Professional Documents
Culture Documents
L’état de nature ne doit pas être compris comme une description d’une réalité
historique ou anthropologique mais plutôt comme une fiction philosophique dont
l’intérêt et la fécondité tiennent en ce qu’elle vise à expliquer et à justifier les
bienfaits d’une certaine forme de société politique.
1
HOBBES, Thomas, Léviathan, ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la
république, 1651, rédigé en quatre parties et composé de 47 chapitres.
-1-
340-___-BB Serge LAPIERRE Version 1.a
REMARQUE : Cette guerre « de tous contre tous » est si féroce et si atroce qu’elle
menace l’existence de l’humanité elle-même...
À ceux qui penseraient que cette vision de l’humanité est trop pessimiste, Hobbes a
rétorqué que, même à l’état de société organisée où existent des lois, des juges et
une police, nous fermons néanmoins à clef nos coffres et nos maisons de peur d’être
détroussés (Léviathan, XIII). Or par définition, l’état de nature est sans loi, sans juge
ni police ; il ne peut donc qu’être pire...
C’est donc l’angoisse de la mort (la mort violente), laquelle résulte de l’égalité et de
la liberté naturelles – qui est à la fois la cause et l’effet de l’état de guerre – qui fait
peser sur la vie de tous une menace tangible et permanente. Or, cet état est
indéniablement paralysant : il ne permet pas la prospérité, ni le commerce, ni la
science, ni les arts (Léviathan, XIII).
-2-
340-___-BB Serge LAPIERRE Version 1.a
La seule façon d’ériger un [...] pouvoir commun de protection, apte à défendre les gens de
l’attaque des étrangers, et des torts qu’ils pourraient se faire les uns aux autres, et ainsi à
les protéger, [...] c’est de confier tout leur pouvoir et toute leur force à un seul homme, ou à
une assemblée, qui puisse réduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité, en une
seule volonté. Cela revient à dire : désigner un homme ou une assemblée, pour assumer leur
personnalité ; et que chacun s’avoue et se reconnaisse comme l’auteur de tout ce qu’aura fait
ou fait faire, quant aux choses qui concernent la paix et la sécurité commune, celui qui a
ainsi assumé leur personnalité, et que chacun, par conséquent, soumette sa volonté et son
jugement à la volonté et au jugement de cet homme ou de cette assemblée. [...] La
multitude, ainsi unie en une seule personne, est ainsi appelée République [...] Telle est la
génération de ce grand Léviathan, ou plutôt, pour parler avec plus de révérence, de ce dieu
mortel, auquel nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection. Car, en
vertu de cette autorité qu’il a reçue de chaque individu de la République, l’emploi lui reste
conféré d’un tel pouvoir et d’une telle force, que l’effroi qu’ils inspirent lui permet de
modeler les volontés de tous, en vue de la paix à l’intérieur et de l’aide mutuelle contre les
ennemis de l’extérieur. En lui réside l’essence de la République, qui se définit : une
personne unique telle qu’une grande multitude d’hommes sont faits, chacun d’entre eux,
par convention mutuelle passée l’un avec l’autre, l’auteur de ses actions, afin qu’elle use
de la force et des ressources de tous comme elle le jugera expédient [moyen nécessaire
et suffisant], en vue de leur paix et de leur commune défense. (Léviathan, XVII)
-3-