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CONSTITUTION DE LA PRAGMATIQUE LINGUISTIQUE

CONTEMPORAINE
COMME DISCIPLINE THÉORIQUE

*La pragmatique linguistique moderne est l’héritière directe de la rhétorique


antique qui accordait une très grande attention à la pratique effective du langage, et
des recherches philosophiques du 12ème et 13ème siècles qui faisaient une
distinction entre interprétation de re et de dicto des propositions.

*Elle s’inscrit aussi dans la lignée des travaux des logiciens et philosophes du XX-
ème siècle.

*Le terme pragmatique (n.f.) trouve d’ailleurs son origine dans le courant
pragmatiste qui s’est développé aux Etats-Unis dans la seconde moitié du XIXe
siècle. En France, il est employé comme nom par E. Benveniste, en 1968.

* Quelques noms des philosophes et logiciens et quelques dates sont importantes


pour la constitution de la pragmatique contemporaine comme discipline théorique.

Gottlob Frege Distingue le sens et la référence des mots (p. ex., le mot
(fin du XIXe s.) « livre » a un ou plusieurs sens enregistré(s) dans les
dictionnaires, mais employé dans un énoncé, ce mot
mathématicien, logicien désigne un objet précis : son référent).
et philosophe allemand
Le sens d’un mot dépend du contexte linguistique, donc
de la phrase (il y a assomption de contextualité) ; le sens
de la phrase dépend quant à lui des conditions de vérité
(assomption de vériconditionnalité)
Bertrand William Etudie les propriétés des symboles indexicaux (noms
Russel propres, expressions déictiques), signes dont le sens ne
(début du XXe s.) peut être établi qu’à partir de leur contexte d’emploi.
mathématicien, logicien,
philosophe,
épistémologue, homme
politique et moraliste
britannique
Charles Sanders Peirce Il est considéré comme le fondateur du courant
(début du XXe s.) pragmatiste avec William James et, avec Ferdinand de
Saussure, un des deux pères de la sémiologie (ou
sémiologue et philosophe sémiotique) moderne. Ces dernières décennies, sa pensée
américain a été l'objet d'un regain d'intérêt. Il est désormais
considéré comme un innovateur dans de nombreux
domaines, en particulier dans la méthodologie de la
recherche et dans la philosophie des sciences
L’objet de la sémiotique pour Peirce est l’étude de la
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sémiosis, c’est à dire des relations entre le signe, le
désignatum (la référence) et l’interprétant (fonction
permettant d’associer un sens au signe et qui constitue le
cadre sémiotique du signe).
On doit à Peirce la distinction entre 3 types de signes : le
symbole (signe arbitraire et conventionnel), l’icône
(signe qui présente une ressemblance avec son référent)
et l’index (signe qui entretient un lien matériel avec son
référent).
Charles W. Morris Définit la pragmatique comme une composante de la
(1938) sémiotique (science générale des signes), et notamment
sémioticien et philosophe celle qui traite du rapport entre les signes et leurs
américain utilisateurs.
Rudolf Carnap Pour Carnap, la pragmatique dont l’objet est l’étude des
(1942) relations entre le langage et ses utilisateurs, englobe la
philosophe allemand linguistique (et non l’inverse).
naturalisé américain et le
plus célèbre représentant
du positivisme logique
John Langshaw Austin
(1970) Avec les travaux de Austin, prend naissance un nouveau
philosophe anglais né le courant en linguistique : la pragmatique des actes de
28 mars 1911 à Lancaster langage. La notion d’acte de langage envisage le
et décédé le langage en action. On doit à Austin la distinction nette
8 février 1960,appartenant entre trois composantes de l’acte de langage : l’acte
à la philosophie locutoire, de formuler un énoncé doté de signification ;
analytique. Représentant l’acte illocutoire, qui est accompli en formulant un
majeur de la philosophie énoncé doté d’une force illocutoire ; l’acte perlocutoire,
du langage ordinaire, sa qui est accompli par le fait de formuler un énoncé
théorie des actes de caractérisé par ses effets dans la situation.
langage a été reprise et
développée par John
Searle.
Herbert Paul Grice * Le philosophe Paul Grice est connu pour sa distinction
philosophe britannique entre deux sens à l'œuvre dans les énoncés, le sens
(1913-1988) subjectif, pour le locuteur, et le sens objectif, ou logique
et grammatical.
*Grice a montré que le langage naturel n'est pas
Grice, H.P. (1979), imparfait, mais que les relations logiques mises en
« Logique et
œuvre par les énoncés dans la communication,
conversation », dans
Communication, 30, p. 57- notamment les relations d'implication et d'inférence, sont
72. gouvernées par des principes ou des règles fondés sur
une conception rationnelle de la communication.
* La notion de coopération a été introduite par le
philosophe Grice pour rendre compte de la
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communication. Selon lui, la communication est un
processus essentiellement régi par le principe de
coopération qu'il définit de la façon suivante : Que votre
contribution à la conversation soit, au moment où elle
intervient, telle que le requiert l'objectif ou la direction
acceptée de l'échange verbal dans lequel vous êtes
engagé.
* Grice a introduit le terme implicature pour désigner
certaines conclusions que l'on peut tirer d'énoncés sans
que la relation entre ces conclusions et les énoncés en
question puisse se ramener à la relation logique
d'implication. Grice distingue donc les implicatures
conventionnelles des implicatures conversationnelles.
Les premières sont obtenues à partir des termes
linguistiques eux-mêmes et les implicatures
conventionnelles sont très proches des présuppositions
ou des présomptions lexicales.
*Grice a introduit les notions de maximes
conversationnelles et des lois du discours.
Ainsi les maximes conversationnelles sont au nombre de
quatre – quantité, qualité, pertinence et manière – et
elles dépendraient toutes d’un principe très général de
coopération.
Les lois du discours sont :
-la loi de la « sincérité » : on est tenu de ne dire que ce
qu’on croit vrai et même que ce qu’on a des raisons
suffisantes de tenir pour tel. Autrement on s’expose à
l’accusation de parler à la légère,
-la loi d’« intérêt », selon laquelle on n’est en droit de
parler à quelqu’un que de ce qui est susceptible de
l’intéresser.
-la loi d'« informativité ». D’après elle, un énoncé doit
apporter à son destinataire des informations qu’il ignore.
Sinon, le locuteur s’expose à des ripostes du type « Je le
sais déjà » ou « Tu ne m’apprends rien ».
-la loi dite d'« exhaustivité », stipulant que le locuteur
est tenu de donner, dans un domaine donné,
l’information maximale compatible avec la vérité.
Dan Sperber(né en 1942) La théorie de la pertinence a été introduite à partir de
l'une des maximes gricéennes, selon laquelle il y aurait à
Deirdre Wilson l'œuvre un principe d'économie dans le langage, visant à
ne dire que ce qui est pertinent.
La Pertinence,
Communication et
La “ théorie de la pertinence ” de Sperber et Wilson, fruit
Cognition, (Minuit 1989 -
de quatorze années de travail, s’inscrit dans le champ,
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actuellement en pleine expansion, des “ sciences
Seconde Edition révisée cognitives ”, qui visent à comprendre et à analyser le
en anglais : Relevance:
fonctionnement de l’esprit humain. Selon Sperber et
Communication and
Wilson, l’esprit humain obéit à un principe général
Cognition Second Edition,
Blackwell 1995) d’économie – le “ principe de pertinence ” – qui
gouverne aussi bien la distribution de l’attention que
Dan Sperber, philosophe l’enchaînement des pensées. Ce principe permet aussi de
et anthropologue français, comprendre la communication humaine, que les
et Deirdre Wilson, différents modèles issus de la sémiologie n’ont pas su
linguiste britannique, ont expliquer. Dans La Pertinence. Communication et
développé une théorie cognition, Sperber et Wilson réussissent le tour de force
pragmatique générale, de proposer une théorie générale de l’esprit humain, de
connue sous le nom de montrer comment cette théorie permet de repenser la
théorie de la pertinence. communication, et enfin de fournir une solution détaillée
des différents problèmes qui se posent aux
“ pragmaticiens ” qui étudient la communication
linguistique.

MOUVANCES ET PRINCIPALES ORIENTATIONS


DE LA PRAGMATIQUE CONTEMPORAINE

La pragmatique aujourd’hui s’est constituée autour de questions et d’orientations


diverses, ce qui la rend une discipline hétéroclite. Ces orientations, qui diffèrent tant
par leur objet que par leurs présupposés théoriques, sont aujourd’hui toujours
présentes :

- l’orientation philosophique et logicienne avec les réflexions sur l’action ou les


conditions de la rationalité, la référence, la vériconditionnalité et le contexte,
et la logique illocutoire ;

- l’orientation linguistique, manifeste dans les travaux relatifs aux


présuppositions, aux topoï, aux connecteurs, aux marques de l’implicite et à la
structure du discours et des interactions parlées ;

- l’orientation cognitive et référentielle, avec comme point de départ les


réflexions de Grice (1968, 1970) et de Gordon et Lakoff (1973) à propos des
inférences dans la conversation

- Trouvant ses origines ailleurs, en particulier dans le courant interactionniste et


la sociologie nord-américaine des années 50-60, une orientation empirique
s’est développée en parallèle. Cette pragmatique interactionniste s’intéresse
aux échanges langagiers quotidiens : conversations, entretiens, débats,
échanges en situation didactique.
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