INTERNATIONAL Analyse

Un consensus se dégage peu à peu, tant auprès

des économistes que des décideurs politiques,
pour considérer que la Grèce ne pourra pas
encore faire appel l’année prochaine aux
marchés de capitaux internationaux pour se
financer, contrairement à ce qui était prévu dans
le plan d’aide européen.

Restructuration
de la dette publique

Never a free lunch !

U
n journal allemand a suggéré dé-
but mai que les décideurs poli-
tiques européens réfléchissaient
© D. Rys
Il faut dire que tous les problèmes de remboursement de la
dette souveraine ne trouvent pas leur origine dans une mau-
vaise politique de l’État. Une crise de la dette souveraine peut

en secret à une restructuration de la dette
Frederic Teerlynck grecque, ou, plus encore, que la Grèce
ft@vbo-feb.be quitterait la zone euro. Les taux d’intérêt
sur la dette grecque ont immédiatement
connu une flambée spectaculaire. Le 11 mai, Olli Rehn, Commis-
saire européen aux Affaires économiques et monétaires, a tou-
tefois annoncé qu’un nouveau prêt sera accordé à la Grèce. Une
restructuration de la dette ne semble donc toujours pas à l’ordre
du jour. Mais que dit la littérature à propos de la restructuration
d’une dette souveraine ? Quelles sont les conséquences et com-
ment aborder au mieux le problème en tant que pays ? La ma-
tière est trop complexe pour répondre explicitement à ces ques-
tions, mais quelques grandes lignes remportent l’unanimité.
également résulter de déséquilibres dans le secteur financier,
d’une position financière vulnérable de l’industrie nationale ou
des ménages, ou encore d’une grave récession économique.
Toutefois, dans un tel cas, le pays en question peut, par le
biais d’une restructuration de la dette, en concertation avec
les créanciers, tenter de modifier les conditions de la dette
active. Des options consistent par exemple à réduire le taux
d’intérêt sur la dette active, à diminuer le montant impayé ou
à allonger l’échéance de la dette. L’objectif ultime d’une res-
tructuration est de remettre durablement le pays sur les rails
en termes d’endettement. Il importe, pour cette évaluation, de
partir d’une analyse approfondie du problème sous-jacent et
d’opérer une distinction entre un problème de solvabilité ou

Augmentation des crises de la dette

souveraine
À présent qu’un nombre croissant de pays optent
‘‘irrévocablement
Une restructuration de la dette conduit
à une perte de confiance ”
pour un régime de taux de change flottants, les crises
du cours de change, associées à l’effondrement d’un taux de de liquidité. Ce dernier problème peut être résolu au moyen
change fixe, se font nettement plus rares. Les problèmes de d’un crédit de soudure ou d’un nouvel emprunt, ce qui n’est
remboursement de dettes souveraines, ou la décision d’un pays pas le cas du premier. Dans la pratique, opérer cette distinc-
de cesser tout remboursement de la dette (ce qu’on appelle tion est loin d’être évident.
un ‘défaut’), ont en revanche augmenté. Le Mexique, la Russie,
l’Équateur, l’Argentine, l’Ukraine, l’Uruguay et le Pakistan, entre Causes, conséquences et solution
autres, y ont ainsi été confrontés depuis la fin des années ’90. La Divers facteurs macro-économiques peuvent conduire à une
crise économique et financière a de nouveau conduit, depuis crise de la dette. Il apparaît toutefois qu’un taux d’endette-
fin 2008, à une vague de problèmes de remboursement, dont la ment élevé, des obligations à court terme élevées (propor-
Grèce est actuellement l’exemple dont on parle le plus. tionnellement aux réserves étrangères), une faible croissance

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économique, un déséquilibre de la balance des paie-
ments, une inflation élevée et une incertitude poli-
tique sont autant de causes susceptibles de débou-
cher sur une crise de cette nature. Le FMI a calculé
que pour un échantillon de 55 pays à bas et moyens
revenus, entre 1971 et 2002, un taux d’endettement
de 80% représentait 50% de risque d’avoir une crise
de la dette au cours de l’année suivante.
La décision de procéder à une restructuration a des
effets néfastes immédiats pour l’économie nationale.
Ce n’est donc pas une décision qui est prise à la lé-
gère. Les conséquences exactes dépendent principa-
lement de trois facteurs :
1) Quelle part de la dette est-elle retenue par les ac-
teurs nationaux et à combien s’élève leur perte ?
2) Dans quelle mesure la perte de confiance conduit-
elle à un glissement de la demande d’actifs natio-
naux vers des actifs étrangers ?
3) Dans quelle mesure l’accès au financement de-
vient-il moins aisé après la restructuration ?
On peut déduire de ces questions qu’une restructuration de
la dette conduit irrévocablement à une perte de confiance. En
conséquence, les acteurs nationaux tentent de sécuriser leur
patrimoine en convertissant leurs actifs en devises étrangères
et en transférant leur capital à l’étranger. Les investisseurs
étrangers, même lorsqu’ils ne sont pas soumis à la restructura-
tion, prennent également la fuite. Cette situation fait pression
sur la monnaie et sur la situation financière des banques, ce
qui aggrave bien entendu la crise. Le FMI calcule que les pays
qui décident de faire défaut voient reculer leur PIB de 7,5% en
moyenne. En ce qui concerne les pays qui n’ont pas laissé la
situation dégénérer et ont préventivement conclu un accord
avec leurs créanciers, cette perte moyenne est de seulement
3,5%. Le plan de restructuration doit, dès lors, s’inscrire dans
le cadre d’une politique globale qui, d’une part, offre une ré-
ponse aux déséquilibres qui ont conduit à la crise de la dette
et, d’autre part, tente de limiter au maximum les ‘spillovers’
Greece-General Government Debt
150
140
130
Percentage of GDP
120
110
100
90
80
70
95 996 997 998 999 000 001 002 003 004 005 006 007 008 009 010
19 1 1 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
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Analyse INTERNATIONAL
vers les secteurs intérieurs. Suite aux nombreuses interactions
entre le plan de restructuration et les paramètres macro-éco-
nomiques sur lesquels est basé le plan, l’élaboration d’une
politique macro-économique est un exercice très complexe.
Le plan de restructuration doit être cohérent avec les niveaux
projetés d’excédents budgétaires, de croissance économique,
de taux d’intérêt réels, de taux de change, ainsi qu’avec le
calendrier de l’accès renouvelé du pays aux marchés de ca-
pitaux internationaux. Tous les éléments qui précèdent sont
toutefois liés entre eux et dépendent notamment de la faisa-
bilité, la crédibilité et l’acceptation de la proposition. Vu l’in-
certitude concernant la réaction des marchés et le risque que
les mesures de politique macro-économique ne soient pas
suffisantes pour empêcher la fuite des capitaux, une restruc-
turation sera, dès lors, dans de nombreux cas accompagnée
de mesures temporaires visant à réprimer la fuite des capitaux,
telles que des restrictions sur les marchés des changes ou le
gel des comptes bancaires.
Un autre point délicat dans le cadre d’une restructuration de la
dette est de savoir si certaines parties peuvent être exclues de
la restructuration. Un article du FMI répond comme suit à cette
question : “Malgré le fait qu’il puisse éventuellement exister
des raisons économiques de procéder à une restructuration ci-
blée, la réalisation d’un endettement durable requerra dans de
nombreux cas une approche générale afin aussi bien de per-
mettre une remise de dette significative que de garantir une
égalité de traitement suffisante entre les différents créanciers,
ce qui sera nécessaire pour obtenir une aide suffisante en ce
qui concerne le plan de restructuration.”
Retour en Grèce
Quelles leçons peut-on en tirer pour la situation grecque ?
Le fait que les dirigeants européens décideront très proba-
blement en juin d’accorder un nouveau prêt à la Grèce nous
amène à la conclusion que ces mêmes décideurs politiques
supposent que la Grèce est confrontée à un problème de liqui-
dité. Autrement dit, le problème grec peut être résolu grâce
à une augmentation des liquidités. S’il s’avérait que la
Grèce a, malgré tout, un problème de solvabilité, le pays
n’aurait d’autre choix que de restructurer sa dette et de
procéder sans tarder à d’importantes réformes. À ce pro-
pos, l’analyse ci-dessus nous apprend qu’une restructu-
ration préventive, si elle est suffisante pour revenir à un
endettement durable, serait moins néfaste pour la crois-
sance économique que le fait de laisser la situation dégé-
nérer jusqu’à ce qu’elle devienne intenable. Il apparaît,
en outre, que toutes les parties doivent idéalement être
impliquées dans une éventuelle restructuration, y compris
les organismes financiers ou autres investisseurs privés. l
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