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comportement électoral ?
On analysera l’évolution des taux d’inscription sur les listes électorales, des taux
de participation et/ou d’abstention et leurs déterminants sociaux et politiques.
Les principaux résultats de la sociologie de l’orientation électorale seront
présentés (poids de la variable religieuse, vote de classe…). L’évocation de
l’émergence d’un vote sur enjeu, influencé par les conjonctures politiques
(campagnes électorales notamment), permettra de prendre la mesure de la
volatilité électorale. La question de l’articulation entre médias, communication et
vie politique sera également abordée afin de comprendre son éventuel impact sur
les attitudes politiques (pratiques et opinions).
NOTIONS : Participation et abstention électorale, variables lourdes du
comportement électoral, vote sur enjeu.
I) Les premiers modèles sociologiques du comportement électoral
A) Les premières enquêtes américaines
Document A : Les premiers modèles sociologiques du comportement électoral
À l’occasion du scrutin présidentiel de 1940, qui oppose le républicain Wendel Willkie au démocrate Franklin Roosevelt, Lazarsfeld et son
équipe décident de suivre l’impact de la campagne présidentielle sur la décision électorale, en utilisant une technique venue du
marketing, celle du panel, ou entretiens répétés auprès d’un même échantillon d’interviewés. Le terrain choisi est le comté d’Érié (Ohio)
dans le Middle West. Un échantillon représentatif de l’électorat du comté, tiré au hasard (une habitation sur quatre), est divisé en quatre
groupes de 600 électeurs. Le premier est interrogé à intervalles réguliers de mai à novembre, six fois au cours de la campagne et une fois
au lendemain de l’élection. Les trois autres groupes, interrogés deux fois, sont des échantillons témoins, permettant de contrôler les
biais éventuels liés à la répétition des entretiens. Les questions portent sur les caractéristiques socioculturelles des enquêtés, leurs
opinions politiques et surtout leur exposition aux médias, leur lecture les journaux, leur écoute de la radio. Le livre qui en est issu, The
Peoples Choice. How the Voter Makes up his Mind in a Presidential Campaign (Lazarsferld, Berelson, Gaudet, 1944), jette les bases d’un «
modèle sociologique » du comportement électoral.
Les auteurs découvrent avec surprise que les personnes interrogées se sont en majorité décidées bien avant la campagne et sont restées
fidèles à leur choix initial. Leurs orientations politiques sont stables et conformes aux normes de leur milieu familial, professionnel et
culturel. Un « indice de prédisposition politique » combinant le statut social, la religion et le lieu de résidence leur permet avec
beaucoup de précision de prédire leurs choix électoraux. Chez les électeurs ruraux, protestants et aisés, trois voix sur quatre se sont
portées sur le candidat républicain, et chez les électeurs urbains, catholiques et socialement défavorisés les voix sont allées dans la
même proportion au candidat démocrate. L’individu se fait une opinion au contact de ses semblables, dans les conversations et les
contacts au sein des divers groupes où il est inséré, « Une personne pense politiquement comme elle est socialement », telle est la
phrase lapidaire et si souvent citée qui résume leur conclusion,
Leur choix électoral résulte d’une mise en conformité avec les normes collectives : « En bref il semble que le sens des convenances (a
sense of fitness) soit un trait plus marquant des préférences politiques que la raison ou le calcul. » vote de l’électeur individuel « se
forme dans l’interaction avec ses semblables dans une sorte de décision de groupe - si tant qu’on puisse la qualifier de décision - et
l’ensemble des informations et du savoir possédé par les générations présentes et passées du groupe peut être mobilisé pour le choix du
groupe». Le retentissement de ces travaux est considérable parce qu’ils contredisent la plupart des idées reçues, démolissant tant le
mythe de la toute-puissance des médias que celui d’un choix électoral autonome et raisonné. Ils ont inspiré des centaines de
monographies similaires.
Nonna Mayer, Sociologie des comportements politiques, Armand Collin, 2010.
1) En quoi les résultats des 2 enquêtes sur les élections présidentielles américaines de 40 et
48 évoquées dans ce texte ont-ils été source de surprise pour ceux qui les ont réalisées ?
Ils croyaient que le rôle de médias était très important et pouvait modifier les préférences
électorales.
Ils croyaient que les électeurs choisissaient de façon rationnelle en fonction de ce qui était
dans leur intérêt individuel bien calculé, un peu comme homoeconomicus. En fait ils
connaissent peu les programmes et les conséquences qu’ils pourraient avoir sur leur vie !
Une personne pense politiquement comme elle est socialement » parce que
: « L’individu se fait une opinion au contact de semblables, dans les conversations et les
contacts au sein des divers « groupes primaire » (où il y a interconnaissance personnelle
famille, amis, voisins…) où il est inséré ».
B) Les travaux fondateurs de la sociologie électorale française
Document B : L’impact géographique sur les choix politiques
Quand on sort du Marais poitevin vers le Nord, ce n’est pas encore la Vendée proprement dite que
l’on rencontre. Pour y parvenir, il faut traverser la longue bande des plaines calcaires qui l’entourent.
L’aspect est uniforme: des champs dénués d’arbres et consacrés à la production des céréales ; de
larges espaces cultivés dépourvus d’habitations, celles-ci se groupant en bourgs très compacts où la
vie sociale se concentre et s’épanouit. Le trait saillant est la multiplicité des petits cultivateurs
propriétaires de leur bien. Ce qui frappe ensuite et comme une conséquence immédiate de ce qui
précède, c’est l’absence à peu près complète de nobles.
À la Plaine succède le Bocage, et, sans transition, c’est l’Ouest. Les terrains anciens - granits et schistes
- prennent possession du sol. Le régime de la propriété se transforme. Aux petites gens de la Plaine
succèdent de grands propriétaires, dominant chacun des groupes nombreux de fermiers, de
métayers, d’ouvriers agricoles. La terre, fait essentiel du point de vue des conséquences sociales,
cesse d’appartenir à celui qui la cultive. Les nobles apparaissent soudain. En même temps l’autorité
des prêtres devient énorme. Conséquence logique de ce qui précède, la carte politique reflète
exactement les mêmes contrastes. On voit ainsi que terrains anciens, population éparse, grande
propriété et politique de droite vont ensemble; tandis que terrains calcaires, population
agglomérée, propriété morcelée et politique de gauche vont de pair.
D’après A. Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République, 1913, éd. de l’Université de Bruxelles, coll. «UB Lire»,
2010 (nouvelle éd.
1) Comment Siegfried
explique-t-il les
différences de
comportement électoral?
1) Comment Siegfried explique-t-il les différences de comportement
électoral?
André Siegfried explique les différences de politiques dans l’ouest de la France par
des différences géographiques (et même plus précisément géologiques) pour expliquer
les différences de votes à droite ou de vote à gauche.
Ces paysans de l’ouest ont les mêmes caractéristiques sociologiques et la seule chose
qui diffère et qui expliquerait leur vote, c’est la nature du sol sur lequel ils vivent!
1) Quelle est la critique formulée par Paul Bois à André Siegfried et à partir quelle observation ?
2) Pourquoi les paysans de l’ouest de la Sarthe votent-ils à droite ?
3) Cette analyse remet-elle en cause l’intérêt de l’analyse du vote à partir des territoires ?
1) Quelle est la critique formulée par Paul Bois à André Siegfried et à partir quelle
observation ?
Paul Bois constate que dans la Sarthe (région de l’Ouest de la France), une moitié de la
région vote à gauche, l’autre à droite alors que le sol, l’habitat… sont strictement identiques.
Donc l’explication de Siegfried ne fonctionne pas.
Pour Paul Bois, le vote à droite d’une partie de Sarthe s’explique par les effets
d’événements ayant eu lieu il y a près de deux siècles et qui n’ont cessé de marquer les
identités politiques jusqu’à aujourd’hui.
En généralisant cette approche, on peut les comportements électoraux par l’étude des
effets d’événements historiques qui auraient marqué une population particulière.
3) Cette analyse remet-elle en cause l’intérêt de l’analyse du vote à partir des territoires ?
Non, cela ne remet pas du tout en question cette analyse en termes de territoires
puisque les populations particulières marquées des événements historiques vivent sur
des territoires particuliers de générations!
« Ce sont les départements où l’on vote le plus
Front national où l’on trouve le plus faible taux
d’immigrés dans la population » : on pourrait
résumer ainsi ce paradoxe qui est presque
devenu un lieu commun tant il est souvent
évoqué.
Il se vérifie pour partie : par exemple, dans la
Haute-Marne, où l’on vote dans certains
villages à plus de 90 % pour le Front national,
notamment par crainte de l’immigration, le
taux d’immigrés est de 3,8 %, deux fois moins
que la moyenne nationale (8,7 %).
L’Insee définit un immigré comme « une
personne née étrangère dans un pays étranger
et résidant en France ».
Mais peut-on établir une réelle corrélation entre vote FN et absence d’immigrés ? Nous
avions déjà tenté de répondre à cette question au moment des élections des députés
européens, en mai 2014… et trouvé, à tout le moins, une absence de corrélation entre la
proportion d’immigrés et le vote FN.
C’est encore le cas avec cette élection. Nous avons calculé le coefficient de corrélation, c’est-
à-dire l’intensité de la relation entre le pourcentage d’immigrés et le vote frontiste : celui-ci
est de – 0,28 (vous pouvez consulter nos données ici)
II) Les variables lourdes du comportement électoral
L’indice d’Alford
Le sociologue américain Robert Alford (1963) mesure ce «vote de classe» à l’aide d’un indicateur simple
portant son nom, promis à un grand avenir. L’indicateur retient deux classes, celles des ouvriers et celle
des non-ouvriers, et deux votes, de gauche (travailliste) ou de droite (conservateur). Il se calcule par
soustraction entre la proportion des ouvriers (manuels) et celle des non- ouvriers (non-manuels) qui
votent pour la gauche. Si à une élection donnée tous les ouvriers votent pour la gauche (100 %) et
aucun des électeurs non- ouvriers (0 %), l’indicateur prend la valeur 100, c’est un vote de classe parfait.
III) Comment expliquer la volatilité électorale?
Transition: Souvent, la structure sociale et la sociologie de l’électorat évoluent peu et pourtant on
observe une évolution dans les pratiques électorales et notamment la volatilité électorale…
Comment peut-on alors les expliquer?
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1) Vote sur enjeu remettrait en cause le poids des
variables lourdes. L’électeur, quels que soient les
déterminismes sociaux qui pèsent sur lui… serait prêt à
envisager tous les choix en fonction des enjeux propres
à chaque élection. Enjeux qui peuvent apparaitre de
façon exogène ou être mis en avant par les candidats.
3) En fonction de l’enjeu identifié, c’est après une
analyse détaillée des programmes que l’électeur ferait
son choix..
2) Non, cette comparaison exagère sans doute la rationalité des agents… et sous-
estime la forte dimension identitaire du vote. (Etre de gauche…), qui n’existe pas
pour une lessive!
4) Critiques: pas réaliste: quand on interroge les électeurs sur leur niveau de connaissance
des programmes, il est souvent faible…
N’explique pas bien la constance du vote… mais pourrait expliquer une certaine volatilité.
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1) Volatilité électorale: ne pas toujours voter pour le même parti, très importante pour
comprendre les alternances politiques.
2) ne pas toujours aller voter… (abstentionnisme intermittent); voter pour des candidats
différents (dans la même famille politique) ou d’une autre famille politique (plus rare).
3) L’abstentionnisme intermittent progresse bcp plus vite que les autres formes de volatilité et explique la majeure
partie de la montée de la volatilité. Plus la distance entre deux partis est grande moins la volatilité croisée de leurs
électorat est probable.
4) Remise en question du vote sur enjeux: les électeurs ne seraient pas plus consuméristes…mais ils se
rendraient moins compte des différences entre les candidats, se repérant mal dans l’espace
gauche/droite…
IV) Comment interpréter l’abstention?:
les femmes sont plus souvent abstentionnistes que les femmes, signe de leur
moindre intégration à la sphère politique.
Les jeunes sont plus souvent abstentionnistes que les vieux : effet de génération ?
D’âge ? socialisation politique inachevée ?
employés/ouvriers sont plus souvent abstentionnistes que les autres actifs :
démobilisation dans les quartiers populaires ?
les individus qui n’ont pas le bac sont plus souvent que ceux qui ont le bac :
sentiment d’incompétence ?
Femme jeune, employée, ouvrière ou inactive, sans le bac, qui ne s’intéresse pas à la
politique.
Les individus qui déclarent un faible intérêt pour la politique sont plus souvent
abstentionnistes que les autres : abstentionnisme hors-jeu ?
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1) Taux d’inscription= 71%; taux de participation au 1er tour de la présidentielle = 60%; taux de
participation régulière= 30%!
2) Faible intégration sociale, faible sociabilité, faible contrôle social des groupes
primaires…
3) Malinscription, indifférence pour la politique… et affaiblissement des liens
sociaux: la norme sociale « aller voter » ne s’impose plus…
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