses principes constituants aux
deux précédents domaines à la fois. En fait, au-delà des débats à reprendre sur les
divisions de l'« objet » et les implications de ces recherches, on insistera d'emblée sur la
caractérisation par Prieto de la sémiologie comme projet 14 et comme cadre théorique
pour la linguistique. Prieto concède volontiers à Barthes l'importance relative voire le
caractère « dérisoire », aux dires de ce dernier, des signaux routiers, maritimes ou
cartographiques et réduit d'autant la positivité des sémiologies de la communication
(les codes réels secondaires) pour privilégier le calcul des codes possibles afin de « mieux
comprendre la spécificité et l'originalité du phénomène linguistique » (1975a, p. 115) :
« Comme la linguistique générale, la sémiologie de la communication n'est pas une
science de constatation de faits réels, mais une science de calcul de faits possibles —
ce qui ne veut nullement dire qu'elle n'est pas applicable à la réalité. Ce qu'elle se
propose c'est de calculer toutes les formes possibles que peut prendre le phénomène
de la communication et cela surtout pour étudier les langues dans ce cadre général dans
lequel seulement on peut reconnaître la raison d'être de chacun de leurs mécanismes
et distinguer ceux qu'elles possèdent en commun avec les codes non-linguistiques et
ceux qui font, au contraire, leur originalité. C'est pourquoi la sémiologie ainsi conçue
constitue à mon avis la meilleure introduction à la linguistique générale. Ce n'est

14. « ...la sémiologie n'étant jusqu'ici, quelle qu'en soit la branche que l'on considère, qu'en bonne partie
un projet... » (1971, repris dans Prieto 1975a, p. 132, nous soulignons).

18
d'ailleurs pas autrement que Buyssens, qui sous-titre son livre « Essai de linguistique
fonctionnelle dans le cadre de la sémiologie » la conçoit en 1943 » (Prieto, 1975a,
p. 138 ; nous soulignons).
Historiquement — et géographiquement — solidaire de l'idée « européenne » de
linguistique générale, le projet sémiologique doit ainsi être entendu comme étude des
conditions de possibilité de la communication, c'est-à-dire, point de vue à partir duquel
on va considérer les systèmes de signes et particulièrement les langues dans leur
spécificité fonctionnelle. C'est indissolublement dans l'horizon de la radicalisation de la
notion saussurienne de point de vue et dans l'espace ouvert pour le structuralisme
linguistique et « généralisé » aux sciences humaines par la phonologie pragoise que doit
se penser l'irréductibilité de la langue comme « structure sémiotique ».
Si, pour Prieto (1975a, p. 165), la langue est une « structure d'un autre type », c'est
parce que la structure des oppositions signifiantes et la structure des oppositions
signifiées « se fournissent réciproquement la pertinence ». Alors que toutes les diffé
rences traditionnellement alléguées entre langue et code non-linguistique (créativité,
double articulation, caractère phonique de l'expression, omnipotence sémiotique) font
l'objet d'un débat dans Pertinence et pratique (19756) par exemple avec les tenants du
fonctionnalisme (dont Martinet), la définition sémio-logique de la langue fournie par
l'analyse phonologique de Troubetskoi, qui installe en son centre les concepts de
commutation, de classe et surtout de pertinence, permet seule l'examen des mécanismes
de « fonction d'un code » (Prieto, 1966, p. 79), enjeu de toute sémiologie en tant qu'elle
constitue le principe de classification et de différenciation au sein de la diversité des
signes, des langues, des univers signifiants.
Mais, au-delà des questions afférentes au fondement de la classification des codes
telles qu'elles sont traitées sous l'angle de la « fonction » ou de « l'économie » dans
Messages et signaux (1966) par exemple pour parvenir à une « Systématique sémiolo
gique » (3e partie de l'ouvrage), la démarche de Prieto se signale par sa portée
épistémologique et sa capacité d'extension maximale, toutes deux très significatives du
« projet sémiologique ».
D'une part, en mettant en évidence, dans la conceptualité logique du moment, le
mécanisme général de « l'indication » et en soulignant que
« la langue, en tout cas, est très probablement la première des structures sémiolo-
giques maniées par l'enfant qui exige d'opérer avec des classes se trouvant en
rapport logique d'inclusion ou d'intersection entre elles » (19756, p. 134),
Prieto enracine « l'acte sémique » dans la dimension cognitive ; d'autre part, en
proposant, sur la base de l'exemplarité sémiologique de la phonologie, une conception
de la connaissance commandée par une clarification de la notion de « point de vue », il
s'essaye à penser le statut des sciences de l'homme et à travailler à « l'élucidation des
problèmes qui se posent à propos de l'idéologie » (19756, p. 145).
La fonction de communication ne saurait constituer une propriété de l'objet langue,
mais un point de vue sur cet objet d'où résulte la pertinence de cette connaissance. Ce
point de vue en phonologie consiste en
« la façon déterminée dont les sujets parlants connaissent les sons qu'ils produisent
en parlant leur langue » (Prieto, 1975a, p. 159)
et le problème fondamental de cette discipline n'est donc pas la description d'une
« réalité matérielle » ni même d'une « structure de type oppositionnel », le système
phonologique, mais
« l'explication de la façon dont un sujet distribue en classes les objets qui composent
(un univers de discours) » (Prieto, 1975a, p. 166).

19
Cette manière de connaître les objets en les classifiant et en les articulant (sur le
« modèle » de la sémiosis) fait de la phonologie, en tant qu'elle reconstruit le
fonctionnement sémiologique de la langue, le « patron » des disciplines intra-
linguistiques et des sciences humaines et ce, dans l'argumentation de Prieto, de manière
plus décisive (la phonologie est « structurale » en deux sens) que ne le conçoivent les
tenants du « structuralisme ». Le projet sémiologique apparaît alors comme une espèce
de « connaissance de la connaissance », s'il est vrai que, comme pour la phonologie,
l'objet de la connaissance est de nature conceptuelle et non matérielle, une conceptualité
entièrement d'ordre historique, ce que Prieto souligne à nouveau pour la discipline
« d'avant-garde » :
« Ce doit être clair qu'en disant, par exemple, que la phonologie étudie la façon dont
le sujet parlant distribue en classes les sons, nous nous référons à la façon dont le
sujet parlant une langue déterminée distribue en classes les sons de cette langue. En
aucun cas, bien entendu, nous ne pensons à une classification universelle » (1975a,
p. 165).
Etendue à l'ensemble des domaines de « l'idéologie » comme pouvoir symbolique, cette
conception traduit le refus de l'antagonisme entre système et histoire et promeut une
forme de relativisme culturel :
« Toute connaissance est arbitraire parce que toute connaissance suppose un point de
vue duquel l'objet est classé et dont résulte donc l'identité sous laquelle celui-ci
apparaît au sujet, et que ce point de vue n'est nullement imposé par l'objet, mais
« adopté » dans un contexte historico-social, par le sujet » (1975a, p. 161 ; nous
soulignons).
On voit surtout émerger ici le problème que manifeste le point de vue sémiologique et
que rencontrent les projets sémiologiques / sémiotiques, à savoir le traitement de
l'historicité des classifications, thème particulièrement sensible dans le structuralisme
(cf. Chiss, 1987), attentif aux typologies des parties du discours, des signes linguistiques
et non linguistiques, des formes de culture et articulant, de manière principielle, le
classement et l'idée même de science.
Il est ainsi particulièrement intéressant de constater comment une entreprise de
discrimination du champ sémiologique contestant certaines extensions insuffisamment
problématisées (la sémiologie de la signification à la Barthes), en tout cas soucieuse de
circonscrire initialement le domaine de la communication linguistique, particulièrement
attachée à ce qu'on peut appeler « la forme science », en vient à penser un cadre de
totalisation aux dimensions cognitives, sociales et épistémologiques. En ce sens, la
caractéristique projective / prospective apparaît bien constitutivement liée à l'idée de
sémiologie : ici, c'est la volonté même de distinguer communication et signification qui
reconduit une série de problèmes rencontrés, à partir d'autres « entrées » par les
pragmatiques ou les sociologies de l'interaction par exemple. Quand Prieto utilise le
terme de « cérémonie » pour définir les comportements sociaux qui font l'objet de la
sémiologie de la signification, quand il situe l'apport de Barthes comme l'étude du
«processus de sémantisation des comportements» (1975, p. 137), il indique l'horizon
d'une théorie de la production sociale du sens qui est sans doute au cœur de
l'élaboration sémiotique de Greimas et de son école, mais qui concerne directement
l'anthropologie de Lévi-Strauss ou la philosophie de Merleau-Ponty, références expli
cites du Barthes des Eléments de sémiologie (1964). Quand il développe à la suite de
Buyssens, cette « sémiologie de la communication », c'est une véritable conceptualisa
tion de l'activité du sujet parlant qu'il propose, point de rencontre avec les théories de
renonciation, la psycholinguistique, voire la psychanalyse.

20
La sémiotique comme théorie d'ensemble (Greimas)

La question des découpages et recouvrements disciplinaires fait partie intégrante de


l'horizon sémiologique : interrogations chez Prieto sur la place de la littérature et de
l'architecture, circonscription de la « sémiologie linguistique » comme partie de la
sémiologie de la communication, celle qui s'occupe du langage verbal qui fait signe,
etc.. C'est sur la même base du double procès de distinction-totalisation que se joue le
destin de la sémiotique d'inspiration hjelmslé vienne chez Greimas : opération d'exclu
sion des langages de connotation (dont la littérature) et des langages logiques dans la
définition par Hjelmslev de la sémiologie (cf. supra) ; intégration méthodologique et
conceptuelle maximale de « positivités » acquises ou en voie d'élaboration : entre la
problématique du propre (le point de vue) et celle du tout (le projet, l'horizon), entre
exigence et impossibilité, la sémiologie-sémiotique ne cesse de balancer.
Comme Barthes et Prieto, Greimas et l'école sémiotique de Paris revendiquent plus
le « projet scientifique » que « la science » et interprètent le raffinement inhérent à la
constitution de leur typologie sémiotique comme
« un signe de santé et de vitalité d'une sémiotique qui se veut un projet de recherche
et une recherche en train de se faire (Greimas et Courtes, 1979, article « Sémiotique » ;
nous soulignons).
S'il en est ainsi, on comprend mieux la difficulté de faire l'histoire de la sémiotique,
« ...horizon de découverte qui ne cesse de s'élargir, horizon propre aux sciences
humaines et sociales pour tout dire » (Parret et Ruprecht, 1985, p. XXIII).
On notera cependant le processus d'élaboration de « disciplines connexes », la sémioti
que calquant, doublant, en quelque sorte, la disposition du champ linguistique :
ethnosémiotique (avec l'analyse des rituels et cérémonials) ; psychosémiotique (étude,
dans la perspective de Hjelmslev, des connotations individuelles) ; sociosémiotique
(étude, dans la même perspective, des connotations sociales)... Liste à laquelle
s'ajoutent toutes les disciplines intra-sémiotiques, sans principe de clôture possible :
sémiotiques littéraire, musicale, architecturale, plastique, planaire, juridique... Quant
au « monde naturel », il est ici, comme les « langues naturelles », l'objet d'élaboration
de multiples sémiotiques dont la classification est à la fois indispensable et, sans doute,
hors de portée...
Ce que confirment bien les sémiologies-sémiotiques « positives », confrontées à
« l'idée sémiologique » des « linguistiques-sémiologues », c'est le lien de la dimension
projective de la sémiologie avec une problématique classificatoire qui en constitue
comme l'idée régulatrice : une idée à la fois nécessaire et dont la réalisation est sans fin.
En effet, à partir du postulat fondamental de toute sémiotique, à savoir la
présupposition réciproque du signifiant et du signifié (cf. supra), l'entreprise totalisa-
trice ne saurait se fixer de limites a priori : théorie générale de la narrativité et de la
discursivité, de l'intersubjectivité, du sujet, du monde et de la transformation du
monde, la sémiotique investit tous les phénomènes dont traitent les sciences humaines
et sociales. L'objet de l'ethnologie lui est d'autant moins étranger que, dans sa version
greimassienne, elle s'est construite sur la base de la référence fondatrice à Propp et dans
le dialogue avec l'anthropologie structurale de Lévi-Strauss : le projet d'une « gram
maire narrative fondamentale » intégrant mythes et contes, proverbes et dictons,
thématisant l'objet magique, l'actant, l'acteur, la figure, la valeur culturelle, débouche
sur une « syntaxe sémiotique modale » (Greimas, 1983, p. 19) organisant les catégories
du vouloir, du pouvoir, du devoir et du savoir. Une telle direction implique de prendre
la mesure des apories des théorisations existantes et concurrentes :

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« la méthodologie et l'interprétation des mythes se situe, du fait de leur complexité,
en dehors des limites qu'assignent à la sémantique, à l'heure actuelle, les théories les
plus en vue aux États-Unis, celles notamment de J. J. Katz et J. A. Fodor »
(Greimas, 1970, p. 185).
Ce faisant, Greimas souligne (à nouveau) le statut stratégique de la sémantique à la fois
comme discipline prétendant à l'autonomie et comme domaine général de l'étude du
sens, marquant, de la sémantique structurale à la pansémiotisation, un trajet sans
mémoire explicite mais qui n'est pas sans rapport, pourtant, avec celui de M. Bréal.
Mutatis mutandis, le projet sémiologique s'élève, comme la philologie du XIXe siècle, à
une science générale de la culture qui passe déjà, en 1878 chez Bréal — comme chez
Saussure (cf. supra), par la mise en évidence de cette affinité « très étroite » de la
mythologie et de la linguistique, ce qui pose bien le problème du statut de positivitě,
revendiqué par Bréal par ailleurs, d'une sémantique linguistique. L'intérêt de Greimas
pour la mythologie comparée doit, selon Parret et Ruprecht (1985, p. XXXIX), être
situé aussi par rapport au projet ambitieux avancé par certains anthropologues
américains dans les années 50 d'une « grammaire comparative des cultures » pour noter
la « modification importante qu'il [Greimas] a apportée à la conception grammaticale
de la culture ».
La direction du projet sémiotique doit être aussi appréhendée en terme de
« relectures » de l'acquis et de recherche de la « profondeur » ; ce que Greimas et Courtes
(1986, p. 6) signalent eux-mêmes dans le lexique de « l'attraction des profondeurs ». En
fait, au-delà du débat sur « la mauvaise abstraction », on voit le concept de « narrati-
vité » se vider de son contenu conceptuel « narratif », du fait de la « narrativité
généralisée » comme organisation discursive de toute production ethnologique, histori
que,scientifique (Greimas, 1976)... C'est en particulier à travers les diverses réévalua
tions du schéma proppien que s'élabore cette sémiotique du sujet, de l'objet et de
l'action :
« De quantitatif, le changement devient qualitatif : alors que, en lisant Propp, on
n'avait affaire qu'à des êtres et des objets fortement iconisés situés sur la dimension
pragmatique du récit, il s'agit maintenant de compétitions et d'interactions
cognitives où des sujets modalement compétents briguent des objets modalisés, alors
que la dimension événementielle, référentielle de leurs agissements, n'est tout au plus
qu'un prétexte à des joutes autrement plus importantes » (Greimas, 1983, p. 11).
Cette construction d'une sémiotique de l'action et précisément d'une sémiotique de
l'action historique (dont Parret et Ruprecht, 1985, notent les ressemblances et dissem
blances avec la sociologie de l'action d'A. Touraine et la « théorie de l'action
communicative » de J. Habermas) implique à la fois de toucher au domaine de la
psychologie et de situer la capacité intégrative des deux paradigmes contemporains que
sont la sémiotique et la pragmatique. D'un côté, Greimas donne pour tâche à sa
discipline « l'examen systématique des théories des passions, présentes comme leur
partie intégrante dans tous les grands systèmes de philosophie classiques » (1983,
p. 17) ; d'un autre, il fournit la ligne de partage d'avec la pragmatique américaine en
particulier dans l'article « Interaction » du Dictionnaire (tome 2) :
« Si l'on voulait donner une formulation sémiotique de l'interaction, on dirait alors
que la pragmatique américaine s'intéresse au faire du sujet. Or, il convient d'insister
sur le fait que les sujets avant de faire, doivent posséder le vouloir-faire et/ou le
savoir/faire. C'est dire que notre approche de l'interaction concerne, à la différence
des recherches américaines, les préalables de ce faire, tout ce qui le rend possible, la
compétence cognitive des sujets de l'interaction « (Greimas et Courtes, 1986 ; nous
soulignons).

22
On n'entrera pas ici dans le détail des nouvelles thématisations du problème du sens
qui conduisent certains pragmaticiens et philosophes du langage européens à proposer
des modèles d'intégration de la sémiotique et de la pragmatique (Parret et Ruprecht,
1985 ; Parret, 1991) ; l'essentiel semble de prendre acte de la conscience qu'ont Greimas
et les sémioticiens de traiter des mêmes phénomènes que d'autres secteurs des sciences
humaines avec des présupposés et des formulations différentes.
C'est bien, nous l'avons dit, le propre du « point de vue sémiologique » d'instaurer
des démarcations, de rechercher des spécificités d'intervention dans le même mouve
mentoù l'infinité des objets de connaissance contraint le « projet sémiotique » à la
totalisation et à l'universalisme. Au début de Du sens (1970), Greimas démarque la
position du sémioticien de celle du « philosophe » en soulignant deux différences
constitutives : le savoir du sémioticien est orienté vers l'action et la science, vers un
« faire scientifique » (p. 11) ; symétriquement, le sémioticien ne saurait être assimilé au
logicien : s'il est attiré par la formalisation de la logique symbolique, il lui manque « une
logique linguistique qui traiterait, par exemple, le mensonge et le secret, la ruse et la
sincérité sur le même plan que la vérité et la fausseté » (p. 11). S'il traite des mêmes
problèmes que le philosophe, si son souci de la constitution d'un méta-langage approprié
et du maintien de sa cohésion lui fait envier l'opérationnalité des langages formels,
« c'est par une porte étroite, entre deux compétences indiscutables — philosophique et
logico-mathématique — que le sémioticien est obligé de conduire son enquête sur le
sens » (p. 12).
Cette enquête correspond à un programme de rigueur scientifique ; la sémiotique-
objet comme ensemble signifiant soumis à l'analyse n'existe, dans la perspective
greimassienne, que dans le cadre d'un projet de description, ce que Prieto avait
argumenté avec les notions de « points de vue » et de « pertinence ». Etant à elle-même
sa propre epistemologie, la sémiotique n'accepte pas
« la confusion entretenue entre les propos philosophiques et d'essayistes sur le
« structuralisme » et l'approche structurale des sciences de l'homme, [qui] n'a fait
que trop de dégâts » (Greimas, 1970, p. 12).
Peut-être faut-il voir dans cette critique de la vulgate (méta)structuraliste l'une des
formes de l'auto-affirmation de scientificité propre à la sémiotique qui se conçoit si
volontiers comme horizon et fondement, et, par là même, ne peut qu'être hantée, par les
modèles de rationalité plus spéculatifs (qu'elle récuse), qui l'ont précédée et auxquels
elle prétend, de manière très ambiguë, se substituer ?

Une épistémè sémiologique ?

Il resterait, au terme provisoire de ce parcours de problématisation, à schématiser les


pistes qui devraient permettre de restituer à l'idée de sémiologie son historicité
spécifique.
Il s'agirait d'abord de déterminer quel est le type de temporalité dans laquelle
s'inscrit cette histoire. Si l'on retient comme critère la question du sens et si l'on fait de
la sémiologie l'un des avatars de l'histoire de la thématisation du sens et des cadres de
pensée philosophiques qui l'autorisent, on peut, avec H. Parret (1991), convenir de ce
que l'idée de sémiologie renouvelle une voie d'analyse périlleuse et presque clandestine
depuis les sophistes, à côté des grands paradigmes philosophiques de l'ontologie (avant
Kant) puis de l'épistémologie (après lui). Cette perspective présente l'avantage de situer
l'entreprise sémiologique dans la continuité d'un « long terme » souvent dénié par les
sémiologues eux-mêmes (attachés plutôt aux effets de « rupture ») et donc de

23
relativiser leurs autoproclamations de scientificité. Mais cette temporalité longue peut
aussi apparaître par certains aspects comme une forme d'homogénéisation renouvelée,
plus que comme un moyen de spécification de l'idée moderne de « sémiolo-
gie/sémiotique ». Ne risque-t-elle pas en effet de négliger ce qui fait la spécificité de cette
émergence à la fin du XIXe siècle et au-delà, de ses enjeux propres, de sa problématique
sinon contradictoire, du moins tendue entre des exigences qui ne peuvent coexister de
manière paisible : celle de la scientificité qui commande une délimitation stricte de
l'objet de savoir et celle de la créativité sémiotique infinie qui commande d'étendre
toujours plus son domaine ?
Un historien des idées comme C. Ginzburg (1989) croit pouvoir reconnaître à la fin
du XIXe siècle un paradigme indiciaire, paradigme qui réunirait aussi bien Morelli,
Conan Doyle, Freud, prendrait racine dans la médecine d'Hippocrate et l'art des devins,
s'épanouirait dans la métaphore galiléenne de la nature comme Livre pour aboutir enfin
à une sorte de véritable apothéose « positive » dans le statut moderne de la linguisti
que :
« Mais un paradigme indiciaire peut-il être rigoureux ? L'orientation quantitative et
anti-anthropocentrique des sciences de la nature à partir de Galilée a placé les
sciences humaines devant un dilemme désagréable : ou assumer un statut scienti
fiquefaible pour arriver à des résultats marquants, ou assumer un statut scientifique
fort pour arriver à des résultats négligeables. Seule la linguistique est parvenue, au
cours de ce siècle, à se soustraire à ce dilemme pour devenir ainsi un modèle pour
d'autres disciplines » (1989, p. 178/179).
L'intérêt heuristique indéniable d'un tel point de vue — mettre en relation de manière
plausible des époques et des domaines qu'on pouvait croire plus éloignés les uns des
autres, mettre à jour une histoire « cachée » — n'est-il pas cette fois contrebalancé par
le téléologisme latent de cette histoire qui suggère que le terme était déjà contenu dans
les prémices... N'est-ce pas ici la « rumeur » d'un « rôle-pilote » de la linguistique
acquise sans critique ni discussion qui guide non seulement les principes, mais la
motivation même de l'enquête ?
Ce que montre cette pensée en projet que semble être perpétuellement la sémiolog
ie / sémiotique, ce sont des attaches étroites avec une problématique qui outrepasse
largement les limites qui sont les siennes et celles de la linguistique tout en les
impliquant : celle que E. Cassirer, assumant à sa manière (mal acceptée par les
néo-kantiens), l'héritage du kantisme à partir de l'impressionnante investigation que
l'on sait sur les « formes symboliques » exprimait dans l'alternative entre fondation
naturaliste, fondation humaniste de la culture en 1939 15. Il ne s'agit pas de nier la
distance qui peut séparer une telle théorie des « formes » d'une science des « signes »,
mais de constater qu'elles reposent de manière similaire sur la reconnaissance du rôle
central, infrastructurel du langage dans la culture humaine et de la linguistique dans le
champ des sciences humaines (cf. le premier tome de la Philosophie des formes
symboliques). La nécessité (ou la contestation) d'un fondement spécifique des « sciences
de l'esprit », assimilé à l'universalité d'une aptitude au symbolique susceptible de se
réaliser de manière infiniment diverse et fondatrice d'un ordre proprement humain, est

15. Titre d'un article rédigé par Cassirer et repris récemment pour la traduction française dans Cassirer
1988. Dans le même volume traduit, « L'idéalisme critique comme philosophie de la culture » constitue une
introduction à la célèbre Philosophie des formes symboliques. Dans Logique des sciences de la culture (1991),
« L'objet de la science de la culture » (première étude), et « La tragédie de la culture » (cinquième étude)
précisent les enjeux d'une philosophie de la culture dont participent à l'évidence les projets sémiologiques d'un
autre point de vue.

24
réfléchie de manière explicite par le philosophe allemand dans le fil de l'idéalisme
critique. Sous l'égide d'une réflexion rigoureuse sur le concept, c'est bien l'unité
articulée du champ de la culture qu'il s'agit de penser, dans un effort qui ne peut
qu'évoquer les projections sémiologiques, en relativisant la nouveauté et sans pour cela
renvoyer à une cohorte quasi infinie de « précurseurs » :

« Nous devons revenir à la logique et poser le problème du caractère logique des


concepts de la science de la culture. Qu'ils possèdent ce caractère, que tous, en dépit
de leur immense diversité et de celles des objets auxquels ils se réfèrent, soient liés
l'un à l'autre par quelque « chaînon mental », c'est ce que nous enseigne n'importe
quel examen, fût-il hâtif. Mais de quelle nature est ce chaînon, à quelle famille
appartiennent ces concepts, quel parenté existe entre eux et les autres catégories de
concepts ? » (1991, p. 142).

De ce point de vue, Cassirer trouble la perspective introduite par H. Parret qui opposait
l'après-Kant épistémologique à un avant-Kant ontologique puisque Cassirer restaure
l'ambition anthropologique du philosophe de Konigsberg en la complétant par cette
attention (introuvable chez lui) portée aux « formes symboliques » et au langage. De
manière comme parallèle, Merleau-Ponty « complétera » Husserl par une lecture
étonnante de Saussure, une proximité aux sciences humaines en chantier, rare chez les
philosophes, vers un dépassement de l'alternative sujet / objet et une réflexion inquiète
sur le statut ontologique des idéalités culturelles.
Enfin et quoi qu'il en soit de la focalisation temporelle qui permet de rendre compte
de l'historicité de la sémiologie-sémiotique, il semble certain que l'émergence d'une
linguistique du signe à la fin du XIXe siècle a introduit (ou souligné) des lignes de
fracture profondes dans la manière dont les différentes cultures européennes (et
américaine) se donnaient les moyens de « penser le sens ». En deçà même d'une
sociologie de la connaissance sémiologique, une histoire empirique et comparée des
disciplines 16 montre que le devenir du puissant empire philologique a connu des destins
différents dans la culture française et la culture allemande du fait de l'existence (ou de
la prétention à l'existence), dans la première, d'une science linguistique du sens : la
sémantique de Darmesteter et Bréal. Dans quelle mesure l'idée de sémiologie, se
substituant à la philologie traditionnelle, ne reprend-elle pas l'essentiel de ses fins et de
ses formes en nouant autour de la linguistique les liens disciplinaires complexes, dont
nous avons essayé de tirer quelques fils, tout en relayant, dans la dénégation la plus
farouche, les efforts de philosophes aux prises avec leur tradition 17 ?

16. Celle pratiquée par exemple dans Philologiques I (1990) pour le XIXr siècle.
17. « ...il ne faut pas oublier que la philologie s'est constituée en discipline en opposition et en concurrence
avec la philosophie. Cette donnée est particulièrement sensible chez le fondateur qu'était A. Boeckh. Pour
conquérir un statut propre face à la discipline reine de l'université de Humboldt, il fallait une conception
ambitieuse, permettant de délimiter un espace de nature comparable. D'où la fameuse définition de Boeckh :
la philosophie est la science de la connaissance, la philologie celle de la ( reconnaissance d'une connaissance déjà
produite par le passé... Toutes les autres sciences plongent leurs racines dans la philosophie et la philologie »
(M. Werner, 1990, p. 16).

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